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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Séance du 20 février 2008 à 9h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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Le Président Didier Migaud a souhaité la bienvenue aux nombreux participants à la table ronde sur la politique des sociétés d'autoroute et son contrôle par l'État, organisée par la commission des Finances afin de donner une suite à la publication, le 6 février dernier, dans le rapport de la Cour des comptes, d'une insertion relative aux péages autoroutiers. Cette question, dont le caractère sensible a été souligné par M. Hervé Mariton dans son rapport spécial pour 2008 sur les crédits des transports terrestres, avait déjà fait l'objet de critiques de la Cour dans un rapport particulier transmis le 31 juillet 2007.

Cette table ronde devrait être l'occasion de clarifier plusieurs questions – celle des conditions de la privatisation devant vraisemblablement faire l'objet d'une réunion particulière, même si elle rejoint par certains aspects le débat d'aujourd'hui : l'évolution des tarifs de péages autoroutiers ; leur mode de fixation, critiqué par la Cour pour son opacité et son manque de cohérence économique ; l'adossement, enfin, car le contexte juridique du financement de l'extension du réseau par une fraction des tarifs de péage a changé.

Après la controverse ouverte par la Cour des comptes sur les tarifs de péage – dont M. Descheemaeker indiquera d'abord les conclusions auxquelles celle-ci est parvenue –, sera ensuite envisagée la politique d'investissement que les sociétés d'autoroute entendent conduire, en particulier dans une perspective de développement durable, qui est celle du Grenelle de l'environnement.

PermalienChristian Descheemaeker

, Président de la 7ème chambre de la Cour des comptes, a rappelé que l'insertion du 6 février avait notamment été précédée par la transmission d'un référé et d'un rapport sur la société Escota, en 2006, et sur la société ASF, en 2007.

Le lien, complexe, entre le péage et le coût de l'autoroute, a été établi depuis 1955. Il a été confirmé par la loi de 1982 d'orientation des transports intérieurs et dans la directive « Eurovignette » de 1999, modifiée en 2006, mais il s'est distendu du fait de l'adossement, c'est-à-dire le financement des nouvelles autoroutes par les péages des anciennes.

Les critiques de la Cour tiennent au fait que le système est économiquement incohérent, d'une part, et est devenu trop favorable aux concessionnaires, d'autre part.

Sous l'apparente rigueur des formulations mathématiques, le mécanisme tarifaire comporte des défauts de conception. Le taux kilométrique moyen d'une section de référence - le TKM –, défini par le cahier des charges, fait intervenir plus souvent les tronçons centraux que les tronçons terminaux. Seul le taux kilométrique moyen du réseau prend en compte, par une pondération, les trafics des différentes sections de référence. Il n'y a pas de limitation d'écart entre les hausses des tarifs de péage appliquées à deux sections différentes. Les concessionnaires sont libres de concentrer les hausses de péage et les tarifs élevés sur les tronçons ou les trajets les plus fréquentés.

Un même tronçon peut être facturé à un usager à un prix pouvant varier de 1 à plus de 10 selon le trajet qu'il effectue. Le calcul montre qu'un tronçon peut se révéler gratuit et même avoir un tarif négatif – mais l'usager ne s'en apercevra jamais au péage. En sortant à Amiens ouest plutôt qu'à Amiens nord, le conducteur venant de Boulogne paye moins cher en dépit d'un trajet plus long. Aussi la Cour des comptes déplore-t-elle, en dépit parfois d'explications historiques, un système économiquement incohérent, depuis fort longtemps il est vrai, illogique et incompréhensible pour l'usager faute d'information suffisante.

Le système est également devenu trop favorable aux concessionnaires. Les hausses de tarifs homologuées par la direction générale des routes ont été en moyenne supérieures à l'inflation. C'est seulement en 2007, après des décennies de relations endogamiques de l'État avec les sociétés d'économie mixte concessionnaires, que des discussions serrées ont eu lieu sur les tarifs.

Le décret du 25 janvier 1995 assure aux concessionnaires une hausse des tarifs de péages égale à 70 % de l'inflation, garantie portée à 85 % dès lors qu'un contrat d'entreprise a été signé. La Cour critique cette indexation non conforme à la politique de désindexation des prix. En outre, ces taux excèdent la part des charges récurrentes susceptibles d'évoluer avec l'inflation, cette part étant plus proche de 30 % des coûts totaux d'une concession, tandis que les remboursements d'emprunts n'ont pas de raison d'être indexés sur les prix à la consommation. De plus, tout nouvel investissement est compensé aux concessionnaires, en particulier par des compléments de hausses tarifaires. La Cour donne cependant volontiers acte du changement d'attitude tout récent de la direction générale des routes intervenu à l'automne dernier, lors de la détermination des hausses.

Outre ces critiques, la Cour relève des abus. D'une part, les sociétés concessionnaires font porter les principales hausses sur les trajets les plus fréquentés, si bien que les recettes effectives tirées des péages croissent plus rapidement que les hausses accordées et sont supérieures, au kilomètre parcouru, aux tarifs moyens affichés. D'autre part, les sociétés utilisent, ce que nient certaines, la pratique du « foisonnement », que la direction des routes appelle pudiquement « optimisation des tarifs de péage ». La Cour remarque cependant que le ministère a compensé le foisonnement pratiqué en 2006 et 2007 en réduisant à due concurrence les hausses accordées. En tout cas, l'affaire du foisonnement le prouve : ce n'est pas parce que le dispositif des péages autoroutiers est de nature surtout contractuelle que la remise en cause de ses modalités d'application implique nécessairement une compensation financière.

La logique voudrait, au moins pour les autoroutes anciennes, amorties en grande partie, que les péages diminuent. Pour autant, la Cour ne le préconise pas, consciente des risques d'une telle incitation sur le plan de l'environnement comme sur celui de la congestion du réseau. Entre la somme que l'usager continue à payer et la recette de la société concessionnaire, un prélèvement peut exister, la baisse de recette de cette dernière étant compensée par de moindres coûts.

La Cour a souhaité faire passer un message nuancé en formulant les recommandations suivantes :

– définir une procédure de consultation de personnalités qualifiées et des usagers avant que les administrations compétentes prennent leurs décisions relatives aux péages ;

– imposer la publicité, au moins sur Internet, des tarifs réels au kilomètre ;

– publier sous la responsabilité des services de l'État, un rapport annuel sur l'évolution des péages autoroutiers et sur les raisons qui l'expliquent ;

– sanctionner les concessionnaires qui ne fournissent pas les éléments d'information nécessaires au suivi de la concession par les pouvoirs publics ;

– réexaminer l'indexation minimale des péages sur 70 ou 85 % de l'inflation et étudier la réforme du décret de 1995 ; dans l'immédiat, examiner avec plus de rigueur les hausses proposées par les sociétés ;

– étudier la possibilité, dans le respect des engagements pris par l'État, de clarifier le système de détermination des péages autoroutiers, remise en ordre qui aurait d'ailleurs dû intervenir avant les privatisations. Pour autant, la Cour ne souhaite pas une simplification, ce qui serait une vue de l'esprit, mais une clarification afin que le système, s'il reste compliqué, ne soit plus incohérent et incompréhensible.

Le Président Didier Migaud ayant demandé si prévoir de sanctionner les concessionnaires signifiait que les éléments d'information nécessaires ne sont pas toujours donnés, M. Christian Descheemaeker a répondu par l'affirmative.

PermalienPatrice Parisé

, directeur général des routes, a d'abord tenu à indiquer, s'agissant de la communication d'informations, que les cahiers des charges ont précisément été renforcés sur ce point lors de la privatisation avec un dispositif de pénalités, et que les sociétés ont toutes fourni les renseignements demandés par la direction générale des routes dans le cadre des vérifications très approfondies que celle-ci a effectuées courant 2007.

Les critiques adressées à la direction générale des routes sont nombreuses, mais elles sont pour la plupart très excessives. Elles visent à la fois le système lui-même, qui serait mal conçu et mal régulé, et l'inaction ou la complaisance de l'administration, qui n'aurait pas pris les précautions nécessaires au moment de la privatisation pour protéger les usagers, ce qui sous-entend que les tarifs ont augmenté du fait de cette privatisation.

Pour ce qui est des critiques adressées au système lui-même, il convient de revenir sur l'adossement et sur la façon dont les tarifs sont fixés.

L'adossement, technique à laquelle on doit notre réseau actuel, a consisté à confier aux concessionnaires historiques la réalisation de nouvelles sections en contrepartie, d'une part, d'une augmentation des tarifs sur le réseau déjà en service et, d'autre part, d'un allongement de la durée des concessions. La Cour s'est étonnée du fait que, en dépit de la fin de l'adossement, la baisse des péages n'ait pas eu lieu. C'est oublier que si l'État dispose d'un droit unilatéral de modification des contrats à raison d'une compensation, il devrait alors, soit verser des subventions aux concessionnaires pour compenser la baisse sur les sections dites amorties, soit augmenter fortement les péages sur les sections non encore amorties.

La fin de l'adossement à la fin des années 90, a répondu à la nécessité, d'une part, de se conformer aux règles de la concurrence, en ne donnant pas aux opérateurs historiques une position dominante et, d'autre part, de ne pas favoriser le transport routier par le développement endogène du réseau. L'adossement n'était d'ailleurs pas illégal à l'origine. S'il est exact que le lien se distend entre le péage et le coût, on ne peut cependant en déduire une incohérence du système de l'adossement, le péage étant un péage de réseau plutôt que de section.

S'agissant des tarifs, ni l'État ni les sociétés n'ont le pouvoir de les fixer unilatéralement. Les concessions anciennes comprennent une partie fixe, égale à 70 % de l'inflation, et une partie variable déterminée par période quadriennale dans le cadre des contrats d'entreprise, directement corrélée aux investissements demandés – un élargissement ou un échangeur, par exemple, travaux qui ne tombent pas sous le coup de l'interdiction de l'adossement. Il n'est donc pas anormal, dans ces conditions, que l'évolution des tarifs s'éloigne du niveau de l'inflation avec cette seconde partie qui dépend des investissements à réaliser. Ce défaut de parallélisme entre inflation et tarifs explique d'ailleurs également que des hausses de tarif soient différentes d'une société à l'autre.

La plupart, pour ne pas dire la quasi-totalité, des conditions tarifaires en vigueur ont été déterminées avant la privatisation, à l'exception du contrat d'entreprise d'ASF dont la privatisation est intervenue au début 2006. Lier privatisation et flambée des tarifs est donc inexact. Il s'agit là de désinformation.

Concernant l'administration, il lui a été reproché de n'avoir pas pris les précautions nécessaires au moment de la privatisation pour protéger les usagers. Or, s'agissant, par exemple, de la réforme du décret de 1995, qui fixe l'indexation sur 70 % de l'inflation, l'État, même avant la privatisation, n'avait pas le pouvoir d'imposer une mesure qui aurait été contraire à l'intérêt social des sociétés. Celles-ci, tout en étant majoritairement détenues par lui, étaient, en effet, des sociétés de plein exercice régies par le code des sociétés. Il n'y aurait donc pas eu de majorité au sein de leur conseil d'administration pour accepter un avenant ramenant l'indexation de 70 à 30 %, le commissaire du gouvernement ne disposant que d'un pouvoir de persuasion.

Il n'y a plus aujourd'hui, pour aucune société, de foisonnement dans les tarifs : lorsqu'une hausse prévue contractuellement a été accordée, les grilles tarifaires approuvées ne génèrent pas, toutes choses égales par ailleurs, de hausse supérieure à celle du TKM. C'est ainsi que le ministère, comme cela a été indiqué, a compensé, à l'occasion de la fixation des tarifs fin 2007, le foisonnement pratiqué en 2006, après la privatisation. En effet, si les clauses tarifaires présentent des insuffisances du fait de l'ancienneté des contrats, il n'en reste pas moins que les modulations tarifaires doivent se faire à somme nulle, c'est-à-dire à recette constante.

La logique contractuelle ne signifie pas que l'on ne peut rien changer, mais qu'il faut être deux pour changer quelque chose. La remise en ordre, telle une meilleure homogénéité des tarifs, ne peut être entreprise de façon brutale. Une baisse sur certains trajets, par exemple, pourrait s'accompagner d'une hausse très importante sur d'autres. C'est donc par la discussion que le système, qui, aujourd'hui, souffre de certaines imperfections, pourra être amélioré.

Tout dans le rapport de la Cour des comptes n'a pas à être rejeté en bloc. La direction des routes a ainsi suivi ses recommandations s'agissant du foisonnement. Du temps où les sociétés étaient publiques, le contrôle n'était pas aussi approfondi qu'aujourd'hui. Quant à la transparence, si nombre de critiques ou d'amalgames proviennent de la complexité du dispositif, ils s'expliquent également par un manque de transparence. Il conviendra donc de suivre les recommandations de la Cour en la matière en consultant des personnalités qualifiées et des usagers, en établissant un rapport annuel et en donnant plus de transparence à la façon dont les tarifs sont calculés.

Quant aux travaux soupçonnés d'être payés par les tarifs alors qu'ils n'étaient pas réalisés ou qu'ils l'étaient en retard, la direction des routes n'a pas attendu les rapports de 2006 ou de 2007 pour remettre de l'ordre en la matière. Dès les années 2000, avec le contrat de Cofiroute, ont été introduits dans les contrats des clauses de récupération de l'avantage indu résultant du décalage des investissements, en minorant les hausses à venir à due concurrence.

Le Président Didier Migaud, après avoir remercié l'intervenant d'avoir été direct dans ses réponses et d'avoir conclu de façon nuancée, a rappelé qu'il fallait accepter la critique même s'il est normal d'y répondre lorsqu'elle semble injustifiée. C'est le devoir de ceux qui sont en charge de responsabilités pour le compte de l'État d'accepter un contrôle externe comme celui de la Cour des comptes, et de ne pas s'en montrer quelque peu contrit, d'autant que certaines des recommandations de celle-ci ont d'ores et déjà permis certaines remises en ordre.

PermalienPatrice Parisé

a déclaré n'avoir pas voulu donner le sentiment de ne pas accepter les contrôles. Il n'a jamais voulu en contester l'opportunité, mais répondre à des critiques qui lui semblaient excessives.

PermalienFrancis Amand

, chef de service à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, a d'abord déclaré pour sa part accepter volontiers la critique, qui est toujours constructive.

La DGCCRF apporte un second regard à la régulation des péages autoroutiers. Il en va ainsi, d'abord, par son examen des contrats conclus avec les sociétés concessionnaires et, tout particulièrement, de la pertinence des sections de référence, servant de base d'évolution tarifaire via le TKM, de la loi tarifaire et des éventuelles dispositions de modulation tarifaire consenties au concessionnaire. Elle apporte ainsi la contradiction quant à l'évaluation du bien-fondé technique et à la juste couverture tarifaire des investissements, exercice qui dépend, bien entendu, des informations dont elle dispose. Ces échanges peuvent conduire à des avancées intéressantes telles que la révision des sections de référence, comme ce fut le cas lors des négociations du contrat État-ASF.

Ce second regard porte également sur le bien-fondé des hausses tarifaires annuelles ou ponctuelles au regard des règles applicables. La DGCCRF s'attache particulièrement à vérifier le respect de la norme tarifaire moyenne et la cohérence des évolutions selon les sections, notamment la vérification des règles d'arrondis. Ces contrôles sont effectués non seulement à l'occasion des hausses annuelles, mais également lors de la mise en service en cours d'année de nouvelles sections et de nouveaux échangeurs. La collaboration entre les deux directions s'est révélée particulièrement utile à propos de l'effet de foisonnement, étant entendu qu'il est bien sûr tenu compte de l'équilibre global de la concession.

La critique de la Cour concernant l'absence de pertinence de l'indexation minimale des péages sur 70 % de l'inflation est, pour sa part, particulièrement fondée. La baisse récente du trafic autoroutier est un aiguillon en faveur de la modération tarifaire. L'entrée sur la marché de nouveaux opérateurs, à l'occasion de l'attribution de nouvelles concessions, comme pour l'autoroute A 88 qui relie Falaise à Sées, permettra de stimuler la concurrence et d'obtenir des baisses de prix.

Enfin, la régulation du secteur autoroutier passe par une concurrence accrue pour les achats de services et de travaux par les sociétés concessionnaires, suite à la création, par modification du décret du 26 janvier 2004, de la commission nationale des marchés des sociétés concessionnaires d'autoroutes ou d'ouvrages, présidée par un magistrat de la Cour des comptes. Les marchés sont maintenant soumis à son avis conforme, ce qui permettra de passer les marchés à meilleur coût, de même que les règles tarifaires des contrats d'entreprise permettront de modérer les tarifs.

Si M. Amand estime, comme M. Parisé, le rapport de la Cour trop sévère par certains aspects, voire trompeur s'agissant du lien qu'on peut en déduire entre le niveau des tarifs et la privatisation intervenue en 2006, ses propositions pondérées sont cependant très intéressantes, certaines ayant d'ailleurs été mises en oeuvre, tel l'examen plus rigoureux des hausses proposées par les sociétés.

PermalienHenri Stouff

a indiqué que les réponses d'ASF à la Cour des comptes rejoignent très largement celles de M. Parisé et de M. Amand.

En sa qualité de Président de l'association professionnelle des sociétés concessionnaires d'autoroutes en même temps que d'ASF, il a jugé important de rappeler les modalités dans lesquelles les contrats sont attribués aux sociétés. L'État délègue un service public aux risques et périls du concessionnaire, lesquels risques portent tout à la fois sur la construction, le financement – y compris dans une période où le crédit n'est pas facile à mobiliser –, l'évolution des charges d'exploitation, les recettes liées au trafic, dont le montant est affecté par les itinéraires concurrents que l'État ou les collectivités locales réalisent par ailleurs. Les sociétés assurent ce service public dans le cadre d'un cahier des charges contraignant fixé par l'État qui comprend notamment des objectifs de qualité en général supérieurs à ceux que l'État se fixe pour ses propres ouvrages. C'est par ces moyens qu'ont été réalisés 8 400 kilomètres d'autoroutes concédées en France.

Dans les dix dernières années, les sociétés concessionnaires ont investi 21 milliards d'euros dans leurs réseaux, au demeurant essentiels pour l'aménagement du territoire, et elles portent aujourd'hui une dette de 25 milliards d'euros.

Les tarifs sont encadrés par le contrat de plan quinquennal. Ils sont épluchés section par section, qu'elle soit petite ou grande. Toutes les hausses tarifaires sont basées sur des calculs très précis d'équilibre financier des concessions. Il n'y a pas un euro d'augmentation tarifaire qui ne soit justifié par un calcul économique extrêmement précis.

Les concessions n'ont pas été attribuées pour des sections isolées, mais pour des réseaux entiers, maillés. La péréquation permise par l'adossement a été très efficace pour aménager le territoire. Sans elle, il n'aurait jamais été possible de faire des tarifs raisonnables sur les sections nouvelles peu fréquentées, qui intéressent beaucoup les collectivités locales. C'est l'« entraide » entre les sections très « circulées » et les sections qui le sont moins qui a permis de parvenir à ce résultat, sans aucun avantage économique pour les concessionnaires. L'équilibre financier de la concession est passé à la loupe tous les cinq ans par l'État.

La privatisation s'est accompagnée d'un durcissement du cadre contractuel au bénéfice de l'État. Les nouveaux contrats d'entreprise – celui d'ASF en est un exemple – sont très contraignants.

Les sociétés concessionnaires d'autoroutes ont accepté ces évolutions et sont prêtes à s'engager dans une démarche de progrès, y compris dans le cadre du Grenelle de l'environnement, dès lors que les changements demandés respectent l'équilibre financier des concessions – qui est la base du contrat passé entre l'État et les concessionnaires – et la contrepartie au transfert des risques que constitue l'autonomie autorisée pour la définition de la politique tarifaire.

À l'heure où l'État affirme vouloir recourir davantage aux partenariats public-privé, la stabilité des engagements réciproques de l'État et des concessionnaires est indispensable pour rendre crédibles les acteurs et leur signature. Si des investisseurs s'engagent dans ces activités de concession et d'infrastructure, il faut qu'ils aient une certaine visibilité. Quand on parle d'effacer la règle des « 0,7 i » (70 % de la hausse des prix à la consommation), il faut se demander si on trouvera des investisseurs qui accepteront de prendre une concession de soixante-dix ans sans savoir comment ils peuvent établir leur business plan. Un investisseur ne s'engage qu'après avoir imaginé l'économie d'une concession sur toute sa durée. En l'absence de visibilité, on ne trouvera pas d'investisseurs privés.

PermalienPhilippe-Emmanuel Daussy

a déclaré souscrire pleinement aux propos de M. Stouff. La politique tarifaire ne peut pas être décorrélée de l'histoire. Elle résulte en effet de la construction du réseau.

Il est important de combattre l'idée selon laquelle il y aurait aujourd'hui des sections d'autoroute amorties. Lors des évolutions contractuelles qui ont été introduites par le biais des avenants au fur et à mesure des nouvelles sections, un mécanisme comptable a été mis en place qui fait que toutes les sections d'autoroute sont comptablement amorties de la même façon. Il s'agit d'un amortissement de caducité calculé jusqu'au dernier jour de la concession.

Cet élément confirme qu'il existe un lien entre les tarifs et les coûts. De plus, en plein accord avec la Direction des routes, la société ESCOTA a accepté une clause dans son contrat qui fait converger les tarifs des sections similaires. Pour ESCOTA, il y a quatre sections de référence : deux plutôt urbaines et deux plutôt interurbaines. Comme la Direction générale des routes, ESCOTA considère que, si le tarif doit être relié au coût du réseau, il doit également refléter le service rendu au client. Peut-être faut-il avoir une vision rénovée d'une politique tarifaire. Une réflexion a été entamée avec la Direction générale des routes à l'occasion de la renégociation du contrat de plan 2007-2011 et ESCOTA est parfaitement en phase avec la Direction à ce sujet. On peut établir un parallèle avec la SNCF, où l'on ne se demande plus si le taux kilométrique est le même quand on emprunte un TGV ou un train Corail.

PermalienJean-François Roverato

, invité à s'exprimer par le président, a déclaré ne rien avoir à ajouter.

PermalienPierre Chassigneux

a précisé que les concessions de SANEF courent jusqu'en 2028. D'ici là, il va forcément se passer pas mal de choses. Il faudra à chaque fois veiller au maintien d'un équilibre global et rester dans l'esprit des concessions. Comme SANEF a été nommément mise en cause à propos d'Amiens, il a demandé à M. Jannet de répondre à ce sujet pour montrer que la politique de la société n'est pas aberrante.

PermalienHenri Jannet

a insisté sur le fait que la critique de la Cour des comptes repose sur le principe selon lequel le tarif pour aller de A à C doit être la somme des tarifs pour aller de A à B et de B à C, principe avec lequel la SANEF n'est pas d'accord.

D'abord, les coûts ne sont pas les mêmes. Sur les trajets longue distance, le consommateur s'arrête sur les aires de repos, ce qui n'est pas le cas sur les trajets courts. Les services rendus ne sont donc pas les mêmes.

Ensuite, le tarif est un signal envoyé au consommateur. Sur une longue distance comme Paris-Lille – où la hausse qui a été décidée est critiquée –, il y a une alternative qui est le TGV. En augmentant les tarifs, la SANEF facilite un report modal qui apparaît de l'intérêt général. À l'inverse, si elle augmentait fortement les tarifs de très courte distance, et notamment ceux des trajets domicile-travail, elle faciliterait le report sur un réseau routier classique moins sûr et engorgé. Voilà pourquoi elle a choisi, sur l'autoroute A 1, Paris-Lille, d'augmenter plus fortement les trajets longue distance que les trajets de courte distance. Il s'ensuit que le tarif pour aller de A à C n'est pas la somme des tarifs pour aller de A à B et de B à C. Il s'agit d'un signal envoyé au consommateur.

Dans le cas des tarifs Boulogne-Amiens, la SANEF souhaite que les clients sortent à Amiens Centre et non pas à Amiens Nord. La gare d'Amiens Centre a une bonne capacité et est automatisée – ce qui entraîne un coût de perception de péage faible. Celle d'Amiens Nord est un peu plus fréquentée, voire proche de la saturation, avec une collecte de péage manuelle. La SANEF envoie ainsi un signal à ses clients en provenance de Boulogne, en leur conseillant de sortir à Amiens Centre plutôt qu'à Amiens Nord.

En faisant les calculs, la Cour des comptes a abouti à un coût négatif pour le trajet Amiens Nord-Amiens Ouest. Cela n'est pas exact. C'est le trajet Boulogne-Amiens qui est un peu moins cher quand on sort à Amiens Ouest qu'à Amiens Nord. Quand on entre à Amiens Nord pour aller à Amiens Ouest, on paie bien évidemment le péage correspondant à ces cinq kilomètres d'autoroute.

En conclusion, la philosophie générale de la politique de la SANEF, que l'on ne saurait qualifier d'incohérente, consiste à considérer que les tarifs doivent tenir compte, non seulement du coût global de l'infrastructure, mais aussi de la situation du marché des transports – concurrence d'un TGV ou d'une route naturelle –, des caractéristiques de l'offre et de la demande, et des impératifs de l'utilisation optimale du réseau. Ce dernier est maillé : pour aller de Paris à Calais, on peut passer par Amiens ou par Arras. Il est dès lors logique d'utiliser la politique tarifaire pour affecter les flux entre ces réseaux.

PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

a précisé que les termes précités sont ceux du décret relatif au péage ferroviaire, ce qui prouve que la politique conduite par la SANEF est la même que celle appliquée pour un mode de transport concurrent.

PermalienFrançois Gauthey

a insisté, à son tour, sur le fait que les vieilles autoroutes ne sont pas amorties. La continuation de perception du péage est la contrepartie des investissements réalisés sur d'autres sections. Par ailleurs, il a fait valoir que ce n'est pas parce qu'une autoroute est ancienne qu'elle ne nécessite pas des investissements. Ces derniers sont d'ailleurs souvent lourds, qu'il s'agisse des travaux d'élargissement – puisque les vieilles autoroutes sont les plus fréquentées – ou des travaux de mise aux normes environnementales, notamment depuis les lois sur l'eau.

PermalienPhoto de Charles de Courson

a posé trois questions.

La Cour des comptes préconise – avec prudence – une modification du décret du 24 janvier 1995 pour faire passer de 70 ou 85 % la clause de garantie par rapport à l'inflation de l'évolution des péages à 30 % environ, puisqu'il n'y a que 30 % des coûts qui soient indexables. Le MEDAD est défavorable à cette proposition arguant que « L'absence de justification d'une suppression unilatérale de ce décret aurait pour conséquence certaine la condamnation de l'administration à rétablir l'équilibre antérieur. » En effet, le décret renvoie à l'article 25 du traité de concession. Peut-on modifier ce décret pour abaisser le taux, sans compensation pour les sociétés concessionnaires ?

Pourquoi accorde-t-on des hausses tarifaires pour financer des futurs travaux au lieu d'attendre la réalisation de ces derniers pour appliquer les hausses ? Cela éviterait les récupérations dont a parlé M. Parisé.

Il est un problème qui n'est pratiquement pas évoqué dans le rapport de la Cour des comptes et qui paraît pourtant central : la quasi non-modulation des tarifs en fonction des heures dans les sections saturées. Peut-on envisager une modulation tarifaire dans le cadre des concessions et à quelles conditions ?

PermalienPhoto de Hervé Mariton

a tout d'abord demandé si les incohérences mises en exergue par la Cour des comptes étaient anecdotiques ou bien importantes sur le plan économique et social ?

Il a repris à son compte la question de M. de Courson sur la modification du décret de 1995.

La Cour des comptes suggère, non pas que les usagers paient moins, mais que les sociétés concessionnaires des autoroutes perçoivent moins.

Quelles pourraient être les modalités juridiques de la modification du cadre de la concession ?

Par ailleurs, les modifications de tarifs de péage résultant de dispositions contractuelles, quelle est la capacité réelle de l'État de faire bouger les conditions de la concession ?

La Cour des comptes, qui a pointé des lacunes dans le domaine des dispositions tarifaires, estime-t-elle qu'il y a d'autres lacunes dans d'autres domaines ? L'homogénéité des tarifs est jugée souhaitable par la Cour mais au nom de quel critère ?

Enfin, il conviendrait de connaître avec précision l'impact sur les tarifs, du renforcement de la concurrence sur les fournitures de services et de travaux intervenus depuis la privatisation.

PermalienPhoto de Michel Bouvard

n'a pas souhaité revenir sur les conditions des privatisations, car il convient maintenant de regarder la situation présente et de se projeter dans l'avenir. Il a quand même signalé qu'un certain nombre de parlementaires, dont lui-même, s'étaient opposés à ce qui avait été décidé à l'époque.

Sa première interrogation a concerné les événements pouvant survenir en matière tarifaire postérieurement à l'attribution des concessions et, singulièrement, la baisse des réductions pour les poids lourds, décidée en application de dispositions européennes, et qui s'est traduite, selon la Cour des comptes, par une plus-value de recettes pour les sociétés. Comment peut-on éviter qu'il y ait des effets d'aubaine pour les concessionnaires et faire en sorte que les sommes soient restituées, soit à l'usager, dans une gestion globale des tarifs, soit à la collectivité publique ?

Sa deuxième interrogation a porté sur la capacité de pilotage par l'État de l'ensemble du système. On sait que, en fonction de la politique tarifaire pratiquée sur les autoroutes, des reports se font sur ce qui était le réseau national hier et qui est maintenant le réseau national transféré, et les réseaux départementaux. Il s'ensuit un accroissement des charges d'entretien pour les collectivités territoriales et, en l'occurrence, pour les départements qui ont la charge à la fois du réseau national transféré et de l'ancien réseau départemental. Quelle est la capacité de l'État à orienter les transits vers les infrastructures les mieux adaptées et générant les coûts d'usage les moins élevés ? Comment prendre en compte tous les intérêts en présence ?

Troisièmement, quelles voies ont été envisagées par la Direction générale des routes pour assurer la cohérence de la mise en oeuvre de la directive Eurovignette avec les politiques tarifaires pratiquées par les sociétés autoroutières ?

Enfin, la politique tarifaire actuelle se révèle souvent plus avantageuse pour les trajets longue distance que pour les courtes distances. Il est difficile de mobiliser le réseau autoroutier sur des trajets domicile-travail dans la périphérie des agglomérations et éviter, par là même, des constructions d'infrastructures routières nouvelles coûteuses, traumatisantes tant en matière d'occupation de l'espace qu'en matière d'insertion dans des zones souvent urbanisées. Comment peut-on avoir un pilotage des politiques tarifaires sans perturber l'équilibre général des concessions ?

PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

a salué le travail réalisé par la Cour des comptes. Il considère qu'elle est pleinement dans son rôle sur un tel sujet et s'est déclaré surpris que le mot « désinformation » ait pu être utilisé à son encontre.

Il a posé des questions du point de vue de l'usager.

Les travaux réalisés sur les autoroutes anciennes, comme l'autoroute de l'ouest, de mise aux normes ou d'augmentation de capacité de flux justifient-ils des augmentations tarifaires ou simplement le maintien du tarif existant puisque ce dernier normalement devrait baisser du fait de l'amortissement des frais d'investissement ?

Dans le cas particulier de la prolongation de la A 89 en direction de Lyon, ce que l'on appelle le barreau de Balbigny, qui a fait l'objet d'une procédure compliquée par rapport à l'adossement, il a souhaité savoir quelles étaient les perspectives de réalisation du projet et son calendrier.

Enfin, connaît-on le montant des perceptions de péages par le biais des abonnements ? Même question concernant la généralisation des péages automatiques ?

PermalienPhoto de Hervé Mariton

, a demandé quel lien doit-il y avoir, selon la Cour des comptes et la direction générale des routes, entre le coût et le tarif ?

Il s'est également demandé si l'intérêt social de SANEF serait réellement compatible avec un tarif de péage Paris-Lille fixé à un niveau tel qu'il encourage le report vers le TGV…

PermalienChristian Descheemaeker

a souligné qu'il s'était bien gardé d'employer des termes comme la faiblesse et la complaisance, leur préférant les mots de bienveillance et d'endogamie. La langue française a des nuances auxquelles il tient. Quant à la flambée des prix, c'est une notion évoquée par les médias. Or, Cour des comptes n'a pas suscité d'articles de presse en cette période, au contraire d'autres parties prenantes.

La question la plus délicate qui est posée est celle de savoir quel est le bon système de péage. La Cour des comptes s'efforce de formuler des recommandations, mais elle n'est pas toujours en mesure de proposer un kit qui puisse remplacer ce qu'elle a critiqué. Elle met en avant des défauts mais elle n'a pas, car ce n'est pas son métier, de système de remplacement complet, reconstruit, rebâti, clair et compréhensible. Il lui est dès lors difficile de répondre aux questions portant sur le bon niveau de péage et le lien entre le coût et le tarif, tout en rappelant que ce lien n'était pas forcément très étroit et immédiat.

La Cour ne veut pas prendre la place de la Direction générale des routes, qui est une maison solide et structurée et qui a les compétences nécessaires pour rebâtir un tel système, des évolutions étant d'ailleurs annoncées dans les prochaines années.

Concernant les modulations horaires évoquées par M. de Courson, la Cour des comptes indique qu'il n'en a pas été fait un grand usage. Il y a eu une tentative sur l'autoroute du nord. Par ailleurs, les tarifs pratiqués sur la A 14 sont souvent dissuasifs. Il devrait être fait un usage plus poussé de cette possibilité mais le rapport ne formule pas de critique à l'encontre d'une société. Cela étant, lorsqu'il y a modulation, il semble que la société n'y perde rien mais n'y gagne rien non plus. La recette est à peu près la même.

Les exemples d'incohérences donnés par la Cour sont anecdotiques. La SANEF a fourni à ce sujet de bonnes explications. Cela dit, ces dernières seraient encore plus pertinentes si, sur Internet, on trouvait des indications claires sur les tarifs afin que l'usager soit informé et ne se retrouve pas à comprendre seul, au bout de cinq ou six fois, ce qu'on attend de lui, un peu comme un usager du métro qui, au bout de quinze ans, découvre qu'il y a un couloir qui est un raccourci.

PermalienPhoto de Hervé Mariton

, a demandé si la SANEF expliquait à ses clients que les tarifs sont modulés pour les inciter à sortir à tel ou tel endroit.

PermalienHenri Jannet

a répondu que, dans le cas d'Amiens, les usagers ont été informés au moment de l'automatisation de la gare que la société ferait un effort sur les tarifs pour inciter à l'usage de celle-ci. L'information a été reprise par la presse locale. Les 4 300 tarifs de la SANEF sont publiés sur Internet. La société ne fait pas un commentaire sur chacun d'eux mais chaque hausse les concernant est scrutée par la presse locale, qui interpelle régulièrement la société.

Pour répondre à la question de M. Mariton sur Paris-Lille, il a précisé que la SANEF informe sur l'alternative représentée par le TGV. Elle est très soucieuse de l'acceptabilité sociale des hausses de tarifs. Ses clients doivent comprendre sa politique commerciale. Celle-ci peut paraître incohérente au vu de la prétendue règle selon laquelle le tarif pour aller de A à C devrait être égal à celui pour aller de A à B et pour aller de B à C. La SANEF s'adapte à de nombreuses nécessités locales, comme toute politique tarifaire dans le secteur du transport.

PermalienChristian Descheemaeker

a reconnu que les exemples donnés avaient un caractère anecdotique. Cela étant, l'incohérence du dispositif n'est pas liée à ces anecdotes. Elle est plus fondamentale. La Cour des comptes considère que le TKM est un mauvais système, car, à l'intérieur d'une section de référence, le concessionnaire peut fixer le tarif de son choix.

On peut dire que, sur certains points, il y a des rémunérations anormalement avantageuses dans les péages. Un premier exemple est le foisonnement, appelé abus de droit, en droit fiscal, et qui a été reconnu comme tel puisque la Direction générale des routes a obtenu rapidement, par la discussion, de le récupérer. Si le foisonnement avait augmenté depuis la privatisation, il avait été inventé avant. Un autre exemple de situation anormalement avantageuse est le système d'indexation, qui n'est pas un abus de droit puisqu'il résulte de l'application du décret de 1995 – que la Cour considère comme un mauvais décret.

En ce qui concerne l'homogénéité des tarifs, la Cour des comptes n'a pas un système simple dans la poche généralisant un tarif kilométrique unique pour toutes les autoroutes. La Cour préconise la clarification, ce qui est déjà une forme de simplification.

La Cour n'a pas prononcé de critiques à l'encontre des sociétés d'autoroute sur le fait que les réductions accordées aux poids lourds ont dû être diminuées du fait du changement de la réglementation, ce qui a entraîné une augmentation des recettes. Il y a un effet d'aubaine dont il appartient à la Direction générale des routes de tirer les conséquences.

Pour ce qui concerne l'Eurovignette, on se trouve devant un système compliqué. Il va falloir adapter le dispositif de tarifications à certaines contraintes européennes qui ont une fâcheuse tendance à évoluer. Dans les recommandations de la Cour des comptes, il y a bien l'idée que, entre le péage et la recette des sociétés concessionnaires, devrait s'insérer un jour ou l'autre une sorte de droit régulateur pour avoir un système, certes sévère, mais équitable en ce qui concerne le concessionnaire et qui, en même temps, ne favorise pas les embouteillages là où il y a des risques qu'il y en ait.

PermalienPierre Anjolras

a précisé que la mise en place du barreau de Balbigny sur la A 89 était prévue, dans le contrat, pour la fin du mois de décembre 2012. Les procédures sont en cours. Elles sont, en l'occurrence, dans les mains des services de l'État à qui il appartient de prendre l'arrêté d'application de la loi sur l'eau, suite à l'enquête qui s'est déroulée à la fin de l'année dernière. En fonction de cette prise d'arrêté, qui devrait intervenir dans les prochains mois, les travaux devraient pouvoir s'engager dans le courant de l'année 2008.

PermalienPatrice Parisé

a fait remarquer que l'année de mise en service étant fixée à 2012 dans le contrat, il appartient au concessionnaire d'assurer effectivement cette mise en service en 2012, quelles que soient les vicissitudes des procédures. C'est un exemple des risques et périls évoqués précédemment. Il appartient au concessionnaire de faire ce qu'il faut pour obtenir les autorisations, par exemple en ce qui concerne les fouilles archéologiques. Il peut exister des cas de force majeure, qui sont alors pris en compte, mais le délai n'est pas dépendant des services de l'État.

PermalienHenri Jannet

a expliqué qu'il y a deux solutions pour appliquer les hausses de tarifs résultant d'un aménagement : attendre la mise en service ou anticiper. Le mérite de cette dernière solution est que les hausses sont plus faibles et donc plus supportables. Elle s'impose quand les mises en service interviennent à la fin de la concession de la société. Dans le cas, par exemple, de la prolongation de l'autoroute A 16 jusqu'à la Francilienne, la mise en service est prévue en 2012, soit seize ans avant la fin de la concession accordée à la SANEF. En accord avec la direction générale des routes, il est apparu plus confortable pour le consommateur d'étaler l'amortissement des travaux sur vingt-quatre ans.

Un mécanisme a, par ailleurs, été mis en place lorsqu'il y a un décalage dans le temps afin qu'il n'y ait aucun effet d'aubaine pour le concessionnaire.

Le Président Didier Migaud a souhaité qu'une réponse soit apportée à la question portant sur les effets d'aubaine résultant de la suppression des réductions accordées aux poids lourds.

PermalienHenri Stouff

a indiqué qu'ASF a engagé des discussions à ce sujet avec la Direction générale des routes dans le cadre de la politique de service vis-à-vis des clients routiers. Des programmes de multiplication des places de stationnement sont prévus. La société est en train de développer un concept de parc sécurisé.

Il a rappelé que les rabais accordés aux poids lourds n'ont jamais été compensés et expliqué que, pour un grand nombre de sociétés, la perspective de l'effacement progressif et mesuré, en essayant de ne pas faire de marche trop brutale, est prévue dans les contrats d'entreprise.

PermalienPierre Chassigneux

a ajouté que cet effet d'aubaine a été acheté lors des privatisations. Dans les business plan, la disparition des Caplis était intégrée. Cela a donc été payé à l'État par ceux qui ont acheté les sociétés d'autoroute.

PermalienHenri Jannet

a insisté sur le fait que la durée de la concession est liée directement à la loi tarifaire. Moins cette dernière est favorable et plus la durée de la concession doit être longue pour assurer l'équilibre de celle-ci. Lors des derniers réajustements des durées de concession à l'occasion de la réforme du système autoroutier au début des années 2000, il a été tenu compte du fait que la loi tarifaire faisait augmenter les tarifs un peu plus vite que les charges courantes – en supposant que les emprunts ne soient pas indexés sur l'inflation. Cela a conduit à des durées de contrats de concession plus courts. On ne peut donc parler d'une formule tarifaire sans la lier à la durée du contrat. C'est ce qu'Henri Stouff a dit quand il a parlé d'équilibre global.

PermalienFrançois Gauthey

a précisé que les hausses de tarifs sur les vieilles autoroutes - la A 13, la A 14 et la A 29 pour SAPN – tiennent compte de l'équilibre de l'ensemble du réseau. Si les autoroutes A 14 et A 29 étaient prises séparément, les hausses de tarifs prévus ne permettraient pas le remboursement des coûts de construction.

PermalienFrancis Amand

a indiqué que l'abaissement du taux garanti de 0,7 inflation à 0,3 inflation n'ouvrirait pas de droits à compensation, dès lors que cette modification du décret de 1995 n'aurait pas d'influence directe sur la loi tarifaire inscrite à l'article 25 des contrats. On peut même considérer que cela ouvrirait un espace de négociation plus large pour fixer d'autres lois tarifaires.

La modulation tarifaire est peu développée, car elle touche un problème complexe. Quand elle fonctionne bien, elle élimine les effets de congestion. En cas d'échec, elle conduit à un paradoxe, à savoir une augmentation de tarif sans amélioration des conditions de circulation. Il est difficile de faire des modulations tarifaires très marquantes, mais c'est un aspect qui mérite d'être développé.

Quelle est la capacité de l'État à négocier les bonnes dispositions contractuelles ? Il semble que ce soit la concurrence qui soit à même de réaliser cela. Quand on attribue un nouveau tronçon d'autoroute, les entreprises candidates sont mises en concurrence notamment sur la loi tarifaire qu'elles comptent adopter. M. Amand fait crédit au mécanisme concurrentiel et compétitif pour aboutir à des lois tarifaires satisfaisantes pour l'usager.

Au nom de quoi faut-il que les tarifs soient homogènes ? Au nom du principe qu'un service identique doit être rémunéré de manière identique. Cela dit, ce raisonnement se heurte au principe de réalité. On ne sait pas exactement quel est le service rendu par chaque tronçon. On pourrait se donner une règle de bon sens qui serait de borner les écarts.

Le mécanisme qui permet de contrôler les achats des sociétés autoroutières se met en place. Il est assez sophistiqué : il comprend des commissions par société d'autoroute ; une commission nationale exploite ensuite les informations transmises par chacune de ces commissions. Les règles de fonctionnement ne sont pas encore tout à fait stabilisées. La DGCCRF a une première impression favorable mais elle ne pourra juger l'effet prix sur les marchés qu'au terme des travaux qui seront menés par la commission nationale.

Avant la mise en place de ce mécanisme, des contrôles existaient dans le cadre de commissions qui avaient une forme un peu différente. Ces contrôles avaient notamment permis de relever des pratiques d'entente qui ont donné lieu à des enquêtes et à des condamnations.

Concernant les effets d'aubaine pour les sociétés concessionnaires du fait de la baisse des réductions accordées aux poids lourds, M. Amand a rappelé que le ministre de l'économie avait plaidé pour qu'ils soient compensés par des baisses sur les tarifs servis aux particuliers. Il est regrettable que cela n'ait pas été fait.

PermalienPhoto de Michel Bouvard

a souhaité que la DGCCRF ne se contente pas de le regretter.

PermalienFrancis Amand

a assuré M. Bouvard que la DGCCRF maintiendra la demande.

Concernant les gains d'efficacité résultant de la mise en place de péages automatiques et les abonnements Liber-t, il n'y a pas de mesures permettant de connaître leur importance. On constate que les abonnements se développent et qu'il y a très peu de réclamations. Il y a donc probablement des gains pour les usagers, ce qui laisse supposer qu'il y en a également pour les sociétés autoroutières.

PermalienPatrice Parisé

a tout d'abord donné acte au président Descheemaeker que la Cour des comptes n'a pas fait de lien entre privatisation et flambée des péages. Mais la presse l'a fait alors qu'il n'en est rien.

Concernant la corrélation entre le coût et le tarif, il a repris les propos de M. Jannet qui a évoqué des modulations tarifaires visant à inciter les usagers à emprunter telle gare de péage ou à préférer tel itinéraire. Les recettes générées par ces modulations sont acquises aux concessionnaires. Cela rejoint la question du foisonnement sur lequel la Direction générale des routes partage totalement l'avis de la Cour des comptes et auquel il a été mis fin.

Le péage, qui est une redevance pour service rendu, doit évoluer dans son principe. Cela est conforme à l'évolution du Conseil d'État sur cette question qui tend de plus en plus à amodier la corrélation stricte entre coût et tarif par le principe de la redevance pour service rendu. Une certaine souplesse de tarification est nécessaire pour mieux répartir et réguler le trafic. Mais la Direction générale des routes exige et vérifie que ces modulations se font à recettes constantes sans accroissement des recettes des concessionnaires.

Faut-il aller plus loin sur la question du foisonnement dans la mesure où il y a été mis fin dans le cadre des contrats actuellement en vigueur. Même si les clauses ne sont pas toujours bien rédigées et si une certaine souplesse est laissée à l'intérieur des sections de référence, une disposition du contrat stipule que les modulations doivent se faire à somme nulle. La Direction générale des routes a néanmoins l'intention, à l'occasion des prochains contrats d'entreprise, de clarifier autant qu'il est possible lesdites clauses pour que la question du foisonnement soit réglée à la fois dans les faits et dans les textes.

Quant à la modification du décret de 1995 pour passer d'une indexation sur l'inflation de 70 % à 30%, la Direction générale des routes n'est pas loin de rejoindre l'avis de la Cour des comptes qui considère le taux de 70 % excessif. Dans l'absolu, il serait souhaitable de le diminuer. Cela étant, l'État est en relation contractuelle avec les sociétés concessionnaires. Sur ce point, M. Parisé ne partage pas l'avis de la DGCCRF : si l'État prenait la décision de rapporter le décret et de modifier le taux d'indexation dans les proportions qui ont été évoquées, il manquerait d'arguments pour s'opposer à une demande de compensation des concessionnaires, que celle-ci soit financière ou sous la forme d'une augmentation des tarifs. L'équilibre contractuel prend en compte tout à la fois les risques et périls, les trafics, les constructions et cette clause d'indexation.

Sauf à fouler au pied le principe d'équilibre contractuel, M. Parisé ne voit pas comment l'État peut, unilatéralement et sans autre forme de procès, diminuer ce taux. Cela étant, dans toutes relations contractuelles, il y a des rapports de force et des négociations. On peut donc examiner la question.

Faut-il prévoir les mécanismes de compensation des travaux avant ou après réalisations de ceux-ci ? L'exemple cité par Henri Jannet est un cas particulier. D'une manière générale, on essaie, de la manière la plus objective possible, de prévoir les travaux qui seront réalisés dans le contrat de plan à venir et ce sont ceux-là qui sont compensés par une augmentation tarifaire. Lorsque, pour une raison X ou Y, ils ne sont pas réalisés, on corrige dans le contrat de plan suivant. Le dispositif actuel paraît, de ce point de vue, le meilleur.

Les modulations tarifaires sont peu nombreuses. La principale est appliquée sur l'autoroute A 1 pour les retours de week-end. Dans la dernière période, la Direction a été saisie d'un certain nombre de demandes des professionnels pour, par exemple, baisser les tarifs la nuit à un moment où, en principe, il y a moins de trafic, ou établir une tarification différenciant jours chargés et jours creux. On s'aperçoit que ces idées qui semblent bonnes en première approche sont en fait très compliquées. Comme il faut que les modulations tarifaires se fassent à somme nulle, si on diminue la tarification la nuit, il faudra l'augmenter le jour.

Il convient de savoir également que, sur les autoroutes les plus « circulées » – pour lesquelles ces mesures présenteraient de l'intérêt –, les travaux d'exploitation et de remise en état sont réalisés la nuit. Il est paru intéressant d'augmenter les tarifs pour les jours chargés pour les véhicules particuliers sur le réseau de COFIROUTE mais les mesures ont dû être rapportées parce qu'il y a eu des protestations. Les usagers se plaignaient d'être captifs. Ils ne voulaient pas écourter leurs week-ends et ils sont soumis aux contraintes des locations pendant les vacances. La volonté de faire des modulations existe mais le sujet est beaucoup plus compliqué qu'il n'en a l'air.

La question Caplis est très difficile.

Les sociétés consentaient aux transporteurs ayant des flottes de véhicules et des usagers fréquents des autoroutes des rabais de l'ordre de 19 à 20 % en moyenne, mais pouvant aller, dans certains cas, jusqu'à 25 ou 26 %. La directive Eurovignette a plafonné la possibilité de ces rabais à 13 %. D'après les simulations, le rabais moyen à compter du 1er juin 2008, date à laquelle la directive s'appliquera, devrait être de l'ordre de 10 %, ce qui se traduira par une augmentation de la recette des sociétés concessionnaires de l'ordre de 10 % sur la partie poids lourds.

La remise Caplis est une remise commerciale. Elle a été appliquée à l'initiative des sociétés. La position de ces dernières est donc de dire : « Nous avons, à un certain moment, consenti une remise. Celle-ci nous a coûté de l'argent. Nous la réduisons puisqu'elle est aujourd'hui plafonnée. Mais, puisque c'est nous qui l'avions consentie et qu'elle nous coûtait, il n'y a pas de raison de la rendre. »

Il y a certes un effet d'aubaine conjoncturel par rapport à une situation précédente mais la position des sociétés est de considérer que cet argent leur appartient.

La direction générale des routes considère qu'il existe effectivement un effet d'aubaine. M. Perben avait saisi les sociétés d'autoroute pour les inviter à négocier sur la manière de neutraliser celui-ci. En même temps, l'État est démuni de moyens juridiques pour imposer une diminution des tarifs à due concurrence de cet effet d'aubaine. Le dossier n'est pas clos.

La directive Eurovignette actuelle impose de tarifer les routes au coût des facteurs. Cela signifie qu'il ne peut pas y avoir d'internalisation des coûts externes. Une société concessionnaire ne peut pas, par le péage de concession, faire payer aux usagers plus que ce que coûte l'autoroute.

PermalienPhoto de Hervé Mariton

, a fait remarquer que la tarification au coût des facteurs oblige à vérifier constamment le lien des tarifs avec ce coût, ce qui élimine les recettes anormales apparues au cours de l'histoire.

PermalienPatrice Parisé

a répondu par l'affirmative. Il a précisé qu'il n'était pas impossible que la directive Eurovignette évolue dans les prochaines années – la Commission y travaille – de façon à permettre d'ajouter au coût des facteurs des montants qui tiendraient compte des politiques de transport et d'internalisation des coûts externes.

L'écotaxe que le Gouvernement envisage d'instaurer à la suite des conclusions du Grenelle de l'environnement ne trouverait pas, dans l'état actuel de la directive, à s'appliquer sur le réseau concédé, où la tarification est au coût des facteurs. Elle s'appliquerait au réseau non concédé. Du coup, son application aura pour effet de renvoyer du trafic du réseau routier national non concédé vers le réseau routier concédé, ce qui créera un deuxième effet d'aubaine.

Le Président Didier Migaud a remercié les intervenants. Il s'est félicité des débats suscités par les observations de la Cour des comptes. La réunion de ce matin montre qu'il reste des questions ouvertes et a souhaité que la commission des finances prenne toute sa part dans les suites à lui apporter.