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Intervention de Edwige Antier

Réunion du 30 novembre 2010 à 21h30
Dépistage précoce des troubles de l'audition — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEdwige Antier :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je souhaite remercier très vivement mes collègues M. Jean-Pierre Dupont et M. Jean-François Chossy de m'avoir associée pleinement à la mission préparatoire à cette proposition de loi, qui a donné lieu à plus de quarante auditions.

De qui parlons-nous ? Nous parlons de trois bébés qui naissent chaque jour ; trois bébés qui restent dans le monde du silence. Ils n'entendent rien, et personne ne peut s'en douter.

Je dis bien personne, cher collègue Jean-Luc Préel. C'est un pédiatre de maternité qui vous l'affirme. Oui, nous pouvons écouter un coeur avec nos stéthoscopes ; oui, nous pouvons palper les hanches avec nos mains, mais personne ne peut savoir qu'un bébé n'entend pas. Il peut très bien sursauter à un claquement de porte, mais ce ne sont pas les mêmes vibrations que les bruits de la voix humaine.

Personne, ni ses parents ni les médecins, ne sait qu'un bébé n'entend pas. Tous l'ignoreront jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge où la parole ne viendra pas, lorsque l'on s'étonnera que l'enfant ne parle pas, vers dix-huit mois, parfois deux ans. Que de temps perdu ! Pendant toute cette période, il passera pour un enfant désobéissant, un enfant bruyant, un enfant qui n'écoute pas. On se fâchera, pour le moins, et personne ne le comprendra. Et comme il n'entend rien, ses circuits de la parole ne sont pas stimulés : autrement dit, il perd une compétence dont disposait. En effet, ce n'est pas parce l'enfant est sourd que son cerveau n'a pas les circuits de la parole.

Mes chers collègues, vous avez montré en commission combien vous étiez tous sensibles à ce problème grave. Vous êtes d'accord pour le dépistage, mais vous êtes troublés par plusieurs questions.

Premièrement, suspecter le risque de surdité dès les premiers jours va-t-il nuire à l'attachement de la mère à son enfant ?

Mes quarante ans de pratique pédiatrique en maternité me permettent de vous dire que non : une mère aime son enfant tel qu'il est. Cela est confirmé par l'expérience de la région Champagne-Ardenne : les 100 000 mamans auxquelles on a proposé le dépistage ont répondu oui à 99 %. Les soixante-douze bébés dépistés comme n'entendant pas ont été ensuite bien accompagnés par leurs parents tout au long de leur développement.

Deuxième question : pourquoi un dépistage dès la maternité ?

Tout d'abord, parce que, par la suite, les bébés sont perdus de vue. Ils ne reviennent pas se faire tester, même s'ils consultent pour des vaccinations ou un suivi. Pour parvenir à très faible nombre de faux positifs, il faut utiliser un équipement très spécifique – et non les oto-émissions comme le suggérait Jean-Luc Préel. La loi permettra d'équiper toutes les maternités, mais il ne sera pas possible d'effectuer cet examen chez tous les pédiatres ou chez tous les généralistes. J'ai connu des enfants pour lesquels un doute existait : on avait vraiment beaucoup de mal à amener les parents à effectuer les tests.

Les tests proposés par le texte sont aujourd'hui beaucoup plus fiables que ceux qui existaient auparavant et qui sont encore utilisés à la va-comme-je-te-pousse dans certaines maternités à la demande des parents.

Les parents avertis, même en cas d'un simple doute, chercheront à communiquer davantage par gestes et mimiques, grâce à la langue des signes, avec leur nouveau-né en quête de message, qui veut savoir ce qu'il fait dans ce monde. On dit qu'un bébé est en stratégie de recherche : il cherche à capter, mais là, il n'entend pas. Si ces parents le savent, ils s'efforceront immédiatement d'être plus en phase et en communication avec lui en utilisant des mimiques, et on les y aidera en les accompagnant. Voudriez-vous priver ce bébé de tout cela ?

Troisième interrogation : la langue française des signes risque-t-elle de ne plus être reconnue ?

L'émotion est grande chez les parents et chez les enfants concernés, ils ont déjà tellement souffert de ne pas être compris dans leur besoin de communiquer par signes. Durant les travaux de la mission, nous les avons reçus et nous en avons entendu un très grand nombre. Ces parents seront associés dès le dépistage au sein des CDOS dont nous a parlé Jean-Pierre Dupont.

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