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Séance en hémicycle du 3 mai 2010 à 18h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • FMI
  • grec
  • grecque
  • grèce
  • peuple
  • rectificative

La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix-huit heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2010 (nos 2452, 2460).

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Monsieur le président, monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, monsieur le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, monsieur le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi de finances rectificative, qu'avec François Baroin nous allons vous soumettre, présente beaucoup de similitudes avec d'autres projets de loi de finances rectificative que j'ai été amenée à vous présenter en 2008 et en 2009 lorsque l'une des plus grandes crises économiques que nous ayons connue depuis un siècle nous a conduits à intervenir dans des conditions d'urgence.

La Grèce s'est heurtée, vous le savez, à deux difficultés majeures : d'une part, les conséquences de la crise économique et financière, qui a entraîné un rétrécissement de l'accès au marché pour la plupart des économies, en particulier les plus vulnérables d'entre elles ; d'autre part, un problème plus spécifique à ce pays, problème de crédibilité que le Premier ministre grec a lui-même qualifié de « déficit de confiance ». Nous savons que cette situation a résulté notamment de dissimulations dans les prévisions de déficit de la Grèce pour l'année 2009, lesquelles ont bien entendu largement entamé la confiance des marchés. À l'occasion du changement de gouvernement opéré à l'automne 2009, la prévision du déficit auparavant fixée à 6 % a doublé, passant à 12,5 % pour être ensuite révisée une nouvelle fois et fixée à 13,7 %, chacune de ces révisions aggravant la défiance des marchés à l'égard du pays, ce qui s'est traduit par une augmentation des écarts des taux de financement. Toutefois, ce n'était pas seulement la situation économique et financière de la Grèce qui était en cause, c'était très clairement aussi la stabilité de la zone euro.

Venons-en maintenant au calendrier des diverses réunions qui se sont tenues.

Lors des deux Conseils européens, informel puis formel, du 11 février et des 25 et 26 mars 2010, les chefs d'État et de Gouvernement ont, au terme d'une discussion que le Président de la République a personnellement engagée avec certains de ses partenaires, décidé du principe de la solidarité européenne avec la Grèce dans le but de « préserver, si nécessaire, la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble ».

Le 11 avril dernier, une réunion extraordinaire de l'Eurogroupe précisait les modalités du plan de soutien financier à la Grèce, le montant maximum de l'aide annoncée s'élevant, pour la première année, à 30 milliards d'euros apportés par les États membres de la zone euro, auxquels s'ajouteraient des fonds apportés par le Fonds monétaire international.

S'agissant du FMI, nous avons souhaité qu'il soit partie prenante au plan de soutien à la Grèce pour deux raisons : d'abord, du fait de son savoir-faire et de son expertise accumulés au fil des années en matière de redressement des situations financières, plus particulièrement pour ce qui est la balance des paiements, et des finances publiques ; ensuite, bien entendu, du fait de l'ampleur du financement rendu nécessaire par l'aggravation de la crise au fil des mois. À ce double titre, le soutien du FMI a été considéré comme bienvenu.

Le 11 avril, il a été décidé que l'aide prendrait la forme de prêts rémunérés à un taux non concessionnel, établi de manière bilatérale par chacun des États membres de la zone euro, à l'exclusion, bien sûr, de la Grèce. Il s'agit d'un taux fixe, de l'ordre de 5 % sur trois ans, proche des conditions consenties par le FMI, avec un taux certes variable, de l'ordre de 3,75 %, mais à la structure analogue.

Ce taux a fait l'objet de débats et je voudrais simplement signaler que notre choix a été motivé par notre volonté de mettre en place un taux unique pour tous les États membres de la zone euro et par le niveau de rémunération qu'imposait le risque grec. Il est souhaitable qu'il ne s'agisse pas d'un taux concessionnel, car ce taux bonifié ne doit pas constituer une incitation à un refinancement dans des conditions facilitées alors que la politique économique d'un État et l'intégrité des chiffres qu'il produit conditionnent le niveau des taux auxquels il a accès sur le marché.

Le 23 avril dernier, la Grèce a demandé à la Commission, à la Banque centrale européenne et à la présidence de l'Eurogroupe l'activation du mécanisme de soutien.

Hier soir, enfin, lors de la réunion extraordinaire de l'Eurogroupe qui s'est tenue à Bruxelles, nous avons décidé d'activer le plan de soutien financier à la Grèce pour un montant de 110 milliards d'euros sur trois ans. Certains ont sans doute en mémoire le montant de 45 milliards d'euros, 30 milliards venant des pays de la zone euro et 15 milliards d'euros du FMI. Le passage à 110 milliards d'euros – 30 milliards émanant du FMI et 80 milliards de la zone euro – s'explique par le remplacement d'un plan sur un an par un plan sur trois ans dans lequel, conformément aux pratiques du FMI, les obligations incombant à la Grèce et les conditions financières liant les pays membres de la zone euro et le FMI s'appliqueront sur l'ensemble de la période.

En l'espèce, mesdames, messieurs les députés, nous n'avons pas d'autre choix. Nous avons pour impératif la réactivité, car c'est la stabilité de la zone euro qui est en jeu pour la première fois de son histoire. L'opportunité nous est donnée une fois encore, en votant ce projet, d'exprimer la voix du législateur pour mettre un terme à la confusion des marchés et pour réaffirmer et mettre en oeuvre l'impératif besoin de régulation en matière financière. Le marché, c'est bien, mais rien que le marché, c'est trop.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Non, le marché, ce n'est pas bien, madame la ministre !

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Le dispositif engage la France à prêter 16,8 milliards d'euros sur une période de trois ans. Conformément au mécanisme de soutien agréé le 11 avril dernier, le Gouvernement vous présente un projet de loi de finances rectificative visant à donner à notre pays les moyens juridiques et budgétaires d'apporter son concours à la Grèce.

À l'issue d'un week-end où s'est probablement jouée une étape importante de l'histoire de l'euro, le Gouvernement vous présente aujourd'hui un amendement visant à augmenter le montant des autorisations d'engagement afin de refléter les discussions qui viennent de se terminer. Comme vous le savez, le gouvernement grec a annoncé lors d'un conseil des ministres extraordinaire, dimanche matin, qu'il s'engageait à respecter le programme négocié avec la Commission européenne, le FMI et la BCE.

En contrepartie des efforts de la Grèce, l'Eurogroupe auquel j'ai participé hier a décidé d'activer le plan de soutien financier à ce pays d'un montant de 110 milliards d'euros répartis sur trois ans – 80 milliards pour les États membres de la zone euro et 30 milliards pour le FMI. Je tiens également à signaler l'engagement des grandes institutions financières mondiales, regroupées au sein de l'Institute of International Finance, de prendre leur part à l'engagement collectif. Cela me paraît être un signal fort de solidarité que les acteurs privés adressent aux marchés.

En accord avec le président et le rapporteur général de la commission des finances avec lesquels nous avons été en contact régulier tout au long du week-end, l'amendement du Gouvernement vise à refléter l'engagement de la France non plus sur la seule première année du programme mais sur les trois années entières. En accord avec la clé de répartition au capital de la BCE de chacun des États membres – soit 20,97 % pour la France –, notre engagement total s'élèvera à 16,8 milliards d'euros pour les trois prochaines années. Les crédits de paiement proposés dans le projet de loi déposé par le Gouvernement ne seront pas modifiés. Le programme de financement pour 2010 ne sera pas davantage modifié. Pour les années suivantes, nous verrons s'il est nécessaire d'augmenter le montant des émissions de dette à moyen et long terme. Il est encore trop tôt pour se prononcer sur ce sujet.

Permettez-moi de revenir sur les deux principes qui nous ont guidés dans l'examen de la situation de la Grèce : solidarité et fermeté.

S'agissant du principe de solidarité, la France a toujours été un moteur dans l'histoire de l'Europe. Ce projet de loi de finances rectificative réaffirme notre engagement à mettre en oeuvre la solidarité européenne. Nous avons été les premiers à engager le processus législatif autorisant le versement de notre quote-part. Depuis la présentation du projet de loi de finances rectificative au conseil des ministres du 21 avril dernier, de nombreux autres États membres ont pris la même initiative. La France s'illustre ainsi avec force dans son engagement européen.

S'agissant du principe de fermeté, il faut souligner que la solidarité n'exclut pas l'exigence. Il n'est pas question de signer un chèque en blanc aux frais des contribuables français. Je serai extrêmement vigilante à l'égard des mesures prises en application du programme agréé ce week-end par le gouvernement grec, en accord avec la Commission européenne, la BCE et le FMI. Les mesures consenties par le gouvernement grec sont strictes et rigoureuses et permettent de restaurer la situation des finances publiques. Le FMI et la Commission européenne vérifieront chaque trimestre que ces engagements auront bien été respectés. C'est ainsi que d'ici à 2013, pas moins de douze vérifications sur place interviendront. Chaque versement du prêt sera naturellement conditionné à la mise en oeuvre du programme d'assainissement des comptes publics auquel le gouvernement grec s'est engagé.

Ce programme est ambitieux mais surtout nécessaire : la Grèce doit être rapidement en mesure de revenir sur les marchés à des conditions raisonnables et de rassurer l'ensemble de ses partenaires.

Soyons clairs : le mécanisme de soutien proposé par la France est un mécanisme de solidarité à l'exclusion de toute arrière-pensée. Il n'est pas question de tirer un profit indu de notre soutien à la Grèce, il en va de la crédibilité du plan proposé. Les prêts sont effectués à des taux non concessionnels, longuement débattus avec nos partenaires au sein de l'Eurogroupe, identiques pour chacun de ses membres. Nous avons décidé que les conditions consenties par les membres de l'Eurogroupe seraient les plus voisines possible de celles consenties par le FMI.

L'une des leçons à tirer de la crise est la nécessité de poursuivre nos efforts en faveur de l'instauration d'une véritable gouvernance économique européenne. Au niveau de la zone euro, l'Eurogroupe a ainsi décidé, dès le mois de janvier dernier, à l'initiative de la France et de l'Allemagne, qui avaient écrit en ce sens à Jean-Claude Juncker, de renforcer la gouvernance de la zone euro tant en termes de moyens que d'ambitions dans la coordination de véritables politiques économiques conjointement déterminées. Nous devons poursuivre nos efforts en ce sens.

Plus largement, la Commission travaille actuellement à l'élaboration d'une communication sur la gouvernance économique européenne, qui nous sera présentée au mois de mai.

L'autre enseignement que nous devons tirer de la crise que nous venons de vivre concerne la fiabilité des informations statistiques et de la transmission des données. Nous devons faire en sorte que les chiffres vérifiés et audités par Eurostat correspondent à la réalité économique, afin d'éviter que la confiance que mettent les partenaires et les opérateurs de marchés dans un État ne soit entamée par la production de chiffres inexacts.

Il faudra aussi des disciplines nouvelles. Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, anime un groupe de travail, auquel le Président de la République m'a demandé de participer, pour faire des propositions de réforme de la gouvernance avant la fin de l'année.

Le dernier grand enseignement que nous devons tirer concerne la nécessité d'une régulation financière harmonisée. La régulation financière commence évidemment par une meilleure régulation des agences de notation. Je vous rappelle que, sous la présidence française, nous avons pris des initiatives qui ont permis à l'Union européenne d'adopter, le 12 novembre 2008, un règlement communautaire prévoyant pour la première fois un contrôle et un enregistrement des agences de notation en Europe. Ce règlement, qui entrera en vigueur le 16 juin prochain, fixe des règles très strictes en matière de prévention des conflits d'intérêt, de transparence sur les méthodes de notation et les hypothèses utilisées, et prévoit que les États membres définissent le régime de sanctions si ce dispositif n'est pas respecté. Ce règlement prévoit aussi que chaque État membre doit informer la Commission européenne de l'autorité qu'il désigne comme autorité compétente pour enregistrer et contrôler les agences de notation. J'ai signé ce matin un courrier informant Michel Barnier, commissaire européen au marché intérieur, que je confie à l'Autorité des marchés financiers le soin d'enregistrer et de contrôler les agences de notation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ce n'est pas avec une étape que l'on gagne le Tour de France !

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

La situation de la Grèce a également illustré les dysfonctionnements graves que la France n'a cessé de dénoncer en matière de CDS – les fameux credit default swaps – qui permettent l'institution d'un véritable mécanisme d'assurance contre la défaillance d'un certain nombre de créanciers.

Il était patent, dans le cadre de cette crise, que nous n'avions pas les moyens de nous assurer de l'identité et du volume des CDS sur dette souveraine, en particulier sur dette souveraine grecque. Nous étions tout simplement dans l'incapacité d'obtenir des informations. Les marchés de CDS sont devenus les véritables trous noirs de la finance et leur régulation est une priorité.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Leur marché reste toutefois largement international et toute tentative de régulation nationale se trouverait immédiatement isolée, donc vaine, surtout si l'on sait sur quel marché ces CDS sont échangés. Par conséquent, le Président de la République, la Chancelière allemande, le président de l'Eurogroupe et le Premier ministre grec ont adressé, au mois de mars dernier, au président de la Commission européenne, M. Barroso, ainsi qu'au président de l'Union en exercice, M. Zapatero, une lettre comportant des propositions concrètes pour que la régulation sur ce marché des CDS avance rapidement.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Le commissaire européen au marché intérieur, Michel Barnier, s'est engagé à présenter un projet avant le mois de juin, permettant en particulier l'enregistrement de toutes ces transactions. La première mesure concerne la transparence de l'information, afin que l'on sache quels sont les opérateurs sur ces marchés, les volumes échangés et les contreparties.

Nous souhaitons également que les banques recourent à des chambres de compensation. Un enregistrement garantissant la transparence et l'information sur les opérateurs ne suffit pas, encore faut-il des chambres de compensation comme celle qui fonctionne en France depuis le 28 mars dernier. J'en veux pour preuve Clearnet SA, cette initiative que j'ai poussée à travers le Haut comité de place pour qu'une plate-forme de compensation existe en France, en particulier en matière de dérivés de crédits. Il faut que cette pratique se généralise et que l'ensemble des CDS, quels que soient les sous-jacents, puissent être traités sur des plates-formes de compensation. Dorénavant, les banques qui n'y auront pas recours se verront imposer un malus prudentiel, c'est-à-dire qu'elles seront tenues d'augmenter leurs capitaux propres. La crise nous a montré que nous n'avançons guère si nous n'assortissons pas la réglementation de sanctions.

Mesdames, messieurs les députés, notre soutien à la Grèce est un impératif moral, de solidarité, et un impératif économique. Soutenir aujourd'hui la Grèce, bâtir ce mécanisme de rempart que nous avons construit ensemble au sein de l'Eurogroupe et avec le Fonds monétaire international, c'est aussi une façon de stabiliser l'euro, de renforcer la zone euro. Nous le savons, ces impératifs dépassent les clivages gauche-droite. C'est dans cet esprit que nous pourrons examiner ce projet de loi de finances rectificative dont il appartient à François Baroin de vous présenter les grandes lignes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de

la réforme de l'État. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi de finances rectificative que je vous présente aujourd'hui avec Christine Lagarde aura certainement une place particulière dans l'histoire des finances publiques de la France.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de

Témoignant du destin commun et de la solidarité qui lient les États membres de la zone euro,...

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de

...il marque aussi une étape importante dans l'histoire de l'Europe.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de

L'exigence de solidarité envers la Grèce a souvent été invoquée ces derniers temps, et nous nous en réjouissons. Mais certaines voix se sont aussi élevées pour la mettre en doute.

Dans les temps difficiles que nous traversons, j'aimerais simplement partager avec vous cette phrase de Robert Schuman qui déclarait, le 9 mai 1950 : « L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait ». Cette sagesse d'un des pères de l'Europe peut encore nous éclairer aujourd'hui. Nous avons la chance inestimable d'être les enfants de cette Europe,...

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de

...et il est de notre devoir et de notre responsabilité de protéger notre héritage commun.

Aujourd'hui, un pays de la zone euro est en difficulté. Notre responsabilité collective, notre devoir, notre exigence est d'être solidaire avec notre partenaire grec, afin qu'il retrouve sa stabilité financière, et préserver ainsi notre monnaie commune. Attaquer la Grèce c'est attaquer l'euro et attaquer l'euro c'est attaquer tous les membres de la zone euro, c'est attaquer notre capacité à lever des fonds, développer les entreprises, investir, créer de l'emploi. C'est donc une exigence pour chacun de nous de répondre présent au rendez-vous que la Grèce est en devoir de nous proposer.

Comme l'a évoqué Mme Lagarde avec beaucoup de conviction, la Grèce a fait officiellement appel à l'aide européenne le 23 avril dernier. Face à la gravité de sa situation financière, les ministres de l'économie de la zone euro ont adopté hier un accord prévoyant le déclenchement d'un plan d'aide à la Grèce sur trois ans.

Pour autant, et j'insiste sur ce point en complément de ce qu'a évoqué la ministre de l'économie, cette aide n'est en aucune manière un blanc-seing accordé à la Grèce.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de

La solidarité et la confiance n'excluent ni l'exigence ni la fermeté dans l'application de l'octroi du soutien que nous apportons.

Cette aide est donc soumise à la mise en oeuvre effective d'un programme d'assainissement des comptes publics sur lequel le gouvernement grec s'engage. Ce sont des mesures courageuses, contraignantes, difficiles, sans doute douloureuses mais incontournables pour remettre à flot l'organisation des politiques publiques en Grèce et naturellement assainir ses finances publiques. N'oublions pas que derrière ce dispositif, ce sont des hommes et des femmes qui vont devoir subir un plan de rigueur drastique.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de

Par le projet de loi de finances rectificative que nous vous présentons aujourd'hui, nous souhaitons donner à la France rapidement les outils et les moyens budgétaires lui permettant de tenir les engagements qu'elle a pris au niveau européen.

Comme cela a été rappelé dans l'accord européen intervenu hier, la Grèce doit refinancer une partie de sa dette dès le 19 mai. Pour que le dispositif de soutien soit effectif avant cette date, le Gouvernement souhaite que ce projet de loi de finances rectificative puisse être adopté rapidement.

Dans ces circonstances exceptionnelles, la France se doit en effet d'être en mesure de respecter ses engagements européens, et c'est ce qu'elle fait. Il y va du redressement rapide des finances publiques de notre partenaire grec.

Afin de tenir compte de l'accord européen intervenu hier, le Gouvernement a déposé un amendement au projet de loi de finances rectificative examiné par votre commission pour prévoir les conditions d'un prêt de la France sur trois ans, au lieu d'un an prévu initialement.

Enfin à votre demande, monsieur le président de la commission des finances, avec le regard et l'attention naturelle que le Gouvernement, et en particulier Bercy, apportera à vos sollicitations, les amendements nécessaires ont également été déposés, traduisant les ouvertures et annulations proposées dans le décret d'avance transmis à votre assemblée le 19 avril. La célérité de l'examen de ce projet de loi de finances rectificative rend en effet possible d'y inclure le financement des dépenses urgentes pour lesquelles nous avions mis en route un décret d'avance, à savoir l'aide à Haïti et les suites de la tempête Xynthia.

À ce propos, je tiens à saluer l'attitude responsable de l'opposition et à rendre hommage au groupe socialiste...

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de

...et en quelque sorte au parti de gouvernement sur l'attitude qui a été la sienne, la semaine dernière, en commission des finances. Je me félicite de l'état d'esprit qui a régné devant Christine Lagarde et moi-même il y a quelques instants, et des prises de position publiques et politiques des uns et des autres pour engager votre mouvement. Voilà une attitude responsable, respectable et le Gouvernement salue cette solidarité que vous allez exprimer dans quelques instants à l'égard de la Grèce.

Face à l'urgence de la situation, ce projet de loi de finances rectificative permettra d'établir les moyens juridiques et budgétaires en vue d'autoriser le concours de la France à la Grèce.

Ce projet de loi de finances rectificative, modifié par l'amendement présenté par le Gouvernement à votre commission des finances aujourd'hui, ouvre à cette fin un total de 16,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement sur un programme créé à cet effet. Ces 16,8 milliards d'euros correspondent à l'engagement de la France sur les trois ans du plan d'aide à la Grèce.

L'origine de ce montant est la suivante : les 16,8 milliards d'euros représentent l'engagement maximum de la France sur les 80 milliards d'euros d'aide européenne. Le niveau de participation de chaque État membre, soit pour la France 20,97 %, est en effet calculé au prorata de la souscription de sa banque centrale nationale au capital de la Banque centrale européenne.

Sur ces 16,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement sur trois ans, le montant des crédits de paiement ouverts en France pour la première année, soit jusqu'à fin 2010, s'élève à 3,9 milliards d'euros.

En 2011 et 2012, voire début 2013 si le plan se prolonge effectivement sur trois années à partir d'aujourd'hui, des crédits de paiement supplémentaires pourront être ouverts, si nécessaire.

Je tiens à insister sur le fait que ces ouvertures de crédits n'ont pas d'impact sur le déficit public de la France, puisqu'il s'agit d'une opération financière et d'un prêt. II ne s'agit donc pas d'une dépense définitive pour le budget de l'État. Quel que soit le montant décaissé au titre des prêts à la Grèce, la prévision de déficit public pour 2010 reste donc inchangée. C'est ce que souhaitaient les membres de la majorité, par la voix de son rapporteur général. De ce point de vue, l'engagement du donnant-donnant est tenu par le Gouvernement.

En revanche, l'accroissement du déficit budgétaire pour 2010 est de trois milliards d'euros par rapport au chiffre de la loi de finances rectificative relative aux investissements d'avenir. Même si le décaissement de ces crédits n'est pas à ce stade certain et qu'il ne s'agit pas d'une dépense définitive, le déficit budgétaire se doit de refléter l'ensemble des crédits budgétaires autorisés. C'est la raison pour laquelle le déficit budgétaire 2010 s'élève, dans le projet de loi de finances rectificative, à 152 milliards.

Comme vous pouvez le constater toutefois, cette dégradation ne s'élève qu'à 3 milliards d'euros et non à 3,9 milliards, car l'ouverture de 3,9 milliards d'euros de crédits de paiement est en partie compensée par une réévaluation à la hausse des recettes de la TVA – plus 900 millions d'euros –. Ce surcroît de recettes de TVA a déjà été notifié à Bruxelles le 8 avril dernier, comme vous le savez.

Ces ouvertures de crédits pour 2010 n'ont pas davantage d'impact sur la charge de la dette et n'impliquent pas de modifier le programme d'émission de la dette française, ni pour la dette à moyen et long terme, ni pour celle à court terme. Ce programme d'émission reste donc semblable à celui présenté lors du précédent collectif.

Rappelons que, sur la demande du président de votre commission des finances, les amendements nécessaires ont été déposés pour traduire dans le texte législatif les ouvertures et les annulations correspondant au décret d'avance qui vous avait été présenté le 19 avril dernier.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de

Nous avions en effet, comme le souhaitaient tous les membres de la commission des finances, ainsi que bon nombre de membres de la majorité – je me souviens de nos échanges, cher Louis Giscard d'Estaing – envoyé aux commissions des finances des deux assemblées un projet de décret d'avance destiné à ouvrir des crédits pour faire face à l'aide d'urgence de la reconstruction d'Haïti, d'une part, et à la réparation de certains dégâts causés par la tempête Xynthia, d'autre part.

Le dépôt du projet de loi de finances rectificative, le mercredi 21 avril, et la diligence dont ont su faire preuve les deux assemblées dans son inscription à leur ordre du jour rendent possible le passage par la voie législative plutôt que par la voie du décret d'avance pour réaliser ces ouvertures.

C'est pour cette raison que j'ai accepté de satisfaire à la demande de votre président et des membres de la commission des finances, soucieux de garder à la procédure de décret d'avance le caractère dérogatoire prévu par les textes organiques.

Je ne rappellerai que brièvement le contenu de ces amendements, puisqu'il est déjà connu de vous. Il s'agit, d'une part, d'ouvrir 45 millions d'euros en autorisations d'engagement et 35 millions en crédits de paiement pour le financement des opérations d'urgence en faveur de la reconstruction d'Haïti suite au dramatique séisme du 12 janvier dernier, qui a causé la mort de plus de 200 000 personnes et détruit une part très importante de la capitale Port-au-Prince. La représentation nationale a souhaité être présente au rendez-vous fixé par la solidarité internationale. Nous tenons là encore nos engagements dans le cadre d'une relation saine entre le Parlement et le Gouvernement.

Il s'agit, d'autre part, d'ouvrir 60 millions d'euros en autorisations d'engagement et 40 millions en crédits de paiement pour faire face aux conséquences de la tempête Xynthia de février dernier. C'est une aide exceptionnelle apportée aux collectivités locales et aux agriculteurs pour les dégâts non assurables qu'ils ont subi. L'indemnisation des collectivités territoriales pour leurs biens non assurables concerne, par exemple, la voirie communale et départementale, les ponts et ouvrages d'art, les réseaux d'assainissement et d'eau potable, les stations d'épuration et de relevage des eaux, etc. L'ensemble de ces ouvertures étant gagé par des annulations de même montant, portant sur des crédits mis en réserve sur les programmes relevant des différents ministères, il n'y a pas d'impact là non plus sur le déficit budgétaire.

Je conclurai brièvement pour laisser la parole aux députés. Les enjeux auxquels nous devons faire face sont cruciaux. Un esprit de responsabilité a soufflé sur la commission, sur les formations politiques du Gouvernement, sur votre assemblée dans son ensemble. Cet esprit animera dans quelques instants la discussion générale.

Je sais que certains considèrent la période difficile que nous traversons comme un obstacle dans l'histoire de la zone euro. Certes, c'est une épreuve, une prise de conscience du chemin que nous devons encore parcourir ensemble, et nous devons saisir cette occasion pour tirer toutes les leçons de la crise et resserrer nos liens. C'est à cette tâche que le Gouvernement s'emploiera. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Plusieurs députés UMP. Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Nous examinons aujourd'hui le quatrième collectif concernant la crise financière et économique.

Souvenez-vous, nous avons voté le premier en octobre 2008 pour répondre à la crise financière et traiter la dette privée qui résultait des subprimes que l'on ne pouvait plus financer. L'État est venu au secours du financement, de l'économie, suppléant ainsi, d'une certaine manière, les banques, avec un succès que je salue.

Courant 2009, nous avons encore voté deux collectifs consacrés à la mise en oeuvre du plan de relance.

Et nous voilà à présent concernés par un collectif qui traite non plus de dette privée, mais de dette publique, en l'occurrence celle de la Grèce.

Nous savions que la Grèce était confrontée à un grave problème de déficit et de solvabilité devenu tel qu'aujourd'hui il se double d'un problème urgent de liquidité aggravé par la spéculation qui s'est déchaînée sur ce pays. Dans ces conditions, comme cela avait été le cas à l'automne 2008, il convient de suppléer le financement par le marché grâce à une intervention publique, en l'occurrence celle des États membres de l'euro et celle du FMI.

C'est vrai, la Grèce est dans une situation particulière. Son déficit public corrigé est très élevé – depuis 2000, il a tourné en moyenne autour de cinq points de PIB. Sa dette publique, avant même que la crise financière ne frappe, avait dépassé les 100 % du PIB. La Grèce aujourd'hui est confrontée à ce qu'on appelle l'effet boule de neige, souvent évoqué à propos des augmentations très importantes de dette publique dans beaucoup de pays. Au bout d'un certain moment, la dette publique explose, de même que les intérêts, et l'on ne parvient plus à boucler les budgets. Nous en sommes là.

Se pose également un problème de perspective de croissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

général. L'évolution de l'économie grecque sur ces dix dernières années montre qu'elle a beaucoup perdu en compétitivité, la dégradation de son solde commercial en est une preuve.

Enfin, le fait que la Grèce n'ait pas été très rigoureuse sur ses statistiques a pu faciliter le déclenchement, le déferlement de la spéculation. Des difficultés étaient déjà apparues en 2004 ; depuis, il a fallu constamment corriger les statistiques grecques. Rappelons qu'à l'automne dernier, la Grèce évaluait encore son déficit de l'année 2009 à six points de PIB alors qu'il se situera entre 13,5 et 14 points.

Dans ces conditions, nous devons intervenir. Certains se demandent pourquoi. Permettez-moi un parallèle osé : souvenez-vous de la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008 – too big to fail – et du déclenchement de la crise mondiale. L'on ne peut pas ne pas intervenir en Grèce car les risques financiers pour l'Europe et la zone euro seraient considérables.

Prenons l'Allemagne et la France. Si l'on globalise les engagements directs sur la dette souveraine grecque ou indirects sur l'économie grecque de l'ensemble des établissements financiers – banques, assurances – de l'Allemagne et de la France, nous avoisinons les 120 milliards d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

général. Ce n'est donc pas négligeable du tout.

D'autres suggèrent que la Grèce quitte l'euro. Ce serait faire preuve, de la part de notre famille européenne qui s'est construite notamment autour d'une monnaie unique pour la zone euro, de beaucoup de cynisme car la Grèce, si elle quittait la zone euro, subirait une crise majeure.

C'est vrai, ce que nous demandons aux Grecs est difficile, mais le départ de leur pays de la zone euro se traduirait pour eux par une baisse instantanée de probablement 30 % ou 40 % de pouvoir d'achat. La dette grecque est considérable et elle est libellée en euro. Comment voulez-vous qu'un État, sortant de l'euro, puisse, même à coups de dévaluations, faire face à une dette aussi monstrueuse ? Des précédents existent, je n'ai pas le temps de les évoquer. Ce serait en tout cas faire preuve, de notre part à nous, Européens, d'un égoïsme total à l'égard d'un membre de notre famille qui se trouve en difficulté.

Pour autant, dès lors que nous intervenons, il faut demander des contreparties, comme le prévoit le plan proposé par le Gouvernement. Ce plan a été ajusté hier de manière très importante. Plutôt que de le borner sur la seule année 2010 et pour un montant de soutien initialement prévu à 45 milliards d'euros – 30 milliards de la part des États européens, 15 milliards du FMI –, il a été décidé de proposer un plan plus massif et surtout avec une visibilité plus grande, jusqu'en 2012, ce qui permettra à l'État grec de ne pas se préoccuper de liquidités dans les deux prochaines années pour se consacrer au seul problème graduel du redressement.

Un parallèle pourrait s'établir avec le plan de sauvetage de financement de l'économie décidé par le gouvernement français à l'automne 2008. J'avais été frappé, madame la ministre, par les montants extrêmement importants que vous aviez mis en place en termes de refinancements garantis par l'État. Nous avons pu mesurer combien votre décision avait été judicieuse car, grâce à cette assurance de liquidités sur le marché, la contrainte s'est peu à peu desserrée. Au final, les montants consentis n'ont pas été utilisés dans leur totalité – nous en étions même très loin – car les marchés de financement normaux se sont réouverts. Cette option prise par rapport à la Grèce est très bonne.

Cette démarche est concertée, collégiale d'une certaine manière, entre l'Europe et le FMI, ce qui est une très bonne chose. Il faudra veiller, comme vous venez de le dire à cette tribune, madame la ministre, à ce que les conditions de financement soient comparables entre le FMI et les États européens. Le FMI intervenant en taux variable, il est assez normal que l'État grec souhaite de son côté des taux fixes, ce que les États européens appliqueront.

Il est clair que l'intervention du seul FMI aurait été une marque de suspicion, de défiance, à l'égard de la zone euro. À l'inverse, l'intervention du FMI en accompagnement apporte une certaine crédibilité sur le plan international et sur celui de l'expertise. La pratique que le FMI a de ces questions lui permettra d'être bien armé dès lors qu'il s'agira de suivre de près les mesures difficiles que l'on demande à l'État grec de prendre.

Quelles sont ces mesures ? Puisqu'il s'agit d'une crise de finances publiques, elles portent bien évidemment sur des dépenses publiques et des recettes publiques.

S'agissant des dépenses publiques, les pensions des fonctionnaires de l'État grec sont en première ligne puisque c'est en ce domaine que des ajustements peuvent être opérés. Il en va de même des prestations sociales.

Concernant les recettes, l'on peut être un peu plus confiant. Vous le savez, l'économie grecque est en grande partie souterraine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Comme en Italie ! Comme ici dans les beaux quartiers !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

général. Malgré l'augmentation des taux – je pense notamment à la TVA –, nous pouvons espérer que cette partie souterraine soit mieux appréhendée par le système fiscal. Ce ne sera pas facile, car cela implique des réformes de structure sur les procédures de recouvrement, de connaissance de l'impôt, mais c'est possible. En l'espèce, l'expertise du FMI et de la Commission sera précieuse.

Toujours est-il que nous nous accordons presque tous pour considérer que cet effort de solidarité en faveur de nos amis grecs implique de légitimes contreparties, notamment en ce qui concerne le rétablissement de leurs comptes. Ces contreparties doivent être raisonnables et j'apprécie qu'on ait reporté d'un an, c'est-à-dire à 2014, le retour à un déficit budgétaire inférieur au fameux taux de 3 % du PIB. Dès lors que l'on joue sur les dépenses et les recettes, il sera possible d'y parvenir ; reste que cela exige, Mme la ministre l'a rappelé, un suivi trimestriel des plus précis avec la mise en place des prêts par tranches conditionnelles.

Quant à nos propres finances, le Gouvernement proposera un amendement visant à porter l'autorisation d'engagement de 6,3 milliards à 16,8 milliards d'euros. Nous avions raisonné, au début de la semaine dernière, sur une autorisation d'engagement annuelle alors que nous nous inscrivons ici dans le cadre d'un plan triennal. Le fait que l'autorisation d'engagement porte sur toute cette période est un élément de sécurité très important pour l'économie grecque.

Les crédits de paiement ne sont, pour leur part, pas modifiés. À ce titre, une ouverture de 3,9 milliards d'euros est prévue dès 2010. Cette somme, qui sera effectivement décaissée, se décompose en 900 millions d'euros de recettes de TVA et 3 milliards d'euros sur la gestion de la dette proprement dite.

Je vous ai trouvés, madame, monsieur les ministres, très modestes en ce qui concerne les 900 millions d'euros de TVA supplémentaires. Cette somme n'est pas négligeable et traduit les relativement bons résultats de l'économie française en 2009 – il ne faut pas hésiter à le dire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Depuis le début de la crise, le Gouvernement a mené une politique parfaitement équilibrée,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

L'amour rend aveugle ! M. Carrez est fasciné par Chimène !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Tu parles ! C'est le pouvoir d'achat des habitants du 16ème arrondissement de Paris que vous avez soutenu !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

…et au soutien à l'économie. Nous étions ensemble en Allemagne il y a un mois, monsieur Brard, et nous avons tous les deux entendu la même chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Nos amis allemands nous ont déclaré trouver notre plan de 2009 bien équilibré, parce que nous avons laissé une place au pouvoir d'achat et à la consommation, alors que l'Allemagne commence à être confrontée à un problème de paupérisation, à l'apparition de travailleurs pauvres.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Ah, parce que chez nous ce problème n'existe pas ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ils vont faire travailler Mme Merkel à la caisse de Carrefour !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Nos interlocuteurs nous ont tenu des propos quasi similaires à la désormais célèbre déclaration de Mme Lagarde, prononcée quelques jours plus tard, sur la nécessité pour les pays européens de coordonner leurs politiques économiques en termes de relance.

Ces 900 millions d'euros de TVA supplémentaires prouvent que la politique menée par le Gouvernement depuis le début de la crise a été une bonne politique qu'il faut poursuivre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Quant aux 3 milliards d'euros – miracle des chiffres – on les trouve uniquement sur la dette. Nous avons enregistré, depuis le début de l'année, 2,4 milliards d'euros de primes à l'émission d'OAT et de BTAN, ce qui signifie que la France se finance dans les meilleures conditions, en tout cas dans de meilleures conditions que prévues. On joue par ailleurs sur le fonds de roulement. Ainsi, nous n'avons pas besoin, cette année, de modifier le tableau de financement, le montant des emprunts réellement demandés par la France, du fait que nous pouvons, pour ainsi dire, autofinancer ces 3,9 milliards d'euros.

Je souhaite ajouter quelques mots sur la gouvernance économique : la crise de l'État grec montre qu'en matière de finances publiques, nous devons nous montrer plus rigoureux dans le suivi du programme de stabilité et même dans les anticipations.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Le programme de stabilité, en France, est transmis de façon quasi clandestine, en général en décembre. Depuis que je suis rapporteur général du budget, je ne me souviens pas qu'on en ait discuté une seule fois en séance publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Ah oui ! Depuis, d'ailleurs, ça va beaucoup mieux !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

…nous avons introduit des lois de programmation pluriannuelle. Il conviendrait de mieux coordonner les lois de programmation pluriannuelle et les programmes de stabilité et, au niveau européen, de donner bien plus d'importance au suivi des programmes de stabilité et à l'amélioration de l'information statistique. J'espère, madame la ministre, que votre souhait de renforcement des pouvoirs d'Eurostat sera entendu.

Autre aspect beaucoup plus difficile : les déséquilibres commerciaux, les déséquilibres de compétitivité entre les pays. Deux types d'économies cohabitent en zone euro. On trouve d'abord des économies de rattrapage, celles des pays qui accusent un certain retard. Songez à l'Espagne quand elle a intégré la Communauté économique européenne en 1986 – quel chemin parcouru ! – ou au Portugal, à la Grèce qui nous avait rejoints un peu avant. C'est le cas aujourd'hui de pays comme la Slovénie ou la Slovaquie où l'inflation est souvent, pour des raisons historiques, supérieure à la moyenne, au risque de dégrader leur compétitivité donc leur solde commercial.

La seconde catégorie se compose des économies beaucoup plus matures, avancées, comme celles de l'Allemagne ou de la France. Nous devons donc mener une plus ample réflexion sur l'harmonisation des politiques.

Vous avez fait preuve, madame la ministre, d'un grand courage en vous exprimant comme vous l'avez fait à l'attention de nos amis allemands il y a un mois et demi. Le message a été…

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

…modérément apprécié, si vous voulez, même si j'ai trouvé – et je me tourne vers Jérôme Cahuzac – notre discussion constructive. Nous devons donc poursuivre dans cette voie. Autant vous avez eu raison, madame, j'y insiste, de dire ce que vous avez dit, autant je trouve que la chancelière a aujourd'hui raison de dire que nous devons demander des contreparties réelles, sévères à la Grèce.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

En votant ce texte, nous ferons en tout cas tous la preuve de l'attachement que nous portons à l'Europe, une Europe qui montre à quel point elle est importante pour sortir certains pays, à certains moments de leur histoire, de graves difficultés, une Europe dont nous aurions eu tant besoin il y a quelques décennies. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

(Mme Danielle Bousquet remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, à défaut de faire l'unanimité, ce projet de loi suscite un assez large consensus pour au moins trois raisons.

D'abord, défendre la Grèce, c'est défendre la zone euro, c'est défendre l'euro, c'est-à-dire notre monnaie. Et si nous avons abandonné, en passant du franc à l'euro, une souveraineté monétaire exclusive, la souveraineté partagée sur l'euro ne doit pas nous rendre moins ardents dans sa défense. Nombre d'entre-nous souscrivent à cette idée.

Ensuite, ce faisant nous aidons la Grèce, pays auquel nous lient des traités internationaux et c'est l'honneur d'un grand pays que de respecter les traités qu'il a conclus.

Enfin, il était plus que temps d'aider la Grèce, ne serait-ce que pour mettre fin à une spéculation choquante sur notre continent, malheureuse pour la Grèce et pour les Grecs, et il faudra bien, tout de même, demander des comptes à ceux à qui elle a profité.

La commission des finances – je me permets de rappeler ce point dont n'a pas parlé le rapporteur général – a adopté ce texte à l'unanimité des parlementaires présents. Se réjouir de cette unanimité n'interdit pas pour autant de poser des questions et de manifester quelques inquiétudes.

Vous avez évoqué, monsieur le ministre, l'article 13 de la loi organique relative aux lois de finances. Je vous en remercie puisque, si je ne m'abuse, le Gouvernement, par voie d'amendement, va proposer la ratification des deux décrets d'avance, l'un relatif à l'aide à Haïti et l'autre au budget nécessaire pour panser les plaies de la tempête Xynthia. Vous ne faites toutefois que respecter ainsi les prescriptions dudit article 13.

L'article 34 de la LOLF, souhaité en 2005 par le ministre de l'économie et des finances de l'époque – Nicolas Sarkozy –, renvoie aux dispositions de la loi de finances initiale le soin d'affecter les éventuels surplus budgétaires. Le rapporteur général, après les ministres, vient donc d'évoquer ces 900 millions d'euros, allant jusqu'à évoquer un miracle. Pour ma part, je me permettrai de trouver certains hasards budgétaires particulièrement heureux.

On nous affirme donc qu'au terme de ce premier trimestre, et bien que la consommation des ménages ait reculé de 1,9 %, on compterait 900 millions d'euros de surplus de recettes au titre de la TVA. Soit. Il se trouve que pour assurer l'engagement de 3,9 milliards d'euros de crédits de paiement, ces 900 millions d'euros sont particulièrement heureux puisque, à défaut, il aurait fallu modifier l'endettement du pays et le tableau des emprunts que la France se doit d'émettre sur les marchés internationaux. Il y a donc des miracles que, pour ma part, je me contenterai de qualifier de hasards heureux.

Cela ne règle toutefois pas la question de l'article 34 qui renvoie à la loi de finances initiale, en l'occurrence à l'article 67 de celle pour 2010, puisque c'est en fin d'année que ces surplus doivent être constatés et que, dans l'hypothèse où ils le sont, ils doivent servir au seul désendettement. Dès lors, puisque ces 900 millions d'euros vont être consacrés au plan d'aide à la Grèce et que, par là même, le tableau des emprunts ne sera pas modifié, cette somme ne sera plus constatée en fin d'année. Puisqu'il suffit qu'en cours d'année un surplus soit affecté à une autre destination que celle prévue, l'article 34 devient sans objet.

J'insiste sur ce point car le Gouvernement souhaite que le Parlement adopte ce qu'il appelle une règle d'or en matière de finances publiques. La question n'est pas d'établir une règle de plus ; c'est celle de la constance de la volonté politique. Une règle d'or supplémentaire ne m'apparaît donc pas nécessaire dès lors que l'on manifeste de la constance dans l'application de ce que l'on édicte.

Par ailleurs, c'est en vertu de l'article 24 de la loi organique relative aux lois de finances que la France va prêter de l'argent à la Grèce. Je vous rappelle qu'il s'agit de crédits évaluatifs et non limitatifs. Je souhaite par conséquent, madame la ministre, monsieur le ministre, que vous vous engagiez à informer régulièrement les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat de l'éventuel dépassement de ces crédits de paiement, éventualité qui n'est pas à exclure. Le Parlement doit en effet en être informé dans les plus brefs délais, ce que précisent d'ailleurs et l'article 24 et l'article 10 de la loi organique relative aux lois de finances.

Sur le fond, en ce qui concerne le plan d'aide à la Grèce lui-même, encore une fois, je me réjouis de son adoption aussi rapide. J'avais souhaité cette célérité et tant mieux si la réalité est conforme à mes voeux. Je formulerai néanmoins trois remarques.

D'abord, sur le calendrier. Le 11 février, les pays de la zone euro se réunissent, au niveau des chefs d'États et de gouvernements, pour décider le principe d'un plan d'aide à la Grèce. Ce n'est que les 25 et 26 mars que le plan lui-même est élaboré. Ce n'est que le 21 avril que notre pays présente le projet de loi de finances rectificative en conseil des ministres. Le 23 avril, la Grèce demande l'activation de ce plan. Toute la semaine dernière, chacun a pu le constater, la Grèce a été soumise à une attaque sans précédent de la part des marchés, et il a fallu une intervention très forte, judicieuse et bien opportune du Fonds monétaire international auprès des autorités de l'Allemagne pour que celle-ci lève ce qui était, au fond, son veto, ce pays n'estimant pas possible, pour des raisons de politique intérieure, d'aider la Grèce. Chacun sait que la majorité de Mme Merkel se joue, au Bundesrat, à l'occasion des élections régionales en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. D'où, d'ailleurs, le danger de mélanger des questions de politique intérieure avec des questions de solidarité au sein de la zone euro.

Ce calendrier montre bien, d'une part, l'absence patente de gouvernement économique, et d'autre part, le rôle décisif que joue désormais l'Allemagne dans la gouvernance économique de cette zone. J'y reviendrai tout à l'heure.

Mais le calendrier n'est pas satisfaisant, car, d'évidence, une réaction mieux coordonnée, plus précoce, plus forte, aurait probablement évité les phénomènes spéculatifs que nous avons constatés ces dernières semaines, et en tout cas la semaine dernière, phénomènes spéculatifs que la Grèce a déjà payés et continuera à payer au prix fort, si certains ont pu s'en trouver beaucoup plus prospères de par leurs activités spéculatives sur les CDS attachés au titre de la dette souveraine grecque.

Je ferai aussi une remarque sur les montants. Le projet de loi de finances rectificative, dans sa version initiale, proposait 3,9 milliards d'euros de crédits de paiement pour cette année et 6,3 milliards d'euros d'autorisations d'engagement. Ces 6,3 milliards sont transformés en 16,8 milliards. C'est tout simplement la déclinaison de l'augmentation du plan européen, qui passe de 45 à 80 milliards. Il fallait cet apport massif de la part des pays de la zone euro pour faire cesser les phénomènes spéculatifs et permettre à la Grèce de mettre en oeuvre ses réformes – espérons qu'elle y parviendra sans que son peuple en souffre trop – pour que sa solvabilité ne soit plus douteuse dans les deux à trois ans, maintenant que la crise de liquidités qu'elle a pu connaître ces derniers jours ou ces dernières semaines est réglée grâce à l'aide des pays de la zone euro.

Ces montants ont donc été calibrés comme il convenait. Cette aide de 110 milliards d'euros a, de fait, calmé les marchés ou les agences de notation. Mais au fond, mes chers collègues, quelle tristesse, quand même, de constater que les actions d'institutions ou d'associations qui sont hors de tout contrôle, obéissant à des règles qu'on ne connaît que trop, et s'affranchissant du pouvoir des États, amènent ces derniers à engager une dépense publique de 110 milliards d'euros afin de sauver un pays souverain, infiniment respectable, et qui fait partie de la zone euro.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Reconnaissons que le taux qui a été fixé pose questions. Avant de les poser, et pour essayer d'être le plus objectif possible, rappelons deux éléments. Premièrement, sans l'aide de la zone euro, ce n'est pas à 5 % que la Grèce devrait emprunter, mais à beaucoup plus. Avant de critiquer ce taux, prenons quand même conscience que sans ce plan, les choses seraient encore plus terribles pour ce pays ami.

Deuxièmement, et tous ceux qui se sont penchés sur cette question peuvent en témoigner, ce taux est assez proche de ce que le Fonds monétaire international s'efforce de faire. Et que je sache, l'action de ce dernier vise à assurer le succès de ses entreprises lorsqu'il va aider un pays qui le demande, et non pas à l'enfoncer davantage. C'est en tout cas sa politique depuis environ deux ans et demi. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.) Merci, mes chers collègues, d'avoir compris ce que je voulais dire. J'y suis très sensible. (Sourires.)

Et donc, que les pays de la zone euro prêtent à la Grèce à un taux finalement comparable, sinon identique, aux conditions dans lesquelles le Fonds monétaire international apporte son aide aux pays qui en font la demande, cela ne me paraît pas fondamentalement choquant.

Pour autant, et même si j'en comprends le mécanisme, il peut être jugé regrettable que les pays de la zone euro n'aient pas emprunté pour leur compte. On sait que la signature de l'Allemagne et celle de la France leur permettent d'emprunter à des taux très inférieurs à 5 %. Cela aurait dû autoriser des conditions de prêt, au moins pour ces deux pays, meilleures que celles auxquelles et l'Allemagne et la France vont le faire pour respecter un accord conclu entre chefs d'États et de gouvernements. Oui, cela pose problème. Car entre punir un pays et l'aider, il faut définitivement choisir. Les agences de notation et les marchés avaient décidé de punir la Grèce. Il me semble que les pays de la zone euro ont décidé de l'aider. Je crois que nous devons assumer cette aide, et donc, madame la ministre, voir avec vos collègues s'il n'est pas possible de prêter à la Grèce, dans les conditions les meilleures qui soient, étant entendu que les citoyens des pays qui s'efforcent à cette aide via ce prêt ne doivent pas, ce faisant, faire une mauvaise affaire. Si on peut comprendre – solidarité oblige –, qu'ils ne perdent pas d'argent pour autant.

Cette position, que je crois équilibrée – pas de bonne affaire, mais pas de mauvaise affaire non plus – doit permettre à la France, je le crois, de prêter à des conditions plus intéressantes pour la Grèce. Mais quoi qu'il en soit, mes chers collègues, ce taux ne fait pas partie du projet de loi que nous avons à examiner. Et le vote que nous émettrons n'aura pas de conséquence sur ce taux, si les propos que nous pouvons tenir et les demandes que nous faisons peuvent peut-être en avoir. En tout cas, j'en forme le voeu, pour ma part.

Quelle leçon tirer de la crise que nous avons connue ? Je crois que l'on peut en tirer une, qui sera valable, au moins, pour le court ou le moyen terme : c'est que l'Allemagne a gagné. Il y avait, au fond, deux écoles au sein de la zone euro. L'école allemande appelait à une forme de rigueur budgétaire, ce qui était la rançon d'une monnaie unique. Une autre école autorisait une forme de laxisme budgétaire, considérant que cette monnaie unique protége les États, leur offrant notamment une relative protection au regard du renchérissement du coût de l'énergie, en particulier du pétrole.

L'Allemagne a gagné dans la mesure où tout laxisme budgétaire, dans un quelconque pays de la zone euro, risquerait désormais d'être sanctionné, à plus ou moins long terme, par des marchés dont a vu qu'ils s'affranchissaient allègrement des règles que les pouvoirs nationaux ou supranationaux peuvent élaborer. Oui, l'Allemagne a gagné. Je me souviens qu'en 2005, le ministre de l'économie et des finances de l'époque avait commandé à Michel Pébereau un rapport, lequel recommandait, bien sûr, une économie dans la dépense, mais également une très vigilante protection pour la ressource fiscale.

Chacun peut porter le jugement qu'il veut sur les économies de fonctionnement réalisées par notre État, y compris récemment, mais chacun s'accordera aussi à reconnaître que la protection de la ressource fiscale ne fut pas, ces dernières années, la préoccupation majeure des gouvernants, puisque aucune des réformes voulues par le Gouvernement et votées par le Parlement ne fut financée par de quelconques économies ou par des recettes supplémentaires. Elles ont toutes été financées exclusivement, du premier au dernier euro, par la dette. Ce fut vrai en juillet 2007. Ce fut vrai avec la TVA sur la restauration. C'est vrai avec la réforme de la taxe professionnelle. Et je ne parle pas du grand emprunt, naturellement.

Il faut désormais veiller à la protection de la ressource fiscale, car des économies, seules, ne permettront pas de retrouver sinon une forme d'orthodoxie budgétaire pour laquelle je n'ai pas de religion particulière, du moins des finances publiques dont le caractère sain serait plus indiscutable qu'il ne semble l'être aujourd'hui dans notre pays.

L'Allemagne a gagné. Nous devons tous, avec modestie, retenir la terrible leçon que les Grecs sont en train d'apprendre, pour leur malheur à court et à moyen terme. Retenir cette leçon peut amener les uns et les autres à revenir – ce serait à leur honneur – sur des affirmations maintes fois énoncées.

L'État grec va connaître une considérable réduction de ses moyens de fonctionnement. Ses impôts vont être considérablement augmentés. Je constate d'ailleurs que le fameux adage selon lequel « trop d'impôt tue l'impôt » peut s'appliquer à l'intérieur de certaines frontières, mais est allègrement oublié quand il s'agit d'autres frontières, puisque ce plan a été validé par des gouvernants dont j'avais cru jusqu'alors que c'était un point de vue non négociable.

Les impôts vont augmenter en Grèce. Les salaires et les pensions vont diminuer. C'est une récession d'au moins 4 % qui les attend cette année. Je le redis, si la crise de liquidités est réglée à terme, on peut craindre que celle de la solvabilité de ce pays ne le soit pas vraiment dans les deux à trois ans à venir. Raison de plus pour délibérément choisir d'aider ce pays, et évidemment pas de le punir.

Madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n'est pas si fréquent qu'à l'occasion d'une loi de finances rectificative, les bancs de cet hémicycle voient siéger des parlementaires qui, non pas à l'unanimité,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

…mais en tout cas avec un large consensus, s'apprêtent à approuver un tel plan. Cela ne pourra que renforcer la position de la France dans le concert des nations européennes, en tout cas au sein de la zone euro. Et je forme le voeu, madame la ministre, que forte de cette position-là et du vote du Parlement, vous sachiez convaincre vos collègues ministres de l'économie et des finances, et notamment votre collègue allemand, que décidément, au sein de la zone euro, il s'agit non pas de punir un pays, quels qu'aient été ses torts passés, mais bien de l'aider. Car aider ce pays-là, c'est en vérité faire preuve non pas d'un acte de foi – ce fut, je crois, votre expression en juillet 2007 – mais d'un acte de confiance, dans le sens le plus républicain du terme : dans l'euro, dans la zone euro, et dans la capacité de nos dirigeants à comprendre la souffrance des peuples. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je voudrais commencer par deux citations. La première est de Jaurès, que je ne fais pas que citer, mais que je lis, à la différence du Président de la République : « Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire ». Madame la ministre, vous avez péché par omission. Vous n'avez pas dit toute la vérité.

La seconde citation est de Jean-Pierre Vernant, brillantissime helléniste et grand résistant, mort récemment, qui a dit : « Le vrai courage, c'est, au-dedans de soi, de ne pas céder, ne pas plier, ne pas renoncer, être le grain de sable que les plus lourds engins, écrasant tout sur leur passage, ne réussissent pas à briser. » Or, vous, vous n'avez pas résisté. Vous avez plié. Vous avez renoncé, parce que vous n'aviez pas envie de résister. Nous reviendrons sur tout cela au cours du débat, madame et monsieur les ministres.

La crise actuelle est le dernier épisode en date de la crise financière mondiale. La crise des subprimes apparaîtra bientôt comme anecdotique. Les spéculateurs n'attaquent plus une monnaie, ils attaquent un État, avant le prochain épisode, qui s'appellera Portugal, Irlande, Espagne. Et à quand le tour de la France ? Et peu importe la monnaie dans laquelle les spéculateurs récupèrent les profits de leurs turpitudes.

Cette crise est grave : c'est la crise d'un système, de votre système. D'un système à bout de souffle ! Sauver la Grèce, dites-vous ? Non, sauver les créanciers de la Grèce sans qu'ils n'aient à contribuer au financement de leurs propres turpitudes. Leurs noms : Société générale, Crédit agricole, BNP, Deutsche Bank, Hypobank, Crédit suisse. Et il y en a dont on ne parle pas : ce sont les fabricants d'armes allemands et français, qui ont des créances très importantes. Nous y reviendrons, mais vous êtes parfaitement au courant, madame Lagarde, je n'en doute pas : rien d'important ne saurait vous échapper.

« Jamais, dans une cité, les lois n'auraient la force qui convient, si elles n'étaient pas maintenues par la peur », disait Sophocle. Oui, madame la ministre, je vous accuse de gouverner par la peur et de ne pas dire la vérité ; je vous accuse, vous et votre gouvernement, d'avoir attendu qu'il y ait urgence, pour exploiter cette urgence avec vos collègues des autres États – Jérôme Cahuzac l'a d'ailleurs dit tout à l'heure.

Depuis la fin de l'année 2009, tous les analystes économiques s'inquiètent de la situation grecque. Depuis plus de cinq mois, tous les spécialistes ont attiré l'attention des gouvernements sur les risques que faisait peser sur l'économie mondiale le niveau de la dette grecque. Pourtant, vous avez attendu le mois de mai pour nous présenter – en urgence – un plan d'aide à notre partenaire européen.

Est-ce de l'incompétence en matière économique, ou cela relève-t-il du calcul politique ? Madame la ministre, je ne dis pas cela par complaisance, mais je ne vous crois vraiment pas incompétente. (Sourires.) Vous faites d'autres choix que les nôtres, on le voit bien, mais vous êtes cohérente.

Entre le mois de novembre 2009 et aujourd'hui, vous avez laissé les spéculateurs poursuivre leur course folle et réaliser des bénéfices indécents – sur le dos, bien sûr, de la population grecque. Les spéculateurs et les marchés vous fascinent, madame Lagarde, on l'a déjà vu ; vous n'imaginez pas le monde sans eux.

Vous avez aussi laissé se développer un sentiment de panique, renforcé par l'utilisation d'un jargon incompréhensible du commun des mortels : des credit default swaps – c'est comme cela que l'on dit, madame la ministre ? – aux ventes à découvert, en passant par le rôle des agences de notation, des montages financiers complexes aux défaillances structurelles de la zone euro, vous enfumez les esprits pour pouvoir expliquer que le Gouvernement contrôle la situation et qu'il suffit de vous faire confiance.

Eh bien, nous ne vous faisons pas confiance ! Nous ne faisons confiance ni à vous, ni au Gouvernement, ni aux dirigeants actuels de l'Union européenne, ni au Fonds monétaire international. La complexité de la situation vous sert à occulter le fait que ces crises économiques ne sont pas si difficiles à comprendre lorsqu'on se demande qui en profite, et qui en paie la note.

En ce qui concerne la crise financière internationale, tout le monde a compris aujourd'hui que les pratiques spéculatives des banques et le système du casino financier mondial ont très largement contribué à précipiter les économies réelles dans la récession. Ceux qui s'étaient engraissés pendant des années en spéculant sur les dettes immobilières des particuliers – les fameuses subprimes – ont pu renouer très rapidement avec ces bénéfices, grâce à l'intervention de l'argent public. Mais ceux qui n'étaient pas responsables de la crise continuent aujourd'hui d'en payer la facture : pour notre seul pays, plus de 600 000 emplois ont été détruits, et le plan de relance – rendu nécessaire par l'irresponsabilité des banques, ou leur cupidité, je vous en laisse juge – est la cause principale d'un déficit record d'environ 150 milliards d'euros pour 2010.

En ce qui concerne la crise grecque actuelle, il faut comprendre qu'elle s'inscrit dans la droite ligne de la crise financière mondiale. Si tous les pays européens, si toutes les économies réelles subissent aujourd'hui les conséquences de la crise financière, l'économie grecque a été tout particulièrement touchée. Certes, le ralentissement de l'économie mondiale a eu de graves conséquences pour les deux piliers de l'économie grecque : le tourisme et le commerce maritime. Mais la raison fondamentale est le rôle joué par les établissements financiers, en particulier par Goldman Sachs, fort légitimement stigmatisé par le Président de la République – mais s'il a vu l'arbre de Goldman Sachs, le Président de la République n'a pas vu la forêt : la Société générale, la BNP, le Crédit agricole, pour les établissements français, ou encore le Crédit suisse, que je cite à nouveau : dans cette affaire, il va tirer les marrons du feu sans même que la Confédération helvétique soit mise à contribution.

En clair, après avoir spéculé sur les difficultés financières des familles américaines surendettées, les établissements financiers se sont rabattus sur la dette des États, en particulier celle de la Grèce. Ils ont ainsi franchi une étape nouvelle. Comme l'aurait dit un ancêtre auquel je fais souvent référence et avec lequel vous êtes en train de vous familiariser, madame Lagarde, il y a une sorte de bond qualitatif – c'est un bond qualitatif vers le pire ! La crise grecque n'est que le premier avatar d'une nouvelle forme, gravissime, de la crise. C'est une menace pour tous les peuples, aggravée par les gouvernements qui – par absence de volonté politique de s'y opposer – relaient les intérêts des spéculateurs.

Le casino est reparti. Si la cible a changé, les conséquences seront encore plus désastreuses pour la grande majorité d'entre nous. Les réponses proposées par le Gouvernement sont encore plus injustes aujourd'hui qu'il y a un an. L'avenir du peuple grec ne compte pour rien dans vos calculs, et votre cynisme ne connaît plus aucune limite. On a entendu s'exprimer la compassion pour les Grecs, mais votre plan n'est pas un plan de solidarité avec les Grecs, avec l'État grec, avec le peuple grec ; c'est un plan de solidarité avec les créanciers de l'État grec, ce qui est, vous en conviendrez, plus qu'une nuance.

Comparons brièvement le plan de sauvetage des banques des années 2008 et 2009 avec celui que vous soumettez aujourd'hui à l'Assemblée nationale, et que vous osez qualifier de plan de « solidarité nationale avec la Grèce ». En réalité, c'est tout le contraire, et vous l'avez-vous-même confirmé, madame la ministre, en vous vantant du fait que les intérêts gagnés par la France s'élèveraient à 160 millions d'euros.

J'imagine, madame Lagarde, le petit paysan grec ramassant des olives, que vous allez presser encore davantage pour lui faire rendre quelques centimes d'euros qui iront dans la poche des actionnaires de la BNP ou de quelques autres ! C'est immoral ! C'est insupportable, de s'enrichir ainsi du travail et de la misère de ces pauvres gens – car je n'ai pas entendu dire que ce sont les armateurs descendant d'Onassis qui vont payer la note. Vous souriez, madame la ministre, et vous avez même l'air de croire ce que vous dites. Que vous êtes candide ! Que vous êtes naïve ! Depuis quand, sous l'empire de vos régimes, avez-vous vu les riches mis à contribution ? Ils mettent les pauvres à contribution pour s'enrichir, oui, mais dès lors que vous exercez le pouvoir cela ne va jamais dans l'autre sens.

Lors de la crise financière, la France n'a pas hésité à mettre sur la table, dans les conditions qui ont été rappelées tout à l'heure, près de 350 milliards d'euros pour sauver les banques de la faillite ; et au niveau européen, c'était 3 600 milliards d'euros ! Aujourd'hui, l'Union européenne consent, dans sa grande magnanimité, à prêter la bagatelle de 30 milliards d'euros – un peu plus maintenant, si on se rapporte à la durée que vous évoquez – à notre ami grec, au nom de la solidarité, bien sûr.

Madame Lagarde, monsieur Baroin, je n'évoquerai pas ici les 50 milliards d'euros de réparations dues par l'Allemagne à la Grèce. Comme vous le savez, il y a un accord entre ces deux pays pour le paiement des réparations après la guerre : cet accord prévoyait que les réparations devaient être payées après la réunification. Malgré les relances des victimes du nazisme, malgré les relances du gouvernement grec, l'Allemagne ne s'est toujours pas acquittée de sa dette, qui représente aujourd'hui 50 milliards d'euros. Pourquoi n'en parlez-vous pas avec Mme Merkel ? Mme Merkel, sans doute parce qu'elle est fille de pasteur, fait volontiers la morale à la terre entière. Mais pourquoi donc n'honore-t-elle pas ses dettes avant de critiquer les autres ? Compte tenu du fondement de cette dette, on ne le répétera jamais trop, c'est une question de morale. Cette dette a été payée à la France, pourquoi ne le serait-elle pas à la Grèce ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est une bonne référence : la Russie assume effectivement les engagements de l'Union soviétique, car il y a une continuité des États malgré les événements qui marquent les histoires nationales. C'est une règle internationale intangible, ne vous en déplaise !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

La Russie n'est pas exactement l'Union soviétique !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur Chartier, ce n'est pas parce que vous conservez, dans les paires de draps de votre grand-mère, quelques titres d'emprunts russes que vous n'avez pas réussi à vous faire rembourser, que vous allez nous faire sortir les mouchoirs de la poche ! J'espère que vous avez d'autres titres, et en particulier des titres de gloire : cela vaut toujours mieux que les actions qui se développent au détriment de ceux qui les font prospérer dans les entreprises.

L'aide à la Grèce rapportera 160 millions d'euros à la France, environ 240 millions à l'Allemagne, et près de 700 millions d'euros à l'ensemble des pays prêteurs. De la solidarité, ça ? Non ! C'est de l'usure au petit pied !

Vous êtes âpres, inexorables. Prenons-en pour preuve les contreparties exigées de ceux à qui vous prêtez, les banques en 2008-2009, le peuple grec maintenant. Faisons la comparaison.

Votre gouvernement n'a exigé aucune contrepartie sérieuse des banques qu'il a renflouées ; il n'a exigé aucun contrôle, aucune participation au capital de ces banques. Quant à la moralisation du capitalisme – comme si ces deux termes n'étaient pas par essence contradictoires – promise par le Président de la République dans son fameux discours de Toulon, sans doute dans un moment d'égarement, l'avez-vous vue arriver ? Avez-vous vu une régulation de la finance internationale ? La crise actuelle montre, avec éclat, que ces paroles n'étaient que fariboles.

En revanche, lorsqu'il s'agit de prêter quelques sous à la Grèce, la France, l'Europe et le FMI s'acharnent contre son peuple en exigeant un plan d'austérité d'une ampleur sans précédent. Les « partenaires » européens de la Grèce, si l'on peut ainsi les qualifier, exigent une baisse de 15 % des salaires dans les secteurs public et privé, un relèvement de l'âge de la retraite à soixante-sept ans, une baisse des pensions, des milliers, voire des centaines de milliers de suppressions d'emplois dans le secteur public, l'abolition des conventions collectives, la remise en cause de toute restriction légale à la suppression d'emplois dans le secteur privé, sans parler des privatisations et des nombreuses coupes dans les budgets de la santé, de l'éducation ou de la recherche. N'a-t-on pas même entendu parler ce matin d'une exigence de privatisation des transports publics ?

Pour vous, le principal est ailleurs. Le plan européen concernant la Grèce a, lui aussi, pour but de garantir les bénéfices des banques et des marchands d'armes. Les banques françaises détiennent en effet plus de 50 milliards d'euros d'obligations de l'État grec et les établissements bancaires allemands en possèdent pour près de 30 milliards d'euros. Venir en aide à la Grèce, dites-vous ? Non, il s'agit de garantir que les banques seront remboursées de leurs prêts sans avoir à mettre la main à la poche !

Que se passerait-il sinon, nous dit-on ? Mais quels sont les plus apeurés lorsque survient un sinistre ? Ce sont ceux qui ont prêté l'argent ! Si un accident survenait, alors les conditions politiques, surtout sous la pression d'États volontaristes, existeraient pour que les banquiers soient contraints de mettre la main à la poche, alors qu'ils ont très largement profité de la fragilité grecque en exigeant, vous le savez comme moi, des taux d'intérêt particulièrement élevés.

La responsabilité des gouvernements grecs successifs, particulièrement pointée du doigt par nos amis d'outre-Rhin, est réelle. Rassurez-vous, mes chers collègues, les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne vont pas vanter les mérites de la classe dirigeante grecque. Tout comme en France, celle-ci a abandonné aux marchés financiers le pouvoir dont elle a été démocratiquement investie par la population. Cela justifie-t-il pour autant un acharnement moralisateur, nourri parfois de chauvinisme et de préjugés nationaux ?

Je vous rappelle, mes chers collègues, que le maquillage des comptes publics grecs n'est pas une nouveauté. Depuis l'année 2004, au moins, l'Institut européen de statistiques, Eurostat, a attiré l'attention sur l'existence de ces pratiques. Jusqu'à aujourd'hui, cela n'a dérangé personne parce que toutes les grandes banques européennes et américaines ont tiré profit du surendettement grec. Cela n'a pas dérangé l'économie allemande parce que ces crédits ont servi à financer ses exportations.

D'ailleurs, madame la ministre, monsieur le ministre, quand on y regarde bien, on voit toujours le même phénomène. Certains ont fait semblant de découvrir les subprimes, en 2008. En réalité, le danger était dénoncé bien avant, y compris par des diplomates français qui écrivaient des notes au Gouvernement français, notes qui n'ont peut-être jamais été lues.

Rappelez-vous l'affaire Kerviel ! Les turpitudes de Kerviel ne gênaient personne tant que cela permettait à la Société générale de gagner. Mais le jour où on constate une contre-performance, malheur aux pelés et aux galeux ! Il en va de même pour la Grèce : ce qui s' y est passé était connu – je viens de le rappeler – grâce à Eurostat, mais, à ce moment-là, personne n'a protesté dans les hautes instances.

J'en reviens à l'acharnement de nos amis allemands, et en particulier de la droite au pouvoir. Il ne s'explique pas tant par des considérations d'ordre économique ou monétaire. Cet acharnement – cette arrogance parfois – repose sur un calcul électoral, et même, quand il s'agit de M. Westerwelle, sur le populisme, pour faire prospérer son électorat sur des bases, il faut le dire, un peu nauséabondes. J'en reste là pour ne pas évoquer le passé.

Parce que la droite allemande risque de perdre le Land le plus peuplé du pays, elle a voulu jouer sur un sentiment national, celui de la fierté, sans doute légitime, lié au souvenir d'une monnaie forte et d'une gestion économique plutôt efficace.

Mais le peuple allemand lui-même, qui a produit tant de grands esprits, n'est pas dupe. Il y a quelques jours, un sondage a montré que près des deux tiers des Allemands souhaitaient que les banques soient mises à contribution pour le sauvetage des finances publiques grecques. Vous reconnaîtrez avec moi que les Allemands sont fort sages, plus sages que leur Chancelière, qui mérite effectivement de perdre les élections dimanche prochain puisque, si les Allemands traduisent dans leur bulletin de vote les convictions exprimées dans les sondages, cela ne correspondra pas à la ligne de la Chancelière.

N'est-ce pas du cynisme et de la soumission que d'associer les banques non pas au sauvetage des finances grecques, mais aux profits que ce sauvetage rapportera à certains États ? Or, je le répète, les fonds levés pour « aider » les Grecs seront levés sur les marchés financiers. Les banques prêtent aux États qui, eux, prêtent à la Grèce. Les banques et les États y gagnent tandis que le peuple grec paie de ses droits sociaux.

N'est-ce pas du cynisme que d'offrir un crédit à une personne qui se trouve, pour évoquer un projet de loi récent, en situation de surendettement, précisément parce que les crédits précédemment vendus ont été beaucoup trop chers ? En effet, comme dans le cas des personnes privées qui se retrouvent avec une dette colossale parce que les taux d'intérêt pratiqués par les banques sont tellement élevés qu'ils déclenchent le cercle vicieux de l'endettement, l'État grec a lui aussi subi les appétits insatiables des usuriers de la finance mondiale.

N'est-ce pas du cynisme que de se cacher derrière les dispositions juridiques du traité de Lisbonne pour pouvoir profiter des remboursements grecs ? Certes, le traité de Lisbonne interdit à la BCE de prêter directement aux États de la zone euro, alors que cela avait été possible pour venir en aide à la Lettonie ou à la Roumanie.

Reconnaissez, madame la ministre, que c'est un mauvais traité. On juge de la valeur du traité non pas par les bâtons qu'il vous met dans les roues, mais plutôt par les facilités qu'il vous offre pour sortir des difficultés. On a trouvé que ce traité était bon pour la Lettonie et la Roumanie, mais les contraintes qu'il impose beurrent la tartine des marchés financiers, alors que la Banque centrale est là et devrait jouer ce rôle que vous lui refusez.

Quand un outil n'est pas adapté, c'est simple, il faut en changer ! Le traité de Lisbonne n'est pas bon, renégociez-le ! Je vous rappelle le sort que le peuple français lui avait réservé. Ce n'est que parce que la démocratie a été piétinée que ce traité peut aujourd'hui s'appliquer, il faut le rappeler. C'est un mauvais traité, qui assujettit l'Europe à la domination des marchés financiers et empêche de construire une Europe solidaire et respectueuse des aspirations des peuples. Non ! Le juridisme vous sert de bouclier ! Il vous sert de cache-sexe des intérêts que vous défendez.

Qui, à part les banques et les États, profiteront de votre « plan d'aide » ? Les Grecs certainement pas ! En imposant au peuple grec un plan d'austérité comme on n'en a jamais vu, en démantelant la fonction et les services publics, en détruisant le système de sécurité sociale et en vidant le droit du travail de sa substance, vous allez aggraver la concurrence déloyale au sein du marché de l'Union européenne et, surtout, vous préparez tous ces secteurs potentiellement lucratifs – la santé, l'éducation, les retraites – aux appétits des grands groupes privés. Mais n'est-ce pas le même sort que vous préparez pour les retraites chez nous, avant – si, par, malheur pour notre peuple, Sa Majesté était réélue en 2012 – que le même sort ne soit réservé à la sécurité sociale !

Il ne faut pas ignorer l'histoire du peuple grec. Le peuple grec a une vieille, une belle histoire. Et comme le peuple français, il a parfois des émotions. Vous êtes en train de pousser le peuple grec à la révolte. Vous ne parlez, pour l'instant, que de son gouvernement. Imaginez ce qui se passerait s'il y avait dimanche prochain des élections ! Le gouvernement grec passerait par la fenêtre !

Ce qui ne se fera pas par des élections, avec la purge que vous voulez imposer au peuple grec, peut se passer dans la rue, parce que vous avez la même démarche que le FMI avec les pays d'Afrique ou d'ailleurs. C'est une politique néocoloniale, nous y reviendrons au cours de la discussion.

Madame la ministre, monsieur le ministre, vous verrez les constantes de la politique française et allemande vis-à-vis de la Grèce depuis presque deux siècles. Si l'on établit une comparaison, à un siècle de distance, on voit que les mêmes banquiers – la Société générale, le Crédit lyonnais et l'ancêtre de la BNP, le Comptoir national d'escompte – étaient déjà à Athènes et assujettissaient déjà le peuple grec. On trouve cela dans l'ouvrage La politique impériale de la France – si l'on utilise un adjectif plus contemporain, cela signifie la politique impérialiste. Mais c'est en fait une politique néocoloniale du nord de l'Europe vers le sud.

Ce n'est pas nouveau, c'est une constante. C'est ainsi que vous comptez construire une Europe de la solidarité, une Europe de la fraternité, en assujettissant, en humiliant un grand peuple comme le peuple grec, auquel nous devons tant dans notre histoire ! C'est une faute politique majeure et nous serons solidaires des révoltes du peuple grec. Je ne doute pas qu'il y aura des axes de solidarité entre tous ceux qui rejetteront cette injustice que vous voulez leur imposer pour essayer de mieux faire prospérer les dividendes des actionnaires, des banquiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Mais souvenez-vous, mes chers collègues, de cet aphorisme d'Étienne de La Boétie : « Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. ». Notre peuple, pas plus que le peuple grec, n'a vocation à vivre à genoux. Malheur à ceux qui veulent lui imposer cette posture !

Mes chers collègues, parce que vous avez l'occasion de vous lever au nom de tous ceux que vous représentez dans cet hémicycle, parce que ce n'est pas la Grèce qui a une dette envers nous, mais parce que c'est toute l'Europe qui a une dette envers le peuple grec, je vous demande, en votre âme et conscience, de réfléchir. Pensez à notre histoire ! Pensez aux ponts qui se sont établis entre nous dans les moments les plus difficiles de notre histoire ! À ce moment-là, vous ferez le bon choix en votant cette motion de renvoi en commission, parce qu'il y a d'autres solutions que ce qui nous est proposé.

Si, d'aventure, la motion que je viens de défendre n'était pas adoptée, nous développerions nos propositions tout au long de la discussion. Nous ferons la démonstration que la piste que vous avez empruntée est unilatérale. Elle va toujours dans le même sens, à savoir abonder les ressources de ceux qui ne vivent que du malheur des autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Je serai très bref. En effet, l'excellente démonstration de notre collègue Jean-Pierre Brard se suffit à elle-même pour expliquer le vote des députés communistes et républicains.

Nous voterons évidemment cette motion de renvoi en commission, comme nous voterons contre le plan soumis par le Gouvernement aujourd'hui à l'Assemblée nationale et abusivement qualifié de plan d'aide à la Grèce. Il s'agit d'un dispositif dont l'objectif est de renflouer les marchés financiers, de venir au secours des créanciers de la Grèce, et non du peuple grec, de sauver les banques qui ont enfoncé la Grèce dans la crise en spéculant sur la dette publique de ce pays.

Au passage, l'État français, de la manière la plus immorale qui soit, envisage de tirer bénéfice de cette opération en encaissant 160 millions de bonus au titre de l'intérêt du prêt, dont le taux avoisinera les 5 %. C'est immoral également parce que, pour la deuxième fois, vous allez financer, venir au secours des banques sans aucune contrepartie.

En réalité, ce qui est présenté comme un geste de solidarité envers la Grèce ne vise qu'à garantir les profits des marchés financiers des banques françaises et européennes en contrepartie d'un plan d'austérité drastique pour le peuple grec. Ces orientations, ces propositions particulièrement injustes socialement ne feront que plonger un peu plus ce pays dans les difficultés. Les députés communistes et républicains dénoncent ce projet de loi. Ils dénoncent la logique qui le sous-tend et qui inspire la politique que vous développez aussi dans notre pays à l'encontre des fonctionnaires, des salariés, des intérêts de nos concitoyens et de nos concitoyennes.

Le peuple grec et la Grèce ont besoin de mesures procédant d'une tout autre logique, favorisant les coopérations, l'emploi, le pouvoir d'achat et répondant aux besoins sociaux. C'est à cette politique que nous nous attelons.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Madame la présidente, on connaît la passion de Jean-Pierre Brard pour les philosophes et les penseurs grecs. J'avais imaginé, sachant que vous alliez prendre la parole, mon cher collègue, pour défendre la motion de renvoi en commission, que vous vous inspireriez un peu plus d'eux. Il n'en a rien été et j'avoue être un peu resté sur ma faim en écoutant vos propos, et ce pour deux raisons.

D'abord, je vous ai trouvé coincé entre une description ultra-classique de la crise et des profiteurs, mais qui aurait sans doute pu aller plus loin. Je vous ai connu plus virulent, il y a quelques mois, sur le sujet. On comprend d'ailleurs l'admiration que vous avez pour Christine Lagarde – ce n'est pas la première fois que vous le dites, et vous l'avez répété ce soir. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Nous avons tous senti votre passion et votre administration pour Mme la ministre qui, il est vrai, a accompli un travail remarquable, nous ne pouvons que le répéter !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Nous l'avons bien senti dans vos propos très mesurés ce soir, monsieur Brard. (Sourires.)

En tout état de cause, votre démonstration n'était pas celle que l'on attendait. Dans votre description de la situation grecque, il y a eu à peu près tout ce qui peut faire le malheur d'un pays en proie à une déroute financière et budgétaire complète. Cela dit, je n'imaginais pas que vous iriez jusqu'à évoquer le petit paysan grec ramassant les olives, mais il est vrai que c'était l'heure de l'apéritif. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous vous intéressez à leur huile, mais pas à leur sort !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

C'est sans doute pourquoi cette image vous est venue en tête. J'attendais que vous évoquiez les producteurs d'ouzo, mais vous en êtes resté aux olives, ce qui fut sage.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Cela étant, nous poursuivons tous le même objectif : faire en sorte que les petits paysans grecs puissent continuer, demain, à ramasser leurs olives.

Ensuite, ce fut au tour de la géographie et de la mondialisation. On n'est jamais déçu avec Jean-Pierre Brard sur ce plan : d'Athènes au discours de Toulon, il aurait aussi pu faire un crochet par Montreuil, cela aurait été utile pour la bonne compréhension du débat. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.) Votre image de la Grèce, monsieur Brard, n'a plus rien à voir avec Olympie. La Grèce d'aujourd'hui est un pays riche de ses traditions, mais dans lequel, hélas, il ne reste que des souvenirs.

La situation de la Grèce est dramatique et il ne suffira pas, cher Jean-Pierre Brard, de citer Aristote pour éviter la révolte dont vous avez parlé à la fin de votre propos. Le groupe Nouveau Centre ne vous suivra donc pas et ne votera pas votre motion de renvoi en commission. Plutôt que d'évoquer la révolte ou Aristote, qui a inspiré quelqu'un que vous appréciez, Karl Marx, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

…je préfère le proverbe grec antique : N'ajoutez pas à vos maux un remède pire que le mal ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

J'ai bien entendu M. Brard, mais ses propos relevaient plus de la posture que de la conviction.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Je lui laisse la responsabilité de ses paroles, préférant revenir sur les propos de certains de nos collègues concernant tant la situation grecque que la comparaison avec la situation française.

Le président de la commission des finances a dit, de façon diplomatique, que s'agissant d'autres pays, le Gouvernement sous-entendait que ce qui était bon pour les uns ne l'était pas forcément pour les autres – je fais bien sûr allusion à la hausse des impôts. Je rappellerai donc à Jérôme Cahuzac que le taux moyen d'imposition est de 32 % en Grèce contre environ 44 % de taux de prélèvements obligatoires en France. Si la Grèce a un taux moyen d'imposition de 32 %, un taux d'impôt sur les sociétés de 25 % et un taux de tranche marginale supérieure maximum de l'impôt sur le revenu des personnes physiques de 40 % contre 45 % en France, ceci explique peut-être cela.

Loin de la majorité UMP l'idée de donner une quelconque leçon. En revanche, lorsqu'il y a des efforts à conduire, nous estimons que les gouvernements de la zone euro et le FMI – le président de la commission des finances a d'ailleurs cru prudent de saluer la qualité, qui n'est pas remise en cause, du directeur général actuel de ce fonds depuis deux ans et demi, comme s'il avait des raisons de souhaiter qu'il occupe sa responsabilité le plus longtemps possible…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Bref, le FMI et les dirigeants de l'Eurogroupe ont pris la décision qui s'imposait. Ils ont bâti un plan accepté par la Grèce qui semble juste et de nature à ramener ce pays à un niveau de déficit des comptes publics inférieur à 3 %, en l'occurrence à 2,5 % du PIB en 2014.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Notre souhait, partagé sur la plupart des bancs de cet hémicycle, c'est que la Grèce sorte de la situation périlleuse dans laquelle elle se trouve aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Cette question ne concerne pas seulement les Grecs, chacun l'aura bien compris. Elle concerne tous les membres de la zone euro, et la solidarité européenne doit jouer aussi pour la monnaie. Sans doute aurions-nous dû prendre conscience de cette solidarité bien plus tôt. Cela étant, il n'est jamais trop tard pour bien faire. Le groupe UMP tient tout particulièrement à saluer la démarche de Christine Lagarde s'agissant des pays de l'Eurogroupe, qui permettra à terme, nous le souhaitons tous, de ramener la Grèce à une situation d'équilibre de ses comptes publics, en tout cas de moindre déficit. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marietta Karamanli.

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, chers collègues, j'ai souhaité prendre la parole en tant que membre de la commission des affaires européennes.

Le projet de loi de finances rectificative pour 2010 prévoit – au titre d'un nouveau programme intitulé « Prêts aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro », doté de crédits évaluatifs – 3,9 milliards d'euros en crédits de paiement visant à consentir des prêts bilatéraux en vue d'assurer la stabilité économique en limitant les tensions sur les taux d'intérêt de la dette des États en difficulté.

Mon propos sera bref et s'articulera autour de trois idées. Aujourd'hui, la Grèce est en difficulté, mais demain, tout autre État de la zone euro pourrait être fragilisé et attaqué.

Plus que d'autres, la Grèce est un État dépendant du reste du monde et de l'Europe en particulier. Ce que l'étranger possède en Grèce – entreprises, immobilier, actifs financiers – est supérieur à ce que les Grecs possèdent dans le reste du monde et ce dont les Grecs disposent au titre du revenu national pour consommer et épargner est inférieur à leur production intérieure, une fois déduits les intérêts et dividendes versés au reste du monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Cette situation historique les rend assez peu susceptibles, comme le remarquait l'économiste Thomas Piketty, de consommer plus que ce qu'ils produisent et d'être seulement de mauvais élèves de l'économie domestique ou libérale !

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Dans le cas grec, l'écart entre la production intérieure et le revenu national était, à la veille de la crise financière, d'environ 5 %, soit deux fois plus que l'ajustement budgétaire aujourd'hui demandé à la Grèce ! Il peut être encore beaucoup plus important dans des pays ayant tout misé sur l'investissement étranger comme l'Irlande – mais celle-ci semble protégée par son caractère de havre fiscal – ou encore l'Espagne où les investissements étrangers ont fait flamber les prix des biens et services !

Avec la crise, les créanciers ont demandé à ces économies de rendre plus vite et plus fort ce qu'ils y avaient placé, et ce au moment même où leurs économies étaient touchées par la dépréciation d'actifs nés de la crise des liquidités sur l'ensemble des marchés !

L'enchaînement, nous l'avons constaté, est impitoyable : les spéculateurs ont vu l'intérêt qu'ils avaient à demander plus et, à mesure qu'ils demandaient plus, à pouvoir obtenir de prêter avec plus d'intérêt.

Que valent les 200 milliards d'euros du PIB grec quand dix banques mondiales gèrent chacune des actifs supérieurs à 2 000 milliards d'euros ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

L'Union européenne est intervenue tardivement ce qui reste une erreur, Jérôme Cahuzac l'a à juste titre rappelé.

Comme le note l'exposé des motifs du projet de loi, tout s'est déclenché par l'annonce, en octobre 2009, par le nouveau gouvernement socialiste grec, d'un trou dans les prévisions 2009 du gouvernement conservateur battu.

Dès janvier 2010, la spéculation a commencé et il a fallu attendre le courant avril, au moment où l'État Grec devait déjà faire face à des remboursements, pour que soit annoncé un engagement européen plus solidaire.

Les analyses « nationales » tendant à faire croire que ce seraient les citoyens de chaque État qui paieraient la dette et donc les « fautes » des autres ont joué leur rôle dans l'attentisme ambiant alors qu'il ne s'agit que de prêts. Elles cachent, il est vrai, parfois des stratégies économiques strictement nationales visant, par exemple, la primauté à y exporter. Ainsi, le refus de l'Allemagne de s'engager vis-à-vis de la Grèce n'a fait qu'accroître la spéculation et a contribué à l'endettement du pays !

Par ailleurs, la réaction de la Banque centrale européenne regrettant que le FMI soit sollicité ne peut manquer d'interroger : comment une banque centrale qui refinance au taux de 1 % des banques, qui elles-mêmes financent des spéculateurs, ne pourrait appliquer un taux de refinancement aussi avantageux à un État ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Si la solidarité joue tardivement, elle paraît être à portée de main et nous ne pouvons que nous en féliciter, le président de la commission des finances l'a rappelé.

Reste la question de la façon dont l'Europe doit agir pour réguler la finance de marché. L'Europe doit en effet tirer les leçons de la crise financière dont nous ne sommes pas encore sortis

À l'évidence, il y a une instabilité et des anticipations propres à la finance de marché qui menacent les États, sans oublier une disproportion entre les chocs initiaux et leurs effets économiques réels. Il y a quelques semaines, l'économiste André Orléan notait que l'évolution financière, depuis quelques années, se lit comme un processus de défiance et d'autoréalisation et que seule l'intervention « musclée » des autorités publiques est de nature à sauver les choses, car ces autorités ont des finalités propres qui ne sont justement pas d'ordre financier !

Deux choses s'imposent donc. À l'évidence, l'Europe a besoin d'un gouvernement économique démocratique et d'une solidarité budgétaire. À l'évidence aussi, la finance de marché a besoin d'être placée sous le contrôle des États, et les circuits bancaires et financiers doivent être mieux cloisonnés et sanctionnés quand ils échappent aux règles établies !

Je me félicite de la tenue de ce débat aujourd'hui, ainsi que de l'engagement de la France. Pour le peuple grec, ce sera très difficile, même si l'on peut reconnaître les efforts du gouvernement actuel et la volonté des Grecs de s'en sortir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2010.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma