Mes chers collègues, cette réunion est la dernière puisque les travaux de notre commission d'enquête, créée le 8 juin 2011, prendront fin le 8 décembre lorsque nous remettrons notre rapport au président de l'Assemblée nationale.
Nombre d'entre vous en sont convenus lors de notre précédente réunion, ces travaux, qui se sont déroulés dans un climat d'écoute et de coopération particulièrement favorable, ont été à la fois éclairants, édifiants et constructifs.
Éclairants, car les données que notre rapporteur a obtenues et synthétisées fournissent un état des lieux et des chiffres incontestables, qui permettent de mesurer l'ampleur du problème. Avec 10 690 prêts structurés recensés, qui représentent un encours d'emprunts à risque de 18,8 milliards d'euros, on ne peut plus soutenir, comme le faisait notamment le Gouvernement au début de nos travaux, que le problème est limité à quelques cas isolés et aux grosses collectivités.
Édifiants, car nos auditions ont montré comment les établissements bancaires avec lesquelles les acteurs publics locaux avaient historiquement noué des relations de confiance leur ont proposé de façon systématique, notamment à de nombreuses petites communes qui ne disposaient pas des outils nécessaires à la gestion financière du risque, des produits potentiellement toxiques. Ces emprunts indexés sur des formules toujours plus complexes, toujours plus exotiques, se sont développés sans provoquer de réaction de l'État, qui a manqué à sa mission de surveillance et de contrôle des pratiques commerciales des prêteurs au secteur local.
Enfin, nos travaux ont été constructifs : la Commission d'enquête a cherché à déterminer les responsabilités de chacun, mais aussi la manière dont les acteurs publics pourraient apurer les éléments toxiques de leur endettement. Nous nous sommes également accordés sur la nécessité de règles propres à épargner désormais aux collectivités et aux établissements publics les conséquences financières de risques sous-jacents dont la portée leur échappe.
Notre rapporteur, M. Jean-Pierre Gorges, a présenté la semaine dernière ses propositions sur la gestion du stock des emprunts à risque et sur les mesures à adopter. Le projet de rapport a été mis, comme c'est la règle, à la disposition des membres de la Commission d'enquête du vendredi 2 décembre à aujourd'hui à seize heures. Certains d'entre vous en ont pris connaissance et ont fait part de leur point de vue au rapporteur, lequel va nous préciser le sort qu'il a réservé à leurs remarques. Nous devons aujourd'hui nous prononcer sur ce projet de rapport. S'il est adopté, il fera l'objet d'un dépôt au Journal officiel et, sauf décision contraire de l'Assemblée constituée en comité secret, il sera imprimé et distribué.
M. Gorges et moi-même présenterons le résultat des travaux de la Commission d'enquête au cours d'une conférence de presse qui aura lieu le 15 décembre à midi. Je remercie ceux de nos collègues qui ont déjà annoncé qu'ils se joindraient à nous. Dans l'intervalle, aux termes de l'instruction générale du Bureau, le rapport doit rester confidentiel. Vous avez été invités à transmettre au secrétariat de la commission, avant le 7 décembre à midi, vos éventuelles contributions écrites, qui pourront être publiées.
Avant de laisser notre rapporteur, j'insiste sur le fait que nous offrons aux acteurs publics la perspective de sortir d'une passe dangereuse. Je rappelle qu'à peine 50 % des produits sont sortis de la période de bonification. Nombre des personnes que nous avons auditionnées nous l'ont confirmé, le problème que nous nous sommes donné tant de mal à mettre au jour est encore à venir.
Notre Commission ayant examiné mes propositions mercredi dernier, j'indiquerai simplement les précisions qui résultent des observations formulées par plusieurs membres d'entre nous au cours de notre précédente réunion ou après consultation du projet de rapport.
Tout d'abord, les banques sont encore plus sévèrement mises en cause. Le projet de rapport ne permettra pas à leurs représentants de s'exonérer de leurs responsabilités. Cela étant, il paraît difficile d'employer des termes relevant de l'incrimination pénale, bien que nous ayons découvert que 1 700 collectivités de moins de 10 000 habitants avaient contracté des prêts à risque après que certains nous avaient certifié sous serment qu'ils n'avaient pas démarché les petites collectivités…
Les responsabilités de l'État à travers ses différentes administrations sont elles aussi clairement décrites. Nous avons également mentionné la responsabilité certes ambiguë des agences de notation, qui ne notent qu'une vingtaine de collectivités, mais qui ont commis des erreurs.
Nous affirmons ensuite la nécessité d'encadrer le secteur du conseil financier aux acteurs publics locaux, comme l'a demandé plusieurs fois M. Gagnaire : la vérification des qualifications nécessaires, la certification des intervenants et le recours à une charte de bonnes pratiques sont désormais requises. On a vu en effet que, dans certaines grandes villes, les conseillers financiers avaient été recrutés « à la bonne franquette » malgré leur rémunération élevée et les conséquences potentielles de leurs actes.
En outre, nous encourageons le recours aux émissions obligataires et à une agence mutualiste de financement des collectivités territoriales. J'ai personnellement l'intention de recourir, pour ma ville, aux émissions obligataires, seul moyen de pallier le manque de liquidité, à moins de me tourner vers les banques chinoises qui me démarchent très activement.
Par ailleurs, l'interdiction des produits structurés aux petites communes et aux petits établissements publics a été supprimée des préconisations, afin de ne pas distinguer les acteurs locaux en fonction de leur taille. En effet, cela n'est pas justifié dès lors que nous encadrons suffisamment la gestion des comptes : le maire d'un village peut être très compétent, alors que les grandes communes n'ont pas fait la preuve qu'elles l'étaient.
Si l'obligation de provisionnement pour risques a été maintenue, il est précisé que « ces provisions devraient être fixées à un niveau minimal, pour ne pas peser sur la capacité d'investissement des acteurs publics locaux, tout en étant suffisamment dissuasives pour décourager la prise de risque que recèlent certains produits structurés ». Le principe du provisionnement obligatoire a gêné certains d'entre vous. Mais lui seul a fait quasiment disparaître les produits toxiques du secteur marchand, comme M. Gagnaire l'a rappelé. Il faut absolument le dire dans le rapport. D'autre part, seul le jeu des provisions garantit la sincérité d'une comptabilité, dans un sens comme dans l'autre, d'ailleurs : on est aussi fautif si l'on perçoit un produit alors que l'on a levé l'impôt en vue d'une charge.
Enfin, ce principe incitera les collectivités, y compris celles qui bénéficient encore de la période bonifiée, à confier leurs prêts toxiques au pôle d'assistance et de transaction dans le délai de six mois qui leur sera imparti, puisque celles qui ne l'auront pas fait devront provisionner pour compenser le risque de taux. Les collectivités auront le marché en mains sachant que, plus l'opération intégrera de collectivités, notamment en période de bonification, plus elle sera avantageuse pour tout le monde.
Le seuil de provisionnement sera fondé soit sur le taux d'usure, soit sur le taux de marché sous la forme « Euribor + x », afin de protéger la collectivité malgré la variabilité du taux sur l'année. On ne peut pas exonérer les collectivités de la règle d'or au moment où l'on envisage de l'étendre à l'État, qui pourrait lui aussi être amené à provisionner compte tenu des variations de taux auxquelles sont soumis ses emprunts.
Ensuite, afin d'éviter que des emprunts ne soient conclus juste avant ou pendant les élections, ce qui soustrairait le responsable à l'obligation d'en rendre compte et empêcherait tout contrôle démocratique, il est proposé que les délégations consenties par les assemblées délibérantes aux exécutifs locaux prennent fin dès l'ouverture de la campagne officielle. Il est indispensable de le préciser, car si la déontologie interdit par exemple de signer un gros contrat de délégation de service public (DSP) juste avant l'échéance électorale, on nous a fait part de situations incroyables où les élus avaient conclu des contrats entre les deux tours ! Cela étant, si une urgence survient au cours de ces quelques semaines, l'assemblée délibérante pourrait autoriser une souscription d'emprunts par délibération expresse. Dans ce cas, la décision sera transparente et pourra même nourrir le débat politique.
Des parlementaires et des représentants des élus locaux participeront au pôle d'assistance et de transaction, pour que les collectivités concernées ne soient pas seules avec les représentants de l'État et les banquiers. Ce pôle ne sera toutefois pas une structure légale, qui nécessiterait l'adoption préalable d'une loi, car il doit être mis sur pied très rapidement : chaque jour, en effet, des emprunteurs sortent de la période bonifiée, ce qui, on l'a vu, pénalise tous ceux qui prendront part au processus de transaction.
Les grands principes de la renégociation ont été précisés.
Les gains réalisés par la personne publique du fait de la bonification des taux d'intérêt devront être réintégrés dans le bilan des charges financières dont elles sont redevables. Quand on défait, on défait tout !
Les banques prendront en charge les encours à risque dans le cadre de la renégociation des prêts existants. Il leur reviendra de gérer ces encours toxiques comme elles le souhaitent, par débouclage immédiat ou conservation des positions jusqu'à éventuelle amélioration de la situation sur les marchés. Si la renégociation aboutit à un taux fixe de 5 % mais que la banque obtient par la suite sur les marchés un taux de 3 %, elle dégagera deux points de marge supplémentaires, et sera gagnante, mais il faut jouer le jeu jusqu'au bout. Ceux qui veulent éviter cela n'ont qu'à en rester aux conditions antérieures. Si les banques sont fautives, c'est uniquement dans la mesure où elles ont traité les collectivités comme des entreprises, sans tenir compte de la différence entre le cycle des emprunts structurés, qui se retourne au bout de deux, trois ou quatre ans, voire davantage, et le cycle annuel auquel obéissent les collectivités du fait de la règle d'équilibre budgétaire. Peut-être faudrait-il le dire plus explicitement.
Enfin, en ce qui concerne la menace ultime d'une intervention du législateur pour limiter le montant des intérêts, nous avons pris en considération les observations des meilleurs juristes de la commission d'enquête, en particulier Charles de La Verpillière. La loi ne peut modifier un contrat de manière rétroactive sauf pour un motif d'intérêt général suffisant ; or, ici, 5 000 collectivités sont concernées. Cela étant, Michel Klopfer nous l'a rappelé, ici comme aux échecs la menace est plus forte que l'exécution.
De même, une mauvaise négociation vaut mieux qu'un bon procès. De ce point de vue, la jurisprudence de Saint-Étienne est pour nous essentielle bien qu'elle ne tranche pas sur le fond : saisi en référé par la banque, le tribunal a estimé que, dans l'attente du verdict, la collectivité n'avait pas à payer. Il est normal de payer le capital et une partie des intérêts. Mais si les 18 milliards d'encours sont bloqués pendant des années par une procédure judiciaire, qui paiera finalement le portage ? Ni les collectivités ni les banques n'ont intérêt à s'engager dans cette voie, potentiellement très coûteuse. Nous proposons donc une prise en charge des frais de portage de la toxicité en attendant le retournement du cycle du produit.
Je remercie le rapporteur et les personnes qui l'assistent d'avoir intégré aussi vite au rapport les éléments que je leur ai transmis hier en fin d'après-midi.
Je reste inquiet des conséquences de l'obligation de provisionnement, même dans sa nouvelle rédaction, sur les collectivités dont les finances sont le plus dégradées. Je comprends que ce principe incite à la vertu et soit idéalement souhaitable, mais il asphyxiera leur capacité d'emprunt et d'investissement.
Ce point est toutefois mineur au regard de ma préoccupation principale : les conditions des nouveaux contrats issus de l'accord global de transaction. J'en approuve tout à fait l'esprit général, et je sais gré au rapporteur d'avoir déjà intégré une partie de mes observations. Mais notre rapport sera lu de près et nous devons être particulièrement vigilants. Or la rédaction est imprécise voire contradictoire.
Je suis d'accord avec le premier principe : les gains résultant des taux d'intérêt bonifiés doivent être réintégrés dans le bilan des charges financières dues par les collectivités, car rien ne justifie que celles-ci gagnent de l'argent. Selon le deuxième principe, « la charge d'intérêts supérieure à un taux “normal”, correspondant au taux fixe ou variable que le marché proposait à la date de souscription de l'emprunt à renégocier, devra faire l'objet d'un effort financier réparti entre la collectivité et l'établissement prêteur ». Si cela renvoie au fait que la collectivité renonce à la bonification, soit ; mais s'il s'agit d'un autre partage, je ne suis pas d'accord. La rédaction n'est donc pas assez précise, d'autant qu'elle est en apparente contradiction avec le troisième principe : « les nouveaux contrats de prêt, à taux fixe ou à taux variable, consacreront ainsi le portage par les banques de la partie toxique des emprunts ».
Enfin, je regrette que l'on ne mentionne pas, sous forme d'une incidente, l'éventualité que la Caisse des dépôts contribue au portage pour ne pas affecter la solvabilité des banques. La Caisse nous a tendu une perche à ce sujet et cela rassurerait collectivités et banques.
Pour le reste, je salue ce très bon rapport.
Premièrement, je rappelle que ceux qui confieront leurs produits au pôle d'assistance et de transaction n'auront pas à provisionner. Les autres si, car cela reviendrait sinon à nier le caractère toxique des produits. Deuxièmement, nous nous assurerons auprès de l'État que la sincérité de leurs comptes ne sera pas mise en cause le temps que le problème soit résolu.
Sur le second point, la collectivité ne peut pas se contenter de renoncer à sa bonification : ce serait trop facile, car il y a eu de la casse. Il faut donc qu'elle porte la partie toxique, mais cette charge peut être négligeable. Par exemple, si la négociation permet de ramener le taux initial de 15 % à l'indice Euribor majoré de 200 points de base, soit un taux de 5 % au total, la toxicité est de 10 %. Si l'argent qui finance le portage de cette toxicité est à 2 %, le coût sera de 0,2 %, soit 20 points de base que l'on ajoutera au taux renégocié. La banque conserve la toxicité, et la collectivité assume le coût du portage.
C'est certainement la Caisse des dépôts qui garantira le coût de portage le moins élevé. Mais, de toute façon, la banque devant provisionner, le dilemme est de savoir si Dexia devra se procurer l'argent sur le marché, où elle s'expose à des risques considérables, ou bien se tourner vers la Caisse des dépôts pour l'acheter moins cher. Quoi qu'il en soit, il faut imputer à la collectivité le portage de la toxicité, qui ira en diminuant au fur et à mesure de l'amortissement du prêt. C'est le minimum.
Ce n'est pas ce que dit le texte. La rédaction, qui mentionne « un effort financier réparti », n'est donc pas assez précise. En l'état, elle va dissuader certaines collectivités d'entrer dans le processus de transaction. Aujourd'hui, la médiation Gissler me permet d'obtenir à peu près l'équivalent de ce que nous nous apprêtons à proposer !
Il est vrai qu'il faut préciser la rédaction.
En tout cas, je vous garantis que la médiation Gissler est bien en deçà de nos propositions.
N'oublions pas que ce sont les gestionnaires actuels des collectivités qui vont assumer la hausse d'impôts correspondant à ces frais financiers, supérieurs aux frais d'aujourd'hui. Il ne faut donc pas mettre la barre trop haut.
Mais nous ne devons pas verrouiller par avance la négociation. N'incitons pas les banques à engager une action en justice ! Je vous ai donné un ordre de grandeur : le coût pour les collectivités est marginal.
Je comprends le problème. Mais M. Plagnol n'a pas tort : si nous jugeons que ce sont les banques qui portent la plus lourde responsabilité, nous ne pouvons trop en demander aux collectivités.
Les collectivités ont aussi une responsabilité. C'est pourquoi elles doivent financer le portage de la toxicité.
Oui, mais M. Plagnol pointe un autre risque : si le portage est trop important, elles se retrouveront dans une situation dangereuse.
La rédaction prévoit l'inverse de ce que vient de dire le rapporteur : elle consacre le portage de la partie toxique par les banques et répartit l'effort financier entre les collectivités et l'établissement prêteur. Si l'on ne récrit pas le passage, il est impossible d'adopter le rapport.
Puisqu'il s'agit d'un point sensible, nous laisserons au rapporteur le soin de peaufiner la rédaction.
L'ampleur et la gravité des problèmes avaient de quoi nous inquiéter. Nous étions au pied d'un volcan en éruption. Si celui-ci n'est pas éteint, nous voyons du moins comment protéger les collectivités et les établissements publics qui vivent à sa base.
Je salue les propositions du rapporteur, mais la question de M. Plagnol est judicieuse. Il faut gérer l'arbitrage, sans préjuger du résultat – puisque le pôle devra négocier le partage des responsabilités – et en apportant cependant des garanties afin qu'on ne pénalise pas les collectivités plus que de raison. Pour définir cet équilibre, je suggère la formule : « à due proportion des responsabilités des uns et des autres. » L'expression n'engage personne et ne préjuge pas de la solution qui prévaudra lors de l'arbitrage collectif.
Enfin, puisque les collectivités préparent le budget pour 2012, il faut préciser les montants à provisionner pour éviter tout rejet par l'organisme de tutelle. Le rapport peut-il formuler une proposition, du type « Euribor + x points », qu'elles pourraient opposer en cas de contrôle ?
Je partage les craintes de M. Plagnol. Pourquoi ne pas écrire que l'emprunt renégocié fera l'objet d'un effort financier réparti entre la collectivité et l'établissement prêteur, en instaurant un butoir, par exemple le taux moyen constaté pour les nouveaux crédits, éventuellement assorti d'une marge de 100 points de base ? Après avoir été anormalement faibles pendant des années, les taux reviennent à la normale avec le retour de l'inflation. Du coup, certaines banques présentent des propositions avec des marges plus importantes. Si chacun doit assumer ses responsabilités, il me semble néanmoins essentiel de prévoir un butoir, sachant que la rédaction actuelle – selon laquelle l'effort financier sera « réparti entre la collectivité et l'établissement prêteur » – ne signifie rien.
Je vous ai adressé en début d'après-midi une contribution, qui ne peut par conséquent figurer dans le dossier. Vous souhaitez interdire aux représentants des collectivités de contracter des emprunts en période préélectorale,…
…mais l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales dispose déjà que « Le maire peut […] être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat […] de procéder, dans les limites fixées par le conseil municipal, à la réalisation des emprunts destinés au financement des investissements prévus par le budget. » Appuyons-nous sur la loi en vigueur avant d'en rédiger une autre. Le problème vient de ce que des conseils municipaux n'ont pas limité le pouvoir des maires, ou que des élus ont renégocié des emprunts supérieurs à l'autorisation. Les mesures proposées risquent tout au plus de priver les collectivités d'acquisitions intéressantes pendant les quatre mois qui entourent l'élection. N'entravons pas la gestion du quotidien !
Enfin, dans un souci de lisibilité, je propose d'indiquer à la fin du rapport les ratios actuels demandés aux collectivités territoriales et les informations complémentaires qui devront désormais être apportées aux conseils municipaux et aux citoyens.
Si juste que soit son analyse, le rapport ne crée pas de droits nouveaux. Cependant, il pourrait comporter en annexe une marche à suivre expliquant ce qu'il est possible de faire, compte tenu de la réglementation et de la législation actuelles, et les premières mesures réglementaires à prévoir, puisqu'il est impossible de légiférer en ce moment. Nous pourrions accompagner ce mode d'emploi d'un calendrier destiné à inscrire notre travail dans la durée, puisque, même après les échéances électorales, nous ne lâcherons pas prise. Tel est le message qu'il faut faire passer aux banques et aux élus.
En principe, on ne négocie pas des emprunts en période électorale, mais ce sera toujours possible, en procédant à une convocation expresse de l'assemblée délibérante. Cela dit, même si les collectivités bien gérées n'en souscrivent pas à ce moment-là, il n'est pas impossible qu'une opportunité se présente. La Commission pourrait se contenter de rappeler que les collectivités doivent faire de la non-souscription d'emprunt à de telles périodes une règle normale de gestion sur le plan déontologique sinon juridique.
Le rapport ne peut évidemment pas modifier la loi. Ayant mesuré l'ampleur du désastre, nous avons cherché à en sortir par un compromis. Écartant l'idée que toutes les collectivités ou les banques aillent en justice, le rapport propose une solution médiane, plus intéressante pour tous, mais ses préconisations sont nécessairement limitées. Si nous promettions aux collectivités que l'État supportera tous les frais, vous seriez nombreux à dénoncer cette dérive gauchisante ! On ne peut pas non plus ne rien proposer aux collectivités et les renvoyer aux propositions des banques, qui sont prohibitives. Quant à la négociation Gissler, il faudrait un siècle pour la mener collectivité par collectivité. À tout le moins, nos propositions pourront être reprises par des décrets gouvernementaux ou renvoyées à la prochaine Assemblée nationale.
Le but de la Commission d'enquête est non d'écrire les procédures mais de définir une méthode pour amener tout le monde à s'installer autour de la table, sachant que les banquiers ont commis suffisamment de fautes pour courir un risque en allant devant les tribunaux.
Cela dit, chacun a le droit de conserver un prêt. Ma collectivité en a souscrit deux : un Helvétix, dont la période bonifiée court jusqu'à fin 2012, et pour lequel je suis prêt à entrer dans le dispositif, et un prêt euro-dollar et euro-franc-suisse, dont la variation paraît raisonnable. L'an dernier, où nous avions constitué une provision sur la base d'un taux de 10 %, celui-ci s'est maintenu à 6,25 %, ce qui a dégagé un excédent de 200 000 euros.
La solution proposée par M. Gissler consiste à faire payer aux collectivités une soulte en plus du capital, tout en prolongeant l'emprunt sur des années. C'est la méthode qu'on propose aux particuliers surendettés : on transforme leurs mensualités de 500 euros sur dix ans en mensualités de 400 euros sur vingt ans, mais je me méfie du financement à la Crazy George's ! Dès lors que les collectivités apportent une masse importante, la banque peut prévoir une structure pour la gérer, à charge pour les collectivités de porter les sommes qu'elles n'auront pas versées en attendant des jours meilleurs. Nous proposons un partage du risque : la banque prendra la toxicité, avec le risque de la conserver, quand les collectivités paieront – le moins cher possible –, le portage de la toxicité. Si nous avions négocié à un taux normal, nous aurions obtenu l'Euribor + 200 points de base. Ajoutons à cette somme les frais liés au portage de la toxicité. Si nous en sortons ainsi, c'est le jackpot ! Mais M. Janquin a raison : évitons une rédaction fermée. Ne compromettons pas, par une formule trop stricte, le regroupement des collectivités, qui les mettra en position de force dans la négociation. À côté des autres possibilités – conserver l'emprunt, aller en justice ou recourir à la médiation –, nous proposons une solution originale, alors que, si chaque collectivité agit pour son compte, la jurisprudence sera contradictoire, les procédures mettront des années à aboutir et les élus devront payer des millions. Il faut conjurer cette menace, sans priver les collectivités des outils dont elles disposent actuellement. Cela dit, la rédaction devra sans doute distinguer plus nettement les intérêts et le portage de la toxicité.
Je salue la qualité du rapport et j'insiste sur le problème du court terme. Quelle que soit la solution retenue, quelles provisions faut-il inscrire dans le budget de 2012 pour qu'il passe le contrôle de légalité ?
Les collectivités qui entreront dans le dispositif n'auront pas de provision à constituer, puisqu'elles reviendront à un taux normal. En revanche, les autres devront le faire, ce qui les incitera à nous rejoindre. Tant que durera la procédure de règlement, il faut que l'État contrôle la sincérité des budgets en tenant compte de cette situation. Reste à trouver la rédaction appropriée.
Certains élus des petites collectivités ont annoncé qu'ils démissionneraient si on les oblige à provisionner les sommes attendues.
Le rapport devra être plus précis sur les obligations des préfets : il faut instaurer dès le 1er janvier 2012 un moratoire du contrôle de légalité de ces prêts, en attendant que la procédure se mette en place.
Monsieur Calméjane, c'est l'assemblée délibérante qui donne délégation au maire…
Certains ont souscrit un emprunt de 100 millions, alors qu'ils n'avaient pas la possibilité de le faire.
La procédure n'a pas fonctionné, et le problème est le même avec les DSP : à quoi s'engage un maire qui signe une DSP de 50 millions d'euros juste avant les élections ?
La souscription des emprunts a lieu aujourd'hui dans un contexte très différent. Auparavant, les élus attendaient la fin de la mandature, mais ceux qui ont attendu fin 2011 pour contracter un prêt se heurtent à la faiblesse des liquidités bancaires et à l'explosion des marges. Il est probable que les levées d'emprunt s'effectueront plus tôt, lors de la prochaine législature.
Je m'interroge sur un passage qui figure à la page 114 du rapport : « À l'issue de ce processus de renégociation, et après examen par les services de l'État, il serait possible, au cas par cas, d'envisager une subvention d'équilibre afin de permettre le rétablissement du budget des plus petites collectivités, dans le cas où elles ne pourraient assumer l'effort financier et fiscal susceptible de rétablir des conditions d'endettement plus sûres pour l'avenir. » De quelle subvention s'agit-il ? D'où viendrait-elle ? Serait-elle ponctuelle ou renouvelable ?
La procédure existe déjà, elle a été évoquée par M. Richert. Je n'étais pas très favorable à cette rédaction, mais, même si nous réglons 95 % des cas, il restera toujours des situations insolubles. On ne peut demander au dispositif de régler toutes les difficultés, sans quoi il deviendra une usine à gaz. Laissons à l'État le soin de dénouer les causes les plus difficiles, et traitons le cas des 5 000 collectivités confrontées au même problème.
Si elles possèdent les mêmes produits que les autres, ils seront défaits en même temps.
L'État fera ce qu'il fait déjà aujourd'hui. C'est pourquoi j'avais souhaité une rédaction discrète, pour éviter que tout le monde ne répète que l'État joue le rôle de garant.
Quand nous les avons auditionnés, le ministre et les représentants de la direction générale des collectivités locales (DGCL) ont dit n'avoir reçu aucune demande de subvention d'équilibre. Selon le directeur de la DGCL, une telle opportunité sera complexe à mettre en oeuvre, mais je me suis assuré qu'elle existe.
Je rappelle que, dans une Commission d'enquête, il revient au rapporteur de prendre ou non en compte les amendements qui lui sont adressés.
La Commission adopte le rapport à l'unanimité.
Je vous remercie. Ce dossier était intéressant. Le travail a été facilité par l'implication de tous les membres de la Commission, ainsi que par la réactivité des administrateurs.
J'ai eu plaisir à présider cette Commission. Grâce à vous, je me suis senti moins seul. La situation a changé depuis que j'ai posé pour la première fois le problème des produits structurés, au congrès de l'Assemblée des départements de France, à Orléans. Nous avons mis en évidence le nombre de collectivités touchées, tout comme la complexité du dossier et les dangers qu'il présente. Merci de votre travail, qui nous a permis d'écrire une belle page de la vie parlementaire.