Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

La séance

Source

commission Élargie

(Application de l'article 120 du Règlement)

Lundi 24 octobre 2011

La réunion de la commission élargie commence à vingt et une heures.

projet de loi de finances pour 2012

Politique des territoires

PermalienPhoto de Michel Bouvard

Monsieur le ministre, je suis heureux de vous accueillir, en compagnie de Fabienne Labrette-Ménager, vice-présidente de la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire. Le président Jérôme Cahuzac, retenu par un empêchement imprévu, vous prie de l'excuser.

La procédure des commissions élargies tend à favoriser des échanges vivants entre les ministres et les députés, en donnant toute leur place aux questions et aux réponses.

Afin d'assurer le respect de la durée préalablement arrêtée, nos débats seront désormais chronométrés. Pour la mission « Politique des territoires », la Conférence des Présidents a ainsi fixé un temps global de deux heures. Le temps de parole a été limité à cinq minutes pour les questions des rapporteurs, et à deux minutes pour celles des autres députés. Les auteurs des questions disposeront, par ailleurs, d'un droit de suite en cas de réponse incomplète.

PermalienPhoto de Arlette Grosskost

La mission interministérielle « Politique des territoires » regroupe 334,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et 340,8 millions d'euros en crédits de paiement pour l'année 2012.

Ces montants ne représentent toutefois qu'une partie des moyens alloués à la politique de l'aménagement du territoire, aujourd'hui rattachée au ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité – leur montant global était estimé à plus de 5 milliards d'euros pour 2011. Cet engagement financier est présenté dans un document de politique transversale qui nous permet de porter une appréciation globale sur la politique menée.

Doté de 287 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 304,7 millions d'euros en crédits de paiement, le programme « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » est le principal programme de la mission. Ces crédits, qui sont gérés par la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR), sont considérés comme suffisants pour couvrir les engagements pris par le Gouvernement, quand bien même ils seraient réduits de trois millions d'euros par l'adoption d'un amendement qui nous a été annoncé pour contribuer au redressement des finances publiques.

Parmi les priorités retenues pour 2012, on peut citer la mise en oeuvre des mesures décidées en 2010 dans le cadre du plan de soutien aux territoires ruraux – en particulier la création des maisons pluridisciplinaires de santé et l'expérimentation de points d'accueil mutualisés, qui a été engagée dans 23 départements. À cela s'ajoutent la poursuite des politiques de réseaux d'entreprises – pôles de compétitivité, pôles d'excellence rurale et grappes d'entreprises – et les mesures concourant à assurer un égal accès aux nouvelles technologies sur l'ensemble du territoire – je pense notamment à l'achèvement de la couverture en téléphonie mobile et au développement de l'Internet à haut ou très haut débit.

Le second programme de la mission, le programme « Interventions territoriales de l'État », bénéficiera en 2012 d'un niveau de dotation stable, d'un montant de 46,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 36 millions d'euros en crédits de paiement.

Conçu, dans une certaine mesure, en marge de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), ce programme tend à répondre aux situations de crise pour lesquelles une gestion souple et rapide des crédits est nécessaire. Une telle méthode de gestion a fait ses preuves si l'on en juge par le succès du plan d'urgence « nitrates » et par l'état d'avancement satisfaisant du programme exceptionnel d'investissements (PEI) en faveur de la Corse. Il faudra donc apporter une attention particulière à ce programme lors de l'élaboration du prochain budget triennal, en veillant à l'alimenter par des actions nouvelles.

Ma première question concerne les investissements directs étrangers (IDE) en France : leur montant était de 57,4 milliards de dollars en 2010, ce qui représente une baisse de 12 % par rapport à 2009. La France est ainsi passée de la troisième à la quatrième place mondiale selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED).

Pour attirer ces investissements, qui sont un formidable atout pour l'emploi et le rayonnement de notre pays, nous disposons d'une attractivité certaine, qui résulte notamment de la réforme du crédit d'impôt recherche, du lancement du projet de « Grand Paris » en 2009, de la réforme de la taxe professionnelle et du programme national des investissements d'avenir. Cependant, si nous sommes encore classés au deuxième rang européen, nous sommes en train de nous faire rattraper lentement par l'Allemagne, qui améliore sa performance d'année en année. Dans ces conditions, la baisse des moyens de l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII) ne risque-t-elle pas d'agir comme un frein au moment où nous devons impérativement réindustrialiser notre pays ?

Entre 2008 et le premier semestre de 2011, la prime à l'aménagement du territoire (PAT) a permis le maintien ou la création de 32 662 emplois, pour un montant total de 136,4 millions d'euros d'aides, soit 4 175 euros par emploi. Cependant, alors que le nombre des créations d'emplois était jusqu'à présent supérieur à celui des emplois maintenus, on observe un renversement de tendance. De plus, les PME ont plus que jamais besoin d'être accompagnées dans le contexte économique actuel, qui est peu favorable. D'où ma question : nonobstant les interrogations de la Cour des Comptes sur le caractère réellement incitatif de la mesure, mais compte tenu des contraintes budgétaires, comment pourrait-on améliorer le dispositif actuel ?

Ma troisième question concerne la nouvelle politique européenne de cohésion régionale, qui s'appuie désormais sur la stratégie Europe 2020. Parmi les sept initiatives « phares », celle qui vise à faire émerger une nouvelle politique industrielle, axée sur l'innovation et le soutien aux PME, a toute sa légitimité : les PME devraient de fait pouvoir bénéficier d'un accès plus facile au financement et d'une aide à l'internationalisation.

Or les évaluations des politiques de clusters réalisées en France ont montré que les fonds européens, en particulier ceux qui proviennent du Fonds européen de développement régional (FEDER), sont trop peu mobilisés, alors que les activités des pôles de compétitivité s'inscrivent pleinement dans le cadre des stratégies de Lisbonne et de Göteborg. Comment envisagez-vous de remédier à cette situation ?

S'agissant plus généralement des fonds structurels, il apparaît que leur taux de consommation globale est inférieur à ce qu'il devrait être si notre pays suivait un rythme de consommation régulier. Nous sommes aujourd'hui classés au 15e rang dans l'Union européenne. Ne pourrait-on pas améliorer ce résultat ?

PermalienPhoto de Jacques Le Nay

Élu rural, je m'inquiète de la persistance de zones grises pour l'accès au réseau de téléphonie mobile : il est fréquent qu'on ne puisse pas téléphoner de partout dans une commune. Pensez-vous que les efforts importants prévus pour la résorption des zones blanches permettront de remédier à ces dysfonctionnements ?

Parmi les mesures adoptées pour lutter contre la désertification médicale, il est prévu de créer 250 maisons de santé pluri-professionnelles – 193 sont déjà ouvertes, et ce nombre devrait être porté à 231 au 31 décembre 2011. Même si cette initiative est louable, je crains qu'elle ne soit pas suffisante tant les besoins sont criants : dans certains territoires, obtenir un rendez-vous chez un spécialiste demande un délai de plusieurs mois.

D'autres mesures incitatives ont été adoptées – je pense en particulier à l'attribution de bourses aux étudiants qui s'engagent à s'installer dans des zones sous-dotées –, mais on peut douter qu'elles suffisent tant le décalage est important entre le numerus clausus et la réalité des besoins. Ne faudrait-il pas envisager des mesures plus coercitives ?

On ne peut que se féliciter de la démarche consistant à mutualiser les services publics, aujourd'hui expérimentée dans 23 départements : là aussi, les besoins sont criants. Pouvez-vous nous dire dans quelles conditions une généralisation du dispositif pourrait avoir lieu ? La DATAR considère qu'il faudrait une animation au niveau national, notamment en matière de formation. Quelles autres actions envisagez-vous ?

Pour attirer des investissements étrangers, la France bénéficie de plusieurs atouts : la qualité de sa main-d'oeuvre, sa productivité horaire et l'importance des infrastructures disponibles. Nous avons toutefois besoin d'autres éléments pour accroître notre avantage sur les autres pays susceptibles d'accueillir ces investissements. Le crédit d'impôt recherche est manifestement un de ces éléments et j'espère donc que le dispositif sera maintenu en l'état, compte tenu de ses nombreuses qualités mais aussi de l'intérêt que trouveront les investisseurs étrangers à cette stabilité fiscale.

La prime d'aménagement du territoire, la PAT, est un autre élément d'attrait. La direction du budget nous a assuré que les critiques formulées par la Cour des comptes portaient sur certaines conditions d'application du dispositif, et non sur son principe. Confirmez-vous que le Gouvernement entend conserver cette prime, qui est un outil indispensable pour mieux répartir les projets internationaux sur notre territoire ?

PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Le coup de rabot de trois millions d'euros décidé par le Premier ministre dans le cadre de la réduction du déficit public n'aura pas d'incidence majeure sur la politique d'aménagement du territoire. Ce montant sera réparti entre les contrats de projets État-régions, pour un million d'euros, et les pôles de compétitivité et les grappes d'entreprises, pour deux millions. Compte tenu des taux de consommation de chacun de ces dispositifs et des engagements actuels, il ne devrait pas en résulter de difficulté majeure.

S'agissant de l'AFII, le contrat d'objectifs et de moyens passé avec la tutelle devrait permettre de rétablir une dynamique plus positive sur le long terme. La vérité est que l'agence a obtenu en 2010 des résultats en augmentation considérable, avec 782 nouveaux projets d'investissement étrangers en France, et que les chiffres actuels traduisent un retour à la tendance observée les deux années précédentes, qui était à une augmentation de 5 à 6 %. Il convient donc de relativiser la baisse constatée.

En ce qui concerne la PAT, je prends note des critiques formulées par la Cour des comptes sur les modalités de sa mise en oeuvre, mais je continue à penser qu'il s'agit d'un outil extrêmement efficace pour bien répartir l'ensemble des investissements et des créations d'emplois sur le territoire. Pour l'instant, je ne souhaite donc pas que cette politique soit modifiée.

Oui, les fonds européens sont aujourd'hui trop peu mobilisés. Lorsque j'étais en charge des affaires européennes, j'avais déjà appelé l'attention des régions sur la nécessité absolue d'un rattrapage plus rapide en matière de décaissement. Même s'il n'existe pas de risque de dégagement d'office, on doit pouvoir faire mieux que le taux actuel de paiement – environ 20 %.

La couverture du territoire en téléphonie mobile doit également faire partie de nos priorités : 97 % des communes sont couvertes, mais il reste des zones blanches trop importantes et il conviendrait en outre de remédier à la détérioration du service qu'on constate ici ou là, notamment dans la capitale. Cependant, les 600 millions d'euros d'investissements prévus nous donnent les moyens d'améliorer la situation.

Je suis élu d'un département, l'Eure, qui est classé 99e sur 100 pour ce qui est de l'accès aux soins : il y faut parfois attendre cinq ou six mois pour avoir accès à un spécialiste, contre deux ou trois semaines à Nice ou dans le centre de Paris. Afin de combattre cette situation inacceptable, le Gouvernement a adopté deux mesures que vous avez bien voulu rappeler. Avec Xavier Bertrand, nous avons tout d'abord décidé de créer des maisons de santé pluridisciplinaires pour offrir toute une palette de soins à nos concitoyens et pour faciliter l'installation des jeunes, en particulier les jeunes femmes, dans les zones rurales. Ce projet bénéficie de 25 millions d'euros par an, soit 75 millions au total. J'observe que 200 des 250 maisons de santé prévues sont déjà en cours de réalisation. Le projet avance donc bien. D'autre part, 400 bourses d'environ 1 200 euros par mois ont été ouvertes pour inciter les étudiants en médecine à s'engager à exercer en zone rurale. Il faudra naturellement s'assurer que ces deux dispositifs fonctionnent correctement et qu'ils permettent de remédier rapidement aux difficultés d'accès aux soins dans les zones rurales. Si cela ne suffit pas, nous devrons aller plus loin. Il faudra faire le point chaque année sur ce dossier.

S'agissant de la mutualisation des services publics, nous allons installer un comité de pilotage national qui veillera notamment à la formation des agents. En application des conventions signées, ceux-ci devront en effet assurer plusieurs tâches, ce qui nécessite une formation adaptée.

Enfin, je ne peux que souscrire à votre analyse du crédit d'impôt recherche. Pour attirer les étudiants étrangers, il convient de maintenir le dispositif tout en veillant à l'évaluer régulièrement – c'était d'ailleurs l'objet du rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) sur les niches fiscales, qui contient des éléments intéressants à cet égard.

PermalienPhoto de Michel Bouvard

Ma première question concerne la politique régionale de cohésion européenne pour la période 2014-2020, qui fait l'objet de quelque 336 millions d'euros de prévisions de dépenses.

Le 5 octobre dernier, la Commission européenne a adopté des propositions sur les conditions de mise en oeuvre de ces crédits : elle propose, tout d'abord, une plus forte concentration des aides et la création d'une nouvelle catégorie, les « régions en transition ». Or cette évolution pourrait avoir un effet paradoxal : de nombreuses régions françaises – la Martinique et dix régions métropolitaines – pourraient être concernées, mais notre pays devrait beaucoup moins bénéficier du dispositif que l'Espagne ou l'Allemagne en raison de la faible intensité des aides. Pouvez-vous nous dire où en est la réflexion du Gouvernement sur ce point ?

La Commission propose, en outre, d'instaurer une conditionnalité des aides régionales : si les pays engagent des politiques économiques risquées, elle pourrait demander la révision de certains programmes et suspendre les financements. Les régions redoutent donc d'être pénalisées à cause du manque de rigueur des gouvernements. J'aimerais savoir si vous approuvez cette proposition de la Commission.

J'observe, par ailleurs, que six des vingt dispositifs de dépenses fiscales concernant cette mission ne sont pas renseignés – parfois depuis de nombreuses années –, et qu'aucun crédit n'est prévu depuis trois ans pour un septième dispositif, le crédit d'impôt pour l'investissement en faveur des sociétés implantées dans certains secteurs de la région Nord-Pas-de-Calais. S'il n'y a pas eu de bénéficiaire depuis trois ans, il conviendrait sans doute de s'interroger sur l'intérêt de maintenir ce dernier dispositif. Quant aux mesures non renseignées, il est précisé que le système d'évaluation est fiable, ce qui est assez paradoxal car, dans ces conditions, pourquoi n'a-t-on pas de données ? Le rapport de l'IGF que vous avez cité contient, en particulier, des chiffres sur la Corse qui ne sont pas repris dans le bleu budgétaire. Comment l'expliquer ?

Je crois utile de rappeler que le Parlement a besoin d'une information fiable et complète sur la dépense fiscale. Celle-ci devait s'élever à 364 millions d'euros au titre de ce programme en 2010, puis atteindre 381 millions en 2011 avant d'être portée à 397 millions en 2012. On peut s'interroger sur la signification de cette évolution quand on sait que six dispositifs ne sont pas renseignés et que l'un d'entre eux est évalué à zéro.

PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

La création dela catégorie des « régions en transition » présente un intérêt : éviter que des collectivités bénéficiant de crédits européens ne se retrouvent brutalement privées de tout soutien. Cela étant, il faut aussi prendre en compte la position du ministre du budget, qui souhaite vérifier que cette évolution ne se traduira pas par une détérioration du taux de retour de la France – il est aujourd'hui de 4 % dans le cadre de cette politique de cohésion, contre 17 % pour la politique agricole commune. Depuis plusieurs mois, nous avons procédé à des échanges sur le sujet avec Alain Rousset et avec le commissaire européen compétent, mais nous attendons encore l'évaluation précise des services du budget pour adopter une position définitive.

Même si la question de la conditionnalité des aides relève plutôt de la gouvernance économique de la zone euro, je peux vous dire que nous sommes a priori plutôt défavorables à cette proposition, car elle pourrait nuire à certaines de nos régions.

Enfin, sans chercher à me défausser de mes responsabilités, je ferai observer qu'il appartient au ministère du budget de compléter les documents dont vous déplorez le caractère lacunaire.

PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

Si l'effort budgétaire pour remédier aux problèmes de démographie médicale est incontestable, les critères retenus par les agences régionales de santé pour ouvrir une maison de santé sont trop rigides pour permettre de régler les difficultés spécifiques de nos territoires, notamment des zones de montagne. La Cour des comptes souligne la persistance des inégalités de répartition des médecins libéraux en dépit des mesures incitatives. J'aurais souhaité de la part du Gouvernement, et de votre ministère en particulier, une approche plus concrète de ces questions, car les solutions apportées par la loi Bachelot ne correspondent pas à la réalité de ce que nous vivons sur le terrain.

S'agissant des relais de services publics, je suis de ceux qui en souhaitent dans tous les chefs-lieux de canton. On en compte actuellement quelque sept cents, mais il conviendrait de porter comme prévu leur nombre à trois mille car, reposant sur l'utilisation des nouvelles technologies et de dispositifs innovants, ils contribuent à rapprocher les services publics du citoyen. Cependant, alors que la dotation de développement rural, la DDR, réservée aux intercommunalités, permettait une petite contribution financière au fonctionnement de ces relais, il n'en est plus de même avec la dotation d'équipement des territoires ruraux, la DETR, entièrement tournée vers l'investissement et l'équipement, et cela me paraît très dommageable.

En ce qui concerne le développement du numérique, l'échéance de 2025 est beaucoup trop lointaine eu égard à la rapidité des évolutions dans ce secteur. Certaines associations d'élus locaux souhaiteraient un engagement financier du Gouvernement beaucoup plus substantiel afin d'assurer la couverture numérique de l'ensemble du territoire.

Y aura-t-il en 2012 un appel à projets pour les pôles d'excellence rurale (PER) ? Si oui, pourrait-on connaître les avis préalables des préfectures de département, de région et de la DATAR ? On constate par ailleurs une baisse des aides de l'État à chaque nouvel appel à projets : de 50 % lors de la première vague, leur part est tombée à 46 % pour la deuxième et à 36 % pour la troisième. Dans ces conditions, il est difficile de boucler les dossiers.

J'aurais souhaité que vous nous exposiez votre vision de la politique des trains d'équilibre du territoire, très bonne orientation retenue par le Gouvernement.

Je me réjouis enfin de votre décision de ne pas remettre en cause le dispositif des zones de revitalisation rurale. Même s'il fallait corriger les erreurs commises lors des années précédentes, il était très important de préserver les exonérations de charges sociales et fiscales qu'il permet, notamment celles qui bénéficient aux associations d'intérêt général, ainsi que l'extension de ces mesures aux transmissions d'entreprise.

PermalienPhoto de Marie-Françoise Pérol-Dumont

Voilà une mission qui aura beaucoup voyagé ces dernières années ! Autant son rattachement au ministère de l'écologie et des transports, avant qu'elle ne bénéficie brièvement d'un ministère de plein exercice, était cohérent, autant le rattachement au ministère de l'agriculture traduit une curieuse conception de l'aménagement du territoire, qui ne concernerait que la ruralité. Et si, dans le même esprit, le Grand Paris a été retiré du périmètre de cette mission pour rejoindre le ministère de la Ville, on peut aussi y voir la confirmation du fait que ce projet ne procède pas d'une réelle vision d'aménagement du territoire…

La stagnation relative des crédits de cette mission n'a pas de signification par elle-même : bien d'autres ministères contribuent à la politique d'aménagement du territoire. Ce sur quoi il faut insister en revanche, c'est sur le malaise que nous constatons tous dans nos circonscriptions. Ce sentiment d'abandon, cette souffrance des territoires découlent très largement d'une pratique aveugle de la révision générale des politiques publiques par le Gouvernement. En effet, nos territoires sont victimes des conséquences très néfastes de cette politique purement comptable, que n'a précédée aucune concertation et qui surtout n'a été suivie d'aucun bilan. Qu'il s'agisse des réformes de la carte hospitalière, de la carte judiciaire, de la carte scolaire ou de la carte militaire, de l'abandon du fret ferroviaire ou de celui de l'assistance en ingénierie technique, on voit bien qu'aucun secteur n'est épargné.

Notre groupe pense que ce sentiment d'abandon est de mauvais augure pour la cohésion républicaine. Cela s'est d'ailleurs traduit dans le vote des élus locaux aux dernières sénatoriales. Les collectivités territoriales essaient de remédier aux défaillances de cette politique. Ainsi, nous tentons de pallier la disparition de l'ATESAT, l'assistance technique de l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire, en mettant en place des agences techniques départementales. Mais cela nous est de plus en plus difficile en raison de l'étranglement financier dont sont victimes les collectivités locales. Après le gel des dotations financières, la première lecture du projet de loi de finances, vendredi dernier, a été l'occasion d'un coup de rabot supplémentaire de deux cents millions d'euros sur leurs budgets, comme si elles n'étaient pas des acteurs majeurs de l'aménagement du territoire. Ainsi la création des maisons de santé pluridisciplinaires n'est possible que parce que ces collectivités acceptent de jouer le jeu, alors que la santé publique relève normalement de l'État.

À les brider ainsi financièrement, on porte un mauvais coup à la politique de l'emploi local et à la croissance. Sans sous-estimer les effets de la crise et l'ampleur de la dette publique, notre groupe considère que les territoires ne doivent pas être la variable d'ajustement du budget de l'État. Nous pensons que d'autres voies et d'autres choix sont possibles. On pourrait par exemple s'attaquer aux niches fiscales, qui représentent un manque à gagner de 75 milliards d'euros pour l'État et dont certaines ont fait la preuve de leur inefficience. Le fait que le groupe UMP ait, comme le groupe SRC, présenté au printemps dernier une proposition de loi en faveur de l'aménagement du territoire et des territoires ruraux est bien le signe du sentiment d'abandon des territoires.

Concernant le désenclavement numérique, outre que l'échéance de 2025 est beaucoup trop lointaine, nous regrettons la liberté totale laissée aux opérateurs privés. Ceux-ci allant à l'évidence favoriser les secteurs à plus forte densité par souci de rentabilité, quid des zones les moins rentables ? Elles seront, encore une fois, laissées à la charge des collectivités locales.

S'agissant des pôles de compétitivité, nous émettons des réserves sur le dispositif d'affichage, qui repose essentiellement sur les exonérations fiscales, certes très alléchantes, mais qui seront très vite saturées pour chaque entreprise.

Concernant les pôles d'excellence rurale, nous regrettons, nous aussi, la restriction des aides à chaque nouvel appel à projets.

Pour les trains d'équilibre des territoires, nous nous inquiétons des nouveaux dispositifs de cadencement, qui vont entraîner une moins-value en termes de services dans les territoires.

Nous regrettons la stagnation des crédits de la prime d'aménagement du territoire à hauteur de 38 millions d'euros depuis 2010, alors même que c'est un outil important d'aménagement du territoire.

Pour conclure, je voudrais, me faisant le porte-parole de notre collèguePhilippe Duron, vous alerter sur le refus du ministère de l'intérieur d'agréer la demande de l'Institut des hautes études de développement et d'aménagement des territoires en Europe, l'IHEDATE, pour la formation des élus locaux,. Vous connaissez les vicissitudes qu'a connues cet institut, créé en 2000, avant d'être supprimé à la suite du vote d'un amendement de notre collègue Giscard d'Estaing, puis recréé en 2004 par le ministre Dutreil. Aujourd'hui, une de ses missions est mise en cause par le refus du ministère de l'intérieur.

PermalienPhoto de André Chassaigne

Je voulais également déplorer la faiblesse des crédits affectés à cette mission : même si j'ai entendu le ministre proclamer que leur baisse n'entraînerait pas de difficulté majeure, elle fait de cette mission, dont les enjeux sont majeurs, une mission mineure. On a certes accumulé les actions dans son périmètre : pôles de compétitivité, grappes d'entreprises, pôles d'excellence rurale, contrats de site, fonds national de revitalisation des territoires, aides à la réindustrialisation, et j'en passe. En réalité, il s'agit, soit d'éteindre les incendies, soit de restructurer des cadres déjà existants, plutôt que de favoriser un véritable développement, structuré et coordonné. Cette politique d'aménagement territorial manque d'ambition. Certaines ouvertures de crédits annoncées à grand bruit se révèlent finalement être de simples redéploiements de crédits au détriment d'autres actions. Certaines décisions d'accompagnement économique, comme la création du fonds national de revitalisation des territoires (FNRT), ne sont précédées d'aucune concertation locale. Il n'y a pas davantage d'évaluation de ce qui a été fait, notamment dans le cadre des pôles de compétitivité. C'est ce qui explique que cette politique se révèle impuissante à enrayer la baisse de la part de la production industrielle dans le PIB, tombée de 24 à 12 % en une vingtaine d'années.

En matière d'aménagement du territoire, on ne peut que constater la contradiction entre votre volontarisme affiché et les résultats de votre politique sur le terrain. Je pourrais en citer maints exemples. Comment peut-on, par exemple, sous prétexte de RGPP, ne pas manquer une occasion de s'attaquer aux services publics, y compris dans des territoires où on prétend développer des pôles d'excellence rurale ? La suppression de certains services, apparemment secondaires, tel le service des cartes grises dans certaines sous-préfectures, ne trahit pas moins une forme de mépris, tant leur charge symbolique est forte aux yeux d'une population modeste. De même, sous prétexte de coopérations hospitalières, on ferme en quelques mois un bloc chirurgical.

Ce prétendu volontarisme s'accommode tout à fait de l'abandon où sont laissées certaines entreprises. On permet ainsi au groupe indien Ruia de laisser mourir, dans l'Eure, dans le Puy-de-Dôme et en Haute-Loire, des entreprises qu'il avait rachetées grâce au soutien de l'État !

PermalienPhoto de Thierry Benoit

Après avoir entendu les deux précédents intervenants, je me demande si nous vivons bien dans le même monde ! En tant qu'élu d'un territoire rural, je veux témoigner de l'efficacité des outils mis en place au cours de ce quinquennat : le FNRT, les zones d'aides à finalité régionale, les grappes d'entreprises, les pôles de compétitivité et les pôles d'excellence rurale, ça marche dans les territoires, pour peu que les élus soient incités à anticiper et à innover. Ainsi nous avons, dans le cadre de la RGPP, créé dans notre territoire l'arrondissement des Marches de Bretagne, Fougères-Vitré, qui a permis à l'ensemble des élus concernés de définir, avec les services de l'État, une nouvelle organisation des services publics. Certes, une fois menée à bien une telle réorganisation, mieux vaut ne pas avoir à supporter de nouvelles suppressions de services – mais cela n'a pas été le cas !

S'agissant de la dimension sanitaire de l'aménagement du territoire, je déplore comme Pierre Morel-A-L'Huissier la rigidité excessive des critères d'ouverture des maisons médicales. Ainsi l'obligation de disposer de deux médecins pour pouvoir en créer une ne pourra pas être partout satisfaite.

Les pôles d'excellence rurale sont un outil qui pourrait être utilisé pour favoriser les coopérations entre communautés de communes en milieu rural. Ainsi ce dispositif va permettre aux cinq communautés de communes que compte le territoire dont je suis l'élu, dans un bassin de vie de 80 000 habitants, de travailler enfin ensemble, et notamment de mutualiser le risque que comporte le fait de construire des bâtiments équipés de salles blanches avant de savoir s'ils trouveront preneurs.

Certains départements souffrent d'un certain retard dans l'élaboration de leur schéma directeur territorial d'aménagement numérique, en dépit de la politique très volontariste de l'État. Celui-ci encouragera-t-il le déploiement du numérique dans ces départements via des territoires témoins ?

Je voudrais par ailleurs souligner la nécessité, en dépit de l'excellent travail des préfectures, d'aider à la mobilisation et au suivi des crédits destinés aux pôles d'excellence, qui proviennent souvent d'enveloppes différentes.

Notre modèle français doit se tenir prêt à connaître des évolutions profondes. Puissions-nous rendre ce chemin compréhensible, sympathique et entraînant : tel est le message d'optimisme que je souhaitais vous délivrer ce soir.

PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

L'insuffisante couverture médicale des territoires rurales me tient à coeur autant qu'à vous, monsieur Morel-A-L'Huissier, et je juge comme vous que les critères d'ouverture de maisons de santé rurales sont trop rigides. C'est le cas notamment des critères démographiques, peu adaptés aux zones de montagne où leur application interdirait quasiment toute implantation au motif de l'insuffisance de la population. Or la politique d'aménagement du territoire est fondée sur le principe d'égalité entre les territoires. C'est pourquoi nous annoncerons le 15 décembre prochain une simplification de ces critères.

Le dispositif des relais de services publics fonctionne, même si leur mise en place peut être accélérée – je confirme que l'objectif est d'en créer 3 000. Ils permettent de mettre à la disposition du public une offre de services pour un coût de fonctionnement moins élevé. Chacun doit bien comprendre en effet que, faute de moyens, le service public de demain ne pourra pas disposer des mêmes infrastructures ni fonctionner au même coût qu'aujourd'hui.

Même si elle peut sembler éloignée, l'échéance de 2025 fixée pour le déploiement du numérique est justifiée par l'ampleur de l'objectif : assurer la couverture en très haut débit de tout le territoire. Il ne s'agit pas seulement de l'aménagement, mais aussi de l'attractivité de notre territoire. De même que, dans le passé, ce sont la supériorité de nos infrastructures de transports ou celle de notre administration territoriale, ou encore l'accès à l'énergie pour un coût parmi les plus bas au monde qui ont attiré les investisseurs étrangers dans notre pays, ce sera demain l'accès au très haut débit le plus commode et le moins coûteux de l'ensemble des pays développés qui assurera l'attractivité de la France. Je rappelle que, d'ores et déjà, notre pays propose le coût d'abonnement à l'Internet le plus bas de l'OCDE. Deux milliards d'euros ont été mobilisés dans le cadre du plan de relance pour équiper le territoire en très haut débit ; neuf cents millions d'euros seront destinés aux territoires ruraux. S'agissant des financements supplémentaires qui pourraient s'avérer nécessaires, nous sommes en train d'examiner les propositions du sénateur Maurey en la matière.

Il n'y aura pas en 2012 de nouvel appel à candidatures pour les pôles d'excellence rurale, car nous sommes déjà submergés de candidatures. Si le taux de financement de l'État a baissé, c'est parce que nous avons accepté plus de projets en 2011 qu'en 2010, et plus en 2010 qu'en 2009. En 2011, nous n'avons pu retenir que 149 des 461 projets qui nous avaient été soumis. Au total, nous avons financé 652 projets pour un coût de 475 millions d'euros, ce qui est loin d'être négligeable.

S'agissant des trains d'équilibre, nous avons décidé de maintenir quarante lignes, pour un coût de 210 millions d'euros, et nous avons maintenu le même effort de financement à l'euro près, ce qui me paraît entièrement justifié.

Nous n'avons pas l'intention de modifier les critères de définition des zones de revitalisation rurale, car ils permettent des exonérations de charges sociales et fiscales importantes.

Cette précision me permet de faire la transition avec l'intervention deMme Pérol-Dumont. C'est trop facile de prétendre qu'il suffit de « taper » dans les niches fiscales pour résoudre toutes les difficultés budgétaires car dans une niche fiscale, il peut y avoir, non un chien méchant comme aimait à dire le précédent Président de la République, mais un instrument utile pour une politique pertinente. Je ne suis pas sûr, par exemple, que tous ici souhaitent qu'on remette en cause les avantages fiscaux en faveur des zones de revitalisation rurale.

Loin de toute considération politicienne, je ne nie pas le malaise des territoires ruraux, touchés de plein fouet par la mondialisation, par les délocalisations, par les mutations économiques et industrielles qu'ont connues tous les pays développés. Il est vrai, comme l'a rappelé M. Chassaigne, que nos territoires voient se multiplier les fermetures ou les délocalisations d'usine, soit parce que nous ne sommes pas suffisamment compétitifs, soit parce que nous n'avons pas fait les bons choix industriels. Mais il ne sert à rien de se lamenter. Ce qu'il faut, c'est trouver les moyens de revitaliser ces territoires, d'ouvrir de nouvelles perspectives industrielles et de créer de nouvelles filières, pour que des emplois industriels s'installent à nouveau dans ces territoires. C'est ainsi qu'on mettra fin à leur malaise. Cela passe aussi par une réflexion sur les nouveaux services publics, par l'accès aux réseaux numériques et par le développement économique via les pôles de compétitivité. Il est grand temps d'accorder aux territoires ruraux, qui sont ceux qui ont le plus souffert des délocalisations et de la désindustrialisation, toute l'attention qu'ils méritent.

Monsieur Chassaigne, la revitalisation rurale et l'aménagement du territoire sont des enjeux majeurs, que nous sommes loin de traiter de manière mineure puisque, au-delà des 300 millions destinés à la DATAR, nous y consacrons plus de 5 milliards. Les synergies entre les entreprises, les laboratoires de recherche et les centres de formation à travers les pôles d'excellence ruraux (PER), les pôles de compétitivité et les grappes d'entreprises sont des moyens efficaces de créer du développement économique. Il faut donc continuer à les favoriser, même si tout ne marche pas toujours comme on l'espérait et même si l'on peut se heurter parfois à des comportements choquants. Ainsi je comprends la colère des 400 salariés de la papeterie M-Real, à Alizay, quand, après une négociation d'un an pour ouvrir au personnel une perspective industrielle, le propriétaire finlandais a refusé toute discussion avec les repreneurs potentiels et ne s'est même pas rendu à la réunion organisée en vue de parvenir à une transaction.

Monsieur Benoit, je partage votre analyse. Les pôles de compétitivité fonctionnent bien, même si l'accompagnement des PER doit être plus précis pour tenir compte de la multiplicité des enveloppes.

Je prends note de la dernière question posée par Mme Pérol-Dumont, et je répondrai par écrit àM. Duron.

PermalienPhoto de Fabienne Labrette-Ménager

M. Benoit vous a également interrogé sur les critères exigés pour l'ouverture d'une maison de santé pluri-professionnelle...

PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

M. Morel-A-L'Huissier, chargé d'une mission sur la mise en oeuvre des normes en milieu rural, formulera avant le 15 décembre des propositions de simplification.

PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

Merci de rappeler l'existence de cette mission. Cela étant, alors qu'il était possible de dégager sur la dotation de développement rural (DDR) des crédits de fonctionnement pour les missions d'ingénierie publique ou pour les relais de services publics, ce n'est plus le cas, apparemment, avec la nouvelle dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). Ne pourrait-on corriger ce problème par voie d'amendement, ce qui aiderait grandement les petites communes rurales et leurs EPCI ?

PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Il me semble que cette correction est intervenue en novembre 2010, mais je vérifierai.

PermalienPhoto de Joseph Bossé

Les territoires, soumis à une forte concurrence économique et sociale, doivent relever le défi de la compétitivité. Le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » définit huit axes prioritaires pour développer les territoires urbains et ruraux et pour renforcer leur attractivité.

Je me réjouis que la politique des pôles d'excellence rurale, en appuyant les projets des territoires, permette de valoriser leur potentiel. Générant activité économique et développement local, de nouveaux projets émergeront, qui constituent un formidable réservoir de croissance. Ils renforceront les polarités dans les zones rurales, ce qui, reconnaissons-le, est nécessaire.

Dans le programme 112, des crédits sont inscrits pour 2011-2013 afin de financer la deuxième génération des PER. La valorisation des territoires s'effectuera grâce aux mesures prises à l'issue des Assises des territoires ruraux. Ainsi le financement des 250 maisons de santé pluridisciplinaires renforcera leur attractivité. De nombreuses intercommunalités – je dirai même la totalité des communautés de communes – se préparent à utiliser ce dispositif. Comment l'adapterez-vous si le nombre de projets réalisables pendant la période concernée excède 250 ?

PermalienPhoto de Jean-Paul Chanteguet

Les crédits consacrés à l'aménagement du territoire s'élèveraient, toutes sources de financement confondues, à 5 milliards d'euros, nous a-t-on dit. Peut-on consulter le document de politique transversale qui retrace l'ensemble de cet effort ?

À la suite des Assises des territoires ruraux, un comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) a arrêté en 2010 soixante-dix mesures, distribuées entre cinq orientations. Or, pour les financer, nous ne trouvons que 15 millions dans cette mission « Politique des territoires ». Cherchez l'erreur, aurais-je envie de dire ! D'où viendra le reste des crédits ?

Enfin, sachant que, sur les 35 milliards du grand emprunt, un seulement sera consacré à l'équipement des zones peu denses en Internet à haut débit, quand peut-on espérer voir appliquées les propositions du sénateur Hervé Maurey ?

PermalienPhoto de Philippe Armand Martin

Depuis des années, nous voyons disparaître les artisans et les commerçants qui contribuaient à l'animation de nos campagnes en y maintenant un lien social. Ce phénomène regrettable, qui s'explique par de multiples causes – difficultés économiques, concurrence des zones commerciales, absence de repreneur, etc. – prive la population de nos villages de nombreux services et ne favorise pas le dynamisme des territoires ruraux. Pour surmonter les effets de la crise et préserver l'attractivité de certains bassins de vie, on a récemment constitué le Fonds national de revitalisation des territoires, mais celui-ci ne vise à soutenir que les entreprises de grande taille ou, à la rigueur, de taille moyenne. Pourquoi ne pas créer un fonds d'intervention économique dédié au soutien et à la reprise des commerces et des très petites entreprises installés en milieu rural, ce qui permettrait de sauvegarder ou de créer de nombreux emplois ?

PermalienPhoto de Marie-Lou Marcel

En 2010, toutes les entreprises implantées dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) de moins de 2 000 habitants étaient exonérées de la taxe professionnelle pendant cinq ans, dès lors qu'elles employaient moins de cinq salariés au cours de la période de référence. Ces exonérations réservées aux activités industrielles, artisanales, de recherche et d'études informatiques, ont coûté 19 millions l'an passé. La taxe professionnelle ayant disparu, on leur a substitué deux nouvelles mesures en 2011.

La première consiste à exonérer de la cotisation foncière des entreprises les entreprises réalisant certaines opérations en ZRR, en l'absence de délibération contraire d'une commune ou d'un EPCI. Le coût en est évalué à 12 millions pour 2011 comme pour 2012.

La seconde, également une exonération relative à certaines opérations réalisées dans les ZRR, figurait pour 6 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2011. Quel en sera le montant en 2012 ?

PermalienPhoto de Michel Grall

Si j'approuve les objectifs de la loi littoral en vigueur depuis 1986, je regrette que, dans les faits, son interprétation ou son application ait abouti à dessaisir les maires de la maîtrise de l'urbanisation communale, puisque des terrains qui étaient constructibles aux termes des POS ou des PLU ont cessé de l'être. En outre, son interprétation par les services de l'État diffère d'un département à l'autre et la jurisprudence des tribunaux administratifs est également fluctuante. En visite dans le Morbihan, en mars, le Président de la République a annoncé une réflexion sur le sujet. Un groupe de travail a été formé au sein de l'Association des maires de France. Le corpus juridique de la loi littoral sera-t-il bientôt stabilisé, ce qui permettra aux maires de délivrer des permis de construire sans risque de contentieux ?

PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Monsieur Bossé, le Gouvernement a prévu la création de 250 maisons de santé pluridisciplinaires. Certaines sont achevées, d'autres sont en cours de réalisation. Tant que nous n'avons pas atteint notre objectif, il n'est pas opportun de nous préoccuper d'accroître les crédits. Au reste, l'enveloppe de trois fois 25 millions d'euros devrait suffire à soutenir les projets.

Monsieur Chanteguet, le document de politique transversale du projet de loi de finances sur l'aménagement du territoire est à votre disposition. Et si tous les crédits consacrés aux mesures décidées par le CIADT ne figurent pas parmi ceux que nous examinons, c'est précisément parce que cette politique est financée par différents ministères.

Il y a quelques semaines, j'ai rencontré le sénateur Maurey et examiné avec lui les moyens de financer l'équipement numérique et l'accès au très haut débit sur la totalité de notre territoire. Ses premières propositions, qui se traduiraient par une augmentation de la fiscalité, ne semblent pas bienvenues dans le contexte actuel. Nous poursuivons donc la réflexion, en attendant d'arrêter une décision dans les prochains mois. Deux milliards d'euros sont disponibles immédiatement, de même que les 900 millions dédiés aux territoires ruraux. Il faut déployer ces moyens rapidement, en incitant les opérateurs privés à participer à l'opération.

Monsieur Philippe Armand Martin, le maintien des commerces locaux, ainsi que de l'artisanat, des PME et des TPE, est d'intérêt vital pour beaucoup de communes, qui peinent parfois à conserver une boulangerie ou une épicerie. Le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) n'est pas toujours le bon instrument pour cela. OSEO commence à participer au financement nécessaire, mais je suis prêt à examiner votre proposition de créer un fonds d'intervention économique pour les petites entreprises.

Madame Marcel, il n'est pas question de modifier les critères de définition des ZRR, pas plus que les exonérations ou avantages fiscaux qui en découlent. Toute réforme aboutirait à exclure certaines communes rurales du dispositif, ce qui leur ferait courir un risque considérable. Nous maintenons par conséquent les crédits en l'état.

Monsieur Grall, j'étais avec le Président de la République quand, devant l'Association des maires du Morbihan, il a accepté de créer un groupe de travail sur l'application de la loi littoral, qui pose en effet problème, notamment dans les îles, où les jeunes ont du mal à s'installer en famille. Les premières réunions se sont tenues en septembre. Les travaux seront conclus en novembre, lors du congrès de l'AMF.

PermalienPhoto de Michel Bouvard

On comprend que M. Grall ait posé la question, même si elle n'est pas vraiment d'ordre budgétaire.

PermalienPhoto de Jean-Louis Dumont

Pour ce qui est des nouvelles technologies de l'information, si tant est qu'elles méritent encore ce nom en 2012, il est manifeste que certains territoires sont abandonnés par l'opérateur principal. Les investissements dans des substituts, tentés par certains départements, ne donnent pas de résultats. Avant d'afficher des objectifs dont on sait pertinemment qu'ils ne seront pas atteints, mieux vaudrait mesurer les manques en matière de téléphonie mobile, d'accès à Internet et d'ADSL. Il est temps de donner à tous les territoires une chance d'être attractifs.

Dans de nombreux territoires ruraux ou semi-ruraux, des centres hospitaliers emploient depuis longtemps des médecins, spécialistes ou généralistes, dont le diplôme est considéré comme étranger même s'ils l'ont passé dans des universités françaises. De ce fait, ils sont sommés d'arrêter leur activité. C'est le cas d'une dizaine de médecins, dans un centre que je connais bien : les uns doivent cesser d'exercer, d'autres risquent d'être expulsés, même si leur qualité professionnelle a été reconnue. Il est grave que personne n'intervienne face à une telle situation, alors même que le rapport proclame l'importance de donner la possibilité d'accès aux soins sur l'ensemble du territoire. Quelles mesures entendez-vous prendre pour résoudre le problème ?

PermalienPhoto de Jean-Louis Dumont

Elle doit être tranchée avant le 30 octobre !

PermalienPhoto de Yanick Paternotte

Pour les eaux de ruissellement, les crédits permettront-ils d'atteindre l'objectif d'un retour à la qualité en 2015 ? Les crédits inscrits pour la première fois dans le PLF pour combattre la prolifération des algues vertes laissent-ils espérer qu'on parviendra à réduire à moins de 30 milligrammes, et si possible à moins de 10, le taux de nitrate dans les rivières, ce qui permettrait d'éliminer l'excès d'azote ?

Les nouvelles infrastructures nécessaires pour assurer l'attractivité des territoires sont les autoroutes de l'information et de la communication. Vous avez rappelé que 900 millions sont prévus pour développer la 2G et la 3G. Le fait que le prix d'appel soit le moins élevé de l'OCDE n'explique-t-il pas que le développement prenne tant de temps, auquel cas il faut peut-être définir un meilleur équilibre entre le prix et les délais ?

PermalienPhoto de Jean-Marie Sermier

Si les territoires ruraux ont réellement un avenir, comme j'en suis convaincu, il faut accompagner leur mutation. On ne peut prétendre qu'il est plus difficile d'y vivre qu'il y a quelques années, puisque de nouveaux services se sont ouverts. Les agences postales y sont plus présentes. L'accueil des jeunes et des enfants, qui s'est amélioré, contribue à une réelle dynamique. D'ailleurs, la population de ces territoires augmente. Il faut cependant travailler sur de nouveaux enjeux : le maintien des personnes à domicile, le très haut débit ou les maisons de santé, mais ce avec des outils qui ne sont pas toujours aisés à manier – ainsi les sociétés publiques locales.

Compte tenu de notre ambition, il n'est pas normal que les crédits destinés à ces territoires ne soient utilisés en totalité ni au sein de l'Union européenne ni dans les collectivités locales, auxquelles il faut souvent deux à trois ans pour mettre à profit les fonds apportés par le département ou la région. Notre souci est le manque d'ingénierie plus que de moyens. L'ATESAT, l'assistance technique de l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire, n'est pas suffisante. Si le secrétariat général aux affaires régionales (SGAR) fait son travail, la DATAR, qui dispose de 136 équivalents temps plein, devrait aider davantage les collectivités les plus rurales, notamment les communautés de communes, à émarger à l'ensemble des nouveaux projets et à rester dynamiques.

PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Les pôles de compétitivité, axés sur la recherche et développement et sur l'innovation technologique, créent aujourd'hui les emplois de demain. Une nouvelle évaluation doit intervenir en 2012, qui appellera un suivi, mais existe-t-il une réelle coordination entre les pôles de compétitivité et le programme national des investissements d'avenir ?

Le développement de l'innovation, notamment dans les PME, passe par les grappes d'entreprises. Les 126 labellisations, au travers de deux appels à projets, sont une chance pour les territoires ruraux. En outre, des partenariats se sont tissés entre les pôles et les grappes, qui bénéficient d'une enveloppe de 24 millions. Quelle coordination et quel pilotage sont prévus au niveau national entre ces outils d'avenir, sachant qu'il en va de leur efficacité et que la DATAR ne peut probablement pas y pourvoir seule ?

PermalienPhoto de Jean Lassalle

Monsieur le ministre, votre propos m'a paru encourageant. Nous connaissons tous deux le même monde rural. Je m'interrogeais commeM. Pierre Morel-A-L'Huissier sur la mutation des crédits DDR en crédits DETR, les crédits de fonctionnement étant essentiels pour construire des dossiers. Je me réjouis d'apprendre que le problème est probablement réglé.

Cependant, je ne partage pas votre optimisme dans tous les domaines. Si nous avons eu les meilleures infrastructures, ce n'est plus vrai aujourd'hui, et il n'est plus possible d'en réaliser. Je me réjouis de pouvoir vous parler, car vous avez l'esprit ouvert, ce qui n'est pas toujours le cas des ministres. Sur un territoire que vous connaissez bien, vous avez pu mesurer la difficulté d'aménager une ligne à grande vitesse. Le malheureux élu qui n'a pas pu terminer un tronçon d'autoroute ou de route nationale n'est plus en mesure de le faire. Toutefois, je me réjouis de participer à une réunion où, pour une fois, il n'est pas question d'implanter une zone Natura 2000, ou un parc national ou régional, et où on se préoccupe de vrais modèles de développement local !

PermalienPhoto de Laurent Hénart

Je suis élu d'une région, la Lorraine, où l'on utilise beaucoup les fonds européens ; à ce sujet, monsieur le ministre, vous savez combien les élus locaux s'inquiètent des montants dont ils pourront bénéficier au cours de la période 2014-2020. Comment voyez-vous les perspectives pour nos territoires compte tenu du programme stratégique de cohésion que vient de présenter la Commission européenne ? Quelle est la position de votre ministère sur la notion de « régions en transition » ? Quelles politiques territoriales cette nouvelle nomenclature de la Commission permettra-t-elle ?

PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Pour ce qui concerne les médecins étrangers, monsieur Jean-Louis Dumont, je vous invite à interroger M. Xavier Bertrand.

Je rappelle que 100 millions d'euros sont consacrés au financement de solutions alternatives au très haut débit ; néanmoins, je suis conscient qu'il y a là un sujet de préoccupation majeure pour les territoires concernés. Pour l'installation des équipements comme pour la pérennisation des financements, plus nous irons vite, mieux ce sera. Notre territoire a été particulièrement attractif pour tous les types d'infrastructures ; il doit l'être aussi pour le très haut débit.

Monsieur Paternotte, 134 millions d'euros seront alloués, sur cinq ans, au plan de lutte contre les algues vertes ; d'autre part, le Gouvernement a financé nombre de projets émanant des milieux agricoles comme des associations de protection de l'environnement. Les délais peuvent donc être tenus.

Le récent décret relatif à l'épandage ne procède d'aucun laxisme, comme on l'a prétendu : il ne visait qu'à nous mettre en conformité avec la réglementation européenne puisque notre pays fait l'objet d'un recours sur ce point. On nous a reproché d'étendre la zone d'épandage en prenant comme référence la surface agricole utile ; mais il s'est agi surtout, pour l'essentiel, de porter la norme des rejets d'azote par vache et par an de 85 à 100 kg, ce qui est plus conforme à la réalité – et moins avantageux pour les éleveurs.

Le financement de l'installation du très haut débit doit être envisagé sur le long terme ; M. Hervé Maurey, dans son rapport, propose de hâter le mouvement grâce à une taxe sur les abonnements. Cependant, notre pays est, au sein du monde développé, celui où l'accès au très haut débit est le moins coûteux : il ne serait pas simple d'expliquer à nos concitoyens que l'on renchérit ce coût pour financer l'équipement.

S'agissant des fonds européens, je suis d'accord, monsieur Sermier, pour renforcer le soutien des secrétaires généraux aux affaires régionales et de la DATAR en matière d'ingénierie ; mais peut-être faudrait-il d'abord simplifier les procédures européennes, souvent illisibles, dans le cadre des perspectives financières pour 2014-2020 ; c'est d'ailleurs l'un des objectifs que je défendrai. Ces procédures sont en effet si complexes qu'elles obligent à mettre en oeuvre un contrôle administratif coûteux et peu efficace.

Vous avez raison, madame Dalloz : les pôles de compétitivité sont un succès et nous pouvons en attendre les emplois de demain. Si ma région, par exemple, a connu des fermetures d'usines, elle a aussi vu naître la Glass Valley et la Cosmetic Valley. Et il existe bien une coordination avec le programme des investissements d'avenir : une commission examine scientifiquement la répartition des crédits afin d'éviter les empiètements entre les secteurs. Cependant, les projets se multipliant, le comité de pilotage doit en effet veiller à éviter les redondances, afin d'assurer une cohérence sur l'ensemble du territoire.

Je veux vous faire part, monsieur Lassalle, de quelques convictions personnelles. Qu'il s'agisse de l'agriculture ou de l'industrie, la France doit rester une terre de production ; mais elle ne le restera que si elle abandonne certaines idéologies au profit de décisions économiques qui favorisent la compétitivité ou le développement des infrastructures, et qui permettent à nos concitoyens, tout simplement, de vivre mieux. Ainsi Rouen est l'une des seules métropoles françaises à ne pas bénéficier d'un contournement autoroutier car ce projet se heurte, entre autres obstacles, à la protection d'une violette. Personnellement, je préfère protéger les bronches des Rouennais plutôt que les violettes.

Quant à la ligne à grande vitesse que vous mentionnez, elle a certes le grand tort de traverser le beau Pays basque, mais nous devons aussi veiller à ne pas entraver le développement économique de notre pays, qui n'a pas vocation à devenir un gigantesque parc d'attraction.

Enfin, monsieur Hénart, les régions dites « en transition » pourront, en continuant de recevoir des financements européens, amorcer une sortie en douceur ; je suis donc favorable à la création de cette catégorie. Nous devons néanmoins nous assurer qu'elle ne se traduise pas par une réduction du taux de retour dont bénéficie notre pays, qui, à 4 %, est déjà faible.

PermalienPhoto de Michel Bouvard

Puis-je vos demander, monsieur le ministre, de présenter l'amendement n° II-5 du Gouvernement à l'article 32 ?

PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Cet amendement a pour objet de réévaluer le plafond des crédits de la mission au titre de la mise en oeuvre du plan d'économies supplémentaires d'un milliard d'euros annoncé par le Premier ministre le 24 août 2011.

Comme je l'ai déjà exposé plus brièvement, le Gouvernement propose de réduire de 3 millions d'euros les crédits du programme « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire », en minorant, d'une part, d'un million d'euros en autorisations d'engagement les crédits alloués aux contrats de projets État-régions, et, d'autre part, de deux millions d'euros en autorisations d'engagement les crédits consacrés aux pôles de compétitivité et aux grappes d'entreprises, compte tenu du volume de projets prévus pour 2012.

La réunion de la commission élargie s'achève à vingt-deux heures quarante.

Le Directeur du service des comptes rendus des commissions,

Michel Kerautret© Assemblée nationale