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Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Séance du 7 octobre 2009 à 11h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • art
  • artistique
  • culturelle
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La séance

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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION

Mercredi 7 octobre 2009

La séance est ouverte à onze heures trente.

(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)

La Commission des affaires culturelles et de l'éducation entend M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.

PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Nous vous remercions, monsieur le ministre de la culture et de la communication, de revenir devant nous – en effet, vous étiez déjà venu en juillet défendre le projet de loi dit Hadopi II devant notre commission. Aujourd'hui, nous nous réjouissons de pouvoir vous interroger sur les nombreux chantiers qui vous attendent, fort d'un budget en augmentation : je pense notamment à la valorisation de notre patrimoine, à la numérisation des oeuvres ou encore à la rémunération des artistes à l'ère numérique.

PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Je mesure l'importance du moment, puisqu'il s'agit de ma première audition générale dans le cadre de la commission des affaires culturelles, lieu privilégié d'exposition et d'explicitation de la politique que j'ai commencé à mener au ministère de la culture et de la communication.

Cette rencontre utile intervient près de quatre mois après mon installation rue de Valois, à un moment où je suis en mesure, à la fois, de tirer les premiers enseignements de tout ce que j'ai pu retrouver, observer et découvrir dans mes fonctions, et de dessiner les premiers principes de mon action – principes que je vais vous exposer aujourd'hui, à votre demande.

Je serai bref sur ma méthode d'action, quitte à y revenir : elle consiste à ne jamais perdre de vue le résultat de tout ce que nous mettons en place dans la structure publique. C'est pour être fidèle à cette exigence que j'ai, quatre mois durant, complété mon expérience de ce monde culturel, qui, comme vous le savez, ne m'était pas tout à fait étranger, et pris le temps nécessaire à l'observation et à l'écoute.

Le calendrier de l'été des festivals m'a aidé à explorer, parfois à revisiter, les univers riches et nombreux de la culture et de la communication, afin de prendre la mesure de tout ce qui se fait en France, pour mieux en discerner les succès, mais aussi en constater les lacunes, les blocages et les retards éventuels.

De Grignan à Fontainebleau, Saintes ou Lussas, de Marciac à La Rochelle ou Avignon, de Colmar et Besançon à Sablé-sur-Sarthe, en passant par Arles, Béziers ou Tarbes, du film documentaire à la musique baroque, du jazz au théâtre, en passant par la fiction télévisuelle et la chanson, je me suis livré à une véritable immersion parmi les acteurs et les divers domaines de la création et du patrimoine dont j'ai la charge rue de Valois, dont nous avons en quelque façon « charge d'âme », selon une belle expression. Je me suis rendu d'ailleurs dans des lieux que les ministres avaient peu fréquentés, comme le site archéologique d'Alba-la-Romaine ou encore le désert de Retz.

Je l'ai fait habité d'un principe de pragmatisme et de responsabilité, qui est indissociable d'une certaine idée que je me fais de la fonction de ministre de la culture et de la communication. À l'âge classique, le public du théâtre voyait le spectacle à travers le point focal que constituaient les yeux de celui qui représentait l'autorité. Aujourd'hui, à l'ère démocratique, nous avons le devoir de considérer nos productions culturelles avec les yeux du public, car c'est à lui que nous devons l'excellence, c'est à lui que doit revenir son effort de soutien aux créations culturelles de notre pays.

De la même façon, l'exigence du public m'a animé lorsque j'ai profité de ces premiers mois pour prendre la mesure de ce grand ministère de la culture et de la communication dont nous célébrons cette année, avec une fierté légitime, le cinquantième anniversaire. Une politique publique digne de ce nom n'est possible que si l'on a à sa disposition un instrument administratif efficace, dont on connaît bien le fonctionnement et les agents.

C'est pourquoi j'ai voulu rencontrer tous les acteurs du ministère, directeurs d'administration centrale, organisations syndicales. J'ai visité la plupart des services de mon administration, de la rue de Valois à la rue des Pyramides, en passant par l'immeuble des Bons Enfants, jusqu'au chantier d'archéologie préventive du canal du Nord. C'est pourquoi aussi j'ai travaillé intensément à la réforme de notre ministère lancée par Christine Albanel. Cette réforme, voulue par le Président de la République dans le cadre de la révision générale des politiques publiques et menée dans une parfaite concertation à la suite d'un dialogue interne très nourri, apportera de nombreux avantages à notre action publique en matière de culture et de communication.

Elle lui apportera d'abord une gestion responsable et moderne. Il était urgent de rompre avec la tendance centrifuge de l'accumulation des directions, qui était absurde, eu égard à la montée en puissance simultanée de tous les acteurs de la culture partout sur nos territoires – directions régionales des affaires culturelles, collectivités locales, établissements publics. Il était urgent de substituer à cette tendance à l'accumulation une logique d'efficacité, sans pour autant négliger aucune de nos missions.

Elle permettra ensuite une prise en charge résolument « valoisienne » de la communication : pour la première fois depuis trente ans, la direction du développement des médias est directement rattachée au ministère, alors qu'elle l'était jusqu'à présent au Premier ministre et simplement mise à la disposition du ministre de la culture et de la communication. Nous sommes enfin « maître chez nous ».

L'importance des acteurs en régions m'a amené à m'entretenir longuement avec les directeurs régionaux des affaires culturelles. J'ai rencontré également les directeurs de chaînes de télévision, de radios, beaucoup de responsables de nos établissements publics nationaux ; je me suis adressé aussi aux acteurs de notre diplomatie culturelle et de notre action internationale, et j'ai d'ores et déjà rencontré un certain nombre de mes homologues étrangers, en France ou en dehors de nos frontières. J'étais hier au Kazakhstan et, la semaine dernière, à Berlin, aux côtés du maire, des ambassadeurs des Länder, et du ministre allemand de la culture et des médias, pour préparer la célébration du vingtième anniversaire de la chute du Mur, pour développer nos projets communs, mais aussi pour que nos projets français ne soient pas pensés dans une optique purement nationale, mais avec un regard attentif à ce qui se fait ailleurs.

De toutes ces rencontres, que j'entends bien sûr poursuivre, j'ai tiré l'observation suivante : nous sommes arrivés à un moment charnière, riche à la fois de grandes opportunités et de nouveaux défis. Nous devons être très lucides : depuis la création, il y a cinquante ans, du ministère de la culture, la société n'a pas cessé de changer, à un rythme sans cesse accru, et les pratiques culturelles se sont profondément modifiées.

Il est de ma responsabilité de bien saisir la nature et la portée de ces évolutions. C'est pourquoi j'ai défini trois grands principes, qui seront aussi les priorités qui animeront mon action : la « culture sociale », la transmission, le numérique.

D'abord, promouvoir ce que j'appelle la « culture sociale », c'est-à-dire une culture ancrée dans la réalité sociale de notre pays, sans aucune exclusive et, par conséquent, capable de prendre en compte le caractère résolument multiculturel de la société française, ainsi que l'apport de l'outre-mer.

Je compte d'ailleurs faire de l'outre-mer un chantier important de mon action. Bien des efforts restent à accomplir pour que les populations ultramarines bénéficient des mêmes services publics culturels que les populations métropolitaines. Je souhaite également que la vitalité artistique de ces territoires soit mieux reconnue et mieux accompagnée, que les cultures créoles, par exemple, puissent trouver les moyens de leur plein épanouissement sur place, et soient aussi mieux diffusées et mieux reconnues en métropole, et j'y travaille, en liaison étroite avec Mme Penchard. Ainsi, j'ai décidé de confier une mission permanente à Michel Colardelle, conservateur général du patrimoine, afin de mieux identifier cette richesse et les projets qui méritent d'être soutenus.

En ce qui concerne la culture sociale, je pense aussi à l'installation à Pierrefitte-sur-Seine du Centre des archives, dont la première pierre a été posée récemment et qui ouvrira ses portes fin 2011. La mémoire de la nation appartient à tous ses membres, et notre idéal de décentralisation culturelle n'aurait pas de sens si elle faisait l'impasse sur ce qu'on appelle la « banlieue ». Dans ce domaine, je suis évidemment en contact permanent avec Mme Amara.

C'est pourquoi aussi j'ai finalement décidé d'installer à Cergy-Pontoise un centre de réserves unique en Europe. Sur ce point, nous avons fait de nécessité vertu : l'exigence de sauver les collections des musées des bords de Seine nous a amenés à concevoir une nouvelle forme de valorisation de ce patrimoine hors du commun, notamment par la recherche. La proximité du pôle de recherche et d'enseignement supérieur de Cergy-Pontoise permettra de tisser des liens novateurs avec ce centre d'excellence scientifique. Il s'agit de réinscrire notre culture dans la « longue durée » dont parlait Fernand Braudel, et dans le vaste espace de dialogue qu'est la Méditerranée : le musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, le MUCEM, y contribuera – il ouvrira ses portes, comme prévu, à l'occasion des célébrations de Marseille capitale européenne de la culture en 2013.

Une réflexion sur notre manière de nous rapporter à notre histoire est aussi nécessaire. Mon voyage à Berlin m'a permis de découvrir le musée exceptionnel que les Allemands ont consacré à leur histoire. Le musée de l'Histoire de France souhaité par le Président de la République est appelé à jouer de ce point de vue un rôle essentiel. Reste la question de sa localisation, à présent que son préfigurateur, Jean-François Hébert, est connu. Je ne suis pas sûr que Fontainebleau soit le site idéal, notamment parce que le nom ne résonne pas de manière univoque dans nos consciences républicaines – parce que l'histoire de France n'est pas uniquement celle de la monarchie.

L'exigence de culture sociale est indissociable de ma deuxième priorité : relever le défi de la transmission. Bien sûr, nous avons besoin de grands projets attractifs comme ceux dont je viens de vous parler, auxquels s'ajoutent, entre autres, celui de la Philharmonie de Paris, projet attendu depuis des années qui devient enfin une réalité – le résultat des appels d'offres est en cours de dépouillement et l'ouverture est prévue fin 2012 –, ou encore celui du Palais de Tokyo, qui représentera un maillon crucial de l'offre culturelle française, puisqu'il sera enfin possible de présenter au public les oeuvres de nos artistes plasticiens au cours de leur carrière. La structure qui servira de support à cette nouvelle institution sera créée avant la fin de l'année, et ses responsables nommés simultanément. La préfiguration du projet a été demandée à Olivier Kaeppelin, actuellement à la tête de la délégation aux arts plastiques.

Mais ne soyons pas naïfs : la culture est trop souvent fermée à nos concitoyens du fait de l'intimidation sociale dont elle est aussi porteuse. C'est pourquoi, là aussi, l'école doit pouvoir jouer tout son rôle de décloisonnement et d'initiation. La mise en place de l'éducation artistique et culturelle est l'un des grands enjeux des années à venir. Sa réussite repose sur l'assimilation des clefs d'accès à la culture dès le plus jeune âge, c'est-à-dire au sein même du système scolaire, notamment par un enseignement de l'histoire des arts, ou de l'art – ce n'est pas tout à fait la même chose. Des progrès très importants ont déjà été accomplis en partenariat avec Luc Chatel, mais je souhaite que le caractère obligatoire de cette nouvelle discipline soit confirmé chaque année davantage, et je veillerai personnellement à ce que, en l'absence regrettable d'une agrégation d'histoire de l'art, cet enseignement soit valorisé dans les grandes épreuves nationales et à ce que les stages de formation organisés pour les personnels enseignants soient assurés, dans des proportions importantes, par des historiens de l'art, des conservateurs ou des universitaires. Pourquoi ce qui existe déjà dans d'autres pays européens n'existerait-il pas dans notre pays, qui jouit d'un patrimoine admirable ?

L'éducation artistique et culturelle passe aussi par l'accueil des jeunes au sein même des lieux de culture et par des résidences d'artistes associées à des projets pédagogiques. À cet égard, les DRAC mènent un travail de sensibilisation et de conviction remarquable, pour lequel je les appuie résolument.

En ce qui concerne l'enseignement supérieur de la culture, un cursus LMD, licence-master-doctorat, est d'ores et déjà en place pour les écoles d'architecture. Le processus est bien engagé pour le réseau des écoles supérieures du spectacle vivant et celui des écoles supérieures d'arts plastiques. L'État soutient ce mouvement par un accroissement des crédits de 2,1 %, soit de 4,5 millions d'euros.

Cette priorité attachée à l'enseignement supérieur et à l'éducation artistique et culturelle relève d'une politique globale de partage des richesses artistiques du pays, notamment avec les plus fragiles et en particulier les handicapés, politique qui repose aussi sur l'éducation populaire, les conventions Justice – culture en prison – et Handicap, la reconnaissance des pratiques amateurs, les actions dans les quartiers, les friches artistiques, et des politiques tarifaires qui doivent s'adapter.

S'agissant de ce dernier point, je pense bien évidemment à la gratuité des musées et monuments nationaux que j'ai étendue, dès cet été, à tous les jeunes de moins de 26 ans résidant de manière légale dans l'Union Européenne. Ainsi, un jeune Malien venu étudier en France pourra en bénéficier. Cette mesure continuera d'être mise en oeuvre car son succès est indiscutable : depuis avril, nous avons ainsi comptabilisé pas moins de 800 000 entrées.

Plus généralement, les crédits pour l'accès à la culture seront consolidés en 2010, ce qui nous permet de préserver tous les dispositifs en faveur des publics spécifiques, et de confirmer le doublement de notre contribution au plan Espoir Banlieues.

Enfin, la transmission d'aujourd'hui et de demain sera numérique ou ne sera pas. La révolution numérique provoque une mutation profonde dans les modes de production et de diffusion de l'art et de la culture, mais aussi dans les pratiques. L'extraordinaire profusion de contenus qui circulent sur les réseaux constitue une chance, mais présente aussi des risques de nouvelles fractures culturelles.

Je souhaite que le fonds d'aide du Centre national du livre, soit 1,5 million d'euros destinés à soutenir la numérisation et la diffusion numérique des éditeurs et e-distributeurs, soit abondé à hauteur de quatre millions d'euros, afin d'aider les professionnels à proposer une offre légale attractive. Je souhaite également que cet effort permette de soutenir les projets de plateformes interprofessionnelles de diffusion numérique du livre.

À cela s'ajoute l'enveloppe de dix millions d'euros que le Centre national du livre met à disposition de la Bibliothèque Nationale de France pour la numérisation de ses fonds patrimoniaux. Ici encore, l'enjeu de la numérisation est central. C'est la raison pour laquelle je suis intervenu très vite dans le débat entre Google et la BNF. J'ai voulu rappeler quelques principes simples, afin qu'on ne tombe pas dans la caricature et que les esprits s'apaisent : d'un côté, il y a la crainte légitime qu'inspire une situation de quasi-monopole et l'attachement à l'« acquis social » que représente le droit d'auteur ; il y a aussi le principe de la régulation, soit les valeurs mêmes pour lesquelles nous avons combattu lors du projet Hadopi. D'un autre côté, j'observe que de grandes bibliothèques, en Europe et dans le monde, ont passé des partenariats avec la firme californienne. Il est donc normal de s'interroger sur la pertinence d'un accord au regard des objectifs d'intérêt général dont j'ai la responsabilité.

C'est la raison pour laquelle j'ai confié une mission d'analyse et d'évaluation sur ce thème à Claude Durand, ancien président-directeur général des éditions Fayard. Il sera aidé par des personnalités et des spécialistes de la numérisation des patrimoines, notamment M. Emmanuel Hoog, président de l'Institut national de l'audiovisuel, et il bénéficiera de l'appui de l'ensemble des services du ministère, notamment de la direction du livre et de la lecture. Il devra remettre ses recommandations le 30 novembre prochain – le temps nous est compté.

Mais la révolution numérique a aussi de lourdes conséquences pour la presse. C'est pourquoi je poursuis l'action de soutien de mes prédécesseurs, pour aider celle-ci à passer un cap difficile et non, bien sûr, pour l'installer dans l'habitude de l'assistanat.

Conformément aux plans d'action annoncés en janvier 2009 à l'issue des États généraux de la presse écrite, ce budget passera de 277 millions d'euros à plus de 419 millions d'euros en 2010, ce qui représente une augmentation de plus de 50 %. Cet investissement de l'État permet aux bénéficiaires des aides publiques de disposer d'une meilleure visibilité économique pour mener à bien les changements indispensables.

Dans ce contexte de refondation, l'aide publique ne doit pas être un « emplâtre sur une jambe de bois », comme on l'a parfois entendu dire durant les États généraux. L'État ne doit pas être suspecté de soutenir à bout de bras une industrie vieillissante, mais être considéré comme le partenaire stratégique d'un secteur en pleine mutation.

À ce titre, l'aide publique n'est pas non plus aveugle ni sans limite. L'État attend un retour sur cet investissement, qui doit se traduire par une refondation profonde du modèle économique du secteur. Les crises ne sont fécondes que si les hommes et les femmes prennent leurs responsabilités et se battent pour en tirer l'énergie du sursaut.

Dans cette période de crise, l'État aide la presse à passer le cap. Mais c'est avant tout sur elle-même, sur sa capacité à accepter le défi d'une nécessaire refondation que repose l'avenir de cette profession, véritable échine de notre liberté. C'est ce que je dirai demain soir en clôture des troisièmes Assises internationales du journalisme qui se tiennent cette semaine à Strasbourg.

J'en viens à la télévision. Le budget de l'audiovisuel public sera alimenté en 2010 par des ressources publiques en augmentation de 2,8 %, ce qui correspond notamment à l'augmentation de trois euros de la redevance. Cette hausse permettra d'accélérer le développement de nos chaînes de télévision et de radio.

L'audacieuse réforme de la télévision publique décidée par le Président de la République s'est traduite par la loi du 5 mars 2009. La suppression progressive de la publicité sur France Télévisions, qui libère la télévision publique de la pression de l'audience commerciale, ainsi que la rénovation de son organisation, donnent à la nouvelle entreprise commune les moyens de son ambition éditoriale. L'État a aussi doté France Télévisions d'un nouveau cahier des charges : la télévision publique, forte de ses valeurs, doit à présent développer une offre de programmation ambitieuse, en termes de culture, de connaissance et de création destinée à tous les publics, notamment les jeunes. La télévision ouvre partout, jusque dans les lieux les plus reculés du territoire, un accès à la culture, à l'information et aux loisirs. C'est donc aussi un formidable outil de transmission de la culture

Le lancement de la télévision numérique et son accompagnement sur tout le territoire, en plein accord avec Nathalie Kosciusko-Morizet, seront l'un des grands moments de notre relation intime à la télévision.

Voilà en quelques mots les principales orientations de ma politique, mes grands projets et les trois grands axes de mon action : une « culture sociale » en phase avec la réalité de la société, une intensification de la transmission nécessaire à la lutte contre l'intimidation culturelle, et une négociation réussie du virage numérique.

J'aborde cette tâche avec responsabilité et avec humilité, en m'inspirant des grands anciens. J'ai notamment fait mienne cette maxime très profonde de Michel Guy : « Non une culture pour tous, mais une culture pour chacun ». Et puis, en cette période qui précède le soixante-dixième anniversaire de l'appel du 18 juin, je constate que le général de Gaulle a, une fois de plus, trouvé les mots pour parler de ce domaine qui nous est cher : ce qui gouverne « notre civilisation, si moderne qu'elle puisse être, c'est toujours l'esprit, c'est-à-dire la pensée, le sentiment, la recherche et les contacts entre les âmes. C'est pourquoi la culture est la condition sine qua non de notre civilisation d'aujourd'hui, comme elle le fut des civilisations qui ont précédé celle-là ».

Vous me permettrez d'y ajouter une citation qui m'est chère, en provenance de l'autre bord : « Je crois aux forces de l'esprit ».

PermalienPhoto de Michel Herbillon

Nous étions impatients de vous entendre, monsieur le ministre, dans ce nouveau cadre que nous devons à la réforme constitutionnelle : celui d'une commission entièrement dédiée à la culture, à la communication et à l'éducation, qui ne sont plus, désormais, fondues dans l'immense champ de compétence de la commission des affaires sociales.

Ayant comme tous ici l'habitude d'être franc et direct, je dirai que j'ai apprécié votre propos, dont le caractère littéraire tranche avec le style technocratique de vos prédécesseurs, mais que je reste sur ma faim à certains égards, et tout d'abord s'agissant de la presse, dont je rapporte le budget pour le compte de cette commission. Vous avez déclaré : « La presse est dans le mur. Il faut un plan d'urgence, avec des mesures de secours, de soutien, et des initiatives de fond. Mais le ministère ne peut pas être là à chaque étape de réforme de ce secteur : aide-toi, le ciel t'aidera ». Que faire ? Je considère que les États généraux de la presse étaient une bonne chose, mais il faut maintenant aller au-delà des mesures ponctuelles et s'attaquer aux problèmes de fond. Je pense notamment à l'érosion forte et continue du jeune lectorat. Favoriser la lecture de la presse par cette classe d'âge suppose qu'on ne se limite pas à des incantations : quelles initiatives concrètes comptez-vous prendre, en liaison avec Luc Chatel, pour développer le lectorat au sein des établissements scolaires ? Ne pourrait-on, par exemple, travailler plus vigoureusement avec le Centre de liaison de l'enseignement et des médias d'information, le CLEMI, ce qui ne serait guère coûteux ? Il s'agit là d'une urgence civique car, si ce lectorat disparaît, c'est la presse écrite qui disparaîtra avec lui.

Je veux également vous interroger sur l'Agence France Presse, institution dont le rôle est considérable pour le rayonnement de la France. Le projet de réforme du statut singulier et original de l'agence suscite cependant des oppositions et des résistances, alors qu'il serait nécessaire qu'il fasse consensus. Quels pourraient être les voies et moyens de ce consensus ?

L'architecture est un domaine auquel je vous sais, le Président de la République et vous, particulièrement sensibles, et qui tient une place centrale dans le projet de Grand Paris : quel sera votre rôle ? Aurez-vous à coordonner les différents projets et à leur insuffler une cohérence ?

Enfin, vous n'avez pas dit un mot du Conseil pour la création artistique, présidé par Marin Karmitz, et installé « à côté » – pour ne pas dire plus – de Christine Albanel. M. Karmitz lui a assigné l'ambition de « mettre en oeuvre une politique culturelle d'envergure pour le temps présent et pour l'avenir », vaste programme qui ne peut que susciter notre adhésion ! Comment cette vision « tellurique » s'articule-t-elle avec la mission de votre ministère ?

PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

S'agissant de la presse, je ne prétends pas avoir la solution d'un problème qui ne fait que s'aggraver depuis trente ans. Les causes en sont multiples : chute des recettes publicitaires, concurrence féroce des nouveaux médias, notamment d'Internet, dialogue social très difficile, etc. Mais je reconnais que la diminution constante du jeune lectorat est particulièrement grave en ce qu'il obère l'avenir – je remarque en passant que la télévision souffre d'une désaffection similaire du jeune public. La promotion de la presse dans les établissements scolaires est une piste intéressante. Par ailleurs, nous allons lancer une vaste campagne pour inciter les journaux à proposer aux jeunes des abonnements gratuits pendant un an : je penchais pour un abonnement valable pour chaque édition quotidienne, mais les patrons de presse m'ont convaincu que l'abonnement à une édition par semaine était préférable. Le choix de compter l'Équipe au nombre de ces journaux, en faveur duquel je militais, a en revanche été retenu.

PermalienPhoto de Michel Françaix

À quelle hauteur l'État participera-t-il au financement de cette opération ? 50 % ? 100 %, comme promis par le Président de la République ?

PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

À 50 %, mais nous avons énormément travaillé à mettre en place un dispositif cohérent.

PermalienPhoto de Michel Herbillon

Cela ne réglera pas les problèmes de fond de la presse.

PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Je reconnais que cela ne saurait être guère plus qu'une rustine : il s'agit d'évolutions historiques et de mutations sociologiques, et je ne suis là que depuis quatre mois ! Cela dit, mon cabinet compte quelques spécialistes extrêmement déterminés à résoudre cette question ; je multiplie moi-même les entretiens avec les directeurs de journaux, jusqu'aux publications les plus modestes. Si l'État manifeste fortement sa volonté d'agir dans ce domaine et si le ministère renforce sa communication en direction des jeunes sur cette question, nous pouvons déjà modifier le contexte intellectuel du problème. J'espère être à même de vous apporter, lors de notre prochaine rencontre, des solutions pratiques. Mais il serait inconsidéré de ma part de prétendre résoudre tout à coup un problème qui traîne depuis des années.

La réforme de L'AFP pose des questions similaires. Il s'agit d'une institution admirable, servie par des journalistes et des agents de premier plan, dont la vocation est de rendre compte à chaque instant et en détail de l'état du monde, et qui joue un rôle considérable en faveur de la liberté d'information. Mais sa forme juridique et ses moyens ne sont plus adaptés aux évolutions de l'information et ne lui permettent pas de soutenir la concurrence des grandes agences anglo-saxonnes. Je vous renvoie à l'entretien de Bill Gates avec le patron de l'AFP, où l'Américain se demandait comment l'agence pouvait fonctionner avec une structure aussi inadaptée. C'est, paradoxalement, rendre hommage au travail des employés de l'agence ! Le projet de réforme de l'AFP fait actuellement l'objet de réflexions : elles auront, pour aboutir, besoin de temps, de transparence et d'échanges démocratiques.

Au sujet du Grand Paris, je veux dire en préambule que j'entretiens les meilleures relations avec Christian Blanc : l'homme des accords de Nouméa a toute mon admiration. Vous avez raison de dire que l'architecture est au coeur du projet, même si ce sont pour l'instant les questions de transports, d'infrastructures ou de relations avec les élus qui occupent le devant de la scène.

L'atelier du Grand Paris, voulu par le Président de la République et qui doit réunir dix équipes d'architectes, est en cours de création. Je passe un temps considérable avec ces équipes, et mon cabinet compte, en la personne d'Ann-Josée Arlot, une femme qui a toute leur estime et qui a une connaissance intime de l'architecture. De surcroît, j'ai obtenu de Christian Blanc et des architectes d'être en quelque sorte leur messager permanent et de plaider leurs dossiers. Le Grand Paris ne se fera pas sans eux. J'ai pu observer, au cours de mes visites dans les villes nouvelles, que le résultat était très différent selon que les architectes avaient pu peser ou non sur les décisions prises. J'observe à cet égard que les architectes français ont semé à travers le monde des oeuvres admirables.

Vous avez à juste titre rappelé les nobles sentiments qui animent le Conseil pour la création artistique, convenant que vous les partagiez. Connaissant Marin Karmitz depuis quarante ans, ce qui réduit les risques de frottements entre nous, je peux vous dire que c'est un homme remarquable, qui aurait fait un très bon ministre de la culture et de la communication ! Ce Conseil, fort d'autres personnalités remarquables et doté d'une enveloppe de dix millions d'euros, qui ne proviennent pas du budget de la culture, je le vois comme une boîte à outils permanente qui a pour vocation d'enrichir le fonctionnement de mon ministère. Pourquoi cela devrait-il me gêner ?

PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Je vous remercie d'avoir, en Italie, facilité mon travail de rapporteur pour avis des crédits de votre ministère. J'aimerais pouvoir en dire autant pour la France : en effet, la moitié des questions que j'ai posées à ce titre restent sans réponse à ce jour. La présente audition aurait aussi été facilitée si l'Assemblée nationale avait pu disposer du dossier de presse de présentation de votre budget, sinon le 2 octobre, en tout cas avant le 6 à 18 heures.

Je poserai deux questions sur le fonctionnement et le financement du Conseil de la création artistique.

En lieu et place des conseils qu'on pouvait en attendre, nous trouvons une série de dix actions. Elles constituent autant de contributions sans doute essentielles à la politique de votre ministère ; je pense à l'action visant à facilité l'accès de tous à l'art contemporain – voilà qui est révolutionnaire ! – ou à la création d'une école de cinéma dans une péniche…

Surtout, les exemples du Quartz ou de la Cité de la musique montrent que les financements du Conseil vont à ses membres. Il faut en être pour passer au guichet ! Peu de cas est ainsi fait des actions de médiation culturelle issues des initiatives, nombreuses, conduites dans les régions ; pourtant, comme j'ai pu le constater en Provence-Alpes-Côte d'Azur, beaucoup d'entre elles valent bien celles proposées par le conseil. La France ne se réduit pas à Paris et à sa banlieue. Indépendamment de la qualité des propositions – pour la Cité de la musique, elle est indéniable –, le fonctionnement du Conseil permet finalement à ses membres de « se servir avant de servir ». L'éthique aurait voulu que d'autres initiatives de médiation culturelle, notamment en faveur des banlieues ou des quartiers en difficulté situés hors de la région parisienne, puissent être prises. Les membres du Conseil pour la création artistique ne devraient pas pouvoir bénéficier de ses initiatives.

D'autre part, issu d'une initiative du Président de la République, pourquoi ce Conseil n'est-il pas financé par des crédits de la Présidence ? On sait certes qu'une partie des financements, notamment des actions en faveur de la jeunesse, proviennent du haut-commissariat aux solidarités actives. Il reste que l'Assemblée nationale souhaite que lui soient communiquées des informations extrêmement précises sur le coût de fonctionnement du Conseil pour l'année 2009, et sur les crédits dont il va bénéficier en 2010. Il paraît impossible qu'aucune des dix initiatives prises n'intéresse le ministère de la culture ; je souhaite connaître très précisément les volumes financiers mobilisés et les lignes budgétaires sur lesquels ils s'imputent.

Au total donc, on peut s'interroger sur l'utilité du Conseil pour la création artistique – ou sur celle de votre cabinet.

Chaque fois que des adjectifs ont été ajoutés au mot « culture », l'objectif a été soit d'assigner des objectifs à la culture, soit, la plupart du temps, de réduire la portée de ce concept. Mon avis est donc réservé sur la notion de culture sociale. Même si l'on peut légitimement travailler à diffuser la culture dans la société et lui assigner une fonction sociale, est-il besoin d'ajouter cet adjectif ?

Pour que la création vive, quelques moyens supplémentaires sont nécessaires. Avec un budget en augmentation de 0,4 %, comment les initiatives nouvelles que vous avez évoquées pourront-elles être financées ? Alors que la tendance n'est pas à l'augmentation des crédits, les charges supportées par les scènes nationales et les centres dramatiques nationaux augmentent de plus de 0,4 %. Je retiens de mes déplacements en région la diminution du nombre de compagnies ainsi que des subventions moyennes par compagnie. Cela m'incite à m'interroger sur certains de vos projets. Ainsi, à Paris, après avoir vendu, loué, puis, cette année, racheté la salle Pleyel, vous proposez la création d'une Philharmonie, pour un coût de 250 millions d'euros dont 120 pour l'État ; la charge de fonctionnement d'une structure, nous le savons tous, est d'environ 20 % de son coût. Affecter une partie des crédits de fonctionnement de la salle Pleyel à la Philharmonie ne suffira pas. Il manquera encore dix millions environ. Disposerez-vous de crédits supplémentaires ?

Malgré son aura, le festival d'Avignon ne bénéficie que d'un financement public et d'un budget très inférieurs à ceux de festivals de Salzbourg ou Athènes. L'ingéniosité de ceux qui le portent ne pourra pas toujours suppléer l'insuffisance des crédits nécessaires.

PermalienPhoto de Marie-Josée Roig

La participation financière de la ville y est identique à celle de l'État !

PermalienPhoto de Marcel Rogemont

D'autre part, l'examen des nominations auxquelles a procédé le ministère au fil des ans pourrait amener à penser que seuls les hommes ont la capacité de créer. Allez-vous travailler à ce que plus de femmes puissent diriger des centres dramatiques nationaux ou des scènes nationales ?

Comme vous, je constate que les salles sont pleines. Le Grand Théâtre de Provence compte 19 000 abonnés, le Théâtre national de Bretagne 12 500. Nombre de clubs de football souhaiteraient en dénombrer autant ! Pourtant, le Président de la République accrédite l'idée que la démocratisation de la culture serait en défaut. Je constate au contraire une grande insuffisance de salles, pour la musique contemporaine ou le théâtre par exemple. Allez-vous lancer un véritable plan pour compléter le réseau existant ?

Enfin, avec le remplacement des termes d'« éducation artistique » par ceux d'« éducation artistique et culturelle », la priorité va-t-elle passer de la pratique artistique à l'enseignement de l'art ? Ces deux objectifs sont totalement différents. Vous voyez bien, monsieur le ministre, que l'ajout d'adjectifs peut modifier les priorités.

PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Monsieur Rogemont, l'allusion à votre séjour à la Villa Médicis m'a fait plaisir.

Le budget du Conseil pour la création artistique – 10 millions d'euros pour 2010 – est financé en sus du budget de la culture, par abondement à partir du budget du Premier ministre.

Je ne peux laisser dire que les membres de ce Conseil se serviraient les premiers. Chacun d'eux, c'est vrai, s'intéresse d'abord à ce qu'il connaît le mieux. L'élaboration des dix projets n'est pas encore achevée. Quels que soient ceux que le Conseil décidera de privilégier, il sera tenu par les limites du budget qui lui est imparti.

Je ne puis non plus vous laisser dire que je délaisse les régions. L'attention que je leur porte ainsi que mes déplacements de cet été démontrent le contraire. Signant personnellement tous les parapheurs – le diable est dans les détails ! –, je surveille l'attribution de crédits aux opérations : j'ai ainsi rattrapé par exemple celle consacrée au canot de sauvetage d'Ouessant, abandonnée par l'administration comme si personne n'y avait lu Les travailleurs de la mer. Et j'ai longuement reçu les directions régionales des affaires culturelles. Le directeur adjoint de mon cabinet, Mathieu Gallet, a entrepris de toutes les visiter. Je ne crois pas qu'une démarche aussi systématique ait déjà été engagée. Ma porte leur est ouverte. Je suis leur activité avec précision. Je veux absolument disposer de comptes rendus précis du travail qu'elles accomplissent. Les régions, ce que l'on appelait autrefois la province, sont au coeur de mes préoccupations.

Je vous accorde que l'expression de « culture sociale » est une tautologie. Si je l'utilise, c'est que je veux que rien du champ de la culture n'échappe à l'attention du ministère.

Le projet de la Philharmonie est appuyé pour moitié par la ville de Paris. À aucun moment M. Delanoë n'a remis en cause cet apport. À nous, État, de trouver l'autre partie du financement. Nous recevons en ce moment les appels d'offre ; nous ne connaissons donc pas encore parfaitement le coût final mais il ne dépassera pas, bien sûr, les sommes que vous avez évoquées.

De plus, il n'est aucune capitale européenne sans une Philharmonie digne de ce nom. La France ne valorise sans doute pas comme elle le devrait l'extraordinaire offre musicale des orchestres français, ceux de Paris – ils sont quatre – ou des régions, à Lille, Toulouse… Tous attendent la Philharmonie. Lorsque, très récemment, j'ai assisté au quatrième bis de Daniel Barenboïm à la Philharmonie de Berlin, devant une salle comble, j'ai été extrêmement fier pour les Allemands qu'ils puissent offrir cela à leur public. Or si Berlin compte trois millions d'habitants, le Grand Paris en comptera 12. Même si la culture musicale est peut-être mieux enracinée en Allemagne, Paris peut bien avoir une Philharmonie.

Nous allons régler, très correctement et dans la transparence, le dossier de la salle Pleyel. Nous disposons déjà de demandes de location, pour un tarif très convenable, sans dégradation de la qualité de la salle. Ce loyer servira à compléter le budget de la Philharmonie. La personne chargée de sa préfiguration est remarquable. Nous devons être fiers de la qualité des agents culturels français, comme, exemples parmi d'autres, Henri Loyrette au Louvre, Guy Cogeval au Musée d'Orsay, Laurent Bayle pour la Philharmonie. Ils travaillent pendant de longues années sur les projets dont ils sont chargés ; ils doivent savoir que le ministre de la culture est à leurs côtés.

PermalienPhoto de Jean-Jacques Gaultier

Monsieur le ministre, vous parlez à juste titre de révolution numérique. Notre économie, notre société et notre culture en seront transformées. Cependant, la télévision numérique vaudra d'abord par les programmes qu'elle diffusera.

Notre commission vient d'examiner la proposition de loi relative à la fracture numérique. L'article 102 de la loi de 1986 relative à la liberté de communication, introduit par la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, a institué un fonds destiné à aider à s'équiper les foyers dégrevés de redevance audiovisuelle qui ne reçoivent aujourd'hui que la télévision en mode analogique. Ce fonds est abondé à hauteur de 90 millions d'euros.

Un décret en Conseil d'État est actuellement en cours d'élaboration pour l'application de cet article. Pouvez-vous nous en préciser la future teneur et la date de publication prévue ?

PermalienPhoto de Patrick Bloche

Monsieur le ministre, vous avez rappelé récemment que vous étiez le défenseur des artistes. À ce titre, ne jugez-vous pas épouvantable que le réalisateur toulousain José Chidlovsky, auteur d'un documentaire sur les sans-papiers, ait pu être convoqué dans le cadre d'une enquête préliminaire pour délit de solidarité ? Cette convocation vous amène-t-elle à considérer que c'est la France qui fait peur ?

Je vous lis et vous écoute avec beaucoup d'attention. Je sais tout de vos voyages, de vos visites, de vos goûts personnels, de votre agenda. Cependant, quatre mois après votre nomination, nous avons un certain mal à déterminer ce qu'est aujourd'hui la politique culturelle de la France. Aujourd'hui, le ministère de la culture peut-il survivre à la révision générale des politiques publiques ? Cinquante ans après sa création, l'année 2009 sera-t-elle celle de son anniversaire ou de son enterrement ?

Où en est le plan de relance pour le spectacle vivant annoncé par M. Nicolas Sarkozy ? Les crédits pour ce secteur vont augmenter dans la modeste proportion de 0,4 %.

Quelle est la situation du dossier de l'intermittence ? Le budget de votre ministère va encore contribuer cette année au comblement du déficit à hauteur de 900 millions d'euros.

Par la voix de son président, Canal Plus annonce vouloir préparer le cinéma à des temps plus difficiles, les accords liant le secteur à son principal bailleur de fonds arrivant à échéance. Le modèle en place depuis 25 ans arrive sans doute à son terme, et la télévision financera de moins en moins le cinéma. Cette évolution vous amène-t-elle à réfléchir à un nouveau modèle de financement pour celui-ci ?

Considérez vous qu'une somme de dix millions d'euros est suffisante pour abonder un fonds de mutualisation en faveur de la production audiovisuelle, mise à mal par la baisse des investissements de certaines chaînes privées ? L'audition de M. Patrick de Carolis vient de montrer à quel point le service public est désormais essentiel à la fiction française.

Dans une certaine mesure, vous assurez la tutelle de la télévision et de la radio publiques. Qu'avez-vous à dire aux 206 salariés de RFI menacés de licenciement ? En pleine crise économique et sociale, RFI est la seule entreprise publique à licencier. Après la suspension du plan social de RFI par la Cour d'appel de Paris, M. de Pouzilhac vient de déclarer que celui-ci n'est pas remis en cause et Mme Ockrent qu'elle espère que RFI pourra se remettre au travail.

Vos réponses aux questions posées sur l'AFP sont des réponses d'attente. La seule question utile à poser aujourd'hui est moins celle du futur statut de l'agence – étatisation ou privatisation –, ou celle de son modèle économique, que celle du calendrier. Vous avez demandé un peu de temps ; peut-on espérer que rien de dommageable n'arrivera à l'AFP en 2009 ?

Enfin, mais cette remarque est pour le fun, j'ai lu que le budget de la HADOPI allait être diminué de 20 % en 2010. C'est sans doute la seule disposition qui puisse nous agréer.

PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Monsieur Bloche, cette dernière remarque me rappelle que vous conservez vos grandes ressources d'humour. J'en suis très content pour vous.

Je trouve particulièrement insupportable la perversité de la question relative à M. Chidlovsky, telle qu'elle est posée.

PermalienPhoto de Patrick Bloche

La perversité est dans les propos que vous avez tenus. Venant d'un ministre de la République française, ils m'ont atterré. Ma question n'est en rien perverse. Je vous demande de retirer vos propos.

PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Elle est totalement perverse. Dans le contexte actuel, je refuse d'y répondre.

PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Tout ce que j'ai pu expliquer lors de la conférence de presse de présentation de mon budget atteste, je crois, qu'il n'est pas question d'enterrer ce ministère, et démontre le caractère totalement partisan de la présentation que vous faites de la RGPP.

L'échange pénible que nous venons d'avoir fait que j'ai du mal à surmonter mon émotion…

PermalienPhoto de Patrick Bloche

Il faut éviter de créer les conditions qui permettent d'interpeller.

PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Je n'ai pas à recevoir de leçons de votre part.

PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

A propos du plan de relance du spectacle vivant, une rencontre entre le Président de la République et des acteurs de ce secteur a eu lieu. Des pistes ont été explorées. L'augmentation de l'enveloppe générale, de 0,4 %, est, je le reconnais, relativement modeste. Cependant, dans un contexte général où de nombreuses institutions culturelles, de même que d'autres secteurs de l'économie, sont confrontées à la rigueur des temps, ce budget me paraît aussi équilibré qu'il devait l'être, étant entendu que les difficultés de la presse appelaient un effort notable.

S'agissant des dix millions d'euros du fonds de mutualisation, France Télévisions a, je pense, un rôle particulièrement important à jouer. Il s'agit d'un premier pas, qu'il convenait de faire. Tout est cependant ouvert. Si l'expérience montre que l'effort n'est pas suffisant, nous continuerons dans la voie où nous nous sommes engagés.

Personne ne conteste le rôle essentiel de RFI. Cependant, une inflexion s'impose quant à ses modalités. En Afrique, il s'est encore élargi et développé. En revanche, dans d'autres pays d'Europe, il a perdu en importance. Pour l'avoir vécue de l'intérieur, je connais bien la situation de RFI. Cette société connaît pour le moins des difficultés d'organisation générale. Les dirigeants de l'audiovisuel extérieur en charge du dossier étudient avec les organisations syndicales concernées le plan social qu'ils souhaitent mettre en oeuvre. Celui-ci prévoit aussi le développement des interventions en langues vernaculaires, ainsi que l'ouverture d'une trentaine d'emplois supplémentaires pour faire face aux défis de la modernité. Je laisse ces dirigeants travailler. Si le tribunal administratif considère que tel ou tel aspect du plan est à revoir, c'est à eux de s'en préoccuper.

En ce qui concerne l'Agence France Presse, il ne faudra pas trop attendre. Un schéma d'options sera élaboré dans les trois mois. Je me ferai un plaisir de vous le présenter.

Je ne connais pas la date à laquelle entrera en vigueur la disposition relative au fonds d'aide pour les personnes en difficulté qui seraient affectées par le passage à la TNT. Mais la mesure ne sera pas remise en cause. J'y veillerai très attentivement. Nombre de personnes ont peur des changements induits par Internet ou la TNT, mais il est inadmissible que certains soient laissés au bord de la route. Pour l'éviter, je travaillerai en lien étroit avec la secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique.

PermalienPhoto de Xavier Breton

Un bilan de la politique de gratuité des musées pour les enseignants et les jeunes de 18 à 25 ans, ainsi que de son extension aux jeunes étrangers, peut-il être établi ? Cette politique est-elle appelée à être élargie à d'autres publics ?

PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Le concept de gratuité doit être traité avec attention et prudence. Si tout devient gratuit, plus rien n'a de valeur ! Un large régime d'exceptions doit néanmoins être prévu : la culture est un droit. Enfin, la lutte contre l'intimidation sociale est pour moi un principe essentiel. La gratuité en faveur des moins de 26 ans a eu immédiatement un effet positif. Le nombre de visiteurs supplémentaires dans les musées est estimé à 800 000 depuis avril. L'extension du dispositif aux jeunes étrangers vivant en situation régulière me semblait parfaitement légitime. Il n'est pas convenable que les membres d'un groupe d'amis qui visitent un musée soient soumis à des règles différentes. A l'étranger, j'ai moi-même été victime d'un tel traitement et je l'ai trouvé inacceptable. C'était d'ailleurs toujours dans des pays totalitaires.

PermalienPhoto de Marie-Odile Bouillé

Vous parlez avec volontarisme de l'éducation artistique et culturelle à l'école. Cependant, limiter cette éducation à l'histoire de l'art, ou des arts, serait insuffisant. Le rapport à l'oeuvre, à l'artiste ou au patrimoine relève d'une autre démarche.

De plus, aujourd'hui, force est de constater que ce volontarisme est plutôt l'affaire des enseignants et des collectivités locales. De ce fait, nombre d'enfants sont privés de ce rapport à l'oeuvre et aux artistes.

Je m'associe aussi à la demande de notre collègue Patrick Bloche d'un point sur le dossier très brûlant des intermittents du spectacle.

Enfin, quel sera l'avenir des scènes labellisées ou conventionnées ? Il a été question de réforme, voire de suppression.

PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Le chantier de l'éducation artistique à l'école est un chantier immense mais essentiel. Il faut d'abord fixer le sens des termes « éducation artistique » : histoire de l'art – ou des arts –, ou pratique de la musique et du dessin ?

L'enseignement de la pratique de la musique et du dessin est indispensable. Il doit être conforté ; les professeurs de musique ou de dessin ne doivent pas avoir l'impression d'enseigner une sorte d'activité ludique complémentaire. L'existence d'agrégations de musique et de dessin contribue à la considération de ces enseignements. Ceux-ci doivent être particulièrement sécurisés comme parties intégrantes de l'enseignement général.

L'histoire de l'art – ou des arts –, qui doit venir compléter l'enseignement général, ne se confond pas avec la pratique de la musique ou du dessin. Personnellement, alors que j'ai consacré beaucoup de temps à améliorer mes connaissances en histoire de l'art, je dessine très mal et je ne joue pas de musique. J'ai amèrement regretté que l'histoire de l'art ne m'ait pas été enseignée à l'école. La création d'une filière d'histoire de l'art nécessite la valorisation de cette matière au sein du corps enseignant. Nous commençons juste à emprunter ce chemin. Je regrette en particulier l'absence d'une agrégation d'histoire de l'art.

Les scènes labellisées gagnent ou perdent leur label en fonction de leur travail. Il n'y a pas de raison de revenir sur ce dispositif.

La situation actuelle du dossier des intermittents pourrait être qualifiée de tranquillité inquiétante. Je le sais, la question de fond n'est pas réglée et cette période de bonace aura une fin. Des discussions difficiles nous attendent sur les annexes de la convention. Là aussi, je vous demanderai un peu de temps car je souhaite faire des propositions à l'ensemble des parties concernées. Mais je suis bien conscient qu'on ne peut faire preuve d'insouciance.

PermalienPhoto de Christian Kert

J'ai beaucoup apprécié la liberté de ton dont vous avez fait preuve pour donner votre position de ministre sur l'affaire Roman Polanski.

PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Peut-être y ai-je mis trop d'émotion. Une conversation téléphonique avec l'épouse de Roman Polanski, une heure plus tôt, m'avait ému.

Ma position est exactement résumée par l'entretien que j'ai donné au Figaro. Si aucun artiste n'est au-dessus des lois, aucun n'est non plus au-dessous. Etre un très grand artiste, de notoriété internationale, d'une capacité de création admirable, entraîne aussi pour Roman Polanski une appréciation très vive de son statut et un danger de lynchage médiatique.

PermalienPhoto de Christian Kert

Je voudrais aussi vous remercier d'avoir confié une mission très importante à M. Michel Colardelle. C'est une justice que vous rendez à ce grand conservateur qui a guidé les premiers pas du MUCEM avant d'en être écarté.

Notre collègue Mme Muriel Marland-Militello souhaitait vous poser trois questions. Je me ferai ici son porte-parole.

Le monde des arts plastiques semble redouter de pâtir financièrement de son regroupement dans une direction unique avec le spectacle vivant. Pouvez-vous le rassurer ?

Dans un rapport sur l'enseignement artistique paru l'an dernier, notre collègue souhaitait qu'au ministère de la culture, les fonds consacrés aux actions dans ce domaine soient regroupés au sein d'un budget spécifique. Tel n'est pas aujourd'hui le cas. Est-ce envisagé ?

Enfin, elle souhaitait vous demander si vous envisagez de renforcer les moyens déconcentrés auprès des DRAC, au contraire de ce qui se fait en réalité depuis plusieurs années.

PermalienPhoto de Monique Boulestin

En réduisant de six à trois le nombre des directions du ministère de la culture, vous programmez la suppression de la direction du livre et de la lecture. Or, nous savons tous combien elle a contribué au développement du réseau français de lecture publique, notamment grâce à l'ouverture de treize bibliothèques municipales à vocation régionale. Ce réseau a permis à de jeunes publics non captifs d'avoir accès à de véritables pratiques culturelles et de construire ainsi leurs repères. La création d'une nouvelle « direction des médias et des industries culturelles » nous fait craindre le passage d'un contexte de création artistique et de diffusion de la culture pour chacun, selon l'expression que vous avez employée, à celui d'une économie marchande. Même symbolique, ce changement paraît très inquiétant.

Enfin, vous avez indiqué vouloir travailler à restaurer et à valoriser le patrimoine. Pourriez-vous peser auprès du ministre de l'éducation nationale en faveur de la création de nouveaux diplômes, allant du CAP au BTS, dans le secteur des métiers d'art ? Nombre de ces métiers – tapisserie, reliure, émaillage – disparaissent. L'organisation de leur transmission est nécessaire.

PermalienPhoto de Patrick Roy

J'ai bien entendu votre souhait, monsieur le ministre, d'une culture pour chacun. Je le partage d'autant plus que, depuis de nombreuses années, une véritable chape de plomb recouvre certains genres culturels, rejetés et méprisés. Parmi eux figure une musique partagée par des milliers de personnes, le rock métal.

En vous écoutant évoquer vos déplacements de cet été dans les grands festivals, j'ai pu me rendre compte que vous ne vous êtes pas rendu au Hellfest, le festival de référence pour le rock métal en France, qui se tient pendant trois jours près de Nantes. Certes, vos prédécesseurs ne s'y rendaient pas non plus… Peut-on imaginer que le rock métal sorte de cette situation ?

PermalienPhoto de Marc Bernier

Ce sont le plus souvent les collectivités locales qui assument les charges de la formation artistique et culturelle. Je vous ai du reste écrit pour mettre en valeur le travail très concret qu'elles effectuent, notamment dans les territoires ruraux.

En tant que rapporteur pour avis sur les patrimoines, j'ai centré mon travail sur le handicap. J'aurai l'occasion de m'exprimer sur les conditions d'application de la loi du 11 février 2005 dans les monuments historiques, privés et publics.

La télévision, avez-vous dit, est un formidable outil de transmission de la culture. La France dispose d'archives considérables d'émissions passionnantes sur le patrimoine. Ces émissions ne sont souvent diffusées qu'une seule fois. Or elles constituent une richesse historique, sociologique et culturelle immense. Beaucoup de nos concitoyens seraient sans doute heureux de les regarder de nouveau. Pensez-vous, monsieur le ministre, qu'une chaîne exclusivement vouée à la culture et au patrimoine pourrait avoir sa place parmi les chaînes de la TNT ? Cela la rendrait accessible au plus grand nombre.

Enfin, le rapporteur pour avis que je suis n'a pour l'instant reçu que 32 réponses aux 71 questions qu'il a posées par écrit à votre ministère.

PermalienPhoto de Françoise Imbert

Le dispositif du prix unique du livre a fait largement ses preuves depuis 1981 : il a notamment permis l'ouverture de nouvelles librairies, très diverses, impliquées dans la vie locale, et sachant donner leur chance à de nouveaux auteurs. Or le rapport Attali l'a mis en cause, au motif qu'il gênerait la croissance et la création d'emplois. En 2008, lors de l'examen du projet de loi de modernisation de l'économie, un amendement parlementaire réduisant de deux ans à six mois après la parution le délai durant lequel les soldes de livres sont interdits a fort heureusement été rejeté.

Tout en affirmant son attachement au prix unique du livre, votre prédécesseure envisageait une nécessaire modernisation. Le 30 septembre un rapport vous a été remis sur l'économie du livre et son avenir. Pouvez-nous nous rassurer sur le fait que la déréglementation n'est pas à l'ordre du jour dans ce secteur ?

PermalienPhoto de Jean-Philippe Maurer

Vous avez utilisé l'expression de culture sociale. Ne pensez-vous pas que la culture reste toujours une façon de rester « entre soi » ? Vos objectifs ne pourraient-ils pas inclure celui d'être le ministre du décloisonnement social ? Mettre la culture sur le chemin de nos concitoyens, pour embellir et réenchanter leur quotidien, est moins une affaire de moyens que d'état d'esprit. Le bilan de la gratuité de l'entrée dans les musées fera probablement apparaître que le surcroît de fréquentation n'a pas pour origine un public différent de celui qui a déjà l'habitude de les fréquenter.

PermalienPhoto de Martine Martinel

Pour des raisons financières, la prestigieuse agence de photojournalisme Gamma, fondée en 1966 par Raymond Depardon, risque la disparition, et ses 32 photographes le licenciement. Envisagez-vous d'agir pour sauver ces emplois et le savoir-faire mondialement reconnu du photojournalisme français ?

Le forfait reproché à José Chidlovsky est d'avoir réalisé un documentaire sur les sans-papiers et logé une jeune fille menacée d'une obligation de quitter le territoire français. Sa famille habite la circonscription dont je suis l'élue. Cette jeune fille répond aux critères fixés par la République pour être intégrée et se voir délivrer des papiers. J'étais moi-même présente lors de son audition par la police de l'air et des frontières. En tant que défenseur des artistes, ne pourriez-vous pas user de votre influence ? M. Chidlovsky n'a commis aucun forfait qui bafouerait les valeurs de la République.

PermalienPhoto de Martine Faure

L'article 75-1 de la Constitution dispose que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». Mme Albanel avait annoncé la présentation d'un projet de loi traitant du statut des langues de France dans les médias, l'enseignement, la culture et les services publics. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur son état d'avancement ? Quelles sont vos intentions pour la mise en valeur des langues de France ?

PermalienPhoto de Michel Françaix

Pressé par le temps, je n'interrogerai que le ministre de l'écrit. Faisant partie du groupe de travail sur les états généraux de la presse écrite, je dois constater l'important décalage entre les propositions faites et les actions conduites.

Certes, le montant des subventions à la presse écrite va être nettement accru. Nombre d'inquiétudes ne sont pas tout à fait justifiées. En revanche, les aides traitent de façon identique l'ensemble de la presse. Or il n'y a pas une, mais des presses. L'aide devrait privilégier le lecteur citoyen par rapport au lecteur consommateur. Un même engagement financier, réparti différemment, pourrait sans doute aider à revivifier les quotidiens et les hebdomadaires français. Pour vous le prouver, je pourrais esquisser des propositions, par exemple en matière de poste ou de TVA. Travailler sur la distribution, les kiosques, les imprimeries est bien sûr important, mais il faut d'abord traiter l'essentiel. Je voudrais être sûr de votre analyse.

PermalienPhoto de Valérie Fourneyron

Monsieur le ministre, quelle est votre position sur la réforme des collectivités locales et la clause de compétence générale pour ce qui regarde le secteur de la culture ? Les collectivités interviennent de multiples façons dans le domaine culturel ; or les structures contractualisées, et donc les – nombreux – établissements publics de coopération culturelle (EPCC), sont exclues de la réflexion actuellement conduite.

Mon deuxième point concerne le financement de l'enseignement artistique. Les contribuables locaux y consacrent beaucoup de ressources, surtout pour les écoles supérieures d'art, de théâtre, de musique et de danse.

Nous nous réjouissons des moyens supplémentaires inscrits cette année en faveur du patrimoine ; ils étaient attendus. L'affectation, dans le cadre du plan de relance, de 100 millions d'euros à ce secteur, dont une partie pour les petites communes et 70 millions pour les monuments historiques d'envergure – des monuments de la ville dont je suis maire ont pu en bénéficier – est une vraie satisfaction. Cependant, le maintien d'une dotation annuelle de 400 millions d'euros est le minimum nécessaire pour engager la politique d'entretien et de restauration qui nous manque tant et depuis si longtemps. Pouvez-vous nous assurer que cette dotation sera pérennisée et que les gels de crédits, auxquels nous ne sommes que trop habitués, épargneront ce domaine ? Enfin pourriez-vous faire le point sur les transferts de maîtrise d'ouvrage déjà effectués par l'État et leur apparente accélération ? Comment, dans l'avenir, les évaluations de ces premiers transferts pourraient-elles se combiner avec des évaluations partagées ?

PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Monsieur le ministre, nous sommes conscients que l'heure est très avancée.

PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Si, pour des raisons, non pas d'appréciation politique divergente mais de trop grande brièveté, l'une de mes réponses devait être jugée insatisfaisante, je serais très content de la préciser par écrit.

Il ne sera pas touché aux crédits de 400 millions d'euros annuels prévus en faveur du patrimoine.

En matière de maîtrise d'ouvrage, deux institutions ont été réunies, l'EMOC (Etablissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels) et le SNT (Service national des travaux). Le travail suit son cours dans de bonnes conditions, sans difficultés à l'intérieur des deux structures. Le nouveau patron, M. Christophe Vallet, est tout à fait expérimenté. L'efficacité devrait être au rendez-vous.

J'ai réagi avec force dans l'affaire des pouvoirs des architectes des bâtiments de France. Une commission, dont le rapporteur général est M. Thierry Tuot, a été mise en place. La remise de ses résultats devrait permettre des évolutions intéressantes.

J'attache la plus grande importance au financement de l'enseignement artistique et je veillerai à ce qu'il demeure sécurisé.

J'attends de savoir ce qui résulte de la mise en oeuvre des propositions de la commission Balladur sur la réforme des collectivités territoriales et je présenterai le moment venu la position que je souhaite prendre.

Monsieur Françaix, vous avez raison sur un point. Le lecteur doit être mis au coeur de la deuxième étape de la politique vis-à-vis de la presse.

Le photojournalisme n'est ni le reportage, ni le journalisme. C'est une activité essentielle. Pour simplifier, c'est ce que la haute couture est à la mode, le laboratoire où se forme un type de communication artistique particulier. Les professionnels de ce métier doivent pouvoir partir six mois, pour ensuite présenter un travail ne ressemblant à aucun autre. Tout à coup, la vision subjective de l'artiste apparaît, ainsi qu'un véritable dialogue sur un événement historique. Il y a vingt ans, j'ai moi-même réalisé un film sur l'agence Rapho.

J'étudie les moyens de créer une sorte de caisse de compensation permettant d'aider les photojournalistes et de servir d'agence pour leur trouver des débouchés supplémentaires. La crise de la presse ravage ce métier ; seuls le Figaro-Magazine, Géo et quelques rares revues y ont aujourd'hui recours. Le scepticisme sur l'avenir de ce métier est généralisé. Il faut une énergie farouche pour faire comprendre que le photojournalisme n'est pas mort, et qu'il fait partie intégrante du paysage culturel français ; je vais le défendre.

Le cas de l'agence Gamma est cependant particulier. L'une des raisons de la crise du photojournalisme est aussi l'enkystement de certains comportements ; les coûts administratifs de certaines agences sont devenus trop importants par rapport à ceux des journalistes. Il n'est pas exclu – je n'ai pas étudié ce point à fond – que la situation de l'agence Gamma soit due à l'action conjuguée de la crise générale du métier et d'une situation spécifique où la gestion n'aurait peut-être pas été suffisamment efficace. Je vais recevoir très prochainement les photographes de l'agence Gamma. J'ai déjà rencontré quelques-uns d'entre eux.

La pratique culturelle peut être collective : les spectateurs d'un film drôle rient à la fois ensemble et seuls. Un spectacle peut aussi être partagé avec des amis chers. Mais la pratique culturelle relève également de l'ordre de l'intime : écoute individuelle de musique, lecture d'un livre. Il ne faut pas qu'une pratique particulière soit privilégiée par rapport à une autre. L'une de mes ambitions est que l'ensemble des personnes aux pratiques culturelles modestes, celles qui chez elles jouent de la musique ou peignent, qui ne seront jamais de grands maîtres mais trouvent dans leur art un moyen d'expression personnel, seules, en famille ou même dans des institutions, se sentent valorisées. Je recherche en ce moment l'institution, le label, les concours, le mouvement qui permettra à chacune d'entre elles de se dire qu'elle n'est pas seulement un peintre du dimanche mais qu'elle essaie d'exprimer quelque chose à quoi elle tient. Les pratiques culturelles personnelles doivent être autant valorisées que celles qui sont reconnues par la collectivité.

Ne vous inquiétez pas, le prix unique du livre reste sanctuarisé. En revanche, la question du prix futur du livre numérique est posée. Nous travaillons à ses modalités de fixation. Nous sommes en train d'aboutir.

Je partage tout à fait l'idée que la télévision est un moyen de soutien de la culture et de révélation du patrimoine. Vous vous souvenez bien sûr de ces émissions extraordinaires sur les chefs-d'oeuvre en péril, il y a vingt-cinq ans. Des émissions de ce type doivent de nouveau être réalisées. Il faut persuader le service public de le faire. Lors de mon passage à TV5, j'avais mis en place de tels programmes. Ils avaient beaucoup de succès.

Je tiens à assurer le financement de la formation artistique comme celui des autres actions. En revanche je ne peux encore vous donner une réponse précise au regard des enjeux auxquels il faut répondre. La France comporte trente écoles d'architecture. Une centaine d'écoles d'enseignement artistique dépendent directement du ministère de la culture. J'ai le projet de tout remettre à plat.

Je ne connaissais pas l'existence du festival Hellfest. J'en suis désolé, cela m'a manqué. Mais l'opérette aussi est ignorée en France ; j'en suis un grand amateur ; Benoît Duteurtre a montré le caractère remarquable de ce genre musical. Il ne s'agit cependant pas d'opposer opérette et rock métal ; j'ai été initié au rock métal à France Culture, par l'un de mes assistants qui en était un fanatique amateur. Monsieur Roy, dites-moi où se déroule ce festival : j'irai !

L'un des membres de mon cabinet est désormais spécialement chargé des métiers d'art. Nous souhaitons revaloriser cette filière. Dès la semaine prochaine, nous allons rencontrer M. Hervé Novelli, dont ce secteur dépend également. Il faut remettre en valeur les diplômes de métiers d'art, voire, dans certains domaines, en créer. Des formules anciennes, dont celles des compagnons ou du concours de meilleur ouvrier de France, doivent être également revalorisées. Obtenir le titre de meilleur ouvrier de France, après s'être formé avec un maître, est un motif de fierté légitime.

Monsieur Kert, je suis ravi que vous partagiez le jugement que je porte sur M. Colardelle.

Nous allons réfléchir aux moyens d'identifier les crédits destinés à l'éducation artistique.

Le budget des DRAC ne sera pas réduit. Les DRAC savent quelle importance j'attache à leur travail. En revanche, il n'est pas exclu de modifier la répartition des crédits entre elles. Que les DRAC de la Martinique ou de la Guadeloupe ne disposent que de 4 millions d'euros, soit vingt fois moins que d'autres, est pour moi insensé.

Madame Boulestin, vous avez raison. L'intitulé de la nouvelle direction générale des médias et des industries culturelles répond à l'importance de l'un et de l'autre secteur : que faire sans les industries culturelles ? Cependant, votre objection selon laquelle une dénomination aussi technique ne convient pas à une structure qui inclura aussi la lecture et le livre mérite tout à fait d'être retenue.

Enfin, je ne connais pas encore suffisamment bien la question des langues de France. Tout juste ai-je acheté un dictionnaire de platt. Disposant d'attaches à Sarreguemines, je souhaite en effet apprendre cette langue. Une commission a été créée, le Premier ministre va proposer des décisions. Je reviendrai alors vers vous.

PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Monsieur le ministre, merci d'avoir consacré plus de deux heures à répondre à nos interrogations et de nous avoir fait part de vos projets.

La séance est levée à treize heures quarante-cinq.