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Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 3 mai 2010 à 18h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2010

Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi :

Monsieur le président, monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, monsieur le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, monsieur le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi de finances rectificative, qu'avec François Baroin nous allons vous soumettre, présente beaucoup de similitudes avec d'autres projets de loi de finances rectificative que j'ai été amenée à vous présenter en 2008 et en 2009 lorsque l'une des plus grandes crises économiques que nous ayons connue depuis un siècle nous a conduits à intervenir dans des conditions d'urgence.

La Grèce s'est heurtée, vous le savez, à deux difficultés majeures : d'une part, les conséquences de la crise économique et financière, qui a entraîné un rétrécissement de l'accès au marché pour la plupart des économies, en particulier les plus vulnérables d'entre elles ; d'autre part, un problème plus spécifique à ce pays, problème de crédibilité que le Premier ministre grec a lui-même qualifié de « déficit de confiance ». Nous savons que cette situation a résulté notamment de dissimulations dans les prévisions de déficit de la Grèce pour l'année 2009, lesquelles ont bien entendu largement entamé la confiance des marchés. À l'occasion du changement de gouvernement opéré à l'automne 2009, la prévision du déficit auparavant fixée à 6 % a doublé, passant à 12,5 % pour être ensuite révisée une nouvelle fois et fixée à 13,7 %, chacune de ces révisions aggravant la défiance des marchés à l'égard du pays, ce qui s'est traduit par une augmentation des écarts des taux de financement. Toutefois, ce n'était pas seulement la situation économique et financière de la Grèce qui était en cause, c'était très clairement aussi la stabilité de la zone euro.

Venons-en maintenant au calendrier des diverses réunions qui se sont tenues.

Lors des deux Conseils européens, informel puis formel, du 11 février et des 25 et 26 mars 2010, les chefs d'État et de Gouvernement ont, au terme d'une discussion que le Président de la République a personnellement engagée avec certains de ses partenaires, décidé du principe de la solidarité européenne avec la Grèce dans le but de « préserver, si nécessaire, la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble ».

Le 11 avril dernier, une réunion extraordinaire de l'Eurogroupe précisait les modalités du plan de soutien financier à la Grèce, le montant maximum de l'aide annoncée s'élevant, pour la première année, à 30 milliards d'euros apportés par les États membres de la zone euro, auxquels s'ajouteraient des fonds apportés par le Fonds monétaire international.

S'agissant du FMI, nous avons souhaité qu'il soit partie prenante au plan de soutien à la Grèce pour deux raisons : d'abord, du fait de son savoir-faire et de son expertise accumulés au fil des années en matière de redressement des situations financières, plus particulièrement pour ce qui est la balance des paiements, et des finances publiques ; ensuite, bien entendu, du fait de l'ampleur du financement rendu nécessaire par l'aggravation de la crise au fil des mois. À ce double titre, le soutien du FMI a été considéré comme bienvenu.

Le 11 avril, il a été décidé que l'aide prendrait la forme de prêts rémunérés à un taux non concessionnel, établi de manière bilatérale par chacun des États membres de la zone euro, à l'exclusion, bien sûr, de la Grèce. Il s'agit d'un taux fixe, de l'ordre de 5 % sur trois ans, proche des conditions consenties par le FMI, avec un taux certes variable, de l'ordre de 3,75 %, mais à la structure analogue.

Ce taux a fait l'objet de débats et je voudrais simplement signaler que notre choix a été motivé par notre volonté de mettre en place un taux unique pour tous les États membres de la zone euro et par le niveau de rémunération qu'imposait le risque grec. Il est souhaitable qu'il ne s'agisse pas d'un taux concessionnel, car ce taux bonifié ne doit pas constituer une incitation à un refinancement dans des conditions facilitées alors que la politique économique d'un État et l'intégrité des chiffres qu'il produit conditionnent le niveau des taux auxquels il a accès sur le marché.

Le 23 avril dernier, la Grèce a demandé à la Commission, à la Banque centrale européenne et à la présidence de l'Eurogroupe l'activation du mécanisme de soutien.

Hier soir, enfin, lors de la réunion extraordinaire de l'Eurogroupe qui s'est tenue à Bruxelles, nous avons décidé d'activer le plan de soutien financier à la Grèce pour un montant de 110 milliards d'euros sur trois ans. Certains ont sans doute en mémoire le montant de 45 milliards d'euros, 30 milliards venant des pays de la zone euro et 15 milliards d'euros du FMI. Le passage à 110 milliards d'euros – 30 milliards émanant du FMI et 80 milliards de la zone euro – s'explique par le remplacement d'un plan sur un an par un plan sur trois ans dans lequel, conformément aux pratiques du FMI, les obligations incombant à la Grèce et les conditions financières liant les pays membres de la zone euro et le FMI s'appliqueront sur l'ensemble de la période.

En l'espèce, mesdames, messieurs les députés, nous n'avons pas d'autre choix. Nous avons pour impératif la réactivité, car c'est la stabilité de la zone euro qui est en jeu pour la première fois de son histoire. L'opportunité nous est donnée une fois encore, en votant ce projet, d'exprimer la voix du législateur pour mettre un terme à la confusion des marchés et pour réaffirmer et mettre en oeuvre l'impératif besoin de régulation en matière financière. Le marché, c'est bien, mais rien que le marché, c'est trop.

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