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Intervention de Bruno le Maire

Réunion du 15 décembre 2010 à 16h15
Commission des affaires économiques

Bruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire :

Si, comme l'a très bien résumé M. Michel Raison, le projet de décret est le fruit d'un compromis, mon souci est d'améliorer la compétitivité économique des producteurs de porcs. Pour autant, aller trop loin en matière de seuils d'autorisation ferait courir un vrai risque d'acceptabilité sociale – et de remise en cause – de la production de porcs dans notre pays. C'est donc une mesure équilibrée que nous avons recherchée, sachant que ce ne sera pas la seule réponse qui sera apportée au soutien nécessaire des producteurs de porcs.

S'agissant des actions de modernisation économique, je compte bien entendu sur la capacité des préfets à les mettre en oeuvre de façon pragmatique. Quant à l'amélioration des conditions de travail, je suis très favorable à ce qu'elle concerne non seulement les salariés, mais également les exploitants, car nombre d'exploitations n'emploient pas en effet de salariés. Ce n'est donc pas un point symbolique.

Concernant le cumul des conditions de regroupement, il est vrai que celle portant sur le non-doublement de l'effectif initial peut pénaliser de petits élevages, mais l'objectif, là encore, est de trouver le bon équilibre entre petites et grandes exploitations.

Pour ce qui est des sites regroupés, ceux mis à l'arrêt ne sont pas fermés, ce qui laisse ouverte la possibilité, en cas de difficulté juridique, de faire revenir les bêtes sur l'exploitation initiale sans coût financier ni problème juridique – ce qui répond également à la question de M. Jean Gaubert à ce sujet.

S'agissant de la question, également soulevée par ce dernier, des délais soit de l'enquête publique soit de l'instruction, le fait que les travaux ne soient pas possibles sur les bâtiments d'élevage tant que l'autorisation n'est pas donnée, pose des difficultés majeures. Aussi, je tiens à ce que le délai d'un an, qui est une avancée importante pour les producteurs, soit rigoureusement respecté.

Il ne s'agit pas par ailleurs d'être coercitif en matière d'incitation au regroupement. Regrouper de petites exploitations sans contrainte administrative majeure, donnera des exploitations à la fois plus compétitives et plus respectueuses de l'environnement. Une ferme laitière de 100 vaches dont l'exploitant aura repris 50 vaches chez un voisin et 20 chez un autre, sera plus moderne et plus respectueuse de l'environnement que les trois fermes initiales réunies.

Si M. Dacian Cioloş, dont M. Germinal Peiro a rapporté les propos, a indiqué qu'il n'y avait pas de soutien politique à la régulation en Europe, il n'en reste pas moins que les choses bougent – ce qui montre d'ailleurs la difficulté du chemin que nous avons eu à parcourir. La voie de la libéralisation suivie depuis des années en matière agricole est une erreur, pour ne pas dire une faute – je reconnais bien volontiers que l'opposition l'avait alors souligné.

Tout producteur doit respecter certaines contraintes environnementales et sanitaires. Si le marché n'est pas régulé, la situation que nous connaissons depuis quelques années s'aggravera avec une spéculation massive, une volatilité des cours de plus en plus forte et donc une situation intenable en matière de revenus des agriculteurs. Prenons le cours du lait : alors que, depuis 2000 environ, la volatilité a été de 5 à 10 % d'une année sur l'autre pendant les sept ou huit premières années, elle a été de l'ordre de 50 % depuis deux ou trois ans. Nous n'arriverons à lutter contre cette volatilité des prix que par la régulation à la fois nationale, européenne et mondiale.

Au niveau européen, j'ai appliqué la technique qui me paraissait la bonne – la preuve en est qu'elle a des résultats concrets : celle du saucissonnage, c'est-à-dire marché par marché. Faire de grandes déclarations sur la régulation des marchés n'aboutit en effet à rien. Dans le domaine du lait au contraire, la mise en place d'un groupe à haut niveau a permis de faire des propositions à la Commission qui a elle-même ensuite fait des dispositions législatives. J'en citerai quelques exemples.

D'abord, la transparence des volumes produits. C'est là quelque chose d'autant plus concret, qu'auparavant on s'orientait vers une suppression des quotas, chacun produisant ce qu'il veut, sans information sur les volumes.

Ensuite, les contrats. Ils sont indispensables pour stabiliser les revenus et nous avons été plutôt précurseurs en la matière avec la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche.

Enfin, le regroupement possible des producteurs dans la limite de 3,5 % de l'ensemble de la production laitière européenne. Pour les producteurs de lait français, cela signifie, si un tiers d'entre eux se regroupe, qu'ils peuvent négocier seuls avec l'industrie laitière. Pour prendre l'exemple de la Bretagne, si les producteurs bretons, regroupés au sein d'une organisation, refusaient, dans leurs discussions avec les représentants de Lactalis, de Danone ou de Yoplait, d'apporter leur lait à tel ou tel tarif, ce rééquilibrage du rapport de force aurait une incidence très concrète en matière de prix.

Je suis d'ailleurs prêt, s'agissant du tabac, à faire les mêmes démarches que celles qui ont été effectuées en matière de lait.

Dans le cas où un site serait abandonné pour un regroupement, M. Claude Gatignol s'est demandé s'il existerait alors une obligation particulière. Dès lors que l'autorisation de regroupement a été accordée, la remise en état du site est obligatoire. En revanche, le regroupement, lui, n'a pas un caractère obligatoire. Il repose sur le volontariat, même s'il est de l'intérêt économique des producteurs de se regrouper.

Comme j'ai l'habitude d'assumer mes choix politiques, je précise aussitôt que les très grandes exploitations industrielles, dans quelque filière que ce soit, ne me semblent pas être la solution pour la France. Certes, un certain mythe veut que plus une structure est importante, plus elle est rentable. En matière agricole en tout cas, ce n'est pas tout à fait exact. Plus on consomme de matières alimentaires, plus les coûts de production sont élevés : le seuil de rentabilité se situe donc parfois plus au niveau d'une exploitation de taille moyenne que d'une très grande. Tout dépend bien sûr de ce que l'on produit, mais, à mon avis, les agriculteurs français ont plus intérêt à aller vers la qualité que vers le quantitatif s'ils visent la meilleure valorisation de leur travail.

Concernant la question des bassins versants soulevée par Mme Corinne Erhel et Mme Frédérique Massat, toutes les restrictions en matière environnementale continueront de s'appliquer. Il ne pourra y avoir d'augmentation d'effectifs dans les zones en excédent structurel. Cela peut, certes, être pénalisant pour les producteurs situés dans les bassins versants, mais au moins les autres producteurs d'autres régions moins exposées pourront-ils continuer à se regrouper et donc à être plus compétitifs.

Quant au Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques, dont Mme Frédérique Massat a rappelé le récent avis sur un risque juridique – et non environnemental –, nous attendons que le Conseil d'État, qui doit prendre position le 22 décembre, confirme ou non cet avis. Il ne s'est en tout cas pas agi avec ce dernier d'une critique sur le fond du décret.

Pour ce qui est des procédures de contentieux lancées par la Commission européenne contre la France, celle concernant la directive « Eaux brutes » a été levée. Pour ce qui est de la directive « Nitrates », les examens doivent être poursuivis afin d'apporter une réponse à la Commission sur le sujet. Cela justifie d'ailleurs que le décret soit soucieux d'un bon équilibre entre l'intérêt économique des producteurs et la question environnementale.

Faute de pouvoir apporter une réponse aujourd'hui à Mme Marie-Lou Marcel s'agissant des conditions des regroupements soumis à autorisation, des éléments lui seront communiqués par la suite.

Quant au sujet des algues vertes, ma réponse à Mme Annick Le Loch sera là même qu'en matière de bassins versants : les mêmes règles environnementales continueront à s'appliquer.

M. Michel Raison m'avait également posé une question sur la limite de deux fois le seuil d'autorisation, en se demandant s'il ne conviendrait pas de passer à un coefficient d'au moins 4. Je veux bien en reparler avec le Premier ministre, mais il s'agirait, pour le coup, de favoriser les très grosses exploitations, ce qui risquerait de rompre l'équilibre du décret. Je suis cependant ouvert à la discussion, mais j'ai peur de connaître la réponse...

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