Je souhaite revenir sur le printemps arabe. Comme vous, monsieur le ministre d'État, je pense qu'il faut se garder de tout amalgame : le monde arabo-musulman est divers, les cultures politiques et l'implication religieuse sont très différentes selon les pays. Je pense également comme vous que nous ne pouvons accepter que ces pays soient condamnés à n'avoir le choix qu'entre dictature et intégrisme. A ceux qui s'inquiètent de la place de la religion, je rappellerai que la démocratie en Europe a émergé dans le sillage de la religion chrétienne. On ne s'est pas inquiété que des partis comme le MRP en France, Démocratie chrétienne en Italie ou encore aujourd'hui la CDU en Allemagne aient de profondes racines religieuses. On peut faire le pari, qui est le vôtre et que je juge le seul possible, que le printemps arabe permettra l'affirmation d'un islam des Lumières ou d'un islam laïc. Pour le reste, je ne pense pas que la laïcité soit une valeur purement française. Protection de cette liberté fondamentale qu'est la liberté de conscience, je la crois au contraire une valeur universelle.
Que ce soit en Tunisie, en Égypte ou en Libye, les autorités religieuses étaient toutes au fond hostiles au printemps arabe. Très inquiètes de ses conséquences potentielles, elles ont freiné des quatre fers le mouvement. Et ce n'est pas le moindre des paradoxes après l'inquiétude, voire l'hostilité alors manifestée, que ce soient aujourd'hui les partis islamiques – je préfère ce terme à « islamistes » – qui aient tiré le bénéfice de ce printemps arabe. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?