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Intervention de Christian Descheemaeker

Réunion du 20 février 2008 à 9h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Christian Descheemaeker :

, Président de la 7ème chambre de la Cour des comptes, a rappelé que l'insertion du 6 février avait notamment été précédée par la transmission d'un référé et d'un rapport sur la société Escota, en 2006, et sur la société ASF, en 2007.

Le lien, complexe, entre le péage et le coût de l'autoroute, a été établi depuis 1955. Il a été confirmé par la loi de 1982 d'orientation des transports intérieurs et dans la directive « Eurovignette » de 1999, modifiée en 2006, mais il s'est distendu du fait de l'adossement, c'est-à-dire le financement des nouvelles autoroutes par les péages des anciennes.

Les critiques de la Cour tiennent au fait que le système est économiquement incohérent, d'une part, et est devenu trop favorable aux concessionnaires, d'autre part.

Sous l'apparente rigueur des formulations mathématiques, le mécanisme tarifaire comporte des défauts de conception. Le taux kilométrique moyen d'une section de référence - le TKM –, défini par le cahier des charges, fait intervenir plus souvent les tronçons centraux que les tronçons terminaux. Seul le taux kilométrique moyen du réseau prend en compte, par une pondération, les trafics des différentes sections de référence. Il n'y a pas de limitation d'écart entre les hausses des tarifs de péage appliquées à deux sections différentes. Les concessionnaires sont libres de concentrer les hausses de péage et les tarifs élevés sur les tronçons ou les trajets les plus fréquentés.

Un même tronçon peut être facturé à un usager à un prix pouvant varier de 1 à plus de 10 selon le trajet qu'il effectue. Le calcul montre qu'un tronçon peut se révéler gratuit et même avoir un tarif négatif – mais l'usager ne s'en apercevra jamais au péage. En sortant à Amiens ouest plutôt qu'à Amiens nord, le conducteur venant de Boulogne paye moins cher en dépit d'un trajet plus long. Aussi la Cour des comptes déplore-t-elle, en dépit parfois d'explications historiques, un système économiquement incohérent, depuis fort longtemps il est vrai, illogique et incompréhensible pour l'usager faute d'information suffisante.

Le système est également devenu trop favorable aux concessionnaires. Les hausses de tarifs homologuées par la direction générale des routes ont été en moyenne supérieures à l'inflation. C'est seulement en 2007, après des décennies de relations endogamiques de l'État avec les sociétés d'économie mixte concessionnaires, que des discussions serrées ont eu lieu sur les tarifs.

Le décret du 25 janvier 1995 assure aux concessionnaires une hausse des tarifs de péages égale à 70 % de l'inflation, garantie portée à 85 % dès lors qu'un contrat d'entreprise a été signé. La Cour critique cette indexation non conforme à la politique de désindexation des prix. En outre, ces taux excèdent la part des charges récurrentes susceptibles d'évoluer avec l'inflation, cette part étant plus proche de 30 % des coûts totaux d'une concession, tandis que les remboursements d'emprunts n'ont pas de raison d'être indexés sur les prix à la consommation. De plus, tout nouvel investissement est compensé aux concessionnaires, en particulier par des compléments de hausses tarifaires. La Cour donne cependant volontiers acte du changement d'attitude tout récent de la direction générale des routes intervenu à l'automne dernier, lors de la détermination des hausses.

Outre ces critiques, la Cour relève des abus. D'une part, les sociétés concessionnaires font porter les principales hausses sur les trajets les plus fréquentés, si bien que les recettes effectives tirées des péages croissent plus rapidement que les hausses accordées et sont supérieures, au kilomètre parcouru, aux tarifs moyens affichés. D'autre part, les sociétés utilisent, ce que nient certaines, la pratique du « foisonnement », que la direction des routes appelle pudiquement « optimisation des tarifs de péage ». La Cour remarque cependant que le ministère a compensé le foisonnement pratiqué en 2006 et 2007 en réduisant à due concurrence les hausses accordées. En tout cas, l'affaire du foisonnement le prouve : ce n'est pas parce que le dispositif des péages autoroutiers est de nature surtout contractuelle que la remise en cause de ses modalités d'application implique nécessairement une compensation financière.

La logique voudrait, au moins pour les autoroutes anciennes, amorties en grande partie, que les péages diminuent. Pour autant, la Cour ne le préconise pas, consciente des risques d'une telle incitation sur le plan de l'environnement comme sur celui de la congestion du réseau. Entre la somme que l'usager continue à payer et la recette de la société concessionnaire, un prélèvement peut exister, la baisse de recette de cette dernière étant compensée par de moindres coûts.

La Cour a souhaité faire passer un message nuancé en formulant les recommandations suivantes :

– définir une procédure de consultation de personnalités qualifiées et des usagers avant que les administrations compétentes prennent leurs décisions relatives aux péages ;

– imposer la publicité, au moins sur Internet, des tarifs réels au kilomètre ;

– publier sous la responsabilité des services de l'État, un rapport annuel sur l'évolution des péages autoroutiers et sur les raisons qui l'expliquent ;

– sanctionner les concessionnaires qui ne fournissent pas les éléments d'information nécessaires au suivi de la concession par les pouvoirs publics ;

– réexaminer l'indexation minimale des péages sur 70 ou 85 % de l'inflation et étudier la réforme du décret de 1995 ; dans l'immédiat, examiner avec plus de rigueur les hausses proposées par les sociétés ;

– étudier la possibilité, dans le respect des engagements pris par l'État, de clarifier le système de détermination des péages autoroutiers, remise en ordre qui aurait d'ailleurs dû intervenir avant les privatisations. Pour autant, la Cour ne souhaite pas une simplification, ce qui serait une vue de l'esprit, mais une clarification afin que le système, s'il reste compliqué, ne soit plus incohérent et incompréhensible.

Le Président Didier Migaud ayant demandé si prévoir de sanctionner les concessionnaires signifiait que les éléments d'information nécessaires ne sont pas toujours donnés, M. Christian Descheemaeker a répondu par l'affirmative.

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