COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mardi 20 juillet 2010
La séance est ouverte à vingt et une heures cinq.
(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la commission)
La Commission poursuit l'examen, sur le rapport de M. Denis Jacquat, du projet de loi portant réforme des retraites (n° 2760).
Je souhaite la bienvenue à Mme Sophie Primas, suppléante de notre regretté collègue Henri Cuq (Applaudissements).
Nous poursuivons la discussion générale.
Je souhaite évoquer plus particulièrement la question de l'emploi des seniors. Si le produit intérieur brut par tête a considérablement progressé en France pour se rapprocher de celui du Japon, le clivage entre seniors et nouveaux entrants sur le marché du travail demeure important dans notre pays.
Il s'agit d'un point central de la réforme des retraites, et, au-delà, de la politique du travail. Pourtant, malgré ses engagements, votre Gouvernement n'a rien fait pour élever le taux d'emploi des seniors, qui reste de 38 % quand la moyenne de l'Union européenne est de 45 %. Nous sommes bien loin de l'objectif avancé dans la stratégie de Lisbonne et dans les conclusions du Conseil de Stockholm : un taux de 50 % à l'horizon 2010.
Vous partez du postulat selon lequel porter l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans entraînera un report de l'âge de départ effectif, de 58 à 60 ans. Mais, alors que de nombreuses études font état de l'accélération des rythmes de travail, d'une exigence de réactivité et de polyvalence accrues, d'une aggravation de la pénibilité physique comme des risques psycho-sociaux, les mesures que vous prévoyez se bornent à un saupoudrage : aide à l'embauche d'un demandeur d'emploi de plus de 55 ans sur un contrat à durée déterminée de plus de six mois et renforcement du tutorat. Comment, dans ces conditions, les seniors ne resteraient-ils pas condamnés à une alternance entre CDD et périodes de chômage, les employeurs se débarrassant d'eux pour ne pas payer les charges trop lourdes que justifie leur expérience ?
On mesure, là, le manque flagrant d'ambition de votre majorité, alors que nos concitoyens attendent des propositions concrètes, efficaces et surtout, précisément, ambitieuses. Pour notre part, nous préconisons l'instauration d'un rendez-vous biennal ou triennal pour l'ensemble des salariés à partir de 45 ans, afin d'envisager leur évolution professionnelle ; nous proposons la généralisation du tutorat dans les entreprises, l'encouragement à la cessation progressive d'activité, l'aménagement des conditions de travail des plus de 55 ans, avec la limitation ou la suppression du travail de nuit et des tâches physiques trop exigeantes, la mise en place d'un mécanisme de bonusmalus qui aboutirait à moduler les cotisations patronales en fonction de la part des seniors dans l'entreprise, et la fixation à Pôle Emploi d'objectifs chiffrés de retours à l'emploi des seniors.
Rien de tout cela ne figure dans votre texte. Vous manquez d'une vision globale, faute de considérer des facteurs aussi importants que celui de la pénibilité pour les seniors. Ayant à coeur de préserver le système de retraite par répartition et donc de contribuer à un débat constructif, nous vous demandons de considérer nos propositions sans mépris ni démagogie, mais avec tout le sérieux qu'elles méritent.
Nous avons déjà eu l'occasion de le dire lors de l'audition de M. Woerth par la commission la semaine dernière : ce projet de loi est inacceptable, non seulement parce qu'il repousse les bornes de la retraite, mais aussi parce qu'il fait peser sur les salariés 85 % de l'effort demandé. En ce sens, il est inégalitaire et, alors que vous avez sans cesse le mot « équité » à la bouche, inéquitable.
Les députés communistes et du parti de gauche ont déposé une proposition de loi portant exclusivement sur le financement des retraites, qui vise à préserver l'acquis social de la retraite à 60 ans sans allonger la durée de cotisation. Nous comprenons bien que les solutions que nous préconisons ne peuvent être celles de la majorité présidentielle, mais nous demandons qu'elles soient versées au débat. On ne peut laisser croire qu'il n'y aurait d'autre chemin que celui que nous désigne le Gouvernement par une sorte d'oukase.
Nous nous inquiétons aussi de l'attitude adoptée par la majorité. Jean-François Copé, qui ambitionne de devenir président de la République – peut-être même avant 2017 ! –, a expliqué ce matin sur France Inter que le débat sur la réforme des retraites ne commencerait véritablement qu'à la rentrée, moment où l'UMP, qui n'a jusqu'ici déposé que quelques amendements, dévoilerait ses propositions phares. Ce premier supporter de la revalorisation du rôle du Parlement a ainsi manifesté le mépris dans lequel il tient notre commission et son travail, attitude bien peu en accord avec l'esprit qui guidait, selon la majorité présidentielle, la révision constitutionnelle et la réforme du Règlement.
Lors de votre audition, monsieur le ministre, vous avez expliqué que vous aviez été contraint de substituer la concertation à une négociation qui se révélait impossible. Le mouvement social et les représentations syndicales ont pourtant montré le contraire, en soumettant au débat un certain nombre de propositions, concernant en particulier la pénibilité.
À ce sujet, vous procédez à un curieux amalgame avec la question des carrières longues, avançant le chiffre de 100 000 personnes concernées par ces deux dispositifs. Mais, lorsque vous parlez de pénibilité dans votre dossier de presse, vous dites que seulement 10 000 salariés pourraient bénéficier du dispositif, chiffre ridiculement faible, dénoncé par toutes les organisations syndicales : dans la seule branche du bâtiment, on estime à 40 000 le nombre de ceux qui sont confrontés à la pénibilité.
Vous avez comparé cet après-midi la recherche d'indicateurs de pénibilité à une quête du Graal.
Je parlais de leur définition.
Pourtant, si l'on se réfère aux négociations conduites dans nombre de branches professionnelles ou même d'entreprises, la chose n'a rien d'impossible. Le Gouvernement aurait tout intérêt à s'inspirer des définitions figurant dans les accords conclus sur le sujet dans les secteurs aéronautique, sidérurgique, minier, automobile ou agricole, pour mettre en place des dispositifs permettant, non seulement d'accéder à la retraite à 60 ans, mais de cesser progressivement son activité à partir de 55 ans, selon le degré de pénibilité.
Nous sommes d'accord sur un point au moins : cette loi est une loi majeure, et concerne tout le monde. Dès lors, je ne comprends pas que vous refusiez que les séances en commission soient retransmises sur La Chaîne parlementaire : nos concitoyens, notamment les plus âgés, auraient ainsi accès à nos débats plus aisément que par la lecture du compte rendu et l'image des politiques s'en trouverait valorisée. Persuadée que les députés ici présents, comme les membres du Gouvernement, n'auraient rien à y perdre, je me permets de renouveler cette demande.
Monsieur le ministre, vous avez dit que les députés de l'opposition étaient excessifs et rejetaient tout en bloc. C'est faux. Nous exigeons simplement des contreparties pour nos concitoyens. Comme l'a dit Jacques Domergue, ils consentent à l'effort qui leur est demandé, mais ils doivent en comprendre les raisons et y trouver leur compte, en termes de santé et d'espérance de vie. Cet effort doit en outre être mieux réparti, et partagé par ce que j'appellerai, pour faire court, le capital.
En tant que médecin, j'espérais une certaine réciprocité, effort contre bénéfice en matière de santé. Après cinquante ans de progrès social et médical, j'avoue avoir du mal à comprendre qu'il vous soit impossible de tenir compte des statistiques établies par la médecine du travail : celles-ci montrent précisément quelles sont les affections favorisées par tel ou tel type de métier. Pourquoi faire comme si rien de tel n'existait et se fonder uniquement sur le constat de l'invalidité pour mesurer la pénibilité ? Au contraire, les risques – connus – devraient être pris en compte de manière à les prévenir, ce qui faciliterait d'ailleurs l'acceptation de ces dispositions par certaines professions.
Par ailleurs, le taux d'invalidité fixé à 20 % est appelé à augmenter avec le vieillissement, affectant la longévité et les conditions de vie du retraité. Selon vous, 10 000 personnes pourraient être concernées chaque année par ce dispositif et se voir offrir ce « cadeau » que sera demain le droit de partir à la retraite à 60 ans. Mais pour 10 000 bénéficiaires effectifs, combien de dizaines de milliers de salariés déposeront une demande ? Comment la médecine du travail, dans l'état où elle se trouve, pourra-t-elle procéder à autant d'évaluations ?
À titre personnel, j'aurais aimé qu'il y ait un lien entre l'effort demandé aux salariés et aux retraités et la prise en compte de la dépendance. Or, au moment où les discussions s'engagent sur la retraite, nous apprenons que ce seront l'assurance privée et la récupération sur succession – et le Gouvernement n'y est pas pour rien – qui viendront en renfort de ce qui fut la belle perspective du cinquième risque. Cela ne nous incite pas à examiner dans un esprit positif les efforts que vous allez exiger des salariés.
Je vous demande de considérer avec loyauté les propositions que je vous ai présentées sans esprit partisan.
Concernant une réforme aussi importante, qui touche tous les Français et qui exigerait donc d'être examinée dans la sérénité, était-il vraiment nécessaire d'en faire un projet « d'été », puis « de rentrée », surtout après une trentaine d'auditions intéressantes auxquelles les commissaires s'étaient montrés assidus ? La discussion à la hussarde, à laquelle le Gouvernement nous a habitués, est ici particulièrement regrettable. Les chaînes d'actualité évoquent la réunion en catimini de la Commission des affaires sociales, au deuxième sous-sol, à huis clos. Cela ne vous ressemble pas, monsieur le président. C'est pourquoi je renouvelle l'appel d'Alain Vidalies et d'autres. Nos travaux ne pourront-ils pas, demain, être retransmis par LCP ? Nous parlons tout de même du régime de retraite des Français ! Nous votons des financements destinés à LCP. Que doit-elle diffuser sinon nos débats ?
Vous citez souvent, monsieur le ministre, les autres pays européens. Mais eux ont pris largement le temps de la réflexion. Dans les pays nordiques, les discussions ont duré deux ou trois ans. Il ne faut pas que cette réforme soit un sprint, non plus qu'un steeple-chase. Nous avions le temps.
Madame Rosso-Debord, il y a un vrai clivage philosophique et politique entre nous. Nous ne vivons pas tout à fait dans le même monde. Quand les dockers de Dunkerque parlent de pénibilité, ils ne parlent pas d'invalidité.
Dans ma circonscription, il y a Pompey. Le côté « je suis le seul à savoir » est extrêmement agaçant.
Je ne donne de leçon à personne, j'entends seulement souligner une différence entre la philosophie comptable et démographique qui est la vôtre et la nôtre, plus humaniste. Nous sommes tous d'accord qu'il faut une réforme. Mais le modeste médecin généraliste que je suis sait que confondre pénibilité et invalidité est une aberration totale. Il vaut mieux ne rien faire ! Si, en passant mon certificat d'études supérieures de médecine du travail, j'avais été interrogé sur la pénibilité et que j'avais traité de l'invalidité, on m'aurait dit, à juste titre, que j'avais fait un hors sujet.
On vit plus vieux, c'est vrai, mais pas forcément en bonne santé. Les gens que nous croisons dans nos circonscriptions disent qu'ils « profitent » de la retraite ou parlent de ceux qui n'ont pas eu le temps d'en « profiter ». Ce temps donné, il ne varie pas beaucoup. La preuve en est d'ailleurs que, dans quelques mois, nous allons nous pencher sur la dépendance. Et nous aurons un nouveau combat.
Philosophiquement, nous divergeons et nous n'avons pas la même façon de concevoir le financement des retraites.
Les Français ont pris conscience de la nécessité d'assurer la pérennité du système de retraite mais, dans leur majorité, ils ne souhaitent pas cette réforme-là.
Les retraites des femmes sont en moyenne inférieures de 30 à 40 % à celles des hommes à cause de leurs carrières souvent hachées, interrompues pour élever leurs enfants. Elles optent aussi souvent pour le temps partiel. Une sur deux part à la retraite avec une pension de moins de 900 euros. Avec la réforme, les risques de pauvreté ne vont qu'augmenter, à cause notamment de l'allongement de la durée de cotisation. Les femmes ont moins que les hommes la possibilité de se défendre. La pénibilité du travail, la répétition des tâches, les horaires discontinus, le travail tardif pour les caissières ou les femmes de ménage, sont moins reconnus, car leurs effets ne sont visibles qu'à long terme. Le chômage des femmes reste très élevé et, avec la crise, les temps très partiels ont fortement augmenté sans procurer les mêmes avantages sociaux que le chômage partiel. Cela se traduit par un niveau de salaire et, partant, de pension, très bas.
Les mesures prévues dans la réforme ne couvriront pas l'ensemble des besoins de financement. C'est donc la politique de l'emploi qu'il faut revoir, notamment de l'emploi des seniors. Le taux d'emploi des 55-64 ans est très bas, de l'ordre de 38 % et il y a trois ans d'écart entre l'âge moyen de cessation d'activité, soit 58,5 ans, et celui de liquidation de la retraite. Entre-temps, les personnes concernées subissent le chômage, la préretraite ou d'autres dispositifs. C'est donc dans une réforme du marché du travail que résident les solutions. Je vous demande donc, messieurs les ministres, de prendre en compte les propositions que nous ferons tout au long du débat.
Je me contenterai d'évoquer la situation des polypensionnés. C'est un sujet délicat, le Président de la République l'a d'ailleurs reconnu dans son intervention télévisée, et il a dit qu'il y travaillerait avec ses ministres pendant l'été. Un décret du 13 février 2004 a certes modifié le nombre d'années d'assurance à prendre en compte pour déterminer le salaire annuel moyen servant de base de calcul à la pension des polypensionnés, mais ne sont concernés que ceux relevant du régime général, des régimes agricoles, artisans et commerçants. Le cas de ceux qui ont travaillé alternativement dans le privé et le public n'est pas traité et ils sont pénalisés du fait que la pension est calculée en prenant en compte la totalité des années de travail, fussent-elles incomplètes ou faiblement rémunérées. Quelles sont les pistes que vous étudiez, messieurs les ministres, pour assurer une meilleure équité entre tous les polypensionnés ?
Je rappelle que les socialistes ont toujours affirmé la nécessité de légiférer sur la question des retraites, mais en se fondant sur un réel projet de société.
Vous prétendez que la réforme assurera un avantage à ceux qui ont eu des carrières longues. Mais est-ce vraiment le cas ? À 60 ans, ceux qui auront commencé à travailler à 17 ans auront cotisé quarante-trois annuités.
Vous avez parlé, messieurs les ministres, de marges de discussion possibles. Mais vous n'avez pas voulu des amendements tendant à améliorer le sort des parents d'enfants handicapés. Vous qui parlez d'équité, comment se fait-il que vous ne trouviez pas normal de tenir compte du fait que ces personnes doivent interrompre ou réduire leur activité pour s'occuper de leur enfant ?
Concernant la suppression du régime dérogatoire, dont bénéficient les parents de trois enfants ayant quinze ans d'ancienneté dans la fonction publique, vous aviez dans un premier temps fixé la date limite pour présenter sa demande au 13 juillet 2010. Fort heureusement, vous l'avez repoussée au 31 décembre. Quel sera l'impact de cette mesure sur les effectifs de la fonction publique hospitalière ou territoriale ? Les besoins en personnel ont-ils été anticipés en conséquence ?
À vous entendre, il y aurait, d'un côté, ceux qui voudraient une réforme des retraites et, de l'autre, les partisans du statu quo, autrement dit les courageux et les autres. Je voudrais m'inscrire en faux contre cette présentation. Avant même que le Gouvernement ne présente son projet, le Parti socialiste avait fait des propositions pour contribuer à un débat clair et démocratique. Or, pour être démocratique, celui-ci doit être transparent et accessible à tous. Il aurait été intéressant que nos débats soient retransmis par LCP, de sorte que nous puissions, les uns et les autres, défendre publiquement nos projets respectifs – ce qui aurait en outre évité des petites phrases, déplacées dans un débat de cette ampleur.
Selon vous, monsieur le ministre, cette réforme est essentielle. Nous en sommes d'accord. Mais, alors, il faut du temps. Or, vous invoquez l'urgence. Nous avons démontré que le problème ne se poserait pas avant 2020. Pourquoi vouloir avancer à marches forcées en réunissant les commissions en plein mois de juillet, en catimini ? Pourquoi vouloir boucler la réforme avant la fin de l'année ? Pour ne plus avoir à en parler pendant la campagne présidentielle ?
Il s'agit d'une véritable réforme de société, qui touche au travail, aux conditions de vie de chacun. Le sujet aurait mérité mieux qu'une réforme faussement comptable. Une réforme comptable aurait été « à côté de la plaque », mais elle aurait eu au moins le mérite d'être financée. Or, votre réforme ne l'est pas. En 2025, le système sera déficitaire tandis que, avec d'autres ressources, d'autres clefs de financement, nous arrivons, nous, à l'équilibre.
Un dernier point : le Fonds de réserve pour les retraites. Vous avez déclaré, monsieur le ministre, qu'il était normal de l'utiliser. Mais, il a été créé par le Gouvernement Jospin pour servir en cas d'aléa ou de crise économique. Vous, vous le pillez pour une réforme qui n'est ni faite, ni financée parce que vous refusez de toucher à des revenus que vous protégez. Voilà pourquoi je demande au Gouvernement de revoir sa position sur le fonds de réserve.
Par ailleurs, il faudrait qu'il nous explique clairement comment il réussira à équilibrer le régime en 2025. À défaut, il mentira aux Français et l'urgence derrière laquelle il s'abrite pour passer en force apparaîtra pour ce qu'elle est : un mauvais argument.
Il n'y a pas de consensus sur un sujet qui l'aurait pourtant mérité, tout d'abord parce qu'il n'y a pas eu de négociation aboutie avec les partenaires sociaux. Ils sont tout de même censés gérer les caisses d'assurance vieillesse. Le Président de la République a décidé unilatéralement, dans un esprit de revanche politique et sociale. Il nous a en effet expliqué, dans son interview, que la première partie de son mandat avait été consacrée à la remise en cause des 35 heures et que la seconde le serait à celle de la retraite à 60 ans. Ensuite, parce que l'essentiel de l'effort est demandé au salariat sans que la pérennité du régime soit pour autant assurée, même si vous siphonnez le Fonds de réserve pour les retraites.
Je m'attacherai surtout aux dispositifs de solidarité en faveur des jeunes, des femmes et des seniors, vantés à l'excès dans la campagne de publicité lancée avant même que la loi ne soit votée.
L'emploi des jeunes a sa place dans la discussion de la réforme des retraites, puisque nous défendons la répartition. Tout devrait être fait pour favoriser l'insertion professionnelle des jeunes. Pourtant, ces derniers jours, on annonce qu'on renonce à plusieurs dispositifs d'accompagnement, sans doute pour trouver de l'argent pour les seniors. Vous annoncez une amélioration mineure destinée aux chômeurs non indemnisés, des jeunes en majorité. L'exposé des motifs indique que les jeunes en situation précaire pourront valider six trimestres au titre de leur première période de chômage non indemnisé, au lieu de quatre aujourd'hui. Quelle avancée ! Cependant, le projet de loi n'en porte pas trace. Comment comptez-vous faire, monsieur le ministre ? Ne vaudrait-il pas mieux prendre en compte les périodes de formation, indemnisées ou non, dans le décompte des annuités, et même instaurer un statut du salarié en formation ?
En ce qui concerne les femmes, l'inégalité des pensions reflète celle des traitements, mais aussi des carrières. Celles des femmes sont plus courtes et plus précaires. Ainsi, seulement 44 % d'entre elles ont une carrière complète. Mais, le cumul de l'augmentation de la durée de cotisation et du recul de l'âge légal pèsera sur le montant de leurs pensions et aggravera l'inégalité entre hommes et femmes. Beaucoup d'entre elles devront attendre 67 ans pour partir à la retraite. Au motif que les écarts tiennent surtout aux salaires, vous annoncez, monsieur le ministre, des mesures pour inciter les entreprises à investir dans la réduction des écarts salariaux entre hommes et femmes. Lesquelles ? Quand ?
Vous proposez de repousser l'âge de départ à la retraite, alors que le taux de chômage des seniors est élevé – et ne va pas baisser d'un coup de baguette magique. Le Président de la République a, certes, déclaré que les entreprises mettaient les salariés de plus de 55 ans au chômage parce que la retraite était à 60 ans et qu'en reculant l'âge de départ, les entreprises différeraient leur décision de deux ans aussi. Mais rien ne le prouve. Et il risque même d'y avoir un transfert important de la prise en charge, de l'assurance vieillesse vers l'assurance chômage.
Vous envisagez une aide à l'embauche des seniors, que nous venons de découvrir. Apparemment, elle n'a pas été discutée avec les partenaires sociaux. Espérons qu'elle aura un plus grand succès que la formule du contrat à durée déterminée pour les seniors. Une modulation des cotisations sociales serait préférable, favorable aux entreprises qui fidélisent leurs salariés et pénalisant celles qui recourent massivement à l'emploi précaire et au temps partiel.
Quel sera l'avenir du dispositif allocation équivalent retraite destiné aux chômeurs non indemnisés, mais qui peuvent prétendre à une retraite à taux plein ? La loi de finances pour 2008 l'avait abrogé, mais il a dû être prorogé sous l'effet de la crise et de nos pressions.
Enfin, ne trouvez-vous pas indécent, pour ne pas dire mensonger, de communiquer sur des mesures qui, non seulement ne sont pas votées, mais sont bien imprécises, sinon absentes du projet ?
Je souhaiterais revenir sur les conditions quelque peu surréalistes dans lesquelles débute l'examen de ce texte par la Commission des affaires sociales. Le Gouvernement a choisi de jeter une chape de plomb sur le débat ; le calendrier a été fixé de manière à éviter toute contestation. Vous faites tout pour aseptiser la discussion et pour vitrifier le texte, mais il n'est pas sûr que vous réussissiez !
Le plus grave, c'est qu'alors que vous avez fait de la concertation sociale l'une de vos ambitions politiques, on entend les partenaires sociaux, les syndicats en particulier, se plaindre que vous ne teniez pas compte de leurs positions. Il y a un mois, vous aviez annoncé qu'avant son examen par l'Assemblée, vous amélioreriez ce texte sur trois points : la pénibilité, les polypensionnés et les carrières longues. Rien n'a bougé. Bien au contraire, on observe une régression sur le premier volet.
Sur le fond, votre plan n'est pas fait pour les salariés, ni pour sauver notre système de retraite par répartition. Il a été conçu pour satisfaire les exigences des marchés financiers et des agences de notation. D'ailleurs, M. Claude Guéant expliquait dans le Financial Times qu'il s'agissait d'un plan strictement comptable – quoique faussement comptable –, visant à réaliser un maximum d'économies. On fera ainsi payer la crise aux salariés, puisque leur contribution représente 90 % de l'effort demandé, alors que les hauts revenus et le capital ne sont mis à contribution qu'à hauteur de 4 milliards d'euros.
Plus grave encore, ce plan est injuste, puisque vous ajoutez aux diminutions successives du taux de remplacement décidées en 1993, en 1994 et en 2003, qui ont entraîné une baisse des pensions de 20 %, la remise en cause d'un acquis social auquel les Français sont très attachés. Ce report de l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans entraîne mécaniquement, n'en déplaise à François Bayrou, celui de l'âge de la retraite à taux plein, de 65 à 67 ans !
Cette mesure méconnaît l'existence dans la société française d'une inégalité fondamentale : la différence d'espérance de vie entre un ouvrier et un cadre supérieur, qui avoisine les sept années ; les ouvriers sont à la retraite moins longtemps et dans un état de santé plus dégradé que les autres catégories socioprofessionnelles.
Elle pénalisera les salariés les plus modestes, ceux qui ont commencé à travailler très jeunes, ceux qui ont eu des métiers pénibles, ainsi que les femmes aux carrières incomplètes et les travailleurs précaires.
Votre réforme sera sans doute la plus dure et la plus douloureuse d'Europe, puisque l'Allemagne prévoit pour 2029 le passage de l'âge de départ à la retraite à taux plein de 65 à 67 ans : vous réalisez l'exploit de le faire dix ans avant elle !
Ce texte est une trahison non seulement des engagements pris envers les Français en 2007, mais aussi de ceux, relatifs à la pénibilité, inscrits dans la loi de 2003. S'il comprend un volet, fort limité, sur l'incapacité physique, il ne propose pas de définition de la pénibilité, n'en identifie aucun facteur et ne prévoit pas de mesures préventives, alors que les partenaires sociaux s'étaient mis d'accord sur ces trois points. Cela prouve que le Gouvernement ne se soucie pas d'élaborer un dispositif tenant compte des effets identifiables et irréversibles du travail sur la santé, qui influent sur l'espérance de vie et touchent aujourd'hui 2,3 millions de salariés. Il privilégie une mesure relative à l'incapacité physique, qui ne concerne que 10 000 personnes et aura le moins de répercussions possibles sur le budget de l'État et sur le niveau des cotisations patronales.
Je souhaite rappeler quelques faits.
Premièrement, le pouvoir d'achat des 15,5 millions de retraités français est préservé, ce qui n'est pas le cas dans tous les pays d'Europe. Deuxièmement, l'espérance de vie des Français à l'âge du départ à la retraite est la plus longue d'Europe. Troisièmement, la compétitivité des entreprises n'est pas remise en cause. Enfin, s'agissant de la pénibilité, 100 000 à 150 000 départs seront possibles à 60 ans ou avant. Est-ce le cas dans beaucoup de pays d'Europe ? Après avoir entendu tant de caricatures inspirées de Germinal, je tenais à rétablir ces vérités.
Nos concitoyens vivent mal ; ils sont inquiets pour leur avenir et pour celui de leurs enfants. Est-ce pour cette raison que vous n'avez pas souhaité que notre débat soit retransmis sur La Chaîne parlementaire ?
Votre projet de loi pèse sur les plus faibles, une fois de plus – une fois de trop ?
Monsieur le ministre, en répondant à Martine Billard, vous avez eu l'air de prendre la situation des femmes à la légère, en prétendant qu'elles retrouveraient progressivement leur pouvoir d'achat. Pourtant, les femmes souffrent de la précarité, des écarts de salaires avec les hommes, du développement du travail à temps partiel, ainsi que de la pénibilité. Les pensions qui leur sont versées demeurent, et demeureront encore longtemps, inférieures à celles des hommes.
Malgré cela, votre projet de loi ne comporte, hormis la prise en compte du congé de maternité, aucune mesure en leur faveur. Vous vous êtes même déclaré défavorable à l'amendement adopté par la Commission des finances, visant à permettre aux femmes de bénéficier d'une retraite à taux plein à 65 ans au lieu de 67. Vous vous référez sans cesse à ce que font les autres pays européens, mais je vous signale que dans beaucoup d'entre eux, les femmes partent à la retraite à 60 ans et les hommes à 65 ans. Pourriez-vous vous inspirer de leur exemple pour revenir sur votre refus d'ici à la discussion en séance plénière ?
Beaucoup de femmes travaillent à temps partiel. Or, un temps partiel de moins de deux cents heures par trimestre ne permet pas de valider un trimestre. Je ne suis pas sûre que toutes les personnes concernées le sachent, ni que leurs employeurs le leur disent, notamment lorsqu'ils transforment des emplois à temps complet en emplois à temps partiel de moins de deux cents heures.
D'autre part, trouvez-vous normal qu'après avoir élevé trois enfants, celles qui touchent une petite retraite de 800 euros par mois et celles qui étaient cadres bénéficient de la même bonification, de 10 % ?
Enfin, nous sommes plusieurs députés, de tous bords politiques, à appeler chaque année l'attention du Gouvernement sur la situation des quatre millions de veufs et veuves de notre pays – plus de trois millions étant des femmes. Et chaque année, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, on nous renvoie à la discussion du projet de loi relatif aux retraites. Pourtant, je ne vois aucune disposition sur le sujet.
La situation des veuves est particulièrement difficile. De surcroît, le Président de la République avait promis, notamment lors de la campagne présidentielle, le passage du taux de réversion de 54 % à 60 %, l'augmentation du plafond de ressources pour l'attribution de la pension de réversion, la pérennisation de l'allocation veuvage – dont le régime doit s'interrompre au 31 décembre 2010. La réversion s'appliquant de nouveau sous la condition d'âge minimum de 55 ans, les jeunes veuves ne bénéficieront d'aucun des deux dispositifs ! De même, il avait promis l'ouverture d'un droit à pension de réversion pour les concubins et les pacsés. Je n'ose croire que ces engagements ne seront pas tenus !
Chers collègues, je vous informe que je n'accepterai aucune nouvelle demande de prise de parole. Quarante et un orateurs sont intervenus durant la discussion générale, qui a duré six heures trente au total. Il faut remonter très loin dans le temps pour trouver un débat en commission d'une telle ampleur !
Pour commencer, je souhaiterais corriger certains de vos accommodements avec la vérité, monsieur le président. Ainsi, vous dites que la part des salaires dans le PIB a diminué à partir de 1983 – probablement voulez-vous suggérer que c'est en raison de la politique du Gouvernement de l'époque. Certes, il y a eu une forte hausse dans les années 1970 et un retournement dans les années 1980 : on est revenu, vers 1986, au niveau de 1973. Toutefois, la hausse des années 1970 s'explique par la forte progression des salaires, quand la productivité du travail a ralenti. Permettez-moi de vous rappeler qu'en 1981, l'économie française était dans un état déplorable, au point que certaines entreprises, au bord de la ruine, ont dû être nationalisées. Quant à la baisse des années 1980, elle est due pour partie à la hausse des taux d'intérêts réels. Ce phénomène, qui ne résulte pas d'une volonté délibérée du Gouvernement, s'est largement accentué dans les années suivantes.
Quant à vous, monsieur le ministre, je me demandais en vous écoutant si vous n'aviez pas changé de casquette, pour devenir président de groupe. Vous vous exprimez comme si votre problème, c'était nous ! De toute évidence, vous n'avez pas lu nos propositions. Elles ont pourtant été présentées aux Français avant votre projet de loi, et nos concitoyens les ont comprises et approuvées. Je souhaiterais que vous en teniez compte. En caricaturant nos positions, vous vous caricaturez vous-mêmes !
Quand on entend les attaques en règle contre les fonctionnaires et les appels à une forme de privatisation de la retraite, il vaut effectivement mieux que certaines interventions ne soient pas retransmises à la télévision. Toutefois, je crois que l'on aurait gagné en sérénité si ce débat, qui intéresse tous les Français, avait été filmé.
Qui êtes-vous pour nous donner des leçons ? Vous n'appartenez même pas à cette commission !
En effet, j'appartiens à celle des affaires économiques et, aux termes du Règlement que vous avez adopté, j'ai parfaitement le droit de participer à la réunion d'une autre commission – de même qu'à la Commission des affaires économiques, les membres des autres commissions peuvent intervenir, ce qui fut notamment le cas lors de l'examen des projets de lois de modernisation de l'économie ou de modernisation de l'agriculture, lorsque certains lobbies ont cherché à s'exprimer !
Pour ce qui me concerne, je ne suis pas là pour défendre un lobby, mais je souhaiterais que nous tenions compte de ce que disent les Français. Notre collègue, Marie-Christine Dalloz faisait tout à l'heure allusion à certaines réunions publiques. J'ignore où elles ont eu lieu, mais, en ce qui me concerne, je n'ai rencontré aucun salarié qui approuve la réforme proposée. Tout le monde est conscient que ce texte est fait pour donner des gages aux agences de notation. Mme Lagarde ne cesse, dans les réunions internationales, de répéter que cette réforme est nécessaire pour faire rentrer la France dans les clous et pour que la part des prélèvements obligatoires dans notre pays diminue rapidement. Il s'agit, en outre, de donner des gages à nos voisins allemands, qui s'impatientent devant l'incurie politique du Gouvernement.
Cette réforme est injuste, puisque 90 % des efforts demandés reposent sur les salariés, et imprévoyante, puisqu'il faudra revenir dessus en 2018 – et dès 2012 si les électeurs nous font confiance, pour corriger ses aspects antisociaux, pour sécuriser durablement les comptes des caisses de retraite, et pour mettre fin au hold-up sur le Fonds de réserve pour les retraites.
Par ailleurs, vous confondez invalidité et pénibilité. Dans ma région, deux industriels du secteur de la chimie, Rhodia et Arkema, ont décidé d'accorder, après discussion avec les partenaires sociaux, la retraite à 57 ans, sur fonds privés. Croyez-vous vraiment que ces groupes, qui doivent assurer la rémunération de leurs actionnaires, réduisent de trois ans la durée de travail de leurs salariés par pure philanthropie ?
Six mois, et non trois ans, monsieur Gagnaire : ensuite les salariés bénéficient des prestations de l'UNEDIC, non des fonds privés !
En tout cas, cela permet à certains salariés de partir à la retraite à 57 ans, ce qui prouve que ces deux groupes reconnaissent la pénibilité du travail dans leur secteur, les risques encourus et la moindre espérance de vie de leurs salariés à leur départ à la retraite. Ce que des groupes privés ont été capables de reconnaître à travers des accords signés avec les partenaires sociaux, le Gouvernement serait bien inspiré de l'introduire dans la loi, au lieu de nier l'évidence !
Enfin, se pose le problème du statut de l'auto-entrepreneur, dont nous discutons régulièrement à la Commission des affaires économiques. M. Novelli fait la promotion de ce dispositif, en assurant que la France sera bientôt copiée par l'Europe entière. Or, nous avons auditionné les responsables des caisses de retraite, notamment celle des professions libérales : les charges liées aux exonérations de cotisation sont actuellement supportées par elles, ce qui se traduira inévitablement par une augmentation de 10 à 20 % des cotisations. Si l'on veut assurer un financement équilibré des caisses de retraite, il faut que l'État honore ses engagements ! Vous avez fait voter dans l'urgence une loi absurde, qui déstabilise le secteur de l'artisanat et le budget des caisses de retraite, en attribuant des trimestres gratuits à tout auto-entrepreneur, quel que soit son chiffre d'affaire. Voilà la réalité du statut de l'auto-entrepreneur, que personne ne semble connaître au sein de votre commission !
Ne soyez pas provocateur, monsieur Gagnaire : nous avons travaillé des heures sur la question !
La loi de modernisation de l'économie n'a pas été examinée par la Commission des affaires sociales, mais par celle des affaires économiques, et ces questions ont été largement débattues par les députés de notre groupe : il me semble donc légitime que je porte le débat ici. D'ailleurs, vous auriez gagné du temps si vous nous aviez écoutés ; cela vous aurait évité de présenter certains amendements !
De même, lors de l'examen de la loi dite « TEPA », nous n'avions cessé de dire qu'il fallait supprimer les crédits d'impôt sur les intérêts d'emprunt. Aujourd'hui, M. Apparu reconnaît qu'il s'agit d'un gaspillage de l'argent public. Vous arrivez aux mêmes conclusions que nous, mais avec des semaines, voire des années de retard.
Votre réforme n'est ni faite, ni à faire, et elle sera à refaire !
Au cours de sa séance du 8 juin 2010, la Commission des affaires sociales a reçu M. Jacques Escourrou, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAV-PL). En page 266 du rapport d'information sur la réforme des retraites déposé par la commission, figure la question que je lui ai posée à propos des difficultés liées au statut des auto-entrepreneurs, et en page 269 sa réponse, selon laquelle la CNAV-PL devra payer 1 700 euros par an et par auto-entrepreneur. Je ne peux donc admettre ni laisser dire que nous ignorerions à quoi nous en tenir sur ce dossier.
Vous évoquez, monsieur le ministre, un droit social nouveau pour les salariés reconnus travailleurs handicapés. Notre appréciation diffère sans doute sur ce point, mais pourriez-vous nous dire quelles seront les 10 000 personnes concernées et en fonction de quels critères elles accéderont à ce nouveau droit social ? D'autre part, à qui sera confiée la gestion des demandes – à un nouveau service de l'État ou aux maisons départementales des personnes handicapées ?
Lorsque nous l'avons auditionné, le directeur général du Régime social des indépendants (RSI), nous a expliqué que, chaque année, celui-ci recouvre pour le compte de l'État le produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés (CSSS), soit 5 milliards d'euros. Mais, si le RSI en assure la collecte, il ne conserve pas la totalité du produit de cette taxe ; où finissent ces fonds ?
Plusieurs remarques s'imposent sur la forme que le Gouvernement donne à ce débat. En premier lieu, quels éléments du projet sont négociables ? Aussi bien le Président de la République que vous, monsieur le ministre, allez proclamant que le report de l'âge de la retraite à 62 ans ne l'est pas, mais que l'on peut discuter des carrières longues, des polypensionnés et de la pénibilité. Dans les faits, qu'en est-il ? Ce matin, en Commission des finances, saisie pour avis, nos amendements sur ces sujets ont été balayés. À quoi servons-nous ? Dès que l'on vous fait des propositions précises, vous répondez que les éléments susceptibles d'être négociés le seront plus tard, peut-être en septembre… En réalité, vous refusez d'examiner ces sujets.
Sur un autre plan, pourquoi, monsieur le ministre, ne pas avoir assorti ce projet d'un projet de loi de finances rectificative ou d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative ? Certains, sur les bancs de la majorité, s'interrogent eux aussi à ce sujet. On lit, certes, l'annonce de diverses mesures, y compris fiscales, dans vos documents publicitaires, mais dans le projet de loi lui-même, rien !
Dans le même temps, vous allez de chaîne de télévision en chaîne de télévision affirmer qu'il n'y a pas de propositions socialistes ; c'était le cas ce soir encore, sur la Chaîne parlementaire. Cessez de nous traiter par le mépris, comme si tout ce que nous disions était stupide ! Notre collègue Yves Durand l'a dit, les propositions du Parti socialiste sont sur la table, qu'il s'agisse de la taxation des revenus du capital ou de la majoration de l'impôt sur les sociétés acquitté par les banques, mais vous les balayez systématiquement d'un revers de main !
Tout à l'heure, j'ai entendu brocarder ce qui aurait été une sorte de plagiat de Germinal. Et pourtant ! Je prendrai pour seul exemple celui des mineurs de fer et de charbon. Le Rapporteur sait aussi bien que moi que, s'ils n'avaient bénéficié du droit à la retraite anticipée, ils seraient tous morts au travail ! Et même ainsi, il faut peu de mots pour récapituler ce qu'il en était : retraite après trente ans de fond, c'est-à-dire à 50 ans ; cancer du poumon se déclarant à 55 ans ; mort à 60 ans. Cela s'est passé ainsi dans ma famille, chez des voisins… Je connais des cas par légions ! Aussi, quel mépris de prétendre confondre pénibilité et handicap, sans vouloir prendre en compte les maladies différées !
Je le répète, les partenaires sociaux ont formulé des propositions sur la pénibilité, nous aussi, et nous en formulerons d'autres par le biais d'amendements. Vous seriez bien inspiré d'en tenir compte.
Je partage votre analyse pour ce qui est des mineurs, mais vous devriez nous rendre hommage d'avoir permis, en 2003, que 700 000 ouvriers, qui avaient commencé à travailler très jeunes, puissent partir à la retraite après 45 ou 46 ans d'activité.
Je salue la présence parmi nous de M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la Commission des finances, et de M. Émile Blessig, rapporteur pour avis de la Commission des lois.
Madame Langlade, le Gouvernement est aussi attentif que vous l'êtes au taux d'emploi des seniors, mais il faut pour commencer faire des comparaisons probantes. Choisir pour référence le taux d'emploi des seniors âgés de 55 à 64 ans n'a pas grand sens puisque, d'évidence, la fixation de l'âge de la retraite à 60 ans fait qu'à partir de cet âge, ce taux est très inférieur en France à ce qu'il est dans les autres pays. Mais, à 59 ans, il est égal ou supérieur à la moyenne de ce qui est observé dans les pays de l'Union européenne – ce qui n'est toutefois pas assez, je vous l'accorde.
L'augmentation de l'âge de la retraite doit susciter un changement culturel tel que la société française s'habitue à conserver les seniors en entreprise. Cela signifie aussi qu'il faudra, en effet, adapter les carrières. C'est plus facile pour les grandes sociétés, Rhodia par exemple, qui servent de laboratoires, car leurs pratiques se diffusent dans les PME auxquelles elles sous-traitent. Il nous faut parvenir à employer massivement les seniors, ce qui ne se fera pas au détriment de l'emploi des jeunes – ce n'est pas parce qu'un salarié prend sa retraite qu'un jeune est nécessairement embauché, vous ne l'ignorez pas. Le projet met l'accent sur le tutorat, mais nous avons aussi prévu d'autres mesures, tel le recentrage sur les chômeurs âgés de l'exonération de charges prévue pour l'embauche d'un salarié par une très petite entreprise. Nous donnons ainsi un coup de pouce aux entreprises qui veulent employer des salariés âgés de plus de 55 ans. Il y faudra du temps, et nous devrons être vigilants.
Monsieur Muzeau, vous jugez le projet inacceptable ; c'est votre droit. Vous dites par ailleurs que l'on ne peut mêler carrières longues et pénibilité. Or, ceux qui ont commencé à travailler tôt ont souvent été exposés à des facteurs de pénibilité. Les populations considérées ne sont pas exactement les mêmes, mais elles peuvent être associées à certains égards. Cela représente 100 000 personnes sur 700 000 dont l'âge de retraite ne sera pas 62 ans mais 60 ans ou moins, car avoir commencé à travailler jeune est une des formes de la pénibilité.
Madame Delaunay, toute réforme des retraites est un temps majeur du débat politique. Il faut faire évoluer notre régime de retraite car, actuellement, il n'est pas financé. Les options que nous avons choisies sont incontournables. Voyez ce qui se passe dans les autres pays de l'Union européenne : leurs gouvernements seraient-ils atteints d'idiotie collective ? Nous sommes tous contraints de trouver une solution au problème qui se pose à nous tous et la réponse, nécessairement d'ordre démographique, passe par le report de l'âge de la retraite, mais aussi par d'autres mesures, qui figurent dans le projet.
Les petites pensions reflètent des carrières fragmentées et partielles. Pour corriger cette situation, il faut des minima, et nous en avons : minimum vieillesse, minimum garanti, minimum contributif. Leur montant n'est pas très élevé, soit, mais ils sont le plus souvent assortis d'allocations telles que l'aide personnalisée au logement. Un socle minimum de solidarité existe bel et bien, ce qui n'est pas le cas partout. Incidemment, je n'ai pas souvenir d'avoir entendu le Parti socialiste nous féliciter d'avoir augmenté le minimum vieillesse comme le Président de la République en avait pris l'engagement.
S'agissant de longévité, la mesure des facteurs de risque professionnel suppose la réalisation de matrices emploi-exposition. Il en existe, mais par pour tous les cas, il s'en faut de beaucoup. Pour aller plus loin en matière de pénibilité, il y a plusieurs manières de faire, dont l'une est de réfléchir aux effets différés de l'exposition au risque. Il faudra donc davantage de ces matrices – qui sont réalisées par des scientifiques et non par des politiques –, mais il faut ensuite faire le lien précis entre population exposée à un risque et facteurs de déclenchement de ce risque.
La pénibilité est une question compliquée. Nous aurions pu refuser d'aborder la question et en rester à l'incapacité, à l'invalidité ; nous acceptons d'entrer dans ce débat parce que nous considérons qu'il est juste… Les 10 000 personnes dont nous parlons sont celles qui justifieront d'un taux d'incapacité égal ou supérieur à 20 % ayant donné lieu à l'attribution d'une rente pour maladie professionnelle ou pour accident du travail – non par les médecins du travail mais par les médecins de la branche accidents du travail-maladie professionnelle de la CNAMTS.
Là encore, je n'entends pas beaucoup de propositions de votre part. Nous sommes offensifs, vous êtes sur la défensive…
Vous avez l'épiderme bien sensible… Quant à dire que l'été n'est pas le bon moment pour réformer les retraites, permettez-moi de rappeler que la réforme a été annoncée en juin 2009 sans que vous vous saisissiez du sujet alors que, l'assurance vieillesse accusant un déficit de 30 milliards d'euros, nous n'avons pas le temps d'attendre. Nous avons mené une concertation très approfondie. Nous avons fait un lien entre retraite et pénibilité. Dans de nombreux pays, ce lien n'existe pas. Mais, il faut bien un outil pour mesurer la pénibilité ! Voudriez-vous que tout le monde soit éligible au dispositif ?
S'agissant du calcul de la retraite des polypensionnés, monsieur Jeanneteau, le calcul actuel me semble assez correct, puisque l'on se fonde, assez logiquement, sur les 25 meilleures années pour la pension due au titre de l'activité dans le secteur privé, et sur les six derniers mois pour l'activité dans le secteur public. Mais, d'autres problèmes se posent, qui concernent notamment les polypensionnés des régimes alignés, et nous continuons d'y réfléchir. La question reste ouverte et nous verrons en septembre.
Madame Oget, la majoration de la durée d'assurance vieillesse au régime général pour les parents ayant élevé un enfant dont le handicap ouvre droit à l'allocation d'éducation spéciale est égale à un trimestre pour chaque période de 30 mois de versement de l'allocation. Elle demeure.
Peut-être les fonctionnaires ayant trois enfants et quinze ans de service anticiperont-elles un peu leur départ à la retraite, comme il est naturel en période de transition, mais nous avons veillé à étendre la période de choix.
La question du Fonds de réserve pour les retraites a été évoquée de multiples fois ; je ne pense pas vous avoir convaincus.
Vous contestez que le projet permette le retour à l'équilibre du régime des retraites en 2018. Mais le projet du Parti socialiste prévoit un retour à l'équilibre en 2025 ; en attendant, que faites-vous ?
Pourquoi, monsieur Juanico, ne pourrait-on débattre de la réforme de retraites en été ? Ni en juin, ni en septembre non plus ? La discussion a commencé il y a longtemps – début avril au sein de votre commission, qui m'a auditionné deux fois à ce sujet – et il continuera jusqu'au mois d'octobre. Le débat se fait donc sur une période longue et il n'a rien de tronqué.
Pour valider un trimestre, il faut 200 heures sur un an, madame Clergeau. La question de la pension de retraite des veuves et des veufs est, en effet, un sujet important ; pourtant, lorsque nous avons porté de 54 à 60 % le taux de la réversion pour les veuves et les veufs les plus modestes, vous n'avez pas voté cette mesure, qui concerne des dizaines de milliers de nos concitoyens.
L'allocation veuvage est maintenue…
Monsieur Gagnaire, il est assez prévisible que les Français, si on les interroge, disent ne pas approuver le passage à 62 ans de l'âge légal de la retraite. On peut présumer qu'interrogés, ils n'approuveraient pas davantage la réduction des pensions ou l'augmentation des impôts et, avec une telle approche, on aurait peu de chance de parvenir à réformer les retraites. Il faut procéder avec calme et dans un esprit de responsabilité. Le Gouvernement et le Parlement doivent prendre des mesures, et c'est ce qu'ils font.
Je ne reviens pas sur la question de la compensation versée par la CNAV-PL, déjà abordée.
S'agissant de l'emploi des seniors, il faut aménager les fins de carrière. Avec le passage de l'âge de la retraite à 62 ans, cette exigence est encore plus forte. Des expériences sont déjà en cours à cet effet dans de nombreuses entreprises ; il faudra les développer encore.
Madame Biemouret, vous m'avez demandé qui seront les 10 000 personnes reconnues travailleurs handicapés ; je vous ai répondu en répondant à Mme Delaunay.
La part de la CSSS que le RSI collecte mais ne conserve pas ne disparaît pas : elle est versée au Fonds de solidarité vieillesse.
La réforme est-elle négociable, monsieur Eckert ? Mais vous n'avez aucune envie de négocier avec le Gouvernement ! D'ailleurs, je n'ai pas souvenir qu'un seul des projets que vous avez présentés lorsque vous étiez au pouvoir ait été substantiellement modifié par des propositions de l'opposition. N'exigez pas de nous ce que vous n'avez jamais fait et que vous ne faites pas dans la plupart des exécutifs que vous dirigez !
Les choses sont simples : vous ne souhaitez pas aborder les mesures d'âge, le Gouvernement souhaite les aborder. Que fait-on ? On abandonne toute idée de réformer les retraites ?
Pour évaluer le nombre des départs anticipés de fonctionnaires ayant trois enfants et quinze ans de service dus à la modification envisagée, les références comparables sont peu nombreuses. Tout au plus puis-je vous dire que l'on a constaté 15 % de départs supplémentaires en 2003, mais que l'équilibre s'est rétabli dès l'année suivante. Cela étant, le risque de départs anticipés doit être minimisé, car le dispositif est progressif. Les règles actuelles s'appliqueront jusqu'au 31 décembre 2010, les règles « générationnelles » au 31 décembre 2011, ce qui permettra un lissage des départs. De plus, les fonctionnaires concernées ne prennent pas une décision de cette nature uniquement en fonction de l'évolution de la législation ; l'impact financier qu'aura le départ à la retraite est aussi pris en considération.
Monsieur Gagnaire, je suis favorable à l'écoute réciproque, mais les mots ont un sens. À cet égard, parler comme vous le faites d'« attaques contre les fonctionnaires », c'est abuser d'une dialectique pour laisser entendre que toute réforme se ferait contre eux. Cette manoeuvre politique peine à convaincre, d'autant que vous ne proposez aucune alternative.
La question est la suivante : considérez-vous, oui ou non, que la convergence entre le public et le privé est nécessaire ? Si oui, j'attends avec impatience vos propositions.
Soit, mais je constate que dans la discussion générale, le sujet n'a aucunement été abordé, ce qui tendrait à me faire douter de votre conviction que l'équité passe par un rapprochement public-privé – auquel, pourtant, les Français sont très attachés.
Monsieur le ministre, je préfère que vous critiquiez le projet du Parti socialiste plutôt que de répéter, comme vous l'avez fait encore devant la presse à l'issue de la séance de cet après-midi, que les socialistes n'ont rien à proposer. Que vous n'accordiez aucun crédit à notre projet, ce n'est pas un problème – d'autant que nous n'en accordons pas davantage au vôtre ! Mais cessez de dire que nous n'avons pas de propositions, ce n'est pas correct. Si ce débat avait été transparent, chacun aurait pu en prendre connaissance.
La Commission passe à la discussion des articles.
Je rappelle que seuls les membres de la commission des affaires sociales peuvent participer aux votes.
Je rappelle également qu'en vertu de l'article 100 du Règlement, « ne peuvent être entendus, sur chaque amendement, outre l'un des auteurs, que le Gouvernement, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond, le président ou le rapporteur de la commission saisie pour avis et un orateur d'opinion contraire ». Toutefois, sur quelques amendements importants – je pense à la question de la pénibilité –, je serai plus libéral.
Enfin, je veillerai à ce que les interventions sur les amendements, conformément à la règle, n'excèdent pas deux minutes.
Avant l'article 1er
La Commission est saisie de l'amendement AS 34 de M. Dominique Tian.
Cet amendement fait partie de ceux que nous proposons pour aller plus loin sur la voie de l'équité. Il tend à modifier l'article 2 de la loi du 21 août 2003, en indiquant que tout retraité a droit à une pension « en rapport avec les cotisations qu'il a versées » plutôt qu'avec « les revenus qu'il a tirés de son activité ». Il vise notamment l'équité entre le public et le privé.
La modification du principe inscrit dans cet article n'est pas d'actualité. Avis défavorable, de même qu'à l'amendement AS 35.
Avis défavorable également, l'objectif d'équité des efforts contributifs étant satisfait, à l'article 21, par la mesure relative à l'augmentation des taux de contribution.
J'aimerais que le Gouvernement se déclare également opposé à l'exposé des motifs de cet amendement, qui montre bien la grande confusion que certains cherchent à entretenir à propos des fonctionnaires. Il laisse, en effet, entendre que ceux-ci sont avantagés, alors qu'à qualification égale, il faut le dire clairement, les niveaux de pension du secteur privé et du secteur public sont extrêmement proches.
Je me suis déjà exprimé sur ce sujet. Si nous n'avons pas voulu procéder à une harmonisation entre la règle des vingt-cinq meilleures années et celle des six derniers mois, c'est parce que nous avons constaté qu'en effet, tant les rémunérations que les pensions sont approximativement les mêmes dans le privé et dans le public. Les dispositions de l'article 21 répondront aux préoccupations de M. Tian – dont par ailleurs le propos ne m'a paru en rien exprimer la stigmatisation que vous évoquez.
La Commission rejette l'amendement AS 34.
Puis, elle est saisie de l'amendement AS 35 de M. Dominique Tian.
À l'article 3 de la loi du 21 août 2003, selon lequel « les assurés doivent pouvoir bénéficier d'un traitement équitable au regard de la retraite », je propose de supprimer le mot « pouvoir », afin de donner à cette disposition un caractère impératif.
La Commission rejette l'amendement AS 35.
TITRE Ier DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Chapitre Ier Pilotage des régimes de retraite
Article 1er : Création d'un comité de pilotage des régimes de retraite
La Commission est saisie des amendements de suppression AS 36 de M. Dominique Tian, AS 81 de Mme Martine Billard et AS 226 de Mme Marisol Touraine.
La création d'une nouvelle structure s'ajoutant à celles qui existent déjà paraît inutile.
Monsieur le président, nous demandons que sur les amendements que nous pensons importants – et même si vous-même ne les considérez pas comme tels –, il puisse y avoir une intervention par groupe. Je rappelle à nos collègues de la majorité qu'ils ont voté une réforme constitutionnelle selon laquelle le débat principal doit se faire en commission ! Nous aurions aimé pouvoir intervenir sur l'amendement précédent.
Je le répète, je vais appliquer de la façon la plus libérale qui soit l'article 100 du Règlement ; mais nous devons assurer la bonne organisation du débat. Beaucoup de choses ont déjà été dites lors de la discussion générale.
Il nous faut néanmoins avoir des débats de fond.
Nous sommes, nous aussi, défavorables à la création d'un comité de pilotage des régimes de retraite à côté du COR, dont l'intérêt est d'être pluraliste et de réaliser des études à partir desquelles le Parlement et le Gouvernement peuvent prendre leurs décisions. Ce comité aurait des fonctions assez similaires à celles du COR, notamment la réflexion sur les perspectives de financement de la réforme des retraites, et pourrait de plus faire des propositions sur les mesures à prendre. Or, nous considérons qu'il ne doit pas y avoir pour cela d'intermédiaire entre le COR et les décideurs que nous sommes.
En outre, nous sommes en désaccord avec la composition proposée de ce comité, qui fait très peu de place aux syndicats.
Nous contestons nous aussi la logique de cet article. Certaines des missions assignées à ce comité sont exercées aujourd'hui par le Gouvernement, d'autres par le COR, et nous ne voyons donc pas l'utilité de créer ce nouveau « machin », comme aurait dit le Général de Gaulle.
En outre, la rédaction retenue est extraordinairement vague : on donne au Comité la mission de « veiller » à la réalisation de divers objectifs, sans même préciser les moyens dont il disposera pour cela.
Enfin, nous contestons l'horizon 2018. Nous voulons une réforme plus ambitieuse, à l'horizon de 2025. J'indique à M. Woerth que notre projet comporte des mesures démographiques à cette échéance et qu'il assure l'équilibre à court terme par des prélèvements sur les revenus du capital.
Avis défavorable, car cet article comble un manque dans notre système de pilotage des retraites. Le comité de pilotage, qui rassemblera l'ensemble des acteurs concernés, n'est nullement superfétatoire. Le COR continuera à réaliser ses analyses, tandis que le Comité, en fonction des travaux du COR, fera des propositions au Gouvernement pour assurer l'équilibre des régimes au-delà de 2020, tout en surveillant les effets produits par la réforme de 2010.
Avis défavorable également, bien entendu. Le COR est un outil technique, mais le comité que nous proposons de créer sera très utile pour suivre l'évolution des régimes de retraite, année après année, en en parlant régulièrement avec les partenaires sociaux. C'est un moyen de faire progresser le consensus sur le sujet.
Je rappelle que, avec la Commission des comptes de la sécurité sociale, nous disposons de l'ensemble des données des trente-huit caisses de retraite, sans parler du rôle d'accompagnement et d'information joué par le GIP-Info retraite.
En ce qui concerne le COR, dont je suis membre, j'ai été surpris que le Sénat lui ait confié une mission. Le COR a, en effet, légitimité pour s'autosaisir. J'aimerais que l'on précise bien dans la loi qu'il est totalement autonome. Il ne saurait être question de s'en servir à des fins politiciennes. Et puisque vous faites souvent référence à ses travaux, monsieur le ministre, je vous saurais gré de préciser, le cas échéant, que l'un des deux rapports produits en mai dernier n'émanait pas du COR lui-même, mais de son seul secrétaire général.
Ce comité de pilotage aura-t-il pour mission de réfléchir à une réforme systémique, à plus long terme ?
Siégeant moi-même au COR depuis qu'il existe, je tiens à préciser qu'à l'issue de l'examen de la loi de financement pour 2009, à l'occasion de la commission mixte paritaire, le Sénat avait en effet demandé une étude, portant sur la possibilité d'une réforme systémique. Le COR a accepté de la faire : cela ne lui a pas été imposé.
Monsieur Robinet, c'est en fonction de l'évolution de la situation d'ici à 2018 que nous verrons s'il faut rester dans le paramétrique ou prendre des décisions d'ordre systémique. Le comité de pilotage n'aura qu'un rôle de proposition, le Gouvernement et le Parlement conservant tout leur pouvoir de décision.
L'idée des comptes notionnels peut être approfondie, mais cela ne fait pas partie des objectifs que nous voulons assigner au comité de pilotage.
Quant au COR, qui en effet peut s'autosaisir, rien ne l'empêche, s'il en est d'accord, de répondre aux questions que l'on veut lui poser. Et lorsque je fais référence aux rapports du COR, il s'agit bien de ceux qui sont produits par l'institution, non de ceux qui ont pu être produits par le secrétariat général.
La Commission rejette les trois amendements de suppression AS 36, AS 81 et AS 226.
Puis, elle examine l'amendement AS 82 de M. Roland Muzeau.
Nous proposons de substituer au comité de pilotage une « Maison commune des régimes de retraite ». Alors que le comité ne traiterait des retraites que sous un angle comptable et purement technique, cette maison commune permettrait de valoriser l'aspect social et solidaire du système de retraite par répartition. Elle aurait pour mission de proposer un socle commun de garanties et de droits s'appliquant à l'ensemble des régimes : taux de remplacement d'au moins 75 % du revenu d'activité pour une carrière complète, instauration d'un plancher des pensions égal au SMIC, maintien de l'âge d'ouverture des droits à 60 ans, reconnaissance des pénibilités, indexation des salaires portés au compte sur le salaire moyen, indexation de l'ensemble des pensions sur le salaire net moyen. Elle serait également chargée d'arrêter une définition de la notion de carrière complète et de la période de référence adaptée à chaque régime, de définir les règles de la compensation entre les différents régimes, enfin de définir la politique de décaissement du Fonds de réserve pour les retraites. Elle serait gérée par les représentants élus des salariés. Ce serait une institution de sécurité sociale, regroupant l'ensemble des régimes de retraite du public et du privé, mais respectant les prérogatives de chacun. Nous proposons qu'un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'organisation de cette Maison commune, ainsi que le mode d'élection des représentants des assurés.
Cette proposition est intéressante, mais le comité de pilotage me semble une meilleure solution, notamment parce qu'il sera chargé de veiller au retour à l'équilibre des régimes de retraite le plus rapidement possible. Avis défavorable, donc.
Avis défavorable également.
Vous êtes cosignataire de l'amendement. Je donne éventuellement la parole à un orateur contre.
Monsieur le président, les règles que vous avez énoncées au début de cette discussion ne me paraissent pas concerner les commissions. Nous sommes déjà muselés en séance publique, ne nous muselez pas ici !
Ce que dit l'article 100 du Règlement vaut aussi pour les commissions, mais j'ai bien précisé que pour les amendements importants, je ferais preuve de tolérance.
Comment concevoir qu'en commission, il ne soit pas possible à l'un des signataires d'un amendement de répondre aux arguments du rapporteur ?
Il se trouve que cet amendement est pour nous un élément central de nos propositions. Nous sommes favorables à l'amélioration de la coordination entre les différents régimes de retraite, mais nous divergeons avec l'UMP et le Gouvernement quant à la façon d'y parvenir. On ne peut reprocher à l'opposition de ne rien proposer et, lorsqu'elle fait une proposition constructive, refuser qu'on en débatte !
Franchement, on ne peut accuser le président de ne pas laisser le débat se dérouler ! Nous avons déjà eu six heures de discussion générale. Marisol Touraine et Roland Muzeau devraient se garder de faire un procès d'intention au président, qui s'attache à permettre à chacun de s'exprimer !
La Commission rejette l'amendement AS 82.
Elle examine ensuite l'amendement AS 37 de M. Dominique Tian.
Puisque ce nouveau comité Théodule sera appelé à veiller à l'équité des systèmes de retraite, allons jusqu'au bout de la sous-traitance d'une mission que, pour ma part, j'estime revenir aux députés et chargeons-le de s'assurer d'une réelle convergence entre les régimes.
L'ordre de présentation des missions assignées au comité – « pérennité financière des régimes de retraite par répartition », puis « équité du système de retraite » – me semble bien meilleur dans le texte du projet de loi. Avis défavorable.
Même avis. L'amendement laisse à penser que la convergence serait la seule mission du comité.
C'est une préoccupation obsessionnelle pour Dominique Tian.
Cela dit, quelle valeur ajoutée le comité de pilotage apportera-t-il au dispositif existant – travaux du COR, débats au Parlement et discussions menées entre le Gouvernement et les partenaires sociaux ? On peut plutôt craindre un démembrement du processus politique normal. Nous aurions pu comprendre un système paritaire ou un système électif mais, en dessaisissant le Parlement, le Gouvernement prend le risque d'une dérive technocratique : chaque fois qu'un problème se présentera, on le renverra à ce comité aux contours mal définis.
La Commission rejette l'amendement AS 37.
Puis, elle examine l'amendement AS 83 de Mme Martine Billard.
Monsieur le ministre, vous soutenez que le COR est un outil technique, ce qui suggère que le comité de pilotage pourrait être un outil politique. Le texte lui assigne d'ailleurs des missions stratégiques : maintien de la pérennité des régimes par répartition, de l'équité du système et du niveau de vie des retraités. Or, il appartient aux élus du peuple, et non à un comité non élu, de prendre les décisions sur ces sujets !
Comme le montre votre campagne de propagande, vous voulez faire passer des décisions politiques pour des décisions techniques, comme s'il n'y avait aucun autre choix possible. Cette façon de tuer le débat politique est la pire des choses. En empêchant nos concitoyens d'opérer des choix en connaissance de cause sur des enjeux politiques, elle fait le lit de tous les populismes. L'appareil technocratique, que vous voulez mettre en place pour éviter le débat public et politique, est ce qui peut arriver de pire à une démocratie !
Comme l'a justement souligné Alain Vidalies, c'est au pouvoir politique, donc au Parlement, qu'il revient de décider des réformes à mener. Je donne donc un avis défavorable.
Avis défavorable. Le comité de pilotage est un outil important, qui permettra de réunir régulièrement le Gouvernement et l'ensemble des responsables de régimes très différents, mais ce n'est pas un outil de décision. Il ne se substitue à personne. Le Parlement n'est nullement écarté : à preuve, l'âge de départ à la retraite, qui relevait du domaine réglementaire, est porté au niveau législatif.
La Commission rejette l'amendement AS 83.
Le Gouvernement m'a assuré que, dans le temps où il installera ce comité de pilotage, il supprimera deux autres structures.
La Commission est saisie de l'amendement AS 84 de M. Roland Muzeau.
Je constate que le Rapporteur partage nos inquiétudes !
En rappelant la définition même de la retraite et son sens originel, cet amendement vise à substituer à l'objectif quantitatif du Gouvernement un objectif qualitatif, afin d'éviter l'écueil d'une vision purement comptable et financière.
Le texte prévoit que le comité doit veiller à l'équité du système de retraite. Il ne faut pas remettre en cause cette mission fondamentale. Avis défavorable.
Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement AS 84.
Elle examine ensuite l'amendement AS 85 de Mme Martine Billard.
Aux termes du projet de loi, le comité veille au « maintien d'un niveau de vie satisfaisant des retraités ». L'objectif est peu ambitieux. Nous sommes pour notre part favorables à une progression du niveau de vie de l'ensemble de nos concitoyens, y compris les retraités.
Qu'est-ce que le Gouvernement entend par « niveau de vie satisfaisant » ? Je doute que cette rédaction puisse aboutir à une évaluation juridiquement opposable.
Nous employons souvent l'adjectif « décent ». La pension pour laquelle les personnes ont cotisé doit leur être versée. C'est bien pourquoi nous souhaitons conserver un système par répartition. La rédaction du Gouvernement, peu différente de celle que propose l'amendement, me semble meilleure. Avis défavorable.
La rédaction actuelle est qualitative et non pas normative. Le comité de pilotage a vocation à discuter également du niveau de vie des retraités, donc de l'évolution des pensions.
Selon l'OCDE, la France est le pays où le niveau de vie des retraités est le plus proche de celui des actifs.
La Commission rejette l'amendement AS 85.
Puis, elle examine les amendements AS 86 et AS 87 de M. Roland Muzeau.
Ces amendements de repli visent à inscrire dans la liste des objectifs sur lesquels veille le comité de pilotage, « l'amélioration du niveau de vie » pour l'un, « la garantie d'un niveau de vie décent » – notion qui renvoie au seuil de pauvreté – pour l'autre.
Nous sommes d'accord sur la terminologie : le problème est qualitatif. Mais, par cohérence avec ma position précédente, avis défavorable.
L'amendement AS 87 n'est pas de repli, il est au contraire très offensif. S'il était adopté, le comité ne devrait plus se contenter de « veiller », il serait chargé de « garantir », ce qui lui donnerait un rôle exécutif.
Avis défavorable aux deux amendements.
La Commission rejette les amendements AS 86 et AS 87.
Puis, elle examine l'amendement AS 23 de Mme Marie-Jo Zimmermann.
Par cet amendement, nous proposons que le comité de pilotage veille à la réduction des écarts de pension entre les hommes et les femmes.
En effet, l'amendement est satisfait.
L'amendement AS 23 est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement AS 370 de M. Francis Vercamer.
Il convient d'inscrire parmi les missions du comité de pilotage la prise en compte de la pénibilité au travail, qui est une mesure phare de la réforme gouvernementale. En effet, la notion de pénibilité n'est pas figée dans le temps : elle évoluera en fonction de la recherche, de l'amélioration des conditions de travail, des nouveaux produits auxquels les salariés seront exposés.
Si la prise en compte de la pénibilité devient incontestablement, avec ce texte, une dimension de la retraite, elle ne fait pas pour autant partie des axes que l'on peut qualifier « de pilotage » des régimes de retraite. Cet amendement risque de créer la confusion. Il est préférable de confier ces questions à une instance spécialisée. D'autres amendements visent à confier à l'Observatoire de la pénibilité le soin d'envisager la pénibilité dans sa globalité : identification, prévention, compensation, réparation, etc. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement AS 370.
La séance est levée à minuit.