La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
L'ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République arabe syrienne en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu (n°s 299, 778).
Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
Conformément à l'article 107 du règlement, je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Australie tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et à prévenir l'évasion fiscale (n°s 444, 787).
Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
Conformément à l'article 107 du règlement, je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord relatif aux services de transport aérien entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Madagascar (n°s 574, 788).
Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
Conformément à l'article 107 du règlement, je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi autorisant l'adhésion à la convention internationale pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des navires (n°s 611, 786).
Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
Conformément à l'article 107 du règlement, je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi autorisant la ratification de l'accord multilatéral entre la Communauté européenne et ses États membres, la République l'Albanie, l'ancienne République yougoslave de Macédoine, la Bosnie-et-Herzégovine, la République de Bulgarie, la République de Croatie, la République d'Islande, la République du Monténégro, le Royaume de Norvège, la Roumanie, la République de Serbie et la Mission d'administration intérimaire des Nations unies au Kosovo sur la création d'un espace aérien commun européen (n°s 669, 790).
Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
Conformément à l'article 107 du règlement, je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco relatif à la mise à disposition de personnels de la police nationale française au profit de la Principauté de Monaco à l'occasion d'événements particuliers (n°s 718, 785).
Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
Conformément à l'article 107 du règlement, je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement (n°s 729, 776).
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des affaires étrangères, mesdames, messieurs les députés, j'ai l'honneur de vous soumettre aujourd'hui le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la République gabonaise relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement, signé à Libreville le 5 juillet 2007.
Permettez-moi, avant de vous en expliciter le contenu, de vous rappeler le contexte de la signature de cet accord.
S'inscrivant dans le cadre de l'approche globale sur les migrations, approuvée par le Conseil européen de décembre 2005 et réaffirmée par celui de décembre 2006, il illustre également la volonté, affirmée lors de la conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement qui s'est tenue à Rabat en juillet 2006, de lancer un partenariat global entre les pays d'origine, de transit et de destination de la migration.
Sous l'impulsion du Président de la République et de son homologue gabonais, les négociations engagées dès la fin du mois de mai 2007 par Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, sur les questions de circulation et de séjour des personnes, ont rapidement abouti à cet accord qui répond aux préoccupations communes des deux États devant l'ampleur des flux de migrants clandestins entre l'Afrique et l'Europe.
Cet accord me donne l'occasion de vous présenter une vision globale et cohérente des migrations. Il intègre des préoccupations relatives à la sécurité, au contrôle des frontières et à la maîtrise des flux migratoires et il vise à faciliter la circulation des personnes et à encourager une migration temporaire fondée sur la mobilité et l'incitation au retour des compétences dans le pays d'origine. Enfin, il met en place des dispositifs propres à favoriser l'enrichissement du pays d'origine grâce à la migration.
Je voudrais à présent vous présenter les principales dispositions qu'il contient.
Par cet accord, la France et le Gabon s'engagent à délivrer, dans le respect de la réglementation en vigueur, des visas de court séjour à entrées multiples d'une validité d'au moins deux ans, afin de favoriser la circulation des personnes.
L'accord répond au souhait de la France d'orienter les flux migratoires selon les besoins de notre économie en facilitant notamment la venue et le séjour temporaire en France d'étudiants étrangers que nous souhaitons accueillir. Il prend également en compte les intérêts du pays d'origine en faisant en sorte que la migration contribue à son enrichissement, non seulement à travers les transferts de fonds des migrants, mais également grâce à la formation et à l'expérience acquises par ceux-ci au cours de leur séjour en France.
Certaines dispositions de l'accord sont dérogatoires du droit commun. Pour les étudiants souhaitant compléter leur formation par une première expérience professionnelle, des dispositions spécifiques ont été convenues, telles que la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour de neuf mois renouvelable une fois. On déroge donc ici à l'autorisation provisoire de séjour de six mois prévue par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, autorisation provisoire accordée à l'étudiant ayant achevé avec succès un cycle de formation conduisant au master ou à la licence professionnelle.
Dans le domaine de l'accès au travail, l'accord prévoit l'ouverture aux ressortissants gabonais de certains métiers sur l'ensemble du territoire français, alors que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoit l'accès au marché du travail des ressortissants de pays tiers que dans certaines zones géographiques.
Les ressortissants gabonais sont également éligibles à la carte de séjour « compétences et talents » lorsqu'ils sont susceptibles de contribuer de façon significative et durable au développement économique ou au rayonnement de la France. Par dérogation au droit commun, qui prévoit que la carte « compétences et talents » ne peut être renouvelée qu'une seule fois pour les ressortissants de la zone de solidarité prioritaire, cette carte d'une durée de validité de trois ans peut être renouvelée sans limite pour les ressortissants gabonais.
En ce qui concerne les Français présents sur le territoire du Gabon, la partie gabonaise s'engage à modifier sa législation afin de permettre la délivrance d'une carte de séjour d'une durée de cinq ans renouvelable aux ressortissants français ayant séjourné plus de trois ans au Gabon ou mariés depuis plus de trois ans à une ou un ressortissant gabonais.
Cette option conjointe d'une migration régulière et contrôlée s'accompagne de l'établissement d'une coopération renforcée dans la lutte contre l'immigration clandestine pour laquelle la France s'engage à apporter au Gabon une expertise policière en la matière.
La France et le Gabon s'engagent également à réadmettre sur leur territoire les personnes qui se trouvent en situation irrégulière sur le territoire de l'autre partie. Cette disposition vise non seulement les nationaux de chacune des parties mais aussi les ressortissants d'États tiers qui ont séjourné sur le territoire de l'une ou l'autre des parties.
En outre, la France est prête à apporter son expertise au Gouvernement gabonais afin d'améliorer la fiabilité du fichier d'état civil et la sécurité des titres d'identité et de voyage, conditions d'une bonne maîtrise de la circulation des personnes.
Enfin, l'accord jette les bases d'une politique de codéveloppement, qui répond à la volonté des parties de mobiliser les ressources et les compétences des Gabonais résidant en France au profit du développement de leur pays d'origine et, avec l'aide financière de la France, de les soutenir dans cette démarche.
La signature d'un tel accord constitue un signal fort à destination de nos partenaires des pays source d'émigration. Elle traduit la volonté de la France de parvenir à une gestion concertée des flux migratoires, mutuellement bénéfique sur les plans économique et humain.
Telles sont mesdames, messieurs les députés, les principales dispositions de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement soumis aujourd'hui à votre approbation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Patrick Balkany, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le 5 juillet dernier, la France et le Gabon ont signé un accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement. Il s'agit du premier accord conclu dans le cadre de la nouvelle politique de gestion concertée de l'immigration, mise en oeuvre sous l'impulsion du Président de la République.
Avant d'aborder le contenu de cet accord, j'évoquerai le contexte dans lequel il s'inscrit dans la mesure où, d'une part, une attention croissante est désormais portée au lien entre migrations et développement et où, d'autre part, cette problématique sera au coeur de la présidence française de l'Union européenne.
Si la question migratoire est inséparable de préoccupations de sécurité et de contrôle des frontières, elle est également liée à des questions de développement. Les actions des travailleurs migrants résidant dans les pays industrialisés en faveur de leur pays d'origine apparaissent, en effet, comme une contribution majeure au développement de ce dernier. À cet égard, je ne citerai qu'un chiffre : en 2005, la Banque mondiale a évalué le volume des transferts de fonds des migrants vers leur pays d'origine à 232 milliards de dollars, soit nettement plus de deux fois le montant de l'aide publique au développement. Ces volumes, ainsi que les compétences acquises par les migrants dans leur pays d'accueil, conduisent naturellement à prendre davantage en considération le rôle des diasporas en tant qu'acteurs du développement des pays dont elles sont originaires.
Cette dimension nouvelle a été pleinement intégrée au niveau européen lors de la conférence ministérielle qui s'est tenue à Rabat en juillet 2006. Cette rencontre a, en effet, institué un partenariat novateur entre l'Union européenne et l'Afrique sur deux aspects essentiels. D'une part, il s'agissait de la première démarche associant les pays d'origine, de transit et de destination des migrations autour des routes migratoires qui relient l'Afrique et l'Europe. D'autre part, les politiques de développement et de codéveloppement, l'organisation des migrations légales et la lutte contre l'immigration irrégulière étaient, pour la première fois, prises en compte simultanément.
Dans le prolongement de la conférence de Rabat, la France s'est engagée, sous 1'impulsion du Président de la République, dans une démarche innovante, envisageant la question migratoire sous deux angles : l'apport des migrants installés en France à l'économie de leur pays d'origine et la régulation des flux migratoires par des mécanismes de réadmission et d'aide au retour.
Les accords de gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement – dont nous examinons aujourd'hui le premier, négocié par notre pays avec le Gabon – constituent l'un des instruments de cette nouvelle politique. Ces accords intègrent, en effet, des préoccupations de contrôle des frontières et de maîtrise des flux migratoires à une stratégie plus générale de soutien à des actions conduites par les migrants dans les domaines de la santé, de la formation et du développement économique. Il s'agit de faciliter la circulation des personnes, d'encourager une migration temporaire et d'inciter à un retour des compétences dans les pays d'origine, de manière à favoriser leur développement, non seulement à travers des transferts de fonds, mais surtout grâce à la formation et à l'expérience acquise. En 2007, quatre accords de ce type ont été négociés dont le présent texte avec le Gabon que je vais maintenant aborder.
Conformément aux orientations que je viens d'évoquer, l'accord qui nous est soumis aujourd'hui poursuit trois objectifs : favoriser la mobilité des compétences ; renforcer la coopération en matière de lutte contre l'immigration irrégulière ; soutenir les actions de codéveloppement en faveur du Gabon.
En premier lieu, cet accord a pour objet de faciliter la circulation des personnes entre les deux pays pour des motifs économiques, professionnels, familiaux ou médicaux.
S'agissant de l'accès à l'emploi en France des ressortissants gabonais, il prévoit la délivrance d'autorisations temporaires permettant de travailler dans certaines professions, énumérées dans une annexe de l'accord, pour lesquelles la situation de l'emploi sur le territoire ne sera pas prise en compte. Ces autorisations temporaires peuvent également être délivrées pour un complément de formation en entreprise, sur la base d'un contrat de travail d'une durée inférieure à douze mois.
L'accord ouvre, en outre, la possibilité de délivrer la carte « Compétences et talents » aux ressortissants gabonais ayant un profil et un projet utiles à notre pays ainsi qu'au Gabon. Je vous rappelle qu'afin d'éviter tout phénomène de pillage des cerveaux, cette carte, instituée par la loi du 24 juillet 2006 sur l'immigration et l'intégration, ne peut être renouvelée qu'une fois ; après six ans, son titulaire doit retourner dans son pays d'origine, afin de le faire bénéficier de l'expérience acquise en France.
Enfin, cet accord précise les conditions dans lesquelles les étudiants gabonais pourront compléter leur formation par une première expérience professionnelle en France, en autorisant la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour de neuf mois, renouvelable une fois, pour les étudiants ayant achevé avec succès leur cycle d'études. Au terme de cette période, l'étudiant pourvu d'un emploi ou d'une promesse d'embauche pourra séjourner dans notre pays sans qu'on puisse lui opposer la situation de l'emploi, à condition que son activité professionnelle soit en relation avec sa formation et sa rémunération au moins égale à une fois et demie le SMIC.
Venons-en maintenant aux dispositions destinées à améliorer l'efficacité de la lutte contre l'immigration irrégulière.
Le présent accord organise la réadmission, dans le respect de la dignité et des droits fondamentaux, des ressortissants français ou gabonais en situation irrégulière sur le territoire de l'autre partie, ainsi que celle des ressortissants d'États tiers ayant séjourné préalablement sur le territoire d'une des parties. Afin de compléter ces mécanismes, la France offre également une expertise policière, comprenant notamment la formation des personnels chargés du démantèlement des filières d'immigration clandestine. Au-delà, l'accord renforce la coopération entre les deux pays en matière d'état civil et de lutte contre la fraude documentaire ; il s'agit en particulier d'améliorer la fiabilité de l'état civil gabonais, en proposant l'expertise de la France dans le domaine de la sécurité des titres.
Enfin, cet accord comprend un volet relatif au codéveloppement, désormais indissociable de la régulation des flux migratoires. Il s'agit de soutenir les initiatives des Gabonais résidant en France en faveur du développement de leur pays d'origine, notamment sous la forme d'un cofinancement de projets de développement local initiés par des associations de migrants, d'un accompagnement des initiatives économiques des migrants, d'un appui aux diasporas qualifiées pour des interventions au Gabon ou encore d'un soutien aux initiatives de développement des jeunes Gabonais résidant en France.
Pour conclure, je souhaiterais insister sur le caractère innovant de cet accord,…
…qui repose sur une approche globale des migrations et du développement, et qui illustre notre volonté d'établir un partenariat nouveau et équilibré avec des pays liés à la France par des relations privilégiées – comme le Gabon. C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous recommande l'adoption de ce projet de loi, qui a fait l'objet d'un vote unanime de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, chers collègues, nous voici réunis afin d'examiner l'accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement signé entre la France et le Gabon le 5 juillet 2007 à Libreville. Cet accord prétend répondre aux préoccupations des deux États devant ce que votre texte, madame la secrétaire d'État, appelle « l'ampleur des flux de migrants clandestins entre l'Afrique et l'Europe ». Mais un texte doit toujours être éclairé par son contexte. En l'occurrence, nous étions en plein débat sur l'immigration choisie, et vous aviez besoin d'un faire-valoir ! Vous avez choisi le Gabon, pays qui présente la caractéristique d'avoir très peu de ressortissants en France. (Sourires.)
Je vois que M. Goasguen et Mme Aurillac m'approuvent…
Vous avez raison : avec les sanctions qui tombent à l'UMP, vous avez intérêt à ne pas approuver ce que dit quelqu'un de l'opposition, sinon votre sort sera scellé pour trois ans, puisque c'est le tarif !
Ne vous inquiétez pas, monsieur Brard, l'UMP n'est pas encore un parti stalinien !
Vous aviez donc besoin d'un partenaire auquel vous ne pouvez rien refuser parce qu'il ne vous refuse rien : le Président de la République gabonaise.
Ainsi, dès l'exposé des motifs, nous nous éloignons de ce que pourrait être une vraie et belle politique de codéveloppement, pour entrer dans une interprétation idéologique de la complexité du monde et des relations internationales.
Votre vision et votre politique de l'immigration, nous les subissons depuis 2002. Elles reposent sur une approche utilitariste, sécuritaire et discriminatoire, censée répondre au credo gouvernemental : stopper l'immigration subie et promouvoir une immigration choisie. Mais – et vous le savez bien – c'est un leurre ! Quand on voit les émeutes de la faim qui se produisent aux quatre coins de la planète du fait du renchérissement du prix des denrées, on se rend bien compte que, lorsque les gens sont poussés par la faim, rien ne peut les arrêter. Je vous invite à vous rendre sur les plages de Nouakchott et à y rencontrer ceux qui partent dans des barques, en sachant qu'ils n'ont que peu de chances d'arriver vivants au terme de leur voyage.
Vous ne voyez dans l'immigré qu'une force de travail devant alimenter notre machine économique, un peu comme à la sinistre période de la Traite. Ainsi, madame la secrétaire d'État, il nous faudrait accepter de donner l'image d'une France qui choisirait ses immigrés, comme on choisissait autrefois les esclaves sur l'île de Gorée – que vous connaissez bien, et qui n'est pas si éloignée des côtes du Gabon dont nous parlons aujourd'hui.
Pourtant, d'autres politiques migratoires sont possibles. Elles sont fondées sur un vrai dialogue entre partenaires égaux et sur une coopération renforcée avec les pays qui, depuis des décennies, sont liés à la France par l'Histoire. Le véritable courage politique consisterait à choisir une voie plus audacieuse : une politique de l'immigration respectueuse des étrangers, et une vraie politique de coopération fondée sur le respect, accordant un poids égal à chaque État.
Cette politique, nous nous sommes efforcés de la mettre en oeuvre à Montreuil, avec des programmes et des actions de codéveloppement. C'est pour moi l'occasion de souligner le rôle essentiel que jouent les migrants dans notre pays – en l'occurrence Maliens et Mauritaniens. Bien que vivant dans des conditions souvent épouvantables, ils participent à l'élaboration des objectifs et des projets de codéveloppement, ainsi qu'à leur financement et à leur mise en oeuvre, au prix d'efforts et de sacrifices importants.
Si je cite le Mali, c'est parce qu'en septembre 2002, notre ministre de l'intérieur de l'époque, Nicolas Sarkozy, avait affirmé que ce pays serait l'un des premiers partenaires de ce qu'il appelait déjà « la nouvelle politique de l'immigration ». Mais les nombreuses organisations qui aident, conseillent et accompagnent les étrangers et leurs familles dans leurs démarches administratives savent bien, elles, que votre politique a rendu la vie impossible à des dizaines de milliers de personnes et rempli les centres de rétention, qui fonctionnent aujourd'hui dans des conditions inhumaines. Je vous défie, madame la secrétaire d'État, de m'accompagner, quand vous le voudrez – la nuit prochaine ou une autre fois –, au centre de rétention de Vincennes, ou à la préfecture de Bobigny, où des migrants font la queue toute la nuit, et souvent davantage, afin d'obtenir, pas même leurs papiers, mais un numéro en vue d'un hypothétique rendez-vous !
Le codéveloppement ne se décrète pas ; il se construit, dans le respect des identités et des réalités de chaque partenaire. C'est la recherche, avec les pays d'émigration, de solutions de long terme pour la maîtrise des flux migratoires. C'est moins de tensions internationales, moins de populations déracinées errant d'eldorados illusoires en paradis introuvables. C'est davantage d'échanges économiques entre partenaires de dignité égale. C'est la coopération plutôt que la domination.
Nous n'en sommes malheureusement pas là. Aujourd'hui comme hier, la plupart des immigrés sont des réfugiés économiques. Il faut répéter qu'ils ne quittent pas leur terre natale et leur famille par goût des voyages, mais pour tenter d'échapper à la misère et chercher ailleurs le moyen de venir en aide à ceux qui sont restés au pays. Cela favorise l'entrée de ressources indispensables dans leur pays d'origine, mais prive irrémédiablement ceux-ci de leurs forces vives – que, quoi qu'en dise le rapporteur, votre politique d'immigration vise à piller de manière sélective.
C'est pourquoi il est indispensable d'agir en France pour que les travailleurs immigrés bénéficient des mêmes droits, y compris politiques, que les Français ; et il est tout aussi fondamental de mener une action déterminée afin de garantir le droit au développement des pays d'origine.
Vous avez pris le chemin opposé – et la signature d'un traité avec tel ou tel partenaire ne suffira pas à dissimuler la réalité de votre politique de l'immigration. Elle ne suffira pas non plus à faire oublier les propos outrageants du Président Sarkozy à Dakar, le 26 juillet 2007, une vingtaine de jours seulement après la signature du présent traité, que l'on voudrait nous présenter comme un blanc-seing.
Remémorez-vous, madame la secrétaire d'État, la réaction d'Alpha Oumar Konaré, ancien président du Mali et président de la Commission de l'Union africaine, qui avait déclaré, le vendredi 27 juillet, dans une interview à Radio France Internationale :
« Ce discours n'est pas le genre de rupture qu'on aurait souhaitée. Ce discours n'est pas neuf dans le fond, il rappelle des déclarations fort anciennes, d'une autre époque, surtout quant à l'appréciation sur les paysans que je n'approuve pas ».
Nicolas Sarkozy s'était en effet aventuré – certainement sous l'inspiration de son brillant porte-plume M. Guaino – à déclarer :
« Le paysan africain ne connaît que l'éternel recommencement du temps, rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n'y a de place ni pour l'aventure humaine, ni pour l'idée de progrès. »
Honte à qui a écrit cela, et à qui a prononcé ces paroles ! C'est tout à l'honneur d'Alpha Oumar Konaré d'avoir eu cette réaction ; il s'est inscrit ainsi dans la filiation des meilleurs fils de l'Afrique, comme Patrice Lumumba, Modibo Keita ou Nelson Mandela – qui n'ont rien en commun avec vos obligés, comme le Président de la République gabonaise. On ne vous entend d'ailleurs pas protester contre les atteintes aux libertés dans ce pays, ni contre celles qui ont lieu au Togo ou au Tchad. On aimerait que vous fassiez preuve de la même indignation qu'au sujet du Tibet : les droits de l'homme ne sont pas divisibles !
Le Zimbabwe également, absolument ! Je le répète, mon cher collègue : il ne faut pas diviser l'indignation car elle ne saurait être sélective, selon qu'on aurait intérêt ou pas à l'exprimer.
En conclusion de mon propos, qui, vous l'aurez compris, se traduira par un vote d'abstention sur ce texte dont l'ancrage idéologique nous dérange, je voudrais reprendre à mon compte cette fort juste et pertinente recommandation d'Alpha Oumar Konaré à l'adresse du Président de la République : « Je suis certain que le Président souhaite la rupture [...]. Je pense que pour l'aider dans la rupture, il a besoin de mieux connaître l'Afrique » et, j'ajouterai pour ma part, de l'écouter, de l'aimer et de la respecter. Notre Président a encore beaucoup de marge de progression.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui est le premier d'une série d'accords qui met en place une nouvelle politique de la France en matière de gestion des flux migratoires. Cette nouvelle volonté politique, initiée par le Président de la République dès la campagne présidentielle, est fondée sur une approche globale qui souhaite lier ensemble les politiques de développement, la gestion des migrations légales et la lutte contre l'immigration irrégulière.
Résultant d'une longue réflexion sur le sujet et faisant le choix d'envisager autrement les politiques migratoires, elle s'appuie sur une constatation simple qui a mis un certain temps à mûrir dans les opinions des décideurs et des citoyens français et européens : l'immigration zéro n'est ni possible, ni souhaitable.
Cette réflexion a toutefois pour pendant immédiat le fait que l'Europe, donc la France, ne peuvent accueillir sur leur sol tous ceux qui voient en elles un nouvel Eldorado.
Elle s'est traduite dès le mois de mai 2007 par la création du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, le « codéveloppement » devenant « développement solidaire » à la suite du remaniement survenu en mars dernier.
La conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement, qui s'est tenue à Rabat en juillet 2006, avait déjà posé les fondements de cette nouvelle approche globale et concertée fondée sur la notion de partenariat avec les pays d'origine. L'Afrique est en effet le principal continent source de migration : 65 % des flux migratoires réguliers vers la France proviennent d'Afrique du Nord ou d'Afrique subsaharienne. C'est du reste au nom de ces principes et forts de l'expérience des accords que nous signons aujourd'hui avec nos partenaires africains que la France proposera dès juillet 2008 à ses partenaires européens l'élaboration d'une nouvelle politique de l'immigration, à savoir un pacte européen sur l'immigration.
Le Président de la République en a fait une des priorités de la présidence française de l'Union européenne, qui répond à la fois aux défis de notre intégration toujours plus approfondie et à l'attractivité toujours plus forte de notre continent développé et pacifié.
Le 7 juillet 2007, la France et le Gabon ont signé cet accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement, que nous examinons aujourd'hui et au sujet duquel M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, déclarait au lendemain de sa signature qu'il exprimait « l'intention de la France de maîtriser les flux migratoires tout en participant parallèlement à l'indispensable effort de développement des pays d'origine des migrants. Ce n'est pas l'un ou l'autre, ni l'un sans l'autre, c'est l'un avec l'autre. »
Notre rapporteur a fort bien décrit les aspects novateurs de cet accord mais aussi les relations étroites que la France entretient depuis longtemps avec notre partenaire gabonais et qui donnent à ce texte un poids tout particulier.
Je me contenterai de rappeler que 75 % des investissements étrangers au Gabon sont français et que nous sommes le premier fournisseur du pays et son deuxième client.
Je voudrais pour ma part insister sur un des aspects, qui me semble important, de cet accord. Au-delà des articles techniques mettant en place l'organisation des flux migratoires entre nos deux pays et qui concernent les visas, les étudiants, les regroupements familiaux ou la lutte contre l'immigration irrégulière, l'article 6 de l'accord me paraît donner un cadre large à ce que pourrait être une politique de codéveloppement concertée.
Ces initiatives – appui aux diasporas, cofinancement de projets ou encore soutien aux initiatives des jeunes Gabonais vivant en France – démontrent notre volonté d'aide au pays d'origine puisqu'elles sont financées dans le cadre du fonds de solidarité prioritaire.
Nous réfutons avec force les objections de ceux qui, de façon polémique, nous accusent de vouloir « piller les cerveaux africains ».
Dans le respect de notre tradition d'accueil et de formation des élites, nous souhaitons former des étudiants dont les compétences futures serviront au développement de leur pays d'origine.
Parce que cet accord initie une nouvelle manière d'aborder les flux migratoires, qu'il institue un véritable partenariat avec les pays d'origine et qu'il aborde les questions migratoires dans leur ensemble de façon lucide et concertée, et en respectant les autres peuples, le groupe de l'UMP votera en faveur de cet accord entre la France et le Gabon. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame la secrétaire d'État, vous nous présentez une convention signée entre la France et le Gabon, la première de la nouvelle politique du Président de la République mise en application par M. Hortefeux, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement, dites-vous.
La lecture de ce texte est plutôt une heureuse surprise : le Gouvernement assouplirait-il sa position en matière de politique migratoire ? Je ne reviendrai pas sur le fond : monsieur le rapporteur, madame la secrétaire d'État, vous l'avez bien décrit. Nous pourrions donc nous réjouir de cet éventuel assouplissement, après des mois de chasse aux clandestins, aux résultats souvent inquiétants voire dramatiques, à l'exemple de ce jeune Malien, mort le 4 avril dernier à Joinville-le-Pont de s'être jeté dans la Marne pour échapper à un contrôle de police alors qu'il était sous le coup d'un arrêt de reconduite à la frontière. J'aurais du reste préféré, eu égard à la mémoire de ce jeune homme venu en France donner un rein à sa soeur de M. Luc Chatel, porte-parole du Gouvernement, selon lequel il est normal, lorsqu'on n'est pas en règle, de se faire arrêter en tentant d'échapper à la police. Nous aurions souhaité des propos d'une tout autre teneur de la part d'un ministre, d'autant que cette tragédie, loin d'être la première, s'ajoute à une liste déjà longue.
Or après plusieurs années de criminalisation des sans-papiers et d'une politique de fermeture des frontières et d'expulsions massives, nous voilà tout à coup face à un texte qui faciliterait l'accès au territoire français de certains ressortissants gabonais. Vous faites assaut d'humanisme : je tiens toutefois à expliquer votre position en révélant d'autres enjeux.
Vos intentions seraient de lutter contre l'immigration irrégulière et de maîtriser les flux migratoires : or quels sont, mes chers collègues, les enjeux migratoires entre le Gabon et la France ?
Cette situation est inédite, voire unique. Elle est exceptionnelle. La France compte plus de ressortissants au Gabon qu'il n'y a de Gabonais sur son sol : 8 000 à 10 000 Français résident aujourd'hui au Gabon – il y en a eu jusqu'à 30 000 il y a vingt ans –, alors que ce pays connaît une très faible densité démographique ainsi que des problèmes de sous-natalité, à l'inverse de tous les autres pays africains. Il ne compte en effet qu'1,3 million d'habitants, avec toutefois des ressources pétrolières, minières et ligneuses exceptionnelles – notamment en bois précieux. Or, sur les 10 000 Français vivant au Gabon, 1 000 à 2 000 seraient en situation irrégulière. Voilà bien un paradoxe ! Il y a certainement plus de Français en situation irrégulière au Gabon que de Gabonais en situation irrégulière en France – quelque 200 sur les 5 000 à 6 000 Gabonais recensés dans notre pays. En conséquence, le flux migratoire entre le Gabon et la France est sans commune mesure avec les migrations des autres pays africains – Jean-Pierre Brard citait l'exemple des pays d'Afrique du Nord et de l'Afrique subsaharienne : le Gabon est un contre-exemple !
Où était donc la nécessité ou la raison impérieuse de commencer par le Gabon ? On aurait même pu passer cet accord dans une autre catégorie que celle de la maîtrise de l'immigration, puisque celle-ci est inexistante. En revanche, chacun se rappelle qu'au mois de mars dernier, sans doute pour faire pression sur le gouvernement gabonais, deux jeunes étudiants gabonais ont été expulsés du territoire français – pour faire pression ou pour se rapprocher du quota d'immigrés devant être expulsés à la fin de l'année, lequel est chiffré à 26 000 au moins. En réaction, le président gabonais, que personne n'a encore osé nommer ici, M. Omar Bongo, a décidé d'expulser un cadre français de Libreville. D'autres Français ont été par la suite refoulés à leur arrivée à l'aéroport international de la capitale gabonaise, leur visa ayant été jugé irrégulier, si bien que notre consulat général de Libreville – je vous renvoie à son site Internet – a dû dans l'urgence rédiger une fiche explicative à l'intention des Français en instance de départ pour le Gabon. Telles sont les réalités – je n'insisterai pas sur la mise au placard de M. Bockel : selon toute la presse, sa tête aurait été obtenue par M. Bongo, très énervé par le fait que les journaux français révèlent sa contribution au codéveloppement de la France : c'est en effet un des plus gros contributeurs à la hausse des biens immobiliers dans les beaux quartiers de Paris, dont le 16e, puisqu'il y est gros propriétaire.
Et c'est une convention signée entre ce pays et la France que vous présentez comme exemplaire d'une politique africaine ! Soyons sérieux ! Nous connaissons le profil de ces immigrés gabonais. Il s'agit pour l'essentiel d'enfants de dignitaires locaux : ce sont en effet les seuls à pouvoir venir en France en raison du prix du billet d'avion ! Le Gabon, il y a trente ans, n'était pas un pays pauvre : il était relativement bien développé, avec des hôpitaux et des aéroports. Ceux qui l'ont visité se rappellent qu'il avait économiquement bien décollé ! Aujourd'hui, du fait de la prédation de l'équipe et de la famille présidentielles gabonaises – je suis protégé par l'immunité parlementaire : je n'hésite donc pas à le dire ici –, le Gabon est un État en voie de sous-développement. Les Gabonais ne mangent pas à leur faim et les fonctionnaires ne sont pas payés, si bien qu'on demande à l'État français de compléter leur paye ! Telle est la réalité !
C'est pourquoi le Gabon, bon gré mal gré, a dû aujourd'hui signer cet accord qui, du reste, n'est pas mauvais pour lui, plus exactement pour les rares ressortissants gabonais qui pourront se rendre en France.
Je vous rappelle enfin, après d'autres, que cet accord s'inscrit dans une politique d'expulsions massives qui s'attaque à des immigrés en grande détresse, à des migrants ordinaires qui sont, eux, dans les plus grandes difficultés, et ce en vue de remplir votre objectif comptable de 26 000 expulsions à la fin de l'année. Cette politique est déplorable et dénuée de toute humanité. C'est pour toutes ces raisons que nous nous abstiendrons sur la ratification d'un texte malvenu et totalement à côté de la plaque, dont les principes tournent le dos à la réalité.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je vais aller dans le sens de l'intervention précédente. Cet accord, quand il nous a été soumis pour ratification, nous a tout de même fait un peu sourire.
Il est certes intéressant. On nous dit qu'il s'inscrit dans le cadre de l'approche globale adoptée par le Conseil européen de décembre 2005 et dans le prolongement de la conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement tenue à Rabat. Selon l'exposé des motifs, l'accord « vise à faciliter la circulation des personnes et à encourager une migration temporaire fondée sur la mobilité et l'incitation à un retour des compétences dans le pays d'origine […] grâce à la formation et à l'expérience acquises au cours du séjour dans le pays d'accueil ».
J'insiste : pourquoi votre groupe a-t-il approuvé l'accord en commission ?
Je vais y venir, cher collègue.
On trouve dans le texte des éléments intéressants.
Par exemple, il entérine la dispense du visa de court séjour pour les titulaires de passeports diplomatiques et de service. Il prévoit des visas à entrées multiples pour les personnes appelées à voyager fréquemment pour des motifs économiques, médicaux ou familiaux. Ces dispositions sont positives. Je constate simplement qu'elles sont prévues alors que le taux d'acceptation des demandes de visas de Gabonais par la France atteint déjà 87 %, soit une proportion particulièrement élevée par rapport aux autres pays.
Nous approuvons également la possibilité pour les étudiants gabonais en France d'accéder aux offres de l'ANPE, à des stages, et de disposer, comme l'a dit Mme la secrétaire d'État, d'une autorisation provisoire de séjour d'une validité de neuf mois, renouvelable une fois lorsqu'ils ont achevé une licence professionnelle et lorsqu'ils souhaitent compléter leur formation par une première expérience.
Cependant, nous constatons que la loi de 2006 relative à l'immigration et à l'intégration autorise, dans son article 6, la délivrance d'une telle autorisation provisoire de séjour non renouvelable, d'une validité de six mois, à l'étranger qui a achevé avec succès un cycle de formation conduisant à un diplôme au moins équivalent au master. Les Gabonais sont donc bien mieux traités que d'autres catégories puisqu'ils disposent de trois mois renouvelables en plus.
Nous notons, par ailleurs, que la mobilité professionnelle pour dix-huit mois maximum de jeunes Gabonais en France pour y exercer une activité salariée est envisagée sans que soit prise en compte la situation de l'emploi. Cette disposition est très bonne pour les Gabonais, et nous nous en félicitons. Nous avons remarqué également que, pendant la durée de cette autorisation, ils peuvent exercer un emploi assorti d'une rémunération au moins égale à une fois et demie le SMIC. Il est vrai que rares sont les étudiants qui peuvent, dès la fin de leurs études, être embauchés à un salaire égal à une fois et demie le SMIC. Cette mesure n'en demeure pas moins positive. En ce qui concerne la carte de séjour « compétences et talents », elle peut être accordée pour trois ans renouvelables.
Il s'agit donc de dispositions positives pour les Gabonais, et nous constatons que cet accord se révèle souple au vu de la législation en vigueur et manifeste une volonté d'ouverture de la part de la France vers le Gabon. Reste que nous avons été surpris dans la mesure où cet accord contredit quelque peu la politique actuelle du Gouvernement en matière d'immigration. Ainsi, depuis que M. Hortefeux a pris ses fonctions, une nouvelle loi a été votée relative à la gestion des flux migratoires, qui prévoit des conditions beaucoup plus restrictives en matière de regroupement familial.
Ainsi, depuis septembre, même les étrangers qui disposent d'un contrat de travail ont beaucoup de mal à obtenir la régularisation de leur situation. Comme l'ont rappelé nos collègues, nous voyons des cas dramatiques d'étrangers qui, pourchassés par la police et sachant fort bien le mauvais sort qui leur sera réservé, n'ont plus qu'à se défenestrer ou, pour d'autres, comme ce fut le cas tout récemment encore, qu'à se jeter dans la Marne.
On constate par ailleurs que la surpopulation des centres de rétention provoque des mouvements de révolte. Lorsque nous avons visité le centre de rétention de Vincennes en février dernier, Serge Blisko, François Hollande et moi-même, nous avons trouvé une situation catastrophique, si bien que des mouvements de révolte y ont de nouveau eu lieu cette semaine. Nous avons demandé la constitution d'une mission d'information parlementaire sur la situation des centres de rétention, et je note que nous attendons toujours qu'on veuille bien nous répondre.
Dans ce contexte, le Gabon est donc particulièrement bien traité, ce qui n'est pas le cas des autres pays africains. J'ai par exemple eu l'occasion, dans le cadre d'une mission parlementaire, de me rendre récemment au Sénégal en compagnie de notre collègue Thierry Mariani. Un accord signé avec ce pays en septembre 2006, accord dont le signataire pour la France n'était autre que le ministre de l'intérieur, un certain Nicolas Sarkozy dont on pourrait penser qu'il s'agit d'une personne autorisée. Or nous attendons toujours d'être saisis pour nous prononcer sur cet accord.
Si l'on compare les deux accords, on relève que celui signé avec le Sénégal – certes important, mais un peu bavard – est fort peu précis. On compte nombre de bonnes intentions – poursuite des efforts, désir d'information – mais peu d'éléments très précis sauf le partenariat technique qui reste à mettre en oeuvre pour le contrôle aux frontières – nous savons en effet qu'une vedette fonctionne déjà.
Comment se fait-il que le Gabon soit si bien traité ?
Le rapport de notre collègue Balkany évoque notamment un partenariat novateur et indique que l'accord va dans le sens du codéveloppement. Je constate cependant, et là encore il s'agit d'un rapport parlementaire, que l'aide octroyée aux pays en développement par les pays riches de l'OCDE a reculé de manière significative. Beaucoup de gens de bonne volonté s'émeuvent tout de même de voir comment, année après année, les pays riches ne respectent pas leurs engagements. L'Assemblée s'est émue que l'aide au développement prévue par la France passe à 0,42 % du revenu national brut, alors que nous nous étions engagés à atteindre le taux de 0,7 % – ce qui n'était déjà pourtant pas un chiffre, reconnaissez-le, extraordinaire.
Dans le même temps, dans tous ces pays, des émeutes de la faim éclatent parce que les gens ne disposent pas du minimum vital, comme ce fut le cas encore, récemment, en Haïti. Aussi, au moment où l'on vient nous expliquer que ce type d'accord vise à lier d'une manière positive migration et développement, je soutiens que l'on se moque de nous car les pays qui en ont le plus besoin, eux, n'en bénéficient pas.
Pourquoi, dès lors, le Gabon est-il traité différemment ? J'ai le sentiment qu'on ne prononcera pas dans ce pays des discours tels que celui de Dakar, pour soutenir que l'homme africain n'avait rien compris au monde moderne.
On a l'impression, en effet, que pour le Gabon c'est un peu différent, qu'il a, lui, un peu mieux compris le monde moderne puisque c'est un pays riche, un pays producteur de pétrole, un pays qui a l'excellente idée de n'envoyer que très peu de ressortissants en France alors que de nombreux Français vivent au Gabon. C'est de surcroît un pays qui contribue aux investissements immobiliers en France grâce au parc personnel de son président, qui est d'une valeur non négligeable.
Ainsi le nouveau secrétaire d'État à la coopération effectuera-t-il son premier voyage en Afrique au Gabon.
Cette affaire nous ferait vraiment sourire si, pour les pays pauvres, la situation n'était aussi triste. On ne peut pas se moquer ainsi de la coopération. Cet accord est très bon pour le Gabon : tant mieux pour les Gabonais ! Mais, franchement, quand je vois cela, je pense à la phrase de La Fontaine : « Selon que vous serez puissants ou misérables… »
Honnêtement, cet accord laisse un goût amer. Nous n'avons donc pas de raison de voter contre puisqu'il est très bon pour les Gabonais, mais l'on peut tout au moins s'abstenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Je me suis expliqué à la tribune, mais j'attendais une réponse, ou bien de votre part, madame la secrétaire d'État, ou bien de la part du rapporteur. En effet, tous les propos vont dans le même sens : il s'agit d'un accord alibi et, pendant ce temps, vous serrez la vis au maximum au Mali, au Sénégal, à la Mauritanie et à bien d'autres pays dont les travailleurs sont dans nos rues pour y maintenir la propreté en ramassant les poubelles. Or, pour ceux-ci, vous n'avez aucune considération.
Il est vrai que le président gabonais investit. Cependant, je n'ai pas entendu dire que c'était pour le confort des foyers de travailleurs migrants ; en fait, c'est pour placer les sous qui résultent du pillage de son propre pays avec la complicité du Gouvernement français.
Aussi, j'aurais aimé, madame la secrétaire d'État, j'insiste, que vous nous répondiez.
Encore faudrait-il savoir quelle est votre question ! Il ne s'agit que de polémique !
Je ne souhaite pas mettre en difficulté les orateurs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, mais nous avons eu un très long débat en commission au cours duquel ont été fournies de nombreuses informations. Or les représentants du groupe SRC – et pas n'importe lesquels puisqu'on comptait parmi eux le président François Loncle – ont approuvé ce rapport, ainsi voté à l'unanimité.
Je souhaite donc comprendre pourquoi l'opposition tient un langage en commission et un autre en séance. Car si le langage que vous tenez ici l'avait été en commission, il est vraisemblable que le rapporteur aurait modifié son rapport.
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Je suis étonnée de ce qu'affirme notre collègue Remiller puisqu'on ne lit, dans le compte rendu des travaux de la commission, aucun propos approbateur de la part de nos représentants au sein de la commission. On ne peut pas dire que le groupe SRC avait décidé d'approuver et, de toutes les manières, nous ne votons pas contre ce texte, mais nous vous expliquons les raisons pour lesquelles nous ne sommes pas dupes.
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique est adopté.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification du traité de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur le droit d'auteur et du projet de loi autorisant la ratification du traité de l'Organisation mondiale et la propriété intellectuelle sur les interprétations, les exécutions et les phonogrammes.
La conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.
La parole est à Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, les traités de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle ont été élaborés afin d'adapter les droits de propriété intellectuelle aux récentes évolutions techniques, notamment à l'entrée dans l'ère numérique.
Le traité sur le droit d'auteur ainsi que le traité sur les interprétations et exécutions, et les phonogrammes complètent les dispositions de la convention de Berne et actualisent la convention de Rome, datant respectivement de 1886 et 1961.
Ces deux textes donnent des moyens nouveaux pour renforcer l'efficacité de la protection des droits des auteurs, des artistes interprètes et des producteurs de phonogrammes. En effet, grâce aux dispositions des deux traités, les auteurs, les artistes interprètes et exécutants, mais aussi les producteurs, pourront bénéficier d'une protection juridique adaptée au nouveau contexte de la société de l'information.
Ils disposeront, en particulier, de droits exclusifs de reproduction sous forme numérique, de distribution, de location commerciale, ainsi que de mise à la disposition du public, à la demande, des oeuvres, interprétations, exécutions, et fixations sur réseaux. Ils bénéficieront également de moyens efficaces pour lutter contre les utilisations non autorisées des oeuvres et prestations protégées.
Pour sa part, le traité sur le droit d'auteur confirme que les programmes d'ordinateurs et les bases de données entrent dans le champ de la protection. Il allonge par ailleurs la durée de protection des oeuvres photographiques en l'alignant sur celle prévue par la convention de Berne, soit cinquante ans après la mort de l'auteur. Il rappelle également l'importance exceptionnelle que revêt la protection du droit d'auteur pour l'encouragement à la création artistique.
Le traité sur les interprétations et exécutions, et les phonogrammes permet quant à lui la reconnaissance au plan international d'un droit moral au profit des artistes interprètes ou exécutants. Ce traité reprend les droits patrimoniaux prévus dans la convention de Rome, en particulier le droit de reproduction, et confirme son application à l'environnement numérique.
La durée minimale de protection des interprétations et des phonogrammes est, là encore, fixée à cinquante ans, à compter de la fixation de l'interprétation sur un phonogramme ou de la fixation des phonogrammes.
Les deux traités prévoient également qu'un certain nombre d'obligations soient mises en oeuvre par les États, afin de sanctionner les éventuels contrevenants. Ainsi, les États se voient contraints, par ces dispositions, de prévoir des moyens permettant de protéger et de gérer les droits des auteurs de manière efficace.
La ratification par la France du traité sur le droit d'auteur et du traité sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes contribuera sans nul doute au rayonnement de la culture française. En effet, dans la mesure où les auteurs, les artistes interprètes et les producteurs de phonogrammes bénéficieront d'une protection accrue au niveau international, la diffusion des oeuvres et interprétations sera facilitée.
Ces deux textes, tous deux adoptés à Genève le 20 décembre 1996, sont entrés en vigueur respectivement le 6 mars et le 20 mai 2002. Ils comptent aujourd'hui plus de soixante parties contractantes.
S'agissant d'un accord mixte, une décision du Conseil, en date du 16 mars 2000, relative à l'approbation des deux traités, au nom de la Communauté européenne, a précisé que le dépôt des instruments de ratification de la Communauté européenne devait intervenir, autant que possible, simultanément à celui des instruments de ratification des États membres.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, les principales observations qu'appellent le traité sur le droit d'auteur et le traité sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes, adoptés à Genève le 20 décembre 1996, qui font l'objet des projets de loi aujourd'hui proposés à votre approbation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jacques Remiller, rapporteur de la commission des affaires étrangères pour ces deux textes.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l'Assemblée nationale est saisie de deux projets de loi visant à autoriser la ratification de deux traités conclus le 20 décembre 1996 dans le cadre de l'OMPI, l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, une institution spécialisée des Nations unies.
L'un porte sur le droit d'auteur, l'autre sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes.
Ces traités ont été négociés pour adapter le droit d'auteur à la révolution numérique. Droit d'auteur et nouvelles technologies entretiennent en effet des relations paradoxales. Car le progrès technique, en même temps qu'il facilite la diffusion des oeuvres – mais trop souvent au moyen de la transgression des règles relatives à la protection du droit d'auteur –, s'accompagne aussi de nouvelles possibilités de cryptage et de marquage qui permettent de limiter le nombre de copies ou d'en suivre le cheminement sur Internet.
Grâce aux nouvelles technologies et au développement des réseaux d'utilisateur à utilisateur, il devient désormais possible de partager gratuitement des fichiers numériques entre un nombre quasiment illimité d'utilisateurs anonymes. Conséquence de ces évolutions : la culture de la gratuité s'est propagée parmi les utilisateurs d'Internet tandis que le droit d'auteur est perçu par les internautes comme un frein à la diffusion des oeuvres.
Les deux traités Internet de l'OMPI représentent une étape importante sur la voie de la modernisation du système international du droit d'auteur, marquant ainsi l'entrée de ce système dans l'ère numérique.
Le traité sur le droit d'auteur protège les oeuvres photographiques, les peintures, les sculptures et les films. Il actualise et complète la convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques adoptée en 1886 et dont la dernière révision datait de 1971.
Le traité sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes protège les droits des producteurs de phonogrammes ou d'enregistrements sonores – disques, cassettes, disques compacts – ainsi que les droits des artistes interprètes ou exécutants dont les interprétations ou exécutions sont fixées sous la forme d'enregistrements sonores. Ce traité actualise et complète la convention de Rome adoptée en 1961.
Les traités de l'OMPI garantissent que les titulaires de ces droits continueront à bénéficier d'une protection appropriée et efficace lorsque leurs oeuvres sont diffusées sur Internet.
Ils renforcent en effet la protection du droit d'auteur et des droits voisins en accordant une protection juridique « appropriée » et en imposant des sanctions efficaces contre la neutralisation des mesures techniques mises en oeuvre par les titulaires de droits.
Ces mesures techniques correspondent à des mécanismes de contrôle de copie, comme par exemple le recours à un mot de passe pour accéder à une oeuvre en ligne.
Au-delà des mesures techniques, les traités Internet de l'OMPI protègent également ce qu'on appelle l'information sur le régime des droits. Ils interdisent en effet la modification ou la suppression délibérée des informations qui permettent d'identifier l'oeuvre, son créateur, l'artiste interprète et de déterminer les modalités et conditions de son utilisation.
L'efficacité de ces mesures de protection du droit d'auteur ne saurait être assurée sans la mise en place de sanctions destinées à empêcher leur contournement. Les traités de l'OMPI imposent ainsi aux parties contractantes de prévoir des sanctions juridiques « efficaces » contre la neutralisation des mesures techniques qui sont mises en oeuvre par les titulaires de droits.
Mais les traités accordent en même temps aux États la possibilité – sans que cela soit une obligation – d'apporter des limitations et exceptions au droit d'auteur. Il s'agit ainsi de protéger les intérêts autres que ceux des titulaires de droits, tels que les intérêts du grand public ou de personnes justifiant de besoins particuliers.
Cela n'est toutefois permis que s'il n'est pas porté atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre ni causé de préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur. Pour le savoir, il faut procéder à ce qu'on appelle le « test en trois étapes ».
Première étape : l'exception doit se limiter à un cas spécial. Deuxième étape : elle ne doit pas porter atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre. Troisième étape : elle ne doit pas causer de préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'ayant droit.
Chacune de ces étapes constitue une condition à respecter pour pouvoir bénéficier d'une exception.
Le droit français est d'ores et déjà en conformité avec les deux traités de l'OMPI. En effet, leurs dispositions sont mises en oeuvre par la directive européenne du 22 mai 2001 sur le droit d'auteur, elle-même transposée par la loi dite DADVSI, la loi du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information.
Je veux rappeler ici que la protection du droit d'auteur est une compétence partagée entre l'Union européenne et ses États membres et qu'à ce titre, la Commission européenne a participé à la négociation des deux traités Internet de l'OMPI. Ces traités relèvent ainsi de la catégorie des « accords mixtes », qui sont signés et ratifiés à la fois par la Communauté européenne et par chacun des États membres.
La directive de 2001 a été transposée en France par la loi DADVSI du 1er août 2006, qui fait d'une pierre deux coups en rendant notre droit national compatible à la fois avec la directive européenne et avec les traités de l'OMPI.
Notre code de la propriété intellectuelle comporte désormais des dispositions relatives à la protection juridique des mesures techniques et à l'information sur le régime des droits. La loi française prévoit en effet une amende d'un montant de 300 000 euros ainsi que trois ans de prison pour toute personne éditant un logiciel manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d'oeuvres ou d'objets protégés, et jusqu'à six mois de prison et 30 000 euros d'amende pour toute personne diffusant ou facilitant la diffusion d'un logiciel permettant de casser les mesures techniques de protection.
Comme cela est permis par les traités OMPI, la loi DADVSI prévoit un certain nombre de limitations et d'exceptions au droit d'auteur, conformément au « test en trois étapes ». C'est notamment le cas des actes de reproduction spécifiques effectués par des bibliothèques accessibles au public, des musées ou des services d'archive.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la France satisfaisant déjà aux obligations résultant des traités Internet de l'OMPI, je vous recommande l'adoption des deux présents projets de loi, conformément au vote émis à l'unanimité par la commission des affaires étrangères. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Claude Birraux.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les deux projets de loi que nous examinons aujourd'hui, l'un autorisant la ratification du traité de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes, l'autre autorisant la ratification du traité de cette même organisation sur le droit d'auteur, sont nécessaires pour adapter le régime juridique du droit d'auteur aux évolutions technologiques.
À l'heure du développement massif des nouvelles technologies, qui permettent une diffusion toujours plus grande des oeuvres, mais aussi en raison de la multiplication de moyens toujours plus sophistiqués pour contourner les règles régissant la protection du droit d'auteur, l'OMPI, créée en 1967 au sein des Nations unies dans le but d'élaborer un « système international équilibré et accessible de la propriété intellectuelle », a décidé, en 1996, deux traités.
Le premier porte sur le droit d'auteur, le second sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes. Plus connus sous le terme de « traités Internet », ils sont entrés en vigueur en 2002, dès que le nombre de 30 pays les ayant ratifiés a été atteint.
Le traité sur les droits d'auteur introduit de nouvelles règles visant à protéger les droits des créateurs dans le nouvel environnement numérique dans lequel nous évoluons. Il concerne les livres mais aussi les programmes informatiques, l'art, la musique ou bien les films.
Le second traité, également connu sous le nom de traité WPPT, protège quant à lui les droits des producteurs de phonogrammes ou d'enregistrements sonores, ainsi que ceux des artistes interprètes dont les interprétations sont fixés sous forme de phonogrammes.
Il faut le savoir, les évolutions majeures des différentes technologies menacent la protection effective du droit d'auteur. Or il s'agit d'un droit essentiel, qui permet à nos artistes et créateurs de vivre et de promouvoir leurs productions.
Je ne reviendrai pas sur les aspects techniques de ces deux traités, que le rapporteur nous a fort bien décrits.
Je souhaiterais juste rappeler ici que la ratification de ces deux conventions n'aura pas de conséquences sur notre législation en la matière. Notre droit est déjà en conformité avec les deux traités de l'OMPI.
Les dispositions de ces deux traités sont en effet contenues dans la directive européenne datée de 2001 sur le droit d'auteur, que la France a transposée – tardivement, il est vrai – dans la fameuse loi dite DADVSI, la loi du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information.
Ces deux traités font en effet partie de ce que l'on nomme les « accords mixtes », qui sont signés et ratifiés à la fois par la Communauté européenne et par chacun des différents États membres.
Au nom du principe de subsidiarité, nous avons pris, en transposant la directive, les différentes mesures qui nous paraissaient essentielles pour garantir ces droits : notre arsenal répressif s'est étoffé et prévoit aujourd'hui des peines pouvant aller jusqu'à 300 000 euros d'amende et trois ans d'emprisonnement pour des infractions concernant l'édition de logiciels destinés au public d'oeuvre.
Parce que le piratage, quel que soit son niveau de gravité, constitue une atteinte au droit d'auteur, il nous faut prendre les mesures nécessaires. Et nous l'avons fait.
Parce que l'adoption de ces deux traités conforte notre volonté de lutter efficacement contre les fraudes et les atteintes au respect des droits d'auteur, le groupe de l'UMP votera leur ratification. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes curieusement réunis pour voter deux projets de loi visant à autoriser la ratification de deux traités signés en 1996. Or, il y a douze ans, la première plate-forme de peer to peer n'était pas encore apparue – Napster a démarré en 1999 – et les échanges numériques n'étaient que balbutiants. Ce sont pourtant ces traités qui ont servi à légitimer, avec la directive européenne EUCD de 2001 et la loi DADVSI d'août 2006, les DRM – MTP en français –, ces verrous numériques qui empêchent la reproduction des oeuvres, donc le libre accès à une nouvelle forme d'échanges culturels.
Ironie du calendrier, le jour même où le Gouvernement nous invite à ratifier ces traités manifestement obsolètes, le Parlement européen a adopté une résolution qui, tout en rappelant son attachement au respect et à la protection de la propriété intellectuelle, condamne les initiatives françaises, en particulier celles esquissées dans le rapport Olivennes. Soulignant que « la criminalisation des consommateurs qui ne cherchent pas à réaliser des profits ne constitue pas la bonne solution pour combattre le piratage numérique », il a voté un amendement appelant à éviter l'adoption de mesures allant à l'encontre des droits de l'homme et des principes de proportionnalité, d'efficacité et d'effet dissuasif, telles que l'interruption de l'accès à internet, piste retenue dans le rapport Olivennes et reprise dans un projet de loi dont nous devrions débattre à l'Assemblée au mois de mai. C'est là une véritable claque infligée au Gouvernement et la condamnation d'une stratégie fondée sur les traités de l'OMPI de 1996 et obéissant à une logique purement répressive et totalement aveugle aux évolutions de la société.
Aujourd'hui, la France est isolée dans cette vision archaïque du droit d'auteur, qui sert, chacun l'a bien compris, de faux nez à des intérêts marchands très puissants – ceux de Windows, d'Apple et autres grandes majors de la musique. Nous sommes donc dans une impasse du fait de l'entêtement du Gouvernement. En réalité, le procédé des DRM, qui devait empêcher la reproduction de CD, était si mal maîtrisé qu'il empêchait bien souvent la lecture du CD sur des autoradios. Tout le dispositif du traité de l'OMPI, de la directive de 2001 et de la loi DADVSI était fondé sur la légitimation de ces DRM en criminalisant leur contournement. Or ce dispositif est aujourd'hui un échec. De plus en plus, des plates-formes marchandes adoptent le principe d'économie forfaitaire esquissé par certains au moment du débat sur la loi DADVSI, qui permet, en contrepartie d'un abonnement, d'avoir libre accès à des fichiers numériques. Au fond, le seul effet des DRM, c'est de consolider les positions dominantes des grands groupes et de fragiliser les logiciels libres.
Ratifier aujourd'hui des traités élaborés à une époque où l'on ignorait tout du développement que connaîtraient les échanges numériques, en particulier avec les plates-formes peer to peer, c'est aller à contresens de l'histoire.
Je voudrais rappeler l'aventure de la loi DADVSI, dont M. Remiller se souvient sûrement puisqu'il faisait partie des « conjurés » de l'UMP qui avaient eu la lucidité de ne pas soutenir le projet de loi en l'état et de défendre, avec d'autres députés de tous les bancs, le principe de la licence globale. Si celui-ci était techniquement imparfait, pas tout à fait abouti, il avait au moins le mérite de refuser le prétexte de la sauvegarde des droits d'auteur pour légitimer l'appropriation des échanges sur Internet. Un soir de décembre, avec Jacques Remiller, Martine Billard et beaucoup d'autres, nous avons mis le Gouvernement en minorité en adoptant deux amendements identiques, l'un déposé par Alain Suguenot et Jacques Remiller, l'autre par moi-même, introduisant le principe de la licence globale. Cela a suscité, au cours des trois mois qui ont suivi, un grand débat très utile et très intéressant sur la question des échanges culturels par la voie numérique. La loi DADVSI n'a pas manqué de revenir sur cette disposition, adoptant un principe extrêmement répressif. Outre que le Conseil constitutionnel a d'ailleurs partiellement censuré cette loi, celle-ci s'est vite révélée tout à fait impraticable. L'impasse était donc manifeste puisque même la Commission européenne préconise, dans les travaux préparatoires de la future directive, un système qui s'apparente de très près à la licence globale.
En fait, dans cette affaire, nous cherchions à mettre en place un dispositif permettant de rémunérer les créateurs, puisque l'abonnement à la licence globale devait leur être affecté. Aujourd'hui, curieusement, les plates-formes Nokia ou Universal Music aux États-Unis fonctionnent sur le même principe, sauf que la rémunération, au lieu d'aller aux auteurs, va aux majors du disque. Si le principe de l'abonnement forfaitaire a été retenu, l'esprit de la licence globale a été détourné, tout comme la rémunération des créateurs, qui sont les dindons de la farce !
L'inapplicabilité de la loi DADVSI étant avérée, le Gouvernement a commandé un rapport à M. Olivennes. Ce dernier, soucieux de défendre ses intérêts de principal marchand de disques français, et touché par la grâce du sarkozysme, n'a pas déçu : constatant que l'énormité des menaces de la loi DADVSI les rendait inapplicables, il a proposé de substituer au gros bâton un bâton moyen. Ce grand visionnaire considère que les jeunes qui téléchargent des musiques pour les partager continuent d'être des voleurs et des criminels qui spolient ces bienfaiteurs de l'humanité que sont les industriels du disque et du logiciel, seulement soucieux de création ! La répression est certes mieux dosée, mais elle reste la répression et rien que la répression. Hormis le « flicage » généralisé des internautes, le rapport Olivennes ne propose donc aucune piste pour élaborer un nouveau modèle de la création à l'ère numérique.
À mesure que se généralisait le haut débit, le téléchargement d'oeuvres est devenu le nouveau mode de partage et de multiplication des échanges de culture, de goût, de savoir. Et les arsenaux répressifs adoptés partout dans le monde n'y ont rien pu : on n'endigue pas la mer avec du sable. Un nouveau mode de consommation, d'abord générationnel puis étendu à toute la société, s'est imposé peu à peu, en une vague irrépressible. Au lieu d'imaginer un autre modèle économique pour rémunérer la création – car il faut la rémunérer, nous en sommes tous d'accord ; personne n'a jamais défendu le principe de la gratuité – autrement qu'à l'acte, les industriels rêvent d'un Big brother surpuissant, capable d'aller fouiller dans les ordinateurs de tous les foyers du monde pour protéger leur rente. Évidemment, cette approche est vouée à l'échec, et la résolution du Parlement européen adoptée ce matin est un sévère avertissement pour le Gouvernement français. Le débat que nous aurons au mois de mai sur le rapport Olivennes ne manquera pas d'intérêt.
Ratifier ces traités à contretemps et dans la seule optique de légitimer la répression n'aurait aucun sens. C'est pourquoi le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche ne votera pas les projets de loi. Depuis 1996, nous avons constaté que les droits d'auteur ne servent que de prétexte à défendre une vision marchande des échanges culturels. La multiplication des capacités d'échanges entre les individus, notamment avec les plates-formes peer to peer, a totalement révolutionné les industries de la culture et de l'information, les échanges ont été désindustrialisés, surtout dans le domaine de la musique. La possibilité offerte à chacun de constituer des assemblages apporte une incontestable valeur ajoutée. De même, l'apparition des blogs, des liens RSS, des wikis a révolutionné l'information, remettant en cause les transmissions verticales qui existaient depuis la création de la presse. Internet a bouleversé le schéma traditionnel – un émetteur actif et des récepteurs passifs. Évidemment, cela a suscité un conflit entre les industriels propriétaires des contenus et des catalogues et les citoyens internautes, qui tentent de faire valeur leur droit à l'expression et à la diversité culturelle librement choisie.
La question est de savoir pourquoi le Gouvernement français a éprouvé le besoin de prêter main-forte à ces industriels au lieu de défendre l'intérêt des citoyens et des consommateurs. Cette question, du reste, nous avons pu nous la poser en maintes occasions ces derniers temps : lors du récent débat sur les OGM et, dans le domaine de l'industrie biogénétique, lorsque des industriels comme Monsanto ont voulu imposer des formats de gènes propriétaires. La propriété intellectuelle est aujourd'hui l'objet d'une frénésie d'appropriation de la part d'industriels. Leur voracité de profits les pousse à imposer l'idée que tout ce qui circule sur Internet devrait leur appartenir. La grande bataille de la propriété intellectuelle ne fait que commencer. C'est une bataille citoyenne dont l'enjeu est d'inventer un nouveau modèle économique dans lequel la rémunération de l'acte de création ne soit pas déterminée par les schémas du monde ancien.
Quand l'atmosphère a changé, les dinosaures ont disparu. Le monde économique a changé, mais les dinosaures que sont les majors de l'industrie de la musique essaient de gagner quelques années à l'aide d'un arsenal répressif.
En effet, il s'agit d'un combat perdu d'avance. Il faut inventer autre chose. Je trouve navrant que, en 2008, le Gouvernement tente de nous faire voter des textes visant à autoriser la ratification de traités datant de 1996, alors que les échanges numériques n'avaient pas encore révolutionné l'accès à la culture. C'est un combat d'arrière-garde, et le groupe socialiste votera contre ces textes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, il s'en est fallu de peu que notre débat n'ait pas lieu. Nous avons dû beaucoup insister pour qu'il soit organisé, comme si le Gouvernement avait finalement envie de faire passer ces ratifications en catimini, compte tenu de tout ce qui avait entouré la transposition européenne dans la fameuse loi, dite DADVSI, en 2006.
Douze ans après la signature de ces traités, la demande d'autorisation de ratification nous paraît aujourd'hui un peu surréaliste. On pourrait presque dire que vous vous obstinez dans l'erreur. Déjà, lors du débat sur la loi DADVSI, nous avions mis l'accent, sur tous les bancs de cet hémicycle, sur les retards entre, d'une part, le texte proposé, les traités de l'OMPI de 1996 et la directive européenne de 2001 et, d'autre part, la réalité. Compte tenu de l'avance rapide de l'informatique et des modifications des modalités de téléchargement, il est un peu absurde de vouloir transposer des textes anciens. Mais cela n'a pas arrêté le Gouvernement, puisqu'il nous demande aujourd'hui d'autoriser la transposition de deux traités datant de 1996.
Revenons sur l'historique de ces traités qui ont été conclus en 1996. Il s'agissait, pour l'administration du président Clinton, de forcer l'adoption, par le biais d'accords internationaux, de mesures de clientélisme électoral favorables aux majors de productions audiovisuelles des États-Unis, notamment de la communauté hollywoodienne, et aux majors de l'informatique du pays. Tout cela avait entraîné une fronde aux États-Unis. Dès juillet 1994, un groupe de travail sur le droit de la propriété intellectuelle, convoqué par le Président Clinton, avait publié un Livre vert proposant, pour tenir compte de l'émergence des technologies de l'information et de la communication, de modifier la loi américaine relative à la propriété intellectuelle et d'étendre les droits des « ayants droit », au détriment du droit du public à accéder à l'information.
C'est alors qu'est apparue la proposition d'interdiction de la fabrication, de l'importation et de la distribution de tout produit permettant de contourner les dispositifs dits « de protection » – les DRM, en anglais, pour Digital Rights Management et MTP en français –, même si ces fameux DRM empêchent le simple usage licite, comme une copie à usage privée ou une copie de sauvegarde.
À l'époque, 106 professeurs de droit nord-américains adressèrent au vice-président Al Gore une lettre ouverte contre le texte, dénonçant le fait que le projet amenait à considérer la simple consultation d'un document dans un navigateur web comme une violation de copyright ; à obliger les fournisseurs d'accès à surveiller les activités de leurs abonnés et donc à porter atteinte à leur vie privée – cela fait écho au débat que nous avons eu sur la loi DADVSI – et à ériger en crime fédéral tout contournement d'un dispositif de « protection » DRM, y compris quand celui-ci n'a d'autre but que l'usage normal et licite – cela fait aussi écho au débat que je viens de citer.
Malgré cela, les traités ont été adoptés à Genève en 1996 et les États-Unis les ont transposés en octobre 1998 et procédé à leurs ratifications le 14 septembre 1999. Ces traités reprennent, à peu de chose près, les dispositions promues par le lobby des distributeurs de contenus, mais qui avaient été rejetées, comme pour la loi DADVSI, par la société civile – utilisateurs d'Internet, bibliothécaires, enseignants.
La directive européenne de 2001 a repris la pénalisation du contournement des DRM, dispositif prévu par les fameux traités de l'OMPI, et notre pays l'a transposé en droit français. Je voudrais rappeler la façon dont s'était déroulé le débat dans l'hémicycle. Le lobby des boîtes de productions audiovisuelles – qui ne me choque pas, si tout se passe dans la transparence – s'était même invité dans nos murs, rompant avec la tradition de neutralité de notre enceinte. Nous n'oublions pas non plus le déroulement des débats et l'adoption du fameux amendement, évoqué par M. Mathus, sur lequel le Gouvernement nous a fait voter à plusieurs reprises, jusqu'à ce qu'il obtienne un vote conforme à ce qu'il souhaitait.
Lors de ces débats, souvent houleux, de 2005-2006, nous avions très difficilement acquis, après des réécritures d'amendements, le principe de l'interopérabilité, qui devait être le pendant de la pénalisation du déverrouillage des mesures techniques de protection. L'interopérabilité, c'est la possibilité de contourner une mesure de protection d'un système propriétaire qui empêche de copier un fichier d'une certaine marque sur un appareil d'une autre marque.
Or, le Conseil constitutionnel a censuré la notion d'interopérabilité, qu'il a jugée trop floue, ce qui est assez surprenant, puisque c'est la terminologie constamment utilisée par les professionnels du numérique. Toutefois, par un effet paradoxal, la décision du Conseil constitutionnel a maintenu la sanction dans le cadre de la législation contre les contrefaçons. Cette sanction, particulièrement lourde, qui vise les réseaux de contrefaçons, est difficile à utiliser contre des jeunes qui téléchargent de la musique sur Internet, même si c'est illégal au regard de la loi. La décision du Conseil constitutionnel a donc empêché le Gouvernement de mettre en oeuvre le dispositif de sanction qu'il s'était engagé à prendre auprès des acteurs de la vie culturelle et cinématographique. Il lui fallait donc trouver le moyen de réintroduire un dispositif de sanction, ce qui peut expliquer la mission confiée à Denis Olivennes.
Aujourd'hui, un producteur de CD ou de DVD peut insérer sur les plages numériques de ses supports un programme rendant impossible la copie non autorisée. Ce programme peut avoir pour conséquence de rendre impossible la lecture d'une oeuvre sur certains matériels de lecture – ordinateurs, lecteurs CD automobiles, etc. Certes, il existe des logiciels libres de contournement, mais ceux-ci tombent sous la qualification de contravention de quatrième classe dans le décret d'application du 23 décembre 2006 de la loi DADVSI.
Les exceptions au droit de la propriété intellectuelle nécessaires au respect de l'interopérabilité ont donc disparu du droit français. Pire : il est prévu une contravention applicable aux seules solutions technologiques qui permettent le libre usage de l'oeuvre par le consommateur qui a légalement acquis le support.
En tout cas, depuis l'adoption de la loi DADVSI, nous pouvons juger, grandeur nature, de l'échec des traités de l'OMPI, de la directive européenne et de la loi. Ceux-ci étaient censés protéger les droits d'auteur et les droits voisins des artistes en protégeant juridiquement les mesures techniques informatiques – les fameux DRM. Or, il est désormais avéré que ces DRM ne sont d'aucune protection pour les droits des créateurs et que les mesures de contournement se diffusent à grande vitesse sur Internet, ce que nous avions d'ailleurs tous souligné lors des débats – mais le Gouvernement n'avait alors rien voulu entendre.
En conséquence, aujourd'hui, les majors de la musique abandonnent ces dispositifs de contrôle anti-copie, tant ceux-ci sont rejetés par les consommateurs, qui se trouvent empêchés de jouir librement de droits légitimes sur des biens acquis légalement. Aucune des majors de la musique n'ayant pu imposer à l'autre major son format, elles ont donc été obligées de parvenir à un accord pour abandonner ces DRM. On peut citer l'exemple de la plateforme multimédias MySpace sans DRM lancée récemment par quatre majors.
Toutefois, si les DRM sont abandonnés, les plateformes multimédias sont toujours inaccessibles aux logiciels libres, et on ne voit toujours rien venir en ce qui concerne l'amélioration de la rémunération des artistes et des ayants droit.
Pendant le débat sur la loi DADVSI, nous avions évoqué la licence globale. J'avais proposé, au nom des députés Verts, d'instaurer un prélèvement sur les fournisseurs d'accès Internet et les sociétés de téléphonie mobile – qui engrangent d'importantes rentrées financières grâce aux chargements d'oeuvres musicales ou cinématographiques – afin de créer un fonds de rémunération des auteurs et interprètes destiné à améliorer le financement des droits d'auteur – ce qui, rappelons-le, était le but prétendument annoncé de la loi, de la transposition de la directive européenne et de la ratification des traités internationaux. Le Gouvernement avait refusé.
De façon surprenante, ces propositions, qui étaient inacceptables, à l'époque, pour la rémunération des droits d'auteur, font leur réapparition, afin de compenser la suppression de la publicité à la télévision – ce qui prouve que cette possibilité aurait pu être utilisée pour rémunérer les auteurs, les ayants droit et les interprètes, afin de régler le problème, au lieu de s'obstiner comme le Gouverment le fait.
Dans le même temps, le principe même de la protection juridique des DRM introduit par les traités de l'OMPI et la loi DADVSI a créé une insécurité juridique contre le logiciel libre, et même une distorsion de concurrence. C'est ainsi que des sociétés françaises de logiciel libre risquent des poursuites si elles proposent un simple lecteur DVD avec leur système d'exploitation en logiciel non propriétaire. Je prends l'exemple de nos bureaux à l'Assemblée, où nos postes de travail sont équipés en logiciels libres. Mais, pour lire des DVD, nous sommes obligés de passer par des logiciels propriétaires, à cause de la loi DADVSI.
Dans ce contexte, il est inquiétant de voir que le Gouvernement envisage d'aller encore plus loin que les obligations des traités de l'OMPI et de la directive EUCD, puisqu'il veut déposer prochainement un projet de loi inspiré du récent rapport de la mission Olivennes sur les téléchargements. Il s'agit de mettre en place la fameuse « riposte graduée », avec menace de suspension d'abonnement Internet. Toutefois, comme l'a indiqué notre collègue Mathus, le Parlement européen a voté ce matin une résolution engageant l'ensemble des membres de l'Union, dont la France : il considère que la mesure de suspension des connexions Internet est disproportionnée par rapport à la situation provoquée par les téléchargements.
D'une part, nous sommes face à des traités de l'OMPI sur la protection des DRM totalement obsolètes techniquement et commercialement, ainsi que le reconnaissent les majors, qui les utilisent de moins en moins. D'autre part, l'idéologie répressive, liberticide et anti-concurrentielle de ces traités est toujours à l'oeuvre, mais au seul bénéfice de quelques multinationales nord-américaines et non au bénéfice de la rémunération des auteurs et des artistes.
Pour cette double raison, les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine – communistes et Verts – ne voteront pas les projets de loi visant à autoriser la ratification des deux traités.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le vote d'aujourd'hui – n'en déplaise au peu de membres présents dans notre hémicycle – est d'une importance capitale.
Il s'agit de déterminer si la France va ou non se lier les mains avec des dispositions d'un autre âge, témoignant d'une incompréhension totale tant de la réalité de notre temps que des enjeux économiques, sociaux et politiques qu'engendre la démocratisation des moyens de copie et de diffusion numérique.
Je m'oppose à la ratification de ces traités pour trois raisons.
Premièrement, ces traités sont dépassés, obsolètes, périmés. Leur objectif de contrôle de la circulation des oeuvres par la technique à l'ère du numérique n'a pas été atteint. Les millions d'internautes qui échangent chaque jour de la musique et des films sur Internet sans autorisation, peuvent en témoigner.
Les mesures de contrôle d'usage des oeuvres – les fameux DRM – ont toutes été contournées, cassées. Le fait que des traités internationaux soient venus punir leur contournement n'y a rien changé. Il faut reconnaître que l'idée était absurde dès le départ. Internet étant un réseau mondial conçu pour répliquer l'information à grande vitesse, les informations techniques nécessaires pour déjouer un DRM font le tour de la planète en quelques heures dès qu'elles sont connues.
De même, toute oeuvre mise à la disposition du public se retrouvera sur Internet, protégée ou non par DRM. C'est l'intérêt même d'Internet. Sauf à poursuivre la terre entière, il faut donc se faire une raison : contrôler l'information sur le Net revient à éponger la mer avec une serpillière.
Il est incroyable que le pays des droits de l'homme – la France – soit le pays le plus obscurantiste face à cette révolution numérique. Il est incroyable que, sous la pression d'intérêts, le Gouvernement fasse la même chose que M. Clinton, qui, pour gagner les élections, promettait tout et n'importe quoi au milieu hollywoodien du show-business. Faut-il que le show-biz soit assez puissant pour traverser l'Atlantique et aller à l'encontre du bon sens élémentaire ?
Le Gouvernement est même en retard sur les majors, qui l'avaient pourtant poussé à nous faire voter, il y a deux ans, une loi absurde, alors que sur tous les bancs de l'Assemblée s'étaient élevées des voix discordantes. En effet, les majors ne vous suivent plus, madame la secrétaire d'État. Elles ont abandonné ! Elles se sont affranchies de cette loi, en signant l'accord MySpace.
Madame la secrétaire d'État, si vous vous acharnez – et je ne comprends toujours pas pourquoi – ou si certains vous demandent de vous acharner sur la ratification de ces traités, c'est, non pas parce que les majors en ont besoin – elles n'en ont plus besoin puisque, heureusement, les consommateurs sont les maîtres –, mais parce que des intérêts américains sont à l'oeuvre pour lutter à tout prix contre l'interopérabilité, que nous avions arrachée de haute lutte – parlementaires de tous bords, tant au Sénat qu'à l'Assemblée – et qui a été censurée par le Conseil constitutionnel.
Les consommateurs auront fait le travail en ce qui concerne la première raison.
La deuxième raison de mon opposition à la ratification de ces traités est très simple : c'est que la protection juridique des DRM a conduit à l'exclusion des acteurs commerciaux du logiciel libre du marché du grand public, en leur interdisant d'intégrer dans leurs offres des lecteurs multimédias capables de lire un DVD. Plus largement, elle a facilité les abus de position dominante, la vente liée et les ententes illicites entre monopoles, au détriment de nos PME et du consommateur.
Rendez-vous compte, mes chers collègues, que l'Assemblée nationale, elle-même, lorsqu'elle a voulu s'équiper de logiciels libres, n'a pas pu installer le lecteur DVD le plus populaire, le logiciel libre VLC, à cause de la loi DADVSI, votée ici même, pour se mettre en conformité avec ces traités absurdes ! Ce logiciel libre, dont les auteurs sont des étudiants de l'École Centrale de Paris, peut pourtant lire des DVD « DRMisés » ! Des millions de particuliers l'utilisent dans le monde, mais aucune entreprise ne se risque à le distribuer au sein d'une offre commerciale, précisément à cause de la loi découlant de ces traités. Nous-mêmes ne pouvons l'utiliser pour lire un DVD. Les services de l'Assemblée nationale se sont posé la question, mais, face à l'insécurité juridique, ils ont préféré renoncer.
Alors, selon certains, ne pas pouvoir lire un DVD avec un logiciel libre n'est pas très grave. Sauf que lorsqu'une entreprise, comme la société française Mandriva par exemple, cherche à concurrencer Microsoft sur le marché du grand public ou de l'éducation, cela se révèle problématique. Or, avec ces traités, vous n'aiderez en rien les majors du disque, qui y ont déjà renoncé. Au contraire, vous conforterez sensiblement le duopole américain, Apple et Microsoft. A-t-on jamais vu un éditeur, mes chers collègues, imposer une marque de lunettes pour lire les livres qu'il fait imprimer ? Or c'est la même chose ! En luttant contre l'interopérabilité, en empêchant cette possibilité, vous cloisonnez le marché, vous confortez un oligopole, un monopole, qui va à l'encontre des intérêts de notre pays. D'ailleurs, si la gendarmerie nationale a migré vers le logiciel libre, ce n'est pas seulement pour une question de coût, mais aussi pour des enjeux de sécurité nationale, qui avaient été mis en évidence lorsque nous en avions débattu ensemble.
Enfin, si je m'oppose à ces traités, c'est aussi parce qu'ils traduisent le dysfonctionnement de nos démocraties occidentales. Car si vous vous penchez sur la chronologie, que je vous communiquerai, madame la secrétaire d'État, vous noterez que c'est le président Clinton, qui a commencé à travailler sur ce dossier sous la pression des industriels hollywoodiens. Mais ce projet a suscité un tel tollé aux États-unis que le Congrès l'a vite abandonné, mais il est vrai que ce dernier est capable de plus de force de résistance que notre assemblée ! À l'époque, des centaines de professeurs de droit, des dizaines d'entreprises, des associations de consommateurs, des chercheurs avaient dénoncé les dommages sociaux et économiques que je viens de vous décrire, les menaces qu'il représentait pour les droits du public et de la vie privée, et pour le développement d'une économie ouverte et moderne.
Face à cette résistance, la réaction de l'administration américaine a été très simple : elle est directement passée par l'OMPI, dont le fonctionnement n'a rien de démocratique. Avec la complicité de la délégation française et européenne, loin des regards critiques et contre l'avis des pays en voie de développement, elle a pu imposer au monde une vision unilatérale et dépassée, aussi dépassée que celle des moines copistes, qui, à l'époque, voulaient faire interdire l'imprimerie de Gutenberg parce qu'ils perdaient leur monopole et leurs privilèges ! C'est aussi absurde que cela, et l'Histoire, vous le verrez, tranchera.
Face à cette résistance, l'administration américaine est passée par l'OMPI et elle a pu imposer ses vues à l'Union européenne, qui a adopté une directive qui nous tombe dessus grâce à l'acharnement du Gouvernement, et ce contre le bon sens des parlementaires de tous bords politiques qui s'y sont opposés.
Le bilan est lourd et éloquent : l'intégralité de nos institutions dysfonctionne ; les lobbies et les intérêts gouvernent ; l'Histoire est prise à contresens. Vous allez dans une impasse. J'espère que le Gouvernement renoncera et écoutera certains parlementaires de la majorité, comme certains de ses ministres, qui l'alertent sur les dangers du rapport Olivennes. Veut-on se fâcher avec notre jeunesse ? Veut-on ajouter un désordre à d'autres désordres ? Le projet de loi que vous préparez est d'autant plus absurde que les textes que vous vous apprêtez à ratifier sont totalement obsolètes : ils disparaîtront dans les poubelles de l'Histoire. Ils ne font honneur ni au Gouvernement, ni à la majorité.
La discussion générale commune est close.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme.
Je souhaite répondre aux interrogations soulevées par Mme Billard et M. Mathus et M. Dupont-Aignan.
Le délai entre la signature des traités en 1996 et la ratification aujourd'hui s'explique parce qu'il a fallu adapter le droit communautaire pour le rendre compatible avec les obligations des deux traités, qui sont mis en oeuvre par la directive européenne de mai 2001, elle-même transposée en France par la fameuse loi DADVSI, du 1er août 2006. Il n'y a aucune malice là-dedans.
Par ailleurs, ne simplifions pas à l'extrême : il y a toujours eu un décalage entre le développement technologique et les nécessaires garanties juridiques protégeant la création.
Selon vous, monsieur Mathus, le rapport Olivennes prévoirait de criminaliser la lutte contre la piraterie sur Internet. Or ce n'est pas l'objet du texte que prépare le Gouvernement, qui tend à la prévention et la recherche d'un équilibre entre le principe de la rémunération des auteurs, d'un côté, et l'accès aux oeuvres sans limite et sans contrôle, de l'autre. Le but n'est donc pas d'instaurer des sanctions pénales, loin de là. Et, nous aurons sans doute l'occasion de vous le démontrer, dans quelques mois.
Je ne suis pas sûr, monsieur Mathus, que j'étais « conjuré » à l'époque. Comme vous le savez, il n'y a pas de conjurés à l'UMP ! Mais il est vrai que j'ai participé au « grand soir » de décembre !
Contrairement à ce que vous prétendez, madame Billard, monsieur Mathus et monsieur Dupont-Aignan, ces traités ne sont pas dépassés. Loin de là. Ils constituent le cadre juridique international de base indispensable, qui ne préjuge pas les évolutions tant au niveau européen que dans chaque État partie aux traités.
M. Olivennes, auteur du rapport qui vient d'être critiqué, n'est plus aujourd'hui, que je sache, un célèbre marchand de disques. Il dirige maintenant un grand hebdomadaire de sensibilité plutôt de gauche.Nous discuterons de ces propositions dans le cadre du projet de loi que nous examinerons au mois de mai ou de juin. Nous aurons à cette occasion un débat tant sur les modalités techniques de protection du droit d'auteur que sur l'approche préventive évoquée à l'instant par Mme la secrétaire d'État.
Je vais maintenant mettre successivement aux voix les deux projets de loi.
J'appelle l'article unique du projet de loi autorisant la ratification du traité de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur le droit d'auteur.
Je mets aux voix l'article unique de ce projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
J'appelle l'article unique du projet de loi autorisant la ratification du traité de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes.
Je mets aux voix l'article unique de ce projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
Prochaine séance, mardi, 15 avril 2008, à neuf heures trente :
Proposition de loi visant à combattre l'incitation à l'anorexie.
La séance est levée.
(La séance est levée à seize heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma