Audition de M. Alain Juppé, ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes
La séance est ouverte à dix-sept heures.
Nous avons le plaisir de recevoir M. Alain Juppé, ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes, pour une audition, ouverte à la presse, consacrée à l'actualité internationale.
Monsieur le ministre, permettez-moi tout d'abord de vous adresser, au nom de la Commission, nos meilleurs voeux pour une année 2012 qui s'annonce aussi dense et riche que l'année qui l'a précédée.
Cette audition sera l'occasion de procéder à un tour d'horizon des principaux sujets qui vont nous occuper dans les prochains mois et même, pour certains d'entre eux, les prochaines années.
L'Europe, tout d'abord, traverse une crise de gouvernance qui appelle des décisions majeures dans le sens d'une plus grande convergence des politiques économiques et budgétaires.
Nous sommes également à quelques jours du premier anniversaire de la chute de Ben Ali qui a marqué le début de ce que l'on a appelé le « printemps arabe ». Depuis, le monde arabe est entré dans une phase de mutation qui se révèle complexe et, dans certains cas, violente.
Les évènements dramatiques qui frappent le Nigeria et les récentes élections en République démocratique du Congo indiquent que la situation du continent africain demeurera encore cette année au coeur de nos préoccupations.
Plus ponctuellement, les relations, déjà tendues, entre l'Iran et les pays occidentaux se sont à nouveau détériorées.
Nous sommes également intéressés par les conséquences sur les relations franco-turques du vote par l'Assemblée nationale de la proposition de la loi visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi.
Mesdames et messieurs les députés, je vous présente à mon tour mes voeux les plus chaleureux pour vous-mêmes et tous ceux qui vous sont chers.
Je vous remercie de me donner l'occasion d'avoir de nouveau avec vous un échange qui sera comme toujours libre, franc et constructif.
Quelles seront les grandes priorités de la diplomatie française en 2012 ?
Première priorité : l'adoption rapide des nouveaux traités européens. Nous plaidons tout d'abord pour l'adoption à « Dix-sept plus », peut-être à Vingt-six du projet de traité sur l'union économique renforcée. Celui-ci complétera la panoplie des outils de gouvernance économique, de solidarité et de responsabilité budgétaire mis en place depuis le plan d'aide à la Grèce. Nous devons tout faire pour que l'Europe surmonte la crise de la dette. Notre objectif est que ce traité soit finalisé en vue du Conseil européen du 30 janvier. Nous le souhaitons équilibré autour de trois volets essentiels.
Tout d'abord, la mise en place d'un véritable gouvernement économique de la zone euro, lequel fait défaut depuis la création de l'euro. Cela signifie des sommets réguliers de la zone – lors du sommet européen du 9 décembre dernier, Mme Merkel était allée jusqu'à envisager des sommets mensuels au pic de la crise –, et une présidence stable de la zone.
Ensuite, une convergence accrue des politiques en faveur de la croissance. Nous ne sortirons en effet de la crise de la dette par une bonne maîtrise des déficits que si nous retrouvons le chemin d'une croissance soutenue, ce qui implique la mobilisation des fonds européens, des coopérations renforcées et une harmonisation fiscale.
Enfin dernier volet, sans doute le plus connu : la règle d'or d'équilibre budgétaire à inscrire dans les lois fondamentales des États, avec un contrôle de sa transposition par la Cour de justice européenne, et l'application de sanctions financières en cas de dépassement des critères de déficit budgétaire – sauf si une majorité qualifiée s'y oppose au Conseil des ministres.
Nous souhaitons également achever au plus vite la révision du traité sur le mécanisme européen de stabilité financière (MESF), celui-ci devant, conformément aux décisions prises le 9 décembre, remplacer le 1er juillet prochain le Fonds européen de stabilité financière (FESF). Ce mécanisme, permanent, préfigurera un véritable fonds monétaire européen, pouvant agir comme pare-feu pour l'ensemble de la zone euro. Il sera doté de 500 milliards d'euros de capacités effectives de prêts. L'Allemagne lui apportera sa garantie à hauteur de 27%, la France de 20%. Notre objectif est que ce traité puisse être signé en marge de la réunion du Conseil Ecofin du 24 janvier. Enfin, le Président Sarkozy et la Chancelière Merkel ont discuté hier d'une contribution franco-allemande en vue du Conseil européen du 30 janvier, dans laquelle nous proposerons des mesures concrètes en faveur de la croissance et de l'emploi.
Deuxième priorité de notre diplomatie en 2012 : soutenir les transitions démocratiques dans le monde arabe. L'urgence absolue est la Syrie, où le régime reste sourd aux appels de la communauté internationale et continue de perpétrer de véritables crimes contre l'humanité. Face à cette situation, nous ne nous résignons pas au silence du Conseil de sécurité des Nations Unies. Certes, la Russie bloque toujours nos initiatives mais nous continuons à oeuvrer avec nos partenaires en vue de lever ce blocage. Nous maintenons également nos contacts avec les différentes composantes de l'opposition syrienne, pour l'aider à se structurer et à préparer l'avenir. Nous soutenons également l'initiative de la Ligue arabe, y compris la décision qu'elle a prise dimanche dernier de reporter les conclusions finales de sa mission d'observation au 19 janvier. Ce report est certes frustrant car dix jours en Syrie, même en présence d'observateurs étrangers sur le terrain, ce sont des dizaines de morts supplémentaires, puisque la répression comme les actes de violence perdurent. Malgré nos doutes sur cette mission qui n'a pas fait cesser la répression, nous continuons de soutenir les efforts de la Ligue arabe. Mais nous l'avons clairement dit : le 19 janvier est le dernier délai. A cette échéance, la Ligue doit être en mesure de dire clairement si et comment le régime syrien respecte les quatre engagements qu'il a pris lors de la signature de l'accord qu'elle lui a proposé : l'arrêt des violences, la libération des prisonniers, le retrait de l'armée des villes et l'ouverture du territoire syrien aux observateurs et médias internationaux. Aucun de ces engagements n'a pour l'instant été tenu. Si les conclusions du rapport de la mission d'observation sont négatives, nous souhaitons qu'elle en rende compte au Conseil de sécurité.
Nous continuerons d'apporter notre soutien aux pays dans lesquels la transition est désormais bien engagée : la Tunisie, le Maroc, l'Égypte où des élections libres se sont tenues pour la première fois. Je n'ignore pas que le résultat de ces élections suscite des interrogations. Beaucoup redoutent que les valeurs au nom desquelles les peuples se sont soulevés ne soient pas au fondement des futurs régimes. Mais, comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, nous ne pouvons pas refuser à des citoyens dont la voix a été si longtemps étouffée le droit d'exprimer leur choix. Nous ne pouvons pas davantage accepter l'idée selon laquelle les peuples arabes seraient condamnés à n'avoir le choix qu'entre dictature et fondamentalisme ou qu'islam et démocratie seraient incompatibles. Gardons-nous des procès d'intention et laissons aux nouveaux gouvernements le temps de faire leurs preuves. Ils ont été élus pour donner corps aux aspirations des peuples à la liberté, à la démocratie, au respect des droits de l'homme et de la femme. S'ils s'éloignent de ce chemin, la France leur rappellera cette exigence.
Lors de mon déplacement la semaine dernière en Tunisie, j'ai pu constater qu'il y avait de bonnes raisons d'espérer. Les déclarations du leader d'Ennahda qui a condamné les déclarations anti-israéliennes faites la semaine dernière à Tunis à l'occasion du voyage de M. Haniyeh, responsable du Hamas à Gaza, paraissent également de bon augure. Cela étant, la situation est compliquée, et en dépit des assurances données par les responsables d'Ennahda, il subsiste de la méfiance de part et d'autre. Lors de ma visite, j'ai rencontré des représentants de l'opposition et de plusieurs membres d'associations, notamment de femmes. J'ai ainsi participé à un dîner auquel avaient été conviées cinq femmes. Tandis que l'une d'entre elles, vice-présidente de l'assemblée constituante, membre d'Ennahda, possédant la double nationalité française et tunisienne, élue en France, plaidait la cause de son parti, on percevait chez les autres, actrices de la société civile, dont une chef de service au CHU de Tunis, et responsables d'associations, une méfiance certaine.
La situation en Égypte est encore plus compliquée avec la percée, inattendue, des salafistes.
Les enjeux sont également économiques et sociaux. Nous devons aider les pays arabes à améliorer l'accès des jeunes à l'éducation et à l'emploi, qui constitue la meilleure garantie d'un enracinement durable de la démocratie et la meilleure protection contre les extrémismes. Nous pourrons nous appuyer sur les relations privilégiées que nous entretenons avec tous ces pays. Je pense à la Libye, où je me suis rendu en décembre dernier, à la Tunisie où j'ai partout reçu un excellent accueil. Le Président Marzouki m'a redit à quel point la relation entre la France et la Tunisie était pour lui « indéchirable » – c'est le terme qu'il a lui-même employé. Si certaines de ses déclarations avaient pu susciter des inquiétudes, il y a là une affirmation sans ambiguïté. Le Premier ministre tunisien, ainsi que le Président de l'Assemblée nationale, se sont exprimés dans le même sens.
Pour cet accompagnement économique et social, nous pourrons nous appuyer sur le partenariat de Deauville, désormais pleinement opérationnel. Nous avons déjà dans ce cadre, en lien avec les organisations de la société civile, identifié de nombreux projets à soutenir. Il me faut toutefois dire que si nous sommes disposés à aider ces pays, encore faut-il qu'ils s'aident eux-mêmes. L'argent est là, le processus est en place – je me suis employé à le débloquer à Koweït en novembre dernier avant de passer le flambeau du G 20 aux Etats-Unis. Mais on a, en Égypte notamment, beaucoup de mal à obtenir des propositions concrètes d'actions. Ce n'est pas le cas en Tunisie.
Nous devons tout faire également, parce que c'est la condition sine qua non d'une paix durable dans le monde arabe, pour que reprennent les négociations entre Israéliens et Palestiniens et que le processus de paix soit relancé. La France ne ménage aucun effort en ce sens. Voyons dans la récente rencontre à Amman entre représentants palestiniens et israéliens l'augure d'un dégel de la négociation.
La troisième priorité de notre diplomatie en 2012 sera le développement de la paix et de la démocratie en Afrique. Je pense tout d'abord à la République démocratique du Congo où les élections présidentielle et législatives se sont tenues le 28 novembre dernier. La commission électorale a proclamé la victoire du président sortant, M. Kabila. Les missions d'observation électorale de l'Union africaine comme de l'Organisation internationale de la francophonie ont fait état de graves irrégularités. Nous les avons vivement déplorées. Nous demandons que la compilation des résultats des législatives et leur publication s'opèrent dans la plus grande transparence et appelons à ce que, sans attendre ces résultats, les autorités en place et l'opposition travaillent ensemble dans un esprit de dialogue démocratique. Nous craignions de violents affrontements. Ils ont pour l'instant été évités. En étroite concertation avec les organisations africaines, la France continue d'appuyer toutes les initiatives pouvant favoriser le dialogue.
Au Sénégal, l'élection présidentielle se tiendra dans deux mois. Il y a certes dans ce pays une tradition démocratique fortement ancrée mais la tension actuellement perceptible nous préoccupe. Nous sommes attachés au plein respect du processus démocratique. Je tiens à redire que la France n'a aucun candidat et n'a pas à se prononcer sur la validité de telle ou telle candidature. Comme dans toute démocratie, le passage de témoin entre générations devra bien avoir lieu un jour.
Au Soudan, de grandes avancées ont eu lieu en 2011, avec la proclamation de l'indépendance du Sud-Soudan et l'accord de paix de Doha pour le Darfour. La situation n'en demeure pas moins très fragile, sinon explosive. Le conflit entre le Nord et le Sud a repris et s'aggrave. Nous invitons toutes les parties au dialogue et maintenons le contact avec tous les acteurs. Nous sommes prêts à coopérer avec le Nord sur la dette et avec le Sud pour l'aider à se développer. Encore faut-il que chacun nous donne des signes de bonne volonté.
En Somalie enfin, la Mission des Nations unies (MISSOM) effectue un travail remarquable. Je salue l'engagement de l'Ouganda, du Burundi ou encore de Djibouti, dont nous avons contribué à former les troupes qui participent désormais à cette Mission. Nous sommes convaincus que l'intervention du Kenya peut aider à lutter contre l'influence des milices Chebab. C'est d'ailleurs pourquoi, après que le Premier ministre kenyan nous a expliqué la démarche de son pays lors de sa visite à Paris, nous avons, à deux reprises, appuyé cette intervention. Nous sommes également convaincus que les efforts militaires permettront de créer un contexte plus favorable au processus politique. Nous souhaitons que toutes les parties somaliennes, y compris les régions, soient associées. Tout doit être fait pour aider le gouvernement fédéral de transition.
La quatrième priorité de notre diplomatie sera de répondre aux grands défis de la sécurité dans le monde. Je commencerai sur ce sujet par la situation en Iran. Les autorités iraniennes mettent en danger la stabilité du monde en développant un programme nucléaire, à la finalité militaire chaque jour plus manifeste. Pour du nucléaire civil, point n'est besoin d'enrichir de l'uranium à 20% ! Outre le risque patent d'escalade, l'Iran multiplie les provocations, depuis le sac de l'ambassade britannique à Téhéran jusqu'aux menaces proférées concernant la circulation des navires dans le Golfe.
Notre message est clair : nous ne tolérerons pas la poursuite du développement de capacités nucléaires, en violation des résolutions du Conseil de sécurité. Nous veillerons au strict respect du droit international, en particulier de la liberté de navigation dans les eaux internationales et le détroit d'Ormuz. Je continue à croire à une solution diplomatique. Le dialogue reste ouvert, sur la base de la lettre que Mme Ashton a adressée au gouvernement iranien, mais des sanctions fortes seront appliquées si l'Iran contrevient aux exigences posées par le Conseil de sécurité. Après le dernier rapport de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et la nouvelle provocation que constitue la mise en service du site enterré de Fordo, nous devons faire preuve de toute la détermination nécessaire, ne serait-ce que pour prévenir l'option militaire, dont les conséquences ne pourraient qu'être cataclysmiques. C'est le sens des propositions faites par le Président de la République à nos partenaires américains et européens. Le 23 janvier, le Conseil européen Affaires étrangères sera en mesure de prendre des mesures très fermes. Les discussions sont en bonne voie. Nous avons proposé un embargo sur les achats de brut iranien, qui a fait l'objet d'un assez large accord parmi les Vingt-sept, à l'exception de la Grèce et de l'Italie, qui s'approvisionnent en pétrole en Iran. Nous leur faisons actuellement valoir qu'il existe d'autres sources d'approvisionnement. Le second volet des sanctions consisterait en un gel des avoirs de la banque centrale iranienne. Il suscite certaines réticences de la part de pays qui font beaucoup d'affaires avec l'Iran : nous travaillons à les lever. Les États-Unis, pour leur part, viennent, sous la pression du Congrès, d'adopter de fermes sanctions, de même inspiration.
Autre dossier majeur pour la sécurité et la stabilité dans le monde : l'Afghanistan. Nous poursuivons à la fois le retrait de nos troupes selon le calendrier fixé et participons à la stabilisation du pays dans le cadre d'une stratégie concertée avec l'ensemble de nos partenaires. La stabilité de ce pays repose sur trois piliers.
Tout d'abord, la maîtrise de leur souveraineté par les Afghans eux-mêmes avec le transfert progressif de la responsabilité de la sécurité aux forces afghanes. Cette stratégie donne des résultats. Les zones d'ores et déjà transférées représentent près de la moitié de la population afghane. L'un des deux secteurs dont nous avons la charge, le district de Surobi, en fait partie. Je tiens ici à rendre hommage au courage et au professionnalisme de nos forces présentes sur le terrain. Je salue la mémoire des deux légionnaires tombés au combat le 29 décembre dans la vallée de Tagab.
Ensuite, la communauté internationale devra se mobiliser aux côtés de l'Afghanistan bien au-delà de 2014. Lors de la conférence qui s'est tenue à Bonn le 5 décembre dernier, un engagement a été réaffirmé en ce sens. La France montre la voie avec le traité d'amitié et de coopération que le Président de la République avait évoqué lors de son déplacement à Kaboul il y a quelques mois et qui vient d'être proposé aux Afghans. Nous avons travaillé d'arrache-pied à ce texte. Celui-ci pourra, je l'espère, être signé le 27 janvier, à l'occasion de la visite à Paris du président Karzaï. C'est un traité de long terme sur vingt ans, qui comporte un programme opérationnel pour une première période de cinq ans, avec des objectifs ciblés en matière de santé, d'éducation, d'infrastructures et un effort financier important de la part de notre pays. Nous veillerons à ce que les Nations Unies restent impliqués par l'intermédiaire de leur Mission d'assistance dans le pays (MANUA), notamment pour le renforcement de l'État de droit, la mise en place d'une gouvernance démocratique et l'appui au processus de réconciliation.
Troisième pilier de notre stratégie pour l'Afghanistan : une solution politique inter-afghane la plus inclusive possible, que nous soutenons au travers d'une paix durable et équitable. L'annonce de la création d'un bureau des Talibans à l'étranger, probablement au Qatar, est de ce point de vue une étape positive. Le succès de ce processus passe aussi par une coopération régionale pour la sécurité et la stabilité de l'Afghanistan. La France a fortement soutenu cette idée, qui a été validée lors de la conférence d'Istanbul. Espérons que ce soit là l'assise d'une sécurité collective dans la région, en associant les pays voisins.
En matière de sécurité, nous redoublons également d'efforts pour faire progresser la politique européenne de sécurité et de défense commune (PESD). En dépit des difficultés et bien que nous ayons mesuré les limites de cette politique en 2011 au moment de l'intervention en Libye, je n'ai pas renoncé. Lors du Conseil Affaires étrangères du 1erdécembre, nous sommes parvenus à débloquer la situation et à nous doter d'une feuille de route qui prévoit notamment le lancement de nouvelles opérations au Sahel et en Libye, le développement de projets capacitaires en mutualisant les moyens, notamment avec l'Agence européenne de défense, le renforcement des structures européennes d'anticipation et de gestion des crises. Le blocage qui existait avec nos partenaires britanniques a pu être levé. Comme ils ne voulaient pas entendre parler d'un quartier général européen, une solution de transition a été trouvée consistant à réactiver le centre d'opérations existant. Nous pouvons désormais avancer dans deux directions. D'un côté, des opérations sur le terrain, au Sahel avec le renforcement des capacités régionales de lutte contre Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), et dans la Corne de l'Afrique, avec celui des capacités maritimes régionales de lutte contre la piraterie ; d'un autre côté, des projets concrets de mutualisation des moyens avec l'Agence européenne de défense.
La cinquième priorité de notre diplomatie, elle de plus long terme, consiste à poser les fondements d'un mode de développement soutenable, respectueux de l'environnement. Ce sera l'enjeu de la conférence Rio + 20 qui marquera le vingtième anniversaire de la Conférence de Rio et qu'avec Nathalie Kosciusko-Morizet, nous préparons activement. Nous nous sommes fixé trois objectifs.
Le premier est la création d'une Organisation mondiale de l'environnement : la France porte ce projet depuis la conférence Citoyens de la terre organisée en février 2007 par le président Chirac. La gouvernance de l'environnement n'est, hélas, en effet toujours pas à la hauteur des défis. Nous avons besoin d'une organisation mondiale spécialisée, s'appuyant sur le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE). Basée comme celui-ci à Nairobi, ce qui rassurerait nos partenaires africains, celle-ci aurait pour tâche de piloter la politique environnementale mondiale, de renforcer les liens entre scientifiques et décideurs, comme cela a été fait pour le climat, de faciliter la mobilisation des ressources et les transferts de technologies au profit des pays les plus vulnérables et les plus pauvres. Elle répondrait aux attentes des pays développés comme des pays en développement car, intégrant mieux la dimension environnementale dans l'approche économique, elle permettrait de lutter à la fois contre le dumping et contre le protectionnisme verts. De nombreux États soutiennent aujourd'hui ce projet de création – l'Union européenne en a même fait une priorité. L'honnêteté exige de dire que d'autres, hostiles à toute idée d'organisation environnementale internationale, le combattent. Nous continuons à travailler et organisons, avec Nathalie Kosciusko-Morizet, le 31 janvier à Paris, une conférence visant à mobiliser la société civile autour de ce projet.
Deuxième ambition pour Rio + 20 : la promotion d'une économie plus sobre en carbone et en ressources naturelles. C'est une nécessité car ces ressources ne sont pas inépuisables. C'est aussi une chance car l'économie verte constitue un gisement de croissance pour nos économies et une clé de compétitivité future pour nos entreprises.
Dernière ambition pour Rio + 20 : l'énoncé d'objectifs du développement durable, prolongeant les Objectifs du millénaire pour le développement, adoptés en 2005 pour l'horizon 2015. Nous souhaiterions que ces objectifs, comme ceux du millénaire, deviennent une référence et un aiguillon pour la communauté internationale.
S'agissant des sanctions à l'encontre de l'Iran, le Conseil européen doit maintenant prendre rapidement des décisions. Deux types de sanctions sont envisageables, vous l'avez dit. Tout d'abord, le gel des avoirs de la banque centrale iranienne à l'étranger. Le Royaume-Uni s'est déjà engagé dans cette voie et il est probable que cette paralysie des flux financiers sera efficace. Je suis en revanche plus sceptique quant à l'embargo sur le brut iranien. Je me demande même s'il ne contribuerait pas à renforcer le régime. En effet, entraînant une hausse des prix du pétrole, il pourrait enrichir l'Iran, dont le budget est aujourd'hui fondé sur une hypothèse de prix de seulement 80 dollars le baril. En effet, en dépit de cet embargo, l'Iran trouvera toujours des débouchés pour son pétrole en Chine, en Corée du Sud, en Inde et en Indonésie.
En ce qui concerne une Organisation mondiale de l'environnement, projet que nous appelons de nos voeux depuis très longtemps, avait été envisagée il y a quelques années une étape intermédiaire avec la création d'une agence onusienne de l'environnement, s'appuyant sur le PNUE et basée comme lui à Nairobi. Une telle étape est-elle toujours à l'ordre du jour ? Ne serait-elle pas de nature à lever les réticences de certains pays, parmi lesquels les Etats-Unis ?
Pourriez-vous nous dire pourquoi vous avez récemment adressé, avec certains de vos homologues européens, un courrier à Mme Ashton, Haute représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères ?
Enfin, quel est votre sentiment sur la situation actuelle en Hongrie ?
Est-il efficace de prendre des sanctions commerciales ou financières à l'encontre de certains pays ? On peut en discuter à l'envi. Le problème est qu'il n'existe pas une infinité de solutions. Si on écarte l'option militaire, dont vous savez ce que je pense, il faut bien recourir à des sanctions, les plus fermes possible. Certaines ont déjà été prises à l'encontre de l'Iran par certaines entreprises ou personnalités. Il nous est apparu qu'il fallait aller plus loin, tout d'abord en gelant les avoirs de la banque centrale. Les Etats-Unis ont pris une décision en ce sens, de portée de surcroît extraterritoriale : tous les organismes, fût-ce à l'extérieur des Etats-Unis, utilisant les circuits financiers passant par la banque centrale seront touchés, ce qui peut être extrêmement pénalisant pour l'Iran.
Sur les exportations de brut, je ne partage pas votre pessimisme. D'une part, d'autres pays producteurs sont disposés à augmenter leur production pour éviter une hausse des prix. Nous avons déjà pris des contacts. Les pays concernés souhaitent la discrétion mais se tiennent prêts. Nous intervenons également auprès de certains clients de l'Iran comme la Corée ou le Japon pour les dissuader d'augmenter leurs importations en provenance de ce pays. Les recettes retirées des exportations de produits pétroliers représentent de 17 à 20% du budget iranien : un embargo peut donc faire très mal au pays.
En ce qui concerne une Organisation mondiale de l'environnement, une étape intermédiaire avait en effet été envisagée avec une montée en puissance du PNUE à Nairobi. C'est une solution de repli. Nous essayons de travailler pour Rio + 20 à la mise en place d'une véritable organisation internationale en matière d'environnement.
Nous avons écrit à Mme Ashton pour stimuler ses initiatives. Le Service européen pour l'action extérieure n'a qu'un an et se met encore en place. Contrairement à ce qui a parfois été dit, nous y sommes pleinement présents, et y occupons, comme les Britanniques, des postes importants, aussi bien à Bruxelles qu'à l'extérieur. Nous y jouons tout à fait notre rôle. Il a été reproché à Mme Ashton de ne pas toujours s'exprimer aussi rapidement et de manière aussi forte qu'on le souhaiterait. Mais la voie est étroite car si elle le fait sans avoir sollicité l'avis des Vingt-sept, cela lui est aussi reproché ! Nous la soutenons dans sa tâche. La lettre à laquelle vous faites allusion portait essentiellement sur des mesures d'amélioration technique concernant les ambassades de l'Union européenne, les moyens de renforcer la visibilité des représentants spéciaux de l'Union européenne, de mieux organiser l'ordre du jour des séances du Conseil Affaires étrangères, … Mais c'est assurément plus facile à dire qu'à faire, dès lors que sur chaque point, chacun des représentants des Vingt-sept souhaite à chaque fois s'exprimer.
Au lieu de tirer cette conclusion, on peut aussi se dire qu'il convient d'en améliorer le fonctionnement. Et c'est celle que je tire pour ma part.
S'agissant de la Hongrie, certains ont reproché à la diplomatie française sa faiblesse, d'autres sa brutalité : j'en déduis donc que nous avons adopté la bonne ligne. Plusieurs mesures législatives prises par le nouveau gouvernement et la nouvelle majorité ne sont pas parfaitement conformes au corps de doctrine de l'Union européenne. Je pense à l'indépendance de la banque centrale ou encore au fonctionnement de l'institution judiciaire. Ainsi a-t-il été décidé d'abaisser l'âge de la retraite des juges de 70 à 62 ans, ce qui permettra de se séparer de 300 d'entre eux à brève échéance et ainsi de renouveler les personnels rendant la justice. La Commission européenne, qui est la gardienne des traités, s'en est émue et a adressé au gouvernement hongrois plusieurs lettres d'observations lui demandant des explications, puis des modifications de ces mesures. Si les autorités hongroises ont dans un premier temps répondu qu'il s'agissait d'affaires strictement intérieures, la tonalité de leur discours a changé : dans la situation économique très difficile qu'elle traverse, la Hongrie a en effet besoin de la solidarité européenne et son gouvernement négocie actuellement avec l'Union et le Fonds monétaire international. Cette conjoncture est propice à des évolutions. Nous allons poursuivre le dialogue avec les autorités hongroises afin d'éviter des dérives que nous avons peut-être anticipées mais plusieurs des mesures prises soulèvent indéniablement des difficultés.
Il est des situations dans le monde où nous avons peu de prise. Il en est heureusement d'autres où nous pouvons encore décider seuls de ce que nous faisons, à condition de ne pas nous bercer d'illusions, comme je crois que vous le faites, hélas, au sujet de l'Afghanistan.
Depuis que la France a décidé l'envoi d'un contingent militaire dans ce pays pour y garantir la sécurité de la population et aider à la mise en place d'un régime doté d'une armée et d'une police fonctionnant de manière à peu près démocratique, un glissement dans les objectifs s'est opéré – auquel le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN n'est d'ailleurs peut-être pas étranger. Nos forces apparaissent de plus en plus aux yeux des Afghans, à tort ou à raison, comme supplétives des forces américaines. Dès lors que cette guerre – c'en est une – ne peut être gagnée, nous le savons, et que les progrès mentionnés sont en large partie illusoires, en tout cas sans lendemain, quand ce ne sont pas de simples incantations, on voit mal comment sortir de cette affaire afghane. Dès lors aussi que les périls se situent sans doute davantage au Pakistan qu'en Afghanistan, à quoi sert de maintenir un jour de plus nos soldats dans ce pays ? Combien de morts faudra-t-il encore déplorer pour qu'on se décide à rappeler nos troupes ? Si nous n'avons plus rien à gagner, elles ont tout à perdre.
La situation en Afghanistan est extrêmement compliquée, je ne l'ai pas caché et je ne crois pas avoir dit que j'étais optimiste. La réconciliation inter-afghane est difficile : l'assassinat de l'ancien président Rabbani il y a quelques semaines a encore accru la difficulté. Le rôle joué par le Pakistan est un obstacle supplémentaire et la dégradation des relations de ce pays avec les Etats-Unis complique encore les choses. La situation sur le terrain reste fragile, la gouvernance afghane n'est pas exempte de critique – le trafic de drogue notamment demeure un fléau dans le pays. Je ne sous-estime donc pas les difficultés. Pour autant, partir aujourd'hui sans délai comme vous le préconisez, traduirait un manque de sang-froid et une précipitation coupable. Il ne serait pas à l'honneur de la France d'abandonner ainsi ses partenaires à eux-mêmes. La stratégie de transition, que nous avons adoptée en novembre 2010, consiste en un retrait progressif et ordonné de nos forces, qui doit s'achever fin 2013. Nous avons déjà retiré 400 hommes du district de Surobi. Quatre cents de plus le seront dans les prochains mois. Un millier d'hommes au total l'auront été d'ici à la fin de 2012. Nous travaillons pour que la Kapisa, où nous sommes également présents, puisse figurer dans la liste des zones en transition en 2012 ou 2013, de façon à y achever le retrait de notre dispositif de combat dans les délais indiqués par le Président de la République, en plein accord avec nos partenaires. Telle est notre stratégie. On peut la critiquer, en souhaiter une autre. Elle a le mérite de la cohérence.
On ne peut laisser dire que nos forces agissent en supplétives des forces américaines, quand sur place nous n'avons que 4 000 hommes et les Etats-Unis encore 120 000. Nous avons veillé à demeurer maîtres de notre dispositif. La task force La Fayette répond aux ordres qu'elle reçoit du Gouvernement français, en liaison avec la Force d'intervention internationale en Afghanistan (IFAS) et le commandement de l'OTAN. Nos forces agissent conformément aux règles d'intervention fixées par nos propres autorités militaires.
J'observe que dans votre exposé liminaire, monsieur le ministre d'État, comme toujours du plus haut intérêt, d'une grande clarté et d'une grande force, vous n'avez pas dit un seul mot de l'Asie, où vit pourtant la moitié de la population mondiale et qui représente au moins la moitié de l'économie mondiale.
Ma question porte sur la Turquie. Dans cette zone du monde – je relève que vous n'avez pas parlé non plus de l'Union pour la Méditerranée –, la Turquie joue un rôle très important, surtout en cette période de confrontation avec l'Iran et de graves problèmes en Syrie. Vous aviez cherché à développer nos relations avec la Turquie et des résultats prometteurs avaient déjà été obtenus. Puis la proposition de loi que nous savons est arrivée « comme un cheveu sur la soupe », si je puis m'exprimer ainsi. Quelque intérêt que puisse présenter ce sujet du point de vue historique, l'adoption de ce texte a, dans les circonstances présentes, profondément perturbé notre politique étrangère dans la région. Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre d'État, et pouvez-vous nous dire où on en est exactement ?
Ce qu'avait un jour dit Jean-Pierre Chevènement : « Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça s'en va. » me revient souvent à l'esprit ces temps-ci… Je n'en dirai pas davantage sur le cas particulier.
Chacun connaît le point de vue qui était le mien sur le sujet que vous évoquez. C'était celui du ministre des affaires étrangères. Je pense avoir été dans mon rôle en signalant les inconvénients – le mot est faible – qu'une telle initiative parlementaire risquait de provoquer. Il faut souligner qu'une proposition de loi ayant le même objet était en préparation au Sénat, émanant d'un autre groupe politique que celui qui l'a présentée à l'Assemblée nationale. Je n'y reviens pas. Reste à gérer les conséquences de ce vote, et c'est loin d'être terminé puisque le texte va être prochainement examiné au Sénat. Nos amis turcs ont réagi comme on pouvait s'y attendre. Bien que je les aie invités à ne pas « surréagir », ils n'ont pu s'en garder. Nos diplomates tentent maintenant de raccommoder les choses. Mon déplacement il y a quelques mois en Turquie avait été extrêmement positif. Nous avons beaucoup d'intérêts communs avec ce pays. Nos échanges commerciaux avoisinent déjà 12 ou 13 milliards d'euros – pour un objectif de 15 milliards. Beaucoup d'entreprises françaises sont présentes dans le pays et il y a beaucoup d'opportunités à y saisir dans le domaine des services, industriel mais aussi agricole – nous exportons beaucoup de viande ovine et bovine en Turquie. La coopération culturelle entre nos deux pays est également importante. Il existe une tradition d'enseignement francophone séculaire en Turquie et le lycée de Galatasaray, établi en 1868, a formé de nombreuses générations de responsables turcs. L'université Galatasaray, où l'on enseigne également en français, a, quant à elle, été créée par un traité international, signé en 1993 sous la présidence de François Mitterrand, et à l'élaboration duquel j'avais moi-même participé. Et j'ai succédé à Raymond Barre à la présidence du Haut comité de parrainage de cette université francophone, aujourd'hui l'une des universités turques les plus prisées par les étudiants du pays.
Nous allons donc tout faire pour que nos relations avec la Turquie s'apaisent. Je vous indique que, comme l'avait suggéré la France en novembre dernier et comme la Turquie vient de l'accepter, le ministre turc des affaires étrangères, M. Davutoglu, sera présent au Conseil européen Affaires étrangères du 23 janvier.
Pour le reste, monsieur de Charette, si je n'ai pas évoqué l'Union pour la Méditerranée (UPM), c'est tout simplement qu'on ne peut traiter de tout dans un propos introductif. Mais nous n'avons en rien renoncé à ce projet. J'en ai encore parlé il y a quelques jours en Tunisie. Les Tunisiens sont très partants. Une difficulté ponctuelle tient à ce que le secrétaire général de l'UPM, en poste depuis un an, M. Youssef Amrani, vient d'entrer au gouvernement marocain, ce dont on se réjouit pour lui et pour nos relations avec le Maroc. Mais il faut lui trouver un successeur.
Il y a un an était créé l'Institut français, dont la présidence a été confiée à Xavier Darcos. Ce nouvel établissement vise à rendre plus offensive et plus efficace l'action culturelle extérieure de la France et à favoriser la diffusion de la langue française dans le monde – ce qu'on appelle notre soft power. Un an après sa création et les expérimentations de rattachement à l'Institut lancées dans douze pays, pourriez-vous dresser un premier bilan de la réforme ?
Il est encore trop tôt. Xavier Darcos a parfaitement endossé ses nouvelles responsabilités. L'Institut français dispose de moyens non négligeables. Le processus d'expérimentation lancé dans une douzaine de pays a été voulu réversible. S'il n'était pas concluant, nous réviserions le dispositif. Les choses sont bien parties mais ce n'est qu'en 2013 que des décisions seront prises.
Il est faux de prétendre que la France n'a plus de moyens d'influence dans le domaine culturel à l'étranger. Nous conservons un dispositif très important, avec tout d'abord le réseau, inégalé, des établissements de l'Agence pour l'éducation française à l'étranger (AEFE) – aucun autre pays au monde n'a de dispositif aussi ambitieux, à l'exception peut-être des Etats-Unis, encore que cela s'exerce dans un cadre différent, davantage privé que public. Le recentrage de nos services culturels à l'étranger autour des conseillers de coopération et d'action culturelle (COCAC) a aussi permis de rendre notre action plus lisible. Nous possédons également avec le réseau de l'Alliance française, un outil exceptionnel, notamment en Amérique latine mais aussi dans d'autres régions du monde. Dans beaucoup de pays, le centre culturel français est le seul espace existant d'expression et de liberté culturelles. Il m'avait frappé, par exemple à Addis-Abeba, que nos amis étrangers viennent tout naturellement à l'Alliance française lorsqu'ils souhaitent organiser une exposition ou une conférence. Nous avons de même un important centre culturel à Benghazi en Libye. Les moyens sont certes contraints et il faut faire preuve d'imagination. Nous cherchons à nouer des partenariats nous permettant de démultiplier notre action. Nous avons rationalisé notre dispositif, je le dis d'autant plus volontiers que ce n'est pas moi qui ai engagé cette réforme. Lors de ma prise de fonctions, j'ai clairement dit que vu le peu de temps qui restait jusqu'aux prochaines échéances, je ne lancerai pas de nouvelle réforme de structure au Quai d'Orsay et me contenterai de mettre en oeuvre les mesures antérieurement décidées. Nous nous sommes dotés avec les trois EPIC que sont l'Institut français, Campus France, opérationnel depuis le 1erjanvier, et France Expertise Internationale, d'opérateurs performants ayant chacun reçu un contrat clair d'objectifs et de moyens.
L'Agence française de développement (AFD), où j'assistais ce matin à une réunion de l'ensemble de l'encadrement, dispose elle aussi désormais, après quelques turbulences en 2011, d'une feuille de route précise avec un contrat d'objectifs et de moyens et des orientations claires fixées par son conseil d'orientation stratégique, présidé par le ministre. En 2011, l'Agence a pu engager sept milliards d'euros, de prêts pour l'essentiel et de dons. Je rappelle que la France est le deuxième contributeur d'aide au développement du G 8.
Nous consacrerons début février l'une de nos réunions à un bilan de la loi sur la réforme de l'action extérieure culturelle de la France, que nous dressera notre collègue Hervé Gaymard. Nous ferons le point à cette occasion sur la situation des trois EPIC créés il y a un peu plus d'un an.
Notre collègue Jean-Jacques Guillet a déjà abordé la question de la Hongrie. La façon dont a jusqu'à présent été traitée l'affaire hongroise ne me satisfait pas. On a tendance à se reposer sur la Commission européenne, dont on déplore par ailleurs qu'elle ne fasse rien, ce qui est d'ailleurs vrai. Ce qui s'est passé récemment en Hongrie est extrêmement grave pour la démocratie. On pourrait attendre de l'Europe et de la France une condamnation plus ferme.
Vous « déplorez » de même ce qui vient de se passer en République démocratique du Congo, avec des résultats électoraux pour le moins contestables. Mais là encore peut-on se contenter de déplorer ?
Enfin, traitant des révolutions arabes, vous avez passé sous silence la Libye. Or, le désordre dans ce pays demeure considérable. Le pillage des armes et leur dispersion ont fait qu'il existe désormais au Sahel de véritables arsenaux à ciel ouvert et que les trafics d'armes y ont quintuplé depuis les actions militaires en Libye. Quel est votre sentiment sur cette situation extrêmement préoccupante ?
Je souhaitais, monsieur le ministre d'État, vous interroger sur l'Iran et la Syrie, mais vous avez déjà largement répondu sur ces deux sujets.
S'agissant des élections en République démocratique du Congo, vous avez dit ce qu'il convenait de dire. La France a émis des doutes sur la sincérité des scrutins. Le calme apparent qui règne aujourd'hui dans le pays risque de ne pas durer. Je suis, pour ma part, très inquiet de ce qui peut se passer à l'annonce du résultat des élections législatives, déjà repoussée à plusieurs reprises.
Au Nigeria, les troubles s'amplifient et s'aggravent. Le risque de dérapage est avéré. Ce pays, qui joue un rôle central sur le continent africain, peut s'enflammer, avec un réel risque de contagion. Quel est votre sentiment sur ce sujet ?
Monsieur le ministre d'État, à vous écouter, j'ai eu le sentiment qu'on commençait de prendre conscience que le monde est en train de changer de base et que le signe annonciateur en a sans doute été les printemps arabes. Vous avez commencé dans votre exposé par traiter d'un monde ancien, ce « machin » européen, condamné au naufrage. Je le dis comme je le pense, ni la discipline budgétaire, ni le mécanisme de stabilité européenne ne pourront sauver l'euro, du fait d'une part de l'existence au sein de l'Union de maillons faibles, du fait d'autre part que le dispositif ne peut fonctionner si on refuse les transferts. Les pays les plus riches paient pour les pays les plus pauvres, voilà la réalité : tout le reste n'est que littérature. L'Espagne emprunte aujourd'hui à 6%, l'Italie à 7%... Cela montre qu'il n'y pas de solution avec les mécanismes mis en place. Ce n'est pas une question de gouvernance, mais de structure économique de la zone. On a cru à l'Europe, vous-même y croyez encore. C'est pourquoi vous en parlez, mais votre exposé lui-même en atteste, et vous avez raison, le regard se porte désormais davantage sur la rive Sud de la Méditerranée avec la Syrie, la Turquie, le continent africain où le Nigeria est au bord de la guerre civile – ce n'est d'ailleurs, hélas, pas nouveau : les massacres y étaient déjà courants il y a dix ou vingt ans, je le sais pour y avoir été en poste. Dans ce contexte, ne faudrait-il pas dresser un bilan lucide de ces évolutions et réorienter nos efforts pour les faire porter au Sud et laisser l'Europe à ce à quoi elle est aujourd'hui réduite, à savoir un marché commun, sinon unique ?
Je n'aurai pas la cruauté, monsieur le ministre d'État, de m'étendre sur le dossier turc, si ce n'est pour dire que je m'honore de faire partie des députés, de gauche comme de droite, ayant voté contre la proposition de loi que l'on sait, aux motivations démagogiques et aux fondements absurdes.
Ma question porte sur l'Iran. Je suis convaincu que ce pays veut la bombe atomique et qu'il l'aura. Mais je suis également convaincu qu'il ne fera pas d'expérimentation nucléaire et que la zone ne sera pas déstabilisée. Imaginons que nos services secrets vous apportent demain la preuve que l'Iran dispose de tous les éléments de l'arme nucléaire. Et cela arrivera tôt ou tard, c'est inéluctable. Que ferons-nous ? A mon avis, rien. Quelle est donc la logique des sanctions envisagées ? N'est-ce pas seulement un suivisme de l'administration américaine à la veille d'élections ? Ces sanctions ne peuvent aboutir à rien et je ne comprends vraiment pas ce que fait notre pays en cette affaire.
Quel rôle joue l'Arabie saoudite dans l'initiative lancée par la Ligue arabe en Syrie ? Quelle est la position de l'Algérie sur ce qui se passe actuellement dans ce pays ?
La victoire d'Ennahda en Tunisie et la poussée salafiste en Égypte lors des dernières élections marquent une entrée des partis religieux dans la vie politique de ces pays. Les conséquences pouvant en résulter dans la politique étrangère de ces États vous paraissent-elles maîtrisables ?
Monsieur Loncle, votre intervention traduit à la fois un profond pessimisme et une ardente combativité. Si je vous entends bien, il aurait fallu brandir l'étendard de la révolte face à la Hongrie et la stigmatiser, intervenir en République démocratique du Congo pour s'interposer entre les factions et aller plus loin encore que nous ne l'avons fait en Libye. Soyons sérieux ! S'agissant de la Hongrie, je n'ai jamais prétendu que la Commission européenne ne faisait rien. J'ai même dit exactement le contraire. Avant même l'adoption de certaines dispositions législatives, la Commission a adressé des courriers aux autorités du pays. La commissaire européenne à la justice, Mme Reding, a demandé des explications sur la réforme de la justice, et le président de la Commission, M. Barroso, le retrait de la réforme de la banque centrale ainsi que des dispositions relatives à la stabilité financière. Il est vrai que ces mises en garde n'ont pas, pour l'instant, été suivies d'effets. Il sera toujours possible pour la Commission d'engager une procédure d'infraction à l'encontre de la Hongrie. Le Parlement européen, quant à lui, devrait se saisir du sujet lors de sa prochaine session plénière. Il y a eu une réaction très ferme de la part des autorités européennes et très claire de la part de la France. La France ne s'est pas rangée dans le camp des pays restés silencieux, comme en attestent d'ailleurs les réactions des dirigeants hongrois. Il nous a été reproché de nous mêler de ce qui ne nous regardait pas. Je ne regrette en rien car je suis convaincu qu'il fallait le faire. Nous continuerons d'essayer de convaincre la Hongrie de modifier ce qui n'est pas acceptable dans les textes qu'elle vient d'adopter.
S'agissant de la République démocratique du Congo, l'Union africaine a été la première à reconnaître la victoire de M. Kabila. Nous avons fait nos propres observations et allons les poursuivre. Aurait-il été opportun de se montrer plus radical, au risque de jeter de l'huile sur le feu et de pousser les parties en présence à la confrontation ? Sans dissimuler que nous déplorions les irrégularités commises, nous avons cherché à calmer le jeu de part et d'autre, en appelant à la concorde et au dialogue.
La situation en Libye demeure très préoccupante, j'en ai parlé en évoquant toute l'utilité du partenariat de Deauville. Mes entretiens avec le président du Conseil national de transition (CNT), M. Abdel Jalil, et avec le Premier ministre, M. Rahim Al-Kib, lors de ma visite le mois dernier, m'ont en partie rassuré. Le nouveau Premier ministre mesure parfaitement les défis à relever. Nous allons continuer à aider le pays. Je vous mentirais si je prétendais que la tâche sera facile. Nous ne sous-estimons pas le problème des armes qui circulent dans l'ensemble du Sahel. La menace terroriste dans cette zone demeure une grave préoccupation. Nous nous efforçons de la contrer avec les pays riverains.
Monsieur Terrot, j'étais au Nigeria il y a un peu plus d'un mois. Le pays m'est apparu à la fois fragile et étonnamment solide. Sa fragilité tient aux différences ethniques et religieuses que l'on connaît entre le Nord et le Sud, ainsi qu'au degré inégal de développement entre les deux zones. Dans le même temps, ce pays dynamique possède une réelle puissance économique et démographique – d'après les prévisions, sa population devrait atteindre 450 millions d'habitants d'ici le tournant du siècle. Nous entretenons de bonnes relations avec le président Goodluck Jonathan et les autorités nigérianes d'une manière générale. Là également, le dialogue et la concorde doivent l'emporter sur l'intolérance religieuse. Ni le Nord ni le Sud n'ont intérêt à la partition, le Nord parce que c'est au Sud que se trouvent les richesses, le Sud parce que la cohésion du pays est un atout majeur pour son développement futur.
Monsieur Myard, le monde change, nous dites-vous. Voilà longtemps que je dis moi-même que nous ne sommes plus le centre du monde ! Pour le reste, cela ne vous étonnera pas, je suis en total désaccord avec le jugement que vous portez sur l'Europe. Si l'euro devait imploser, ce qui n'est, hélas, pas impossible, l'Union européenne n'y résisterait pas. L'existence d'un grand marché ne résoudrait rien. Et les difficultés que rencontre la Commission à faire respecter certaines règles et certains principes, par la Hongrie aujourd'hui par exemple, seraient décuplées. Tout cela ferait le lit des extrémismes et des nationalismes. Un scénario catastrophe serait alors tout à fait possible. C'est pourquoi je me battrai de toutes mes forces pour qu'on fasse exactement le contraire de ce que vous préconisez, et qu'on aille plus loin dans l'intégration européenne.
Non, c'est la solution.
Pour le reste, parler de l'Europe n'empêche en rien de considérer qu'il est capital d'être présent au Sud de la Méditerranée, ce que nous faisons d'ailleurs avec l'Union pour la Méditerranée, le partenariat de Deauville qui est lui aussi une initiative française, et nos politiques bilatérales.
Monsieur Boucheron, je ne reviens pas sur la Turquie. Pour ce qui est de l'Iran, je ne comprends pas bien votre position. Faudrait-il ne rien dire et laisser faire ? Ne devrions-nous rien tenter pour dissuader ce pays de fabriquer une bombe atomique ?
Je peux comprendre votre scepticisme, d'ailleurs partagé par d'autres. Peut-être avez-vous même raison. Mais, pour ma part, je souhaite que l'on tente tout pour empêcher l'Iran de fabriquer la bombe atomique car la contagion serait catastrophique. La Turquie voudrait alors s'en doter également, et cette prolifération serait extrêmement dangereuse non seulement pour la région mais pour l'équilibre même du monde.
Monsieur Guibal, l'une des difficultés que rencontre la Ligue arabe pour agir, notamment en Syrie, tient à ce qu'elle ne constitue pas – pas plus que l'Europe des Vingt-sept ! – un ensemble homogène. Si l'Arabie saoudite est plutôt motrice dans l'initiative lancée pour placer le régime syrien au pied du mur, l'Algérie a une attitude plus mouvante.
Pour ce qui est de la place de la religion dans l'espace politique, je ne vous cache pas qu'il est difficile dans tous ces pays, où l'islam est religion officielle, de faire comprendre ce que nous entendons en France par laïcité. Ils ne comprennent pas la séparation étanche que nous opérons entre champ politique et champ religieux et font d'ailleurs valoir que certains pays européens en ont aussi une – la reine d'Angleterre n'est-elle pas le chef de l'église anglicane ? La conception française de la laïcité n'est pas facilement « exportable ». Ce qui doit être absolument garanti est le respect de la liberté d'expression religieuse pour toutes les religions et le respect des minorités – je pense aux minorités chrétiennes d'Orient, à d'autres aussi. C'est là une ligne rouge à ne pas franchir.
Monsieur le ministre d'État, je partage totalement votre réponse à M. Myard.
L'option militaire fait-elle partie des options envisagées pour répondre à la crise iranienne ?
Vous avez répondu, monsieur le ministre d'État, aux questions que je souhaitais vous poser concernant certaines minorités religieuses, notamment chrétiennes, en Égypte et au Nigeria.
Ma question porte sur un sujet qui ne semble plus émouvoir grand monde. L'an dernier, le printemps arabe a commencé en Tunisie par des immolations. Or, ces derniers jours, deux moines tibétains viennent de s'immoler, ce qui porte à quinze le nombre de moines s'étant immolés au Tibet depuis mars dernier, dans l'indifférence la plus totale du reste du monde – il est vrai que les Jeux olympiques à Pékin sont derrière nous… Ce n'est pourtant pas là le traitement qu'une grande puissance devrait réserver à ses minorités ethniques ou religieuses. Vous aviez, monsieur le ministre d'État, fait preuve de fermeté dans une réponse à une question que notre collègue Patrick Bloche vous avait posée sur le sujet au printemps dernier. La répression n'a, hélas, pas cessé depuis lors au Tibet. Les moines de Kirti ont été durement arrêtés et « rééduqués ». Les immolations continuent. La France poursuit-elle la politique d'intervention que vous aviez évoquée ? Si oui, par quels biais ? A-t-elle autant de capacités d'ingérence en Chine que dans d'autres pays, moins puissants ?
La question que je souhaitais vous poser sur le Nigeria l'a déjà été. Je n'y reviens donc pas.
Notre Commission a reçu en décembre le ministre algérien des affaires étrangères, M. Mourad Medelci. Lorsque je lui ai, à cette occasion demandé si des mesures étaient envisagées afin de permettre aux harkis de retourner en Algérie à l'occasion du cinquantenaire de la fin de la guerre, j'ai cru comprendre que ce n'était pas à l'ordre du jour. Dialoguez-vous avec l'Algérie à ce sujet ?
Je souhaite revenir sur le printemps arabe. Comme vous, monsieur le ministre d'État, je pense qu'il faut se garder de tout amalgame : le monde arabo-musulman est divers, les cultures politiques et l'implication religieuse sont très différentes selon les pays. Je pense également comme vous que nous ne pouvons accepter que ces pays soient condamnés à n'avoir le choix qu'entre dictature et intégrisme. A ceux qui s'inquiètent de la place de la religion, je rappellerai que la démocratie en Europe a émergé dans le sillage de la religion chrétienne. On ne s'est pas inquiété que des partis comme le MRP en France, Démocratie chrétienne en Italie ou encore aujourd'hui la CDU en Allemagne aient de profondes racines religieuses. On peut faire le pari, qui est le vôtre et que je juge le seul possible, que le printemps arabe permettra l'affirmation d'un islam des Lumières ou d'un islam laïc. Pour le reste, je ne pense pas que la laïcité soit une valeur purement française. Protection de cette liberté fondamentale qu'est la liberté de conscience, je la crois au contraire une valeur universelle.
Que ce soit en Tunisie, en Égypte ou en Libye, les autorités religieuses étaient toutes au fond hostiles au printemps arabe. Très inquiètes de ses conséquences potentielles, elles ont freiné des quatre fers le mouvement. Et ce n'est pas le moindre des paradoxes après l'inquiétude, voire l'hostilité alors manifestée, que ce soient aujourd'hui les partis islamiques – je préfère ce terme à « islamistes » – qui aient tiré le bénéfice de ce printemps arabe. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?
Certains envisagent-ils une option militaire en Iran ? Clairement oui, on sait aujourd'hui qu'il y a débat parmi les dirigeants israéliens autour de cette solution. Nous pensons, pour notre part, qu'elle pourrait conduire à l'irréparable. C'est pourquoi nous faisons tout pour l'éviter, en suivant une double piste. D'un côté, nous restons ouverts au dialogue, de l'autre, nous sommes prêts à durcir les sanctions à l'encontre du pays, précisément pour éviter le recours à cette solution extrême.
Monsieur Luca, vous avez raison, nous avons été assez silencieux sur la situation au Tibet. Notre position n'a pourtant pas changé, vous la connaissez : nous demandons à la Chine de reconnaître la spécificité culturelle du Tibet. En sus de l'expression politique, il y a en effet l'expression culturelle de l'identité. Je ne manquerai pas lors de mes prochains contacts avec les autorités chinoises de revenir sur ce sujet que j'évoque régulièrement avec elles.
M. Bacquet me demande si j'ai évoqué avec mon homologue algérien la possibilité d'un retour des harkis en Algérie à l'occasion de la célébration du cinquantenaire de l'indépendance du pays. Nous étions convenus l'année dernière avec le président Bouteflika que cet anniversaire devrait être célébré dans un esprit de modération, en se gardant des extrémismes de tous bords. J'espère que cette ligne continuera de prévaloir, comme l'engagement en avait été pris, et que l'on tournera le regard vers l'avenir plutôt que le passé. Cela ne signifie nullement fermer les yeux sur le drame auquel vous faites allusion. Nous évoquons des situations individuelles au cas par cas. Faut-il voir un signe positif dans le fait que Jeannette Bougrab, fille de harkis, ait été très bien accueillie lors de son récent déplacement en Algérie ?
Monsieur Glavany, qu'il n'y ait aucune ambiguïté. Je suis extrêmement attaché au principe de laïcité, dont je pense moi aussi qu'il a une valeur universelle. N'oublions pas toutefois que dans notre histoire nationale, la laïcité a d'abord été un combat contre l'Église catholique qui refusait de reconnaître la séparation du spirituel et du temporel et contestait même les fondements de la République. Les choses ont évolué. C'est aujourd'hui en tant que respect de la liberté religieuse et des minorités religieuses que le principe a valeur universelle.
S'agissant de la position des autorités religieuses vis-à-vis des révolutions en Tunisie et en Égypte, force est de constater qu'il existe toujours une certaine « connivence » entre les pouvoirs en place et certaines autorités religieuses. Le plus fervent soutien du Premier ministre turc et de l'AKP n'est-il pas le Patriarche oecuménique Bartolomeo Ier, qui joue un rôle très important ?
Enfin, et c'est par cela que je voudrais conclure, l'extrémisme n'existe pas seulement dans la religion musulmane. On observe aujourd'hui, de nouveau, des manifestations extrémistes dans la religion chrétienne et dans la religion juive. Gardons nous donc de tout amalgame et ne stigmatisons pas une religion au motif de certaines dérives fondamentalistes. Nous avons intérêt à développer un dialogue interculturel et interreligieux avec l'islam comme avec les autres religions.
Pour être très attaché à la laïcité, je n'en organise pas moins chaque année à Bordeaux une réunion informelle où se rencontrent pour débattre l'évêque, le recteur de la mosquée, le grand rabbin, le chef des protestants, la représentante des bouddhistes – le thème de la prochaine rencontre sera mondialisation et religions. Je n'ai pas, faisant cela, l'impression de trahir le principe de laïcité. Je ne privilégie aucune des grandes religions, que je respecte toutes d'égale façon. Je pense simplement que leurs représentants peuvent nous apporter un éclairage utile sur le monde actuel.
Une dernière question, monsieur le ministre d'État, puisque personne ne vous a interrogé sur le sujet. Vous devez vous rendre très prochainement en Birmanie où auront lieu en avril des élections législatives. Des prisonniers politiques ont été libérés. On assiste, semble-t-il, à une certaine libéralisation du régime. Y croyez-vous ?
C'est lors de ma prochaine audition que je pourrai vous répondre. Je vais avoir tout à l'heure un contact avec mon homologue britannique, William Hague, qui rentre de Birmanie et a souhaité me faire part de ses impressions. Je me rends moi-même dans ce pays dimanche et lundi prochains et me ferai sur place ma propre opinion. Des signaux positifs sont perceptibles. Des libérations de prisonniers ont en effet eu lieu, sans toutefois atteindre l'ampleur que l'on attendait. Les prochaines élections devraient permettre à certaines formations politiques d'opposition de s'exprimer, y compris à Mme Aung San Suu Kyi. Même si les progrès demeurent limités, nous ne devons pas être indifférents au mouvement qui s'amorce.
Je vous remercie, monsieur le ministre d'État, d'avoir répondu de manière très détaillée à toutes nos questions.
La séance est levée à dix-huit heures vingt.