Notre Commission ayant examiné mes propositions mercredi dernier, j'indiquerai simplement les précisions qui résultent des observations formulées par plusieurs membres d'entre nous au cours de notre précédente réunion ou après consultation du projet de rapport.
Tout d'abord, les banques sont encore plus sévèrement mises en cause. Le projet de rapport ne permettra pas à leurs représentants de s'exonérer de leurs responsabilités. Cela étant, il paraît difficile d'employer des termes relevant de l'incrimination pénale, bien que nous ayons découvert que 1 700 collectivités de moins de 10 000 habitants avaient contracté des prêts à risque après que certains nous avaient certifié sous serment qu'ils n'avaient pas démarché les petites collectivités…
Les responsabilités de l'État à travers ses différentes administrations sont elles aussi clairement décrites. Nous avons également mentionné la responsabilité certes ambiguë des agences de notation, qui ne notent qu'une vingtaine de collectivités, mais qui ont commis des erreurs.
Nous affirmons ensuite la nécessité d'encadrer le secteur du conseil financier aux acteurs publics locaux, comme l'a demandé plusieurs fois M. Gagnaire : la vérification des qualifications nécessaires, la certification des intervenants et le recours à une charte de bonnes pratiques sont désormais requises. On a vu en effet que, dans certaines grandes villes, les conseillers financiers avaient été recrutés « à la bonne franquette » malgré leur rémunération élevée et les conséquences potentielles de leurs actes.
En outre, nous encourageons le recours aux émissions obligataires et à une agence mutualiste de financement des collectivités territoriales. J'ai personnellement l'intention de recourir, pour ma ville, aux émissions obligataires, seul moyen de pallier le manque de liquidité, à moins de me tourner vers les banques chinoises qui me démarchent très activement.
Par ailleurs, l'interdiction des produits structurés aux petites communes et aux petits établissements publics a été supprimée des préconisations, afin de ne pas distinguer les acteurs locaux en fonction de leur taille. En effet, cela n'est pas justifié dès lors que nous encadrons suffisamment la gestion des comptes : le maire d'un village peut être très compétent, alors que les grandes communes n'ont pas fait la preuve qu'elles l'étaient.
Si l'obligation de provisionnement pour risques a été maintenue, il est précisé que « ces provisions devraient être fixées à un niveau minimal, pour ne pas peser sur la capacité d'investissement des acteurs publics locaux, tout en étant suffisamment dissuasives pour décourager la prise de risque que recèlent certains produits structurés ». Le principe du provisionnement obligatoire a gêné certains d'entre vous. Mais lui seul a fait quasiment disparaître les produits toxiques du secteur marchand, comme M. Gagnaire l'a rappelé. Il faut absolument le dire dans le rapport. D'autre part, seul le jeu des provisions garantit la sincérité d'une comptabilité, dans un sens comme dans l'autre, d'ailleurs : on est aussi fautif si l'on perçoit un produit alors que l'on a levé l'impôt en vue d'une charge.
Enfin, ce principe incitera les collectivités, y compris celles qui bénéficient encore de la période bonifiée, à confier leurs prêts toxiques au pôle d'assistance et de transaction dans le délai de six mois qui leur sera imparti, puisque celles qui ne l'auront pas fait devront provisionner pour compenser le risque de taux. Les collectivités auront le marché en mains sachant que, plus l'opération intégrera de collectivités, notamment en période de bonification, plus elle sera avantageuse pour tout le monde.
Le seuil de provisionnement sera fondé soit sur le taux d'usure, soit sur le taux de marché sous la forme « Euribor + x », afin de protéger la collectivité malgré la variabilité du taux sur l'année. On ne peut pas exonérer les collectivités de la règle d'or au moment où l'on envisage de l'étendre à l'État, qui pourrait lui aussi être amené à provisionner compte tenu des variations de taux auxquelles sont soumis ses emprunts.
Ensuite, afin d'éviter que des emprunts ne soient conclus juste avant ou pendant les élections, ce qui soustrairait le responsable à l'obligation d'en rendre compte et empêcherait tout contrôle démocratique, il est proposé que les délégations consenties par les assemblées délibérantes aux exécutifs locaux prennent fin dès l'ouverture de la campagne officielle. Il est indispensable de le préciser, car si la déontologie interdit par exemple de signer un gros contrat de délégation de service public (DSP) juste avant l'échéance électorale, on nous a fait part de situations incroyables où les élus avaient conclu des contrats entre les deux tours ! Cela étant, si une urgence survient au cours de ces quelques semaines, l'assemblée délibérante pourrait autoriser une souscription d'emprunts par délibération expresse. Dans ce cas, la décision sera transparente et pourra même nourrir le débat politique.
Des parlementaires et des représentants des élus locaux participeront au pôle d'assistance et de transaction, pour que les collectivités concernées ne soient pas seules avec les représentants de l'État et les banquiers. Ce pôle ne sera toutefois pas une structure légale, qui nécessiterait l'adoption préalable d'une loi, car il doit être mis sur pied très rapidement : chaque jour, en effet, des emprunteurs sortent de la période bonifiée, ce qui, on l'a vu, pénalise tous ceux qui prendront part au processus de transaction.
Les grands principes de la renégociation ont été précisés.
Les gains réalisés par la personne publique du fait de la bonification des taux d'intérêt devront être réintégrés dans le bilan des charges financières dont elles sont redevables. Quand on défait, on défait tout !
Les banques prendront en charge les encours à risque dans le cadre de la renégociation des prêts existants. Il leur reviendra de gérer ces encours toxiques comme elles le souhaitent, par débouclage immédiat ou conservation des positions jusqu'à éventuelle amélioration de la situation sur les marchés. Si la renégociation aboutit à un taux fixe de 5 % mais que la banque obtient par la suite sur les marchés un taux de 3 %, elle dégagera deux points de marge supplémentaires, et sera gagnante, mais il faut jouer le jeu jusqu'au bout. Ceux qui veulent éviter cela n'ont qu'à en rester aux conditions antérieures. Si les banques sont fautives, c'est uniquement dans la mesure où elles ont traité les collectivités comme des entreprises, sans tenir compte de la différence entre le cycle des emprunts structurés, qui se retourne au bout de deux, trois ou quatre ans, voire davantage, et le cycle annuel auquel obéissent les collectivités du fait de la règle d'équilibre budgétaire. Peut-être faudrait-il le dire plus explicitement.
Enfin, en ce qui concerne la menace ultime d'une intervention du législateur pour limiter le montant des intérêts, nous avons pris en considération les observations des meilleurs juristes de la commission d'enquête, en particulier Charles de La Verpillière. La loi ne peut modifier un contrat de manière rétroactive sauf pour un motif d'intérêt général suffisant ; or, ici, 5 000 collectivités sont concernées. Cela étant, Michel Klopfer nous l'a rappelé, ici comme aux échecs la menace est plus forte que l'exécution.
De même, une mauvaise négociation vaut mieux qu'un bon procès. De ce point de vue, la jurisprudence de Saint-Étienne est pour nous essentielle bien qu'elle ne tranche pas sur le fond : saisi en référé par la banque, le tribunal a estimé que, dans l'attente du verdict, la collectivité n'avait pas à payer. Il est normal de payer le capital et une partie des intérêts. Mais si les 18 milliards d'encours sont bloqués pendant des années par une procédure judiciaire, qui paiera finalement le portage ? Ni les collectivités ni les banques n'ont intérêt à s'engager dans cette voie, potentiellement très coûteuse. Nous proposons donc une prise en charge des frais de portage de la toxicité en attendant le retournement du cycle du produit.