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Séance en hémicycle du 30 novembre 2010 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Pierre Dupont et plusieurs de ses collègues visant à généraliser le dépistage précoce des troubles de l'audition (nos 2752, 2986).

La parole est à M. Jean-Pierre Dupont, rapporteur de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dupont

de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de la santé, mes chers collègues, la proposition de loi qui vous est présentée aujourd'hui est issue d'un long travail parlementaire et constitue un bon exemple de la coproduction législative que défend le groupe majoritaire de notre assemblée et qu'a permise la révision constitutionnelle de 2008.

Quelques explications pour commencer sur l'historique de la proposition. À l'occasion d'un colloque organisé par la Fondation Jacques Chirac et consacré notamment au handicap auditif, notre attention a été attirée sur la problématique du dépistage précoce des déficiences auditives. Aussi, en février dernier, Jean-François Copé – alors président du groupe UMP – a-t-il confié à Mme Edwige Antier, à M. Jean-François Chossy et à votre serviteur une mission sur le dépistage précoce de la surdité. Dans ce cadre, nous avons rencontré l'ensemble des acteurs de ce dossier : les experts médicaux, le ministère, la Haute Autorité de santé, le Comité consultatif national d'éthique, l'Académie de médecine, la CNAM et, bien sûr, l'ensemble des associations concernées.

En définitive, il nous est apparu indispensable, sans attendre la prochaine loi de santé publique, de rédiger la proposition de loi qui vous est proposée aujourd'hui et que la commission des affaires sociales a examinée les 16 et 23 novembre derniers. Je veux à ce propos souligner la qualité des travaux de la commission : ce sujet a fortement mobilisé les commissaires qui ont très activement participé aux débats. Je voudrais, à cette tribune, les en remercier.

Revenons maintenant au fond du dossier. Chaque année, un enfant sur 1 000 naît avec une déficience auditive et près de 800 sont diagnostiqués avant l'âge de deux ans. Bien sûr, ces déficiences auditives sont susceptibles de retentir à la fois sur toutes les acquisitions de l'éducation, sur la scolarité et l'ensemble de la vie sociale, en raison de leur impact sur les possibilités de communiquer avec autrui.

Hélas, aujourd'hui, le diagnostic de la surdité est posé en moyenne entre seize et dix-huit mois, et parfois beaucoup plus tard. Or l'ensemble de la communauté médicale considère que le dépistage et la prise en charge précoces de la surdité sont décisifs pour l'avenir de l'enfant, quels que soient le traitement et la prise en charge – appareillage, implants cochléaires, rééducation, oralisme, langue des signes française. J'insiste sur ce dernier point : il n'est en aucune manière dans nos intentions de privilégier telle ou telle forme de communication pour les enfants qui auront été diagnostiqués comme sourds ; toutes les options devront être présentées aux parents à qui il reviendra de faire un choix libre et éclairé, comme le demande le Comité consultatif national d'éthique. Tout malentendu sur ce point doit être impérativement dissipé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dupont

Plusieurs expérimentations de dépistage précoce des troubles de l'audition dans des maternités ont été mises en place avec succès ces dernières années, mais ces initiatives ne sont pas toujours bien coordonnées et sont surtout très inégalement réparties sur le territoire, ce qui aboutit à des inégalités injustifiables en termes d'accès aux soins.

C'est pourquoi les autorités scientifiques et sanitaires unanimes soulignent le bénéfice qu'il y aurait à généraliser le dépistage de la surdité chez l'enfant à certaines conditions, comme le prévoyait d'ailleurs la loi de santé publique d'août 2004. En février 2010, la Haute Autorité de santé a ainsi renouvelé sa recommandation de 2007 en faveur d'un dépistage systématique de la surdité permanente bilatérale au niveau national, rejoignant ainsi les préconisations de l'Académie nationale de médecine.

Dans le cadre de la loi de 2004, la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés expérimente depuis 2005 la faisabilité d'une généralisation du dépistage des troubles de l'audition à la maternité. Cette expérimentation, qui s'est déroulée dans six villes – Paris, Lille, Lyon, Marseille, Toulouse et Bordeaux –, visait à mettre en place un dépistage systématique en maternité et, si nécessaire, à orienter l'enfant et sa famille vers un centre de dépistage et d'orientation de la surdité.

Par ailleurs, en février 2010, le Gouvernement a annoncé un plan triennal « Surdité 2010-2012 » qui propose une série de mesures en matière de prise en charge et d'accompagnement de la surdité à tous les âges de la vie, mais ne prévoit pas la généralisation du dépistage des troubles de l'audition du nourrisson, contrairement aux préconisations des autorités sanitaires et scientifiques.

C'est pourquoi, et sans attendre la révision de la loi de santé publique de 2004, nous vous proposons de généraliser, dans un délai de deux ans, au niveau régional, le dépistage des troubles de l'audition chez le nouveau-né. Ce dépistage aura lieu en deux temps : un premier repérage à la maternité avec la méthode la plus fiable afin de permettre à l'ensemble des familles d'en bénéficier et d'éviter au mieux les erreurs de diagnostic ; en cas de suspicion de troubles de l'audition ou lorsque le premier examen n'aura pas permis d'apprécier les capacités auditives du nouveau-né, orientation avant la fin du troisième mois de l'enfant vers un centre de diagnostic, de prise en charge et d'accompagnement référent pour la réalisation d'examens complémentaires permettant d'établir un diagnostic. Un cahier des charges type, publié par décret, après avis de la Haute Autorité de santé et du Conseil national de pilotage des agences régionales de santé viendra préciser les conditions de réalisation de ce dépistage.

Un tel dépistage présenterait plusieurs avantages. Sur le plan médical, il permet de gagner un temps précieux et décisif pour le développement futur de l'enfant, quel que soit le mode de communication choisie. Sur le plan médico-économique, il permet de réduire les coûts de prise en charge et d'accompagnement d'un enfant atteint de troubles auditifs dépisté tardivement. Sur le plan social, il permet d'atteindre toutes les familles, y compris celles qui sont les plus éloignées des soins, et donc de réduire les inégalités de santé. Sur le plan pratique, la régionalisation du dépistage permet un déploiement progressif, souhaité par la plupart des acteurs concernés, dans un délai de deux ans.

Selon les estimations de la direction générale de la santé, la généralisation du dépistage coûterait environ 12 millions d'euros par an. Mais cela ne tient pas compte des économies qu'entraîneraient le dépistage et la prise en charge précoce de ce handicap. Reste que cette généralisation du dépistage devra être accompagnée d'un renforcement des structures d'accueil en aval afin d'accompagner au mieux les familles. Cela est déjà en partie prévu par le plan « Surdité » lancé par le Gouvernement, mais cette dynamique doit être impérativement amplifiée.

La commission des affaires sociales a apporté diverses modifications au texte initial, afin de lever certaines ambiguïtés de rédaction et répondre aux inquiétudes qui s'étaient fait jour au sein de la communauté sourde. Elle a précisé que, si un premier repérage avait bien lieu lorsque l'enfant était à la maternité, le diagnostic définitif n'intervenait que dans les trois premiers mois. Elle a par ailleurs souhaité réaffirmer, dans la logique de la loi de 2005, la place primordiale de la langue des signes française parmi les moyens de communication offerts aux enfants atteints de surdité.

Deux questions restent aujourd'hui en suspens, madame la secrétaire d'État. La première est celle du financement : dès la réunion de la commission, le Gouvernement a déposé un amendement levant le gage – et je vous en remercie –, mais nous souhaiterions disposer de précisions sur les financements qui seront disponibles en 2011. On sait que le Fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaires est aujourd'hui très largement sous-consommé : comptez vous puiser dans ses ressources ?

La seconde question concerne la suite du parcours parlementaire de cette proposition, qui devra être examinée très rapidement par le Sénat. Pouvez-vous nous indiquer les intentions du Gouvernement sur ce point ?

Je ne doute pas que cette proposition de loi pourra faire l'objet d'un très large consensus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la surdité chez le jeune enfant est source de désavantage en matière d'acquisition du langage et d'insertion scolaire puis professionnelle, particulièrement si elle n'a pas été détectée au cours de la période d'acquisition du langage.

Or, si le diagnostic de surdité sévère est aujourd'hui posé à un âge compris entre seize et dix-huit mois, il est beaucoup plus tardif en cas de surdité dite moyenne : il intervient quand l'enfant a quatre ans.

Le développement, au cours des dix dernières années, des méthodes objectives de dépistage des troubles de l'audition a été à l'origine, en Europe et aux États-Unis, de plusieurs programmes de dépistage de la surdité permanente néonatale, soit en maternité, soit dans les premières semaines de vie.

En France, la Haute autorité de santé a publié, en 2007, des recommandations préconisant une extension progressive du dépistage néonatal de la surdité. Elle a ensuite publié, en 2010, des recommandations pour le suivi des enfants sourds de la naissance à six ans et l'accompagnement de leurs familles.

Les seuls programmes de dépistage de la surdité permanente néonatale répertoriés ont eu lieu, entre 2005 et 2007, en maternité, dans le cadre d'un programme expérimental engagé sur six sites, comme l'a rappelé M. le rapporteur. Cette expérimentation a été financée par la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS. L'organisation et le suivi ont quant à eux été confiés à l'Association française pour le dépistage et la prévention des handicaps de l'enfant.

Une évaluation externe de ce programme a conclu à la faisabilité du dépistage dans les conditions de l'expérimentation, c'est-à-dire dans des villes comportant un CHU et des services ORL hospitaliers référents. La CNAMTS a donc décidé, au terme de l'expérimentation, de reconduire le dépistage de la surdité dans les six sites expérimentaux.

Parallèlement, d'autres programmes ont pu être mis en oeuvre dans les régions Alsace, Champagne-Ardenne, Haute-Normandie, Languedoc-Roussillon, Centre et Picardie. Ces expérimentations ont permis de montrer que le dépistage en population générale est efficient au prix d'une organisation rigoureuse, fondée notamment sur la formation des personnels de maternité, un suivi minutieux des enfants dépistés positivement à la naissance et, bien entendu, un accompagnement des parents.

De plus, l'analyse des résultats obtenus dans d'autres pays montre que la mise en place d'un dépistage systématique de la surdité permanente néonatale et la prise en charge des enfants avant l'âge de neuf mois se traduisent par de meilleures performances en termes d'acquisition du langage et des capacités de communication, par comparaison avec les situations d'absence de dépistage systématique et de prise en charge des enfants plus tardive.

Il ressort également que la prise en charge de ces enfants doit être pluridisciplinaire et se fonder sur l'information et le soutien des familles, dans le strict respect du libre choix de celles-ci quant aux modalités d'accompagnement de leur enfant.

Par conséquent, il s'agit de proposer un dépistage généralisé de la surdité en s'appuyant, d'une part, sur les maternités, de manière à garantir un dépistage de tous les enfants, et, d'autre part, sur des structures de coordination et d'accompagnement qui veilleront à proposer aux parents les différents modes de prise en charge possibles de leur enfant : prise en charge d'ordre médical, mais également prise en charge non médicalisée.

Ces structures de coordination, qui restent à créer, permettront d'offrir toutes les possibilités de prise en charge et d'accompagnement des enfants. Le cahier des charges national, qui définira les modalités d'organisation de ce dépistage, précisera ce point.

Vous souhaitez, monsieur le rapporteur, disposer de précisions sur le financement des mesures proposées. Effectivement, le Gouvernement a pris la décision de lever le gage et donc de soutenir votre proposition de loi. Je peux donc vous confirmer que le budget de 18 millions d'euros, au total, est garanti dans les budgets hospitaliers dès 2011, pour une mise en oeuvre de la généralisation du dépistage dans les deux ans suivant la publication de la loi.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

S'agissant de votre deuxième question, monsieur le rapporteur, vous savez que je ne peux pas m'engager sur une date. Mais vous pouvez compter sur moi pour veiller à ce que cette proposition de loi soit mise à l'ordre du jour du Sénat.

En définitive, il s'agit donc d'assurer non seulement la prise en charge et l'accompagnement de la surdité mais aussi, dorénavant, son dépistage systématique chez le nourrisson, sans attendre la révision de la loi de santé publique de 2004.

Ce type de dépistage permettra un diagnostic plus précoce, une prise en charge rapide et adaptée des enfants et une réduction des inégalités de santé sur le territoire en matière de dépistage de la surdité, sans pour autant remettre en cause, bien au contraire, les mesures d'accompagnement des enfants et la place primordiale de la langue des signes française parmi les moyens de communication offerts aux enfants atteints de surdité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Dans la discussion générale, la parole est à M. Roland Muzeau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le principe même d'un dépistage de la surdité plus précoce que l'actuelle moyenne nationale, qui est de seize mois, fait, bien évidemment, consensus.

La proposition de loi de nos collègues UMP visant à généraliser le dépistage néonatal des troubles de l'audition, initiative a priori de bon sens,…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

…a néanmoins suscité de nombreuses réactions, beaucoup d'incompréhension, voire une certaine opposition de membres de la communauté sourde, mais aussi du corps médical. Et pour cause !

La surdité est un handicap très singulier, un handicap de communication qui prive la personne de sa capacité de parler avec la majorité de ses semblables. N'oublions pas que le regard collectif de notre société sur la population sourde a longtemps été marqué par le lien entre parole et intelligence : on considérait les enfants sourds comme déficients et incapables d'accéder à un niveau intellectuel normal. Ce n'est que très laborieusement et très récemment qu'il a évolué, non sans laisser des traces douloureuses, grâce notamment à la reconnaissance officielle en 2005 de la langue des signes comme une langue à part entière.

Votre volonté de systématiser le dépistage néonatal hyper-précoce, à l'âge de trois jours, afin d'accélérer la prise en charge de la surdité, a fait ressurgir un fort sentiment de fragilisation de la situation de l'enfant né sourd et, par ricochet, de celle de ses parents.

La multitude de courriels que nous avons reçus de parents sourds ou même non sourds, caricaturés parfois par certains de nos collègues de droite comme « faisant la promotion exclusive de la langue des signes », comme « paraissant souhaiter une sorte de culture de la surdité », n'avait d'autre sens que d'appeler chacun de nous au respect de la liberté de choix de ces personnes, de leur liberté d'user de formes de communications non orales et de manières différentes d'être au monde.

Ces parents ne refusent pas l'oralité à leurs enfants : ils craignent simplement que la généralisation du diagnostic trop précoce ne serve à orienter quasi exclusivement les familles vers de la prise en charge médicale par appareillage pour normaliser le langage et la parole de l'enfant. Ils craignent que cette approche médico-technique réparatrice de la surdité ne se fasse au détriment de l'apprentissage de la langue signée. Si, aujourd'hui, le bilinguisme est un droit pour ces enfants, n'oublions pas que, malheureusement, tous n'ont pas la chance d'y accéder. Faute de structures spécialisées, la langue des signes, dont l'apprentissage est pourtant déterminant pour le développement cognitif et psychosocial de l'enfant, reste quasiment absente de son environnement jusqu'à ses trois ans.

Bien au-delà donc d'un enjeu étroit de santé, ce texte touche à l'éthique.

Appelé en 2007 à donner son avis sur la généralisation du dépistage néonatal de la surdité, le Conseil consultatif national d'éthique nous mettait en garde : « Les évolutions technologiques portées par la louable ambition de favoriser l'intégration de l'enfant dans l'univers des entendants en développant ses capacités d'audition et d'oralisation s'accompagnent d'une interrogation éthique que notre société ne peut se permettre de négliger. Il serait notamment regrettable que les avancées accomplies en matière de dépistage précoce et d'audiophonologie contribuent indirectement à réactiver d'anciens préjugés sur la surdité longtemps perçue comme un handicap mental. De tels préjugés [peuvent] être propagés involontairement par le choix de politiques de dépistage et de suivi trop contraignantes pour les parents et les enfants sourds, avec le risque que les progrès réalisés dans la sophistication des techniques de dépistage et de l'aide acoustique donnent lieu à une politique sanitaire standardisée, trop médicalisée et indifférente aux aspects humains des déficits auditifs. »

Cette dimension essentielle était absente de l'exposé des motifs de la proposition de loi. Nous avons été très peu nombreux à insister sur cet aspect en commission. Les arguments invoqués par Comité consultatif national d'éthique à l'appui de son avis négatif auront été déterminants dans notre décision de nous abstenir, en commission des affaires sociales, sur un texte dont l'ambition est de généraliser le dépistage de la surdité profonde dès le troisième jour après la naissance.

Désormais, après une rencontre avec le président du Comité consultatif national d'éthique, dont nous n'avons pas encore de compte rendu à ce jour, ce que je regrette profondément, le rapporteur écrit avoir « le sentiment […] que […] le dispositif de la proposition de loi pourrait répondre aux exigences de ce comité ». Je ne suis cependant pas persuadé que, s'agissant de la dimension humaine, psychologique et sociale de la prise en charge de la surdité, essentielle et tout aussi importante que la dimension médicale, les conditions qui, hier, faisaient obstacle à la généralisation du dépistage néonatal aient réellement changé. La prise en charge des coûts correspondants demeure elle aussi largement hypothétique, voire franchement compromise par le contexte de restriction budgétaire que nous connaissons. Au final, l'impréparation des conditions effectives – pédagogiques, culturelles et psychologiques – de ce dépistage systématique chez les différents acteurs risque fort, comme le redoutait en 2007 le Comité national consultatif d'éthique, de conduire aujourd'hui encore à « une médicalisation excessive de la surdité qui la réduirait à sa seule dimension fonctionnelle et organique, polarisant du même coup la prise en charge sur l'appareillage technologique ».

Avec ma collègue Jacqueline Fraysse, sans remettre en cause la légitimité d'un programme de dépistage en France de la surdité, nous avions également tenu à rappeler, le 17 novembre dernier, que le problème de la surdité ne pouvait se résumer au seul dépistage précoce. Relayant les craintes exprimées notamment par la Fédération française des sourds vis-à-vis, non du principe même d'un dépistage, mais de son caractère trop précoce et du risque de voir les enfants systématiquement aiguillés vers le seul traitement par le son, nous vous avions invité à la prudence et au respect de la liberté de choix des familles.

Nous avions développé un autre argument, avancé par les psychiatres, qui tient à la violence de l'annonce à une mère de la surdité profonde de son enfant, au lendemain de la naissance de ce dernier, au moment même où doit se tisser entre elle et lui un étroit lien psychique nécessaire au bon développement de l'enfant. On devine des conséquences pathologiques qui peuvent en découler, aussi bien pour la mère que pour l'enfant, et ce d'autant que, globalement, l'accueil de la femme au moment de l'accouchement se déshumanise de plus en plus par la faiblesse des moyens en personnels.

Nous étions seuls alors à oser exprimer nos doutes sur le moment initialement retenu pour ce dépistage, à savoir dès la naissance et non pas aux trois mois, ou aux six mois, de l'enfant, sur la finalité même du dépistage au regard de l'intérêt exclusif de l'enfant – celui-ci risque bien sûr de perdre une chance si sa surdité n'est pas dépistée le plus tôt possible, mais il risque tout autant de souffrir et de se couper de son environnement à la suite d'un appareillage hâtif par implant cochléaire –, sur les conditions enfin dans lesquelles le diagnostic serait réalisé, à savoir par des médecins ORL hospitaliers, libéraux, en présence de psychologues spécialisés dans la petite enfance.

Sur ce point, nous déplorons qu'aucun bilan précis des expérimentations en cours, dont vous avez parlé à l'instant, madame la secrétaire d'État, n'ait été communiqué préalablement à la généralisation du dépistage sur l'ensemble du territoire. Il est tout aussi préjudiciable qu'aucune leçon n'ait été tirée des remontées d'éléments défaillants dans l'organisation et la prise en charge actuelle des bébés suspectés de surdité à la naissance ainsi que de leur famille. Les tests de repérage en maternité seront-ils demain effectués par des personnels non spécialisés, comme les puéricultrices et sages-femmes, ou par des pédiatres ? En cas de suspicion de surdité, le bébé et ses parents seront-ils effectivement reçus dans un délai maximal de trois mois après la sortie de la maternité par une équipe pluridisciplinaire de professionnels dans une structure spécialisée dans le diagnostic et non rattachée au centre ORL d'implantation cochléaire, à la différence des centres de diagnostic et d'orientation de la surdité actuels ?

Quant à la levée du gage par le Gouvernement, dont vous vous félicitez, si elle permet effectivement de garantir que cet acte de dépistage ne sera pas à la charge des familles – c'est tout de même un minimum –, elle ne garantit en rien que les maternités, ou désormais les maisons de naissance démédicalisées, et les centres spécialisés dans le dépistage pourront mener à bien leur nouvelle mission sans craindre le manque de moyens humains et financiers. Vous tentez de nous faire croire qu'il sera possible demain, à crédits constants redéployés, de faire plus et mieux qu'aujourd'hui, de remplir cette nouvelle obligation, d'équiper les maternités des matériels les plus fiables possibles afin d'éviter les faux positifs et de former des équipes pluridisciplinaires au diagnostic et à l'accompagnement des familles.

Ouvertement questionnés sur la pertinence, y compris médicale, d'un acte systématique de dépistage de la surdité à trois jours de la naissance, vous avez ignoré le message de la trentaine de médecins responsables de pôles de santé, d'accueil en langue des signes française pour les personnes sourdes et malentendantes, qui rappelaient l'absence de consensus de la communauté scientifique et médicale sur le dépistage néonatal, de même que l'inexistence d'études rigoureuses prouvant que la découverte de la surdité dès les premiers jours apporte une amélioration à la qualité de vie de l'enfant.

Les auteurs de cette proposition de loi et son rapporteur ont dû toutefois consentir à organiser des auditions supplémentaires et accepter un certain nombre de modifications : il est désormais question de repérage à la maternité et de diagnostic de la surdité avant la fin du troisième mois de l'enfant. Par ailleurs, il a été précisé que ce diagnostic ne préjugeait en rien de la solution thérapeutique, et une mention spéciale a été réservée à la langue des signes.

Si nous apprécions positivement – nous n'y sommes d'ailleurs pas pour rien – l'affichage des trois mois tant celui des trois jours était vécu comme une provocation, nous ne sommes pas pour autant totalement convaincus par la sincérité de la démarche.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Dans les faits, les limites entre repérage et diagnostic seront celles que les professionnels de santé se fixeront eux-mêmes, avec les risques d'inégalités de traitement et de dérives selon les territoires.

Mais, surtout, faute de volonté doublée de moyens pour garantir des conditions dignes de l'annonce de ce handicap, pour assurer le suivi de l'enfant et de sa famille et pour permettre aux parents de faire un vrai choix éclairé, en dehors de toute pression, entre appareillage ou langue signée, comme cela a été rendu possible en Suède, le risque est grand que cette proposition de loi, au mieux, reste un voeu pieux…

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Monsieur Muzeau, je vous prie de bien vouloir conclure.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

…au pire, qu'elle nous engage sur la voie étroite et dangereuse du tout médical en raison de considérations économiques sacrifiant l'intérêt de l'enfant et le respect du droit à la différence.

Pour toutes ces raisons, nous confirmons aujourd'hui ce que j'avais annoncé en commission : nous sommes dans l'impossibilité de voter ce texte. Hormis l'un de nos collègues qui votera probablement pour la proposition de loi, nous nous abstiendrons.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Louise Fort

C'est condamner les enfants à rester dans leur bulle !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, cette proposition de loi concernant le dépistage précoce des troubles de l'audition est intéressante, car elle nous amène à réfléchir sur un problème de société et à tenter d'y apporter une solution raisonnable.

Les troubles de l'audition constituent un réel problème, perturbant l'intégration dans la société de ceux qui en sont atteints malgré la langue des signes. Celle-ci est tout à fait remarquable par ailleurs puisqu'elle permet une réelle communication pour ceux qui ont la chance de la pratiquer.

Cette proposition de loi pose toutefois plusieurs problèmes.

Son titre – proposition de loi visant à généraliser le dépistage précoce des troubles de l'audition – est-il bien choisi ? Les troubles de l'audition peuvent être congénitaux, apparaissant dès la naissance, mais ils peuvent également se manifester tout au long de la vie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Les spécialistes constatent aujourd'hui, avec l'utilisation des baladeurs et autres appareils, des troubles de l'audition chez les jeunes, qu'il convient de prévenir et de dépister. Nous savons, hélas ! que de nombreux jeunes connaîtront ce type de problèmes. Leur diagnostic précoce est donc souhaitable et il est nécessaire de mettre en oeuvre une prévention efficace.

Monsieur le rapporteur, je vous sens moins attentif à mes propos. L'audition diminue avec l'âge, mais vous êtes encore très jeune. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

On sait qu'un appareillage précoce est souhaitable chez les adultes vieillissants pour être bien toléré et efficace. Dans ces cas également, il est donc nécessaire de dépister précocement les troubles de l'audition pour inciter à l'appareillage qui favorisera la poursuite de la vie sociale

Finalement, un dépistage précoce des troubles de l'audition est souhaitable tout au long de la vie. Il aurait donc été préférable d'indiquer dans le titre de la proposition de loi qu'elle ne concernait que le dépistage précoce du nouveau-né plutôt que de laisser entendre qu'elle traitait l'ensemble du problème. Cette précision aurait pu être apportée par amendement.

Si notre système de santé est reconnu comme performant pour le soin, il est toujours médiocre pour la prévention et le dépistage. Par conséquent, il est souhaitable de prévoir le dépistage des troubles de l'audition, et il faut l'organiser pour qu'il soit effectif. Mais faut-il une loi spécifique pour le faire ? Ne devrait-on pas intégrer le dépistage dans le projet de loi de santé publique dont nous débattrons prochainement.

Faut-il une loi ou même un décret ? Nous sommes tous d'accord pour dire et répéter que nous votons trop de lois – et de surcroît trop de lois bavardes, comme le répète Pierre Méhaignerie.

Les troubles de l'audition chez le nouveau-né concernent près de mille enfants par an. Mais leur dépistage ne devrait-il pas être compris dans l'examen réalisé systématiquement par le pédiatre dans les premiers jours ? Ne recherche-t-il pas déjà, par exemple, les anomalies cardiaques ou la luxation de hanche ? N'a-t-il pas pour mission de détecter toutes les anomalies à la naissance ? Ce dépistage ne doit-il pas tout simplement figurer dans l'examen de tout nouveau-né au titre des bonnes pratiques ? N'est-ce pas ce que propose la Haute autorité de santé ? Faudra-t-il également une loi pour indiquer que l'on doit dépister la phénylcétonurie ou toute autre anomalie ? Je ne le pense pas.

Chez le nouveau-né, le dépistage des troubles de l'audition doit être systématique et faire appel aux potentiels évoqués auditifs automatisés ou, mieux encore, à la technique des oto-émissions acoustiques automatisées. Il convient donc de doter les maternités de l'appareillage approprié. Si, aujourd'hui, elles ne disposent pas de ces équipements, ce n'est pas d'une loi que nous avons besoin, mais plutôt des moyens financiers nécessaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Lorsque des troubles de l'audition ont été diagnostiqués, il convient de proposer un traitement, soit par implants cochléaires, soit par la langue des signes, après un accord entre les professionnels et les parents. L'intérêt de l'enfant, c'est de pouvoir s'intégrer dans la société ; pour cela, la communication est nécessaire. Il appartient donc aux professionnels, dans un dialogue avec les parents, de proposer le traitement souhaitable

Une remarque enfin sur la langue des signes. Celle-ci a permis à beaucoup de sourds de s'intégrer dans la société. Il n'est pas question de mettre en cause son enseignement et son utilité. Mais il est primordial également de rappeler que le dépistage précoce des troubles de l'audition, permettant un appareillage adapté et une intégration dans la société, est un objectif majeur qui nous tient à coeur.

Au nom du Nouveau Centre, je salue cette proposition de loi dont l'objectif est louable. Je la voterai…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

…tout en souhaitant que le diagnostic précoce des troubles de l'audition soit réalisé tout au long de la vie, notamment chez l'adolescent et l'adulte vieillissant, et en m'interrogeant sur la nécessité d'une loi. En effet, de mon point de vue, ce dépistage devrait plutôt s'intégrer dans les bonnes pratiques médicales lors de l'examen du nouveau-né, et la loi ne résoudra pas le problème financier d'équipement des maternités, qui relève de la volonté du ministère et de la CNAM.

Debut de section - PermalienPhoto de Edwige Antier

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je souhaite remercier très vivement mes collègues M. Jean-Pierre Dupont et M. Jean-François Chossy de m'avoir associée pleinement à la mission préparatoire à cette proposition de loi, qui a donné lieu à plus de quarante auditions.

De qui parlons-nous ? Nous parlons de trois bébés qui naissent chaque jour ; trois bébés qui restent dans le monde du silence. Ils n'entendent rien, et personne ne peut s'en douter.

Je dis bien personne, cher collègue Jean-Luc Préel. C'est un pédiatre de maternité qui vous l'affirme. Oui, nous pouvons écouter un coeur avec nos stéthoscopes ; oui, nous pouvons palper les hanches avec nos mains, mais personne ne peut savoir qu'un bébé n'entend pas. Il peut très bien sursauter à un claquement de porte, mais ce ne sont pas les mêmes vibrations que les bruits de la voix humaine.

Personne, ni ses parents ni les médecins, ne sait qu'un bébé n'entend pas. Tous l'ignoreront jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge où la parole ne viendra pas, lorsque l'on s'étonnera que l'enfant ne parle pas, vers dix-huit mois, parfois deux ans. Que de temps perdu ! Pendant toute cette période, il passera pour un enfant désobéissant, un enfant bruyant, un enfant qui n'écoute pas. On se fâchera, pour le moins, et personne ne le comprendra. Et comme il n'entend rien, ses circuits de la parole ne sont pas stimulés : autrement dit, il perd une compétence dont disposait. En effet, ce n'est pas parce l'enfant est sourd que son cerveau n'a pas les circuits de la parole.

Mes chers collègues, vous avez montré en commission combien vous étiez tous sensibles à ce problème grave. Vous êtes d'accord pour le dépistage, mais vous êtes troublés par plusieurs questions.

Premièrement, suspecter le risque de surdité dès les premiers jours va-t-il nuire à l'attachement de la mère à son enfant ?

Mes quarante ans de pratique pédiatrique en maternité me permettent de vous dire que non : une mère aime son enfant tel qu'il est. Cela est confirmé par l'expérience de la région Champagne-Ardenne : les 100 000 mamans auxquelles on a proposé le dépistage ont répondu oui à 99 %. Les soixante-douze bébés dépistés comme n'entendant pas ont été ensuite bien accompagnés par leurs parents tout au long de leur développement.

Deuxième question : pourquoi un dépistage dès la maternité ?

Tout d'abord, parce que, par la suite, les bébés sont perdus de vue. Ils ne reviennent pas se faire tester, même s'ils consultent pour des vaccinations ou un suivi. Pour parvenir à très faible nombre de faux positifs, il faut utiliser un équipement très spécifique – et non les oto-émissions comme le suggérait Jean-Luc Préel. La loi permettra d'équiper toutes les maternités, mais il ne sera pas possible d'effectuer cet examen chez tous les pédiatres ou chez tous les généralistes. J'ai connu des enfants pour lesquels un doute existait : on avait vraiment beaucoup de mal à amener les parents à effectuer les tests.

Les tests proposés par le texte sont aujourd'hui beaucoup plus fiables que ceux qui existaient auparavant et qui sont encore utilisés à la va-comme-je-te-pousse dans certaines maternités à la demande des parents.

Les parents avertis, même en cas d'un simple doute, chercheront à communiquer davantage par gestes et mimiques, grâce à la langue des signes, avec leur nouveau-né en quête de message, qui veut savoir ce qu'il fait dans ce monde. On dit qu'un bébé est en stratégie de recherche : il cherche à capter, mais là, il n'entend pas. Si ces parents le savent, ils s'efforceront immédiatement d'être plus en phase et en communication avec lui en utilisant des mimiques, et on les y aidera en les accompagnant. Voudriez-vous priver ce bébé de tout cela ?

Troisième interrogation : la langue française des signes risque-t-elle de ne plus être reconnue ?

L'émotion est grande chez les parents et chez les enfants concernés, ils ont déjà tellement souffert de ne pas être compris dans leur besoin de communiquer par signes. Durant les travaux de la mission, nous les avons reçus et nous en avons entendu un très grand nombre. Ces parents seront associés dès le dépistage au sein des CDOS dont nous a parlé Jean-Pierre Dupont.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Madame Antier, il faut vous acheminer vers votre conclusion.

Debut de section - PermalienPhoto de Edwige Antier

La langue des signes est une richesse pour le bébé sourd. Le bilinguisme, selon qu'il se trouve avec d'autres sourds ou avec des entendants, lui sera d'autant plus facile que ses parents auront été encouragés précocement à communiquer par gestes avec lui.

Enfin, pourquoi une loi, s'est interrogé Jean-Luc Préel ? Une simple directive ministérielle n'aurait-elle pas suffi ? L'expérimentation menée par la Caisse nationale d'assurance maladie dans des régions témoins nous a beaucoup encouragés dans cette démarche. En effet, sans loi, il n'y a pas d'universalité des moyens, et l'accompagnement des parents par des équipes spécialisées ne se ferait pas. On bricolerait, avec de mauvais textes et du personnel non formé, et l'on continuerait de lâcher dans la nature des parents dans le désarroi.

Debut de section - PermalienPhoto de Edwige Antier

Cette loi sera emblématique du dépistage des handicaps, souvent bien tardif dans notre pays. C'est pourquoi je veux remercier le Premier ministre, François Fillon, qui a su dégager les fonds nécessaires, 9 millions d'euros, pour la formation des équipes et le suivi des enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de Edwige Antier

Mes chers collègues, je vous demande de reconnaître toute personne comme elle est. Si vous ne votez pas la proposition de loi, c'est que vous ne reconnaissez pas le bébé comme une personne. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Renucci

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le regard de la société sur la surdité a évolué, laborieusement mais favorablement, au cours des dernières décennies, grâce à la forte implication des familles et des associations.

Alors que les innovations scientifiques et technologiques sont généralement saluées comme des progrès par l'opinion, une partie de la population sourde s'inquiète d'une éventuelle remise en cause du choix des parents en cas d'application trop directive du dépistage précoce des déficits auditifs et du mode de traitement préconisé. La différence de situation dans laquelle se trouve l'enfant sourd, selon que ses parents sont eux-mêmes sourds ou entendants, est considérable. Au cours des nombreuses auditions menées ces dernières semaines, nous avons été alertés par les inquiétudes des familles. La Fédération nationale des sourds et l'ANPEDA ont ainsi exprimé leur crainte d'une trop grande médicalisation et d'une « filiérisation » de la surdité. À toutes ces familles, je veux dire qu'il ne s'agit pas, ici, de leur forcer la main en imposant une solution thérapeutique.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Renucci

Nous partageons tous le souci de promouvoir un repérage précoce afin d'assurer un meilleur suivi et une plus grande égalité d'accès aux soins.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Renucci

Le concept de dépistage précoce de la surdité, souhaité par les uns mais vécu par les autres comme une intrusion inacceptable, est frappé d'une ambiguïté majeure. Dans le monde du handicap, il faut savoir être accueilli, mais aussi consentir l'effort que cela suppose, par le fait que ceux qui vous accueillent n'ont pas forcément vos références. C'est ce qui explique que la situation, telle qu'elle se présente aujourd'hui, est une situation de conflit émotionnel. N'oublions pas que l'acquisition des outils de communication – le langage des signes, le langage oral, la technologie qui arrive – entre parents et enfants est toujours le fruit d'un effort. C'est un parcours de souffrance dont on cherche à se protéger, et les familles voient la technologie comme un frein à ce que parents et enfants ont vécu ensemble. C'est pourquoi j'appréhende cette question avec beaucoup d'humilité. Ceux de nos collègues qui ont des enfants sourds nous ont d'ailleurs été d'un grand secours ; en les écoutant, on se rend compte que, même en ayant raison, on n'a pas forcément raison… Et au bout du compte, il faut choisir : Camus choisissait sa mère ; nous, nous choisissons les enfants.

Le repérage précoce ne doit pas avoir pour seul objet de hâter l'implantation cochléaire. Il doit permettre de réfléchir à une prise en charge personnalisée, qui offre plusieurs possibilités. Encore une fois, c'est l'intérêt de l'enfant qui doit servir de fil conducteur. La légitimité d'un programme de repérage précoce en France se justifie d'autant plus que l'âge moyen de diagnostic de surdité profonde – seize mois – demeure beaucoup trop tardif, comparé aux autres pays européens. J'ai cru comprendre que nous serions derrière l'Albanie… Je n'ai rien contre les Albanais, mais tout de même !

L'objectif de la proposition de loi est donc louable : en insistant sur le temps gagné pour le développement futur de l'enfant, elle permettra de réduire le coût d'une prise en charge tardive et d'atteindre toutes les familles, y compris les plus éloignées du système de soins. En effet, si le dépistage n'intervient pas dans les maternités, beaucoup d'enfants sourds seront perdus de vue, et pour longtemps.

Par ailleurs, ce repérage recouvre une autre réalité, celle des surdités syndromiques et des surdités unilatérales. Nombre d'enfants sourds souffrent en effet de pathologies associées, que seul le repérage permet de détecter. Ce repérage, qui conduira à un diagnostic plus poussé, doit être considéré comme un atout pour l'enfant. Il permet de repérer un enfant sur cent ; parmi les enfants repérés, un sur dix est dépisté comme sourd.

Rappelons qu'il existe différents types de surdité : la surdité moyenne peut être traitée par l'apprentissage de la langue orale, un appareillage et la langue des signes ; la surdité sévère nécessite un appareillage, l'apprentissage de la langue des signes et de la langue orale – on voit qu'il n'y a pas d'opposition entre les différents modes de communication. La surdité profonde enfin, plus rare, nécessite un implant et l'apprentissage de la langue des signes.

Toutes les possibilités offertes doivent être promues et portées à la connaissance des parents. En tout état de cause, nous devons encourager le bilinguisme : le cortex cérébral est composé de trois parties et, tout comme le bilinguisme français-anglais ou autre, l'apprentissage précoce d'une langue est bénéfique au développement psychomoteur de l'enfant. C'est un élément essentiel du développement cérébral de l'enfant. Enfin, il faut respecter la liberté de choix des parents tout en leur offrant des moyens d'information sur tous les modes de communication possible.

Je me permets de citer un extrait de l'avis 103 du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé, que j'interprète comme favorable au repérage : « La question éthique du dépistage néonatal de la surdité dépasse largement la seule dimension fonctionnelle et organique. L'humanité d'une personne s'accomplit dans une diversité d'interactions sociales et d'échanges avec ses semblables, où la langue orale joue évidemment un rôle majeur. Mais il ne faut pas oublier qu'un enfant sourd appareillé n'est pas aussi bien entendant que les autres. » Je serais tenté d'ajouter : et pour cause. La surdité est une barrière et l'appareillage ne la fera jamais tomber complètement. Il faut simplement s'organiser avec les familles afin qu'il soit mieux accueilli ; c'est ce que j'appelle lever les ambiguïtés.

« La richesse de la langue des signes, poursuit le Conseil, restera pour lui un élément essentiel de communication, même après la pose d'un implant – et je rappelle que les implants sont rares. Ainsi, non seulement implant et langue des signes ne sont pas contradictoires, mais ils sont essentiels dans leur conjonction ».

Ce texte sera une première étape, une étape fondatrice, mais qui ne saurait suffire. Rappelons que, neuf mois après l'annonce du plan gouvernemental Handicap auditif 2010-2012, une seule des vingt mesures qui devaient être prises au cours de l'année 2010 l'a été. On a le sentiment que tout cela va très vite. En tout cas, nous avons été surpris, voire débordés, par la levée de boucliers des familles de malentendants, qui ont vécu cela comme une agression. Dans un tel cas, même si l'on a raison, il faut s'interroger.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Renucci

Lorsque les hommes s'interrogent, ils se rapprochent les uns des autres. Or cette proposition de loi arrive, hélas ! après de nombreux rapports qui montrent que les malentendants sont nombreux – on l'a encore vu à l'occasion de la loi sur les retraites (Sourires)…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

Non, Simon, pas sur ce sujet ! Ou alors, ils sont plus nombreux de ce côté de l'hémicycle que de l'autre !

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Renucci

Si nous parvenons à établir un rapport de confiance en convaincant que notre vote ne traduit pas un choix pour ou contre telle action, ce vote sera constructif. Nous devons donc nous entourer de toutes les garanties pour que l'adoption de ce texte ait un sens positif.

M. le rapporteur lui-même a rappelé en commission la nécessité de renforcer les structures d'accueil. Ce point me semble fondamental. Les associations auditionnées ont toutes insisté sur la difficulté des parcours des familles. Notre rôle est de répondre à leurs attentes, de nous assurer que cette proposition de repérage n'est pas qu'une annonce, mais bien le début d'une véritable prise en charge au sein de structures suffisamment nombreuses et prêtes à aider les enfants ainsi que leur famille.

Les inquiétudes des familles sont fondées. En effet, la création de 480 nouvelles places dans les services d'accompagnement familial et d'éducation précoce – SAFEP – et de trois nouveaux centres d'action médico-sociale précoce – CAMPS – a été reportée. Par ailleurs, des classes d'intégration scolaire ont été supprimées et de nombreux auxiliaires de vie scolaire n'ont pas vu leur contrat renouvelé ; je précise que ceux dont le contrat a été renouvelé peuvent bénéficier, en Corse, dans le cadre du CNFPT, d'une formation en langue des signes.

La mobilisation doit être générale et, ce qui n'est pas le cas, le climat apaisé. Or, ces éléments n'instaurent pas un climat de confiance. À cet égard, le texte demeure incomplet, car la surdité ne doit pas être qu'une question de repérage, mais aussi une question de santé publique, de scolarisation, d'apprentissage et d'éducation. Néanmoins, je reste persuadé qu'il peut être une première étape importante pour une meilleure reconnaissance et une meilleure prise en charge.

Le choix parmi les différents modes de communication et la décision d'appareiller ou non les enfants sourds sont conditionnés par le type de surdité, mais ils doivent en définitive revenir aux parents, dans le cadre d'un dialogue avec les professionnels. Les parents et l'environnement familial de l'enfant déterminent le traitement qu'ils estiment le plus approprié. Encore une fois, les choses sont différentes selon que l'on a affaire à un enfant malentendant dans une famille d'entendants ou à un enfant entendant dans une famille de malentendants. C'est là toute la difficulté.

Notre devoir est d'encourager et de soutenir l'ensemble des modes de communications, qui sont tous nécessaires et doivent tous être promus. C'est pourquoi les familles ont besoin d'information, de personnels adaptés, d'accompagnement, de moyens et, surtout, d'un climat de confiance, car la pratique de la médecine est toujours fondée sur une relation de confiance.

Nous devons nous efforcer d'améliorer notre compréhension du monde du handicap, pour faire le parcours avec les familles et pour les familles. N'oublions pas, en effet, que ce sont elles qui font ce parcours ; évitons donc toute intrusion. J'espère que vous aurez pardonné mes nombreuses digressions, mais c'est un sujet qui me passionne : car pour moi, cela a été la vie de tous les jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Chossy

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, quand Jean-Pierre Dupont m'a demandé de cosigner sa proposition de loi, j'ai accepté avec enthousiasme : non seulement elle s'inscrit dans la parfaite continuité de la loi de 2005, mais c'est une première réponse aux objectifs du plan 2010-2012. Il faut, en effet, aller au bout des choses. Mais il faut commencer par le commencement : le dépistage précoce de la surdité.

J'ai rapproché cette démarche de celle dont j'entends parler en permanence lorsque je rencontre des familles de jeunes autistes. On me dit sans arrêt qu'un dépistage précoce de ce handicap qu'est l'autisme est nécessaire, afin d'assurer à l'enfant un accompagnement qui lui permettra de se socialiser et d'entrer en communication avec les autres. Celle que nous propose Jean-Pierre Dupont est identique : son objectif de dépister le jeune enfant sourd le plus tôt possible pour lui permettre d'entrer en communication avec les autres le plus facilement possible. Voilà pourquoi j'ai accepté avec joie d'être associé à cette proposition de loi que je trouve judicieuse et utile à la société.

Bien entendu, nous nous heurtons à quelques spécificités. Lorsqu'on est sourd ou malentendant, on a plusieurs moyens d'entrer en communication. Il y a, tout d'abord, le langage des signes, reconnu comme une langue à part entière par l'article 75 de la loi de 2005, dont j'étais le rapporteur. Ce n'était pas rien ; il a fallu convaincre.

Si nous l'avons fait en 2005, ce n'est pas pour le défaire aujourd'hui, en déclarant la fin du langage des signes. Le diagnostic précoce ne doit pas conduire à ne plus s'intéresser qu'à l'implant cochléaire ou autre appareillage. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.) Nous devons continuer à nous intéresser au langage des signes et à faire en sorte qu'il soit utilisé – c'est aussi pour cette raison que je suis monté à la tribune aujourd'hui.

Je veux transmettre à notre assemblée un témoignage que je crois être représentatif des nombreux messages que nous avons reçus. Une maman m'a fait part de ses craintes : informer trop tôt les parents de la surdité de leur enfant pourrait rompre le lien entre mère et enfant en déclenchant un rejet du bébé, inciter à l'acharnement médical, ou encore pousser à l'implantation de l'enfant en oubliant d'informer les parents sur l'existence de la langue des signes française. Or il ne s'agit pas du tout de cela : la préoccupation des porteurs de cette loi est justement de permettre d'identifier le handicap le plus tôt possible, afin de l'accompagner de la meilleure façon.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Chossy

Si cela doit passer par le langage des signes, c'est un bon signe. (Sourires.) Si cela doit passer par d'autres choix, il faut accompagner les parents dans leurs recherches ; ils doivent pouvoir obtenir les explications nécessaires afin de prendre la bonne décision. C'est aussi le sens de cette proposition de loi : faire en sorte que les parents ne soient pas isolés ; que le désarroi qu'ils vont ressentir à l'annonce du handicap de leur enfant soit accompagné ; que toutes les dimensions du problème leur soient exposées, notamment le risque de voir leur enfant s'enfermer dans l'isolement mais aussi, à l'inverse, la possibilité qu'il aura de s'exprimer s'il est aidé.

Le Premier ministre m'a confié une mission sur l'évolution des mentalités et le changement de regard de la société sur le handicap. Pour faire évoluer les mentalités et changer le regard sur le handicap, il faut se préoccuper le plus tôt possible des signes qui définissent ce handicap. La proposition dont nous débattons permet d'ouvrir le débat et de faire comprendre que plus tôt on saura, mieux on accompagnera. Telle est la démarche que nous vous proposons, une démarche dépassionnée, qui ne justifie pas les nombreux courriels s'alarmant d'une possible disparition de la langue des signes. Aux personnes inquiètes, je veux dire qu'il n'est absolument pas dans l'intention du législateur de mettre fin à l'utilisation de la langue des signes. Notre seule intention est d'accompagner l'enfant, dès son plus jeune âge, afin qu'il puisse ouvrir son existence aux autres, être accepté par les autres, vivre sa vie comme les autres.

Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, d'avoir bien compris l'intention de notre proposition et de la soutenir en lui donnant des moyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens à associer à cette intervention ma collègue, Martine Carrillon-Couvreur, qui s'est beaucoup investie sur ce sujet.

En prenant connaissance du texte dont nous débattons aujourd'hui, j'ai pensé qu'il représentait un certain progrès, puisqu'il permettait d'améliorer le dépistage plus précoce de troubles de l'audition. Il s'agissait ainsi d'informer plus rapidement les parents des difficultés auditives rencontrées par leur enfant. Nous savons qu'un enfant sur 1 000 naît avec une déficience auditive. La question du dépistage méritait donc d'être posée.

Nos travaux en commission, les échanges que nous avons pu avoir avec des représentants d'associations, avec des familles, ainsi que la lecture d'un abondant courrier électronique, nous ont fortement interrogés. Il faut en convenir, le sujet est plus complexe qu'il n'y paraît au premier abord. En effet, loin de faire l'unanimité que nous imaginions a priori, ce texte soulève de nombreuses questions, des inquiétudes et, pour certains, une vive opposition.

Je crois que nous devons donc porter une attention particulière à ces hommes et ces femmes malentendants, sourds et sourdes eux-mêmes ou parents d'enfants sourds, qui ne comprennent pas les objectifs de cette proposition de loi et nous font part de leurs craintes. À cet égard, je souhaite que vous puissiez lever toute ambiguïté.

Ce qu'il faut retenir en premier lieu, c'est que le dépistage en lui-même n'est pas remis en cause. La nécessité de ce dépistage est reconnue – sauf, peut-être, en ce qui concerne le moment et les conditions dans lesquelles il est effectué. Doit-il être pratiqué dans les quelques jours qui suivent la naissance, ou peut-on attendre les trois mois de l'enfant ? Cette question est importante, d'une part parce qu'il faut que le test de dépistage soit efficace – or, certains émettent une réserve sur un test pratiqué dans les tout premiers jours de l'enfant, estimant que la fiabilité des tests est plus grande à trois mois. D'autre part, parce qu'il convient de bien considérer l'impact psychologique sur les tout jeunes parents d'un diagnostic de surdité sur leur enfant nouveau-né.

Ne serait-il pas préférable que le diagnostic soit porté une fois le lien mère-enfant et père-enfant établi ? Commencer la relation avec le nouveau-né par cette annonce difficile constitue un facteur assez déstabilisant pour les parents et est facteur de risques majeurs de troubles psychopathologiques pour l'enfant. Malgré le professionnalisme des équipes dans les maternités, il ne faut pas sous-estimer le choc ressenti par les parents à qui on annonce la surdité de leur enfant – d'autant que rien ne garantit qu'ils bénéficieront d'un suivi psychologique adapté. Un dépistage un peu décalé dans le temps pourrait donc s'avérer plus judicieux.

Par ailleurs, il est important que cet examen reste facultatif, que les parents aient la possibilité de le refuser (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et, bien entendu, qu'il ne soit pas à la charge des familles, mais bien financé par l'assurance maladie.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Vous vous enfermez dans des positions politiciennes !

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Robinet

Vous ne pouvez pas croire à ce que vous dites !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Sur ce point, vous avez apporté des garanties, madame la secrétaire d'État, mais nous attendons toujours des garanties du Gouvernement sur la mise en place des structures d'accueil nécessaires et des équipes de professionnels. En tout état de cause, les fonds que vous proposez d'engager ne sont pas à la hauteur des attentes des familles.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Vous avez engagé des expérimentations visant la proposition systématique des dépistages sur un certain nombre de sites. Nous aimerions connaître les résultats de cette mesure.

J'en viens maintenant aux inquiétudes soulevées par les suites réservées au dépistage. Il ne faudrait pas que le dépistage révélant une surdité ne se traduise que par une seule réponse médicale. Il est indispensable qu'à ce stade, les parents puissent d'abord bénéficier d'un accompagnement psychologique, ensuite d'une information complète, et pas uniquement médicale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Calmez-vous ! j'ai tout de même le droit de dire ce que je veux !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Des garanties doivent être apportées pour qu'il n'y ait pas de suspicion sur les objectifs mêmes du texte. Il ne s'agit pas de privilégier une solution systématiquement médicale, polarisant la prise en charge des problèmes auditifs sur l'appareillage technologique ou la chirurgie, mais de donner aux parents un libre choix pour une communication orale ou une communication bilingue, qu'il s'agisse de la langue des signes ou de la langue française orale. Pour cela, il faut permettre une large information, notamment par les associations. Nous souhaitons, là encore, que le Gouvernement et la majorité nous donnent des garanties en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Enfin, il me paraît très important de poser la question des moyens mis en oeuvre par l'État pour permettre une bonne intégration des sourds et malentendants dans la société.

Il ne suffit pas de pousser au dépistage précoce sans se poser la question de l'insertion à part entière de ces enfants dans le système scolaire et de leur accès à la formation, à la culture, au sport et, plus tard, à l'emploi. La vraie question consiste à se demander comment garantir l'égalité réelle, comment permettre à des enfants malentendants de devenir des citoyens à part entière.

Alors que le gouvernement supprime des AVS dans les écoles…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

…et que de nombreux parents attendent des mois, voire plus d'un an pour obtenir des prises en charge, ce qui pénalise les enfants et remet en question tous les efforts consentis, les parents sont trop souvent laissés dans une extrême solitude. C'est à ces questions essentielles que le Gouvernement ne répond pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

…mais le dépistage n'est pas une fin en soi : il doit être le premier jour d'un véritable accompagnement, d'une véritable prise en charge.

Parce que ces éléments n'existent pas aujourd'hui, parce que c'est bien l'environnement inadapté qui crée la situation de handicap pour la personne, parce qu'il n'y a pas de véritable politique permettant l'égalité réelle, le groupe socialiste s'abstiendra en première lecture. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Carrillon-Couvreur

Ils ne nous laissent même plus le droit de nous exprimer !

Debut de section - PermalienPhoto de Marianne Dubois

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, jamais nos collègues, en présentant cette proposition de loi, ne se seraient attendus à une telle levée de boucliers de la part de la population sourde et à de telles interrogations de la part de certains députés. Par centaines, des courriels nous ont été envoyés, venant d'associations, ou de particuliers sourds.

Face à l'incompréhension des députés, j'ai souhaité réagir, et je remercie le président Bernard Accoyer d'avoir pu rendre accessible ce débat au sein de l'hémicycle. En effet des personnes sourdes sont présentes dans le public et peuvent bénéficier d'une traduction via le canal interne télévisé, c'est une première. Je leur souhaite la bienvenue.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Mais si !

Debut de section - PermalienPhoto de Marianne Dubois

Mère d'un fils de trente ans, sourd profond de naissance, j'aimerais apporter un éclairage sur le sujet qui nous préoccupe. Le repérage de la surdité chez le nourrisson est une démarche intéressante, et je salue initiative de cette proposition de loi de nos trois collègues.

Cependant, tout n'est pas si simple. La population sourde a développé, depuis le milieu du XVIIIe siècle, un mode de communication original : la langue des signes, une langue à part entière, où des images et des actions sont signées avec les mains. Au fil des années, cette langue a connu bien des entraves, jusqu'à son interdiction décrétée dans un congrès réunissant des pédagogues censés se prononcer sur la meilleure méthode pour instruire les sourds et muets, comme on disait à l'époque : c'est le fameux congrès de Milan de 1880.

La langue des signes ayant été interdite en France jusqu'en 1991, avec la mise à l'écart des enseignants sourds et l'éradication des gestes, les sourds ont dû oraliser, de gré ou de force, pour entrer dans la normalité, s'intégrer, s'immerger en milieu ordinaire. Les enseignants sourds ont émigré et sont à l'origine de la diffusion de la langue des signes dans le monde, en particulier aux États-unis.

Depuis cette période funeste pour le monde des sourds, l'oralisation a été et est toujours présentée, de manière trompeuse, comme le remède permettant la guérison, et les parents ont été fortement invités à se détourner des gestes. Fort heureusement, la langue des signes n'a pas disparu ; elle a toujours été utilisée au sein des familles sourdes et dans la cour de récréation des institutions spécialisées.

Après ce bref historique, vous comprendrez que les sourds ont eu un passé extrêmement douloureux, qui explique cette grande méfiance pour le milieu médical ou paramédical spécialisé. Ils ne se sentent ni malades ni diminués. Ils ne veulent ni entrer dans la normalité coûte que coûte, ni être dépossédés de leur identité. Ils revendiquent leur droit à la différence, une identité sourde et une culture sourde.

Ils sont contraints de recourir à des manifestations originales, consistant par exemple à procéder à des envois massifs de courriels ou à brûler leurs cartes d'électeurs au moment des élections, car les débats politiques ne sont que très rarement traduits.

Les sourds sont pourtant des Français comme les autres et c'est aussi à nous de les associer dans la vie citoyenne à tous les niveaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Marianne Dubois

Le vote de cette proposition de loi doit s'accompagner des garanties et moyens nécessaires à une information détaillée à la naissance auprès des parents pour une meilleure orientation.

Il ne faut plus que cette orientation soit exclusivement tournée vers le milieu entendant, avec une forte pression médicale en faveur d'une opération chirurgicale consistant à placer des électrodes dans le cerveau ou des implants cochléaires.

Opérations et appareillages entraînent une lourde prise en charge de l'enfant par une rééducation orthophonique : le jeune sourd apprend le français pendant de longues années d'efforts et, parfois, de souffrance. Selon le degré de surdité, le résultat est incertain et la déception peut être grande. Le jeune se trouve alors entre deux mondes et ne trouve pas sa place : même s'il parle, il reste sourd. Le bilinguisme doit être la solution, avec l'apprentissage de notre langue et celle des signes. Il est prouvé que l'enfant sourd développe mieux sa communication orale lorsqu'il utilise aussi la LSF. Ces deux moyens de communication sont complémentaires, et non en opposition.

La loi du 11 février 2005, en son article 75, reconnaît cette langue comme langue à part entière. Mais qu'en est-il réellement ? C'est un magnifique patrimoine culturel qu'il faut préserver, promouvoir et valoriser. Je souhaite que la langue des signes trouve enfin réellement et naturellement sa place dans notre société ; que nous soyons tous sensibilisés ; qu'elle soit utilisée dans les lieux de petite enfance et enfance – crèches, écoles maternelles, garderies –, à l'image de certains pays anglo-saxons. Signalons qu'aux États-Unis, cette langue s'est développée sans tabou et se classe dans les premières langues enseignées.

Le repérage précoce de la surdité chez les nourrissons peut être un gain de temps. Les parents, très sensibilisés en amont, pourront s'informer et acquérir sans précipitation et appréhension les premiers gestes.

Enfin, la crainte qu'une maman entendante puisse se détourner de son bébé à l'annonce de la surdité me paraît très exagérée.

Debut de section - PermalienPhoto de Marianne Dubois

Certes, il est douloureux de faire le deuil de l'enfant idéalisé et normalisé, mais qui sont les meilleurs défenseurs des enfants handicapés ou différents, sinon les parents ? Qu'ils soient dans des associations ou isolés, ils ne reculent devant aucun obstacle pour donner le meilleur ou ce qu'ils pensent être le meilleur pour leur enfant. Mais pour donner le meilleur, encore faut-il qu'ils aient reçu une information objective et détaillée des orientations, de leur mise en place et des possibilités de résultats. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élie Aboud

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je suis heureux de voir le législateur se pencher enfin sur un problème majeur de santé publique, malheureusement assez méconnu de la population et des médias. La déficience auditive largement ignorée chez les jeunes enfants est un réel problème qui touche toutes les acquisitions sociales et scolaires extrêmement utiles à cet âge.

Comme vous tous, j'ai pu néanmoins mesurer l'impact mitigé de cette proposition de loi dans le monde associatif des malentendants. Comme l'a si justement fait observer Simon Renucci, il s'agit là d'un débat émotionnel. Mais en disant certaines vérités, nous ne manquons de respect à personne. Je félicite quant à moi le rapporteur et mes collègues cosignataires de cette proposition de loi qui ont proposé de généraliser le dépistage précoce des troubles de l'audition.

De par mon expérience de praticien, et à la suite de discussions avec mes collègues ORL, j'ai pu mesurer la gravité d'une situation qui conduit parfois ces enfants à rester durant des mois dans des centres de pédopsychatrie alors qu'ils n'avaient aucun problème comportemental : ils souffraient tout simplement d'un problème organique méconnu depuis la naissance.

Je suis satisfait que la Haute autorité de santé ait renouvelé récemment ses recommandations en faveur d'un dépistage systématique de la surdité permanente bilatérale au niveau national, rejoignant ainsi les préconisations de l'Académie nationale de médecine. Même si ce dépistage était effectué dans certains centres, il était temps, mes chers collègues, que la règle s'applique à tous dans un cadre législatif.

Je ne voudrais pas porter de jugement sur le mauvais accueil du monde associatif à l'égard de cette proposition de loi. Cela montre en tout cas qu'il nous faut être très pédagogues. Il ne s'agit pas pour nous en effet de prendre des mesures contre la culture et les habitudes des sourds : nous sommes dans une démarche de santé publique, une démarche cohérente et nécessaire dans un pays où l'égalité des chances doit s'appliquer partout – cette égalité des chances qui vous est chère, chers collègues socialistes…

Debut de section - PermalienPhoto de Élie Aboud

Justement, et en nous accusant ! Je ne comprends donc pas votre décision de ne pas voter ce texte.

Du reste, la régionalisation du dépistage va permettre un déploiement progressif dans un délai de deux ans, ainsi que le souhaitent les acteurs concernés.

Mes chers collègues, nous ne pouvons nous prévaloir d'avoir le meilleur système de santé au monde et être les derniers à nous impliquer dans une préventologie utile. Utile d'abord pour les enfants et leur avenir tant médical que social, utile sur le plan médico-économique, en réduisant les coûts de prise en charge avec une détection précoce, utile enfin sur le plan moral dans une société moderne, égalitaire et juste. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 1er.

La parole est à M. Gérard Gaudron.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Gaudron

Cette proposition de loi est extrêmement intéressante et il convient de saluer cette initiative et ceux qui l'ont portée. Elle touchera tous les nouveau-nés. Je maintiens toutefois qu'il faudra également prévoir un dépistage pour les adolescents. À la suite d'une rencontre avec des enseignants, inquiets de voir monter les troubles de l'audition dans leurs effectifs, j'ai ainsi déposé, il y a quelque temps, une proposition de loi relative à la prévention des troubles de l'audition des jeunes en milieu scolaire. Je suis convaincu qu'un dépistage organisé, en plus du dépistage précoce, est indispensable.

Comme chacun le sait, les troubles de l'audition connaissent en effet une hausse exponentielle au point de devenir un réel problème de santé publique. Cela est dû par exemple à certaines pratiques de loisir, comme l'utilisation de baladeurs MP3 qui ont des effets notoirement préjudiciables pour l'ouïe.

Quelque 30 000 enfants en âge d'aller à l'école sont malentendants. Leur surdité était souvent passée inaperçue et la proposition de loi déposée par nos collègues répond à une préoccupation de santé publique : plus le dépistage intervient tôt, plus l'accompagnement pourra être efficace. Il faut néanmoins aller plus loin car la surdité peut se déclarer beaucoup plus tard. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement après l'article 1er tendant à élargir ce dépistage au milieu scolaire grâce à une information généralisée avant que nous n'organisions un dépistage systématique chez les adolescents.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

Cette proposition de loi nous interpelle tous. Elle touche à l'affectif, comme c'est le cas chaque fois qu'il est question de personnes atteintes d'un handicap.

Après Jean-François Chossy, je tiens à rappeler que nous avions majoritairement approuvé la loi relative au handicap de 2005, qui prévoyait précisément la défense et la promotion de la langue des signes. Cette mention avait recueilli l'assentiment des associations et de tous les malentendants. Cela constituait un réel progrès.

Comme je l'ai dit en commission, j'ai eu pour ma part le plaisir et la joie de faire élire un conseiller municipal – également conseiller communautaire – malentendant. Il est responsable des problèmes du handicap dans la ville que je dirige. Grâce à lui, nous avons ouvert un site public, Websourd, qui permet d'assurer de la visio-interprétation via internet. Je tenais à lui rendre hommage ici, ce soir.

Alors que cette proposition de loi semble aller dans le bon sens, nous avons été surpris par l'avalanche de mails que nous avons reçus, nous enjoignant généralement de ne pas aller plus en avant dans le vote de ce texte, considérant que le dépistage ainsi prévu est trop précoce.

Tout a été dit en commission, et l'on peut en rendre hommage au rapporteur : il a mené la concertation et a apporté des réponses aux questions soulevées. Cela va dans le sens de l'apaisement. Je pense notamment à la disposition figurant dans l'annexe et prévoyant que le dépistage se ferait en deux temps et à plusieurs reprises sur l'année. Il est également précisé que la défense de la langue française des signes est confortée. La famille sera parfaitement informée.

Je m'étonne donc de constater encore certaines oppositions. Je regrette que sur les bancs de la gauche on refuse ce texte. J'encourage bien entendu le groupe UMP à voter majoritairement cette proposition de loi qui va dans le bon sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

Dans une vie antérieure d'ORL en milieu hospitalier public, j'ai eu pendant un certain temps à m'occuper de guidance parentale. J'avoue avoir été choqué par certains propos prononcés depuis cette tribune. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cette proposition de loi aurait pu être déposée par n'importe quel groupe parlementaire. Je tiens pour ma part à féliciter Jean-Pierre Dupont pour la qualité de son rapport et surtout Marianne Dubois pour son intervention émouvante de maman concernée.

Ce texte vise à généraliser le dépistage précoce des troubles de l'audition chez tous les nouveau-nés. Il faut bien avoir présent à l'esprit que, plus le constat est tardif, plus les conséquences seront importantes sur les acquisitions, sur la scolarisation et la socialisation de l'enfant. Les autorités scientifiques et sanitaires – les vraies – soulignent unanimement le bénéfice que constituera la généralisation du dépistage à la maternité. Cela fait quarante ans qu'on en parle !

Le dépistage ne préjuge absolument pas des solutions qui seront proposées aux parents. À ce propos, j'ai été choqué par le « harcèlement textuel » que nous avons subi à propos ce texte. Simon Renucci a souligné fort justement qu'il s'agissait d'un débat émotionnel. Mais il faut rappeler aussi qu'il n'est nullement question ici de forcer la main à qui que soit. Notre rôle de parlementaire est de mettre en place une véritable politique de santé publique : cette proposition de loi répond parfaitement à cet objectif.

Pour conclure, je tiens à féliciter le Gouvernement d'avoir levé le gage. Je considère en effet que les familles n'ont pas à payer. Elles doivent donc être exonérées de toute contribution financière. Il s'agit de santé publique et de l'avenir d'enfants qui méritent, comme tous les autres, d'avoir leur place dans la société. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

À l'occasion de débats précédents, des associations avaient interrogé le comité consultatif national d'éthique, qui avait rendu un avis très intéressant, l'avis 103 dont je vais citer quelques passages.

« La première attitude éthique est de prendre au sérieux les témoignages des personnes sourdes lorsqu'elles prétendent avoir une qualité de vie sociale et intellectuelle.

« L'inquiétude de nombreux membres de la population des sourds et muets face au projet d'un dépistage précoce et systématique peut se comprendre à la lumière de données historiques qui attestent des traitements avilissants qui leur ont été infligés. » Mme Dubois l'a rappelé avec beaucoup d'intelligence et de sensibilité.

« C'est précisément la tentation de réduire cette démarche à un simple problème de gestion médico-technique qui soulève une question éthique. Quels sont les bénéfices qu'on est en droit d'attendre du dépistage néonatal de la surdité ? Il est essentiel que les finalités soient rigoureusement explicitées. »

Le groupe européen d'éthique, qui a également pris position sur cette question, a souligné cette approche et mis en garde contre une vision trop convenue de la normalité.

Bien sûr, il n'est pas question de refuser le dépistage – nous regrettons suffisamment par ailleurs le déficit des politiques de prévention. Si, en France, l'âge moyen de diagnostic de surdité demeure tardif, faut-il néanmoins aller vers un dépistage aussi hâtif ? Rien ne l'atteste ; il n'y a pas de consensus sur le sujet.

Madame la secrétaire d'État, je ne comprends pas que vous n'attendiez pas la fin des expérimentations engagées pour prendre une décision. Pourquoi faut-il qu'en France on n'attende jamais la fin d'une expérimentation et son évaluation complète pour en tirer toutes les conséquences ?

Après les résultats du dépistage, les parents doivent pouvoir prendre le temps de l'information, de la rencontre avec des personnes sourdes, des professionnels et des équipes pluridisciplinaires qui les accompagneront le cas échéant.

Nous le voyons dans le débat que nous avons ce soir et qui s'est déjà déroulé en amont : les solutions sont tout sauf évidentes lorsque l'on découvre ce monde, quand on n'y a pas été confronté auparavant.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

En l'absence de consensus aussi bien dans le monde médical que dans la communauté des sourds, est-il nécessaire de passer par une loi ? Ne fallait-il pas plus d'écoute plutôt que le passage en force de ce texte ? S'il doit ouvrir un débat, pourquoi conclure celui-ci dès ce soir ? Rétablissons la confiance, comme vous l'a demandé Simon Renucci. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais m'adresser à Mme Antier. Je l'ai entendue affirmer – mais elle n'était pas la seule – que le fait d'annoncer à des parents qui ne s'y attendent pas du tout que leur bébé pourrait présenter un problème de surdité ne modifiera en rien leur relation à leur enfant. Cela me paraît passer à côté de la réalité.

La plupart d'entre nous ici avons été parents. Dans l'attente du bébé, nous avons tous un enfant imaginaire dans la tête. Je n'invente rien : ce sont les psychiatres qui le disent. Quand cet enfant imaginaire arrive, on l'attend parfait, bien évidemment – c'est un peu ce que disait notre collègue Mme Dubois. Avec le diagnostic précoce que vous préconisez, pour peu que l'on soupçonne un problème potentiel de surdité chez le bébé, on va l'annoncer aux parents en les prévenant qu'il va falloir attendre quelque temps pour confirmer ce diagnostic, puis on va les laisser repartir.

Je ne fais pas ici de discours politicien : quelle va être, je vous le demande, la vie de ces parents avec cet enfant dont ils pensent qu'il a des chances d'être sourd, même s'ils n'en sont pas encore totalement sûrs ? Sans aller jusqu'à parler de « normalité » – à supposer que cela existe – leur rapport avec cet enfant sera-t-il le même que ce qu'il aurait été s'il n'avait pas été soupçonné d'être sourd ? Rappeler que 10 000 mamans ont accepté le dépistage en Champagne-Ardenne, ce n'est pas pour moi une démonstration. Si on me l'avait demandé à la naissance de mes filles, j'aurais évidemment dit oui…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

…car jamais je n'aurais imaginé qu'elles puissent avoir ce problème. Mais quand on l'annonce aux parents, c'est un peu différent !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Je lis dans le rapport la phrase suivante : « Il est absolument nécessaire de mettre en place un dispositif de prise en charge et d'accompagnement personnalisé de l'enfant et de sa famille. » Il faudrait, certes… À ceci près que la Haute autorité de santé met en évidence une faille dans le dispositif : la moitié des départements n'ont pas de structure spécialisée !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

D'ailleurs, je n'ai que trop rarement vu nos débats traduits dans la langue des signes pour les gens atteints de surdité.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Alors que vous mettez à mal les collectivités territoriales, je ne vois pas bien comment celles-ci vont pouvoir réunir des conditions d'accompagnement des parents et des enfants, quelles que soient les options prises par ces familles.

C'est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons dans un premier temps. Lorsque l'on voit les difficultés que rencontre la mise en place des ARS, comment être certain que les moyens seront mis en place afin de garantir une réelle possibilité de choix pour les parents, quel que soit le territoire sur lequel ils habitent ?

Debut de section - PermalienPhoto de Edwige Antier

Je comprends les inquiétudes de Mme Catherine Lemorton. Mais il arrive parfois de détecter un souffle au coeur chez le nouveau-né. Pour savoir si cela va correspondre à une réelle cardiopathie, il faut attendre le bilan cardiologique. Ce n'est pas pour cela que la maman ne s'attache pas à l'enfant !

Debut de section - PermalienPhoto de Edwige Antier

Il en va de même quand vous trouvez une anomalie au rein, ou chez le prématuré un tonus un peu défaillant qui fait craindre des anomalies plus graves. Dans tous ces cas, vous l'annoncez aux parents. Ce que les parents demandent toujours au docteur, c'est la vérité. Faut-il les tromper ou leur dire, quelques mois plus tard, qu'on ne savait pas ? Ça, non, ils ne nous le demandent pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Nous en venons aux amendements à l'article 1er.

La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour présenter l'amendement n° 5 rectifié du Gouvernement.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Cet amendement vise à introduire une modification rédactionnelle. Il s'agit d'inscrire plus clairement le dépistage dans les dispositifs existants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dupont

La commission n'a pas examiné cet amendement, mais, à titre personnel, j'y suis favorable à titre personnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je vais mettre aux voix l'amendement n° 5 … (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Le fait de nous couper la parole ne vous suffit pas ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Mme Lemorton, je ne vous permets pas de mettre en doute la présidence. Ce que vous sous-entendez est invraisemblable. J'ai appelé l'amendement n° 5 rectifié . Le Gouvernement l'a présenté, puis le rapporteur a donné son avis. Personne d'autre ne m'a ensuite demandé la parole. J'ai donc entrepris de le mettre l'amendement aux voix. Cela me paraît tout à fait naturel !

La parole est à M. Simon Renucci.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Renucci

Monsieur le président, nous ne vous avons pas entendu appeler l'amendement. Peut-être avons-nous adopté ce matin une disposition similaire ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

Décidément, ils sont sourds, à gauche ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Monsieur Renucci, j'ai bien appelé l'amendement n° 5 rectifié en demandant au Gouvernement de le défendre.

(L'amendement n° 5 rectifié est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement n° 6 .

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Le Gouvernement vous propose de préciser le contenu du rapport qui a été prévu par la loi. Celui-ci doit permettre, non seulement le bilan de la réalisation des objectifs de dépistage, mais aussi l'évaluation des coûts associés au dépistage et des moyens de financement mobilisés.

Il comprendra ainsi des notions d'efficience et de service rendu par le dispositif. Celui-ci pourrait être revu s'il s'avérait qu'il était inadapté. C'est aussi la raison pour laquelle le Gouvernement vous propose de décaler la remise de ce rapport au 15 septembre 2012. Nous disposerons ainsi du temps et du recul nécessaires pour évaluer le dispositif à une date qui coïnciderait ainsi avec la fin de la généralisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dupont

Cet amendement n'a pas été examiné en commission, mais je crois qu'il vient utilement préciser le contenu du rapport demandé. J'y suis donc favorable à titre personnel. Je vous prie de noter que, si cet amendement est adopté, il fera tomber les amendements nos 2 et 3 .

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Renucci

Monsieur le président, je précise que le précédent amendement proposait une disposition que nous soutenions. Mais nous n'avons pas pu savoir de quoi il s'agissait, parce que vous alliez trop vite. Ce n'est pas plus compliqué que cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Monsieur Renucci, je ne pense pas avoir été trop vite. En tout cas, ce n'était nullement mon intention.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Renucci

Vous êtes un vrai TGV ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Girardin

Si nous avons eu ce petit échange, c'est tout simplement parce que nous nous attendions à ce que les amendements soient appelés dans un ordre différent. En effet, le classement de la liasse ne correspondait pas à la feuille jaune. Nous nous attentions à commencer par les amendements nos 2 et 3 . Je suis donc très étonnée d'apprendre que l'amendement du Gouvernement les fait tomber alors que je m'apprêtais à les défendre au nom des députés radicaux de gauche, qui auraient aimé exprimer leur position. Mais ce n'est pas grave.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Une simple remarque, monsieur le président. Cet amendement du Gouvernement, bien tardif, nous propose de modifier la date de la remise du rapport sur les expérimentations. Si nous sommes par principe favorables aux expérimentations, il eût été utile, nous semble-t-il, d'en avoir un sur celles qui sont en cours !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Eh oui ! À quoi sert-il de faire des expérimentations si on n'en fait pas le bilan ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Il s'agit quand même là d'un véritable manque qui nuit à la qualité de nos débats.

(L'amendement n° 6 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

En conséquence, les amendements nos 2 et 3 tombent.

(L'article 1er, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement, n° 1 , portant article additionnel après l'article 1er.

La parole est à M. Gérard Gaudron, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Gaudron

J'en ai déjà suffisamment dit tout à l'heure. Je voulais simplement, à travers cet amendement, appeler l'attention sur la proposition de loi que j'ai déposée relative à la prévention des troubles de l'audition des jeunes en milieu scolaire. J'ai donc bien conscience que je dois retirer cet amendement.

(L'amendement n° 1 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'article 2 ne faisant l'objet d'aucun amendement, je le mets directement aux voix.

(L'article 2 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi de deux amendements, nos 7 et 4 , portant articles additionnels après l'article 2 et pouvant être soumis à discussion commune.

La parole est à Mme la secrétaire d'État pour présenter l'amendement n° 7 .

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Le Gouvernement vous propose, à travers cet amendement, de préciser que, dans les collectivités d'outre-mer, où il n'existe pas d'agence régionale de santé, ce sont les autorités compétentes en matière d'organisation des soins qui sont chargées de mettre en oeuvre la généralisation du dépistage précoce.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Annick Girardin, pour présenter l'amendement n° 4 .

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Girardin

Notre fonctionnement est assez particulier. J'étais venu, au nom du PRG, pour voter ce texte de loi sur lequel nous avions travaillé et déposé trois amendements. Or vous faites en sorte qu'ils tombent.

Sur la question de l'outre-mer, je crois que vous auriez pu, par correction, me laisser d'abord expliquer pourquoi j'avais souhaité déposer l'amendement n° 4 .

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Girardin

Je me félicite que le Gouvernement reprenne la substance de mon amendement, mais vous auriez pu me laisser le présenter.

C'est important car les gens s'intéressent à nos débats, dont ils lisent les comptes rendus. Il faut donc qu'ils comprennent bien ce que nous demandons au Gouvernement à travers les amendements déposés.

Je voudrais revenir sur la question de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui concerne aussi d'autres outre-mer. À cet égard, c'est une bonne chose que vous y ayez ajouté, madame la secrétaire d'État, les autres territoires, également concernés.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Girardin

Or si le Gouvernement ne l'a pas fait dans un premier temps, c'est qu'il méconnaissait que, à Saint-Pierre-et-Miquelon comme ailleurs, nous avons des commissions territoriales de coordination des politiques publiques de santé. Notre petite taille a nécessité une adaptation, ce qui explique que cela ne fonctionne pas exactement comme en métropole.

Il est aussi important de rappeler à cette occasion qu'il s'agit d'un dépistage généralisé, mais optionnel. Les habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon, comme ceux des autres outre-mer, ont besoin de l'entendre : les parents conservent la possibilité de refuser s'ils le souhaitent.

En outre, dans mon archipel comme dans beaucoup d'autres endroits, il est essentiel que ce dispositif ne soit pas considéré comme l'alphaet l'oméga. Il doit être complété par un important travail d'accompagnement – on l'a dit, et je crois que sur tous les bancs nous sommes d'accord. Ajoutons que l'éloignement de Saint-Pierre-et-Miquelon – mais d'autres endroits en métropole sont peut-être confrontés au même problème – compliquera sérieusement le travail d'accompagnement.

Enfin, il ne faut pas voir dans ce texte un renoncement au langage des signes. Il est primordial – mais nombre de collègues y ont insisté – de maintenir et d'approfondir la place de son apprentissage sur l'ensemble du territoire national.

Tel était l'esprit dans lequel je voulais défendre mon amendement. Le Gouvernement en a repris la substance et c'est tant mieux, mais j'ai eu plaisir à ajouter ces informations pour ceux qui suivront ces débats.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je voudrais tout de même vous rappeler que nous avons un règlement. Quand un amendement est déposé, le service de la séance arrête sa place dans l'ordre de discussion. Si l'adoption d'un amendement qui précède en fait tomber parmi ceux qui suivent, ceux-ci ne peuvent pas, par définition, être discutés. En l'occurrence, les deux amendements que nous examinons à cet instant sont en discussion commune ; c'est d'ailleurs la raison pour laquelle je les ai appelés en même temps.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dupont

Elle n'a pas examiné l'amendement du Gouvernement, mais elle avait accepté l'amendement n° 4 , qui avait le même objectif. Celui du Gouvernement est plus large : il va plus loin que Saint-Pierre-et-Miquelon, puisque tous les territoires d'outre-mer sont concernés. J'y suis donc favorable à titre personnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Edwige Antier

Je suis très heureuse de voir nos collègues demander l'application de ce texte jusqu'à Saint-Pierre-et-Miquelon. Je les remercie de leur enthousiasme. (Rires.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Ce qui était anormal, c'est justement qu'il n'y était pas applicable

(L'amendement n° 7 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Dans les explications de vote, la parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Nous ne remettons pas en cause, nous l'avons dit, le principe d'un dépistage précoce des troubles de l'audition. Cependant, il avait été convenu en commission, me semble-t-il, que si les parents ne souhaitaient pas que le dépistage soit fait, ce serait noté sur le carnet de santé. Or j'ai cru comprendre tout à l'heure qu'il existait un désaccord sur ce point : j'aurais donc aimé quelques précisions.

Nous ne sommes donc pas opposés au dépistage précoce ; mais votre proposition de loi suscite de sérieuses interrogations, voire des oppositions, car elle n'offre pas toutes les garanties nécessaires sur les suites données au dépistage. De nombreuses associations représentatives des familles, ainsi que des spécialistes, continuent à se mobiliser contre le risque d'une approche purement médicale des troubles de l'audition et de la surdité ; nous devons tenir compte du message qu'ils nous adressent, et améliorer le texte en conséquence.

Il faut offrir aux parents un véritable choix sur le plan de la communication, par la langue orale comme par la langue des signes. À côté des solutions techniques comme l'appareillage et les implants, ces solutions doivent avoir toute leur place ; elles doivent être présentées aux parents.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

La question essentielle à mes yeux, c'est celle de la bonne insertion sociale des personnes atteintes de surdité et de troubles auditifs. Il est de la responsabilité de l'État de permettre une bonne intégration des sourds et des malentendants.

Si le dépistage précoce peut s'avérer utile pour que les problèmes d'audition chez l'enfant soient pris en compte rapidement, il ne fait que poser la question des moyens déployés pour réussir l'intégration et garantir l'égalité réelle.

À quoi servirait un diagnostic si l'on ne se préoccupe pas des réponses apportées ensuite ? À quoi servirait un diagnostic si les parents ne sont pas accompagnés dans la vie quotidienne, pour la garde des jeunes enfants, à l'école, pour l'accès aux loisirs, au sport, à la culture ? À quoi servirait un diagnostic si rien n'est fait ensuite pour permettre aux enfants concernés de devenir des citoyens à part entière ?

Les députés socialistes sont favorables au dépistage précoce, mais dans un cadre qui permette l'accompagnement et une véritable prise en charge. Aujourd'hui ces moyens n'existent pas ou sont insuffisants. Dans ces conditions, nous nous abstiendrons sur ce texte en première lecture.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Monsieur Jacquat – je prends vos propos comme référence, même si c'est une référence dont je me serais bien passé –, la réalité de notre position se lit dans les comptes rendus intégraux des réunions de la commission des affaires sociales qui se sont tenues les 17 et 24 novembre, et pas dans la relation ou l'interprétation que vous avez pu faire de mes propos ou de ceux du groupe que je représente ce soir.

Le compte rendu de nos débats montrera, soit que vous vous êtes trompé, soit que vous étiez malintentionné.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Je penche effectivement pour la première hypothèse.

Il est important, me semble-t-il, de rappeler ce que nous avons pu dire dans l'hémicycle et lors de ces deux réunions de la commission des affaires sociales. Je ne crois pas que nous ayons été inutiles, ni que nous n'ayons pas fait prospérer le débat. Chacun en jugera.

Nous n'avons pas jugé comme quantité négligeable les appels, les sollicitations, les avis et les explications que nous avons reçus. Nous avons considéré que tout ceci méritait d'être regardé, étudié ; nombre de parlementaires sur vos bancs ont d'ailleurs fait ce même travail. Il ne sert donc à rien de nous jeter à la figure des propos plutôt désagréables à cette heure avancée de la soirée.

L'important pour moi, et pour mon groupe, est de bien comprendre l'avis des principaux intéressés, des familles confrontées à ce qui a été relaté tout à l'heure par l'une d'entre vous, de manière tout à fait sensible et émouvante. Pour ma part, je n'ai strictement rien à ajouter à ses propos.

La lecture de ce qu'écrit le Réseau d'actions médico-psychologiques et sociales pour enfants sourds et de ce qu'écrit la Fédération nationale des sourds de France – en ce mois de novembre, pas il y a trois ou quatre ans –, comme la lecture des recommandations du Comité national d'éthique, constitue, me semble-t-il, une base de travail et de réflexion ; les propositions qui en sont issues ont autant de mérite que vos propres avis.

C'est là-dessus qu'est fondée notre décision de nous abstenir. Nous verrons ce qu'il en sera lors d'une éventuelle lecture ultérieure. Nous ne savons même pas quel sera le cheminement parlementaire de cette proposition de loi : Mme la secrétaire d'État a reconnu tout à l'heure qu'aucune date ne peut encore être avancée pour son passage au Sénat : cela devrait vous inquiéter…

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

Mme la secrétaire d'État a dit qu'elle défendrait cette proposition !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Soyons donc attentifs à ces questions, plutôt que vindicatifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Edwige Antier

Une petite précision pour commencer à l'adresse de Mme Clergeau : dans un dialogue avec les associations, nous avons opté pour une mention par le médecin que le dépistage a été proposé aux parents du bébé. C'est tout ce qui sera inscrit ; nous ne demandons pas autre chose. Les parents auront donc toute liberté de choix.

Cette proposition de loi, mes chers collègues, est emblématique. Elle servira, j'en suis convaincue, de modèle pour d'autres dépistages précoces ; c'est un domaine dans lequel notre pays est particulièrement défaillant. Elle montre l'utilité du dépistage précoce du handicap, mais aussi l'importance de l'accompagnement des parents et de la stimulation des enfants qui, comme tous les enfants porteurs d'un handicap, ont besoin d'être encadrés beaucoup plus tôt.

Je veux remercier M. le Premier ministre et vous-même, madame la secrétaire d'État, car je sais combien il est devenu difficile de trouver des financements. Chaque jour, trois bébés seront dépistés grâce à vous ; trois bébés pourront communiquer.

Je veux aussi rassurer tous les professionnels de la langue des signes. Ils seront intégrés dès le début et je suis persuadée que, loin de disparaître, cette langue se développera : les enfants qui n'entendent pas y seront initiés beaucoup plus tôt. Quand ils le pourront, ils deviendront bilingues ; mais tous connaîtront la langue des signes.

Je voudrais enfin remercier tous nos collègues de leur participation à ce projet si important. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dupont

Je voudrais remercier tous mes collègues, et particulièrement M. Renucci, qui nous ont accompagnés dans ce qui a été un véritable marathon : nous avons commencé les auditions au mois de février pour aboutir aujourd'hui. Nous avons entendu beaucoup de monde. De nombreuses inquiétudes se sont manifestées çà et là ; on pourrait encore répondre longuement à ce que j'ai entendu tout à l'heure. Nous avons reçu M. Grimfeld, président du Comité national d'éthique, à deux reprises, et encore la semaine dernière ; nous avons senti des changements dans la position du comité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dupont

En effet. Le dernier date de 2007, et les choses ont évolué depuis.

Qui qu'il en soit, merci à tous. Nous avons bien travaillé, me semble-t-il, et nous sommes parvenus à faire comprendre aux défenseurs de la langue des signes que c'est le bilinguisme que nous voulions promouvoir : nous voulons l'oral quand c'est possible, mais il faut en tout cas que le bilinguisme soit pratique courante. Lorsqu'un enfant naît d'un couple de sourds, même si l'on arrive à l'amener à la langue orale, il est tout à fait compréhensible qu'il apprenne la langue des signes, ne serait-ce que pour communiquer avec ses parents. En cela, nous avons franchi un obstacle très important.

Ajoutons que nous venons de mettre en place pour la première fois le dépistage d'un handicap sensoriel. Cela aussi est très important.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Prochaine séance, mercredi 1er décembre à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Discussion de la proposition de loi relative à la solidarité des communes dans le domaine de l'alimentation en eau ;

Discussion de la proposition de loi relative aux activités immobilières des établissements d'enseignement supérieur.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures vingt-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma