Permettez-moi d'abord, monsieur le président, de vous présenter mes félicitations pour votre élection.
Je suis ouvert à toutes les questions des parlementaires, notamment sur le paquet « Lait ». Nous venons d'obtenir, après une bataille très difficile, un changement du droit de la concurrence européen, ce qui n'était pas arrivé depuis des années. C'est une très bonne nouvelle pour les producteurs de lait, qui vont enfin pouvoir s'organiser. Si un tiers d'entre eux veut se rassembler – alors que le seuil est jusqu'à présent fixé à 400 producteurs – pour négocier les prix avec Danone ou Lactalis, ils le peuvent désormais. Ce rééquilibrage des pouvoirs est un changement majeur.
Je tiens à le dire tout de suite, je suis totalement opposé à la suppression des droits de plantation. Il faut savoir tirer les conséquences de la crise : quand on a emprunté un mauvais chemin, il vaut mieux revenir en arrière. Je livrerai le même combat sur le vin que sur le lait.
S'agissant du décret, mon premier souci est d'améliorer la productivité de la production porcine en France. Les éleveurs de porcs font partie des agriculteurs qui souffrent le plus. Le coût du travail et de l'énergie, les normes administratives, composent un ensemble qui tend à les rendre moins compétitifs que leurs homologues allemands. Nos producteurs ont les moyens de relever la tête, mais il est urgent de prendre un certain nombre de décisions économiques.
Le projet de décret que je m'étais engagé à vous présenter avant la fin de l'année, n'est, comme son nom l'indique, qu'un projet dont nous pouvons discuter, M. Michel Raison, rapporteur de la LMAP, étant notamment présent.
Permettez-moi de redonner des chiffres que j'avais eu l'occasion de citer lors du débat sur le projet de loi : l'Allemagne, qui produisait en 1995 40 millions de porcs par an, en produit aujourd'hui 55 millions, soit une progression de 40 %. Dans le même temps, la production française n'a pas augmenté, se stabilisant à 25 millions. S'agissant du lait, nous résistons mieux, même si la concurrence reste très forte et que certaines décisions, là encore, s'imposent.
Le décret doit s'inscrire dans le respect des objectifs d'une agriculture durable, fixés par le Président de la République comme par le Premier ministre. Il respecte donc l'ensemble des règles environnementales préalables : plafonnement des épandages d'azote d'origine animale à 170 kghectare dans les zones vulnérables, en application de la directive Nitrates ; obligation d'implanter les bandes enherbées le long des cours d'eau, conformément à la loi Grenelle 2 et à l'exigence de la conditionnalité ; respect de distances d'épandage, en conformité avec la directive Nitrates ; implantation de couverts hivernaux et cultures intermédiaires pièges à nitrates (CIPAN), en conséquence de la loi Grenelle 2.
Le cadre européen est celui de deux directives, celle de 2001 relative à la prévention et à la réduction intégrées des pollutions (IPPC), et celle de 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement. Ces deux textes ont conduit à exiger de la part des États membres de lancer une étude d'impact pour les élevages intensifs et de définir des obligations, sur la base de seuils ou au cas par cas. Pour certaines activités, la directive de 2001 prévoit des seuils au-delà desquels une étude d'impact est systématique et les meilleures technologies disponibles doivent être employées – 2 000 places de porcs ou 40 000 places de volailles, l'élevage bovin n'étant pas concerné.
La réglementation française ICPE transpose ces deux directives en s'articulant sur trois régimes : le régime d'autorisation – le plus strict – impose une étude d'impact et une enquête publique, ce qui représente un coût d'environ 15 000 euros pour les exploitations concernées ; le régime d'enregistrement – c'est-à-dire une autorisation simplifiée – impose une consultation du public et, au cas par cas, suivant l'appréciation du préfet, la possibilité de basculer dans une procédure d'autorisation ; enfin, le régime le plus souple, celui de la simple déclaration, n'entraîne aucune obligation financière pour les éleveurs.
S'agissant des élevages au sens strict, le Premier ministre n'a retenu que deux types de régimes : le régime de déclaration et le régime d'autorisation. Il n'a pas souhaité revenir sur le choix de ne pas prévoir de procédure d'enregistrement, vieux de plusieurs années et auquel ont adhéré les professionnels.
Le régime d'autorisation s'applique au-delà de 450 porcs, de 150 truies, de 100 vaches laitières, de 400 bovins destinés à l'engraissement et de 30 000 volailles. Les producteurs, évidemment, estiment que ces seuils ont été fixés trop bas, ce qui empêche la modernisation des bâtiments et, partant, la compétitivité.
L'objectif du décret est de favoriser le regroupement d'élevages et de permettre la création d'installations plus compétitives, tout en respectant l'environnement et la singularité française. Je suis très germanophile, mais je pense que ce serait une erreur que de vouloir calquer les pratiques allemandes, inacceptables d'un point de vue social en France. Notre modèle n'est pas celui d'exploitations industrielles gigantesques.
Le défaut de notre système est qu'il induit un effet de seuil très net. Les exploitations se regroupent, en maintenant un effectif inférieur à 450 porcs afin de ne pas basculer dans le régime d'autorisation, au coût très élevé.
La LMAP limite la durée des procédures administratives à un an. Sur ce sujet majeur, qui importait beaucoup aux producteurs, le contrôle des parlementaires sera particulièrement efficace, puisque vous pourrez signaler aux préfets les problèmes de délivrance. La loi prévoit également des procédures simplifiées, avec trois conditions cumulables : il doit s'agir d'une modernisation ou d'un regroupement, sans effet notable sur l'environnement et sans augmentation sensible de l'effectif.
Le décret ne concerne que les élevages bovins, porcins et avicoles. La modernisation est comprise comme la mise aux normes bien-être et environnementales, l'amélioration des conditions de travail des salariés de l'installation, ou toute démarche reconnue comme positive par les pouvoirs publics, comme les plans de performance énergétique ou les plans de modernisation des bâtiments d'élevage.
Dans le cas d'un regroupement sur un site soumis à autorisation, aucune autorisation supplémentaire ne sera exigée si quatre conditions sont remplies : la variation de l'effectif total doit être inférieure à 5 % ; l'augmentation d'effectif sur le site d'accueil doit être inférieure à deux fois le seuil d'autorisation – soit 900 porcs et 200 vaches laitières ; l'effectif final ne doit pas être supérieur à deux fois l'effectif initial sur le site d'accueil ; pour des raisons de conformité avec les règles européennes, le regroupement ne doit pas conduire à un franchissement des seuils de la directive IPPC.
Dans le cas d'un regroupement sur un site soumis à déclaration, les procédures seront allégées dans les mêmes conditions que précédemment, dès lors qu'il existe une justification de conformité, en lieu et place de l'étude d'impact et qu'une consultation du public, au lieu d'une enquête publique, a été effectuée.
Le choix que nous avons fait est évidemment un choix politique, que j'assume en tant que tel. Il a été arbitré par le Premier ministre. Il consacre un équilibre entre, d'une part, la modernisation des installations et le regroupement des exploitations pour une plus grande productivité et, d'autre part, l'acceptabilité sociale de grandes unités d'élevage porcin dans notre pays.
M. le président Serge Poignant. Au nom de la Commission, je veux vous remercier pour votre action, qui vous a permis d'obtenir des dérogations dans le secteur du lait – une gageure –, et pour votre déclaration liminaire sur les droits de plantation.