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Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 3 mai 2010 à 18h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2010

Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi :

Le dispositif engage la France à prêter 16,8 milliards d'euros sur une période de trois ans. Conformément au mécanisme de soutien agréé le 11 avril dernier, le Gouvernement vous présente un projet de loi de finances rectificative visant à donner à notre pays les moyens juridiques et budgétaires d'apporter son concours à la Grèce.

À l'issue d'un week-end où s'est probablement jouée une étape importante de l'histoire de l'euro, le Gouvernement vous présente aujourd'hui un amendement visant à augmenter le montant des autorisations d'engagement afin de refléter les discussions qui viennent de se terminer. Comme vous le savez, le gouvernement grec a annoncé lors d'un conseil des ministres extraordinaire, dimanche matin, qu'il s'engageait à respecter le programme négocié avec la Commission européenne, le FMI et la BCE.

En contrepartie des efforts de la Grèce, l'Eurogroupe auquel j'ai participé hier a décidé d'activer le plan de soutien financier à ce pays d'un montant de 110 milliards d'euros répartis sur trois ans – 80 milliards pour les États membres de la zone euro et 30 milliards pour le FMI. Je tiens également à signaler l'engagement des grandes institutions financières mondiales, regroupées au sein de l'Institute of International Finance, de prendre leur part à l'engagement collectif. Cela me paraît être un signal fort de solidarité que les acteurs privés adressent aux marchés.

En accord avec le président et le rapporteur général de la commission des finances avec lesquels nous avons été en contact régulier tout au long du week-end, l'amendement du Gouvernement vise à refléter l'engagement de la France non plus sur la seule première année du programme mais sur les trois années entières. En accord avec la clé de répartition au capital de la BCE de chacun des États membres – soit 20,97 % pour la France –, notre engagement total s'élèvera à 16,8 milliards d'euros pour les trois prochaines années. Les crédits de paiement proposés dans le projet de loi déposé par le Gouvernement ne seront pas modifiés. Le programme de financement pour 2010 ne sera pas davantage modifié. Pour les années suivantes, nous verrons s'il est nécessaire d'augmenter le montant des émissions de dette à moyen et long terme. Il est encore trop tôt pour se prononcer sur ce sujet.

Permettez-moi de revenir sur les deux principes qui nous ont guidés dans l'examen de la situation de la Grèce : solidarité et fermeté.

S'agissant du principe de solidarité, la France a toujours été un moteur dans l'histoire de l'Europe. Ce projet de loi de finances rectificative réaffirme notre engagement à mettre en oeuvre la solidarité européenne. Nous avons été les premiers à engager le processus législatif autorisant le versement de notre quote-part. Depuis la présentation du projet de loi de finances rectificative au conseil des ministres du 21 avril dernier, de nombreux autres États membres ont pris la même initiative. La France s'illustre ainsi avec force dans son engagement européen.

S'agissant du principe de fermeté, il faut souligner que la solidarité n'exclut pas l'exigence. Il n'est pas question de signer un chèque en blanc aux frais des contribuables français. Je serai extrêmement vigilante à l'égard des mesures prises en application du programme agréé ce week-end par le gouvernement grec, en accord avec la Commission européenne, la BCE et le FMI. Les mesures consenties par le gouvernement grec sont strictes et rigoureuses et permettent de restaurer la situation des finances publiques. Le FMI et la Commission européenne vérifieront chaque trimestre que ces engagements auront bien été respectés. C'est ainsi que d'ici à 2013, pas moins de douze vérifications sur place interviendront. Chaque versement du prêt sera naturellement conditionné à la mise en oeuvre du programme d'assainissement des comptes publics auquel le gouvernement grec s'est engagé.

Ce programme est ambitieux mais surtout nécessaire : la Grèce doit être rapidement en mesure de revenir sur les marchés à des conditions raisonnables et de rassurer l'ensemble de ses partenaires.

Soyons clairs : le mécanisme de soutien proposé par la France est un mécanisme de solidarité à l'exclusion de toute arrière-pensée. Il n'est pas question de tirer un profit indu de notre soutien à la Grèce, il en va de la crédibilité du plan proposé. Les prêts sont effectués à des taux non concessionnels, longuement débattus avec nos partenaires au sein de l'Eurogroupe, identiques pour chacun de ses membres. Nous avons décidé que les conditions consenties par les membres de l'Eurogroupe seraient les plus voisines possible de celles consenties par le FMI.

L'une des leçons à tirer de la crise est la nécessité de poursuivre nos efforts en faveur de l'instauration d'une véritable gouvernance économique européenne. Au niveau de la zone euro, l'Eurogroupe a ainsi décidé, dès le mois de janvier dernier, à l'initiative de la France et de l'Allemagne, qui avaient écrit en ce sens à Jean-Claude Juncker, de renforcer la gouvernance de la zone euro tant en termes de moyens que d'ambitions dans la coordination de véritables politiques économiques conjointement déterminées. Nous devons poursuivre nos efforts en ce sens.

Plus largement, la Commission travaille actuellement à l'élaboration d'une communication sur la gouvernance économique européenne, qui nous sera présentée au mois de mai.

L'autre enseignement que nous devons tirer de la crise que nous venons de vivre concerne la fiabilité des informations statistiques et de la transmission des données. Nous devons faire en sorte que les chiffres vérifiés et audités par Eurostat correspondent à la réalité économique, afin d'éviter que la confiance que mettent les partenaires et les opérateurs de marchés dans un État ne soit entamée par la production de chiffres inexacts.

Il faudra aussi des disciplines nouvelles. Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, anime un groupe de travail, auquel le Président de la République m'a demandé de participer, pour faire des propositions de réforme de la gouvernance avant la fin de l'année.

Le dernier grand enseignement que nous devons tirer concerne la nécessité d'une régulation financière harmonisée. La régulation financière commence évidemment par une meilleure régulation des agences de notation. Je vous rappelle que, sous la présidence française, nous avons pris des initiatives qui ont permis à l'Union européenne d'adopter, le 12 novembre 2008, un règlement communautaire prévoyant pour la première fois un contrôle et un enregistrement des agences de notation en Europe. Ce règlement, qui entrera en vigueur le 16 juin prochain, fixe des règles très strictes en matière de prévention des conflits d'intérêt, de transparence sur les méthodes de notation et les hypothèses utilisées, et prévoit que les États membres définissent le régime de sanctions si ce dispositif n'est pas respecté. Ce règlement prévoit aussi que chaque État membre doit informer la Commission européenne de l'autorité qu'il désigne comme autorité compétente pour enregistrer et contrôler les agences de notation. J'ai signé ce matin un courrier informant Michel Barnier, commissaire européen au marché intérieur, que je confie à l'Autorité des marchés financiers le soin d'enregistrer et de contrôler les agences de notation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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