Je le redis avec force, vous ne trouverez pas plus ardent défenseur de la viticulture française que l'actuel ministre de l'agriculture. Mais si je ne peux que recommander la lecture de l'excellent rapport de Mme Catherine Vautrin, qui résume parfaitement la situation, il ne faut pas non plus avoir d'inquiétude majeure pour le moment dans la mesure où effectivement, il ne devrait pas y avoir de négociation de l'OCM vitivinicole en même que la renégociation de la PAC en 2013, du moins en théorie. Des assurances m'ont en tout cas été données par la Commission : il ne doit pas y avoir de négociation avant 2014 sur ce sujet.
Il est vrai qu'en 2008 la France ne s'est pas opposée – elle s'y est même, pour être tout à fait franc, plutôt déclarée favorable – à la libéralisation ou à la suppression des droits de plantation, sous réserve cependant d'une étude d'impact préalable par la Commission et du maintien des droits au niveau national jusqu'en 2018. Aussi est-il important qu'aujourd'hui, au plus haut niveau de l'État, le Président de la République – j'ai eu l'occasion de lui en parler – donne clairement la position de notre pays sur ce sujet.
Ma position est en tout cas connue depuis le premier jour : je suis opposé à la libéralisation comme à la suppression des droits de plantation.
Si les viticulteurs, comme s'en est étonné M. François Brottes, n'ont pas suivi les propositions de la Commission en matière d'appellation d'origine, c'est parce qu'elles n'incluaient pas l'ensemble des catégories de vins. À juste titre, les viticulteurs souhaitent que tous les segments soient traités à la fois, aussi bien les AOC que les IGP ou les sans IG.
Pourquoi, finalement, est-il aussi indispensable qu'il n'y ait pas de libéralisation des droits de plantation ?
Soutenir la libéralisation des droits de plantation, a fortiori leur suppression, c'est aller à rebours de ce que nous voulons pour l'agriculture française, c'est-à-dire des produits de qualité, valorisés, garantissant un bon revenu pour les producteurs. Supprimer ou libéraliser les droits de plantation, c'est choisir le modèle inverse, celui du produit standardisé, au coût le plus bas possible, et qui inonde le marché. Ce serait pour notre pays un modèle perdant-perdant, qui ne permettrait pas de faire valoir nos différents atouts. Pour prendre l'exemple de la seule surface d'appellation AOC, qui représente en France 1,6 million d'hectares pour une surface plantée de 460 000 hectares, l'absence de droits de plantation conduira immédiatement à une mise en AOC de l'ensemble, avec au final une appellation qui ne vaudra plus rien et avec des vins sans valorisation dont la banalisation ne sera pas sans conséquences sur les revenus et qui n'arriveront pas à concurrencer ceux du reste du monde. Il faut en être conscient : avec la libéralisation des droits de plantation, c'est deux fois la surface actuelle qui pourrait être plantée en AOC – c'est-à-dire la fin de la viticulture française.
Quelles que soient les études que l'on pourra me montrer, je pense vraiment que ce n'est pas là la bonne direction à suivre, d'autant que cela conduira à une augmentation sans limite du nombre des viticulteurs, avec la perte de savoir-faire que cela implique, tous ces gens ne voulant uniquement que faire de l'argent facile. Tout le défi à relever au contraire en France est de mieux segmenter le marché entre AOC, IGP et vins sans IG sachant, comme Mme Catherine Vautrin et M. François Brottes l'ont souligné, que les interprofessions doivent être capables de fonctionner non pas par niveau de production, mais par bassin ou par région, de façon à réguler la production sur l'ensemble de l'échelle, du vin sans IG jusqu'au vin AOC le plus prestigieux.