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Intervention de Jean-Michel Clément

Réunion du 6 octobre 2009 à 15h00
Fusion des professions d'avocat et d'avoué — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément :

Comment se prononcer sur un texte dont on ne connaît pas la teneur ? Rappelons-le : nous dénonçons non seulement le coeur froid de la droite, mais une atteinte à nos principes constitutionnels. La loi provoquera en effet une rupture caractérisée du principe d'égalité devant les charges publiques, méconnaissant ainsi l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Le Conseil constitutionnel, garant du respect du bloc de constitutionnalité, a invoqué cet article chaque fois que la collectivité entendait faire peser, au nom de l'intérêt général, des charges particulières sur une catégorie de citoyens ou d'administrés. Or comment nier que la suppression complète de la profession d'avoué fait peser une telle charge sur les salariés concernés ? Dans sa décision n° 2000-440, le juge constitutionnel exigeait non seulement une juste indemnisation des salariés, mais aussi l'existence de possibilités de reclassement. Une telle jurisprudence expose le projet qui nous est soumis à la censure du Conseil constitutionnel.

À cet égard, il n'est pas responsable de renvoyer à un décret le soin de préciser « les modalités de désignation et de fonctionnement du fonds d'indemnisation », « les modalités de reclassement des avoués et de leurs collaborateurs » ou « du sort de la bourse commune ». Ce sont autant d'aveux d'incompétence du législateur, qui aurait dû poser lui-même les garanties de nature à protéger les salariés menacés.

Enfin, la brutalité de la réforme risque de coûter cher au service public de la justice autant qu'aux justiciables. Le Gouvernement a perdu de vue la question essentielle : la réforme apportera-t-elle un progrès au justiciable ?

Les risques de dysfonctionnement sont bien réels. Plusieurs voix se sont fait entendre pour alerter le Gouvernement sur l'impréparation de la réforme. Manuel Ducasse, vice-président de la conférence des bâtonniers, l'a mis en garde contre une réforme trop vite engagée. Le projet ne tient aucunement compte des contraintes technologiques qu'elle implique. En effet, il ne suffit pas de déclarer la nécessité de dématérialiser des actes de procédure. Ni les avocats ni les greffes n'y sont techniquement préparés à ce jour. Une telle précipitation pourrait se traduire par de graves dysfonctionnements, par une perte de temps et par une surcharge de travail pour les greffes.

Pour les justiciables, la réforme aura également un impact négatif. Le coût des procédures d'appel risque de s'élever, alors que l'objectif du Gouvernement était au contraire de les faire baisser. À l'entendre, le recours obligatoire à l'avoué, dont les émoluments s'ajoutent aux honoraires de l'avocat, est mal perçu par les justiciables. En supprimant la profession d'avoué et en les plaçant face à un professionnel unique, il voudrait faire baisser les coûts qu'ils supportent. Mais l'argument ne résiste pas à l'analyse. Les sommes aujourd'hui perçues par les avoués le seront demain par les avocats – à cette différence près que les honoraires appliqués par les avocats seront libres, alors qu'aujourd'hui, dans un souci d'égalité sociale, ils sont réglementés.

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