Plusieurs expérimentations de dépistage précoce des troubles de l'audition dans des maternités ont été mises en place avec succès ces dernières années, mais ces initiatives ne sont pas toujours bien coordonnées et sont surtout très inégalement réparties sur le territoire, ce qui aboutit à des inégalités injustifiables en termes d'accès aux soins.
C'est pourquoi les autorités scientifiques et sanitaires unanimes soulignent le bénéfice qu'il y aurait à généraliser le dépistage de la surdité chez l'enfant à certaines conditions, comme le prévoyait d'ailleurs la loi de santé publique d'août 2004. En février 2010, la Haute Autorité de santé a ainsi renouvelé sa recommandation de 2007 en faveur d'un dépistage systématique de la surdité permanente bilatérale au niveau national, rejoignant ainsi les préconisations de l'Académie nationale de médecine.
Dans le cadre de la loi de 2004, la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés expérimente depuis 2005 la faisabilité d'une généralisation du dépistage des troubles de l'audition à la maternité. Cette expérimentation, qui s'est déroulée dans six villes – Paris, Lille, Lyon, Marseille, Toulouse et Bordeaux –, visait à mettre en place un dépistage systématique en maternité et, si nécessaire, à orienter l'enfant et sa famille vers un centre de dépistage et d'orientation de la surdité.
Par ailleurs, en février 2010, le Gouvernement a annoncé un plan triennal « Surdité 2010-2012 » qui propose une série de mesures en matière de prise en charge et d'accompagnement de la surdité à tous les âges de la vie, mais ne prévoit pas la généralisation du dépistage des troubles de l'audition du nourrisson, contrairement aux préconisations des autorités sanitaires et scientifiques.
C'est pourquoi, et sans attendre la révision de la loi de santé publique de 2004, nous vous proposons de généraliser, dans un délai de deux ans, au niveau régional, le dépistage des troubles de l'audition chez le nouveau-né. Ce dépistage aura lieu en deux temps : un premier repérage à la maternité avec la méthode la plus fiable afin de permettre à l'ensemble des familles d'en bénéficier et d'éviter au mieux les erreurs de diagnostic ; en cas de suspicion de troubles de l'audition ou lorsque le premier examen n'aura pas permis d'apprécier les capacités auditives du nouveau-né, orientation avant la fin du troisième mois de l'enfant vers un centre de diagnostic, de prise en charge et d'accompagnement référent pour la réalisation d'examens complémentaires permettant d'établir un diagnostic. Un cahier des charges type, publié par décret, après avis de la Haute Autorité de santé et du Conseil national de pilotage des agences régionales de santé viendra préciser les conditions de réalisation de ce dépistage.
Un tel dépistage présenterait plusieurs avantages. Sur le plan médical, il permet de gagner un temps précieux et décisif pour le développement futur de l'enfant, quel que soit le mode de communication choisie. Sur le plan médico-économique, il permet de réduire les coûts de prise en charge et d'accompagnement d'un enfant atteint de troubles auditifs dépisté tardivement. Sur le plan social, il permet d'atteindre toutes les familles, y compris celles qui sont les plus éloignées des soins, et donc de réduire les inégalités de santé. Sur le plan pratique, la régionalisation du dépistage permet un déploiement progressif, souhaité par la plupart des acteurs concernés, dans un délai de deux ans.
Selon les estimations de la direction générale de la santé, la généralisation du dépistage coûterait environ 12 millions d'euros par an. Mais cela ne tient pas compte des économies qu'entraîneraient le dépistage et la prise en charge précoce de ce handicap. Reste que cette généralisation du dépistage devra être accompagnée d'un renforcement des structures d'accueil en aval afin d'accompagner au mieux les familles. Cela est déjà en partie prévu par le plan « Surdité » lancé par le Gouvernement, mais cette dynamique doit être impérativement amplifiée.
La commission des affaires sociales a apporté diverses modifications au texte initial, afin de lever certaines ambiguïtés de rédaction et répondre aux inquiétudes qui s'étaient fait jour au sein de la communauté sourde. Elle a précisé que, si un premier repérage avait bien lieu lorsque l'enfant était à la maternité, le diagnostic définitif n'intervenait que dans les trois premiers mois. Elle a par ailleurs souhaité réaffirmer, dans la logique de la loi de 2005, la place primordiale de la langue des signes française parmi les moyens de communication offerts aux enfants atteints de surdité.
Deux questions restent aujourd'hui en suspens, madame la secrétaire d'État. La première est celle du financement : dès la réunion de la commission, le Gouvernement a déposé un amendement levant le gage – et je vous en remercie –, mais nous souhaiterions disposer de précisions sur les financements qui seront disponibles en 2011. On sait que le Fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaires est aujourd'hui très largement sous-consommé : comptez vous puiser dans ses ressources ?
La seconde question concerne la suite du parcours parlementaire de cette proposition, qui devra être examinée très rapidement par le Sénat. Pouvez-vous nous indiquer les intentions du Gouvernement sur ce point ?
Je ne doute pas que cette proposition de loi pourra faire l'objet d'un très large consensus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)