La commission a auditionné M. Bruno Le Maire ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire sur le projet de décret relatif aux règles applicables aux regroupements ou modernisations d'exploitations d'élevage (article 28 de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche) et les droits de plantation dans le domaine viticole.
Monsieur le ministre, je vous remercie d'être avec nous cet après-midi pour ce qui constitue notre premier exercice de contrôle de l'application de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP), votée en juillet dernier.
Il s'agit d'un exercice quelque peu spécifique, car il ne porte pas sur l'ensemble du texte. Toutefois, vous pourrez peut-être évoquer les autres dispositions de la loi, notamment la contractualisation ou l'Observatoire de la formation des prix et des marges. Notre attention se concentrera sur la mise en oeuvre de l'article 28, qui prévoit la publication avant le 31 décembre d'un décret relatif au regroupement et à la modernisation de certaines installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE).
Cette disposition est issue d'un amendement de M. Marc Le Fur visant à desserrer quelque peu les contraintes pesant sur les exploitations d'élevages dans le cadre de la législation sur les installations classées d'élevage. L'objectif était de favoriser les restructurations dans un secteur qui souffre beaucoup, en raison de l'augmentation du prix des aliments et, surtout, de la concurrence de nos voisins, telle l'Allemagne, devenue très performante, notamment dans le secteur porcin. Nos débats ont finalement débouché sur la rédaction d'un article 28, plus restrictif que l'amendement initial, et dont le dernier alinéa prévoit que les commissions parlementaires compétentes seront consultées sur le projet de décret.
À l'attention de nos collègues intéressés par les questions viticoles, M. le ministre a accepté – à la demande de M. François Brottes, à laquelle je m'associe – que nous évoquions également la fin prévue des droits de plantation, perspective qui nous inquiète tous. Notre Bureau a rencontré récemment à Bruxelles le commissaire européen à l'agriculture. Bien que Dacian Ciolos ait appelé à la volonté politique et évoqué une très éventuelle réouverture du débat, nos craintes demeurent. Nous serons donc attentifs, monsieur le ministre, à vos propos.
Permettez-moi d'abord, monsieur le président, de vous présenter mes félicitations pour votre élection.
Je suis ouvert à toutes les questions des parlementaires, notamment sur le paquet « Lait ». Nous venons d'obtenir, après une bataille très difficile, un changement du droit de la concurrence européen, ce qui n'était pas arrivé depuis des années. C'est une très bonne nouvelle pour les producteurs de lait, qui vont enfin pouvoir s'organiser. Si un tiers d'entre eux veut se rassembler – alors que le seuil est jusqu'à présent fixé à 400 producteurs – pour négocier les prix avec Danone ou Lactalis, ils le peuvent désormais. Ce rééquilibrage des pouvoirs est un changement majeur.
Je tiens à le dire tout de suite, je suis totalement opposé à la suppression des droits de plantation. Il faut savoir tirer les conséquences de la crise : quand on a emprunté un mauvais chemin, il vaut mieux revenir en arrière. Je livrerai le même combat sur le vin que sur le lait.
S'agissant du décret, mon premier souci est d'améliorer la productivité de la production porcine en France. Les éleveurs de porcs font partie des agriculteurs qui souffrent le plus. Le coût du travail et de l'énergie, les normes administratives, composent un ensemble qui tend à les rendre moins compétitifs que leurs homologues allemands. Nos producteurs ont les moyens de relever la tête, mais il est urgent de prendre un certain nombre de décisions économiques.
Le projet de décret que je m'étais engagé à vous présenter avant la fin de l'année, n'est, comme son nom l'indique, qu'un projet dont nous pouvons discuter, M. Michel Raison, rapporteur de la LMAP, étant notamment présent.
Permettez-moi de redonner des chiffres que j'avais eu l'occasion de citer lors du débat sur le projet de loi : l'Allemagne, qui produisait en 1995 40 millions de porcs par an, en produit aujourd'hui 55 millions, soit une progression de 40 %. Dans le même temps, la production française n'a pas augmenté, se stabilisant à 25 millions. S'agissant du lait, nous résistons mieux, même si la concurrence reste très forte et que certaines décisions, là encore, s'imposent.
Le décret doit s'inscrire dans le respect des objectifs d'une agriculture durable, fixés par le Président de la République comme par le Premier ministre. Il respecte donc l'ensemble des règles environnementales préalables : plafonnement des épandages d'azote d'origine animale à 170 kghectare dans les zones vulnérables, en application de la directive Nitrates ; obligation d'implanter les bandes enherbées le long des cours d'eau, conformément à la loi Grenelle 2 et à l'exigence de la conditionnalité ; respect de distances d'épandage, en conformité avec la directive Nitrates ; implantation de couverts hivernaux et cultures intermédiaires pièges à nitrates (CIPAN), en conséquence de la loi Grenelle 2.
Le cadre européen est celui de deux directives, celle de 2001 relative à la prévention et à la réduction intégrées des pollutions (IPPC), et celle de 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement. Ces deux textes ont conduit à exiger de la part des États membres de lancer une étude d'impact pour les élevages intensifs et de définir des obligations, sur la base de seuils ou au cas par cas. Pour certaines activités, la directive de 2001 prévoit des seuils au-delà desquels une étude d'impact est systématique et les meilleures technologies disponibles doivent être employées – 2 000 places de porcs ou 40 000 places de volailles, l'élevage bovin n'étant pas concerné.
La réglementation française ICPE transpose ces deux directives en s'articulant sur trois régimes : le régime d'autorisation – le plus strict – impose une étude d'impact et une enquête publique, ce qui représente un coût d'environ 15 000 euros pour les exploitations concernées ; le régime d'enregistrement – c'est-à-dire une autorisation simplifiée – impose une consultation du public et, au cas par cas, suivant l'appréciation du préfet, la possibilité de basculer dans une procédure d'autorisation ; enfin, le régime le plus souple, celui de la simple déclaration, n'entraîne aucune obligation financière pour les éleveurs.
S'agissant des élevages au sens strict, le Premier ministre n'a retenu que deux types de régimes : le régime de déclaration et le régime d'autorisation. Il n'a pas souhaité revenir sur le choix de ne pas prévoir de procédure d'enregistrement, vieux de plusieurs années et auquel ont adhéré les professionnels.
Le régime d'autorisation s'applique au-delà de 450 porcs, de 150 truies, de 100 vaches laitières, de 400 bovins destinés à l'engraissement et de 30 000 volailles. Les producteurs, évidemment, estiment que ces seuils ont été fixés trop bas, ce qui empêche la modernisation des bâtiments et, partant, la compétitivité.
L'objectif du décret est de favoriser le regroupement d'élevages et de permettre la création d'installations plus compétitives, tout en respectant l'environnement et la singularité française. Je suis très germanophile, mais je pense que ce serait une erreur que de vouloir calquer les pratiques allemandes, inacceptables d'un point de vue social en France. Notre modèle n'est pas celui d'exploitations industrielles gigantesques.
Le défaut de notre système est qu'il induit un effet de seuil très net. Les exploitations se regroupent, en maintenant un effectif inférieur à 450 porcs afin de ne pas basculer dans le régime d'autorisation, au coût très élevé.
La LMAP limite la durée des procédures administratives à un an. Sur ce sujet majeur, qui importait beaucoup aux producteurs, le contrôle des parlementaires sera particulièrement efficace, puisque vous pourrez signaler aux préfets les problèmes de délivrance. La loi prévoit également des procédures simplifiées, avec trois conditions cumulables : il doit s'agir d'une modernisation ou d'un regroupement, sans effet notable sur l'environnement et sans augmentation sensible de l'effectif.
Le décret ne concerne que les élevages bovins, porcins et avicoles. La modernisation est comprise comme la mise aux normes bien-être et environnementales, l'amélioration des conditions de travail des salariés de l'installation, ou toute démarche reconnue comme positive par les pouvoirs publics, comme les plans de performance énergétique ou les plans de modernisation des bâtiments d'élevage.
Dans le cas d'un regroupement sur un site soumis à autorisation, aucune autorisation supplémentaire ne sera exigée si quatre conditions sont remplies : la variation de l'effectif total doit être inférieure à 5 % ; l'augmentation d'effectif sur le site d'accueil doit être inférieure à deux fois le seuil d'autorisation – soit 900 porcs et 200 vaches laitières ; l'effectif final ne doit pas être supérieur à deux fois l'effectif initial sur le site d'accueil ; pour des raisons de conformité avec les règles européennes, le regroupement ne doit pas conduire à un franchissement des seuils de la directive IPPC.
Dans le cas d'un regroupement sur un site soumis à déclaration, les procédures seront allégées dans les mêmes conditions que précédemment, dès lors qu'il existe une justification de conformité, en lieu et place de l'étude d'impact et qu'une consultation du public, au lieu d'une enquête publique, a été effectuée.
Le choix que nous avons fait est évidemment un choix politique, que j'assume en tant que tel. Il a été arbitré par le Premier ministre. Il consacre un équilibre entre, d'une part, la modernisation des installations et le regroupement des exploitations pour une plus grande productivité et, d'autre part, l'acceptabilité sociale de grandes unités d'élevage porcin dans notre pays.
M. le président Serge Poignant. Au nom de la Commission, je veux vous remercier pour votre action, qui vous a permis d'obtenir des dérogations dans le secteur du lait – une gageure –, et pour votre déclaration liminaire sur les droits de plantation.
Permettez-moi, à mon tour, de vous adresser toutes mes félicitations pour le rôle prépondérant que joue la France dans les négociations européennes. J'en veux pour preuve le récent assouplissement des règles de concurrence dans le secteur laitier.
En tant que rapporteur du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, j'ai suivi de près l'élaboration du décret que vous venez nous présenter et qui a fait l'objet de nombreux échanges entre vos services et les services du ministère de l'écologie.
Si l'article 28 de la loi doit s'analyser à la lumière des débats qui ont eu lieu lors de l'examen de la loi sur les distorsions de concurrence intra-européennes et sur la nécessité de redonner des marges de compétitivité à nos exploitants, il ne vise aucunement à exonérer les éleveurs de quelque prescription environnementale que ce soit. Ce n'était pas l'objet de l'amendement initial de Marc Le Fur ; ce n'est pas non plus l'objet de ce projet de décret, lequel doit simplement faciliter certaines procédures afin de favoriser des restructurations indispensables, tant au niveau économique qu'au niveau démographique.
Je tiens à être précis sur les finalités de ce décret, beaucoup d'inexactitudes ayant été proférées sur l'article 28 de la LMAP et sur les intentions de ses auteurs. Notre objectif, aujourd'hui, est de nous assurer que la lettre du décret est conforme à l'esprit de la loi et, en quelque sorte, que la mémoire de nos débats soit respectée, car, monsieur le ministre, Sans mémoire, le présent se vide – pour reprendre le titre de votre livre… En somme, nous devons trouver un équilibre entre exigences environnementales et impératifs économiques.
Sur le fond, je n'ai que peu ou pas de remarques à faire concernant la modernisation des exploitations. Je regrette seulement que ne soient pas visées plus précisément les actions de modernisation économique, à l'origine de l'article 28. Cependant, la formulation du c) du 1° de l'article R. 515-54 concernant les « démarches reconnues comme positives par les pouvoirs publics » est suffisamment large pour inclure ce type d'actions. J'espère que les préfets auront consigne d'interpréter avec souplesse ces dispositions.
Par ailleurs, je m'interroge sur le critère de l'amélioration des conditions de travail des salariés. Vous n'ignorez pas, monsieur le ministre, qu'il existe des exploitants agricoles sans salariés ; il serait juste qu'ils soient également visés au b) du 1° de ce même article, ayant droit, eux aussi, à une amélioration de leurs conditions de travail.
Je me félicite qu'une procédure spécifique ait été prévue à l'article R. 515-56 pour les cas où des exploitations soumises à déclaration se regroupant ou se modernisant viendraient à dépasser le seuil de l'autorisation : cela va dans le bon sens.
Mes remarques concernent surtout les conditions de regroupement, et plus précisément les limites posées à l'augmentation de l'effectif des élevages regroupés. Je rejoins les professionnels, qui s'accordent tous à considérer que l'accumulation des critères visés aux alinéas a) à e) du 3° de l'article R. 515-53 est beaucoup trop restrictive.
Le premier critère concerne le regroupement qui ne doit pas excéder deux fois l'effectif initial. On peut parfaitement admettre qu'en termes d'acceptabilité du public et surtout du voisinage, une limite soit nécessaire. Mais celle-ci pénalisera particulièrement les petits élevages autorisés, sans empêcher une croissance proportionnellement plus importante des élevages les plus gros.
Le deuxième critère a trait aux seuils fixés dans la directive IPPC qui ne doivent pas être dépassés. Cette exigence se révélera extrêmement pénalisante, rendant même inopérant le dispositif pour les élevages de volailles, dont le seuil d'autorisation est à 30 000 et le seuil IPPC à 40 000.
La question du franchissement des seuils IPPC constitue toutefois un obstacle juridique difficile à surmonter : la directive 9661 prescrit qu'au-delà de ces seuils, l'étude d'impact doit prendre en compte les meilleures techniques disponibles, ce que ne fait pas l'étude d'impact dans le cadre d'une demande d'autorisation lambda. Le risque identifié par vos services étant un contentieux avec la Commission européenne, je ne m'étendrai pas sur ce critère.
Enfin, le troisième critère, qui porte sur la limite de la hausse à deux fois l'effectif du seuil d'autorisation, me semble très contestable, donc améliorable. Pourquoi cette limite supplémentaire ? Pourquoi la fixer à deux fois le seuil d'autorisation et non pas à trois ou quatre fois ? Ce chiffre constitue certes le doublement de la limite aujourd'hui admise par la circulaire relative au guide d'appréciation des changements notables en installations classées d'élevage soumises au régime de l'autorisation, mais a-t-il été expertisé espèce par espèce ?
Par ailleurs, pourquoi ne pas avoir fixé des critères différents selon les types d'élevage ? Les besoins ne sont pas les mêmes dans les élevages bovins, porcins et avicoles. En voulant faire simple dans la définition des règles et appliquer le même régime à tout le monde, on prend le risque de s'éloigner de la réalité du terrain. J'en reviens à la limite de deux fois le seuil d'autorisation : pour être conforme à l'esprit de la loi et à l'objectif de modernisation des élevages, il faut passer à un coefficient égal ou supérieur à quatre.
En l'absence d'assouplissement, la portée de ce décret me paraîtrait limiter l'avancée attendue en matière d'amélioration de la compétitivité des éleveurs français, confrontés aujourd'hui à des mutations de très grande ampleur. Les organismes agricoles réclament d'ailleurs une hausse des seuils d'autorisation, objectif initial de l'amendement Le Fur, et dont vous-même avez admis lors des débats en Commission qu'ils avaient été fixés « très bas, alors que l'Allemagne a fixé des seuils extrêmement élevés et que cette différence renforce la compétitivité des élevages porcins de ce pays, provoquant une distorsion de concurrence au détriment des élevages français ». Ce décret ne constitue sans doute pas une réponse suffisante à cette situation, mais il représente une première avancée.
Il convient maintenant de s'assurer de la sécurité juridique du dispositif : plusieurs points, soulevés par différents responsables agricoles, semblent avoir été pris en compte par vos services en vue de l'application du texte, notamment la nécessité d'attendre la fin des délais de recours contre le regroupement pour prendre acte de la mise à l'arrêt définitive des sites regroupés. Nous devons désormais attendre l'avis du Conseil d'État, notre première préoccupation étant de faire en sorte que les opérations qui seront entreprises sur la base de ce décret soient irréprochables sur le plan juridique.
Le prix des céréales, s'il satisfait les céréaliers, pose de graves problèmes aux producteurs de porcs. Leur situation est rendue encore plus difficile par des installations vieillissantes, dont la moindre qualité a une incidence sur la quantité d'aliments consommés par les animaux et donc, sur les comptes d'exploitation.
Nous prenons acte que le décret est, comme promis, présenté avant la fin de l'année.
Vous avez rappelé que la loi de modernisation a également encadré les délais d'instruction des demandes d'autorisation : nous aurons tout intérêt à vérifier que ces délais sont tenus. L'enjeu environnemental est important. Une procédure trop longue empêche l'éleveur qui le souhaite de se mettre aux normes – il continue alors de polluer ; en sens inverse, elle « autorise » l'éleveur qui pollue à continuer de le faire, jusqu'au terme de l'enquête et à la fermeture de son établissement.
Le contenu de ce décret est éloigné de ce qui avait été initialement proposé et débattu il y a de cela quelques mois. Les dispositions ne pourront s'appliquer qu'à des élevages d'environ 220 truies, une taille tout juste égale à la moyenne des installations bretonnes. Les grandes exploitations, de 1 000 truies, ne sont pas concernées, ce qui est plutôt satisfaisant.
Il serait intéressant que vous puissiez nous apporter un certain nombre de précisions, notamment sur les transferts. La fermeture de l'élevage concerné n'interviendra que lorsque l'autre élevage sera ouvert. Vérifiera-t-on que les animaux ont effectivement été transférés ? De quels moyens disposera-t-on alors pour empêcher une forme de reconstitution du « droit à produire » sur le site initial ?
Je faisais partie de la délégation qui a rencontré le commissaire européen Dacian Cioloş. Celui-ci nous a fait une excellente impression, en évoquant son engagement pour défendre l'agriculture européenne. Pour autant, il a rappelé qu'il n'y avait pas de soutien politique à la régulation en Europe, ce que nous savions, mais qui ne laisse pas de nous inquiéter.
Le rattrapage en matière de lait ne compensera pas la dérégulation due à la suppression des quotas, laquelle entraînera la disparition de la moitié des exploitations en France. La libéralisation des droits de plantation, comme nous l'a expliqué un collègue producteur de vin de Champagne, donnera aux grandes marques une position de force sur le marché, au détriment des territoires. Pour la viande bovine, les inquiétudes sont également nombreuses. M. Dacian Ciolos nous a expliqué que nous n'échapperions pas à un accord bilatéral avec les pays du Mercosur ; les éleveurs de bovins, dont 100 % du revenu est assuré par les aides européennes, risquent de souffrir davantage encore.
Enfin, j'ai interrogé Dacian Ciolos sur le tabac, évoquant la possibilité de rétrocéder une part de la fiscalité à la production. Comme vous le savez cette filière, qui emploie 10 000 personnes en France, est en danger de mort – vous avez d'ailleurs reçu une délégation suite à une manifestation. Là encore, le commissaire européen nous a expliqué que les règles de la concurrence – les règles du libéralisme en vérité – empêchaient ce type de soutien. Il nous a toutefois conseillé de nous adresser au commissaire chargé de la concurrence. Entendez-vous le faire ?
Des obligations particulières pèsent-elles sur le site quitté, s'agissant des nuisances produites par l'ancien élevage ? Le préfet pourra-t-il utiliser les dispositions du décret pour obliger un site contesté à se regrouper, ce qui permettrait de ne pas pénaliser une production ? De la même manière, un regroupement peut-il être la solution lorsque des conditions particulières – travaux publics, électriques ou autres – imposent le déplacement d'une installation ?
La portée du décret n'est-elle finalement pas plus environnementale qu'économique ? Avec les difficultés de la production de lait, je connais en effet plusieurs éleveurs de vaches laitières, dont les quotas approchent 1 million de litres de lait, qui vont néanmoins arrêter la production. Il faut donc être prudent et faire en sorte que le regroupement ne devienne pas une obligation imposée d'en haut, mais qu'il soit une caution d'efficacité économique.
Il n'est désormais plus question de créer des élevages grâce à une modification des seuils d'autorisation – cet objectif, que visait l'amendement Le Fur, avait créé un vif émoi en Bretagne –, mais de regrouper des élevages existants sur des sites existants.
Toutefois, le contenu du projet de décret appelle un certain nombre de questions. Les regroupements d'exploitations peuvent-ils concerner des exploitations situées dans des départements et des régions distincts ? Quelles sont les conditions de regroupement lorsque les exploitations sont situées sur des bassins versants de statut différent ? Le regroupement sur une installation située sur un bassin versant sensible concerné par le plan « algues vertes », par exemple, est-il autorisé ? La limite de la variation de l'effectif total, fixée à 5 %, est-elle la même sur un bassin sensible ? Cette question est particulièrement importante en Bretagne, notamment dans ma circonscription, qui compte deux bassins versants faisant partie du programme « algues vertes ».
Le Conseil supérieur de prévention des risques technologiques a émis un avis défavorable à votre projet de décret. Quel est votre sentiment à cet égard ?
Avec Mme Chantal Jouanno, alors ministre de l'écologie, vous vous étiez engagé à consulter le Comité scientifique du plan « algues vertes ». Cette consultation a-t-elle eu lieu ? Si oui, quels en ont été les résultats ?
La Commission européenne a engagé contre la France une procédure précontentieuse pour non-application de la directive de 1991 relative à la lutte contre la pollution des eaux par les nitrates d'origine agricole. Cette procédure risque de déboucher sur des sanctions financières. Ce projet de décret permet-il une avancée ? Est-il compatible avec les réglementations européennes ?
Le dossier de déclaration de regroupement d'élevages doit reprendre les éléments nécessaires à une étude d'impact, notamment l'évolution prévue du plan d'épandage. Quelles seront les directives données au préfet en cas d'absence de réponse de l'éleveur ? De quels délais celui-ci disposera-t-il pour remplir son dossier ?
Pourriez-vous nous apporter des précisions et des garanties quant aux regroupements d'installations situées sur un bassin versant présentant des excédents en nitrates et en azote ?
Enfin, quelle est la nature des documents exigés pour compléter la demande d'autorisation ?
En marge de la discussion sur le décret, il me semble important de rappeler que l'État, condamné pour la pollution aux algues vertes le 1er décembre 2009, n'a pas encore versé les sommes – modiques au demeurant – qu'il doit aux quatre associations qui le poursuivaient. Au regard des dotations conséquentes du plan « algues vertes », il paraîtrait normal que l'État s'engage à payer ces dommages et intérêts.
Si, comme l'a très bien résumé M. Michel Raison, le projet de décret est le fruit d'un compromis, mon souci est d'améliorer la compétitivité économique des producteurs de porcs. Pour autant, aller trop loin en matière de seuils d'autorisation ferait courir un vrai risque d'acceptabilité sociale – et de remise en cause – de la production de porcs dans notre pays. C'est donc une mesure équilibrée que nous avons recherchée, sachant que ce ne sera pas la seule réponse qui sera apportée au soutien nécessaire des producteurs de porcs.
S'agissant des actions de modernisation économique, je compte bien entendu sur la capacité des préfets à les mettre en oeuvre de façon pragmatique. Quant à l'amélioration des conditions de travail, je suis très favorable à ce qu'elle concerne non seulement les salariés, mais également les exploitants, car nombre d'exploitations n'emploient pas en effet de salariés. Ce n'est donc pas un point symbolique.
Concernant le cumul des conditions de regroupement, il est vrai que celle portant sur le non-doublement de l'effectif initial peut pénaliser de petits élevages, mais l'objectif, là encore, est de trouver le bon équilibre entre petites et grandes exploitations.
Pour ce qui est des sites regroupés, ceux mis à l'arrêt ne sont pas fermés, ce qui laisse ouverte la possibilité, en cas de difficulté juridique, de faire revenir les bêtes sur l'exploitation initiale sans coût financier ni problème juridique – ce qui répond également à la question de M. Jean Gaubert à ce sujet.
S'agissant de la question, également soulevée par ce dernier, des délais soit de l'enquête publique soit de l'instruction, le fait que les travaux ne soient pas possibles sur les bâtiments d'élevage tant que l'autorisation n'est pas donnée, pose des difficultés majeures. Aussi, je tiens à ce que le délai d'un an, qui est une avancée importante pour les producteurs, soit rigoureusement respecté.
Il ne s'agit pas par ailleurs d'être coercitif en matière d'incitation au regroupement. Regrouper de petites exploitations sans contrainte administrative majeure, donnera des exploitations à la fois plus compétitives et plus respectueuses de l'environnement. Une ferme laitière de 100 vaches dont l'exploitant aura repris 50 vaches chez un voisin et 20 chez un autre, sera plus moderne et plus respectueuse de l'environnement que les trois fermes initiales réunies.
Si M. Dacian Cioloş, dont M. Germinal Peiro a rapporté les propos, a indiqué qu'il n'y avait pas de soutien politique à la régulation en Europe, il n'en reste pas moins que les choses bougent – ce qui montre d'ailleurs la difficulté du chemin que nous avons eu à parcourir. La voie de la libéralisation suivie depuis des années en matière agricole est une erreur, pour ne pas dire une faute – je reconnais bien volontiers que l'opposition l'avait alors souligné.
Tout producteur doit respecter certaines contraintes environnementales et sanitaires. Si le marché n'est pas régulé, la situation que nous connaissons depuis quelques années s'aggravera avec une spéculation massive, une volatilité des cours de plus en plus forte et donc une situation intenable en matière de revenus des agriculteurs. Prenons le cours du lait : alors que, depuis 2000 environ, la volatilité a été de 5 à 10 % d'une année sur l'autre pendant les sept ou huit premières années, elle a été de l'ordre de 50 % depuis deux ou trois ans. Nous n'arriverons à lutter contre cette volatilité des prix que par la régulation à la fois nationale, européenne et mondiale.
Au niveau européen, j'ai appliqué la technique qui me paraissait la bonne – la preuve en est qu'elle a des résultats concrets : celle du saucissonnage, c'est-à-dire marché par marché. Faire de grandes déclarations sur la régulation des marchés n'aboutit en effet à rien. Dans le domaine du lait au contraire, la mise en place d'un groupe à haut niveau a permis de faire des propositions à la Commission qui a elle-même ensuite fait des dispositions législatives. J'en citerai quelques exemples.
D'abord, la transparence des volumes produits. C'est là quelque chose d'autant plus concret, qu'auparavant on s'orientait vers une suppression des quotas, chacun produisant ce qu'il veut, sans information sur les volumes.
Ensuite, les contrats. Ils sont indispensables pour stabiliser les revenus et nous avons été plutôt précurseurs en la matière avec la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche.
Enfin, le regroupement possible des producteurs dans la limite de 3,5 % de l'ensemble de la production laitière européenne. Pour les producteurs de lait français, cela signifie, si un tiers d'entre eux se regroupe, qu'ils peuvent négocier seuls avec l'industrie laitière. Pour prendre l'exemple de la Bretagne, si les producteurs bretons, regroupés au sein d'une organisation, refusaient, dans leurs discussions avec les représentants de Lactalis, de Danone ou de Yoplait, d'apporter leur lait à tel ou tel tarif, ce rééquilibrage du rapport de force aurait une incidence très concrète en matière de prix.
Je suis d'ailleurs prêt, s'agissant du tabac, à faire les mêmes démarches que celles qui ont été effectuées en matière de lait.
Dans le cas où un site serait abandonné pour un regroupement, M. Claude Gatignol s'est demandé s'il existerait alors une obligation particulière. Dès lors que l'autorisation de regroupement a été accordée, la remise en état du site est obligatoire. En revanche, le regroupement, lui, n'a pas un caractère obligatoire. Il repose sur le volontariat, même s'il est de l'intérêt économique des producteurs de se regrouper.
Comme j'ai l'habitude d'assumer mes choix politiques, je précise aussitôt que les très grandes exploitations industrielles, dans quelque filière que ce soit, ne me semblent pas être la solution pour la France. Certes, un certain mythe veut que plus une structure est importante, plus elle est rentable. En matière agricole en tout cas, ce n'est pas tout à fait exact. Plus on consomme de matières alimentaires, plus les coûts de production sont élevés : le seuil de rentabilité se situe donc parfois plus au niveau d'une exploitation de taille moyenne que d'une très grande. Tout dépend bien sûr de ce que l'on produit, mais, à mon avis, les agriculteurs français ont plus intérêt à aller vers la qualité que vers le quantitatif s'ils visent la meilleure valorisation de leur travail.
Concernant la question des bassins versants soulevée par Mme Corinne Erhel et Mme Frédérique Massat, toutes les restrictions en matière environnementale continueront de s'appliquer. Il ne pourra y avoir d'augmentation d'effectifs dans les zones en excédent structurel. Cela peut, certes, être pénalisant pour les producteurs situés dans les bassins versants, mais au moins les autres producteurs d'autres régions moins exposées pourront-ils continuer à se regrouper et donc à être plus compétitifs.
Quant au Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques, dont Mme Frédérique Massat a rappelé le récent avis sur un risque juridique – et non environnemental –, nous attendons que le Conseil d'État, qui doit prendre position le 22 décembre, confirme ou non cet avis. Il ne s'est en tout cas pas agi avec ce dernier d'une critique sur le fond du décret.
Pour ce qui est des procédures de contentieux lancées par la Commission européenne contre la France, celle concernant la directive « Eaux brutes » a été levée. Pour ce qui est de la directive « Nitrates », les examens doivent être poursuivis afin d'apporter une réponse à la Commission sur le sujet. Cela justifie d'ailleurs que le décret soit soucieux d'un bon équilibre entre l'intérêt économique des producteurs et la question environnementale.
Faute de pouvoir apporter une réponse aujourd'hui à Mme Marie-Lou Marcel s'agissant des conditions des regroupements soumis à autorisation, des éléments lui seront communiqués par la suite.
Quant au sujet des algues vertes, ma réponse à Mme Annick Le Loch sera là même qu'en matière de bassins versants : les mêmes règles environnementales continueront à s'appliquer.
M. Michel Raison m'avait également posé une question sur la limite de deux fois le seuil d'autorisation, en se demandant s'il ne conviendrait pas de passer à un coefficient d'au moins 4. Je veux bien en reparler avec le Premier ministre, mais il s'agirait, pour le coup, de favoriser les très grosses exploitations, ce qui risquerait de rompre l'équilibre du décret. Je suis cependant ouvert à la discussion, mais j'ai peur de connaître la réponse...
Je suis prêt à tout réexaminer, mais je vous présente ce décret après des heures et des heures de discussions et de négociations interministérielles, toujours quelque peu compliquées lorsqu'il s'agit de trouver un équilibre.
Je vous remercie en tout cas d'envisager un échange avant la publication du décret.
Nous en venons aux droits de plantation.
Qu'il me soit tout d'abord permis de regretter, avec quelque amertume, que la réforme de la PAC, ainsi que cela est ressorti de notre échange avec le commissaire européen à l'agriculture, consistera à réinstaurer le contrat territorial d'exploitation en France. Il est vraiment dommage que cette disposition astucieuse, qui anticipait donc l'évolution de la PAC, ait été supprimée par certains de vos prédécesseurs, monsieur le ministre.
Pour en venir à la viticulture et au maintien des droits de plantation, ce même commissaire européen a avoué n'avoir aucun soutien politique.
Si nous ne doutons pas, monsieur le ministre, de votre volonté à cet égard, il faut que le Président de la République lui-même appelle à l'arrêt de la dérégulation dans le secteur de la viticulture. Si la France ne porte pas cette préoccupation au plus haut niveau, le message empli de peu d'espoir que le commissaire européen nous a fait passer aura été prémonitoire. L'heure est grave, et si nous avons tous été d'accord, toutes tendances politiques confondues, pour parler de ce sujet aujourd'hui, c'est pour que notre inquiétude soit relayée.
Par ailleurs, pourquoi nos viticulteurs ont-ils refusé d'entrer dans le dispositif de la directive qui concerne les appellations d'origine ? La profession craint, semble-t-il, une baisse de qualité des références exigées, mais en laissant une directive spécifique traiter de ces questions, hors viticulture, nos viticulteurs vont laisser passer le train des appellations d'origine, avec le risque d'y perdre gros.
Je connais d'autant plus votre détermination en la matière, monsieur le ministre, que lorsque je suis venue vous expliquer le problème voilà un an, vous m'avez confié une mission afin de concevoir une boîte à outils permettant d'envisager des moyens de régulation alternatifs à la libéralisation des plantations. Les discussions avec les représentants de 36 syndicats et fédérations ont permis de cerner les risques liés à cette notion de dérégulation. Le débat a porté, en particulier, sur la valeur patrimoniale des droits de plantation, sachant que le bilan des droits de plantation est positif partout en Europe, les pays ayant dérégulé étant confrontés à de graves difficultés. Il faut réguler parce que cela permet aux viticulteurs de vivre de leur métier.
Parmi les effets de la libéralisation totale, j'insisterai plus particulièrement sur les risques de détournement de notoriété. La libéralisation permettra en effet d'implanter un vignoble sans indication géographique à l'intérieur même du périmètre d'une AOC ou à ses proches abords, sans parler de l'extension du nombre de viticulteurs et de la superficie des exploitations actuelles.
La position des professionnels est unanime : de l'INAO en passant par la CNAOCEFOW, l'APCA, la CFVDP ou encore l'AGEV, tout le monde plaide – comme sur le plan politique – pour le maintien des droits de plantation.
La boîte à outils finalement conçue repose sur cinq principes
Premier principe : conserver une interdiction des plantations dans la réglementation communautaire avec capacité pour chaque État membre de mettre en place une réglementation adaptée à sa situation.
Deuxième principe : appliquer la régulation, pour être efficace et éviter les risques de détournement d'image, à tous les vignobles d'appellation d'origine protégée (AOP) et d'indication géographique protégée (IGP) et au vin sans indication géographique (VSIG). La principale menace résiderait en effet dans le maintien, dans un premier temps, de la régulation pour les seules AOP et IGP.
Troisième principe : s'orienter résolument vers une gestion interprofessionnelle des droits de plantation communautaires. Les interprofessions ont montré leur savoir-faire, et il faut les accompagner.
Quatrième principe : conditionner l'obtention de droits nouveaux de plantation à l'analyse des marchés effectuée par les interprofessions. C'est l'interprofession qui bâtirait un accord professionnel quinquennal, révisable chaque année.
Cinquième principe : mettre en place une nouvelle gouvernance des vignobles français. Cette nouvelle organisation, qui concernerait tous les vignobles au niveau européen, nécessite en effet en France une nouvelle gouvernance du vignoble.
Il est important, monsieur le ministre, que nous puissions vous entendre sur le calendrier des discussions et sur un engagement du Président de la République et du Premier ministre. J'ai à cet égard fait figurer en annexe de mon rapport le discours de la chancelière Angela Merkel lors de l'ouverture du salon international Intervitis Interfructa de Stuttgart, et nous connaissons, notamment par votre déclaration faite à Mâcon, votre attachement à la viticulture. N'oublions jamais l'importance du vin français et, permettez-moi d'ajouter, du champagne, dans la balance des paiements de notre pays.
La question de la libéralisation des droits de plantation a déjà fait l'objet d'interrogations de notre part tant auprès de M. Barnier que de vous-même, voire du commissaire européen à l'agriculture que j'ai rencontré avec une délégation de la Commission du développement durable – M. Dacian Cioloş ne nous avait d'ailleurs pas du tout rassurés en nous faisant part de sa grande inquiétude quant aux droits de plantation.
Comme l'a souligné Mme Catherine Vautrin, la régulation se fait en France par un système de gestion qui conditionne ces fameux droits de plantation à l'existence de débouchés commerciaux. Si nous acceptions le système libéral que voulait Mme Fischer Boel tendant à la suppression des droits de plantation et de toute limite pour la production de vin sans IG, les conséquences seraient très néfastes : surproduction, baisse des prix pour les producteurs, remise en cause des efforts qualitatifs, pertes d'emplois, délocalisation.
Concernant les risques soulevés par notre collègue, je reviendrai sur une expérience que la région Poitou-Charentes, et donc du cognac, a vécue dans les années 1967 à 1973 lorsque l'État a attribué de nouveaux droits de plantation à la suite d'années de très grosses ventes. Le passage de 70 000 à 120 000 hectares plantés a eu pour résultat une crise qui a duré quinze ans, au point que l'État et l'Europe ont dû verser des primes d'arrachage ! Attribuer des droits de plantations pour ensuite payer pour arracher serait à nouveau une véritable catastrophe. À cet égard, j'ai été stupéfaite de lire en page 31 du rapport de Mme Vautrin, où figure un tableau récapitulatif des différentes positions des États membres, que la France ne faisait pas partie des « pays opposés à la suppression des droits de plantation ». Il est vraiment stupéfiant qu'une position claire, nette et précise soulignant son opposition à cette libéralisation ne soit pas prise de façon publique par notre pays.
Ce qui est grave, c'est que cette question de la libéralisation des droits de plantation ait été abordée en Conseil des ministres de l'Union européenne sans que la France réagisse – c'est du moins ce que nous a fait comprendre le commissaire européen.
Nous comptons d'autant plus aider M. le ministre, dont nous connaissons les convictions en la matière, qu'avec une libéralisation des droits de plantation, ce seraient les régions les plus fragiles qui seraient les premières touchées, du fait, en particulier, de délocalisations à coût moindre dans d'autres États membres – dans ma région, on distille déjà des AOC et on arrache des vignes à l'aide de la prime européenne.
M. Dacian Cioloş nous l'a dit, le soutien au niveau politique européen en faveur du maintien des droits est pour l'instant insuffisant. Et il n'est pas question de rouvrir le dossier de la réforme de l'OMC vitivinicole dans le cadre des discussions sur la PAC après 2013. Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous compter sur notre soutien, tous groupes politiques confondus, car si l'avenir de la viticulture est important pour notre économie, il est vital pour des dizaines de milliers de nos concitoyens.
Je le redis avec force, vous ne trouverez pas plus ardent défenseur de la viticulture française que l'actuel ministre de l'agriculture. Mais si je ne peux que recommander la lecture de l'excellent rapport de Mme Catherine Vautrin, qui résume parfaitement la situation, il ne faut pas non plus avoir d'inquiétude majeure pour le moment dans la mesure où effectivement, il ne devrait pas y avoir de négociation de l'OCM vitivinicole en même que la renégociation de la PAC en 2013, du moins en théorie. Des assurances m'ont en tout cas été données par la Commission : il ne doit pas y avoir de négociation avant 2014 sur ce sujet.
Il est vrai qu'en 2008 la France ne s'est pas opposée – elle s'y est même, pour être tout à fait franc, plutôt déclarée favorable – à la libéralisation ou à la suppression des droits de plantation, sous réserve cependant d'une étude d'impact préalable par la Commission et du maintien des droits au niveau national jusqu'en 2018. Aussi est-il important qu'aujourd'hui, au plus haut niveau de l'État, le Président de la République – j'ai eu l'occasion de lui en parler – donne clairement la position de notre pays sur ce sujet.
Ma position est en tout cas connue depuis le premier jour : je suis opposé à la libéralisation comme à la suppression des droits de plantation.
Si les viticulteurs, comme s'en est étonné M. François Brottes, n'ont pas suivi les propositions de la Commission en matière d'appellation d'origine, c'est parce qu'elles n'incluaient pas l'ensemble des catégories de vins. À juste titre, les viticulteurs souhaitent que tous les segments soient traités à la fois, aussi bien les AOC que les IGP ou les sans IG.
Pourquoi, finalement, est-il aussi indispensable qu'il n'y ait pas de libéralisation des droits de plantation ?
Soutenir la libéralisation des droits de plantation, a fortiori leur suppression, c'est aller à rebours de ce que nous voulons pour l'agriculture française, c'est-à-dire des produits de qualité, valorisés, garantissant un bon revenu pour les producteurs. Supprimer ou libéraliser les droits de plantation, c'est choisir le modèle inverse, celui du produit standardisé, au coût le plus bas possible, et qui inonde le marché. Ce serait pour notre pays un modèle perdant-perdant, qui ne permettrait pas de faire valoir nos différents atouts. Pour prendre l'exemple de la seule surface d'appellation AOC, qui représente en France 1,6 million d'hectares pour une surface plantée de 460 000 hectares, l'absence de droits de plantation conduira immédiatement à une mise en AOC de l'ensemble, avec au final une appellation qui ne vaudra plus rien et avec des vins sans valorisation dont la banalisation ne sera pas sans conséquences sur les revenus et qui n'arriveront pas à concurrencer ceux du reste du monde. Il faut en être conscient : avec la libéralisation des droits de plantation, c'est deux fois la surface actuelle qui pourrait être plantée en AOC – c'est-à-dire la fin de la viticulture française.
Quelles que soient les études que l'on pourra me montrer, je pense vraiment que ce n'est pas là la bonne direction à suivre, d'autant que cela conduira à une augmentation sans limite du nombre des viticulteurs, avec la perte de savoir-faire que cela implique, tous ces gens ne voulant uniquement que faire de l'argent facile. Tout le défi à relever au contraire en France est de mieux segmenter le marché entre AOC, IGP et vins sans IG sachant, comme Mme Catherine Vautrin et M. François Brottes l'ont souligné, que les interprofessions doivent être capables de fonctionner non pas par niveau de production, mais par bassin ou par région, de façon à réguler la production sur l'ensemble de l'échelle, du vin sans IG jusqu'au vin AOC le plus prestigieux.
Vos propos, monsieur le ministre, seront lus avec intérêt par les viticulteurs. Comme nous l'a dit en effet le commissaire européen Dacian Cioloş, il n'est pas question aujourd'hui de rouvrir le dossier de la réforme de l'OCM vitivinicole dans le cadre des discussions de la PAC après 2013. Rappelant qu'il y avait eu une majorité au Conseil de l'Union européenne pour se prononcer en faveur de l'arrêt du régime des droits de plantation, il a indiqué qu'un rapport de la Commission sur la mise en oeuvre de la réforme de l'OCM était néanmoins attendu, qui permettra peut-être de rouvrir ensuite le débat, si l'équilibre des forces a évolué. Nous vous appuierons, y compris au plus haut niveau de l'État, pour qu'une telle évolution intervienne, car il en va vraiment de l'avenir de notre viticulture.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mercredi 15 décembre 2010 à 16 h 15
Présents. - M. François Brottes, M. Louis Cosyns, Mme Corinne Erhel, M. Claude Gatignol, M. Jean Gaubert, M. Jean Grellier, M. Michel Lejeune, Mme Annick Le Loch, M. Serge Letchimy, M. François Loos, Mme Marie-Lou Marcel, M. Jean-René Marsac, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Marie Morisset, M. Germinal Peiro, M. Serge Poignant, Mme Anny Poursinoff, M. Jean Proriol, M. Michel Raison, M. Francis Saint-Léger, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Alfred Trassy-Paillogues, Mme Catherine Vautrin, M. René-Paul Victoria
Excusés. - M. Jean-Pierre Abelin, M. Gabriel Biancheri, M. Jean-Michel Couve, M. William Dumas, Mme Geneviève Fioraso, Mme Pascale Got, M. Louis Guédon, M. Gérard Hamel, M. Philippe Armand Martin, M. Kléber Mesquida, Mme Josette Pons
Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Michel Clément, Mme Catherine Quéré