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Intervention de Patrice Parisé

Réunion du 20 février 2008 à 9h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Patrice Parisé :

, directeur général des routes, a d'abord tenu à indiquer, s'agissant de la communication d'informations, que les cahiers des charges ont précisément été renforcés sur ce point lors de la privatisation avec un dispositif de pénalités, et que les sociétés ont toutes fourni les renseignements demandés par la direction générale des routes dans le cadre des vérifications très approfondies que celle-ci a effectuées courant 2007.

Les critiques adressées à la direction générale des routes sont nombreuses, mais elles sont pour la plupart très excessives. Elles visent à la fois le système lui-même, qui serait mal conçu et mal régulé, et l'inaction ou la complaisance de l'administration, qui n'aurait pas pris les précautions nécessaires au moment de la privatisation pour protéger les usagers, ce qui sous-entend que les tarifs ont augmenté du fait de cette privatisation.

Pour ce qui est des critiques adressées au système lui-même, il convient de revenir sur l'adossement et sur la façon dont les tarifs sont fixés.

L'adossement, technique à laquelle on doit notre réseau actuel, a consisté à confier aux concessionnaires historiques la réalisation de nouvelles sections en contrepartie, d'une part, d'une augmentation des tarifs sur le réseau déjà en service et, d'autre part, d'un allongement de la durée des concessions. La Cour s'est étonnée du fait que, en dépit de la fin de l'adossement, la baisse des péages n'ait pas eu lieu. C'est oublier que si l'État dispose d'un droit unilatéral de modification des contrats à raison d'une compensation, il devrait alors, soit verser des subventions aux concessionnaires pour compenser la baisse sur les sections dites amorties, soit augmenter fortement les péages sur les sections non encore amorties.

La fin de l'adossement à la fin des années 90, a répondu à la nécessité, d'une part, de se conformer aux règles de la concurrence, en ne donnant pas aux opérateurs historiques une position dominante et, d'autre part, de ne pas favoriser le transport routier par le développement endogène du réseau. L'adossement n'était d'ailleurs pas illégal à l'origine. S'il est exact que le lien se distend entre le péage et le coût, on ne peut cependant en déduire une incohérence du système de l'adossement, le péage étant un péage de réseau plutôt que de section.

S'agissant des tarifs, ni l'État ni les sociétés n'ont le pouvoir de les fixer unilatéralement. Les concessions anciennes comprennent une partie fixe, égale à 70 % de l'inflation, et une partie variable déterminée par période quadriennale dans le cadre des contrats d'entreprise, directement corrélée aux investissements demandés – un élargissement ou un échangeur, par exemple, travaux qui ne tombent pas sous le coup de l'interdiction de l'adossement. Il n'est donc pas anormal, dans ces conditions, que l'évolution des tarifs s'éloigne du niveau de l'inflation avec cette seconde partie qui dépend des investissements à réaliser. Ce défaut de parallélisme entre inflation et tarifs explique d'ailleurs également que des hausses de tarif soient différentes d'une société à l'autre.

La plupart, pour ne pas dire la quasi-totalité, des conditions tarifaires en vigueur ont été déterminées avant la privatisation, à l'exception du contrat d'entreprise d'ASF dont la privatisation est intervenue au début 2006. Lier privatisation et flambée des tarifs est donc inexact. Il s'agit là de désinformation.

Concernant l'administration, il lui a été reproché de n'avoir pas pris les précautions nécessaires au moment de la privatisation pour protéger les usagers. Or, s'agissant, par exemple, de la réforme du décret de 1995, qui fixe l'indexation sur 70 % de l'inflation, l'État, même avant la privatisation, n'avait pas le pouvoir d'imposer une mesure qui aurait été contraire à l'intérêt social des sociétés. Celles-ci, tout en étant majoritairement détenues par lui, étaient, en effet, des sociétés de plein exercice régies par le code des sociétés. Il n'y aurait donc pas eu de majorité au sein de leur conseil d'administration pour accepter un avenant ramenant l'indexation de 70 à 30 %, le commissaire du gouvernement ne disposant que d'un pouvoir de persuasion.

Il n'y a plus aujourd'hui, pour aucune société, de foisonnement dans les tarifs : lorsqu'une hausse prévue contractuellement a été accordée, les grilles tarifaires approuvées ne génèrent pas, toutes choses égales par ailleurs, de hausse supérieure à celle du TKM. C'est ainsi que le ministère, comme cela a été indiqué, a compensé, à l'occasion de la fixation des tarifs fin 2007, le foisonnement pratiqué en 2006, après la privatisation. En effet, si les clauses tarifaires présentent des insuffisances du fait de l'ancienneté des contrats, il n'en reste pas moins que les modulations tarifaires doivent se faire à somme nulle, c'est-à-dire à recette constante.

La logique contractuelle ne signifie pas que l'on ne peut rien changer, mais qu'il faut être deux pour changer quelque chose. La remise en ordre, telle une meilleure homogénéité des tarifs, ne peut être entreprise de façon brutale. Une baisse sur certains trajets, par exemple, pourrait s'accompagner d'une hausse très importante sur d'autres. C'est donc par la discussion que le système, qui, aujourd'hui, souffre de certaines imperfections, pourra être amélioré.

Tout dans le rapport de la Cour des comptes n'a pas à être rejeté en bloc. La direction des routes a ainsi suivi ses recommandations s'agissant du foisonnement. Du temps où les sociétés étaient publiques, le contrôle n'était pas aussi approfondi qu'aujourd'hui. Quant à la transparence, si nombre de critiques ou d'amalgames proviennent de la complexité du dispositif, ils s'expliquent également par un manque de transparence. Il conviendra donc de suivre les recommandations de la Cour en la matière en consultant des personnalités qualifiées et des usagers, en établissant un rapport annuel et en donnant plus de transparence à la façon dont les tarifs sont calculés.

Quant aux travaux soupçonnés d'être payés par les tarifs alors qu'ils n'étaient pas réalisés ou qu'ils l'étaient en retard, la direction des routes n'a pas attendu les rapports de 2006 ou de 2007 pour remettre de l'ordre en la matière. Dès les années 2000, avec le contrat de Cofiroute, ont été introduits dans les contrats des clauses de récupération de l'avantage indu résultant du décalage des investissements, en minorant les hausses à venir à due concurrence.

Le Président Didier Migaud, après avoir remercié l'intervenant d'avoir été direct dans ses réponses et d'avoir conclu de façon nuancée, a rappelé qu'il fallait accepter la critique même s'il est normal d'y répondre lorsqu'elle semble injustifiée. C'est le devoir de ceux qui sont en charge de responsabilités pour le compte de l'État d'accepter un contrôle externe comme celui de la Cour des comptes, et de ne pas s'en montrer quelque peu contrit, d'autant que certaines des recommandations de celle-ci ont d'ores et déjà permis certaines remises en ordre.

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