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Intervention de Muriel Boulmier

Réunion du 2 février 2011 à 10h00
Commission des affaires sociales

Muriel Boulmier, directrice générale du groupe Ciliopée :

J'ai eu l'honneur de conduire deux études pour le ministère du logement, remises l'une en octobre 2009 sur l'habitat face au défi de l'évolution démographique, l'autre en octobre 2010 sur le maintien à domicile dans les parcs de logements publics ou privés – sachant, ainsi que vous avez eu la gentillesse de le souligner, monsieur le président, que je suis très attachée aux territoires ruraux.

Le logement est un aspect fondamental de la dépendance. À cet égard, nous pouvons regretter de ne pas avoir suffisamment pris en compte la nouvelle génération intermédiaire – certainement parce que notre pays a mis 114 ans pour doubler sa génération de plus de 60 ans –, qui repousse la vieillesse à des âges plus avancés.

En outre, l'éventail des revenus des personnes âgées, qui va de un à sept, et le marketing ciblé sur les personnes à plus fort pouvoir d'achat nous ont fait perdre de vue l'intérêt de nous préoccuper des personnes les plus modestes. Si 75 % des personnes de plus de 65 ans sont propriétaires de leur logement – contre 58 % pour l'ensemble de la population –, plus d'un tiers d'entre elles vit en zone rurale avec des ressources très modestes, dans un logement peu confortable et non aménagé pour permettre le maintien à domicile, ce dernier étant pourtant souhaité tant par les personnes âgées que par les familles. Je rappelle que 90 % des plus de 90 ans et un centenaire sur deux – notre pays compte 6 000 centenaires – vivent encore à domicile. Cet inconfort des logements provoque un fléau : les chutes, à l'origine de 134 000 incapacités par an. À défaut d'un logement adapté, se pose donc la question de savoir où déménager et à quel prix.

Le journal Sud-Ouest a récemment relaté ce cri du coeur d'une dame de 101 ans vivant dans le Lot-et-Garonne qui, après avoir demandé une place en maison de retraite, s'était vue opposer un délai d'attente de deux ans : « Il sera trop tard ! ». C'est dans cet esprit que j'ai été amenée à faire des propositions sur les adaptations les plus courantes apportant un confort au logement, sans pour autant le valoriser. Ces adaptations concernent les pièces humides – cuisine, salle de bains, toilettes – et les fenêtres, pour un coût d'environ 3 200 euros.

Les 150 auditions que j'ai menées pendant mes deux missions ont révélé qu'un hébergement, hors soins, dans une maison spécialisée représente un coût supplémentaire de 1 800 euros par an pour les finances publiques. Sachant que le maintien à domicile est supérieur à dix-huit mois, une dépense de 3 200 euros pour une adaptation est donc une opération gagnant-gagnant non seulement pour la personne âgée qui reste dans son environnement – c'est la meilleure façon de vieillir –, mais aussi pour les finances publiques et l'équilibre des territoires.

Je pense nécessaire de porter une attention particulière aux femmes, qui vivent plus longtemps même si elles n'y sont pas vraiment pour quelque chose, sachant que celles qui sont d'un âge avancé ont eu une carrière plus courte avec un salaire plus bas que les hommes et perçoivent donc une pension plus faible. Si elles sont majoritairement propriétaires occupantes, la propriété n'est pas un facteur de richesse et toutes les aides, même si elles sont nombreuses, ne permettent pas de solvabiliser l'intégralité du concours.

Avec le Crédit Mutuel, La Banque postale, qui a une expérience en la matière, et le réseau des crédits immobiliers, dont on connaît les missions sociales, j'ai cherché la façon d'organiser un micro-crédit, sans hypothèque et sans visite médicale, ces dernières n'ayant aucun sens puisque le crédit est inaccessible à cet âge.

Avec la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), j'ai étudié la possibilité de créer un label artisan grâce à des actions de formation et de croisement des savoir-faire, le maillage territorial des artisans du bâtiment étant supérieur à celui des boulangers. Ce label artisan permettrait de réduire les délais d'intervention et les coûts, mais aussi encouragerait les copropriétés comptant de nombreuses personnes âgées et situées dans des zones plus urbaines à prévoir des travaux.

Je préconise également de recourir au viager HLM – une étude a été menée avec l'Union sociale pour l'habitat (USH) – afin de permettre aux personnes âgées de rester chez elles après une remise en état de leur logement. Cela constituerait un signe envoyé aux territoires ruraux, sachant que les crédits logements sont désormais fléchés vers les zones dites « tendues ».

Je plaide, en outre, comme je l'ai fait devant l'intergroupe parlementaire européen Urban-Logement, pour la prise en compte de la précarité énergétique, qui touche particulièrement les personnes âgées dans des logements inadaptés, et l'orientation des fonds structurels européens 2014-2020 vers l'adaptation et le maintien à domicile, notamment dans les territoires ruraux.

Enfin, je propose l'ouverture du crédit d'impôt – assez marginal pour l'adaptation et l'accessibilité – aux descendants ou collatéraux qui financent eux-mêmes les travaux d'adaptation des logements des personnes âgées les plus modestes, dont les plafonds de ressources sont équivalents aux plafonds de ressources « prioritaires » de l'ANAH. Cette mesure permettrait de soutenir la solidarité intergénérationnelle.

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