Voilà une mission qui aura beaucoup voyagé ces dernières années ! Autant son rattachement au ministère de l'écologie et des transports, avant qu'elle ne bénéficie brièvement d'un ministère de plein exercice, était cohérent, autant le rattachement au ministère de l'agriculture traduit une curieuse conception de l'aménagement du territoire, qui ne concernerait que la ruralité. Et si, dans le même esprit, le Grand Paris a été retiré du périmètre de cette mission pour rejoindre le ministère de la Ville, on peut aussi y voir la confirmation du fait que ce projet ne procède pas d'une réelle vision d'aménagement du territoire…
La stagnation relative des crédits de cette mission n'a pas de signification par elle-même : bien d'autres ministères contribuent à la politique d'aménagement du territoire. Ce sur quoi il faut insister en revanche, c'est sur le malaise que nous constatons tous dans nos circonscriptions. Ce sentiment d'abandon, cette souffrance des territoires découlent très largement d'une pratique aveugle de la révision générale des politiques publiques par le Gouvernement. En effet, nos territoires sont victimes des conséquences très néfastes de cette politique purement comptable, que n'a précédée aucune concertation et qui surtout n'a été suivie d'aucun bilan. Qu'il s'agisse des réformes de la carte hospitalière, de la carte judiciaire, de la carte scolaire ou de la carte militaire, de l'abandon du fret ferroviaire ou de celui de l'assistance en ingénierie technique, on voit bien qu'aucun secteur n'est épargné.
Notre groupe pense que ce sentiment d'abandon est de mauvais augure pour la cohésion républicaine. Cela s'est d'ailleurs traduit dans le vote des élus locaux aux dernières sénatoriales. Les collectivités territoriales essaient de remédier aux défaillances de cette politique. Ainsi, nous tentons de pallier la disparition de l'ATESAT, l'assistance technique de l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire, en mettant en place des agences techniques départementales. Mais cela nous est de plus en plus difficile en raison de l'étranglement financier dont sont victimes les collectivités locales. Après le gel des dotations financières, la première lecture du projet de loi de finances, vendredi dernier, a été l'occasion d'un coup de rabot supplémentaire de deux cents millions d'euros sur leurs budgets, comme si elles n'étaient pas des acteurs majeurs de l'aménagement du territoire. Ainsi la création des maisons de santé pluridisciplinaires n'est possible que parce que ces collectivités acceptent de jouer le jeu, alors que la santé publique relève normalement de l'État.
À les brider ainsi financièrement, on porte un mauvais coup à la politique de l'emploi local et à la croissance. Sans sous-estimer les effets de la crise et l'ampleur de la dette publique, notre groupe considère que les territoires ne doivent pas être la variable d'ajustement du budget de l'État. Nous pensons que d'autres voies et d'autres choix sont possibles. On pourrait par exemple s'attaquer aux niches fiscales, qui représentent un manque à gagner de 75 milliards d'euros pour l'État et dont certaines ont fait la preuve de leur inefficience. Le fait que le groupe UMP ait, comme le groupe SRC, présenté au printemps dernier une proposition de loi en faveur de l'aménagement du territoire et des territoires ruraux est bien le signe du sentiment d'abandon des territoires.
Concernant le désenclavement numérique, outre que l'échéance de 2025 est beaucoup trop lointaine, nous regrettons la liberté totale laissée aux opérateurs privés. Ceux-ci allant à l'évidence favoriser les secteurs à plus forte densité par souci de rentabilité, quid des zones les moins rentables ? Elles seront, encore une fois, laissées à la charge des collectivités locales.
S'agissant des pôles de compétitivité, nous émettons des réserves sur le dispositif d'affichage, qui repose essentiellement sur les exonérations fiscales, certes très alléchantes, mais qui seront très vite saturées pour chaque entreprise.
Concernant les pôles d'excellence rurale, nous regrettons, nous aussi, la restriction des aides à chaque nouvel appel à projets.
Pour les trains d'équilibre des territoires, nous nous inquiétons des nouveaux dispositifs de cadencement, qui vont entraîner une moins-value en termes de services dans les territoires.
Nous regrettons la stagnation des crédits de la prime d'aménagement du territoire à hauteur de 38 millions d'euros depuis 2010, alors même que c'est un outil important d'aménagement du territoire.
Pour conclure, je voudrais, me faisant le porte-parole de notre collèguePhilippe Duron, vous alerter sur le refus du ministère de l'intérieur d'agréer la demande de l'Institut des hautes études de développement et d'aménagement des territoires en Europe, l'IHEDATE, pour la formation des élus locaux,. Vous connaissez les vicissitudes qu'a connues cet institut, créé en 2000, avant d'être supprimé à la suite du vote d'un amendement de notre collègue Giscard d'Estaing, puis recréé en 2004 par le ministre Dutreil. Aujourd'hui, une de ses missions est mise en cause par le refus du ministère de l'intérieur.