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Intervention de Marianne Dubois

Réunion du 30 novembre 2010 à 21h30
Dépistage précoce des troubles de l'audition — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarianne Dubois :

Mère d'un fils de trente ans, sourd profond de naissance, j'aimerais apporter un éclairage sur le sujet qui nous préoccupe. Le repérage de la surdité chez le nourrisson est une démarche intéressante, et je salue initiative de cette proposition de loi de nos trois collègues.

Cependant, tout n'est pas si simple. La population sourde a développé, depuis le milieu du XVIIIe siècle, un mode de communication original : la langue des signes, une langue à part entière, où des images et des actions sont signées avec les mains. Au fil des années, cette langue a connu bien des entraves, jusqu'à son interdiction décrétée dans un congrès réunissant des pédagogues censés se prononcer sur la meilleure méthode pour instruire les sourds et muets, comme on disait à l'époque : c'est le fameux congrès de Milan de 1880.

La langue des signes ayant été interdite en France jusqu'en 1991, avec la mise à l'écart des enseignants sourds et l'éradication des gestes, les sourds ont dû oraliser, de gré ou de force, pour entrer dans la normalité, s'intégrer, s'immerger en milieu ordinaire. Les enseignants sourds ont émigré et sont à l'origine de la diffusion de la langue des signes dans le monde, en particulier aux États-unis.

Depuis cette période funeste pour le monde des sourds, l'oralisation a été et est toujours présentée, de manière trompeuse, comme le remède permettant la guérison, et les parents ont été fortement invités à se détourner des gestes. Fort heureusement, la langue des signes n'a pas disparu ; elle a toujours été utilisée au sein des familles sourdes et dans la cour de récréation des institutions spécialisées.

Après ce bref historique, vous comprendrez que les sourds ont eu un passé extrêmement douloureux, qui explique cette grande méfiance pour le milieu médical ou paramédical spécialisé. Ils ne se sentent ni malades ni diminués. Ils ne veulent ni entrer dans la normalité coûte que coûte, ni être dépossédés de leur identité. Ils revendiquent leur droit à la différence, une identité sourde et une culture sourde.

Ils sont contraints de recourir à des manifestations originales, consistant par exemple à procéder à des envois massifs de courriels ou à brûler leurs cartes d'électeurs au moment des élections, car les débats politiques ne sont que très rarement traduits.

Les sourds sont pourtant des Français comme les autres et c'est aussi à nous de les associer dans la vie citoyenne à tous les niveaux.

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