Reconnaissons que le taux qui a été fixé pose questions. Avant de les poser, et pour essayer d'être le plus objectif possible, rappelons deux éléments. Premièrement, sans l'aide de la zone euro, ce n'est pas à 5 % que la Grèce devrait emprunter, mais à beaucoup plus. Avant de critiquer ce taux, prenons quand même conscience que sans ce plan, les choses seraient encore plus terribles pour ce pays ami.
Deuxièmement, et tous ceux qui se sont penchés sur cette question peuvent en témoigner, ce taux est assez proche de ce que le Fonds monétaire international s'efforce de faire. Et que je sache, l'action de ce dernier vise à assurer le succès de ses entreprises lorsqu'il va aider un pays qui le demande, et non pas à l'enfoncer davantage. C'est en tout cas sa politique depuis environ deux ans et demi. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.) Merci, mes chers collègues, d'avoir compris ce que je voulais dire. J'y suis très sensible. (Sourires.)
Et donc, que les pays de la zone euro prêtent à la Grèce à un taux finalement comparable, sinon identique, aux conditions dans lesquelles le Fonds monétaire international apporte son aide aux pays qui en font la demande, cela ne me paraît pas fondamentalement choquant.
Pour autant, et même si j'en comprends le mécanisme, il peut être jugé regrettable que les pays de la zone euro n'aient pas emprunté pour leur compte. On sait que la signature de l'Allemagne et celle de la France leur permettent d'emprunter à des taux très inférieurs à 5 %. Cela aurait dû autoriser des conditions de prêt, au moins pour ces deux pays, meilleures que celles auxquelles et l'Allemagne et la France vont le faire pour respecter un accord conclu entre chefs d'États et de gouvernements. Oui, cela pose problème. Car entre punir un pays et l'aider, il faut définitivement choisir. Les agences de notation et les marchés avaient décidé de punir la Grèce. Il me semble que les pays de la zone euro ont décidé de l'aider. Je crois que nous devons assumer cette aide, et donc, madame la ministre, voir avec vos collègues s'il n'est pas possible de prêter à la Grèce, dans les conditions les meilleures qui soient, étant entendu que les citoyens des pays qui s'efforcent à cette aide via ce prêt ne doivent pas, ce faisant, faire une mauvaise affaire. Si on peut comprendre – solidarité oblige –, qu'ils ne perdent pas d'argent pour autant.
Cette position, que je crois équilibrée – pas de bonne affaire, mais pas de mauvaise affaire non plus – doit permettre à la France, je le crois, de prêter à des conditions plus intéressantes pour la Grèce. Mais quoi qu'il en soit, mes chers collègues, ce taux ne fait pas partie du projet de loi que nous avons à examiner. Et le vote que nous émettrons n'aura pas de conséquence sur ce taux, si les propos que nous pouvons tenir et les demandes que nous faisons peuvent peut-être en avoir. En tout cas, j'en forme le voeu, pour ma part.
Quelle leçon tirer de la crise que nous avons connue ? Je crois que l'on peut en tirer une, qui sera valable, au moins, pour le court ou le moyen terme : c'est que l'Allemagne a gagné. Il y avait, au fond, deux écoles au sein de la zone euro. L'école allemande appelait à une forme de rigueur budgétaire, ce qui était la rançon d'une monnaie unique. Une autre école autorisait une forme de laxisme budgétaire, considérant que cette monnaie unique protége les États, leur offrant notamment une relative protection au regard du renchérissement du coût de l'énergie, en particulier du pétrole.
L'Allemagne a gagné dans la mesure où tout laxisme budgétaire, dans un quelconque pays de la zone euro, risquerait désormais d'être sanctionné, à plus ou moins long terme, par des marchés dont a vu qu'ils s'affranchissaient allègrement des règles que les pouvoirs nationaux ou supranationaux peuvent élaborer. Oui, l'Allemagne a gagné. Je me souviens qu'en 2005, le ministre de l'économie et des finances de l'époque avait commandé à Michel Pébereau un rapport, lequel recommandait, bien sûr, une économie dans la dépense, mais également une très vigilante protection pour la ressource fiscale.
Chacun peut porter le jugement qu'il veut sur les économies de fonctionnement réalisées par notre État, y compris récemment, mais chacun s'accordera aussi à reconnaître que la protection de la ressource fiscale ne fut pas, ces dernières années, la préoccupation majeure des gouvernants, puisque aucune des réformes voulues par le Gouvernement et votées par le Parlement ne fut financée par de quelconques économies ou par des recettes supplémentaires. Elles ont toutes été financées exclusivement, du premier au dernier euro, par la dette. Ce fut vrai en juillet 2007. Ce fut vrai avec la TVA sur la restauration. C'est vrai avec la réforme de la taxe professionnelle. Et je ne parle pas du grand emprunt, naturellement.
Il faut désormais veiller à la protection de la ressource fiscale, car des économies, seules, ne permettront pas de retrouver sinon une forme d'orthodoxie budgétaire pour laquelle je n'ai pas de religion particulière, du moins des finances publiques dont le caractère sain serait plus indiscutable qu'il ne semble l'être aujourd'hui dans notre pays.
L'Allemagne a gagné. Nous devons tous, avec modestie, retenir la terrible leçon que les Grecs sont en train d'apprendre, pour leur malheur à court et à moyen terme. Retenir cette leçon peut amener les uns et les autres à revenir – ce serait à leur honneur – sur des affirmations maintes fois énoncées.
L'État grec va connaître une considérable réduction de ses moyens de fonctionnement. Ses impôts vont être considérablement augmentés. Je constate d'ailleurs que le fameux adage selon lequel « trop d'impôt tue l'impôt » peut s'appliquer à l'intérieur de certaines frontières, mais est allègrement oublié quand il s'agit d'autres frontières, puisque ce plan a été validé par des gouvernants dont j'avais cru jusqu'alors que c'était un point de vue non négociable.
Les impôts vont augmenter en Grèce. Les salaires et les pensions vont diminuer. C'est une récession d'au moins 4 % qui les attend cette année. Je le redis, si la crise de liquidités est réglée à terme, on peut craindre que celle de la solvabilité de ce pays ne le soit pas vraiment dans les deux à trois ans à venir. Raison de plus pour délibérément choisir d'aider ce pays, et évidemment pas de le punir.
Madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n'est pas si fréquent qu'à l'occasion d'une loi de finances rectificative, les bancs de cet hémicycle voient siéger des parlementaires qui, non pas à l'unanimité,…