Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 22 septembre 2009 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • HADOPI
  • artiste
  • culturelle
  • internet
  • pénale

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi pénitentiaire…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

…adopté par le Sénat après déclaration d'urgence (nos 1506, 1899).

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Dans les explications de vote sur l'ensemble, la parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Madame la ministre de la justice, monsieur le secrétaire d'État à la justice, j'observe, tout d'abord, que vous avez fait à l'Assemblée nationale et au Sénat l'affront de déclarer l'urgence sur ce projet de loi, pourtant présenté comme fondamental par le Gouvernement. Comment pouvez-vous prétendre améliorer la condition pénitentiaire dans ces conditions ?

Ensuite, ce projet de loi est un texte régressif, pour plusieurs raisons.

Premièrement, on ne peut pas nous expliquer à la fois qu'il faut voter des lois répressives qui conduisent des gens en prison – je pense en particulier aux textes sur les peines plancher et sur la récidive, ainsi qu'à cette loi honteuse sur la rétention de sûreté – et que l'on va améliorer la condition des détenus dans les lieux de privation de liberté.

En effet, la politique menée par votre gouvernement depuis 2002 est à l'origine d'une surpopulation carcérale sans équivalent dans les autres pays d'Europe. Quelques chiffres. Dans seize maisons d'arrêt, cette surpopulation est supérieure ou égale à 200 % ; les prévenus peuvent ainsi se retrouver jusqu'à trois dans une cellule de 9 m2, vivant dans des conditions d'hygiène et d'insalubrité dénoncées par tous les organismes internationaux, condamnées par la Cour européenne des droits de l'homme et par le Comité de prévention de la torture, qui les qualifie d'« indignes et inhumaines ». Dans cinquante et un établissements de privation de liberté, la surpopulation oscille entre 120 % et 140 %. Une telle situation n'est pas digne d'une grande démocratie !

Deuxièmement, lorsque, comme beaucoup de mes collègues, je pénètre dans ces lieux de privation de liberté, qu'il s'agisse de maisons d'arrêt ou de centres de détention, je vois bien l'arbitraire qui peut y régner et l'humiliation imposée à ceux qui y sont enfermés pour payer une dette vis-à-vis de la société. Ainsi que nous l'avons répété au cours de ce débat dans lequel nous avons été peu entendus, la prison est le lieu, non pas de l'expiation, mais de l'exécution de la peine. Or, lorsqu'il s'est agi d'apporter quelques petites améliorations à la situation actuelle des détenus dans nos prisons – je pense en particulier à l'aménagement des peines –, on s'est aperçu que vous étiez guidés par une seule obsession, celle de la politique sécuritaire.

Celle-ci a, du reste, gagné vos nouveaux convertis, qui nous expliquent, la semaine dernière, que l'on va supprimer les tests ADN pour des raisons, non pas éthiques, mais techniques, et qui se livrent aujourd'hui, pour satisfaire l'aile la plus conservatrice de la majorité, à une opération de ratissage indigne de notre pays, en chassant de ce que l'on appelle la « jungle » des damnés de la terre. Il paraît que l'on envoie des troupes en Afghanistan pour que ces hommes et ces femmes qui fuient la tyrannie puissent vivre sous des latitudes plus clémentes, mais, lorsqu'ils viennent chez nous, on les chasse manu militari ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC. –Protestations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Oui, mesdames, messieurs de la majorité, il convient de rapprocher ce qui s'est passé ce matin de ce projet de loi pénitentiaire, d'autant plus régressif du point de vue républicain que, comme l'a très bien souligné celle qui fut une grande garde des sceaux, Mme Guigou (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – « Ah ! » sur les bancs des groupes UMP et NC), qui a fait voter la loi de juin 2000, il remet en cause le principe de l'encellulement individuel.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Alors qu'il était possible de mener une politique d'exécution des peines qui associe les aménagements de peine et le principe de l'encellulement individuel,…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

C'est un repris de justice qui parle, un destructeur de la propriété privée !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

…on s'arrange d'une situation pourtant ingérable en posant une sorte de pansement sur ce grand corps malade qu'est notre société, qui n'accepte pas de regarder en face la réalité de la situation dans les prisons, dans les maisons d'arrêt et, plus généralement, dans les lieux de privation de liberté.

Par ailleurs, nous avons dénoncé et nous continuons de dénoncer le principe du régime différencié, que vous avez introduit dans le projet de loi et qui permettra à l'administration pénitentiaire de désigner les bons et les mauvais détenus, de sorte que l'on reviendra peut-être à ce que la gauche a courageusement supprimé : les quartiers de haute sécurité. Car la gestion des détenus se fera désormais à la tête du client et en fonction de sa résistance à l'administration pénitentiaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je n'ai pas terminé, monsieur le président. (Protestations sur les bancs des groupes UMP et NC.) Vous avez ouvert la séance avec cinq minutes de retard ; souffrez que nous dépassions notre temps de parole de trente secondes.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Le président a tous les droits et il n'a plus de devoirs !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Merci, monsieur Mamère !

La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Au nom de mes collègues du Nouveau Centre, j'annonce que nous voterons ce texte important. M. Mamère vient d'indiquer qu'il regrettait la procédure d'urgence. Or il y avait urgence à voter un projet de loi pénitentiaire,…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

…tant la situation dans les prisons françaises est difficile. Le Président de la République lui-même a qualifié cette situation de honteuse lors du Congrès de Versailles.

Quant à la politique menée par la majorité dans ce domaine depuis 2002, nous la revendiquons, monsieur Mamère. Outre des augmentations sensibles de crédits, elle s'est traduite par la création du contrôleur des prisons et par un plan de construction de prisons sans précédent, qui permettra de disposer en 2012, c'est-à-dire à la fin de la législature, de 62 000 places de prison pour faire face à la surpopulation carcérale, tant dénoncée dans cet hémicycle. Une commission d'enquête parlementaire a été créée sur le sujet, qui a abouti à l'élaboration d'un rapport.

Madame la garde des sceaux, je veux saluer ici le travail des parlementaires, notamment de notre rapporteur, M. Garraud, qui ont tenté d'améliorer ce texte pour mettre notre législation en conformité avec les normes européennes. Le groupe Nouveau Centre a, quant à lui, déposé des amendements sur le volet formation, afin que les régions expérimentent un dispositif de formation et d'accès au travail, gages de réinsertion pour les détenus. Je pense également à la généralisation des caméras dans les lieux publics des prisons, qui contribuera grandement à apaiser la situation.

Néanmoins, nous avons un désaccord sur l'aménagement des peines, dont vous avez porté le seuil à deux ans. Madame la garde des sceaux, vous vous êtes engagée solennellement à faire en sorte que ces aménagements soient exclus pour les récidivistes et les auteurs de crimes sexuels, ce dont nous vous donnons acte. Au nom du groupe Nouveau Centre, je vous réaffirme notre volonté d'une meilleure exécution des peines. Je rappelle que 4 millions d'euros de crimes et délits sont commis chaque année en France ; nous disposons d'une capacité de 600 000 jugements ; les tribunaux prononcent chaque année 100 000 peines de prison, mais le scandale est que 40 000 d'entre elles ne sont jamais exécutées.

Le groupe du Nouveau Centre est tout à fait favorable, et a pris position en faveur des mesures d'humanisation des prisons, de la situation des détenus et des personnels pénitentiaires. Cette exigence doit toutefois se concilier avec celle de la fermeté : afin de ne pas oublier les victimes, il est nécessaire que la peine de prison reste une sanction, comme le souhaite la société.

Madame la garde des sceaux, cette loi pénitentiaire constitue un grand pas (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), mais nous serons vigilants en ce qui concerne les décrets d'application. En ce qui concerne l'encellulement individuel, nous avons une nouvelle fois reporté l'échéance,…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

…mais je suis sûr que la construction des 60 000 places de prison prévues permettra d'atteindre cet objectif pour 2012.

Madame la garde des sceaux, les députés du Nouveau Centre voteront ce texte et je vous remercie de l'écoute que vous avez accordée à nos amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, je fais d'ores et déjà annoncer dans l'enceinte de l'Assemblée nationale le scrutin public sur le vote de l'ensemble du projet de loi.

Pour le groupe UMP, la parole est à M. Étienne Blanc.

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Blanc

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous venons d'avoir trois jours de débats riches sur un sujet complexe : concilier l'impérieuse nécessité d'exécuter les sanctions, notamment les peines d'emprisonnement, et le respect des droits essentiels des personnes placées sous main de justice. Pour l'UMP, ce texte atteint le double objectif qui lui était assigné et nous regrettons que, de l'autre côté de cet hémicycle, certains ne reconnaissent pas, comme l'a fait le Sénat, la véritable avancée que constitue ce texte – ainsi, le 3 mars 2009, M. Robert Badinter affirmait qu'il s'agissait d'une grande loi.

Il nous faut aussi rappeler que cette loi répond à un engagement du Président de la République pris devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles le 22 juin. Constatant que la situation de nos établissements pénitentiaires n'était pas convenable et souvent dégradante, le Président de la République avait affirmé que cette situation devait faire l'objet d'un traitement prioritaire parmi nos politiques publiques.

Le texte qui nous est aujourd'hui soumis répond à ces impératifs. Premièrement, il confie à la loi, en application de l'article 34 de notre Constitution, des pans entiers de notre droit qui, jusqu'à présent, étaient de nature réglementaire. Le contrôle du législateur se trouve ainsi renforcé. Nous sommes en charge de surveiller les libertés publiques ; il était temps qu'un texte le dise clairement.

Deuxièmement, nous avons mis en place une série de dispositifs dans le cadre d'un principe simple : les personnes placées dans un établissement pénitentiaire jouissent de tous les droits dont doivent jouir les citoyens, sauf celui d'aller et venir. Ainsi, nous allons renforcer le droit à l'information, les droits à la santé et au travail, bref, un certain nombre de droits essentiels aux libertés individuelles.

Deux articles ont fait l'objet d'une discussion particulière au sein du groupe UMP. Il s'agit d'abord du dispositif permettant d'aménager les peines jusqu'à deux ans, ce qui devrait permettre de remédier au fait qu'à l'heure actuelle, 30 000 peines ne sont pas exécutées. Il vaut mieux 30 000 peines exécutées sous un régime d'aménagement que 30 000 peines non exécutées.

Le second débat a porté sur l'encellulement individuel. Fallait-il que nous affichions un principe qui n'aurait pas été respecté dans les années 2010, 2011 ou 2012 ? Nous avons préféré y voir un objectif et soutenir le plan de financement pour la construction de nouveaux établissements et le réaménagement d'anciens établissements ; permettre aux détenus qui le souhaitent d'être encellulés collectivement, mais fixer, pour l'avenir, le principe d'un encellulement individuel. Respecter les engagements qui figurent dans la loi est un principe fort.

Pour toutes ces raisons, madame la ministre d'État, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe UMP votera ce texte qui, en renforçant les droits des personnes détenues dans le respect des engagements internationaux de la France, est à l'honneur de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la majorité vient de rater l'occasion de faire un grand pas vers plus d'humanité et d'efficacité dans notre système pénitentiaire. Suroccupation, promiscuité, violence, arbitraire, droits étriqués des détenus, illettrisme, faible niveau de formation, état de santé médiocre, troubles psychiatriques, alcoolisme, toxicomanie, vagues de suicides touchant aussi bien les détenus que le personnel pénitentiaire, tel est le sombre tableau des prisons françaises, dans lesquelles plus de 80 % des détenus purgent des peines inférieures à un an d'emprisonnement.

Face à cette situation et malgré la déclaration d'urgence, qui a laissé peu de place au débat, la gauche a fait, à l'Assemblée, un travail sérieux et approfondi, tout comme l'avait fait, au Sénat, le rapporteur Lecerf, qui avait su écouter la gauche conduite par Robert Badinter. Ici, hélas, la quasi-totalité de nos amendements destinés à donner un sens à la peine a été rejetée. Le résultat de ce débat est grave, désespérant, d'autant que le texte auquel vous avez abouti constitue une régression par rapport à celui du Sénat sur trois points essentiels.

Premièrement, vous régressez sur l'aménagement des peines comprises en un et deux ans de prison pour les récidivistes et ceux supposés récidiver, alors qu'ils sont certainement ceux ayant le plus besoin de ces aménagements.

Par ailleurs, sur le régime différencié que vous vous obstinez, madame la ministre, à nous présenter comme une individualisation des peines alors que cette mesure sera purement disciplinaire, vous mélangez les genres, le régime différencié allant à l'encontre du principe même selon lequel seul le juge est habilité à prononcer une peine. La vraie solution aurait évidemment été ailleurs : après observation approfondie du condamné, son parcours d'exécution de peine aurait été ordonné par le juge d'application des peines, et non par l'administration, dont ce n'est pas la fonction.

Enfin, en dépit de votre présentation, le recul est total sur un principe fondamental, celui de l'encellulement individuel voté par l'unanimité par l'Assemblée nationale et le Sénat dès 2000. Ce principe est remplacé par un libre choix du détenu, qui ne s'appliquera au mieux que dans cinq ans, en 2014. Je vous rappelle qu'en 2006, une consultation auprès de 10 000 détenus a démontré que 84 % d'entre eux, s'ils en avaient le choix, opteraient pour une cellule individuelle. Depuis le décret pris par votre prédécesseur en 2008, seuls 500 détenus en ont fait la demande. Comment s'en étonner quand l'encellulement individuel n'est acquis qu'au prix de l'éloignement à plusieurs centaines de kilomètres, donc de la rupture avec les liens familiaux, si précieux en termes de réinsertion ?

Nous attendions mieux, nous attendions plus de cette loi pénitentiaire, madame la ministre. Nous attendions que les droits de la personne détenue soient affirmés avec plus de force, que la dignité lors des fouilles soit respectée, qu'un effort bien plus important soit apporté à la formation, à la santé, aux conditions de travail. Nous attendions que l'administration pénitentiaire soit rétablie dans son rôle, son personnel mieux considéré, et que les droits et devoirs des détenus soient réaffirmés. Nous attendions que les amendements sur le numerus clausus de notre collègue Dominique Raimbourg ne soient pas écartés d'emblée. Nous attendions plus d'imagination et de souplesse dans l'aménagement des peines. Nous espérions qu'après 130 ans d'attente, l'encellulement individuel devienne enfin une réalité. Nous espérions en finir avec « la honte de la République », comme le disait le Président de la République à Versailles au mois de juin. Pleins de déception et d'amertume face à cette occasion manquée, nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 529

Nombre de suffrages exprimés 525

Majorité absolue 263

Pour l'adoption 308

Contre 217

(Le projet de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, vous comprendrez qu'à l'issue d'un vote adoptant une loi si importante, je souhaite exprimer des remerciements. Ceux-ci vont d'abord au rapporteur, Jean-Paul Garraud, qui a fait un travail remarquable, mais également à chacune et chacun des orateurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Que ce soit en commission ou en séance publique, le débat sur ce texte n'a jamais été médiocre. Certes, nous avons entendu – notamment il y a quelques minutes – quelques exagérations verbales et un certain nombre de contrevérités, comme si le débat devait forcément passer par de telles expressions. Mais, dans l'ensemble, je tiens à souligner que, face à un véritable problème de société, chacun a fait preuve de responsabilité.

Aujourd'hui, nous avons un texte qui représente une véritable avancée, une véritable modernisation de notre système pénitentiaire, un texte qui était effectivement attendu depuis longtemps – et qui n'avait pas été adopté par les majorités précédentes, contrairement à ce que M. Blisko semblait attendre. On peut toujours protester et se lancer dans de grandes envolées déclamatoires, ce qui compte avant tout, c'est ce que l'on fait – ce qu'ont fait, en l'occurrence, les députés de la majorité.

Je crois que cette modernisation va permettre à nos prisons de remplir leur triple finalité de protection de la société, de sanction de la faute, mais aussi de réinsertion des personnes. En effet, n'oublions jamais qu'après la prison, il y a un retour à la société, et que notre rôle est de préparer ceux qui vont sortir afin d'éviter qu'ils ne récidivent. Le texte que vous avez discuté et voté, mesdames et messieurs, est un texte équilibré qui prend en compte les évolutions de notre société. C'est un texte respectueux de la dignité des personnes détenues, mais également un texte qui souligne la valeur et la reconnaissance que nous devons avoir à l'égard des personnels pénitentiaires.

Bien entendu, ce texte va maintenant s'inscrire dans le cadre plus large de la politique pénitentiaire, avec la construction, voulue par le Président de la République, de nouveaux établissements. Nous allons également procéder à une modernisation de ce qui se passe à l'intérieur des établissements, avec une augmentation des activités, un développement et une diversification de l'activité de travail pour les prisonniers.

Je crois qu'il s'agit là effectivement d'un grand texte, comme cela a été reconnu dans un autre hémicycle que celui-ci, un texte digne de notre pays et répondant à nos engagements européens. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Vote sur l'ensemble

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures trente, est reprise à quinze heures quarante.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet (1927).

La parole est à M. Franck Riester, rapporteur de la commission mixte paritaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Monsieur le Président, madame la ministre d'État, ministre de la justice et des libertés, monsieur le ministre de la culture et de la communication, madame la présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi les conclusions de la commission mixte paritaire, adoptées hier après-midi par le Sénat, sur le projet de loi relatif à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Depuis la signature des accords de l'Élysée il y a maintenant deux ans en novembre 2007, le débat démocratique portant sur la lutte contre le téléchargement illégal et sur le financement de la création culturelle était attendu. Et ce débat, mes chers collègues, nous l'avons eu, au cours de cette année 2009 : nous avons débattu plus de trente-six heures au mois de juillet, qui se sont ajoutées aux quelque soixante-quatorze heures de débats consacrées au texte « Création et internet », dit « HADOPI 1 » – sans oublier bien sûr le travail réalisé au sein des différentes commissions. Notre assemblée a pleinement joué son rôle sur ces deux projets de loi, dans l'intérêt de notre exception culturelle.

Je tiens à saluer le travail des sénateurs. Nous avons pu, au cours de nos discussions en commission mixte paritaire, valider les nombreuses améliorations qu'ils ont pu apporter au projet de loi. Composé initialement de cinq articles, ce projet de loi en comportait douze après son passage au Sénat, et treize après son examen par notre assemblée.

Je n'oublie pas non plus le travail que vous avez effectué, mes chers collègues. Nos débats, en plein coeur du mois de juillet, furent passionnés et souvent de qualité. Je regrette simplement que l'obstruction parfois menée par certains de nos collègues, qui ont sur certains articles déposé un grand nombre d'amendements semblables.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Je tiens aussi à rendre hommage aux deux ministres, Michèle Alliot-Marie et Frédéric Mitterrand, qui ont su, à force de conviction et de patience, faire oeuvre de pédagogie.

Fait rare, la commission mixte paritaire est parvenue, mercredi dernier, à un vote conforme du texte issu de l'Assemblée. C'est la preuve que le texte qui nous est soumis aujourd'hui à la représentation nationale est équilibré.

Comme le texte « HADOPI 1 » qu'il complète, ce texte vise à mieux protéger la création artistique dans notre pays, à l'ère numérique, afin d'asseoir son dynamisme et d'assurer son avenir.

C'est tout l'enjeu de ces deux projets de loi qui reposent, je le rappelle, sur deux piliers essentiels et indissociables.

Il s'agit d'abord de mieux lutter contre le téléchargement illégal sur internet : c'est le mécanisme de la réponse – ou riposte – graduée, que prévoit le texte « Création et internet ». La mise en place de cette réponse, préventive et pragmatique – envoi d'un premier courrier électronique d'avertissement, puis éventuellement d'un second message accompagné d'une lettre recommandée au domicile de l'internaute – incombera à la Haute Autorité qui instruira les dossiers.

Si l'internaute persiste, une sanction adaptée et proportionnée pourra être prise. À la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 10 juin 2009, cette sanction pourra être prise par le juge, et lui seul, sur la base de deux fondements juridiques distincts : le délit de contrefaçon ou la contravention pour négligence caractérisée. Ce mécanisme de prévention sera opérationnel dès cet automne ; les premiers avertissements seront envoyés dès le début de l'année prochaine.

Ensuite, il faut permettre le développement d'une offre légale riche et attractive. En supprimant les mesures anti-copie, en imposant un nouveau régime pour la chronologie des médias qui permet désormais de voir un film en vidéo à la demande ou en DVD quatre mois après sa sortie en salle, le législateur avait déjà joué pleinement son rôle au printemps dernier.

Notre pays dispose à présent d'un cadre juridique clair. Reste maintenant au monde de la création à trouver les solutions innovantes pour évoluer dans ce nouvel environnement numérique. En ce sens, j'ai toute confiance en la mission confiée par le ministre de la culture et de la communication, Frédéric Mitterrand, à Patrick Zelnick, Jacques Toubon et Guillaume Cerutti pour faire des propositions concrètes sur la rémunération des créateurs et le financement des industries culturelles à l'ère du numérique.

Sous l'autorité de sa présidente, Michèle Tabarot, la commission des affaires culturelles et de l'éducation devra aussi être en mesure d'apporter des réponses ambitieuses pour le financement de la création.

Les principales améliorations et précisions apportées par notre assemblée, et validées par la commission mixte paritaire, sont notables.

Des auditions et de nos débats en séance publique s'est dégagée une double nécessité : améliorer le fonctionnement de l'autorité administrative indépendante, la HADOPI, et apporter encore plus de garanties aux citoyens.

Ainsi, sur proposition de votre rapporteur, toute référence aux correspondances privées a été supprimée dans l'ensemble du texte. L'action de la HADOPI, puis du juge, se limitera désormais aux délits de contrefaçon sur les réseaux de « communication au public en ligne ». Les e-mails sont donc explicitement exclus du cadre du projet de loi. Ce fut d'ailleurs, à la fois dans HADOPI 1 et HADOPI 2, un grand sujet de discussion dans cet hémicycle au-delà de tout clivage politique.

À l'article 1er du projet de loi, nous avons précisé que les agents de la HADOPI devront être assermentés « devant l'autorité judiciaire » et ne seront habilités à constater que « les faits susceptibles de constituer des infractions », et non les infractions elles-mêmes. Ce dernier amendement a été adopté à l'unanimité en commission afin de clairement disjoindre l'instruction, que le texte confie à la HADOPI, et la décision de suspension, qui doit incomber au juge.

Par ailleurs, du fait de la judiciarisation de la procédure, nous avons tenu à prévoir, à l'article 1er, que la deuxième recommandation envoyée par la HADOPI – avant une éventuelle coupure de l'accès à internet – soit obligatoirement assortie d'une lettre recommandée.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

À l'article 2, l'utilisation des ordonnances pénales a été limitée aux seuls délits de contrefaçon commis sur internet.

Par ailleurs, les victimes de ces contrefaçons pourront demander à se constituer partie civile dès la procédure d'ordonnance pénale, afin d'obtenir d'éventuels dommages et intérêts.

La définition de la négligence caractérisée a été précisée à l'article 3 bis, en indiquant notamment qu'elle « s'apprécie sur la base des faits commis au plus tard un an après l'envoi de la recommandation ». Par ailleurs, la date de présentation de la recommandation de la HADOPI – et non plus la date d'envoi – fera courir les délais permettant de caractériser la négligence de l'abonné à internet.

Enfin, à l'article 3 ter A, nous avons tenu à mieux encadrer le prononcé de la peine de suspension de l'accès à internet en précisant les critères qui doivent guider l'action du juge qui prononce la peine, dans le respect du principe de proportionnalité.

Au moment ou nous sommes appelés à voter définitivement sur ce texte, rappelons-nous, mes chers collègues, l'urgence économique et sociale qui fonde notre action. Depuis de nombreuses années, le téléchargement illégal est un fléau qui gangrène les filières culturelles de notre pays, détruit des milliers d'emplois d'hommes et de femmes qui travaillent dans ces filières et menace de consumer, à petit feu, notre exception culturelle.

La réponse graduée doit permettre, par une approche avant tout pédagogique, de changer certains comportements de nos concitoyens et de faire respecter des règles communes sur internet. La réponse graduée doit permettre de casser la spirale du téléchargement illégal, cette concurrence déloyale qui bride aujourd'hui l'essor des offres légales sur internet.

Ce n'est certes qu'une première étape, mais elle se révèle être indispensable pour poser les jalons d'une nouvelle ambition…

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

…celle d'accompagner les professionnels de la culture et de la création de notre pays dans la révolution numérique et de les financer d'une façon pérenne et suffisante.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

C'est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à voter le texte issu de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Monsieur le président, madame la ministre d'État, madame la présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, cher Franck Riester, mesdames et messieurs les députés,…

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

…lorsque je suis venu vous présenter, le 21 juillet dernier, le présent projet de loi, j'ai tenu d'emblée à le replacer dans une perspective plus vaste.

J'ai toujours souligné que ce dispositif était, à mes yeux, nécessaire, mais non suffisant.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Pour moi, la régulation de l'internet prévue par ce projet et par le précédent, qu'il vient compléter pour tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel du 10 juin dernier, n'est qu'un premier jalon.

C'est le préalable indispensable à une deuxième étape : le développement de nouvelles offres culturelles sur internet et de nouvelles sources de rémunération pour les créateurs.

J'ai donc lancé, il y a quelques jours, une concertation de tous les acteurs de la culture mais aussi de l'internet. J'ai confié cette mission à des personnalités éminentes, indépendantes et respectées de tous : Patrick Zelnik, Jacques Toubon et Guillaume Cerutti.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Des personnalités pas indépendantes, c'est là le problème !

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Jacques Toubon n'est pas un républicain, il est à l'UMP !

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Ils seront enchantés de vous rencontrer si vous le souhaitez.

Avant la fin du mois de novembre, je ferai des propositions au Président de la République et au Premier ministre. Tous les créateurs de notre pays les attendent, il faut agir vite, et j'y suis déterminé.

Vous le voyez, pendant que le Parlement accomplissait les travaux nécessaires à la discussion et à l'adoption du présent projet de loi, je ne suis pas resté inactif, loin de là.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Je souhaite faire en sorte que le dispositif qu'il instaure, celui de la collaboration entre la HADOPI et les autorités judiciaires, prenne tout son sens aux yeux de nos concitoyens : celui d'un mécanisme essentiellement pédagogique de lutte contre le piratage, indissociable de la mise en place d'un nouveau modèle de diffusion et de financement des oeuvres culturelles. C'est ainsi que nous garantirons son applicabilité et son efficacité.

Après la présentation, par votre rapporteur, du projet de loi et des améliorations apportées par la commission mixte paritaire, je m'abstiendrai de revenir sur le dispositif.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Je préfère saisir cette occasion pour continuer à dénouer, inlassablement, les idées fausses dont est tissée l'incompréhension avec laquelle ce texte est parfois accueilli.

Je rappelle d'abord que l'édifice dont nous allons poser la dernière pierre n'a pas été imaginé par des technocrates coupés des réalités…

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

…mais par les acteurs de la culture et de l'internet eux-mêmes. Il est l'application des accords historiques signés à l'Élysée le 23 novembre 2007…

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

…par un ensemble de près de cinquante organisations représentatives et entreprises de la musique, du cinéma, de la télévision, et par tous les fournisseurs d'accès à internet.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Ensuite, les deux lois apportent des avancées considérables pour le consommateur.

D'abord, elles accélèrent la mise à disposition des films : désormais, ceux-ci seront disponibles en DVD et en VOD à peine quatre mois après leur sortie en salles, au lieu de six mois et sept mois et demi autrefois.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Voilà une vraie mesure concrète qui va changer le comportement du consommateur.

Ensuite, les maisons de disques ont retiré tous les « verrous numériques » anti-copie des morceaux de musique téléchargés à l'unité. Désormais, quand on achète en ligne une musique, on pourra la copier pour son usage personnel et familial aussi facilement qu'une cassette autrefois.

L'autre point sur lequel je veux revenir, et qui est peut-être le plus important après les polémiques déraisonnables, disproportionnées, auxquelles les deux lois ont donné lieu, c'est que, contrairement aux caricatures, leur vocation est essentiellement pédagogique.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Le coeur de leur mécanisme réside dans les rappels à la loi envoyés par la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet. Les sanctions n'ont été pensées que comme une force de dissuasion, qui vient coiffer la série d'avertissements envoyés par la HADOPI.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Les sanctions seront probablement assez rares, car je crois à l'efficacité de cette dissuasion.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Mais la perspective de la sanction signalera qu'internet ne doit pas être un lieu de non-droit. C'est un espace rapide, où l'on « surfe ». Pour autant, cela ne doit pas être un espace où le droit se volatilise, et devient virtuel.

Cette démarche n'est pas réactive et négative. Elle veut construire, sur le long terme, une nouvelle approche de l'internet.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Il s'agit bel et bien de poser clairement le principe d'internet comme espace civilisé – avec ce que cela implique comme protection des droits élémentaires de chacun.

Ne soyons pas naïfs : nous savons que ce que nous décidons dans le monde virtuel d'internet a des implications profonde dans le réel. Nous savons qu'il n'est pas bon de se laisser aller à l'illusion d'un monde parallèle où rien ne pèse, où triompherait l'insoutenable, l'excessive légèreté du Net.

Pascal raconte qu'un paysan qui passe la moitié de sa vie à rêver qu'il est roi vaut bien un roi qui passe la moitié de sa vie à rêver qu'il est un paysan.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Le voilà le rapport : les « arrière-mondes » que nous créons ont plus d'influence et de puissance que l'on croit sur le monde réel : ils lui empruntent, mais ils le façonnent en retour, ils lui donnent ses nouvelles formes, ses habitudes. C'est pourquoi, si internet est un formidable instrument, son champ ne doit pas être laissé en jachère juridique. Il ne doit pas échapper à notre vigilance et à la régulation qui fonde nos sociétés de droit.

Le Président de la République nous a montré ce que peut la volonté politique : renverser un dogme, celui du laisser-faire, du pillage immoral de l'économie réelle des entreprises par l'économie virtuelle des marchés financiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Les résultats sont là. Ce sont des retardements !

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Je veux faire la même chose pour le pillage des oeuvres au nom d'une liberté mal comprise. La liberté n'est pas la licence, le libéralisme n'est pas la jungle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Que veulent-ils, les démagogues du laisser-faire qui confondent la jeunesse avec le jeunisme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

La gratuité pour toutes les oeuvres des artistes, sous prétexte qu'elles sont sur la Toile ?

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

J'ai fait du numérique l'une des priorités de mon action au ministère de la culture et de la communication.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Je suis entré dans le débat sur la numérisation des imprimés entre un géant américain et la Bibliothèque nationale de France. J'ai fait en sorte que la France intervienne nettement dans le procès qui oppose Google aux éditeurs américains devant les tribunaux new-yorkais – avec un certain succès de nos thèses, semble-t-il.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

J'ai demandé qu'une part du grand emprunt soit dirigée sur cette nécessité de la modernisation de notre patrimoine qui réside dans l'accélération et la mise en cohérence de sa numérisation.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Et là où la gratuité est possible, j'ai agi concrètement et rapidement. Ainsi, j'ai décidé, dès cet été, d'appliquer la gratuité à l'entrée dans les musées et monuments nationaux pour tous les jeunes de moins de vingt-six ans qui résident régulièrement dans l'Union européenne, quelle que soit leur nationalité.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Mais la gratuité des oeuvres d'auteurs, de compositeurs, d'interprètes, de scénaristes, de réalisateurs vivants, ce ne serait magnifique que dans un monde idéal ! Le financement de leurs oeuvres est assuré non pas par l'impôt des citoyens ou les généreuses gratifications d'un mécène, comme pour les musées ou les monuments, mais par le consentement du public de leurs admirateurs à les rémunérer.

En outre, je le redis, la loi vise le grand nombre : modifier le comportement de la masse des internautes, attirer l'attention sur les conséquences du piratage pour les créateurs et sur les sanctions encourues.

Évidemment, il sera toujours possible à quelques « petits malins »…

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

…d'échapper momentanément aux sanctions en déployant beaucoup de savoir-faire, en cryptant les échanges par exemple.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Ce sera le fait d'une infime minorité, comme pour toutes les formes de délinquance, et les techniques de détection évolueront en même temps que les techniques de dissimulation.

C'est un processus éternel qui n'a jamais dissuadé de lutter contre la délinquance. Il faut arrêter avec le romantisme du « pirate » génial de l'internet et du voyou sympa et fascinant.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

C'est beaucoup moins « glamour » que cela, les pirates de l'internet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.) Ce sont des oeuvres galvaudées et de la diversité culturelle compromise.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

D'ailleurs, si notre démarche était si mal fondée, elle ne serait pas de plus en plus imitée.

On disait, on répétait que la France était isolée, qu'elle s'enferrait dans l'opposition, la confrontation.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Il semble bien plutôt, en regardant ce que font les autres pays, qu'elle était tout simplement en avance,…

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

… tant notre philosophie est désormais imitée partout :…

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

… Irlande, Taïwan, Corée du Sud, pour citer les plus proches de notre modèle. Des résultats remarquables sont déjà observés en Suède.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Voilà deux semaines encore, des annonces très fortes ont été lancées par Peter Mandelson, ministre travailliste du commerce au Royaume Uni.

Chacun sait que, dans le domaine de la culture, la France n'est pas un acteur tout à fait comme les autres,…

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

… qu'elle a toujours joué un rôle pionnier. Nous célébrons cette année le cinquantenaire du ministère de la culture et de la communication.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

On le raillait alors, sans doute en prétextant que les arts et les artistes n'avaient pas besoin du soutien public. Eh bien, pour imaginer des solutions contre le piratage, de nombreux pays, et notamment ceux que je viens de citer, nous observent, nous imitent, nous suivent même. De même que plusieurs dizaines de pays, en cinquante ans, se sont dotés d'un ministère de la culture. C'est une forme de « piratage » que nous pouvons regarder avec satisfaction.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Peu importe d'ailleurs, en un sens, le contenu exact du dispositif de protection.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Incroyable ! Comment peut-on dire ça ! C'est scandaleux !

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Les techniques vont évoluer encore avec la vitesse qui les caractérise. Mais les avancées de la technique ne doivent pas conduire à l'obsolescence des principes. Les artistes l'ont bien compris.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Les créateurs, les entreprises du cinéma, de la musique et de l'internet ont apporté un soutien massif au projet du Président de la République et au Gouvernement.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Je rappelle tout particulièrement le soutien de toutes les PME de la culture (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC. – « C'est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC), de ce réseau fourmillant des petites entreprises qui sont les premières victimes du piratage parce que ce sont elles qui prennent le plus de risques en soutenant de jeunes talents, avec des moyens parfois dérisoires.

Cette loi n'est donc pas la « loi des majors », ni de quelque intérêt particulier que ce soit. (« Mais si ! » sur les bancs du groupe SRC.) C'est la loi de tous les créateurs et des jeunes talents et, in fine, de leurs publics.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

De ceux qui j'ai vus, entendus, admirés, lors de mes déplacements à travers la France pendant tout l'été, dans des lieux où certains qui me critiquent n'étaient pas : à Marciac, Lussas, à Saintes...

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Cette loi témoigne de notre attachement aux principes fondateurs d'un espace culturel civilisé. Elle vise, dans une conception équilibrée des rapports sociaux, à conjuguer les exigences de l'accessibilité et du droit d'auteur,…

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

…de la modernité des supports et de la pérennité des principes, et recourt, pour ce faire, à un système d'accompagnement juridique des évolutions techniques et de régulation du marché.

Par là, c'est la continuité même de notre conception du monde et des valeurs défendues, depuis toujours, par l'Assemblée nationale, par-delà les clivages et les appartenances, que nous avons l'intention de promouvoir et de prolonger. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour une durée qui ne saurait excéder quinze minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Monsieur le président, madame la ministre d'État, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le 10 juin dernier, le Conseil constitutionnel infligeait un désaveu cinglant au Gouvernement en censurant le coeur même du dispositif porté dans HADOPI 1.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Il n'est pas inutile, au terme de ce débat parlementaire, de rappeler ce qui a motivé les sages de la rue de Montpensier dans leur censure, dont la portée historique a été soulignée par plusieurs constitutionnalistes.

L'un d'entre eux, Dominique Rousseau, considérait ainsi que cette censure « est nette, sans appel, claire et particulièrement motivée. C'est la plus sévère depuis une bonne dizaine d'années », ajoutant que « le Conseil constitutionnel offre une motivation particulièrement sévère, puisqu'il accuse le Gouvernement, à l'origine de cette loi, d'avoir méconnu à la fois la liberté d'expression, le principe de la séparation des pouvoirs et la présomption d'innocence ». Rien de moins !

Compte tenu de la sévérité du jugement porté par le Conseil constitutionnel sur HADOPI 1, on aurait pu penser que vous en restiez là. Or, il n'en a rien été. Vous avez préféré récidiver et persévérer dans votre erreur. Sous pression élyséenne,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

…avec un acharnement qui laisse songeur, HADOPI 2 a succédé à HADOPI 1. Et nous avons débattu, dans cet hémicycle, jusqu'à la fin de la session extraordinaire du mois de juillet, d'une nouvelle usine à gaz créant, sur le plan juridique, un véritable régime d'exception.

De fait, ce qui nous apparaît particulièrement grave au regard de ce qu'est un État de droit, c'est que HADOPI 2 ne doit son existence qu'à votre détermination à contourner la décision du Conseil constitutionnel,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

…qui a estimé que seule l'intervention du juge permettait de garantir la liberté d'expression et de communication. C'est ainsi en responsabilité que vous avez délibérément fait le choix d'une justice expéditive.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Nous avons, une fois encore, tenté de faire valoir nos arguments le 16 septembre dernier lors de la réunion de la commission mixte paritaire. Mais rien n'y a fait ; le texte voté la veille à l'Assemblée nationale n'a pas évolué d'un pouce.

Nous avons ainsi défendu un amendement visant à supprimer les alinéas 3 à 5 de l'article 1er concernant le recours aux ordonnances pénales pour le délit de contrefaçon commis au moyen d'un service de communication au public en ligne : rejeté !

Nous avons défendu un amendement indiquant qu'aucune décision de suspension de l'accès à internet ne pouvait être prononcée si elle provoquait une dégradation du service de téléphonie ou de télévision : rejeté !

Nous avons défendu un amendement contre la double peine et visant à dégager les abonnés dont l'accès à internet aurait été suspendu de l'obligation de verser le prix de leur abonnement au fournisseur du service avec, à la clé, la résiliation sans frais de leur abonnement : rejeté !

Nous avons défendu un amendement prévoyant qu'aucune sanction ne pourra être prise à l'égard du titulaire de l'accès internet si l'infraction est le fait d'une personne ayant frauduleusement utilisé cet accès : rejeté !

Nous avons défendu un amendement tendant à exonérer les personnes morales de toute responsabilité pénale en cas d'infraction commise à partir de leur adresse IP : rejeté !

Nous avons défendu un amendement tendant à exonérer les abonnés qui auraient téléchargé illégalement des oeuvres ne faisant plus l'objet d'aucune exploitation depuis une durée manifestement conforme aux usages de la profession : rejeté !

Cette réunion de la commission mixte paritaire n'aura finalement eu qu'un seul objectif : en finir avec HADOPI ! À tel point d'ailleurs que les membres de la majorité ont été amenés à refuser notre septième amendement visant tout simplement à revenir a ce qui avait été voté, il y a si peu de temps, dans HADOPI 1, et ce par les deux assemblées, à savoir donner aux fournisseurs d'accès à internet de quarante-cinq jours à deux mois pour rendre effective la suspension de l'accès. Désormais, ils n'auront que quinze jours.

À cet égard, il n'est pas inutile de rappeler que les nombreux obstacles techniques maintes fois soulignés n'ont pas été levés et que l'opacité règne toujours sur la prise en charge financière des coûts de mise en oeuvre de ces suspensions d'accès évalués à 70 millions d'euros par le Conseil général des technologies de l'information, organisme qui pourtant dépend de Bercy.

Tant que nous pourrons le faire, nous contesterons cette mauvaise loi. Et, dans cette ultime lecture, je vais vous rappeler, une fois encore, les raisons de l'opposition de notre groupe à HADOPI 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Nous contestons totalement le recours aux ordonnances pénales tant les droits de la défense y sont réduits à portion congrue. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Rappelons qu'une ordonnance pénale est rendue par un juge unique – ce qui constitue une atteinte au principe de collégialité garant de l'impartialité –, sans débat – ce qui constitue une atteinte au principe du contradictoire et aux droits de la défense – et sans obligation de motivation – ce qui constitue une atteinte au principe de transparence. Nous contestons d'autant plus cette procédure qu'elle concernait jusqu'à présent la sanction d'infractions difficilement contestables, ce qui est tout le contraire lorsqu'il s'agit de téléchargements sur internet.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Nous contestons vivement la modification brutale du régime des ordonnances pénales, permettant ainsi au juge, pour les seules infractions au droit d'auteur, de statuer en même temps au pénal et au civil. Cette disposition est contraire au principe d'égalité des débats, car la personne incriminée n'aura pas le droit d'accéder au juge tandis que la partie civile pourra le faire afin de réclamer des dommages et intérêts.

Nous contestons fortement le fait que le juge sera pris en tenaille par la HADOPI, en amont, puisqu'elle constituera le dossier visant à l'incrimination ; en aval, puisque – exception notable – elle fera exécuter les peines prononcées. Alors que le considérant 28 de la décision du Conseil constitutionnel du 10 juin 2009 définissait le rôle de la HADOPI comme purement préparatoire à l'instance, plusieurs articles du texte enlèvent des prérogatives au juge de l'application des peines pour les confier à cette autorité qui notifiera aux FAI les suspensions, tiendra un fichier de suivi des suspendus et s'assurera que les peines ont bien été effectuées.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Nous contestons vigoureusement la création d'une sanction pour négligence caractérisée au seul motif de contourner la difficulté matérielle de prouver le délit de contrefaçon.

En recourant à nouveau à un dispositif qui permet de sanctionner un internaute qui n'est pas l'auteur du téléchargement contesté, vous violez de manière flagrante le principe selon lequel « Nul ne peut être puni que de son propre fait ».

Nous contestons tout autant la création d'une sanction supplémentaire, à savoir – tenez-vous bien ! – une amende de 3 750 euros pour l'internaute qui contournera l'interdiction de souscrire un nouveau contrat d'abonnement à internet.

Nous ne pouvons donc que constater combien le dispositif que vous voulez mettre en place crée une disproportion de peine intolérable.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Ainsi, pour le délit de contrefaçon auquel sont assimilés, de manière insensée, de simples échanges de fichiers non commerciaux et donc sans but lucratif, l'internaute risquera, si cette loi est votée, une amende jusqu'à 300 000 euros, de la prison jusqu'à trois ans, la suspension de son accès internet jusqu'à un an, le paiement – ce qui reste scandaleux – de son abonnement durant la suspension…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

…alors que rien ne le justifie dans la mesure où il ne bénéficiera plus de la prestation, et enfin le paiement de dommages et intérêts. Ces peines seront par ailleurs inscrites dans son casier judiciaire.

De manière plus profonde, votre obsession à vouloir à tout prix couper l'accès à internet, y compris dans le cadre d'une négligence caractérisée, ne peut que nous interpeller sur les objectifs réels que vous poursuivez. Mettre ainsi au banc des accusés le nouveau média qu'est internet, et qui a d'ores et déjà pris une telle place dans la vie quotidienne de nos concitoyens, est à cet égard inquiétant.

Il n'y a nulle candeur dans notre propos, car nous considérons qu'internet n'est que le reflet d'une société où le meilleur côtoie le pire.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Mais lorsque Jean-François Copé déclare qu'« internet est un danger pour la démocratie » et qu'Henri Guaino parle de « transparence absolue, qui est le début du totalitarisme », il y a, comme le souligne le journaliste de Monde Xavier Ternisien, « une diabolisation d'internet, qui n'est peut-être que le symptôme d'un sentiment plus profond : la peur primaire d'un média qui contourne la hiérarchie, glisse entre les mailles de la communication institutionnelle et révèle parfois au grand jour ce qu'on voudrait taire ».

Mais revenons au sujet du jour, c'est-à-dire à HADOPI 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Nous nous insurgeons également contre ce texte parce que nous considérons qu'il faut être irresponsable pour bloquer ainsi stérilement la nécessaire adaptation du droit d'auteur à la révolution internet en cours. DADVSI en 2006, HADOPI 1 et 2 aujourd'hui ne sont, à cet égard, que des lois de retardement. Et, durant tout ce temps perdu, les créateurs ne toucheront pas un euro de plus, puisque vous avez constamment rejeté notre proposition de contribution créative. Là est le vrai scandale !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Mais, d'une manière générale, désormais, et comme pour les tests ADN, seul l'effet d'annonce compte ! Vous vous préoccupez si peu de l'application des lois ou vous croyez si peu aux effets des dispositions que vous nous faites voter, qu'avant même l'adoption définitive d'HADOPI 2 – le ministre vient de le rappeler –, vous avez confié une mission à un trio Zelnik-Cerutti-Toubon, aussi exotique et dépendant que masculin. Cherchez l'erreur !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Censi

Vous, vous êtes devenu un chantre du libéralisme ! Cherchez l'erreur !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

En l'occurrence, elle saute aux yeux : vous avez une nouvelle fois écarté tout représentant des internautes et des consommateurs, qui étaient déjà les grands oubliés des accords de l'Élysée, après la remise du rapport Olivennes, voilà bientôt deux ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Censi

Les représentants des internautes, ce sont les députés !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

La démarche qui vous a amenés à HADOPI 1 puis à HADOPI condamne par avance ce que certains nomment déjà HADOPI 3, dont on ne sait s'il s'agit d'une réflexion visant à aboutir à une nouvelle loi ou un écran de fumée supplémentaire. Vous ne pouvez en effet envisager sans vous poser la moindre question que la rémunération s'ajoute in fine à la sanction des échanges non commerciaux. Pour nos concitoyens, il serait inacceptable et incompréhensible que soient ainsi accordés le beurre et l'argent du beurre.

Comme le remarquait récemment Jacques Attali, « le chemin a été très largement miné par des accords entre majors et fournisseurs d'accès pour verrouiller le contenu de leurs propres catalogues. Et par la loi HADOPI, sans aucune réalité matérielle, qui est venue se mettre au milieu. Les choses doivent donc être mises complètement à plat. »

Dans la même interview accordée à Libération le 18 août, Jacques Attali ajoute : « Je pense qu'il y aura progressivement la mise en place de licence globale avec un système de répartition des droits qui tiendra compte des véritables usages. Au lieu de savoir ce que Monsieur X télécharge, on saura combien de fois tel artiste aura été téléchargé. Ce qui est une totale inversion des choses. Il existe déjà des logiciels qui permettent de le savoir. Il n'est pas plus difficile de connaître le nombre de fois où un film a été téléchargé, que de faire le tour de tous les bals populaires pour savoir quelles musiques ont été jouées par les orchestres amateurs, comme le fait la SACEM depuis un siècle. »

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

En cela, il rejoint les réflexions du prix Nobel Joseph Stiglitz, qui estimait, le 15 septembre, toujours dans Libération, que « le principe d'une contribution raisonnable par utilisateur, à laquelle s'ajouterait une aide du Gouvernement au titre de la recherche, est un bon système ». « Je me montre optimiste sur l'hypothèse d'un nouveau modèle », ajoute-t-il. « Nous avons besoin d'un système pour inciter à la création de ce bien public qu'est le savoir. »

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Telle est la position que nous avons vainement tenté de défendre, depuis des mois, dans cet hémicycle. Car nous considérons que, en révolutionnant les modes de production et de diffusion, internet permet d'atteindre l'objectif central, que vous avez visiblement oublié, de toute politique culturelle : l'accès du plus grand nombre aux contenus du savoir, de la connaissance et des loisirs.

Nous voulons sortir de la logique actuelle perdant-perdant : perdant pour les internautes considérés comme des suspects en puissance ; perdant pour les artistes, qui voient le temps passer et les lignes Maginot contournées les unes après les autres, sans qu'aucune rémunération nouvelle émerge jamais.

Nous avons l'ambition d'inventer un nouveau modèle de régulation assurant à l'offre culturelle les financements dont elle a besoin pour se développer. Laurent Petitgirard, ancien président du conseil d'administration de la SACEM, a lui-même évoqué l'instauration d'une licence musique. Même si ce n'est pas le modèle que nous portons, nous y voyons une avancée. Nous proposons en effet un modèle de régulation qui permettra enfin aux auteurs et aux artistes de recevoir une rémunération nouvelle adaptée à l'ère numérique.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Encore un mot, monsieur le président. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) À défaut, c'est la loi de la jungle assurée, qui permet déjà aux plus puissants de négocier, dans leur coin, des licences privées dont sont exclus les auteurs et les artistes. Or, c'est justement pour les protéger que le droit d'auteur a été créé.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

En un mot, avec HADOPI 2 comme avec HADOPI 1…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Sur le vote de la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe SRC d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

(Mme Danièle Hoffman-Rispal remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Au titre du groupe SRC, la parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour une explication de vote, d'une durée qui ne saurait excéder deux minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

Peut-être ne suis-je pas encore habitué au nouveau règlement, mais je pensais que je disposais de cinq minutes de parole, madame la présidente. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le ministre de la culture, les propos que vous avez tenus et les critiques que vous avez opposées aux contestations qui se sont élevées dans notre hémicycle contre le projet de loi ressemblent peu ou prou à ceux de votre prédécesseur. Faut-il rappeler que ce sont les recours que nous avons formés sur ces critiques et leur bien-fondé qui ont conduit le Conseil constitutionnel à censurer le premier texte, par une décision dont tous ont reconnu la sévérité ? Vous devriez au moins considérer que les élus qui ont contesté le premier texte ont fait oeuvre utile en exigeant davantage de justice. Le Conseil constitutionnel a validé nos arguments en considérant que le texte portait atteinte à la liberté d'expression, à la séparation des pouvoirs et à la présomption d'innocence.

Nous soutenons encore aujourd'hui que le recours à l'ordonnance pénale sans débat contradictoire, à l'initiative du procureur, et rédigée par un juge unique remet en cause les fondements des règles de la procédure pénale. Pour la première fois, en effet, un juge du pénal peut accorder des dommages et intérêts sans débat contradictoire, ce qu'aucune loi n'a jamais prévu. (Exclamations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

La modification que M. Mitterrand vient d'apporter à la loi pénale et à la loi de procédure pénale entre en contradiction avec les fondements de notre droit. Nous ne manquerons pas de le rappeler dans quelques semaines au Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Nous allons maintenant procéder au scrutin.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 413

Nombre de suffrages exprimés 413

Majorité absolue 207

Pour l'adoption 139

Contre 274

(La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Dans la discussion générale, la parole est à M. Philippe Gosselin.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Madame la présidente, messieurs les ministres, très chers collègues, nous voilà réunis, une ultime fois, pour examiner le texte sur la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet, adopté hier par le Sénat à la suite d'une commission mixte paritaire fructueuse, qui a amélioré le fonctionnement de la Haute Autorité et les garanties des citoyens.

Après des dizaines d'heures de débat, il est temps d'entrer enfin dans la phase d'application du texte. Que n'avons-nous pas entendu depuis des mois ! Que d'idées fausses ont été émises ! Le Gouvernement et la majorité n'avaient rien compris à internet.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Ils n'avaient rien compris non plus à la modernité !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Mais il est vrai que nous voyons actuellement un grand parti se quereller à ce sujet. Le Gouvernement et la majorité n'auraient encore rien compris à la jeunesse, aux libertés et à la culture. J'abrège la liste, qui pourrait être fort longue. Comme souvent, certains ont cherché à caricaturer, à simplifier et à jouer les démagogues, sinon les pompiers pyromanes.

Il est curieux de voir l'opposition, d'habitude si prompte à réguler, défendre la loi de la jungle sur internet. Si l'on veut protéger, en France, la création et les artistes, il faut être pédagogue et faire comprendre aux gens – pas seulement aux jeunes, que l'on a trop vite stigmatisés – que le téléchargement illégal n'est pas possible. C'est une forme d'atteinte aux droits artistiques, de toute façon et de manière générique. Ce n'est pas parce que la propriété intellectuelle est immatérielle qu'elle ne doit pas être protégée. Il en va de même avec les brevets, que nul ne songerait à livrer au pillage et à une exploitation sans contrepartie.

Cessons donc la démagogie ! Internet est un formidable espace de liberté, un accès extraordinaire au monde et aux autres, une possibilité exceptionnelle d'échange et de contact. Sur tous les bancs de cet hémicycle, nous y sommes particulièrement attachés, et nul ne songerait à le remettre en cause.

Pour autant, tout n'est pas possible, à moins qu'on ne soit prêt à tomber dans une espèce de laisser-faire très coupable. Répétons-le : il ne peut y avoir de liberté sans responsabilité, sans règles du jeu. C'est ce qu'ont voulu affirmer les accords de l'Élysée, accords historiques et consensuels entre les professionnels concernés, il y a presque deux ans. Il est temps de conclure.

C'est bien l'objet du projet de loi que nous allons voter. Il complète la loi promulguée en juin et tire toutes les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel, qui n'est pas alarmiste comme certains tentent de le faire croire.

L'ensemble est pédagogique et dissuasif. La loi HADOPI 1, du 12 juin 2009, permet déjà de belles avancées : la modification de la chronologie des médias permet d'augmenter l'offre légale. Les professionnels ont d'ailleurs voté un accord le 6 juillet dernier. Il aurait pu être plus ambitieux ; mais je ne doute pas qu'il sera amélioré. Citons encore, sans être exhaustifs, la suppression des normes anti-copie, les fameux DRM, l'attribution d'un label aux services d'offre légale qui le souhaiteraient, et l'institution d'un statut des éditeurs de services.

Quant à la sanction, elle est pédagogique. Après un premier mail d'avertissement, en cas de récidive, c'est la lettre recommandée, tout cela bien encadré, dans la forme comme sur le fond, par la Haute autorité. Cette sanction ne tombe donc pas du jour au lendemain : il n'y a aucun effet de surprise, nul n'est pris en traître.

La sanction est aussi dissuasive, car très graduée. La suspension de l'accès à internet n'est que l'ultime sanction dans un large éventail. Elle est prononcée par un juge, avec toutes les garanties, dans le respect de la liberté d'expression, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel, et dans le respect des libertés fondamentales du citoyen, garanti par l'autorité judiciaire, elle-même gardienne des libertés individuelles.

Depuis des mois, nous avons perdu du temps, beaucoup de temps…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

…à cause d'un certain nombre d'amendements complètement superfétatoires. En effet, les faits qui justifient le dépôt de ce projet de loi nous donnent raison, et ces faits sont têtus.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Le 11 septembre dernier, un journal titrait : « 2009, nouvelle année noire pour l'industrie musicale en France ». Au premier semestre 2009, la vente des supports physiques – CD, DVD, vinyles – qui représentent toujours 83 % du marché, a baissé de 21 %. Pour mémoire, de 2003 à 2008, les ventes de DVD ont baissé de 35 %, les ventes de musique de 55 %. Mais certains continuent de nous dire que là n'est pas le problème. Dans le même temps, les ventes de musique numérique, soit 17 % du marché, ne progressaient que d'un petit 3 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Cherchez l'erreur. Depuis 2002, très bonne année, le chiffre d'affaires de l'industrie a été divisé par 2,5, passant de 577 millions à 229 millions d'euros. C'est presque un requiem. Et que dire des milliers d'emplois perdus ! Pourtant, sur certains bancs, on continue à nous chanter « Tout va très bien, madame la marquise ! ». Or ce ne sont plus seulement les écuries qui brûlent aujourd'hui, mais les maisons d'édition, et pas seulement les « majors », mais toutes, grandes et petites. Depuis 2002, la France est le pays qui a le plus souffert. Enfin, pour la première fois en 2008, le solde de contrats rendus à des artistes, soit 84, et des contrats nouvellement signés, soit 69, est négatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Voilà où nous en sommes. Et la situation serait bonne ? De qui se moque-t-on ?

Il faut encore une fois être pédagogue et faire comprendre que tout n'est pas possible. C'est l'objet du présent texte, et des discussions qui se sont engagées. La suite est déjà en vue, preuve que nous sommes loin du tout répressif, comme on le martèle. En effet, le 3 septembre, le ministre de la culture a confié au producteur Patrick Zelnick une mission pour améliorer l'offre légale de musique et de films sur internet. Le groupe qu'il anime a deux mois pour présenter des conclusions. Des propositions seront donc faites fin novembre. C'est nécessaire, c'est vrai. C'est en effet l'intérêt de tous, des consommateurs, des artistes, des producteurs, de l'ensemble de la filière, de la plus petite entreprise à la plus grande, du plus « petit » artiste au plus grand, de développer l'offre légale, d'étoffer les catalogues et de faire en sorte que les prix baissent pour permettre un véritable accès de tous à internet, mais dans la légalité. Nous n'avons jamais été contre la gratuité ; nous sommes contre le pillage et le non-respect des ayants droit. Dans ce cas, la diversité fera, d'une certaine façon, la légalité.

Sans doute, ce projet de loi n'est-il pas gravé dans le marbre, nous avons déjà eu l'occasion de le dire ici. Les technologies évoluent et il faudra s'adapter. Mais est-ce un problème ? La loi, régulièrement, s'adapte aux évolutions de la société. Par ailleurs, peut-être les règles classiques de l'économie ne peuvent-elles régir totalement le numérique. Cependant l'offre et la demande seront toujours fondamentales. Si la demande « se sert », sans contrepartie ou tout au moins sans l'accord des ayants droit, sans règles, c'est l'offre qui ne peut exister. D'autres pays l'ont bien compris, qui regardent avec beaucoup d'intérêt ce qui se passe chez nous.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Nous ne sommes pas isolés. Alors on pourra pleurer, on aura beau jeu, sur certains bancs – qui seront, comme par hasard, ceux-là même qui ont combattu cette loi –, d'entonner l'antienne connue de la défense de l'exception culturelle française, de jouer les choeurs outragés. Mais c'est l'équilibre du système tout entier qui sera menacé et c'est nous qui serons coupables, coupables d'inaction, si nous n'agissons pas maintenant. On ne peut se satisfaire de la loi du clic et du toc que semblent défendre certains. Voilà pourquoi le groupe UMP soutient ce texte et le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, si j'étais M. Gosselin, je serais plus prudent. Il nous parle de l'« ultime séance consacrée à HADOPI » ; il me semble avoir entendu la même chose en mai.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Le feuilleton n'est jamais terminé dans ce domaine.

Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec attention, avec bienveillance même. Mais la grandiloquence et l'emphase ne suffisent pas à masquer le fait que, d'une certaine façon, cette majorité a remplacé le ministre de la culture par une sorte de préfet de police qui, face au formidable essor des échanges culturels, ne trouve à sortir que ses menottes et sa matraque.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Cela devrait vous interpeller. En effet, le chemin de croix qu'a représenté ce projet pour la majorité depuis plusieurs mois est révélateur du malaise de l'ensemble de la société face à cette tentative de mettre la main sur les échanges par internet. Ce n'est pas nouveau. Le feuilleton a commencé en 2005 avec la loi DADVSI, inapplicable et inappliquée. Il s'est poursuivi avec HADOPI 1 censurée par le Conseil constitutionnel, puis HADOPI 2. Cela fait donc quatre ans de tentatives malheureuses pour, en quelque sorte, inverser le cours du temps, remettre le diable numérique dans sa boîte, et, en réalité, quatre ans de guérilla contre la jeunesse et le corps social tout entier ; quatre ans d'une sorte de refus d'admettre que le monde a changé, que la culture a changé, que les conditions de la création ont changé.

La loi HADOPI n'est en effet rien d'autre qu'une vision nostalgique, et un peu milicienne, des échanges culturels, l'espérance un peu folle de quelques-uns, et des industries culturelles anciennes, qu'une loi peut interdire les progrès technologiques et préserver leur rente et leur pactole, avec la bienveillante vigilance de la droite française, toujours prompte à rallier la cause des rentiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Depuis cinq ans, les industries culturelles s'emploient ainsi à faire la guerre à leurs clients.

Cher collègue, vous vous étonnez, vous pleurez même sur l'année noire qu'a connue l'industrie musicale. Mais réfléchissez donc à ce paradoxe : depuis plusieurs années, cette industrie s'est employée avec persévérance à faire la guerre à ses clients avec les dispositifs anti-copie des CD puis des plates-formes numériques, qui rendent la lecture quasi impossible, le zonage des DVD, qu'on oublie trop souvent, la disparition physique des réseaux de distribution des CD, le coût prohibitif des offres numériques commerciales. Comment s'étonner, dans ces conditions, que les clients choisissent les solutions simples et commodes qui sont mises à leur disposition grâce aux progrès technologiques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Ah, qu'elle est déchirante la plainte des coffres-forts au coin des bois numériques !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Le Président de la République, concerné par alliance, s'en est fait l'écho avec beaucoup de force et vous a contraints à aller jusqu'au bout de ce projet douteux. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'enthousiasme, même dans vos rangs, n'était pas au rendez-vous. On l'aura mesuré tout au long de nos débats, et constaté encore lors du dernier vote, dans lequel votre majorité était, somme toute, assez modeste.

Vous-même, monsieur le ministre, avez déjà indiqué clairement – mais chacun le savait – que vous ne croyez pas un instant à la réussite de votre projet de loi : vous avez déjà mis en place les conditions de ce que l'on appelle HADOPI 3, en confiant à un étrange trio le soin de réfléchir à ce que pourrait être la mise en oeuvre de ce que nous vous proposons depuis des années, que l'on appelle maintenant la « contribution créative », après l'avoir nommé dans un premier temps la « licence globale », et qui n'est rien d'autre que la réforme indispensable du mode de rémunération des artistes à l'ère numérique. Étrange trio, disais-je, car, si l'on confie cette réflexion au producteur de Carla Bruni, à l'ancien ministre de la culture qui s'est illustré au Parlement européen dans la bataille contre l'amendement Bono, et à l'architecte de la loi DADVSI, la première loi de répression numérique, les choses sont mal engagées, comme ce fut le cas pour HADOPI lorsqu'on confia à M. Olivennes, le plus gros marchand de disques français, le soin de réfléchir aux échanges numériques.

La réalité – en prenant un peu de recul, vous en conviendrez vous aussi – c'est que nous sommes confrontés à cette nouveauté, le développement des échanges numériques, qui a fondamentalement modifié la répartition entre les industriels de la culture et les consommateurs. Autrefois, il y avait des émetteurs et des récepteurs passifs, qui étaient les consommateurs. Désormais, il y a un réseau d'échanges. Dans la bataille en cours, les industries veulent transformer ce réseau d'échanges en réseau de distribution commerciale. C'est une bataille importante, qui va peser sur tout l'échange de l'intelligence dans les années qui viennent. Ces industries veulent qu'on labellise tous les échanges pour percevoir une rente au passage. C'est profondément contradictoire avec la nature d'internet, qui est d'abord un réseau d'échanges citoyens, même s'il est loin d'être parfait et mérite d'être régulé. Aujourd'hui, la répression pure et simple, le service de la rente de quelques industriels, monsieur Riester, ne peuvent nous satisfaire. Nous voterons donc contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, après cet énième épisode du feuilleton consacré aux droits d'auteurs, nous avons le sentiment de n'avoir pas beaucoup avancé depuis la loi DADVSI. Nous avons entendu des promesses que le Gouvernement avait déjà faites à l'époque. Il avait alors promis, juré, que, après l'étape répressive de la loi DADVSI, il y aurait un développement de l'offre payante sur internet. Quatre ans plus tard, il réitère la même promesse : comprenez que nous ayons quelques doutes sur ce sujet. Les ministres de la culture se sont succédé, mais leurs promesses toujours identiques sont restées lettres mortes.

Après les cafouillages de la loi HADOPI 1, censurée par le Conseil constitutionnel, vous pensez clore aujourd'hui la série HADOPI 2. Toutefois, la question de l'inconstitutionnalité de HADOPI 2, que nous avons soulevée en juillet, se pose encore, de même, malheureusement, que les questions de la rémunération des artistes et du financement de la création, puisque votre dispositif n'apporte pas un centime de plus en ces matières.

Plutôt que d'annoncer déjà HADOPI 3 – ce qui résonne comme un aveu de l'indigence du projet de loi dont la navette parlementaire s'achève –, il serait grand temps de réconcilier artistes, internautes et fournisseurs d'accès, en réunissant tous les acteurs des cultures numériques autour d'une table, et de ne pas se contenter de ne parler qu'à ceux qui ont les faveurs de l'Élysée – je n'évoquerai pas à nouveau la commission des trois.

Monsieur le ministre, obstination n'est pas raison. Que le Président de la République tienne tant à satisfaire ses promesses aux multinationales de la communication et du divertissement – comme il l'a rappelé dans son discours de Versailles, le 22 juin – ne légitime en rien la grave atteinte à la neutralité des réseaux en oeuvre dans le dispositif HADOPI.

L'obstination d'un petit cercle d'élites du monde politique et des industries culturelles ne donne pas raison à cette loi HADOPI 2 dont le but est, ni plus ni moins, de passer outre, de façon scandaleuse, la censure décidée par le Conseil constitutionnel le 10 juin 2009.

En effet, vous piétinez l'esprit des principes énoncés par le juge constitutionnel, en réintroduisant à l'article 3 la suspension de la connexion à internet pour une durée pouvant atteindre un an, que vous transformez en peine complémentaire au prononcé d'une peine d'amende ou de prison, par le subterfuge de l'ordonnance pénale.

Pis encore, à l'article 3 bis, vous rétablissez la présomption de culpabilité de l'internaute, en créant une contravention pour les abonnés qui n'auraient pas suffisamment contrôlé leur accès à internet et permis ainsi un téléchargement illégal. Un abonné pourra donc voir sa connexion suspendue en raison d'actes illicites de tiers.

La décision du Conseil constitutionnel du 10 juin 2009, après la saisine des députés de l'opposition, a sévèrement censuré la volonté gouvernementale d'accorder à une simple autorité administrative le droit de sanctionner les internautes. Le juge judiciaire doit donc être chargé de prononcer d'éventuelles sanctions, notamment la suspension de l'abonnement. Vous aviez pourtant été avertis de l'inconstitutionnalité du dispositif que vous proposiez, non seulement par l'opposition, mais aussi par des députés de votre propre majorité. Cela n'empêchait toutefois ni la ministre ni l'UMP de nous répondre qu'ils n'étaient pas inquiets ; ils auraient visiblement dû l'être un peu plus.

Le Conseil constitutionnel considère que la liberté de communication et d'expression implique aujourd'hui, « eu égard au développement généralisé d'internet et à son importance pour la participation à la vie démocratique et à l'expression des idées et des opinions », la liberté d'accéder à ces services de communication au public en ligne. Pour notre part, nous l'avions dit et répété, notamment en nous appuyant sur les votes réitérés du Parlement européen que votre majorité a pris de si haut en affirmant, à plusieurs reprises, que l'accès à internet n'était pas un droit fondamental.

Pour le groupe GDR, cette prise de position très claire du Conseil constitutionnel consacre l'importance d'internet dans notre société à un moment où plusieurs pays, comme l'Iran ou la Chine, ne rêvent que de le corseter.

Le Conseil constitutionnel a également précisé en juin dernier, dans un communiqué de presse, que « le législateur ne pouvait, quelles que soient les garanties encadrant le prononcé des sanctions, confier de tels pouvoirs à une autorité administrative dans le but de protéger les titulaires du droit d'auteur. Ces pouvoirs ne peuvent incomber qu'au juge. »

Cette décision est claire : en matière de sanctions, il ne peut y avoir de délégation de compétence au profit de l'HADOPI. La Haute autorité devra donc se contenter de transmettre à la justice des dossiers relatifs à des délits présumés. « Cette autorité ne dispose plus que d'un rôle préalable à une procédure judiciaire », indique clairement la décision du Conseil constitutionnel.

Par ailleurs, s'agissant de la présomption d'innocence et du constat de la matérialité de l'infraction, le Conseil constitutionnel a rappelé que, en droit français « c'est la présomption d'innocence qui prime » et que, « en vertu de l'article 9 de la Déclaration de 1789, tout homme est présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable ». Ainsi, toute personne poursuivie pour une infraction ne peut être considérée comme coupable avant d'avoir été jugée comme telle. Il en résulte qu'il ne saurait exister en matière pénale de « présomption de culpabilité » ni, en conséquence, de sanctions privatives de droits avant une décision de justice.

Qu'en est-il de ces principes dans le projet de loi HADOPI 2, sur lequel nous avons tenté, une nouvelle fois en juillet dernier, de vous ramener à la raison ? Certes HADOPI 2 rend à la justice ce que la loi HADOPI 1 lui avait volé, mais c'est pour prévoir aussitôt des dispositions tout aussi critiquables.

Ainsi, le fichier des FAI n'est plus national, mais les informations devront être transmises, sous une forme peu précise dans le texte, aux sociétés de perception des droits. Le délit de non-sécurisation de l'accès à internet a été réintroduit. Des dispositions relatives à la suspension de la connexion à internet, censurées par le Conseil constitutionnel, ont été réinsérées. Enfin, le système de « l'ordonnance pénale », écarté lors de l'examen du projet de loi sur la simplification du droit, est abusivement introduit dans le domaine du droit d'auteur.

Confrontés à la question délicate du droit d'auteur et à la difficulté technique de prouver les infractions, vous brandissez la massue de la justice d'abattage en recourant à une procédure jusqu'alors applicable aux contraventions au code de la route, pour lesquelles l'existence matérielle des actes est simple à établir et difficilement discutable.

Après que la décision du Conseil constitutionnel vous a mis dans l'obligation de déférer les faits incriminés devant une instance judiciaire, l'ordonnance pénale constitue votre solution pour maintenir une justice expéditive. Mais, dans cette adaptation d'une procédure écrite, le fait que, à aucun moment, la personne mise en cause ne soit entendue par l'autorité judiciaire tourne le dos à un principe essentiel de notre droit.

De plus, une cour à juge unique rendra justice sur la base de faits presque exclusivement établis par la seule HADOPI, alors que, contrairement à ce qui a été dit en commission par le rapporteur, les agents de la HADOPI ne peuvent être assimilés à des officiers de police judiciaire, car ils n'ont pas – et c'est heureux – de pouvoirs de perquisition qui leur permettraient d'établir les faits avec plus de précision que la simple transmission par les sociétés d'ayants droit d'adresses IP relevées lors d'échanges peer-to-peer.

Rapide et sans publicité, le recours systématisé à la procédure de l'ordonnance pénale porte atteinte à la qualité de la justice en raison de particularités qui ne sont pas sans conséquences. Vous créez aussi une exception dans l'exception, puisque l'ordonnance pénale exclut habituellement la possibilité de réclamer des dommages et intérêts. En permettant que soient demandés des dommages et intérêts dans le cadre spécifique de la procédure d'ordonnance pénale pour les atteintes au droit d'auteur, vous créez un monstre juridique. Vous ajoutez une nouvelle peine aux quatre qui préexistent déjà : la coupure de la connexion, le maintien du paiement de l'abonnement et les amendes et peines de prison.

Dans HADOPI 2, le renversement de la charge de la preuve réapparaît, ce qui revient à réintroduire la présomption de culpabilité à l'égard du titulaire de l'accès à internet. Vous avez pourtant été contraints d'accepter, en commission, de modifier la rédaction de l'article 1er afin de préciser que vous visiez des « faits susceptibles de constituer des infractions » et non d'« infractions ».

Malgré votre obstination à nier la réalité technique de l'internet depuis le début des débats sur HADOPI, les faits sont implacablement têtus. Le seul relevé d'adresses IP, sans saisie de l'ordinateur de l'abonné, conduit à 30 % ou 40 % de faux positifs. Ce sera donc au titulaire de la connexion de prouver qu'il n'a pas commis l'infraction qui lui est reprochée. Cela constitue d'autant plus une violation du droit de la défense que la personne mise en cause ne sera pas obligatoirement consultée pour présenter ses observations.

L'infraction de négligence est prévue dans un décret qui viserait à punir le titulaire d'un abonnement à internet qui aurait « laissé par négligence, au moyen de son accès à internet, un tiers commettre une des infractions ». Il s'agit d'une atteinte évidente au principe de la présomption d'innocence.

En conclusion de ce feuilleton HADOPI 2 – qui ne s'achèvera, en fait, que lorsque le Conseil constitutionnel rendra sa décision, après la nouvelle saisine que l'opposition déposera dès que le texte de la CMP aura été adopté –, il nous faut une nouvelle fois dénoncer l'hypocrisie de ce projet de loi. Il n'a pas pour objectif d'empêcher le téléchargement sans respect des droits d'auteur de toutes les oeuvres circulant sur internet.

En fait, ce texte a pour unique objet de protéger les intérêts de quelques auteurs parmi les plus connus, et ceux des sociétés produisant ces derniers et commercialisant leurs oeuvres. Ses dispositions créent ainsi des inégalités de traitement parmi les auteurs et créateurs. Le projet HADOPI recherche la protection des droits patrimoniaux pour ceux qui en perçoivent le plus, mais il oublie la protection du droit moral des auteurs, comme l'a très bien montré votre obstination à refuser la protection des licences libres telle que Creative commons. Vous excluez d'ailleurs toujours de réfléchir à une autre solution, comme celle de la contribution créative, pour vous arc-bouter sur un modèle impossible.

Finalement, la grande majorité des auteurs ne verront rien venir, si ce n'est le mirage de la répression censée endiguer, comme la loi DADVSI, une technologie du xxie siècle, à partir d'une réflexion du xxe siècle.

En conséquence, les députés communistes, Verts, du Parti de gauche et ultra-marins du groupe GDR se prononcent contre les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons enfin au dernier épisode du feuilleton à rebondissements de la discussion du projet de loi HADOPI !

Je veux revenir sur les principaux enseignements que le Nouveau Centre a tirés de ce débat. Nous nous félicitons tout d'abord que la représentation nationale et le Gouvernement aient pris les mesures nécessaires pour faire passer un message clair aux Français : le téléchargement illégal est réellement illégal. Il pourrait s'agir d'une lapalissade, mais l'idée s'était peu à peu imposée, en particulier chez les jeunes, que le pillage des oeuvres culturelles était normal, puisqu'il n'était ni poursuivi ni puni.

Nous délivrons donc un message fort avec ce projet de loi : oui, nous sommes attachés à la défense de la culture ; oui, nous voulons soutenir les maisons de disques, et notamment les maisons de disques indépendantes ; oui, nous voulons soutenir la création de films.

Finalement, nous avons le sentiment d'avoir eu le courage de prendre des mesures fortes pour assurer la survie de l'exception culturelle française. Nous regrettons que cet enjeu considérable n'ait pas permis de dépasser les clivages politiques.

Le Nouveau Centre approuve le choix de la pédagogie, de la prévention et de la responsabilisation qui caractérise ce projet de loi. Nous approuvons le principe d'une riposte graduée et progressive. Nous soutenons un texte équilibré qui garantit les libertés, toutes les libertés : celle des créateurs et des artistes, avec des droits qu'il faut leur reconnaître, mais aussi la liberté d'expression des internautes et les libertés fondamentales des citoyens, garanties par l'autorité judiciaire.

Enfin, nous soutenons un projet de loi qui va assurer la sauvegarde de milliers d'emplois et la vitalité de la création qui caractérise notre pays. Car, au-delà de l'image fausse de stars richissimes – ces dernières sont finalement très peu nombreuses –, les auteurs et les compositeurs constituent dans leur majorité une population fragile, dont les revenus sont souvent modestes, aux antipodes de l'image parfois diffusée par certains médias.

Monsieur le ministre, il nous restera encore à assurer la pérennité du financement de la création et à imaginer un nouveau modèle économique. Il nous restera également à engager une concertation au niveau européen pour repenser en commun, dans l'ensemble des États membres, les nouveaux modèles économiques de consommation des oeuvres culturelles.

Pour tous ces chantiers, le Nouveau Centre est déterminé à vous apporter son concours. Parce que nous espérons que ce projet de loi garantira un nouvel équilibre entre les droits des auteurs et des créateurs et le droit des citoyens d'accéder à la culture et aux savoirs, une large majorité des députés de notre groupe votera ce texte. Nous le ferons parce qu'internet, puissant outil de démocratisation culturelle, est un espace qui doit garantir le respect des droits et des devoirs de chacun, et aussi parce que nous considérons tous qu'une journée sans culture est une journée perdue. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « le temps du monde fini commence », nous avait prévenus Paul Valéry. Monsieur le ministre, vous auriez dû prendre en compte ce monde qui vient dans la préparation de la loi qui va sans doute être votée dans quelques minutes.

Que va-t-elle changer ? Rien. Que reste-t-il à faire pour adapter le droit d'auteur à l'univers numérique ? Tout.

Plaçons-nous, si vous le voulez bien, dans quelques mois, lorsque la Haute autorité sera installée et aura déjà envoyé des dizaines de milliers de courriers électroniques à nos concitoyens. Le « pari », qu'a évoqué Christine Albanel à propos de cette loi qu'elle a eu temps de mal à porter et qui lui coûta si cher, sera perdu à grands frais pour les finances publiques.

Plaçons-nous même, de votre point de vue, dans la meilleure des situations et admettons que 80 % de nos concitoyens, traqués par la HADOPI, cesseront de télécharger. Ces 80 % ne représenteront vraisemblablement que 20 % des téléchargements non soumis au droit d'auteur. Les 20 % de téléchargeurs restants, responsables de 80 % des téléchargements, auront simplement contourné l'usine à gaz technico-administrative que vous avez inventée.

Monsieur le ministre, les solutions techniques de contournement sont connues et à la disposition de tous. J'en citerai deux.

La première est l'anonymisation de la connexion par le biais de sites créés à cet effet, dont vous assurez le succès grâce à ce projet de loi, ou par l'utilisation de logiciels dédiés – je pense notamment au logiciel Tor accessible gratuitement.

La seconde solution technique de contournement, simple, utilise le chiffrement des données échangées, lequel empêchera toute identification des quelques oeuvres suivies, rendant ainsi inefficace, et donc inutile, HADOPI en un clic de souris. Je passerai, monsieur le ministre, sur les funestes conséquences qu'aura ce passage aux échanges chiffrés pour la lutte que mènent les pouvoirs publics contre la cybercriminalité. Une des conséquences indirectes de cette loi sera en effet de rendre beaucoup plus délicat le travail des enquêteurs et des forces de l'ordre.

Toutefois, il y a techniquement plus fort : rien n'empêchera en effet un contrevenant sommé par la HADOPI d'installer un logiciel espion sur son ordinateur, d'en utiliser un autre, installé sur un réseau privé virtuel, muni éventuellement d'un système d'exploitation différent et d'une adresse MAC aléatoire, afin de poursuivre paisiblement son activité de téléchargement sans être détecté par le mouchard public.

Comment identifierez-vous ces flux ? Vous ne le pourrez pas. Dans ce cas également, l'efficacité de la HADOPI sera parfaitement illusoire.

Monsieur le ministre, si cette loi met fin aux dispositifs archaïques anti-copie en préservant, dans une proportion minimale, les conditions normales d'utilisation des oeuvres par le consommateur, elle ne règle pas la question réelle du droit d'auteur à l'ère numérique. Le mode de rémunération des créateurs reste à trouver.

Vous avez cité Pascal, à mon tour de le faire : « La justice sans la force est impuissante, la force sans la justice est tyrannique ».

Monsieur le ministre, vous n'aurez pas les moyens techniques d'appliquer cette loi et votre justice sera impuissante. Vous sanctionnerez des internautes sans être en mesure de prouver qu'ils sont effectivement responsables. Votre force sera donc tyrannique. Ce n'est pas par la peur du gendarme et au moyen d'une usine à gaz que nous réglerons la question du droit d'auteur, mais grâce à l'émergence d'un nouveau modèle économique associant artistes et internautes, c'est-à-dire toutes les parties concernées, et fondé sur une contribution créative associée à des budgets publics massifs de soutien à la création, comme le préconise Joseph Stiglitz, qu'a cité Patrick Bloche.

Ce travail qui reste à faire aurait dû être entrepris bien avant que de bâtir une loi inutile et inapplicable. Nous regrettons que tel n'ait pas été le cas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Gagnaire

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons devoir voter pour la troisième fois – mais ce ne sera peut-être pas la dernière –…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Gagnaire

…le projet de loi relatif à l'utilisation d'internet.

Le 23 novembre prochain, cela fera deux ans que les accords de l'Élysée auront été signés entre certains représentants de l'industrie du cinéma et de la musique et les fournisseurs d'accès à internet.

Vous nous avez toujours présenté cet accord reposant sur le principe de la riposte graduée comme la solution miracle pour enrayer la baisse continue du chiffre d'affaires de l'industrie du disque, du cinéma, du livre et des jeux vidéo, pour mieux rémunérer les artistes et pour soutenir la création.

Après plus de cent heures de débat, on sait ce qu'il en est de vos intentions réelles. Je le dis à tous les artistes qui suivent nos débats : à aucun moment, il ne s'est agi de trouver des moyens supplémentaires pour la création artistique et les artistes. C'est ce que nous avons eu l'occasion de vérifier à l'occasion des nombreux amendements défendus dans notre assemblée et que vous avez systématiquement rejetés. Vous êtes, en la matière, dans une réelle impasse, au point d'envisager de mettre en oeuvre timidement nos préconisations et de réfléchir à de nouvelles formes de rémunération des artistes, en réunissant quelques professionnels du secteur culturel encore proches de l'Élysée.

Les résultats sont là ! Ils signent l'échec de la politique des ministres de la culture successifs qui, depuis la loi DADVSI, n'ont toujours pas compris que les lignes Maginot informatiques ne tiennent jamais très longtemps dès lors que plus d'un Français sur deux – c'est le cas aujourd'hui – a accès à internet haut débit et que l'évolution des technologies a conduit à la généralisation de l'usage des oeuvres sous formes numériques. Du reste, en dépit des menaces de mise en oeuvre d'HADOPI et du message délivré aux Français, on déplore sur les six derniers mois une baisse encore plus forte de la vente de CD – le chiffre a été rappelé : moins 21 % au premier semestre 2009.

En réalité, l'offre légale est encore insuffisamment développée et demeure trop chère pour la majorité de nos concitoyens, dont les revenus sont bloqués depuis que vous êtes aux responsabilités.

Avec HADOPI 1 comme avec HADOPI 2, vous nous avez fait perdre, monsieur le ministre, un temps considérable dans la recherche d'un nouveau modèle économique et dans la nécessaire adaptation des droits d'auteur à l'ère numérique. Vous avez fait perdre un temps considérable aux artistes, à la création et à la diffusion de la culture.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Gagnaire

Toutefois, il y aura peut-être encore plus grave en raison du vote d'aujourd'hui.

Après la censure du Conseil constitutionnel, vous auriez pu décider d'un moratoire. Or, pour satisfaire aux oukases du Président de la République, vous avez décidé de faire examiner un nouveau texte, qui rompt avec la prétendue finalité pédagogique du premier. Aujourd'hui, c'est clair, et bas les masques ! Vous êtes revenu à la logique exclusivement répressive de la loi DADVSI !

De fait, HADOPI 2 n'est qu'un bricolage estival destiné à passer outre l'arrêt du Conseil constitutionnel. Le recours à l'ordonnance pénale pour les délits de contrefaçon apparaît comme exorbitante du droit commun, puisque ce recours n'est possible, aux termes de l'article 495 du code de procédure pénale, que lorsqu'il « résulte de l'enquête de police judiciaire que les faits reprochés au prévenu sont établis ». La difficulté de l'établissement des faits en matière de téléchargement illégal aurait dû vous conduire à exclure cette procédure.

De plus, la lourdeur des peines encourues est incompatible avec l'utilisation de celle-ci, alors que le Conseil constitutionnel a considéré, dans sa décision du 10 juin 2009, que le droit de se connecter à internet relève de l'exercice de la liberté de communication et d'expression, protégée par la déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Enfin, rien ne justifie des traitements différents selon la manière dont est commis le délit de contrefaçon : procédure classique pour le délit de contrefaçon ordinaire et ordonnance pénale pour les délits de contrefaçon commis au moyen d'un service de communication en ligne.

La sanction est devenue une fin en soi, en dépit des risques d'erreurs, des atteintes aux libertés publiques et des graves conséquences économiques qui pourraient en résulter. C'est du reste la raison pour laquelle, au cours du débat, nous avons proposé d'exonérer pénalement les personnes morales si l'infraction a été commise à partir de leur adresse IP. Les collectivités locales, les établissements de formation, ainsi que la SNCF ou les aéroports, qui mettent en oeuvre des réseaux Wifï ouverts, pourront se voir condamnés parce que des citoyens auront utilisé ces réseaux.

On ne peut que regretter cet ultime bricolage législatif. Tout au long des débats, vous avez montré qu'il ne s'agissait pas pour vous de défendre de manière pérenne le principe du droit d'auteur, mais de considérer internet comme une menace et un danger. Comme très souvent, vous défendez une vision du monde dépassée, en l'occurrence une industrie culturelle à bout de souffle, qui tente d'en rester au stade du support physique. Nous sommes nombreux ici, et pas seulement dans les rangs de l'opposition, à considérer internet comme une chance pour l'avenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Gagnaire

En effet, internet offre la possibilité de faire mieux et plus vite et il favorise les échanges et la diffusion de la culture. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Puisque vous me dérangez, je demande quelques secondes supplémentaires. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Gagnaire

Mes chers collègues, ayez l'exigence de légiférer sur la réalité du monde tel qu'il est et non tel qu'il fut il y a deux ans, car deux ans, à l'échelle numérique, c'est une éternité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

La discussion générale est close.

Sur le vote du texte de la commission mixte paritaire, je suis saisie par le groupe de l'Union pour un mouvement populaire d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Dans les explications de vote, la parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Je m'étonne des propos de M. Gagnaire et de plusieurs de nos collègues, selon lesquels nous aurions fait perdre du temps ! Aussi suis-je tenté de retourner la remarque et de demander à mon tour : qui nous a fait perdre du temps ?

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Vous !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Alors que nous discutions, voire palabrions des heures durant sur des amendements dont nous étions réellement en droit de douter qu'ils fussent utiles, l'industrie du CD et du DVD a continué de s'écrouler. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

C'est un point important et votre façon dédaigneuse de balayer d'un revers de main la chute du chiffre d'affaires et les difficultés de l'industrie artistique, notamment cinématographique, est pour le moins déplacée. C'est faire peu de cas des milliers d'emplois qui disparaissent tous les ans à cause de l'accélération de cette chute.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Selon vous, nous n'avons rien compris. Aussi devrions-nous nous adapter : c'est ce que précisément nous faisons, mais s'adapter, à nos yeux, et contrairement à ce que vous pensez, ce n'est pas prôner le laisser-faire et appliquer la règle du tic et du toc. Internet ne saurait se réduire à une telle utilisation.

La liberté consiste également à pouvoir s'exprimer librement et tranquillement et à télécharger en toute sécurité et donc en toute légalité. Ce projet, nous le réaffirmons, est préventif et pédagogique. Il ne se limite pas, comme vous le laissez entendre, à l'étage de la sanction – vous avez évoqué la dureté de celle-ci. Un autre étage existe, dont nous avons déjà parlé : une commission s'est mise récemment en place et des accords ont été signés le 6 juillet. S'il faut, en effet, développer l'offre légale et si les prix doivent baisser, des règles n'en sont pas moins nécessaires. Nous ne sommes pas les seuls à avoir besoin de nous adapter. Vous aussi, vous devez vous inscrire dans le « moule » des règles – ce serait autrement trop facile !

C'est la raison pour laquelle, sans surprise, le groupe UMP, une fois encore – je le dis presque avec humour –, votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Arrivant au terme de ce débat parlementaire, nous avons entendu M. Philippe Gosselin, au nom du groupe UMP, accuser un peu facilement l'opposition d'avoir fait perdre du temps dans l'adoption de ce projet de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Faut-il rappeler que, comme la loi DADVSI en 2005 et 2006 et comme HADOPI 1, HADOPI 2 n'est qu'une loi de retardement ? Ce qui est le plus critiquable, voire le plus condamnable dans ce feuilleton à rebondissements, c'est que, systématiquement, vous avez reculé le moment de l'inévitable adaptation du droit d'auteur aux réalités de la révolution engendrée par internet.

Durant toute son histoire, qui remonte au siècle des Lumières et à la Révolution française, le droit d'auteur a su relever les défis des révolutions technologiques. C'est ce que, de nouveau, il aurait fallu faire.

Vous avez, au contraire, laissé passer ce rendez-vous historique. On nous annonce une nouvelle loi, une sorte de HADOPI 3, alors qu'il faudrait tout simplement prendre le monde tel qu'il est et convenir que les modes de production et de diffusion culturelles sont bouleversés par l'intrusion du nouveau média qu'est internet. Plutôt que de choisir la voie illusoire de la répression en sanctionnant les échanges non commerciaux, c'est-à-dire sans but lucratif – je tiens à le rappeler –, plutôt que de condamner l'économie du partage, qui s'est déjà mise en place et à laquelle participent aujourd'hui des dizaines de millions de nos concitoyens, plutôt que de choisir cette voie sans issue, il eût fallu sans tarder créer les nouveaux modes de financement de la culture et de rémunération des artistes et des auteurs. C'est cette voie que nous avons prise en proposant la contribution créative. Plus que jamais, l'avenir est à ceux qui, refusant des sanctions et des lois inapplicables (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.), construisent des projets de loi qui, le moment venu, rassembleront les grands perdants de HADOPI 1 et de HADOPI 2…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

…que seront les internautes et les artistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Madame la présidente, je commencerai par exprimer de la compassion pour MM. Frédéric Mitterrand et Henri de Raincourt qui, pour leur premier combat, ont été envoyés au front comme autrefois les jeunes recrues qu'on obligeait à faire leurs classes en leur faisant violence pour servir une cause à laquelle ils ne comprenaient rien – ou en tout cas sans qu'ils comprennent ce pour quoi on les y envoyait. (Hilarité.)

Patrick Bloche a parlé de loi de retardement ; je dirai même, eu égard aux progrès, qu'il s'agit d'une loi pour les attardés, soutenue par les défenseurs entêtés des privilèges, les mercenaires que vous êtes, janissaires des causes perdues, dépassées. (Brouhaha.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous vous trouvez dans la même situation que les moines copistes qui, hier, s'opposaient à Gutenberg. C'est ainsi que votre position sera interprétée dans l'histoire. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous êtes les tenants de la bougie et de la lampe à huile à l'époque des LEDs. (« Bravo ! » et applaudissements ironiques sur les bancs du groupe UMP.) Il faut que vous en soyez bien conscients et c'est vous rendre service que de vous tendre le miroir, de manière que vous mesuriez à quel point vous faites horreur à la jeunesse de notre pays. (Mêmes mouvements.)

Vous n'avez d'inclination que pour les puissants, les majors. Et M. Gosselin de nous parler avec des trémolos dans la voix de la situation des industries du disque et du DVD ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Et les emplois détruits, ça ne vous choque pas ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Pourquoi monsieur le ministre de la culture, n'avez-vous pas proposé une loi qui règle la question de la rémunération des artistes, non pas seulement de ceux qui ont déjà des comptes en banque bien remplis, de préférence situés en Suisse, mais des artistes dont la notoriété n'est pas encore confirmée malgré un incontestable talent ? Ceux-ci, vous les abandonnez à la loi du marché. (Brouhaha.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je vais conclure, madame la présidente (« Ah ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP), à moins que vous n'ayez voulu calmer mes contradicteurs, ce dont je vous serais éternellement reconnaissant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Au Royaume-Uni, le débat s'engage sur la question qui nous occupe et la protestation monte ! (« Ah ! » et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous faisons appel aux gens de culture, aux jeunes, pour construire sans vous – puisque vous n'y comprenez rien (Vives exclamations ironiques sur les bancs du groupe UMP) – l'avenir de la création, grâce aux nouvelles technologies qui ouvrent de nouveaux espaces de libertés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Sans état d'âme, parce que nous ouvrons les portes de l'avenir, nous allons voter contre votre texte. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Tout a été dit et nous avons déjà perdu beaucoup de temps. C'est parce que nous voulons, nous, protéger les auteurs, les compositeurs mais aussi les moines copistes,…

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

…c'est parce que nous voulons assurer la survie de l'exception culturelle française, c'est parce qu'il est important de rappeler que le téléchargement illégal est réellement illégal, que la majorité du groupe du Nouveau Centre votera pour cette loi non pas de retardement mais d'avenir – les jeunes en ont besoin. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 397

Nombre de suffrages exprimés 389

Majorité absolue 195

Pour l'adoption 258

Contre 131

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Prochaine séance, mercredi 23 septembre 2009 à quinze heures :

Questions au Gouvernement.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-sept heures vingt.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma