Nous remercions M. Jean-Pierre Jouyet, ancien secrétaire d'État aux affaires européennes, de nous avoir réservé sa première intervention publique en tant que président de l'Autorité des marchés financiers. Il est accompagné de Gérard Rameix, secrétaire général, que nous connaissons bien.
Notre Commission s'attache, depuis l'automne 2007, à comprendre la crise, à en analyser les causes et à contribuer, par ses propositions, à un projet de réforme du système financier international. Nous avons entendu votre prédécesseur à deux reprises : en octobre 2007, quand la situation lui semblait encore sous contrôle ; puis en octobre 2008, où il lui a bien fallu constater que plus aucun État n'était épargné par une crise qui a débouché sur une crise économique majeure.
Dans le cadre du groupe de travail Assemblée nationale-Sénat qui a fait des propositions en novembre dernier, nous nous sommes accordés à considérer que les pouvoirs publics avaient trop « laissé faire » et que l'autorégulation des marchés n'avait pas fonctionné. Notre groupe était convenu qu'il fallait revoir et la régulation, et la surveillance des marchés à un niveau international.
La Cour des comptes, dans son rapport consacré cette année aux autorités de contrôle, et que nous venons de recevoir, souligne la nécessité, pour l'AMF, de concentrer son action sur les risques mal maîtrisés : les effets de levier, les ventes à découvert, les dérivés de crédit, les activités de post-marché, l'encadrement des acteurs mal ou pas réglementés, ceci dans la perspective d'une mise en réseau des régulateurs. La Cour s'interroge également sur les sanctions financières. Sont-elles suffisantes alors que le plafond de celles que peut infliger la Commission bancaire a été relevé à 50 millions d'euros tandis que celui de l'AMF se monte à 10 millions d'euros ? La procédure des sanctions doit-elle être modernisée ?
Quel état des lieux dressez-vous ? Quelles réformes voulez-vous porter au niveau national et international ? Dans quels domaines : surveillance, régulation, agences de notation, protection des épargnants, transparence de l'information financière ? La tâche est immense.
Messieurs les députés, je me réjouis de vous retrouver aujourd'hui, moins de deux mois après ma prise de fonction à la présidence de l'AMF. C'est pourquoi je suis accompagné de Gérard Rameix, qui en est le secrétaire général, et qui complétera mes réponses et mes premières réflexions. Mon arrivée coïncide malencontreusement avec l'affaire Madoff, et l'extension de la très grave crise financière, qui se double d'une crise économique et morale. Il n'est plus de mise de rechercher les responsabilités individuelles de tel ou tel ; il faut tirer les leçons, et vite, pour rebâtir, car le temps est compté. Mais en matière de régulation, un bon diagnostic est le préalable à toute réforme, pour éviter de refaire les mêmes erreurs.
La reconstruction, et ce sera mon leitmotiv, ne peut se fonder que sur la protection des investisseurs et de l'épargne. Le régulateur doit, ni plus ni moins, revenir à son coeur de métier. Et je sais pouvoir compter sur votre soutien dans la refondation de la régulation à laquelle vous réfléchissez, et qui doit se décliner au niveau national, européen et international.
Le système français de régulation est bon et il nous a permis de résister mieux que d'autres à la crise, mais l'Autorité des marchés financiers, institution indépendante et impartiale, doit rester très vigilante dans la surveillance qu'elle exerce sur les intermédiaires financiers, les produits et les marchés. Il n'y a pas de confiance sans surveillance, ni de surveillance sans sanctions efficaces. La sanction est vertueuse si elle a des effets pédagogiques. Le montant est un critère parmi d'autres, mais l'efficacité de la sanction repose avant tout sur sa rapidité et sur son adaptation au fonctionnement du marché. Or, l'organisation actuelle répond à cette exigence. Des sanctions trop tardives entameraient la crédibilité du système et la confiance que peuvent avoir les investisseurs et les épargnants dans le fonctionnement des marchés. Cela étant, la réactivité de nos mécanismes de régulation ne les dispense pas d'évoluer – je vous renvoie aux rapports de M. Deletré, de la Cour des comptes. La ministre de l'Économie s'est également saisie de la question – dans le sens d'un renforcement de la protection de l'épargne, au moyen d'un contrôle par objectif, et du consommateur, sans verser pour autant dans le consumérisme. Il faut s'attacher à une connaissance plus approfondie des circuits de commercialisation. Des produits financiers, même très proches comme les OPCVM et les supports d'assurance-vie, peuvent dépendre d'autorités de régulation différentes. Au moment où la confiance est au coeur de la survie du système financier, on peut se demander si une régulation plus homogène des circuits de distribution ne serait pas mieux adaptée. En tout état de cause, quelles que soient les adaptations nécessaires, l'AMF sera prête à assumer, le moment venu, les missions que les pouvoirs publics voudraient lui confier.
Notre dispositif de régulation est étroitement dépendant des normes européennes. Dans ce domaine également, nous souffrons d'un déficit d'Europe. La consolidation de l'échelon européen est nécessaire, comme l'attestent les différences d'interprétation entre législateurs et régulateurs illustrées par l'affaire Madoff. Ce n'est pas tant la norme elle-même qui pose problème, puisqu'elle existe, que son application et son interprétation. Jacques de Larosière anime un groupe de réflexion qui doit remettre ses conclusions au Président de la Commission européenne à la fin de février. Même si la Commission et le Parlement arrivent au terme de leur mandat, il ne faut pas interrompre le processus d'amélioration de la régulation européenne.
L'objectif prioritaire consiste en une application harmonisée des directives. Le commissaire compétent, M. Mac Creevy, a été saisi par les autorités françaises de la question de la responsabilité du dépositaire qui a une obligation de surveillance car le même texte donne lieu à des interprétations différentes en France et au Luxembourg. J'ai des échanges avec le ministre luxembourgeois des finances à ce sujet. Il est important que la Commission s'en saisisse et en tire les leçons.
La meilleure convergence des pratiques des régulateurs passe par un renforcement des pouvoirs du comité européen des régulateurs de marchés de valeurs mobilières, le CESAR. Il a pour le moment un statut d'association. Nous allons voir s'il faut renforcer son pouvoir d'appréciation sur l'interprétation des normes, et mieux l'associer à l'élaboration de la norme par la Commission, le Conseil et le Parlement européen.
À l'échelon européen, trois dossiers méritent une attention particulière.
D'abord, les agences de notation. Le règlement européen en la matière doit voir le jour très bientôt. Il devrait favoriser l'émergence de modèles alternatifs d'appréciation des risques et des performances internes et externes, tout en développant le contrôle des méthodes utilisées par ces agences, des points dont j'ai eu l'occasion de discuter avec le rapporteur du texte, M. Gauzès. Le Parlement européen devrait améliorer les propositions de la Commission en ce qui concerne l'enregistrement de ces agences et le renforcement du rôle du comité des régulateurs de marché. Nous attendons beaucoup de la commission des affaires économiques et financières pour oeuvrer dans ce sens.
Ensuite, la mise en oeuvre de la directive OPCVM 4 qui est urgente. En créant un passeport européen des sociétés de gestion qui contribuera à une circulation plus libre des produits, elle offrira de réelles opportunités de développement aux sociétés françaises. Cela étant, elle ne doit pas se traduire par une baisse de la protection des épargnants. Ce serait un risque si des fonds agréés par l'AMF pouvaient être rachetés par d'autres fonds européens relevant d'un régulateur moins exigeant. Ces fusions transfrontières de fonds pourraient alors être à l'origine d'une sorte de détournement des règles de surveillance. Le problème de l'application harmonisée des règles européennes, notamment celles qui encadrent les OPCVM, est un enjeu majeur qui requiert toute notre vigilance.
Enfin, les infrastructures de compensation qui ne servent aujourd'hui qu'aux actions et obligations. Nous manquons, au niveau européen, d'infrastructures pour échanger des produits dérivés ou dénouer les opérations de gré à gré. Or, un outil de compensation permettrait notamment de mutualiser les risques. La France a saisi le président de la Commission et le président de l'Eurogroupe pour qu'ils réfléchissent à une solution. Il y va de la protection des investisseurs européens et de l'indépendance financière européenne. En effet, ce type d'infrastructure s'est considérablement développé aux États-Unis depuis un an et demi. Ils souhaitent les étendre en Europe, et il nous appartient de décider si nous nous donnons les moyens logistiques de développer nos propres réseaux ou si nous acceptons de dépendre des infrastructures américaines existantes. Il s'agit d'un enjeu véritablement stratégique pour l'Europe et notamment la place de Paris.
La régulation internationale constitue certainement le problème le plus délicat. Nous faisons preuve de naïveté en croyant que, à cause de l'ébranlement du système financier, le besoin de régulation fait l'unanimité. Nous en sommes loin. L'Europe doit d'abord s'organiser pour, ensuite, peser sur l'évolution de la régulation internationale. À cet égard, l'échéance du G20 en avril sera cruciale pour mesurer la volonté des uns et des autres de transformer le système international.
Selon nous, le champ de la régulation doit être étendu dans trois directions.
Premièrement, et la Cour des comptes l'a relevé, il ne doit pas y avoir de marché non régulé au niveau international. L'existence de « trous noirs » tels que les centres offshore ou les hedge funds, qui sont les seuls dont on ignore tout du risque auquel ils sont exposés, compromet l'efficacité de toute régulation, aussi bonne soit-elle. Mais ce qui semble évident pour nous ne l'est pas pour d'autres, encore que la nouvelle administration américaine semble résolue à agir rapidement. L'Autorité des marchés financiers copréside la task force de l'Organisation internationale des commissions de valeurs mobilières sur les marchés non régulés et elle fera tout son possible pour resserrer les mailles du filet de la régulation.
Deuxièmement, la supervision doit s'étendre aux politiques de rémunération des dirigeants et des opérateurs de marché. Elles sont un élément de l'appréciation du risque, tout comme la gouvernance d'entreprise. Tant en Europe qu'aux États-Unis, depuis l'arrivée du président Obama, le débat sur ce thème est devenu central, surtout après le soutien public apporté au secteur financier.
Troisièmement, il faut réduire le caractère procyclique de certaines règles, en particulier les normes comptables. Ce sujet renvoie à la gouvernance de l'International Accounting Standards Board. Dans un premier temps, il faut vérifier une par une si telle ou telle règle a aggravé la volatilité des marchés, et partant la crise. C'est un travail minutieux qui exige aussi beaucoup de prudence. Dans ce cadre, il faut réfléchir en profondeur à ce qu'est la valeur de marché, laquelle contribue, au moins en principe, à une meilleure information et à une plus grande transparence. Reste ensuite la question de la gouvernance de l'IASB qui est une fondation de droit privé, d'inspiration anglo-saxonne, à laquelle les autorités publiques nationales européennes ont délégué la décision en matière de normes comptables. En outre, la gouvernance de cette fondation n'est pas des plus transparentes. Il est donc important qu'un dialogue régulier s'instaure entre les autorités publiques, les régulateurs et l'IASB sans pour autant que les premières s'immiscent dans un domaine a priori technique. Cependant, nous ne pouvons pas rester sans rien faire si les normes ne prennent pas suffisamment en compte les réalités, même si elles cherchent à donner la meilleure information financière possible. Nous avons fait le bon choix en optant pour un système de normes international à la fin des années 90, mais il faut être conscient que des pays comme le Japon ou les États-Unis ne l'appliqueront, dans le meilleur des cas, qu'en 2012, ce qui soulève bien des questions.
Je suis en début de mandat, et j'ai l'intention dans les semaines à venir de soumettre au collège de l'AMF un plan stratégique qui définira une feuille de route exigeante et ambitieuse. Je serai naturellement à votre disposition pour vous fournir sur ce point toutes les informations que vous jugeriez utile.
« Vertrauen ist gut aber Kontrolle ist besser. » Autrement dit, la confiance n'exclut pas le contrôle. Après le raid des Caisses d'Épargne sur la Caisse des dépôts, votre prédécesseur avait eu des mots très durs pour le président des Caisses d'épargne, allant jusqu'à évoquer des sanctions pénales. Or, il ne s'est rien passé. Quel est votre état d'esprit ? Penchez-vous pour moins de mansuétude et plus de rigueur ?
Comptez-vous rendre public le plan stratégique dont vous venez de parler ? À un moment où l'opinion publique est particulièrement méfiante envers tout ce qui relève de la sphère financière, je suis très favorable à ce que l'AMF la prenne à témoin et accepte en quelque sorte de se placer à son tour sous son contrôle.
Pour compléter ce que je vous ai dit à propos de la nécessité de concentrer la régulation pour éviter les pans « sous-régulés » des marchés, l'AMF abrite un groupe de travail relatif aux ventes à découvert sur les conclusions duquel elle s'appuiera pour décider s'il faut maintenir, voire étendre leur interdiction ou, au contraire, l'abroger. La question a une dimension européenne car elle se pose partout alors que les réglementations nationales ou les appréciations sont différentes dans les États membres. À cet égard, nous suivons avec attention le débat qui se déroule au Royaume-Uni.
S'agissant des enquêtes et des diligences qui les accompagnent, elles sont de la compétence du secrétaire général. En tant que président du collège, je n'ai pas encore eu à en connaître. Mais Gérard Rameix et moi-même souhaitons la même rigueur. Les manquements doivent entraîner des sanctions pénales – sous réserve qu'ils en soient passibles ! Les poursuites sont engagées chaque fois que c'est possible puisque tel est notre devoir. Nos relations avec le parquet sont d'ailleurs étroites. Sur les évolutions possibles, je vous renvoie au rapport Coulon. Cela étant, comme je vous l'ai dit, les errements ne doivent pas rester impunis trop longtemps. Or, la justice est parfois lente. Ce n'est pas tant le principe des doubles poursuites qui pose problème que le risque d'affaiblir le dispositif d'enquête et de sanction de l'AMF.
Sur votre deuxième question, vous avez également raison. La confiance suppose la transparence et, bien évidemment, dès que le plan aura été adopté par le collège – j'en profite pour préciser qu'il comprend seize membres choisis parmi les magistrats de tous ordres, les professionnels et les épargnants, ainsi que des personnalités indépendantes –, ce plan sera rendu public.
Il serait faux de dire qu'il n'y a pas de coopération entre les autorités de contrôle, au moins autant que de dire qu'il existe une véritable supervision européenne, a fortiori mondiale. Mais on a pu constater que les États ont réagi vite et fort, ce qui contrastait avec l'attitude de la Commission. Peut-on espérer que l'Europe progresse sur tous les sujets que vous avez évoqués – coopération des instances de régulation, interprétation plus uniforme des règles, fin de l'abstention européenne dans la fixation des normes comptables ? Prend-elle conscience que le renforcement de la coopération interne est un enjeu décisif non seulement pour le continent mais pour l'ensemble de la planète financière ?
Il s'agit véritablement d'un problème de fond. La prise de conscience existe indubitablement à tous niveaux, le souci de coopération aussi. Un exemple : l'AMF consacre du temps à répondre aux sollicitations de ses homologues, cinquante-cinq en 2008, à comparer à la cinquantaine d'enquêtes qui sont ouvertes chaque année en France. La coopération est donc intense en matière de contrôle.
Aussi réelle soit-elle, la prise de conscience n'en est pas moins tardive. La Commission a manqué de réactivité face à des problèmes qui sont sur la table depuis plus d'un an. Elle aurait pu aller plus vite. Elle est en train de rattraper le retard, mais elle est à la fin de son mandat, et le Parlement aussi. Le temps est compté. Elle publiera un livre blanc sur la régulation en juin, mais elle ne pourra pas prendre beaucoup de décisions entre septembre et novembre.
L'articulation entre l'action de la Commission qui a l'initiative des règles et celle des régulateurs et des comités européens de contrôle, qui les appliquent, doit être renforcée, de façon à mieux harmoniser les pratiques et à instaurer une sorte de code de bonne conduite entre les places européennes. Il faut éviter la course au moins-disant réglementaire. C'est là que l'Europe pèche.
En matière de normes comptables, des progrès ont été faits depuis l'automne dernier. On s'est rendu compte que, pour appliquer le principe de la juste valeur, ou de la valeur de marché, encore faut-il qu'il y ait un marché, liquide. Le grippage du système oblige à revoir les normes. De même, des travaux sont en cours sur le hors-bilan et la déconsolidation.
En tout état de cause, la gouvernance ainsi que la fixation de normes comptables et leur articulation avec les règles prudentielles devront être au coeur des discussions du G20 au mois d'avril, ce qui suppose d'avoir auparavant une réflexion approfondie au niveau européen.
La promptitude que mettent les établissements financiers à répondre qu'ils ne sont pas touchés par telle ou telle affaire ou qu'ils n'ont pas tel ou tel produit toxique en portefeuille susciterait plutôt le doute… Pouvez-nous nous donner des assurances ? Je fais partie du conseil de surveillance de caisses de retraite et l'on m'explique que la gestion est bénéficiaire, mais qu'il y a tout de même moins d'argent qu'avant ! Le paiement des retraites en Europe risque-t-il d'être touché à plus ou moins brève échéance ?
Les banques françaises ont sans doute pris moins de risques que d'autres, mais les bénéfices qu'elles affichent n'ont-ils pas été constitués au détriment de leurs provisions ?
De façon plus provocante, pourquoi les organismes de contrôle ne découvrent-ils les grandes escroqueries que quand tout est perdu ?
La fraude est tellement énorme que l'on se demande si les sanctions existantes sont suffisamment dissuasives ? Sans peur du gendarme, tout recommencera.
Il y a un an et demi, nous organisions une table ronde au cours de laquelle les agences de notation étaient mises en cause. Depuis, la crise boursière a dégénéré en crise financière, économique, sociale et elles ont toujours pignon sur rue. Faut-il noter les agences de notation ? Jusqu'où faut-il aller dans la surveillance ?
Le rapport Delétré évoque le rapprochement de la Commission bancaire et de la Commission de contrôle des assurances. Certains articles de presse envisagent même de leur adjoindre l'Autorité des marchés financiers. Qu'en pensez-vous ?
Chacun se souvient des soupçons de délit d'initié dans l'affaire EADS qui a défrayé la chronique. Des investigations ont été diligentées et, d'après mes informations, un rapport a été communiqué au collège de l'AMF, avant que votre prédécesseur ne le remise au placard malgré de solides présomptions. Pourquoi en est-on resté là ? Faut-il y voir le résultat d'amitiés particulières ? S'agit-il d'attendre une évolution du droit des sociétés ? Ce rapport existe-t-il ? Quelles suites comptez-vous lui donner ?
Comment les comités de régulateurs fonctionnent-ils à l'échelle transnationale ? Faut-il des autorités européennes ? Si oui, à l'échelle de la zone euro, ou au-delà ? Rattachées à la Banque centrale européenne, ou indépendantes ?
Ne risque-t-on pas, en réglementant davantage, d'aggraver la fuite vers les paradis fiscaux ? La directive épargne est en chantier à Bruxelles. Que faut-il y ajouter ?
La traçabilité des produits toxiques est une de nos préoccupations en raison du risque de dissémination. Peut-on aujourd'hui imaginer un label qui garantirait leur absence ? Faut-il cantonner ces produits ? Quelle position adopter envers les paradis fiscaux situés sur le territoire de l'Union européenne ?
Les produits d'épargne témoignent de l'extrême inventivité des banques, des assurances comme des entreprises. En face, l'architecture de la régulation est morcelée entre l'AMF, l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles – l'ACAM – et la Commission bancaire, qui contrôlent tantôt les produits, tantôt les organes, ou bien élaborent les normes. Une institution unique ne serait-elle pas préférable, quitte à prévoir des sections, de façon à gagner en cohérence, d'abord au plan national, avant d'en faire admettre le principe au niveau communautaire ? N'est-ce pas la condition pour parvenir à détecter les difficultés avant qu'il ne soit trop tard ? A-t-on jamais arrêté à temps une grande escroquerie ?
Le calendrier européen n'est pas des plus favorables compte tenu de l'échéance décisive que sera le G20. Comment êtes-vous associé à la préparation de ce sommet ? Existe-t-il une préparation collective au niveau européen ? À propos des normes comptables, j'ai lu il y a un mois une interview du président d'AXA qui déclarait que, même si elles étaient très décriées, rien n'avait été fait. Les choses ont-elles avancé au niveau européen ? Parlera-t-on de ces normes au G20 ? Enfin, on annonce ici ou là que certains hedge funds ou CDS réservent encore des surprises désagréables. Avez-vous des échos ?
L'AMF a très rapidement établi un recensement des dégâts causés par l'affaire Madoff. Les chiffres ont été rendus publics trois jours après l'annonce du scandale et l'ordre de grandeur reste le même : environ 500 millions d'euros pour les épargnants français. Ils ont été touchés par le biais de fonds coordonnés ou de fonds de fonds, notamment Luxalpha domicilié au Luxembourg et Thema en Irlande.
Des gens m'ont expliqué avoir été conseillés par des banques françaises. D'ailleurs les contentieux commencent.
Il n'y a pas eu d'investissements directs, ce qui ne veut pas dire que certains établissements situés en France – banques, courtiers, ou sociétés de gestion – n'aient pas placé les fonds qui leur étaient confiés auprès d'UBS à Luxembourg ou de HSBC dans le cas irlandais. Nous avons demandé à ceux qui étaient concernés de nous communiquer leur exposition au risque et de prévenir leurs clients.
Cela étant, l'affaire va donner lieu à des contentieux civils. Les plaignants plaideront l'obligation de surveillance des dépositaires à l'égard de ceux qui leur ont confié des fonds. Il reste à déterminer si cette surveillance a bien été exercée et si la responsabilité des dépositaires peut être engagée comme il nous semble à nous Français que la directive européenne en donne la possibilité. Pour être tout à fait clair, la question se pose de savoir si nous laissons les contentieux civils suivre leur cours, avec l'inconvénient de la lenteur des procédures et du caractère aléatoire de leur issue devant les juridictions luxembourgeoises, irlandaise, suisse ou autre, ou si une prise de conscience européenne permettra aux régulateurs et aux gouvernements d'exercer une pression suffisamment forte sur les établissements pour obtenir la restitution des fonds et rétablir la confiance. Bref, deux options sont possibles : la voie judiciaire, qui est privilégiée actuellement, ou la voie politique. L'alternative, liée à l'interprétation de la directive, sera sans doute examinée au niveau européen avant le G20.
La somme de 500 millions que vous avez citée n'intègre pas les montants investis dans le fameux fonds luxembourgeois par les résidents français sur les conseils des établissements français, qui ont une obligation de conseil avisé. On m'a expliqué comment cela se passait, et le mécanisme était passablement pervers.
Pouvons-nous faire un point précis ? La France a été contaminée par plusieurs canaux. Le principal vient de ce que des épargnants français ont souscrit des fonds de fonds, dont l'un des sous-jacents était Luxalpha ou Thema. Nous avons pu faire très rapidement le point. Une quarantaine de sociétés sont impliquées. L'encours avoisine les 500 millions d'euros et le risque est très élevé, à moins de mettre en jeu la responsabilité d'UBS ou de HSBC après avoir prouvé que ces banques ont failli à leur devoir de surveillance, de conseil ou de conservation des actifs.
Mais il existe d'autres canaux, dont parle M. de Courson. Il y a d'abord les contrats d'assurance-vie en unités de compte dont les supports avaient été investis au moins en partie dans des fonds de fonds. L'assureur n'étant tenu de fournir que la contre-valeur des unités de compte, les souscripteurs ne s'en sont pas toujours rendu compte, ou alors tardivement. Il y a ensuite la gestion sous mandat confiée à des banques ou à des sociétés de gestion. Dans ce cas, soit le mandataire, soit le client lui-même, a investi directement chez Madoff, dans Luxalpha, Thema ou autre.
Les contentieux porteront sur le devoir de conseil tel que l'entend le droit français – je rappelle qu'en France, le nom de Madoff était peu connu – ou, plus aléatoire encore, sur la nature des liens entre le gérant, le dépositaire et l'épargnant selon des droits étrangers. Comment les tribunaux luxembourgeois, par exemple, vont-ils interpréter la directive pour apprécier si UBS a accompli son devoir de dépositaire et de gérant ? Nous suivons les choses de près. J'ai ordonné une pré-enquête auprès des sociétés de gestion françaises, les seules dans le champ de compétence de l'AMF, pour savoir dans quelles conditions elles ont accepté de commercialiser les fonds Madoff. Apparemment, Luxalpha était un fonds coordonné, homologué, donc conforme à la directive. En conséquence, sa commercialisation en France n'était pas une faute. Il faudra donc remonter plus loin, car il ne sera pas facile d'expliquer à un épargnant qui a tout perdu que tout le monde a fait son devoir.
Je rappelle que l'Autorité des marchés financiers ne peut recenser que ce qui est de son ressort. Tel n'est pas le cas des contrats d'assurance-vie. Ce constat renvoie à la question de l'architecture de la régulation. Au niveau européen, ou national, l'essentiel est de ne pas confondre la gestion prudentielle des banques et des assurances, d'une part, et la surveillance des marchés dans le cadre de la protection des investisseurs et de l'épargne. C'est pourquoi je ne suis pas favorable à un régulateur unique. S'agissant de la commercialisation des produits financiers, en revanche, le découpage de la régulation en fonction du statut du distributeur ne correspond pas à une différence de nature entre les produits distribués, qui sont très proches. Or, il n'y a pas de contrôle efficace au niveau européen des circuits de commercialisation comme il peut en exister pour les médicaments ou les aliments. Le système de régulation français et européen doit évoluer dans ce sens et les directives aussi.
Quant à la découverte tardive des escroqueries, monsieur de Courson, je vous renvoie à la remarque de M. Mariton. Il appartient à la SEC et à son équipe d'enquête de faire toute la lumière sur cette affaire. Par-delà les défaillances, c'est la commercialisation de produits en apparence tout à fait honorables qui a piégé bon nombre d'épargnants.
Monsieur Cousin, la sanction est efficace et pédagogique si les épargnants, les actionnaires et les investisseurs savent qu'elle tombera rapidement en cas de manquement aux règles. L'atteinte à la réputation est au moins aussi dissuasive que le montant de la pénalité, dont on peut discuter, mais qui n'est qu'un critère parmi d'autres. Le maniement des sanctions est particulièrement délicat. Je veux bien relever le plafond des sanctions mais, au vu des réactions suscitées par les dossiers importants, je crois pouvoir vous dire que le gendarme fait encore peur.
En ce qui concerne les agences de notation, l'AMF souhaiterait que l'on ne s'en remette pas à elles les yeux fermés. La notation ne dispense pas d'exercer un contrôle efficace par soi-même. Par ailleurs, les méthodes qu'utilisent ces agences doivent être transparentes, pour éviter, comme cela s'est produit, les conflits d'intérêt, et évaluées. Pour reprendre votre expression, il faut noter les agences de notation. Enfin, il s'agit d'un marché fermé et il faut l'ouvrir au niveau européen et international. Mais, en pleine crise de confiance, nous avons besoin de la notation et de l'évaluation. Le marché ne pourrait pas perdre tous ses repères en même temps.
La créer ex nihilo prendrait beaucoup de temps et d'argent ! Parallèlement, il faudrait une certaine unité de vues à laquelle je ne suis pas sûr que l'Europe soit prête. Le collège de l'AMF en discutera mais, à titre personnel, il me semblerait bon de labelliser certains professionnels de l'évaluation des risques.
Pour revenir au sujet précédent, je suis favorable à un modèle double de régulation, qui distingue contrôle du marché et contrôle prudentiel. La crise n'a pas apporté la preuve de la supériorité du régulateur unique, qui correspond au schéma britannique.
Quant à EADS, le dossier a été transmis à la commission des sanctions de l'AMF, distincte du service des enquêtes. Elle devrait statuer avant la fin de l'année.
Nous avons été très attaqués sur ce dossier très complexe.
Pour être crédible, il faut respecter les textes. Or ils prévoient que le secrétaire général de l'AMF ouvre l'enquête – il l'a fait –, supervise l'enquête – il l'a fait –, présente le rapport d'enquête au collège – il l'a fait. Le collège apprécie l'opportunité de poursuivre – il l'a fait – et il a lancé la procédure en mars dernier. Vingt personnes ont reçu une notification de griefs, dont trois personnes morales. Le rapport a été communiqué au procureur de Paris et transmis au juge d'instruction. Ce document n'avait pas à être rendu public, mais il y a eu des fuites sur Internet. Il est donc notoire que l'AMF a porté une appréciation sévère, qui fait d'ailleurs l'objet d'une contestation par les avocats des personnes mises en cause.
Aujourd'hui, le rapporteur désigné par le président de la commission des sanctions travaille en toute indépendance et, c'est heureux, dans le secret. Des auditions ont lieu. Une séance se tiendra au cours de laquelle le rapporteur présentera son rapport à la commission et le communiquera aux avocats qui présenteront à leur tour leur défense. Ensuite, la commission se retirera pour délibérer. Parallèlement, la procédure pénale se poursuit. Tout est donc conforme aux textes, et la confidentialité est la règle, ne serait-ce qu'en raison de la présomption d'innocence. Nous avons communiqué pour autant que la réglementation l'autorisait.
L'issue de cette procédure devrait être connue dans la seconde moitié de l'année. Le dossier est sensible par bien des aspects, y compris politiques, puisqu'il met en jeu une très grande entreprise franco-allemande et que les Allemands considèrent qu'ils sont mis en cause. Cela étant, j'ai fait en sorte que le dossier soit traité strictement selon les règles de droit. Je rappelle qu'il n'est pas prouvé que les personnes mises en cause soient coupables.
Mes fonctions précédentes m'autorisent à confirmer les propos de M. Rameix sur les implications franco-allemandes du dossier. Quant aux délais, ils ne sont pas exceptionnels pour un tel cas. L'AMF essaie de sanctionner les manquements moins de trois ans après qu'ils ont été constatés. Nous allons essayer de rester à l'intérieur de ce délai, et ce sera une performance, même si l'objectif est de le réduire à deux ans et demi.
Selon certaines rumeurs, une réflexion serait en cours à la Chancellerie pour minimiser le délit d'initié et les sanctions qu'il ferait encourir. Avez-vous des informations ?
Je vous renvoie au rapport Coulon qui envisage d'articuler différemment les deux types de sanction en transmettant le dossier au parquet en cas de délit caractérisé. La Chancellerie s'appuie sur certaines de ses conclusions tandis que d'autres ministères ne les suivent pas. L'AMF, en ce qui la concerne, est attachée avant tout à un système de sanction aux manquements des règles de marché qui soit rapide et efficace. Pour le reste, je suis ouvert à la discussion et très soucieux également des garanties apportées aux libertés individuelles.
Monsieur Garrigue, il nous faut faire preuve de pragmatisme, y compris en matière de régulation. Or, dans l'affaire Madoff, par exemple, certains pays, comme l'Espagne, le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne, le Luxembourg, l'Autriche, sont plus concernés que d'autres. Cela suppose un travail à géométrie variable, qui ne suppose pas un rattachement des régulateurs à la BCE.
Les paradis fiscaux constituent un des dossiers les plus importants au niveau international. Ce sera le plus délicat, et le plus long à régler. Ce n'est pas la régulation qui crée les centres offshore. Les Britanniques, qui offrent une régulation plus souple, en souffrent autant que nous. Harmoniser, en revanche, voilà qui est difficile. Il faut commencer par le faire en Europe pour éviter à l'échelle de ce continent une concurrence néfaste. Je ne suis pas certain que le prochain G20 débouche immédiatement sur des mesures concrètes dans ce domaine.
La traçabilité des produits toxiques suppose une certaine organisation des marchés de ces produits. C'est la raison pour laquelle il est important de disposer de plates-formes de compensation et d'encadrer les échanges.
À propos de l'affaire Madoff, vous avez évoqué le risque lié aux contrats en unités de compte qui reposent sur des OPCVM. Ces supports sont-ils susceptibles d'abriter des fonds Madoff ?
Oui. Il y a un débat sur ce que doit être la réglementation des OPCVM, en particulier des OPCVM monétaires. La presse a été trop vite en besogne, car notre position n'est pas arrêtée. Des consultations vont avoir lieu sur nos propositions de révision de la classification des OPCVM. Une fois encore, le sujet est délicat et il ne faudrait pas déclencher de risque systémique en ajoutant de la peur à la défiance. Le régulateur a une responsabilité en ce domaine.
Le risque est tout de même limité. Le canal privilégié de commercialisation des produits Madoff en France, c'était les fonds de fonds vendus à une clientèle assez fortunée ou alors les contacts directs évoqués par M. de Courson, c'est-à-dire une clientèle encore plus fortunée qui acceptait de s'exposer elle-même. La commercialisation par le biais d'assureurs a existé, mais elle a été apparemment limitée. Les risques liés à la faillite de Lehman Brothers sont à mon avis plus élevés. Mais, s'agissant des assureurs, l'AMF n'est pas l'interlocuteur le mieux placé.
Malheureusement, les actifs toxiques ne se limitent pas à Madoff. Sur le plan des principes, la classification des OPCVM doit être revue car, pour l'instant, rien dans les textes n'interdit que des produits grand public soient adossés au moins partiellement à des produits plus sophistiqués. Mais il ne faudrait pas fragiliser une industrie qui draine une épargne importante.
Je voudrais rassurer M. Mancel car, le G20 étant prévu le 2 avril, les instances européennes seront encore actives. Le groupe de M. de Larosière va rendre ses conclusions, la Commission publier son livre blanc… C'est plus tard que la situation sera plus délicate. Quant à la préparation collective européenne, elle a lieu entre les ministres des finances, entre les régulateurs. Des réunions se sont déroulées dans le cadre de l'Organisation internationale des commissions de valeurs, d'autres sont prévues dans le cadre du CESR, dont une se tiendra à Paris, ou du Forum de stabilité financière avec les régulateurs bancaires. Il serait sans doute souhaitable de prévoir une préparation plus politique au niveau européen.
Les normes comptables sont examinées dans le cadre de la préparation du G20. Des progrès ont été faits dans la prise en compte des situations de marché par la juste valeur, des travaux sont en cours en matière de consolidation et de déconsolidation des bilans. Des révisions des normes applicables aux établissements financiers sont en cours. Notre position selon laquelle ils doivent, ainsi que les assureurs, être assujettis à un régime spécifique, n'est pas toujours majoritaire en Europe ni au niveau international.
En ce qui concerne les surprises désagréables, j'ai les mêmes sources d'information que vous. Rien n'est exclu. C'est pourquoi il faut une réglementation plus stricte.
Nous suivons les enquêtes américaines. Les 50 milliards correspondent aux sommes globales que les épargnants croyaient avoir gagnées, intérêts et plus-values compris, mais une partie au moins n'a jamais existé. Selon le schéma de Ponzi, l'escroc promet un rendement élevé pour collecter une épargne nouvelle qui sert à payer les intérêts aux premiers entrés dans le système. Chacun croit détenir une somme importante mais, en réalité, le rendement est nettement inférieur, d'autant que le capital versé initialement a été amputé pour servir les intérêts des précédents. On finira bien par le savoir, mais, pour le moment, on ignore même combien a été réellement investi. Il resterait quelques centaines de millions de dollars.
Quant à savoir comment une escroquerie d'une telle ampleur a été possible, je n'ai pas la réponse. En tout cas, c'est un type de fraude très classique. Qu'elle ait échappé à tous les contrôles, c'est difficile à expliquer. Apparemment, le personnage était d'une extraordinaire habileté. En outre, il y aurait eu un jeu de passe-passe entre les activités de courtage, de brokerage, d'exécution d'ordres pour compte de tiers qui étaient du ressort de la SEC et la gestion d'actifs que, curieusement, Madoff n'exerçait pas officiellement sous régulation américaine. Quand les inspecteurs venaient chez lui, il leur montrait les comptes de ses activités de courtage, pas ceux de la gestion d'actifs. Mais nous attendons d'avoir le rapport de la SEC. Ses inspecteurs sont en train d'éplucher les comptes pour comprendre ce qui s'est passé.
L'espoir de ne pas tout perdre, pour les épargnants dont nous défendons les intérêts, c'est de trouver une personne solvable dont la responsabilité puisse être valablement mise en cause dans l'un des systèmes juridiques en compétition.
Nous allons maintenant examiner le rapport d'information de M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial de la mission Transports routiers, ferroviaires, fluviaux et maritimes, sur l'évaluation économique et financière des récents mouvements sociaux à la SNCF et l'impact du service minimum. J'informe la commission que mercredi 11 février, nous auditionnerons M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports puis M. Guillaume Pépy, président de la SNCF, qui pourront ainsi nous donner leur analyse de cette importante question et leurs réactions vis-à-vis des propositions de notre Rapporteur spécial.
Le Rapporteur spécial. M. Pierre Blayau, responsable de la branche fret de la SNCF et de l'activité transports et logistique du groupe SNCF, a déclaré ce matin même que le redressement du fret à la SNCF semble hors d'atteinte et que la question désormais posée est celle de son développement.
Pour le fret comme pour les autres activités de la SNCF, il est clair que l'évolution de l'organisation et du dialogue social pèse sur les perspectives de l'entreprise.
Le rapport qui vous est présenté résulte d'auditions commencées le 15 janvier et achevées le 30 janvier, au cours desquelles j'ai rencontré les représentants de la SNCF, de la tutelle et de l'ensemble des organisations syndicales.
Premier point qui ressort de ce travail, l'évaluation du coût des grèves est difficile. Les résultats donnés par la SNCF pour l'entreprise sont peu précis, et ceux du ministère de l'économie et de l'INSEE pour l'économie sont divergents. D'où ma première proposition : la SNCF et le Gouvernement devront transmettre chaque année au Parlement une évaluation du coût direct des grèves pour l'entreprise et du coût de celles-ci pour les usagers. Cette disposition pourrait être ajoutée par amendement au projet de loi relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires en cours d'examen au Parlement.
Par ailleurs, si le contexte social pèse lourdement sur les résultats de l'entreprise, il est étonnant de constater le décalage qui existe entre les visions des acteurs d'un conflit, non seulement sur son analyse mais aussi sur sa chronologie même et son déroulement. Je propose donc la notification à l'inspection du travail, par tous les acteurs d'un conflit, des éléments chronologiques relatifs aux demandes de concertation immédiate et aux préavis, ainsi qu'aux négociations.
Le recours à la médiation est également insuffisant. Si la révision générale des politiques publiques est une bonne chose, il faut aussi développer des compétences de médiation au sein de l'administration, de manière que la direction de la SNCF et les partenaires sociaux puissent y recourir plus fréquemment.
Concernant les modalités des grèves, il convient de répondre aux questions que posent les grèves récentes ou en cours et qui concernent la capacité de la SNCF à y faire face. S'agissant de l'entrée, de la sortie et du retour dans la grève, il paraît raisonnable de porter à 72 heures, au lieu de 48 heures actuellement, le délai de prévenance d'un salarié voulant rejoindre le même mouvement après s'en être retiré.
Par ailleurs, les arrêts de travail de 59 minutes, qu'on ne saurait interdire, pourraient s'accompagner d'une retenue de 1160ème du traitement mensuel pour le premier arrêt comme actuellement mais de 150ème du traitement à partir du deuxième arrêt et des suivants, lorsqu'ils sont effectués dans le cadre de la même déclaration individuelle d'intention.
De même, un nouveau préavis ne pourrait être déposé par la ou les mêmes organisations, non seulement pour les mêmes motifs comme prévu actuellement par la loi mais également pour des motifs de même objet.
Enfin, le droit de retrait, qui, sous une forme collective, a un impact important sur le fonctionnement de l'entreprise, devrait faire l'objet d'une charte d'application négociée par la direction et les organisations syndicales.
En tout état de cause, il paraît indispensable de mettre en place des indicateurs de performance sociale de la SNCF, tant il est vrai que les défis qu'elle doit relever – la concurrence, le fret, les transports de proximité – nécessitent une grande attention aux questions sociales.
Le rapport de notre Rapporteur spécial présente non seulement un constat mais également des propositions, dont nos collègues voudront débattre. Saisi de plusieurs demandes en ce sens, je propose que ce débat s'engage lors des auditions, le 11 février prochain, de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports et de M. Guillaume Pépy, président de la SNCF.
Nous vous remercions, Monsieur le Rapporteur spécial. La Commission est-elle favorable à la publication du rapport ? Je constate que le principe de la publication du rapport d'information sur l'évaluation économique et financière des récents mouvements sociaux à la SNCF et l'impact du service minimum, mis aux voix, est approuvé par la Commission.