COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 26 janvier 2011
La séance est ouverte à dix heures dix.
(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission)
La Commission des affaires sociales organise une table ronde, ouverte à la presse, sur la question de l'habitat et du maintien à domicile dans le cadre de la réforme de la dépendance réunissant M. Alain Anfosso, directeur du projet Gerhome du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), Mme Muriel Boulmier, directrice générale du groupe Ciliopée, M. Laurent Girometti, directeur technique et juridique de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) en charge des partenariats, et M. Patrick Kamoun, conseiller à l'Union sociale pour l'habitat (USH) en charge des partenariats.
Nous poursuivons le cycle d'auditions et de tables rondes consacrées à la réforme de la prise en charge de la dépendance, afin de préparer le débat que nous aurons à l'automne.
J'ai souhaité que la table ronde d'aujourd'hui soit consacrée au maintien à domicile sous l'angle de l'accessibilité et de l'adaptation des logements. C'est pourquoi, nous accueillons aujourd'hui quatre experts dans ce domaine.
Monsieur Alain Anfosso, vous êtes ingénieur au Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) ; vous dirigez le projet Gerhome, qui réunit le CSTB, l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) et le CHU de Nice ; l'objet de ce projet est de concevoir, d'expérimenter et de certifier des solutions techniques supportant des services d'aide au maintien à domicile des personnes âgées, en utilisant des technologies domotiques intelligentes pour assurer autonomie, confort de vie, sécurité, surveillance et assistance à domicile.
Madame Muriel Boulmier, vous êtes directrice générale du Groupe Ciliopée, fortement impliqué dans le Lot-et-Garonne, spécialisé dans la construction ou la rénovation de logements en direction des salariés les plus modestes et des familles ; vous êtes l'auteur de deux rapports remis au Gouvernement, le premier, intitulé « L'adaptation de l'habitat au défi de l'évolution démographique : un chantier d'avenir », en 2009, et le second, « Bien vieillir à domicile : enjeux d'habitat, enjeux de territoires », en 2010.
Monsieur Laurent Girometti, vous êtes directeur technique et juridique de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) depuis 2007 ; vous nous présenterez l'action de votre agence en faveur de l'adaptation des logements et de l'accès aux besoins spécifiques d'une personne en situation de handicap ou de perte d'autonomie liée au vieillissement.
Monsieur Patrick Kamoun, vous enseignez à Orléans et vous êtes un spécialiste de l'histoire du logement social ; vous êtes conseiller à l'Union sociale pour l'habitat (USH), en charge des partenariats.
Le vieillissement de la population représente pour notre société et notre modèle social un enjeu majeur. Vous nous direz quelles sont vos analyses sur cette question et sur les lignes de force que devrait retenir, selon vous, une réforme réussie de la prise en charge de la dépendance des personnes âgées dépendantes, notamment en ce qui concerne l'adaptation des logements.
L'une des missions principales de l'Agence nationale pour l'habitat est l'amélioration des logements privés par l'octroi d'aides aux travaux. On trouve, parmi les bénéficiaires, des propriétaires occupants, sous conditions de ressources, des propriétaires bailleurs, qui louent ou souhaitent louer, et des syndicats de copropriété.
Les travaux éligibles aux aides de l'ANAH concernent environ 5,5 millions de logements locatifs privés de plus de quinze ans, et un peu plus de 3 millions de logements de propriétaires occupants modestes, sous conditions de ressources. La mobilisation d'un plafond majoré, notamment pour des travaux d'adaptation, peut rendre la base éligible deux fois plus importante. Le total des logements privés éligibles est donc relativement élevé.
L'agence – dont le budget d'intervention annuel s'est élevé à 500 millions d'euros en moyenne au cours des dernières années – entend recentrer ses aides en direction des propriétaires occupants en les ciblant sur les plus modestes d'entre eux, sachant que les ménages âgés sont aux trois quarts propriétaires occupants et, le plus souvent, de maison individuelle. Tel est l'un des objectifs principaux de la réforme de notre régime d'aide, entrée en vigueur en 2011. Nous souhaitons ainsi voir augmenter le nombre de logements concernés et faire passer le taux de subventions aux propriétaires occupants modestes de 35 % à 50 % dans les années à venir.
En 2010, l'ANAH a attribué 488 millions d'euros de subventions aux travaux, dont environ 150 millions pour des propriétaires occupants. En 2009, les aides du plan de relance ont permis des volumes d'activité beaucoup plus importants. Bon an mal an, 50 000 ménages propriétaires occupants et 30 000 propriétaires bailleurs sont aidés chaque année.
Le volume global d'intervention de l'ANAH diminuera en 2011, pour passer à 430 millions d'aides aux travaux. Néanmoins, dans le cadre des investissements d'avenir, l'État a créé un programme national « Habiter mieux » dont l'objectif, pour les années 2011-2017, est de lutter contre la précarité énergétique des propriétaires occupants. La notion de précarité énergétique peut, en partie, être rattachée à la question du maintien à domicile qui nécessite souvent un programme global de travaux, plutôt que des aménagements spécifiques. C'est pourquoi l'ANAH a conclu avec la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) un partenariat visant à apporter une amélioration de la qualité globale des logements, y compris sur l'aspect énergétique, sachant que nous allons nous adresser à des ménages propriétaires occupants modestes majoritairement âgés.
Non, d'une aide directe. Le crédit d'impôt pour l'adaptation est relativement confidentiel : il s'élève à une trentaine de millions d'euros par an, contre 2,5 milliards pour le crédit d'impôt énergie.
Notre régime d'aide ne distingue pas le handicap de la perte d'autonomie, mais nous intervenons majoritairement pour cette dernière, les aides pouvant être majorées selon le niveau d'autonomie.
Les aides de l'ANAH pour une adaptation ou un maintien à domicile concernent des travaux de l'ordre de 6 000 à 7 000 euros en moyenne, soit des chantiers relativement modestes. Certains d'entre eux, peu élevés en montant, ne font pas l'objet de travaux spécifiques, mais visent davantage à l'amélioration du confort. Un grand nombre de chantiers, que je qualifie « d'autonomie partielle », d'environ 10 000 euros par logement, visent à faciliter la vie à domicile – en intervenant sur les sanitaires, les salles de bain ou les cuisines – et non à prendre en charge un handicap ou une perte d'autonomie lourde. Enfin, de rares chantiers d'un montant beaucoup plus important consistent à réaménager totalement l'intérieur des logements : souvent réalisés lorsque la personne dépendante cohabite avec une personne valide, ils apportent également une aide à cette dernière.
En 2010, ces aides spécifiques de l'ANAH au handicap et à l'autonomie concernaient à peu près 17 000 ménages. Cependant, le nouveau régime d'aide resserrera l'accès aux aides majorées dans les années à venir, notamment par la justification du niveau d'autonomie des personnes.
Le Centre scientifique et technique du bâtiment, établissement public à caractère industriel et commercial sous tutelle du ministère du logement, a été créé en 1947 pour aider à la reconstruction. Son objectif est l'amélioration de l'habitat et du confort de l'usager. Son activité est donc centrée sur l'évaluation de produits pour la construction, sur la recherche et l'innovation, sur le transfert vers les petites et moyennes entreprises (PME) afin d'améliorer leur productivité et leur compétitivité, mais elle concerne aussi l'accompagnement des politiques publiques dans le secteur du logement.
À la suite de la canicule de 2003, le projet Gerhome, ou gerontology at home, dont une étape clé a été franchie en novembre 2005, nous a permis de nous interroger sur la meilleure technologie susceptible d'être apportée aux domiciles des personnes âgées – aujourd'hui essentiellement des téléalarmes. Grâce à des équipes multidisciplinaires réunissant médecins, chercheurs et représentants de personnes âgées, nous cherchons à améliorer les techniques par le biais d'études menées dans le cadre de ce que nous appelons le « bâtiment intelligent » : il s'agit donc d'un projet associant plusieurs partenaires.
Certes, de nouveaux domaines, que nous avons ouverts, n'ont pas encore trouvé de solution et nécessitent un travail de recherche et développement. Néanmoins, les évolutions des technologies permettent d'ores et déjà de développer des services dans les logements, pour peu qu'ils soient adaptés. Pour nous, il existe un fort lien entre l'accessibilité au logement – déjà régie par une réglementation et des lois – et son adaptabilité. Autrement dit, la réglementation relative à l'accessibilité devrait prévoir une adaptabilité du logement, c'est-à-dire sa capacité à être adaptée aux besoins de la personne – recevoir des gens, etc.
Aujourd'hui, le « diagnostic habitat », sur lequel nous travaillons, permettrait de faire ce lien entre la capacité d'accès au logement et son adaptabilité pour maintenir à domicile des personnes âgées vivant seules ou en couple.
Nos travaux progressent : les industriels s'emparent de nos idées, et des produits arrivent sur le marché. Reste à organiser la prise en charge du maintien à domicile : la prescription de ces techniques et l'évaluation de la possibilité d'adaptation des logements devraient permettre à un grand nombre de personnes vieillissantes qui le souhaitent de rester chez elles.
J'ai eu l'honneur de conduire deux études pour le ministère du logement, remises l'une en octobre 2009 sur l'habitat face au défi de l'évolution démographique, l'autre en octobre 2010 sur le maintien à domicile dans les parcs de logements publics ou privés – sachant, ainsi que vous avez eu la gentillesse de le souligner, monsieur le président, que je suis très attachée aux territoires ruraux.
Le logement est un aspect fondamental de la dépendance. À cet égard, nous pouvons regretter de ne pas avoir suffisamment pris en compte la nouvelle génération intermédiaire – certainement parce que notre pays a mis 114 ans pour doubler sa génération de plus de 60 ans –, qui repousse la vieillesse à des âges plus avancés.
En outre, l'éventail des revenus des personnes âgées, qui va de un à sept, et le marketing ciblé sur les personnes à plus fort pouvoir d'achat nous ont fait perdre de vue l'intérêt de nous préoccuper des personnes les plus modestes. Si 75 % des personnes de plus de 65 ans sont propriétaires de leur logement – contre 58 % pour l'ensemble de la population –, plus d'un tiers d'entre elles vit en zone rurale avec des ressources très modestes, dans un logement peu confortable et non aménagé pour permettre le maintien à domicile, ce dernier étant pourtant souhaité tant par les personnes âgées que par les familles. Je rappelle que 90 % des plus de 90 ans et un centenaire sur deux – notre pays compte 6 000 centenaires – vivent encore à domicile. Cet inconfort des logements provoque un fléau : les chutes, à l'origine de 134 000 incapacités par an. À défaut d'un logement adapté, se pose donc la question de savoir où déménager et à quel prix.
Le journal Sud-Ouest a récemment relaté ce cri du coeur d'une dame de 101 ans vivant dans le Lot-et-Garonne qui, après avoir demandé une place en maison de retraite, s'était vue opposer un délai d'attente de deux ans : « Il sera trop tard ! ». C'est dans cet esprit que j'ai été amenée à faire des propositions sur les adaptations les plus courantes apportant un confort au logement, sans pour autant le valoriser. Ces adaptations concernent les pièces humides – cuisine, salle de bains, toilettes – et les fenêtres, pour un coût d'environ 3 200 euros.
Les 150 auditions que j'ai menées pendant mes deux missions ont révélé qu'un hébergement, hors soins, dans une maison spécialisée représente un coût supplémentaire de 1 800 euros par an pour les finances publiques. Sachant que le maintien à domicile est supérieur à dix-huit mois, une dépense de 3 200 euros pour une adaptation est donc une opération gagnant-gagnant non seulement pour la personne âgée qui reste dans son environnement – c'est la meilleure façon de vieillir –, mais aussi pour les finances publiques et l'équilibre des territoires.
Je pense nécessaire de porter une attention particulière aux femmes, qui vivent plus longtemps même si elles n'y sont pas vraiment pour quelque chose, sachant que celles qui sont d'un âge avancé ont eu une carrière plus courte avec un salaire plus bas que les hommes et perçoivent donc une pension plus faible. Si elles sont majoritairement propriétaires occupantes, la propriété n'est pas un facteur de richesse et toutes les aides, même si elles sont nombreuses, ne permettent pas de solvabiliser l'intégralité du concours.
Avec le Crédit Mutuel, La Banque postale, qui a une expérience en la matière, et le réseau des crédits immobiliers, dont on connaît les missions sociales, j'ai cherché la façon d'organiser un micro-crédit, sans hypothèque et sans visite médicale, ces dernières n'ayant aucun sens puisque le crédit est inaccessible à cet âge.
Avec la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), j'ai étudié la possibilité de créer un label artisan grâce à des actions de formation et de croisement des savoir-faire, le maillage territorial des artisans du bâtiment étant supérieur à celui des boulangers. Ce label artisan permettrait de réduire les délais d'intervention et les coûts, mais aussi encouragerait les copropriétés comptant de nombreuses personnes âgées et situées dans des zones plus urbaines à prévoir des travaux.
Je préconise également de recourir au viager HLM – une étude a été menée avec l'Union sociale pour l'habitat (USH) – afin de permettre aux personnes âgées de rester chez elles après une remise en état de leur logement. Cela constituerait un signe envoyé aux territoires ruraux, sachant que les crédits logements sont désormais fléchés vers les zones dites « tendues ».
Je plaide, en outre, comme je l'ai fait devant l'intergroupe parlementaire européen Urban-Logement, pour la prise en compte de la précarité énergétique, qui touche particulièrement les personnes âgées dans des logements inadaptés, et l'orientation des fonds structurels européens 2014-2020 vers l'adaptation et le maintien à domicile, notamment dans les territoires ruraux.
Enfin, je propose l'ouverture du crédit d'impôt – assez marginal pour l'adaptation et l'accessibilité – aux descendants ou collatéraux qui financent eux-mêmes les travaux d'adaptation des logements des personnes âgées les plus modestes, dont les plafonds de ressources sont équivalents aux plafonds de ressources « prioritaires » de l'ANAH. Cette mesure permettrait de soutenir la solidarité intergénérationnelle.
Pour ce qui est du parc HLM, les 65 ans et plus représentent aujourd'hui 20,5 % de nos locataires, soit 860 000 ménages et un peu plus de 1 140 000 personnes, tandis que les plus de 75 ans constituent 10,4 % de nos locataires, soit 437 000 ménages et un peu plus de 500 000 personnes.
La grande majorité de ces locataires ont des revenus très faibles : 80 % des plus de 65 ans ont des revenus inférieurs à 1 380 euros par unité de consommation et vivent généralement seuls. Parmi ces ménages, 47 % ont des revenus inférieurs à 930 euros mensuels par unité de consommation.
Depuis une quinzaine d'années, est apparue une demande de logement social de personnes âgées ou très âgées, à laquelle nous répondons comme nous le pouvons dans la mesure où elles ne sont jamais prioritaires pour l'accès au logement social. À cet égard, les plus de 60 ans représentent environ 10 % des emménagés récents, et les 75 ans et plus, 4 % – et 7 % des demandes. Cette situation est liée au souhait des intéressés de se rapprocher des hôpitaux, des services et des centres villes.
Pour l'avenir, nous devrons faire face à un accroissement rapide des demandes – en raison de l'arrivée à la retraite des babys-boomers – et renforcer notre rôle d'accueil des ménages à bas revenus, nombre de retraites étant très faibles aujourd'hui.
Nos interventions se déclinent de trois façons.
– d'abord, l'adaptation de l'habitat, avec le remplacement des baignoires par des douches, l'installation de barres d'appui, de volets roulants aux fenêtres ;
– ensuite, la mise en place de services à la personne, qui nécessite un partenariat très fort ;
– enfin, la lutte contre l'isolement, la solitude : c'est toute la question du lien social.
Nous essayons d'agir avec des partenaires, n'étant pas nous-mêmes des fournisseurs de services, mais des facilitateurs.
Pour ce qui est des services à la personne, 50 organismes HLM ont mis en place un « label senior » soumis à 72 critères de labellisation afin de développer une offre – travaux de remise à niveau, aide aux démarches administratives, mise en relation avec le voisinage, suivi des entreprises intervenant chez les personnes âgées,... Ces dernières, en effet, ont surtout le souci de la mise en place, d'une part, de services de dépannage et de petits travaux de bricolage – c'est là une demande permanente – et, d'autre part, de lieux d'animation.
Aujourd'hui, 185 000 ménages vivant dans des établissements sont logés dans des HLM. Il manque aujourd'hui un cadre juridique pour une offre intermédiaire entre logement et établissement, qui apporte la fonctionnalité d'un vrai logement alliant indépendance, intimité, sécurité et services optionnels en fonction des besoins. Des expérimentations sont nécessaires dans ce domaine.
En outre, il conviendrait de lier les règles techniques issues de la loi de 2005 – qui, même si elle est une bonne loi, est particulièrement contraignante et compliquée à mettre en oeuvre –, à des objectifs de qualité d'usage et d'économies de moyens. Il faudrait également favoriser le développement de formules d'habitat services.
Par ailleurs, le renforcement de la cohésion sociale et territoriale permis par le maintien à domicile des personnes âgées nécessite de mettre en synergie les acteurs compétents dans le domaine urbain – dans les domaines notamment du transport et des services – dans le cadre des plans locaux de l'habitat (PLH).
Une expérimentation très utile serait de facturer, en dehors des loyers et des charges, des services aux locataires qui le souhaitent – ce qui, à l'heure actuelle, est interdit par la loi.
Concernant, enfin, la maîtrise des coûts et la solvabilisation des locataires, une amélioration de leur situation serait possible dans le cadre de la prise en charge des personnes âgées ou handicapées, par exemple par l'installation d'ascenseurs et de volets roulants. Par ailleurs, le crédit d'impôt pour les ménages non imposables permettrait de mobiliser des services non couverts par l'allocation personnalisée d'autonomie (APA).
La complexité des procédures est un réel problème : celles de l'ANAH changent constamment, et les gens sont perdus pour une simple demande de 3 000 euros. Restent les volontés locales, la diffusion des bonnes pratiques étant à cet égard primordiale.
Les personnes âgées que nous rencontrons – qui sont souvent des femmes locataires, avec des revenus proches des minima sociaux – se plaignent de ce que les propriétaires de leur logement sont réticents à faire réaliser non pas les petits travaux d'adaptation, mais les interventions importantes, notamment à la suite d'infiltrations par la toiture ou les murs. Comment résoudre cette situation qui perdure depuis trente ans ?
Vos présentations de qualité nous ont éclairés sur le maintien à domicile, en particulier sur l'adaptation du logement, sujet au coeur des préoccupations de nos concitoyens. Malheureusement, nous sommes souvent démunis devant le souhait des personnes âgées de rester à domicile le plus longtemps possible, quels que soient leurs ressources et leur état de santé.
Dans les HLM situées en milieu périurbain, elles se heurtent en effet à des difficultés : leurs ressources sont modestes et la famille ne sait pas comment procéder pour aider aux aménagements. Pourrions-nous à cet égard avoir des précisions sur votre proposition d'une aide en faveur des descendants souhaitant participer aux travaux ?
Je ne suis pas certaine de la réalité d'une prise de conscience générale de l'enjeu. C'est une erreur de penser que la construction de logements accessibles, aménagés, coûte plus cher qu'un logement normal, et vous l'avez démontré, madame Boulmier. Les fédérations du bâtiment commencent seulement à le mesurer, et notre rôle est de les y aider.
Le viager HLM est une proposition intéressante et novatrice. Les logements reviendraient-ils à terme aux sociétés HLM, ce qui signifierait qu'elles acceptent de gérer en diffus ?
Les petits travaux posent de gros problèmes aux personnes âgées, aucun artisan n'acceptant de se déplacer pour changer une ampoule ou un robinet. Des conventions avec les régies de quartier, même si je sais bien qu'il n'y en a pas partout, ne constitueraient-elles pas une piste, tout en créant du lien social ?
Je frémis lorsque j'entends dire que le maintien à domicile est intéressant car il coûte moins cher. Il est loin d'être la panacée, car il est parfois synonyme de solitude totale. Il doit rester un vrai choix et ne peut être envisagé uniquement sous l'angle de son coût au risque de ne construire aucun établissement adapté.
À Paris, nombre de personnes âgées installées dans le parc social depuis très longtemps et touchant de petites retraites doivent changer de logement à la suite d'un congé pour ventes. N'étant pas prioritaires dans le logement social, la recherche d'un logement même en grande banlieue est alors un problème pour elles. Ne faudrait-il pas réexaminer les critères, sachant que la même question se pose pour les petits copropriétaires défaillants du parc privé – n'étant plus capables de s'occuper des papiers, ils ne paient pas les charges : eux non plus ils n'ont pas le droit, étant propriétaires, de déposer une demande de logement social.
Comme le président Méhaignerie, je voudrais souligner la complexité des procédures. Le changement répété des règles entraîne un manque de lisibilité et une vraie difficulté pour les élus désireux d'accompagner les personnes pour des travaux d'amélioration.
Monsieur Anfosso, combien de personnes travaillent au CSTB ?
Elles sont 800 au total, dont cinq travaillent dans mon équipe au projet Gerhome.
S'agissant de l'adaptation et du maintien à domicile, les régies de quartier, préconisées par notre collègue députée de Paris, n'existent pas dans les territoires ruraux : il faudra donc être innovants pour trouver des solutions.
Madame Boulmier, le micro-crédit et le viager HLM – qui existe déjà et dont il faudra simplifier les démarches pour le développer – sont des pistes intéressantes.
Monsieur Kamoun, vous avez souligné l'importance du lien social, notamment la lutte contre la solitude. Je rappelle que le Premier ministre a déclaré celle-ci Grande cause nationale en 2011. Quand la solitude ne peut plus être combattue uniquement par des moyens financiers, la faire reculer, en particulier en milieu rural, relève en effet de la responsabilité individuelle et collective.
Le seizième rapport annuel de la Fondation Abbé-Pierre décrit une situation très préoccupante : le mal-logement toucherait 3,6 millions de Français. Selon vous, ce chiffre reflète-t-il la réalité ?
Je tiens à insister sur l'action des élus locaux, en particulier des maires, pour accueillir les personnes âgées et leur permettre de vivre décemment, notamment grâce aux plans locaux de l'habitat qui peuvent fixer comme priorité la construction de logements de petite taille dans les quartiers et les centres villes. Les élus peuvent également agir en menant une politique de continuation du parcours de vie – par l'installation de foyers logements près des maisons médicalisées, par exemple –, mais aussi en soutenant les associations de services de soins à domicile et en organisant le portage des repas. C'est dire combien l'action locale est essentielle en matière de dépendance.
Un accompagnement pourrait permettre aux personnes âgées d'intégrer des logements mieux adaptés. Comment faciliter cette démarche avant qu'il ne soit trop tard ?
Enfin, nous devrons développer dans les années à venir une politique intergénérationnelle et de solidarité bien plus importante, car des moyens financiers supplémentaires ne régleront pas, à eux seuls, le problème de la dépendance et de l'accueil des personnes âgées. Dans la mesure où quatre, voire cinq générations peuvent vivre aujourd'hui sur un même territoire, ne faudrait-il pas mieux aider les personnes qui acceptent d'accueillir chez elles une personne âgée membre de leur famille ou un proche, grâce notamment à des avantages financiers ou fiscaux ?
Merci, madame, messieurs, de nous avoir fourni des pistes sur le maintien à domicile. On peut faire le choix de rester chez soi, mais aussi espérer aller ailleurs, à condition d'obtenir une place en maison de retraite et d'en avoir les moyens. La solution du « chez soi » est donc plutôt une contrainte qu'un véritable choix.
Si le CSTB peut apporter beaucoup, les techniques permettant de rester seul à domicile ne doivent pas finir par isoler les personnes âgées. Certaines technologies de pointe, comme le « gilet intelligent », mis au point à Grenoble, qui permet en particulier une surveillance cardiaque à distance, en disent long sur la manière dont pourraient vivre les personnes âgées à l'avenir…
Enfin, lorsque des personnes âgées désirent remplacer leur baignoire par une douche, il arrive que leur bailleur refuse de lancer les travaux avant d'avoir obtenu l'accord et la subvention du conseil général. Or, une personne de 90 ans ne peut pas attendre.
Les procédures de l'ANAH, cela a été dit, sont relativement complexes. Une prise de conscience collective sur le vieillissement est nécessaire : chacun doit y mettre du sien !
En qualité de maire, de médecin généraliste et de président d'associations dont l'objet est de maintenir et de soigner les personnes âgées à domicile, je considère que le problème complexe de la dépendance doit être abordé sur le plan territorial et à titre préventif.
Les communes connaissent le nombre de personnes âgées, les maisons de retraite, les habitations centralisées où l'on dispense des soins, les services d'aide à domicile ou de maintien à domicile pour de grands malades, mais la période pendant laquelle la personne tombe dans la dépendance est délicate. L'intéressé refuse souvent de quitter son logement. En outre, il est difficile d'obtenir une subvention de l'ANAH et, même quand on y parvient, il est fréquent que la personne parte en maison de retraite ou décède avant la fin des travaux.
La prévention suppose une organisation minutieuse du territoire et une évaluation de la population concernée par les médecins, les associations, les aides ménagères ou les infirmières. Si la prise en charge existe, il faut davantage anticiper les besoins et prendre en compte tant la psychologie particulière des personnes âgées que les attentes de leurs enfants, qui ne sont pas toujours identiques, le placement en établissement étant parfois une solution plus confortable pour ces derniers. On doit le faire avec délicatesse en étant conscient que, lorsqu'une personne atteint 85-90 ans, il est souvent trop tard pour agir.
La dépendance est un problème récent auquel la société ne peut répondre que par une série de mesures nouvelles, et je remercie les intervenants de leurs propositions. Cela dit, je regrette que l'on parle toujours de « vieillissement » plutôt que d' « avancée en âge », terme qui serait pourtant plus « sexy » !
Contrairement à ce qui a été dit, si les femmes vivent plus longtemps que les hommes, elles ne le doivent qu'à elles-mêmes : elles boivent moins, conduisent moins de motos et surtout, quand elles sont seules, s'accrochent davantage au quotidien et lâchent moins prise que les hommes.
Le logement est essentiel. Il doit être non pas adaptable mais adapté aux personnes âgées. Puisque celles-ci, pour des raisons financières et psychologiques, répugnent à faire des travaux, on doit les inciter à y penser assez tôt. Ces adaptations serviront aussi à des personnes malades, faibles, obèses ou fatiguées. Pour encourager les personnes âgées à adapter leur logement et les urbanistes, constructeurs et fabricants à les y aider, il faudrait des labels, si possible plus attractifs que celui de « Senior ». J'ai plaidé dans un rapport pour la création d'un label « Haute qualité de vie » pour les logements où l'on pourra vivre bien et longtemps dans toute situation et d'un label « Haute qualité d'usage » pour les objets utilisables par les personnes âgées.
Deux mesures m'ont paru particulièrement intéressantes : l'ouverture du crédit d'impôt aux collatéraux ou descendants, qui sont souvent amenés à décider et à financer les travaux ; la possibilité pour les bailleurs de HLM d'intégrer des charges de services, notamment pour les petits services comme le remplacement d'une ampoule.
Quant au lancement par M. Juppé et Mme Bachelot, à Bordeaux, de l'opération « Pas de solitude dans une France fraternelle », celle-ci a donné lieu à une OPA politique qui a choqué même des associations aussi pondérées que la Société de Saint-Vincent-de-Paul ou Les Petits Frères des pauvres. La solitude est un drame que l'on ne doit pas l'aborder par ce biais.
Mieux vaut parler de « soutien » que de « maintien » à domicile, car rester chez soi n'est pas une obligation. Je ne suis pas certaine que, comme l'a dit Mme Boulmier, la bonne façon de vieillir soit toujours de rester chez soi. Pour m'être occupée pendant vingt ans dans un secteur rural des soins à domicile pour personnes âgées dépendantes, je peux témoigner que les décisions sont de moins en moins le fruit d'un choix personnel et de plus en plus dictées par la nécessité, les obligations financières ou l'absence de toute autre possibilité.
En revanche, parce qu'il est constant que les personnes souhaitent rester dans leur quartier, à proximité de leurs amis et connaissances, je regrette la disparition des foyers logements, contraints de se transformer en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Il faudrait au moins sauver ceux qui existent, quitte à les moderniser. En effet, nous sommes en train de réinventer la poudre. Nous supprimons les assistantes sociales, tout en affirmant qu'il faut du personnel pour aider les personnes âgées à remplir leurs papiers. Nous fermons les bureaux de poste, dont les salles d'attente étaient pourtant des lieux de convivialité dans les villages. Nous laissons disparaître les commerces de proximité, tout en demandant des bus pour que les personnes âgées puissent faire leurs courses. Au nom de la rentabilité du service public, nous anéantissons la vie de quartier, tout en cherchant le moyen de réduire la solitude. Voilà qui manque singulièrement de cohérence !
Même s'il existe de nombreuses aides permettant d'améliorer ou de requalifier les logements, peu les connaissent. De plus, les gens hésitent à s'engager dans des procédures longues, qui mettent en jeu le conseil général, le centre communal d'action sociale ou l'ANAH. Nous devons être plus performants en matière d'information.
Le viager HLM me semble une solution intéressante pour améliorer l'habitat, maintenir les personnes à domicile et préserver une permanence intergénérationnelle territoriale qui me semble essentielle si l'on veut éviter le déracinement des personnes âgées.
Je regrette que celles-ci ne soient pas prioritaires pour obtenir un logement locatif aidé et que celles qui possèdent un logement trop grand ou inconfortable ne puissent prétendre à un logement social. C'est un point qu'il faut corriger.
Enfin, même s'il faut tout faire pour maintenir les personnes à domicile, on doit également privilégier le lien social. Famille, collectivité et commune sont toutes concernées. Le fait que notre société évolue sur ces questions me rend optimiste.
Les centres communaux d'action sociale, les associations d'aide à la personne, les centres locaux d'information et de coordination (CLIC) et les départements s'occupent tous des personnes âgées, mais de manière dispersée, ce qui fait perdre du temps et de l'énergie. Une démarche collective a-t-elle été engagée pour que ces initiatives soient centralisées par tel ou tel acteur, par exemple les CLIC ?
Dans une période de pessimisme, il faut valoriser les modèles positifs, car on trouve dans tous les secteurs de belles expériences et des innovations. Si l'ampleur de la tâche impose d'agir avec humilité et dignité, je suis frappé comme Guy Malherbe par la multiplicité des intervenants – conseil général, ville, associations, professionnels, bénévoles, aidants et aides aux aidants – qui jouent tous un rôle important dans des situations complexes.
Il ne faut pas fuir la question du financement, mais le problème n'est pas uniquement de trouver des dispositifs moins onéreux. Si l'argent manque, nous innoverons. Sur le fond, nous devons prendre en compte différents critères : le social, la santé, le revenu, l'accessibilité et l'offre technique. Quant à la décision, je ne pense pas qu'elle incombe aux CLIC. Le politique doit définir une nouvelle organisation et un nouveau type de gouvernance.
Je vous remercie d'avoir replacé les aînés au coeur du sociétal et du social. Avez-vous connaissance de regroupements d'immeubles ou de logements pour personnes âgées, par exemple sur le modèle ce qui s'est fait à Saint-Apollinaire, près de Dijon ? Par ailleurs, comment expliquer que, même quand elles existent, les bonnes solutions ne soient pas toujours mises en oeuvre ? Comment faire connaître davantage les aides de l'ANAH ?
Au cours d'un voyage dans les pays du Nord, Bérangère Poletti et moi-même avons visité des appartements sociaux dans lesquels on avait parfaitement anticipé le moment où se poserait le problème de la dépendance. Peut-on s'inspirer de cette expérience ?
Enfin, comment travaillez-vous avec les CLIC – sans oublier les futures Maisons pour l'autonomie – pour mettre en place une meilleure coordination ?
Élue d'une circonscription rurale, j'ai constaté que les personnes âgées qui choisissent de rester à domicile sont entourées, preuve que le maillage des CLIC, des comités d'entraide et autres dispositifs propres aux territoires fonctionne. D'ailleurs, lors de la canicule, la mortalité des personnes âgées s'est révélée moins élevée dans les territoires ruraux, où elles étaient mieux accompagnées et mieux suivies qu'ailleurs.
Le rapport de Mme Boulmier, « Bien vieillir à domicile : enjeux d'habitat, enjeux de territoire », évalue-t-il les bonnes pratiques ? Quelles sont celles qui fonctionnent le mieux dans les territoires ruraux ? Le maillage du territoire par les structures est source d'emploi, notamment féminin. Pouvez-vous citer des expérimentations positives à cet égard ? Enfin, la mise en place des maisons médicales sur les territoires ruraux s'accompagne-t-il d'un lien avec les structures de soins à domicile ?
Loin d'être gravées dans le marbre, les politiques pour les personnes âgées sont perpétuellement remises en question. Il y a trente ans, on ne vieillissait pas comme aujourd'hui : les personnes âgées étaient moins nombreuses, la dépendance n'occasionnait pas de réorientation et les maisons de retraite, qui n'étaient pas encore médicalisées, abritaient 70 % de personnes valides. Aujourd'hui, on y rencontre 70 % à 80 % de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer.
Ces évolutions nous imposent de trouver constamment de nouvelles solutions. Après avoir pensé, il y a vingt ans, à médicaliser le foyer logement pour personnes âgées de Charleville-Mézières, on fait à présent marche arrière, faute de pouvoir proposer des solutions intermédiaires aux personnes âgées non dépendantes. Non loin de là, l'annonce de la création d'une maison d'accueil rurale pour les personnes âgées (MARPA) avait suscité de l'enthousiasme, alors qu'à l'usage, les personnes âgées ne souhaitent pas s'y installer et préfèrent rester chez elles. Parce qu'il arrive que les discours suscitent un assentiment sans lendemain, les choix des élus comme les initiatives privées doivent être mieux pilotés sur le terrain. La volonté des maires de construire des logements en prévoyant la présence d'intervenants de proximité, sera vouée à l'échec si on ne les aide pas à rédiger un cahier des charges précis.
La Vendée détient le record de France des MARPA, petites structures situées dans les communes de moins de 2 000 habitants et accueillant au plus 24 personnes. Ces substituts de domicile, qui permettent aux anciens de rester libres et d'habiter dans leurs meubles, au sein de leur commune et près de figures connues, fonctionnent mieux que les EHPAD trop importants, dont on connaît les difficultés.
Souvent, quand une personne âgée qui vit chez elle a été hospitalisée en urgence – à la suite, par exemple, d'une fracture du col du fémur –, on l'envoie dans une maison de retraite où, loin de ses repères, elle tombe rapidement dans la dépendance. Pour cette période transitoire, nous avons créé de petites maisons destinées à un accueil de trois mois renouvelables une fois. Ces établissements, qui fonctionnent comme les MARPA avec un prix de journée, laissent du temps pour prévoir un retour à domicile ou une installation en maison de retraite, où il n'est pas bon d'entrer sans s'y être préparé.
Seul l'usage permet d'évaluer les bonnes solutions, qu'il me semble essentiel de mutualiser. Dans mon département, nous pensions avoir trouvé une excellente formule en mettant en place des petites unités de vie avec des familles d'accueil, mais il s'avère que, les entrées devenant de plus en plus tardives, la durée des séjours se raccourcit, ce qui rend la gestion difficile. Existe-t-il un cadre dans lequel on puisse faire part aux autres de son expérience et bénéficier de la leur ?
La difficulté du sujet tient à la complexité et à la dispersion des forces : en France, il y a toujours plusieurs pilotes dans l'avion. Cela dit, les centres communaux d'action sociale ou les associations d'aide à domicile en milieu rural (ADMR) semblent les structures les mieux préparées pour effectuer une coordination. L'ANAH pourrait valoriser les bonnes pratiques, qui ne demandent qu'à s'étendre. Dans ma circonscription, la personne recrutée pour effectuer des petits travaux chez les personnes âgées est extrêmement populaire auprès d'elles, car elle contribue à les sécuriser.
Le débat sur la proposition de loi relative aux maisons départementales pour personnes handicapées (MDPH) promet d'être délicat. Pour les uns, il ne faut pas toucher aux droit actuel en matière d'accessibilité, tandis que les autres, notamment les promoteurs ou les jeunes qui cherchent à s'installer, jugent que la trop grande largeur des couloirs, prévus pour le passage des fauteuils roulants, constitue une perte de surface injustifiée. Y a-t-il moyen de satisfaire la demande des personnes handicapées, qui représentent potentiellement 10 % de la population, sans accroître les coûts ni priver les autres d'une place dont ils ont besoin ?
Pour ce qui est des questions relevant de ma responsabilité, il existe une publication qui permet de mutualiser les expériences : Les Cahiers, disponibles sur le site de l'Union sociale pour l'habitat.
Concernant le regroupement du logement des personnes âgées, je ne me prononcerai pas, car les expériences ne sont pas toujours concluantes. Généralement, les personnes préfèrent rester là où sont leurs proches.
Je confirme que, compte tenu du grand nombre de personnes prioritaires, les personnes âgées arrivent en dernière place pour l'attribution d'un logement social, alors même qu'elles déposent de plus en plus de demandes. Si l'on peut facilement les intégrer dans les zones où la tension du marché est faible, c'est quasiment impossible dans les zones frontalières, dans la région parisienne et dans les autres secteurs où le taux de rotation des logements sociaux est de plus en plus lent. Par ailleurs, il est exact qu'un organisme n'a pas le droit de facturer un service en dehors du loyer et des charges, ceux qui le font quand même sont dans l'illégalité.
Enfin, comme vous l'avez indiqué, les normes prévoyant que les nouveaux logements soient accessibles à tous sont complexes et leur surcoût, important. Peut-être faut-il raison garder : on peut imaginer que les travaux d'accessibilité ne concernent que deux ou trois étages, quitte à effectuer plus facilement des mutations.
Je remercie de son intervention Mme Poletti – qui m'a par ailleurs conviée aux travaux du groupe de travail qu'elle a présidé sur ces questions.
Les territoires et les collectivités sont très actifs. Si 65 % des aides qu'ils proposent ne sont pas connues, l'indice de satisfaction, quand elles le sont, atteint 85 %. Certaines régions, comme l'Auvergne et le Limousin, qui sont les plus âgées de France, ont organisé des repérages qui vont au-delà des réseaux traditionnels. De fait, en raison de leur impatience, du déni de vieillesse ou du sentiment qu'elles peuvent parfaitement continuer à vivre dans un lieu où elles ont toujours vécu, les personnes âgées en milieu rural ne font jamais appel à un travailleur social. On déplore parfois qu'il y ait plus de 36 000 communes en France. Mais 19 000 d'entre elles comptent moins de 416 habitants, ce qui crée une forte proximité entre la population et l'élu local, lequel peut intervenir auprès du centre communal d'action sociale ou d'un autre organisme.
Je plaide aussi pour la requalification du foncier existant, car quelle que soit sa qualité, l'offre nouvelle ne dépasse pas 400 000 logements par an, pour un parc total de 29 millions. Il convient aussi d'émettre pour tout logement un diagnostic de prévention. Celui qu'ont élaboré la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et la Commission de la sécurité des consommateurs (CSC) est gratuit et accessible sur internet. Pour le remplir, il suffit que n'importe quel membre de la famille fasse le tour du logement en déterminant ses points faibles. On met ainsi en place une prévention active et acceptée, ce qui est essentiel : un déménagement se passe bien quand il est choisi, alors que, subi, il procède d'un manque de perspectives dont on voit bien où il mène.
Pour les copropriétés, je suis favorable à des plans à trois ans, qui permettront à l'ANAH de mettre en place une politique et de la recentrer, si nécessaire.
Les mesures que je préconise n'entraînent pas un effort financier considérable. C'est le cas de l'extension du crédit d'impôt pour accessibilité ou adaptation du logement – ouvert à toute personne âgée de plus de 65 ans ou en situation de handicap qui ne dispose pas d'un certain niveau de ressources – aux descendants ou collatéraux prenant en charge les travaux d'adaptation du logement d'une personne âgée. La mesure s'inscrirait dans le cadre de la solidarité intergénérationnelle active.
Je suis également favorable au viager HLM. Si la gestion de biens diffus n'est pas très confortable, la disparition des crédits d'État sur les zones rurales ne l'est pas davantage. La formule rendrait service aux personnes âgées autant qu'aux territoires, sans grever les finances publiques. Il suffit de prévoir quelques ajustements réglementaires pour chercher une réassurance ou s'adosser à une assurance-vie. J'ai travaillé la question avec des experts financiers. Grâce à cette solution, la personne disposera d'un logement adapté, qu'elle pourra louer si elle le quitte et qui reviendra in fine à l'organisme HLM. Le dispositif concernerait aussi les logements vides que leurs propriétaires âgés n'ont pas les moyens d'adapter. Le prêt viager hypothécaire, qui représente un marché de niche pour les plus hauts revenus, peut être sollicité pour régler le problème des dernières années de vie, pendant lesquelles la dépendance est particulièrement onéreuse.
Ces sujets passionnants doivent être abordés de manière positive, car ils sont source de richesses et d'emploi. Trouver des intérêts communs aux personnes âgées et à la jeune génération afin d'organiser la solidarité suppose de casser certains tabous et de renoncer à des préjugés. Nous gagnerons tous à adopter une approche plus fluide.
L'intergénérationnel est certes une bonne solution, mais qui n'est pas transposable à tous. Nombre de personnes âgées souhaitent rester chez elles sans accompagnement, ce qui signifie qu'il faut prendre en compte le problème du domicile.
Les EHPAD, qui intègrent nos techniques, jouent un rôle dans la chaîne du vieillissement, puisqu'ils hébergent un grand nombre de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer.
Pour répondre aux besoins de la personne, il faut considérer son choix en fonction de trois critères : l'adaptabilité de son logement, son état de santé – sa « fragilité » diront les médecins – et ses moyens financiers. C'est au vu de ces éléments qu'agissent les services sociaux, qui ne disposent cependant pas toujours d'une méthode pour organiser et structurer les données.
Diagnostiquer l'habitat est un moyen de prévention. À défaut, on manquera de temps pour effectuer les travaux quand l'accident surviendra – toujours de manière imprévue. La prévention laisse le temps de prendre des décisions et de trouver des artisans pour réaliser les travaux.
C'est parce que chacun peut se retrouver d'un instant à l'autre en situation de handicap que, de manière assez contraignante, la réglementation porte sur tous les logements. De même, on prévoit qu'ils soient tous accessibles aux pompiers, même si l'on espère que ceux-ci n'auront jamais à intervenir. Il paraît difficile de moduler une telle donnée.
S'il faut modifier ou compléter la réglementation, c'est précisément en ce qui concerne l'adaptation des logements.
Sur ce point, le législateur doit être éclairé : faut-il généraliser les travaux d'accessibilité ou les soutenir uniquement pour les personnes qui en ont besoin ?
Afin de résoudre la complexité des procédures et la difficulté d'une coordination, nous essayons de trouver des solutions. Un partenariat a été signé pour uniformiser la liste de travaux finançables par l'ANAH et par la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), grande pourvoyeuse d'aides directes. Au niveau local, nous facilitons aussi les connexions locales entre les demandes que reçoivent les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) et le versement des aides par l'ANAH.
Au-delà des rapprochements nationaux, l'action locale reste un enjeu important. La mobilisation des aides de l'ANAH est plus facile quand une collectivité locale se comporte en chef de file et met en place l'ingénierie nécessaire pour coordonner les initiatives. À défaut de pouvoir prendre toutes les rênes en main, elle peut proposer une information unique ou rapprocher ceux qui disposent d'une partie des données. C'est à cette philosophie qu'obéit le programme « Habiter mieux », qui, au-delà d'une action ciblée en matière énergétique, améliore la qualité du logement des propriétaires occupants âgés.
Nous cherchons à ce que les différents acteurs intervenant auprès des ménages acquièrent des réflexes en matière de repérage, d'orientation et de signalement. Cela suppose des connexions locales. Depuis longtemps l'ANAH met en place des opérations programmées et apporte un soutien, notamment financier, aux collectivités qui instaurent une coordination, en l'absence d'un dispositif qui permettrait de chapeauter toutes les aides.
La proximité est une autre donnée importante. Il est souvent difficile de convaincre les personnes âgées d'objectiver leur situation ou de les amener vers un programme adapté à leur situation. Délicatesse et proximité sont nécessaires. Le diagnostic requiert aussi des compétences techniques ou financières. Il faut par ailleurs une certaine astuce locale, puisqu'on réfléchit tantôt sur le neuf, qu'il s'agit de normaliser, tantôt sur l'existant, en composant avec la structure du bâtiment. L'initiative locale va donc au-delà du simple rapprochement des règles nationales. Le programme « Habiter mieux », véritable laboratoire autour de ces sujets, permettra de développer les connexions entre les actions des différents intervenants.
L'adaptation de l'habitat est un enjeu capital pour le parc existant. Si, pour des raisons pragmatiques, une normalisation intégrale semble compliquée, ne nous cachons pas que, compte tenu des projections démographiques, il faut tout de même prévoir d'adapter quelque deux millions de logements.
À mon sens, c'est par un discours général sur la qualité des logements qu'on rendra le sujet plus « sexy », car nul n'anticipe de plein gré, avec cinq ou dix ans d'avance, sa propre dépendance. Les actions locales et les opérations programmées ont le mérite de proposer une visibilité locale, la politique nationale restant axée sur le problème de l'énergie. Peut-être peut-on contrebalancer cette situation par des plans de communication, mais il faudra alors veiller à ne pas décevoir les attentes.
La séance est levée à onze heures cinquante-cinq.