Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 12 avril 2011 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Monsieur le Premier ministre, la situation en Côte d'Ivoire nous préoccupe depuis longtemps. Cette situation étant confuse, il faut revenir à des principes simples.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Des élections présidentielles ont eu lieu. Alassane Ouattara a été élu et son élection a été proclamée par la commission ivoirienne de contrôle du scrutin, puis reconnue par l'Union africaine et les Nations unies. Il est donc le seul détenteur du pouvoir légal.

L'obstination de Laurent Gbagbo a précipité la Côte d'Ivoire dans une nouvelle guerre civile. Hier, l'ancien président, battu dans les urnes, a été arrêté, ce qui donne l'espoir de la fin des combats et d'un retour à la paix civile.

Le président Ouattara a fait part de sa volonté de parvenir à la réconciliation nationale. C'est notre voeu le plus cher. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) L'humiliation des vaincus nourrit toujours la revanche et les Ivoiriens attendent maintenant des actes forts du pouvoir.

Il n'existe qu'un seul chemin pour parvenir à la réconciliation : celui de la vérité et de la justice. C'est la responsabilité historique de M. Ouattara. Toute la lumière doit être faite sur les exactions commises par les uns et par les autres. Il n'y a pas de bons et de mauvais massacres. Toutes les responsabilités doivent être établies. Le Tribunal pénal international présente la garantie de l'impartialité et seule son implication peut, aujourd'hui, assurer la sérénité nécessaire.

Quant à la France, monsieur le Premier ministre, elle n'a aucune vocation à s'ingérer dans les affaires de la Côte d'Ivoire. Elle n'a pas à choisir les dirigeants de pays souverains. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.) Nous ne devons laisser planer aucune ambiguïté sur le sens de notre présence. Nos forces ont vocation à se retirer dès lors que la légalité aura été pleinement rétablie. Notre seule feuille de route, c'est celle de l'ONU.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Monsieur le Premier ministre, c'est cette attitude cohérente que nous souhaitons partager aujourd'hui avec l'ensemble de la représentation nationale…

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

…pour adresser, au-delà de la Côte d'Ivoire, à tout le continent africain un message d'amitié et de solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.- Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Monsieur le président Ayrault, je vous remercie de me donner l'occasion de saluer devant l'Assemblée nationale la victoire du droit, celle de la démocratie et celle des Nations unies en Côte d'Ivoire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Depuis un peu plus de quatre mois, M. Gbagbo refusait le résultat sorti des urnes. Depuis quelques jours, les événements se sont accélérés ; depuis le début du mois d'avril, les forces fidèles à M. Gbagbo se sont livrées à une série de provocations et d'exactions : attaques contre des ambassades, prise en otage de l'ambassadeur du Japon, attaques à l'arme lourde contre la résidence de l'ambassadeur de France, contre l'hôtel du Golf où résidaient M. Ouattara et son gouvernement, contre les forces de l'ONUCI, contre les hélicoptères français qui, il y a quelques jours, cherchaient à évacuer, à sa demande, le consul général de Grande-Bretagne.

Devant cette situation, devant les massacres qui ont eu lieu, en particulier devant les tirs à l'arme lourde contre des civils dans des quartiers d'Abidjan, le secrétaire général des Nations unies a demandé de la façon la plus claire qui soit à l'ONUCI et à la France d'aller jusqu'au bout de la mission qui leur était confiée par la résolution 1975, c'est-à-dire la destruction totale de toutes les armes lourdes encore entre les mains des forces fidèles à M. Gbagbo. C'est ce que nous avons fait dans la nuit de dimanche à lundi. Pendant presque toute cette nuit, les forces de l'ONUCI et les hélicoptères français ont détruit les blindés, les canons, l'ensemble des armes lourdes des forces fidèles à M. Gbagbo.

Lundi matin, les forces françaises ont pris position pour sécuriser la presqu'île de Cocody et pour permettre aux forces républicaines d'entrer dans la résidence de M. Gbagbo et de le faire prisonnier. Celui-ci est aujourd'hui retenu, sous la garde des soldats de l'ONU et le président Ouattara a annoncé hier qu'il serait jugé en Côte d'Ivoire.

Voilà les faits, voilà ce que nous avons réalisé sous l'autorité de l'ONU. J'en tire trois leçons.

D'abord, nous avons envoyé, avec l'ONU, un message symbolique extrêmement fort à tous les dictateurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Nous leur avons indiqué que la légalité, la démocratie devaient être respectées et qu'il y avait des risques pour ceux qui ne le faisaient pas. À ce propos, je suis extrêmement choqué d'entendre – mais ce n'est pas ce que vous avez fait – un certain nombre de commentateurs mettre sur le même pied M. Gbagbo et le président Ouattara, comme si, en Afrique, on ne pouvait pas avoir des élections et la démocratie. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Ceux qui présentent les événements de cette manière laissent entendre que l'Afrique n'est pas apte à mettre en oeuvre la démocratie.

Ensuite, je veux souligner le comportement exemplaire des soldats français (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur de nombreux bancs du groupe SRC) auxquels le Président de la République avait fixé une mission très difficile puisqu'il leur était interdit d'entrer dans la résidence de M. Gbagbo, et il leur était évidemment interdit de prendre toute initiative qui aurait pu conduire à tuer ou blesser des civils dans Abidjan. Les soldats français ont accompli leur mission, sans subir de perte ni causer de blessés. Je veux leur rendre hommage.

Mais je vous dis aussi tout de suite, monsieur Ayrault, que la force Licorne, qui est présente en Côte d'Ivoire depuis 2002, n'a pas vocation à y rester, maintenant que la démocratie va s'installer et que le résultat des urnes est respecté. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Les forces du dispositif Licorne devront quitter la Côte d'Ivoire dès que la sécurité sera suffisante, en particulier pour nos ressortissants à Abidjan.

Enfin, la priorité est désormais de reconstruire la Côte d'Ivoire. Le gouvernement français a déjà annoncé qu'il allait mettre immédiatement 400 millions d'euros à la disposition du gouvernement ivoirien pour mener cette reconstruction. Nous avons agi auprès de l'Union européenne pour que toutes les sanctions qui frappaient la Côte d'Ivoire soient levées. Enfin, nous travaillons à convaincre toutes les entreprises françaises d'y retourner et de reprendre leurs activités.

Certains voudraient, par des insinuations blessantes pour les forces françaises, jeter le discrédit sur l'action de notre pays. Je le dis devant l'Assemblée nationale : Je suis fier que la France ait participé à la défense de la démocratie en Afrique. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Côte d'Ivoire

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Claude Guibal, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Guibal

Monsieur le ministre de la défense et des anciens combattants, l'arrestation de Laurent Gbagbo par les forces républicaines de Côte d'Ivoire – et non par d'autres, comme certains voudraient le faire croire – a valeur de symbole pour la Côte d'Ivoire et pour l'Afrique tout entière,

Que celui qui a gagné les première élections libres dans ce pays depuis dix ans puisse enfin, même après quatre mois et demi de guerre civile, exercer le mandat pour lequel il a été élu, prouve avec éclat que, par-delà les confrontations ethniques, la démocratie est possible en Afrique.

Je tiens tout particulièrement à saluer le rôle de la France qui a su, à cette occasion, être à la hauteur de sa vocation et de son histoire : sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy, elle a pris l'initiative, conjointement avec le Nigéria, de la résolution 1975 du Conseil de sécurité des Nations unies.

Je tiens tout autant à dire combien nous pouvons être fiers du comportement exemplaire de nos soldats, qui ont su agir de façon décisive sans jamais sortir du cadre de leur mission et sans que l'on ait eu à déplorer le moindre mort ou le moindre blessé. Ils méritent que nous leur rendions un hommage unanime.

Je forme maintenant des voeux de plein succès pour le président Alassane Ouattara, afin qu'il puisse, après la fin des violences, engager le processus de réconciliation nationale et de reconstruction économique indispensables pour l'avenir de la Côte d'Ivoire et du peuple ivoirien.

Monsieur le ministre, pouvez-vous faire le point devant la représentation nationale, sur la situation en Côte d'Ivoire ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre de la défense et des anciens combattants.

Debut de section - PermalienGérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le Premier ministre, François Fillon, vient, en termes excellents, de faire le point sur la situation en Côte d'Ivoire, en répondant à la question de M. Ayrault,

Je veux toutefois vous apporter, monsieur le député, quelques précisions complémentaires.

La force Licorne avait deux mandats.

Le premier consistait à protéger nos ressortissants ainsi que ceux qui faisaient confiance à la protection de l'armée française. Ce mandat a été totalement respecté : si l'on excepte deux de nos compatriotes enlevés récemment au Novotel d'Abidjan, aucun ressortissant français n'a eu à souffrir physiquement de la situation d'instabilité absolue ouverte par l'obstination de l'ancien président Gbagbo à ne pas reconnaître sa défaite.

Le deuxième mandat de la force Licorne consistait à se mettre à la disposition des troupes de l'ONUCI, en tant que de besoin et à la demande exclusive des Nations unies et de son Secrétaire général, afin que les armes lourdes ne soient pas l'arbitre d'un débat ivoiro-ivoirien qui aurait dû rester un débat civil – seule l'obstination de l'ancien président a empêché qu'il en soit ainsi. L'intervention de la force Licorne a rendu possible la réduction du rôle des armes lourdes et permis aux soldats du président élu de se saisir de la personne de l'ancien président Gbagbo. Cette mission est donc totalement accomplie.

À l'heure qu'il est, Licorne a pour mission de se replier sur ses bases et, dans le cadre des accords, de se retirer progressivement, la sécurité revenant. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Amiable

Monsieur le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, samedi dernier, les salariés des cent cinquante magasins Carrefour s'unissaient dans une grève sans précédent pour réclamer des salaires décents de la part du premier distributeur européen qui, malgré la crise, reversera cette année 6 milliards d'euros à ses actionnaires.

Avec les employés d'Auchan également mobilisés, avec tous les salariés précarisés du privé et du public, avec les jeunes victimes du chômage, avec tous les retraités aux pensions minuscules, ces grévistes sont les symboles d'une France qui se bat car elle n'en peut plus de subir la cherté de la vie et les interminables fins de mois.

Alors que Président de la République leur a promis que leur pouvoir d'achat augmenterait, ils constatent que leur facture énergétique a augmenté de 12 % en un an, que les loyers des plus modestes ont augmenté de 42 % en dix ans et que les produits de première nécessité, comme la farine ou le café, doivent bientôt augmenter de 20 %.

Dans ce contexte, que propose la majorité ?

La droite nous annonce, par exemple, le retour de la TVA « sociale », anti-sociale devrait-on dire puisqu'elle remet en cause la protection sociale fondée sur le travail, pour taxer les consommateurs. Vous oeuvrez également pour l'adoption en catimini d'un pacte de stabilité visant à accroître les possibilités de dumping social entre la France et l'Allemagne.

Les députés communistes, républicains et du parti de gauche proposent un front contre la vie chère. Nous voulons un encadrement des prix des produits de première nécessité et des loyers. Pour relancer la consommation et l'emploi, nous proposons d'augmenter les salaires, les retraites et les minima sociaux et de porter le SMIC à 1 600 euros.

Allez-vous enfin prendre des mesures en faveur du pouvoir d'achat des Français et arrêter d'accroître les inégalités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Madame la députée, contrairement à ce que vous venez de dire ou de sous-entendre, le pouvoir d'achat des Français a progressé, pendant la crise, de 1,6 % en 2009 et de 1,2 % en 2010. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Il reste que la situation est difficile et tendue sur le front des matières premières, qu'elles soient énergétiques ou alimentaires. Mais le Gouvernement agit, vous le savez – vous le savez même très bien.

Le tarif social de téléphonie mobile en est un exemple, de même que les tarifs sociaux du gaz – le rabais a augmenté de 20 % – et de l'électricité – le rabais a augmenté de 10 %.

Ces mesures concernent les plus modestes, mais le Premier ministre a annoncé un certains nombres de dispositifs qui s'adressent à tous. Ainsi, la formule servant à fixer les tarifs du gaz sera révisée – elle aurait conduit, dans sa version actuelle, à une augmentation des prix de 7,5 %. Ainsi, la hausse des tarifs de l'électricité est limitée à 2,9 % alors qu'une hausse de 5 % était demandée. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

La revalorisation du barème kilométrique concerne la France qui travaille et la France qui roule. (Même mouvement.) Elle s'appliquera à cinq millions de salariés, dont 95 % sont en dessous des deux premières tranches du barème de l'impôt sur le revenu, mais aussi aux 600 000 commerçants et artisans et aux 500 000 personnes exerçant des professions libérales.

Nous avons aussi lancé l'opération du « panier des essentiels » afin que nos concitoyens les plus modestes, mais aussi les autres, puissent consommer des produits de qualité à des prix abordables pour tous.

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Enfin, je ne veux pas rappeler à tous ceux qui critiquent aujourd'hui l'évolution du pouvoir d'achat que ce dernier a effectivement stagné par le passé : c'était au moment du partage du travail. Les Français étaient alors les seuls à croire encore à cette solution ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Monsieur le ministre de la défense et des anciens combattants, je tiens tout d'abord à saluer, au nom du groupe Nouveau Centre et apparentés, l'action des forces françaises en Côte d'Ivoire qui, dans des conditions difficiles, ont rigoureusement agi dans le cadre de la légalité internationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.) Elles ont permis de faire cesser une situation dramatique pour les populations dans un contexte de guerre civile, dont les conséquences humanitaires étaient insupportables. Il était urgent que la situation se dénoue dans ce pays jadis considéré comme la vitrine de l'Afrique.

Au-delà de l'actualité ivoirienne, nous tenons à rendre hommage à l'ensemble de nos forces engagées hors de nos frontières, notamment en Afghanistan et en Libye. Le professionnalisme de nos hommes sur ces théâtres, mais aussi au Kosovo, au Tchad ou au Liban, mérite le respect de la France et de la représentation nationale, car, au bout de leur engagement pour la paix aux quatre coins du monde, il y a, pour ce métier comparable à nul autre, le sacrifice suprême, celui de la vie.

Aujourd'hui, tout le monde se félicite de leur action. J'espère que nous serons aussi nombreux et unanimes quand il s'agira de doter nos forces armées des budgets adéquats pour que nos soldats puissent agir dans de bonnes conditions et pour que la France tienne son rang dans le concert des nations.

Nous, centristes, qui sommes attachés à la politique européenne de sécurité et de défense, nous eussions préféré que l'Europe soit en première ligne sur le théâtre libyen, d'autant qu'à terme, les conséquences de ce conflit, surtout s'il venait à durer, seront supportées en grande partie par l'Europe. À ce sujet, d'ailleurs, le ministre des affaires étrangères a déclaré, ce matin, que l'OTAN ne jouait « pas suffisamment » son rôle en Libye.

Monsieur le ministre, pouvez-vous faire le point sur la stratégie et l'implication, dans le cadre du respect des résolutions des Nations unies, des forces françaises en Libye ? Par ailleurs, quel doit être, selon vous, le degré d'implication de l'OTAN dans ce pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre de la défense et des anciens combattants.

Debut de section - PermalienGérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Monsieur Folliot, votre question est d'une intense actualité. L'OTAN est en effet une modalité d'application de l'organisation de la coalition intervenant en Libye, mais elle n'en est qu'une modalité d'application. Faut-il rappeler que l'intervention en Libye a pour origine l'initiative courageuse, lucide, du Premier ministre britannique et du Président de la République française, qui a permis de mobiliser l'intérêt du Conseil de sécurité des Nations unies et l'adoption de la résolution 1973 ?

Encore une fois, l'OTAN, dans cette affaire, est un outil. La direction politique est assurée par un groupe de contact rassemblant le monde arabe et la coalition européenne, pour l'essentiel, et atlantique, qui doit se réunir dans les heures qui viennent à Doha. L'OTAN n'a pas, actuellement, la possibilité d'obliger les partenaires à participer à cette action. Je déplore, comme vous, par exemple, que la France et l'Angleterre supportent l'essentiel de cet effort, même si les États-Unis continuent d'apporter un soutien dans l'environnement aérien. Ce soutien est indispensable, mais il ne concerne plus aujourd'hui l'attaque au sol, sans laquelle il n'est pas possible de desserrer l'étau qui enserre des villes assiégées telles que Misrata ou Zintan.

Je conclurai par une observation. Celles des grandes nations européennes qui ne nous ont pas rejoints au début de la coalition sont en train de mesurer combien il serait nécessaire qu'elles rattrapent leur retard – je vois que vous acquiescez. Ainsi, l'Allemagne participera résolument à l'initiative humanitaire qui a été annoncée par l'Union européenne et qui est, au fond, un oral de rattrapage. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Pierre Kucheida, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Kucheida

Monsieur le Premier ministre, mai 2007-mai 2011 : quarante-huit mois durant lesquels les Français sont allés de désillusions en désillusions. Le chef de l'État leur avait vendu du rêve : « Travailler plus, pour gagner plus ». Il serait, avait-il dit, le Président du pouvoir d'achat. Quatre années après, force est de constater qu'il y a eu tromperie sur la marchandise !

Voici un aperçu de votre bilan : en un an, nous avons connu une hausse du prix de l'électricité de 6,4 % et de celui du gaz de 20 % ; quant aux carburants, ils atteignent un euro cinquante, et davantage pour le super. Record historique ! Le panier de la ménagère ne cesse de renchérir : plus 16 % pour l'huile, plus 27 % pour le café,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Kucheida

…plus 20 % pour le jus d'orange. Et il en est ainsi pour la plupart des produits de première nécessité.

Le pouvoir d'achat dégringole, les salaires stagnent, les pensions s'essoufflent, les minima sociaux végètent, les travailleurs sont toujours plus pauvres. Mais l'exaspération monte ! La dette de la France a pourtant été multipliée par deux entre 2007 et 2010. Qu'avez-vous donc fait de l'argent des Français ?

À Lens-Liévin, une famille vit avec un revenu moyen de 15 000 euros par an, soit 18 % de moins que la moyenne nationale. Comment voulez-vous quelle joigne les deux bouts, alors que vous avez même supprimé le transport à l'hôpital des anciens mineurs ?

Aujourd'hui, les magasins croulent sous l'abondance de produits, mais, bientôt, il n'y aura plus de clients pour les acheter. C'est déjà la disette pour plus de cinq millions de Français. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Kucheida

Monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin agir pour permettre à nos concitoyens…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Merci.

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Monsieur Kucheida, vous êtes formidable ! (« Oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Je me disais : les socialistes ne vont tout de même pas oser nous donner des leçons en matière de pouvoir d'achat la semaine où est présenté leur projet. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Que le PS, qui ose proposer la suppression de l'exonération sur les heures supplémentaires, aille donc l'expliquer aux 5,5 millions d'ouvriers et d'employés qui en bénéficient sans payer d'impôt.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

La question ne portait pas sur le projet socialiste. Répondez à la question !

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Un ouvrier au salaire moyen qui effectue deux heures supplémentaires par semaine gagne 150 euros supplémentaires par mois. Le PS veut donc prendre une mesure contre le pouvoir d'achat des Français modestes ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mais cela ne s'arrête pas là. Je souhaite que le parti socialiste aille expliquer à tous les salariés de la restauration qu'il entend revenir sur l'accord social majeur qui a été signé le 15 décembre 2009 et qui permet de redistribuer à ces derniers un milliard d'euros (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), grâce à l'augmentation moyenne de la grille des salaires de 5 %, ainsi qu'à l'octroi d'une prime TVA et de deux jours de congé supplémentaires.

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Dans son projet, le parti socialiste propose de baisser le pouvoir d'achat des Français les plus modestes au moment où le Gouvernement agit – et je ne rappellerai pas ce que j'ai indiqué tout à l'heure à votre collègue communiste – pour défendre celui de l'ensemble des Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Huées sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Geneviève Levy, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Geneviève Levy

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. François Baroin, porte-parole du Gouvernement.

« Liberté, égalité, fraternité » : nous sommes tous attachés à la devise républicaine et, au-delà, aux valeurs communes qui fondent le « vivre ensemble » dans notre pays. Je pense en particulier à la laïcité, à la dignité de la femme et au respect de l'ordre public.

Ces valeurs sont remises en cause par des pratiques radicales, dont les femmes sont les premières victimes. Nous dénonçons sans faillir ces pratiques, à commencer par celle du port du voile intégral. En effet, il n'y a plus de pacte républicain possible dans une société où les visages sont masqués en permanence. Cette pratique est la négation même de l'identité, de la dignité et de la liberté des femmes.

Hier est entrée en vigueur la loi interdisant le port du voile intégral, votée à l'initiative de notre majorité. Malgré la polémique, c'est désormais une loi de la République, qui doit être respectée. Il s'agit en effet d'un message adressé à celles et à ceux qui, en France et dans le monde, se battent inlassablement pour défendre la dignité et le respect des femmes.

En 2004 déjà, la loi sur le voile islamique avait provoqué, je le rappelle, nombre de réactions. Et pourtant, aujourd'hui, tout le monde se félicite de son application ! Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire de quelle façon la nouvelle loi sera appliquée ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre chargé des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Madame la députée, le Gouvernement agit en appliquant un principe simple : la dignité de la femme doit être respectée sur l'ensemble du territoire de la République.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

La représentation nationale peut s'honorer d'avoir adopté à la quasi-unanimité cette loi interdisant la dissimulation du visage dans un espace public. Cette loi est, vous l'avez rappelé, un enjeu de cohésion sociale, condition du « vivre ensemble ».

Depuis le 11 avril, toutes les dispositions de la loi s'appliquent, y compris son volet pénal. L'interdiction de dissimuler intégralement son visage est désormais assortie d'une contravention de 150 euros, ou d'un stage de citoyenneté, ou des deux. Par ailleurs, toute personne obligeant une femme à porter un voile intégral peut être condamnée à un an d'emprisonnement et à 30 000 euros d'amende – cette peine étant doublée lorsque la personne contrainte est mineure.

Le ministre de l'intérieur, Claude Guéant, a adressé une circulaire aux préfets le 31 mars dernier, afin d'encadrer les conditions dans lesquelles la loi s'applique sur le terrain. En cas de difficulté de contrôle et de refus persistant d'une personne de se dévoiler afin de permettre la vérification de son identité, la personne concernée sera invitée à rejoindre les locaux de police ou de gendarmerie. Il n'y aura aucun placement en garde à vue pour cette infraction, et les forces de sécurité n'ont d'ailleurs pas le pouvoir d'ôter eux-mêmes le vêtement qui dissimule le visage. En cas de refus réitéré, le procureur de la République est donc systématiquement saisi.

Depuis lundi, quatre personnes ont été verbalisées par les services de police en raison du port d'un voile intégral : deux à Paris, une dans les Yvelines et une en Seine-Saint-Denis. La vérité est que, sauf quelques manifestations émanant d'individus très isolés, il n'y a pas de véritables critiques du bien-fondé de cette loi. Soyez assurée, madame la députée, que la loi, rien que la loi, mais toute la loi, sera appliquée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Francis Hillmeyer, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Hillmeyer

Ma question s'adresse à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.

Les prix de l'essence ont atteint en France un record historique, dont le gazole s'approche à son tour. Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, a annoncé qu'une contribution financière de 115 millions d'euros allait être exigée de l'industrie pétrolière, qui financera la revalorisation de 4,6 % du barème forfaitaire kilométrique.

Il s'agit d'une aide aux contribuables utilisant leur véhicule pour leur travail, et l'on estime que cinq millions de salariés, 600 000 commerçants ou artisans et 500 000 membres de professions libérales, pourraient en bénéficier. Selon les organismes de défense des consommateurs, en revanche, ces bénéficiaires devraient être en nombre limité, parlant même de « goutte d'eau dans un océan d'attente ».

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Hillmeyer

Or, il existe une catégorie d'artisans particulièrement pénalisés, ceux qui fournissent un service dit de transport léger. Ils acceptent toutes sortes de transports à travers l'hexagone, souvent dans l'urgence, rendant ainsi un service indispensable aux entreprises. Ils sont, dans une certaine mesure, les « petits frères » des transporteurs routiers de marchandise. Or, ces derniers bénéficient d'exonérations partielles de taxes sur le gazole. Ce n'est pas le cas des services de transport léger, qui emploient 50 000 salariés et utilisent 45 000 véhicules, répartis entre 19 000 sociétés.

Ces petites entreprises souffrent et, très souvent, sont obligées de travailler au-dessous du seuil de rentabilité. Monsieur le ministre, pensez-vous pouvoir étendre à ces professionnels de la route les avantages dont bénéficient les transporteurs routiers ? Par ailleurs, quelles mesures envisagez-vous pour les artisans en général et, par extension, pour l'ensemble des usagers de la route ? Nous, députés du Nouveau Centre, sommes inquiets de l'affaiblissement des moyens financiers de nos concitoyens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le député, l'action du gouvernement de François Fillon est orientée prioritairement vers la protection du pouvoir d'achat des plus défavorisés et vers la relance du pouvoir d'achat pour l'année à venir, qui sera celle de la fin de la législature.

Nous devons faire face à un problème, celui de la hausse du prix de l'essence, soumis à une double pression : d'une part la relance de l'activité économique mondiale – je rappelle que l'OCDE établit désormais à 4,4 % sa prévision pour la croissance mondiale, ce qui signifie une demande accrue en produits pétroliers, en particulier de la part des pays émergents –, d'autre part une forte instabilité politique dans un certain nombre de pays, souvent producteurs de pétrole.

Cette tension nous a amenés à prendre, sous l'impulsion du Premier ministre, plusieurs décisions visant à protéger le pouvoir d'achat. La première décision portait sur le prix du gaz, qui ne subira pas de nouvelle augmentation. La deuxième portait sur les tarifs d'EDF, qui subiront une augmentation inférieure à 3 % – et non de 5 %, comme on a pu l'entendre.

Par ailleurs, des mesures très importantes ont été prises concernant le coût de l'essence. Ainsi, le Premier ministre a annoncé, le 5 avril dernier, la revalorisation de 4,6 % du barème kilométrique. Christine Lagarde, ministre de l'économie, a tenu hier, avec Éric Besson et Frédéric Lefebvre, une réunion rassemblant les représentants des producteurs et des distributeurs de pétrole, afin de mettre au point une mesure dont le coût ne serait pas supporté par le contribuable. Ce n'est donc pas le contribuable qui paiera la compensation liée à la hausse du prix de l'essence, mais les pétroliers : 60 % de cette compensation sera à la charge des producteurs et 40 % à la charge des raffineurs et des distributeurs.

Comme vous l'avez dit, cette aide concernera cinq millions de personnes. Les particuliers pourront l'imputer sur leurs revenus de 2010, c'est-à-dire dans le cadre de la déclaration faite en 2011. Les artisans et les commerçants seront également concernés, de même que les services de transport léger. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. David Habib, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de David Habib

Je voudrais d'abord dire à M. Frédéric Lefebvre que, même si le projet socialiste n'a pas l'ambition d'égaler les écrits de Voltaire, il devrait lui consacrer davantage de temps lorsqu'il veut en faire l'exégèse ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Ma question s'adresse au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. Le prix de l'énergie a augmenté de 15 % en un an : 6 % pour l'électricité et 20 % pour le gaz ; quant au prix du pétrole, il flambe. Les Français mesurent chaque jour les effets de ces hausses sur leur pouvoir d'achat.

À l'inverse, pour quelques-uns, la France de Nicolas Sarkozy est un pays de Cocagne. Bercy vient en effet de transmettre une étude qui montre que Total n'a pas payé d'impôt sur les sociétés en 2010 et n'en paiera pas non plus en 2011.

Première capitalisation boursière de France, réalisant l'an passé plus de 10 milliards de bénéfices, Total profite du dispositif du bénéfice mondial consolidé pour échapper à l'impôt sur les sociétés. Cette niche profite à cinq groupes, à quelques dizaines d'actionnaires et coûte 500 millions d'euros.

En cette période où le pouvoir d'achat est lourdement malmené, notamment par la hausse du prix de l'énergie, ce cadeau fiscal est inadmissible. Je souhaite donc connaître, monsieur le ministre, pour 2009, 2010 et 2011, le montant exact du manque à gagner pour l'État de ce cadeau consenti à Total.

Par ailleurs, confirmez-vous l'information selon laquelle vous seriez en train de négocier avec Total l'annulation ou la réduction de ce même impôt, en vertu de ce même mécanisme, jusqu'en 2013 ?

Je rappelle à notre assemblée que le renouvellement de l'agrément qui permet à ces cinq groupes, dont Total, de s'exonérer de l'impôt sur les sociétés est irrévocable et vaut pour trois ans. Aussi, quelles sont vos intentions et à combien s'établirait ce cadeau supplémentaire pour les exercices à venir ?

Contrairement à ce que vous venez de laisser entendre, ce n'est pas la contribution financière de la filière pétrolière visant à couvrir le relèvement du forfait kilométrique qui modifiera le sentiment qu'on prélève au plus grand nombre pour financer quelques-uns ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Quelle contradiction, monsieur le député ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est d'abord une contradiction pour vous-même, car je crois que vous êtes l'élu d'un bassin industriel où Total est installé. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Total, c'est 100 000 emplois dans le monde, dont 35 000 en France. Comment pouvez-vous soutenir le maintien d'outils de production sur site ? Comment pouvez-vous développer l'idée de lutter contre les délocalisations ? Comment pouvez-vous porter dans le projet socialiste – et c'est la seconde contradiction – la volonté d'une politique industrielle stable, durable et confortant nos emplois sur zone tout en proposant la suppression du bénéfice mondial consolidé ?

En effet, c'est quand même un paradoxe : la France n'a pas de pétrole, or Total est une entreprise pétrolière. Par un constat d'évidence, n'arrivez-vous pas à la conclusion que Total exerce son activité à l'extérieur de notre pays ?

Second constat d'évidence : les entreprises qui exercent leur activité sur notre territoire paient leur impôt sur notre territoire ; les entreprises qui exercent leur activité à l'extérieur de notre territoire bénéficient du dispositif fiscal au niveau international.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Est-ce là une dérogation en faveur de Total ? Est-ce là une dérogation pour la France ? La réponse est non. C'est même le système le plus fréquemment utilisé par les pays de l'Union européenne et par la plupart des entreprises accompagnées par l'OCDE, qui favorise le développement. D'ailleurs, c'est tellement logique !

Permettez-moi, pour conclure, de rappeler que l'impôt sur les sociétés ne représente que 10 % de l'effort contributif d'une entreprise ; le reste est facturé et payé.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Il n'y a donc pas à remettre en cause le bénéfice mondial consolidé, lié à la situation particulière de Total.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Il n'est pas question non plus de taire des informations…

Plusieurs membres du groupe SRC. Mais si !

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

…qui sont à la disposition du président de la commission des finances. Pour le reste, je ne trahirai pas le secret fiscal ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Philippe Meunier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Meunier

Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

L'utilisation des listes électorales pour l'organisation des primaires socialistes, afin de désigner un candidat à la prochaine élection présidentielle, créera de fait un fichier politique des Français. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Meunier

En effet, les sympathisants de gauche seront immédiatement identifiés en participant à ces primaires, mais il en sera de même pour les sympathisants de droite et du centre, du fait de l'absence de leur signature sur le fichier électoral utilisé.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Meunier

Monsieur le ministre, nous le savons tous, certains élus pratiquent le sectarisme politique au nom de leur idéologie et de leur parti.

Quel serait alors le degré de liberté pour un employé municipal face à son employeur, maire socialiste de sa ville, responsable de l'organisation de ces primaires ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Quel serait le degré de liberté pour un président d'association, électeur de la commune, qui demande tous les ans une subvention à la majorité municipale socialiste de la ville ? (Mêmes mouvements.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Meunier

Avec cette crainte d'être mal noté par son employeur, de ne pas recevoir la subvention municipale ou tout simplement d'être mal vu par la majorité municipale, de nombreux compatriotes se sentiront contraints et forcés de participer à ces primaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Ce fichier pourrait aussi tomber entre n'importe quelles mains compte tenu des modalités de l'organisation de cette consultation.

Et ce ne sont certainement pas les conditions de la précédente élection du premier secrétaire du PS qui pourraient nous rassurer en la matière ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

La création d'un tel fichier politique des Français pourrait ainsi avoir de graves conséquences pour nos compatriotes en cas de crise politique majeure, si ce type de fichier était amené à tomber entre les mains d'extrémistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Meunier

Cela s'est malheureusement déjà vu par le passé.

L'utilisation des listes électorales créant un fichier politique des Français pose donc un problème d'éthique, quel que soit d'ailleurs le parti organisateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Meunier

C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous aimerions connaître votre appréciation à ce sujet et les suites que vous comptez donner à cette affaire afin de protéger les libertés publiques des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le député, comme vous le savez parfaitement, l'article L. 28 du code électoral prévoit que tout électeur, tout candidat et tout parti ou groupement politique peut prendre communication et copie des listes électorales. Le parti socialiste peut donc légalement demander les listes électorales en vue d'organiser ses primaires. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Ce principe étant posé, autre chose est de collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître des opinions politiques.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

L'article 8 de la loi informatique et libertés l'interdit. C'est donc bien ce que je vous dis, monsieur Bacquet !

Je voudrais donc simplement rappeler que, dans ce cadre, le régime applicable aux fichiers est le suivant : obligation de déclaration à la CNIL, mais également recueil effectif du consentement de la personne. Cela sera bien évidemment le cas pour les votants.

En revanche, dans le cas des personnes qui ne participeront pas au vote, il sera par définition impossible de recueillir leur consentement. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Elles ne pourront donc être recensées comme non sympathisantes. Légalement – c'est cela qui est important – il est donc impossible de créer un fichier dans le but d'associer une opinion politique aux personnes qui n'auront pas participé au scrutin. En tant que garde des sceaux, il m'appartenait de rappeler l'état du droit. J'espère que tous auront à coeur de le respecter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Henri Jibrayel, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Jibrayel

Avant de poser ma question, je voudrais rassurer M. Meunier, en lui faisant part de la circulaire que le ministre de l'intérieur a envoyée aux préfets le 10 janvier dernier, par laquelle les préfets sont invités à transmettre les fichiers électoraux aux partis qui prennent l'initiative d'élections primaires (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), sachant que la question de la destruction des fichiers a été vue avec la CNIL.

J'invite donc les députés de la majorité à la patience : qu'ils persévèrent dans leur politique et, dans un an, ils pourront adresser leurs questions à un gouvernement de gauche ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe SRC.)

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

La semaine dernière, les hôtesses de caisse de Carrefour se sont mises en grève pour protester contre leurs conditions de travail, la précarité de leur contrat d'embauche ou encore leur situation salariale. Elles se faisaient ainsi les porte-parole de toute une profession.

Aujourd'hui, le métier d'hôtesse de caisse disparaît peu à peu, au profit des automates et au détriment du service rendu à la clientèle. Ces femmes et ces hommes que nous croisons chaque jour vivent des conditions de travail insupportables, avec des horaires découpés et redécoupés, difficilement compatibles avec une vie de famille. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Leur salaire dépasse rarement le SMIC, pendant que les actionnaires de ce grand groupe comptent leurs gains en milliards.

Monsieur le Premier ministre, vous qui n'hésitez pas à venir au secours des banques, vous qui vous penchez régulièrement au chevet des plus riches, vous avez aujourd'hui la possibilité d'intervenir fortement en faveur de ces femmes et de ces hommes. Alors que demain s'ouvrent des négociations salariales avec la direction, il est clair que l'augmentation qui leur est proposée – 1 % en mars et 1 % en octobre – est totalement ridicule et méprisante à leur égard. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Allez-vous, oui ou non, monsieur le Premier ministre, imposer à la direction de Carrefour qu'elle prenne en considération les revendications des hôtesses de caisse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur le député, la démagogie n'a jamais été une voie pour qui que ce soit (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) – et votre déclaration en est l'exemple type : même quand il y a eu un gouvernement socialiste – et il faut remonter à loin –, ce n'est pas lui qui a fixé les salaires, notamment dans les entreprises. Soit vous ne le savez pas, et d'autres vous le diront, soit vous le savez, et cela s'appelle de la démagogie, monsieur le député socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous n'avez rien fait.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

C'est notre majorité qui a décidé de mettre en oeuvre ce que l'on appelle la négociation annuelle obligatoire. Aujourd'hui, huit branches sur dix – ce n'était même pas cinq sur dix avant le début de ce quinquennat – distribuent des revenus supérieurs au SMIC.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Vous n'avez rien dit non plus quand la justice a décidé que les temps de pause ne devaient pas être intégrés dans l'assiette de calcul du SMIC ; vous auriez dû le préciser pour être exhaustifs.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Chaque fois que nous avons voulu nous engager, vous avez été aux abonnés absents. Par exemple, quand nous avons décidé de revaloriser le pouvoir d'achat avec les heures supplémentaires, vous avez été farouchement contre. Quand nous avons voulu nous engager pour passer du temps partiel, bien souvent subi, à un temps complet, comme le font certaines grandes enseignes, vous avez été absents. Et quand cette majorité va s'engager pour un nouveau partage de la valeur afin que les salariés aient un avantage quand les dividendes augmentent, vous serez encore aux abonnés absents, parce qu'une chose seulement vous intéresse : la démagogie, même si elle a toujours été sanctionnée par les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Dominique Dord, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Dord

Monsieur le ministre du travail, j'ai reçu hier, à ma permanence d'Aix-les-Bains, un jeune lycéen de dix-huit ans qui va essayer d'avoir le bac dans deux mois. Il a postulé pour entrer dans un IUT à Annecy, duquel il ressortira vraisemblablement un peu avant vingt et un ans. Il lui restera alors à trouver un emploi et à travailler quarante et un ans et demi pour avoir droit à une retraite à taux plein, puisque cette durée de cotisation n'est contestée par personne.

Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Si, par nous !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Dord

En clair, Philippe aura plus de soixante-deux ans quand il arrivera à la retraite.

Ils sont 80 % de jeunes Français à arriver au bac. Ils sont donc 80 % dans la situation de Philippe, sans compter ceux qui redoubleront une année, qui feront des études plus longues ou qui mettront un peu de temps à trouver du boulot.

Monsieur le ministre, Philippe est extrêmement amer.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Dord

Il sait qu'on lui ment, il sait qu'on se moque de lui et de sa génération quand on essaie de lui faire croire qu'il pourra prendre sa retraite à soixante ans, car il sait arithmétiquement, quarante ans avant de prendre sa retraite, que, de toute façon, pour lui comme pour tous les jeunes hommes et femmes de sa génération, ce sera soixante-deux ans, ou plus.

J'ai essayé de lui expliquer, monsieur le ministre, que le parti socialiste avait toujours été fâché avec les chiffres (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),qu'il n'avait jamais su compter. Mais rien n'y fait, Philippe reste extrêmement amer.

Alors, monsieur le ministre, ma question est simple : pour vous, la retraite à soixante ans, est-ce une gigantesque arnaque ou un monstrueux bobard ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC. – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur le député,…

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Ce n'est pas de la démagogie, ça ? Dites-lui, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

…les socialistes sont certainement fâchés avec les chiffres, mais il faut reconnaître, et l'expérience des collectivités locales le montre, qu'ils ne sont jamais fâchés avec les impôts. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Si jamais l'on voulait mettre en place la retraite à soixante ans, comme cela a été le cas, excusez du peu, voilà trente ans – cette mesure avait en effet été voulue par François Mitterrand mais n'avait pas été financée, ce qui est bien socialiste : on prend des mesures et on oublie de les financer –, ce serait irresponsable car cela représenterait un coût annuel de 20 milliards d'euros. Et qui paierait ? Les Français, évidemment !

Bien souvent, l'on nous dit : ce n'est pas grave, il faudrait tout simplement laisser le choix aux Français. C'est parfaitement hypocrite, car le libre choix vaut uniquement pour ceux qui en ont les moyens, pas pour les ouvriers, pas pour ceux dont la retraite dépend de leur carrière. Pour ceux-là, il faut des règles qui les protègent.

Certains, à gauche, nous disent qu'il faudrait une réforme comme dans les pays scandinaves. Votre modèle – je me tourne vers les députés socialistes – est-il la Suède, pays dans lequel les pensions de retraite viennent de baisser de 3 % cette année ? Ce n'est pas notre modèle !

Il est vrai que travailler un peu plus, cela exige des efforts. Mais les Français savent pertinemment où est le bon sens, où est le courage et où est la démagogie. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Sur tous ces sujets, en 1993, nous avons engagé une réforme, les socialistes étaient aux abonnés absents. En 2003, avec François Fillon, nous avons engagé une réforme, les socialistes étaient aux abonnés absents. En 2008, les socialistes étaient encore aux abonnés absents, et en 2010, quand Éric Woerth a mené à bien la réforme des retraites, les socialistes étaient toujours aux abonnés absents. Si vous voulez trouver des socialistes cohérents et courageux, vous les trouverez à l'extérieur de notre pays, jamais en France. Savez-vous pourquoi ? Parce que, pour réformer les retraites, il faut tenir un langage de vérité et du courage, deux qualités que n'ont pas les socialistes dans notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Bianco

En 2012, c'est vous qui serez aux abonnés absents !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Laurence Dumont, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Monsieur le ministre du travail, on en reparlera des retraites ! Car naturellement, si nous le pouvons, nous abrogerons votre réforme des retraites en 2012. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous l'abrogerons parce qu'elle est injuste et qu'elle ne règle rien financièrement. Bien sûr, nous rétablirons le droit de prendre sa retraite à soixante ans ! Bien sûr, nous prendrons en compte la pénibilité et l'allongement de la vie ! Bien sûr, nous assurerons le financement du système grâce à une contribution du capital ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Mais nous en reparlerons…

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, vous avez attendu le lendemain des cantonales pour dévoiler la carte scolaire, et pour cause ! Le mécontentement confine à la colère partout, en ville et en milieu rural où l'école est souvent le dernier service public.

Mais ce ne sont pas seulement des classes qu'on va fermer. Ce sont aussi des postes qui assurent la cohésion de notre système éducatif et la réussite de tous les élèves. Exit les conseillers pédagogiques, supprimés les maîtres d'aide aux apprentissages, virés les enseignants spécialisés des RASED, oubliés les auxiliaires de vie scolaire : vous n'épargnez rien, ni personne !

Hier à Caen, les parents des écoles de la Grâce-de-Dieu et de La Guérinière, situées en réseaux de réussite scolaire – les anciennes ZEP –, ont appelé avec succès à une opération « école morte ». Ces familles vous disent leur opposition résolue à votre école à deux vitesses.

En effet, ce sont ces quartiers pour lesquels l'école de la République devrait faire le plus ! Or, comble des injustices, ce sont les écoles situées dans les quartiers déjà marqués par les difficultés sociales qui sont votre cible ! Ce choix est indigne d'un ministre de la république !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Monsieur le ministre, je connais trop votre réponse pour daigner vous poser une question, mais entendez la colère ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative.

Debut de section - PermalienJeannette Bougrab, secrétaire d'état chargée de la jeunesse et de la vie associative

Madame la députée, avec cette énième question que vous posez depuis janvier sur les moyens dévolus au système éducatif, vous confortez de manière édifiante la pensée unique du « toujours plus de moyens » ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous prétendez que nous diminuons les moyens de l'éducation nationale : c'est faux ! Il y a aujourd'hui 35 000 professeurs de plus par rapport à 1990, alors que 540 000 élèves en moins sont scolarisés.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Vous avez supprimé 100 000 postes de professeurs depuis 2002 !

Debut de section - PermalienJeannette Bougrab, secrétaire d'état chargée de la jeunesse et de la vie associative

Dotée de plus de 60 milliards d'euros, soit le quart du budget de l'État, l'éducation nationale a le plus gros budget et demeure la priorité du Gouvernement, avec un objectif : la réussite de chaque élève. Ce budget, alors que nous sommes en pleine crise économique, est en augmentation de 1,6 %, et nous allons recruter cette année 17 000 personnes : le ministère de l'éducation nationale demeure le premier recruteur de France !

Debut de section - PermalienJeannette Bougrab, secrétaire d'état chargée de la jeunesse et de la vie associative

Contrairement à vous, nous sommes porteurs d'une vision pour la jeunesse. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.). Nous sommes soucieux de faire du sur-mesure, pour chaque élève et dans chaque territoire, car seule une répartition ciblée des moyens est efficace.

À votre dogme du « toujours plus de moyens », nous répondons par la responsabilisation des acteurs de terrain, qui connaissent les élèves. (Mêmes mouvements.) Nous répondons par l'innovation pédagogique, car nous tenons compte de la diversité de nos élèves. (Mêmes mouvements.) Nous répondons soutien aux élèves, notamment les plus fragiles – je rappelle que plus d'un milliard d'euros est consacré à l'éducation prioritaire et que la scolarisation des enfants handicapés a progressé de 40 % en cinq ans.

Décidément, madame la députée, vous regardez systématiquement derrière vous lorsqu'il s'agit de la jeunesse. Nous avons choisi, nous, de regarder vers l'avant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Charles Taugourdeau

Ma question s'adresse à Madame Nadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle.

En créant un ministère spécifiquement chargé de l'apprentissage, le Président de la République et le Premier ministre ont adressé un signal fort aux jeunes qui veulent un métier : agir pour passer de 600 000 à 800 000 apprentis d'ici à 2015.

La proposition de loi que nous avons déposée hier, Gérard Cherpion, Bernard Perrut et moi-même, soutient la volonté du Président de la République et celle du Premier ministre. Elle donne à l'apprenti un véritable statut d' « étudiant des métiers ». Elle élargit et simplifie les conditions d'embauche des apprentis, pour peu que les régions jouent le jeu aux côtés de l'État !

Je m'adresse ici à nos collègues socialistes, dont nous connaissons l'esprit républicain, pour qu'ils expliquent aux présidents des régions qu'il n'y aurait que des avantages à ce que celles-ci utilisent la totalité des crédits d'État dévolus à l'apprentissage et qu'elles investissent au même niveau que ce dernier, dans l'intérêt de chaque jeune qui souhaite apprendre un métier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Charles Taugourdeau

Peut être serait-il donc nécessaire, madame la ministre, que vous rappeliez les engagements du Gouvernement en matière d'apprentissage.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme la ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle

Monsieur le député Jean-Charles Taugourdeau, si entre février 2010 et février 2011 le chômage des jeunes a reculé de 6,4 %, Xavier Bertrand et moi-même voulons cependant aller plus loin, plus vite et plus fort pour faire reculer ce chômage. Nous avons donc décidé de tout faire pour favoriser l'insertion des jeunes dans l'entreprise. Issu vous-même du milieu de l'entreprise, vous êtes bien placé pour savoir en effet que cette insertion est la clef vers un emploi durable.

Nous avons sur ce point une divergence de fond avec nos amis socialistes, puisque leur programme propose la création de 300 000 emplois jeunes dans le secteur public, financés avec de l'argent public. Nous les appelons donc à mener à nos côtés une réflexion sur le sujet, car l'emploi des jeunes est un objectif national qui doit tous nous réunir.

L'État va s'engager, pour les quatre ans à venir, à hauteur de 1,7 milliard d'euros. Des contrats vont être passés avec les régions, et j'entamerai moi-même, dans cette perspective, un tour de France, dès la semaine prochaine. Nous devons, ensemble, faire en sorte qu'un maximum de jeunes intègrent le monde de l'entreprise, seul véritable lieu d'accès à l'emploi.

Mais nous voulons, avec Xavier Bertrand, aller encore plus loin : 500 millions prélevés sur le grand emprunt doivent nous permettre de moderniser notre outil de formation, sur l'ensemble du territoire. Il s'agit de moderniser nos CFA et d'en créer de nouveaux, qui soient innovants.

Cet objectif national, nous le partageons également avec les partenaires sociaux et les entreprises, à travers la proposition de loi que vous portez avec Gérard Cherpion et Bernard Perrut. Ce doit être notre engagement à tous. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Sandrine Hurel, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Hurel

Permettez-moi d'associer mon collègue Kléber Mesquida à ma question, qui s'adresse au Premier ministre et concerne la hausse des prix de l'énergie – et en particulier des carburants.

La facture du gaz a augmenté de 5 % au 1er avril, celle de l'électricité suivra le même chemin au 1er juillet. Parallèlement, les prix des carburants ne cessent de flamber pour atteindre des records à la pompe. Et ce ne sont pas les dernières déclarations du PDG de Total qui rassureront les Français : à l'en croire, le litre d'essence coûtera bientôt deux euros !

Alors que les grandes compagnies pétrolières affichent plus de 10 milliards d'euros de bénéfices, il faut rappeler que le Gouvernement, grâce à la taxe intérieure sur les produits pétroliers, perçoit 57 % du prix du carburant.

Ces hausses à répétition ont une répercussion sur les besoins élémentaires du quotidien : se loger, se nourrir, se chauffer, trouver un emploi, se rendre sur son lieu de travail, livrer les marchandises, coûte de plus en plus cher.

Tous les secteurs d'activité sont touchés. J'étais hier encore sur le port de Dieppe avec les pêcheurs : depuis que le prix du litre de gazole est passé de 45 à 70 centimes d'euro, bon nombre d'entre eux devront rester à quai et licencier leur équipage – à moins que Mme Lagarde ne leur conseille de se rendre à la rame sur leur lieu de pêche…

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Hurel

Vos mesurettes, très sélectives, ne sauraient répondre à l'ampleur des difficultés. Nous avons besoin de mesures qui concernent tous les Français, puisque tous souffrent de votre politique et de l'insuffisance de vos décisions.

Face à une telle situation, les socialistes avaient mis en place la TIPP flottante ou bloqué le prix de l'essence – je vous renvoie aux mesures prises par Pierre Bérégovoy pendant la guerre du Golfe.

Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous enfin vous décider à bloquer le prix de l'essence, plutôt que d'enrichir les compagnies pétrolières et d'appauvrir les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Madame la députée, vous posez à nouveau la question de l'énergie. La situation est tendue, nous le savons tous et il ne sert à rien de le cacher, mais des mesures ont été prises. Je n'y reviens pas car j'ai déjà répondu à vos collègues du groupe communiste et du groupe socialiste.

Je rebondirai simplement sur la TIPP flottante mise en place il y a quelques années par un gouvernement socialiste. Le dispositif, vous le savez parfaitement, n'a pas fonctionné, d'abord parce qu'il était d'une extrême complexité, ensuite parce qu'il n'a fait baisser le prix du carburant que d'un ou deux centimes, alors même que son coût dépassait les deux milliards. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

D'ailleurs, le parti socialiste n'en parle plus et propose, à la place, de baisser la TVA : c'est M. Hollande, je crois, qui a évoqué cette solution, bien qu'il sache parfaitement que ce n'est pas possible car, la TVA étant un impôt communautaire, nous avons besoin de l'accord de nos partenaires.

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Permettez-moi par ailleurs de vous rappeler, puisque vous considérez qu'il faut agir sur la TIPP, que depuis le 1er janvier 2007, les régions – où vous êtes majoritaires, vous nous le rappelez chaque jour – peuvent moduler une fraction du tarif de la TIPP.

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Or, vous ne le faites pas, pour la simple et bonne raison, vous le savez très bien, que la TIPP porte sur les volumes : dès lors que la consommation baisse, les recettes baissent aussi. Dites la vérité aux Français ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Martial Saddier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Saddier

Ma question s'adresse à M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État à la consommation. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

La semaine dernière, le Premier ministre a annoncé plusieurs mesures destinées à limiter l'impact de la hausse des prix de l'énergie sur le budget des Français : gaz, électricité et carburants ont ainsi retenu toute l'attention des pouvoirs publics. Confronté à un contexte international très difficile, le Gouvernement se devait de prendre des décisions en la matière, et je me réjouis qu'il l'ait fait.

Après avoir décidé de geler les tarifs du gaz et d'encadrer la hausse des prix de l'électricité, vous avez tenu hier avec Christine Lagarde et Éric Besson une réunion rassemblant les professionnels du pétrole. Je salue cette initiative.

En effet, depuis août 2010, le prix du pétrole a augmenté de 75 %, et les prix de l'essence ne cessent, jour après jour, de grimper. Ces hausses amputent le pouvoir d'achat des Français, notamment ceux qui sont contraints de prendre chaque jour leur voiture pour se rendre au travail.

À la suite de cette réunion, les pétroliers français ont accepté de participer à la revalorisation du barème forfaitaire kilométrique. Les acteurs de la production, du raffinage et de la distribution du pétrole en France contribueront pour 115 millions d'euros à la limitation du poids des cours du brut sur la consommation.

Monsieur le secrétaire d'État, ces mesures annoncées arrivent au bon moment pour les Français : dans quelles circonstances pourront-elles être appliquées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Monsieur le député, vous avez à juste titre rappelé les décisions prises à l'initiative du Premier ministre, ainsi que la réunion que Christine Lagarde, Éric Besson et moi-même avons tenue avec les professionnels.

Vous avez décrit dans le détail les mesures annoncées et je n'y reviendrai pas, sauf pour vous assurer à nouveau – la mesure relative au barème kilométrique en témoigne – que toutes nos décisions sont tournées vers la France qui travaille, vers la France qui roule, la France de ces cinq millions de salariés, de ces 600 000 commerçants et artisans, de ces 500 000 membres de professions libérales qui subissent plus que les autres la hausse des prix du carburant.

Par ailleurs, les mesures que nous avons prises pour faire respecter la transparence et pour faire jouer la concurrence portent leurs fruits. Depuis le 9 mars, 800 000 de nos compatriotes, contre 380 000 le mois précédent, ont consulté le site mis en place par le Gouvernement pour les informer des différences de prix entre stations. Des écarts de 15 centimes sont parfois constatés entre des stations éloignées de quelques kilomètres seulement. Les Français ont compris qu'il fallait faire jouer la concurrence.

Une nouvelle fois, il y a ceux qui critiquent en permanence et ceux qui agissent et essaient d'apporter des solutions. J'ose espérer que, sur ces bancs, souffle un peu de l'esprit de Voltaire (Vives exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC), afin que nous soyons plus tolérants. Voltaire écrivait ainsi dans Zadig : « Il n'y a point de mal dont il ne naisse un bien.» Que l'on parle de Voltaire est un bien, dont certains devraient s'inspirer. (Même mouvement.)

Prix de l'énergie

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La conférence des présidents, réunie ce matin, a décidé d'inscrire à l'ordre du jour des mardi 10 et mercredi 11 mai la proposition de loi visant à abroger les permis exclusifs de recherche d'hydrocarbures non conventionnels.

Elle a également arrêté les propositions d'ordre du jour suivantes :

Mardi 17 mai :

Débat sur les autorités administratives indépendantes ;

Mercredi 18 mai :

Débat sur la mise en oeuvre des décisions du Conseil interministériel de l'outre-mer ;

Débat sur la mise en oeuvre de la révision générale des politiques publiques ;

Jeudi 19 mai :

Débat sur la politique commerciale de l'Union européenne.

Il n'y a pas d'opposition ?

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi relatif à la garde à vue (nos 3213, 3284).

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Dans les explications de vote, la parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les députés du Nouveau Centre voteront le présent projet de loi relatif à la garde à vue.

Comme cela a été indiqué en première lecture, c'est le Conseil constitutionnel qui, saisi dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité, a demandé au Gouvernement de réformer la garde à vue avant le 1er juillet prochain. Il y va aussi de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

Tout au long de la discussion, les députés du Nouveau Centre ont essayé d'apporter leur contribution pour répondre aux légitimes interrogations que suscite la présence de l'avocat, ce qui va considérablement réformer et améliorer le système de la garde à vue.

La semaine dernière, le président de la commission des lois est monté à la tribune pour vous demander de dégager des moyens humains et financiers, afin d'adapter les lieux de garde à vue et de permettre le financement de la garde à vue. Forts des réponses apaisantes et des engagements que vous avez pris au nom du Gouvernement afin d'améliorer le financement de la présence de l'avocat, par l'aide juridictionnelle, et de permettre que les brigades de gendarmerie soient des lieux de garde à vue pour éviter de concentrer les auditions dans les chefs-lieux de canton, les députés du Nouveau Centre voteront cette réforme qui constitue un progrès.

Permettez-moi de rappeler une exigence, qui constitue l'essentiel de la réforme : le nombre des gardes à vue – 900 000 chaque année – doit baisser. Il ne doit pas être un critère de performance pour la gendarmerie et les policiers, et la garde à vue doit être réservée aux enquêtes sur les crimes et délits.

Enfin, il faudra veiller à ce que les conventions à passer avec l'ordre des avocats permettent à chacun de trouver sa place pour que la réforme reste un texte d'équilibre qui ne compromette pas la délicate mission des policiers et des gendarmes.

C'est forts de cet équilibre que les députés du Nouveau Centre voteront cette réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Huyghe

Monsieur le garde des sceaux, nous devons voter cet après-midi, en deuxième lecture, le projet de loi relatif à la garde à vue.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Huyghe

Ce texte avait recueilli un certain consensus dans cet hémicycle en première lecture, la majorité l'ayant voté dans son intégralité et l'opposition s'étant abstenue. Pour sa part, le Sénat a amendé le texte à la marge. Aujourd'hui, il nous est proposé de voter un texte conforme à celui adopté par la Haute Assemblée.

Il est vrai que, comme on l'a dit, nous avons dû légiférer dans l'urgence.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Huyghe

Mais, dès 2007, sous l'impulsion du Président de la République, le Gouvernement avait lancé une réforme globale de notre procédure pénale et avait installé divers groupes de travail. Un avant-projet de près de 700 articles en était sorti. Depuis, nous avons été rattrapés par la jurisprudence de la Cour de cassation et par les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme : une décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010 nous a donné jusqu'au 1er juillet 2011 pour nous mettre en conformité avec les préconisations de la Cour européenne des droits de l'homme.

Par ailleurs, l'assemblée plénière de la Cour de cassation devrait se prononcer, le 15 avril prochain, sur notre procédure pénale. La décision qui sera rendue pourrait remettre en cause toutes les procédures en cours.

Nous avons donc une contrainte de fond, mais aussi un certain nombre de contraintes de forme. En effet, la Cour européenne des droits de l'homme, de culture anglo-saxonne, nous impose finalement de plaquer des dispositions issues de la procédure accusatoire sur notre propre système inquisitoire de procédure pénale. Aussi, ce texte peut-il paraître hybride. Nous devions donc légiférer dans ces conditions très contraintes.

De plus, afin d'éviter des problèmes d'interprétation entre les deux systèmes, il convient de se garder de confondre le procureur anglo-saxon et le procureur de la République français, complètement différents, celui-ci menant son enquête à charge et à décharge.

Aussi avons-nous dû nous frayer un chemin entre des intérêts contradictoires, qu'il s'agisse de l'assurance du droit légitime à la défense ou de la nécessité de faire en sorte que l'enquête s'effectue sans entrave, faute de quoi le taux d'élucidation risquerait de baisser.

Il convient, en troisième lieu, de protéger la victime. L'une des dispositions du texte prévoit ainsi que, dans certaines circonstances, la victime pourra être assistée par un avocat.

Ce projet de loi aboutit par conséquent à un équilibre précaire entre des intérêts contradictoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Huyghe

Il est vraisemblable que, à la lumière de l'expérience, nous devrons revenir sur plusieurs dispositions.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Huyghe

Le projet assure néanmoins l'essentiel : il apporte des réponses à l'intégralité des préconisations de la Cour européenne des droits de l'homme, à celles du Conseil constitutionnel et à celles de la Cour de cassation.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Huyghe

Ce texte est le fruit d'un compromis et, comme tout compromis, il oblige les uns et les autres à faire des concessions, ce qui est forcément source d'insatisfaction,…

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Huyghe

…mais il nous restera, à l'occasion de la discussion du prochain projet de loi de finances – nous l'avons abondamment souligné au cours de nos débats –,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Aucun député du groupe UMP n'est monté à la tribune pour le dire !

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Huyghe

…à donner les moyens nécessaires à la réussite de cette réforme.

Fort de l'ensemble de ces constats, le groupe UMP votera la réforme de la garde à vue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Comme d'habitude, le groupe UMP est soumis et discipliné !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Le scrutin public sur l'ensemble du projet de loi est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Le 25 janvier dernier, Dominique Raimbourg, qui a porté notre voix au cours de la discussion sur ce texte, a souligné les nombreuses imperfections subsistant à l'issue de la première lecture et il espérait que le travail du Sénat les dissiperait. Voilà qui justifiait l'abstention des députés de notre groupe à l'issue de la première lecture.

Au moment de nous prononcer définitivement, nous refusons de voter un texte dont nous cherchons vainement la cohérence. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Rien n'y tient debout, pas plus politiquement que juridiquement.

C'était d'ailleurs assez prévisible, puisque la majorité n'a jamais voulu de cette réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Vous non plus d'ailleurs, puisque vous ne l'avez pas votée ! C'est incroyable d'entendre cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Au lendemain du premier arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme, en novembre 2008, qui reconnaissait le droit à l'assistance effective d'un avocat pendant la garde à vue, vous avez nié l'évidence, estimant que l'arrêt ne concernait que la Turquie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

En décembre 2009, un nouvel arrêt de la CEDH, qui définissait avec précision ce que recouvrait cette notion d'assistance effective, ne vous a pas dessillé les yeux. Le 30 juillet 2010, c'est le Conseil constitutionnel qui censurait, sans toutefois remettre en cause les régimes d'exception. Cette nouvelle alerte était explicite. Or, plutôt que d'engager la profonde réforme nécessaire,…

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

L'avez-vous faite quand vous étiez au pouvoir ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

…vous avez ergoté, cherché à temporiser. Il a fallu un troisième arrêt de la CEDH, le 14 octobre 2010, pour vous contraindre à accepter la réalité.

Vous ne pouviez faire autrement puisque, pour la première fois, la France était directement condamnée. Pourtant, là encore, vous avez tergiversé en tentant de nous faire croire que l'essentiel des règles était préservé et qu'il suffisait de modifier notre droit à la marge.

Hélas pour vous, cinq jours plus tard, le 19 octobre 2010, la Cour de cassation déclarait la garde à vue non conforme au droit européen. Il ne restait plus d'échappatoire : pourtant, vous avez tenté de minimiser, en bricolant, en guise de réponse, un nouveau mécanisme baptisé « l'audition libre ».

Bref, depuis le début, vous refusez l'évidence, si bien que votre texte est tellement imprécis qu'il ne satisfait personne : ni les officiers de police judiciaire, policiers ou gendarmes, qui soulignent l'impréparation de leurs administrations face au bouleversement annoncé des procédures, ni les magistrats, tous syndicats confondus, qui détaillent les nombreux vides juridiques du texte, source potentielle de nullité des procédures, ni non plus les avocats qui, du Conseil national des barreaux au Syndicat des avocats de France, s'inquiètent du manque de moyens, notamment ceux consacrés à l'aide juridictionnelle.

Le texte avait l'ambition de garantir des droits, il est en réalité déjà caduc puisqu'il n'intègre pas l'ensemble des prescriptions européennes. Il n'est qu'un aveu d'impuissance et d'incohérence. Vous allez donc logiquement porter seuls la responsabilité de son adoption.

Vous serez seuls pour expliquer aux officiers de police judiciaire pourquoi vous avez choisi d'augmenter leurs contraintes dans des proportions inédites en refusant nos amendements qui simplifiaient les modalités administratives.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Pourquoi, par exemple, ne pas avoir accepté la dématérialisation des actes de procédure ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Vous serez seuls face aux magistrats pour défendre une réforme dont l'application s'annonce matériellement impossible. Déjà, des bricolages apparaissent, comme cette circulaire du procureur de Paris, datée du 28 mars 2011, qui s'inquiète des futures nullités de procédure.

Vous serez seuls face aux avocats…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

…pour justifier toutes les improvisations auxquelles ils seront contraints pour tenter de défendre leurs clients. Bien sûr, leur place est définie dans la première audition ; mais qu'en est-il au cours de tous les autres actes de l'enquête ? On ne distingue pas votre vision : l'avocat est-il présent pour assurer une part du débat contradictoire ou est-il simplement là pour garantir la formulation des aveux ?

Vous serez seuls face aux victimes qui attendaient de cette réforme une progression de leurs droits sans porter atteinte à l'efficacité des enquêtes. Pourquoi avoir limité aux seules confrontations leurs conditions de représentation et d'assistance ?

Enfin, vous serez seuls face à l'opinion pour assumer toutes les conséquences de ce texte à l'inexcusable et inquiétante surdité ; seuls pour voter un texte issu d'une course erratique, un texte qui a trébuché sur tous les obstacles sans les aplanir, contourné toutes les difficultés sans les résoudre,…

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Nous engageons une réforme que vous n'avez pas faite !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

…et qui n'a laissé que des pièges à ceux qui devront en assurer l'application. Bon courage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi sur la garde à vue, que nous avons dû examiner dans la précipitation, a toutes les apparences d'une réforme ratée. Alors qu'il s'agissait de créer des droits, de mieux protéger les libertés des citoyens, de garantir un meilleur exercice de la justice, votre texte est rempli de défauts de fabrication qui annulent ses avancées minimes.

Aux termes de l'article 1er A, les personnes mises en cause pourront toujours contribuer à leur propre incrimination sans l'assistance d'un avocat. Selon l'article 1er, le contrôle de la légalité de la mesure de garde à vue est confié à celui-là même qui la décide, la dirige, à savoir le procureur de la République, en violation manifeste de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

Il en va de même pour la faculté de prolonger la garde à vue. D'après l'article 7, la présence de l'avocat pourra être différée de douze heures ou de vingt-quatre heures selon les desiderata du procureur de la République. L'avocat ne pourra poser de questions qu'à l'issue des interrogatoires ; il n'aura pas accès au dossier, aux dépositions des témoins, aux constatations des policiers.

L'article 11 bis, dans le cas de certains délits, rend possible une procédure d'audition libre sans avocat.

Sur tous ces points, des condamnations émanant de la Cour européenne des droits de l'homme sont probables, ce que personne, ici, n'ignore. Le Gouvernement et la majorité savent qu'ils votent un texte fragile, dont la durée de vie sera très brève.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Ce faisant, ils empêchent une vraie réforme, conforme à notre idéal républicain et aux exigences constitutionnelles et conventionnelles. Ils méprisent la représentation nationale convoquée pour valider un texte rustine rédigé à la va-vite. Vous n'êtes parvenus qu'à mettre d'accord les policiers et les magistrats, mobilisés ensemble contre un projet qu'ils jugent inapplicable.

Nous avions pourtant tout le temps de réaliser une réforme d'ampleur qui mette d'accord policiers et magistrats, une réforme qui n'ouvre pas tant de possibilités de censure de la part du Conseil constitutionnel, ce qui nous contraindra à recommencer notre travail.

Mes chers collègues, une meilleure protection des droits et des libertés des citoyens passe autant par une meilleure procédure de garde à vue que par un renforcement des effectifs et des moyens de la police républicaine, de la justice sur tout le territoire. L'un ne s'oppose pas à l'autre.

Comment permettre une garde à vue dans la dignité alors que les budgets sont coupés ? L'amélioration des conditions de la privation de liberté se heurte à l'objectif désastreux de réduction des dépenses publiques et de suppression d'un poste de fonctionnaire sur deux. Ces coupes claires, ces suppressions de postes et ces politiques de rabotage budgétaire sont en train de créer de la violence au sein de la société. Si le Gouvernement met beaucoup de zèle à déposséder les services publics, il en met bien peu à faire progresser les libertés.

En effet, le ministre de l'intérieur, Claude Guéant, quand il ne déclare pas que les musulmans sont trop nombreux, que les Français ne se sentent plus chez eux ou qu'il est urgent de mener des croisades, prend publiquement la parole pour contester toute réforme de la garde à vue, car cela compliquerait le travail de la police. C'est dire le degré de motivation du Gouvernement pour appliquer les principes constitutionnels et conventionnels.

Comment s'étonner, dès lors, que le dispositif que nous examinons ne soit pas financé ? L'absence des budgets nécessaires à l'application de cette réforme a été soulignée au cours de la discussion, aussi bien par les syndicats de policiers, par les syndicats de magistrats que par le président de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann. Vous-même, monsieur le garde des sceaux, l'avez reconnu au cours des débats.

Voter ce texte, c'est accepter de légiférer en pure perte, pour une durée limitée, au mépris de ce que nous savons et des valeurs que nous entendons défendre. Les députés communistes, républicains et du parti de gauche ne donneront pas quitus au Gouvernement. Par souci de cohérence avec notre vote à l'issue de la première lecture, face au mépris avec lequel est traité le législateur et pour hâter une vraie réforme d'ampleur de la garde à vue et de la chaîne pénale tout entière, nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 538

Nombre de suffrages exprimés 515

Majorité absolue 258

Pour l'adoption 294

Contre 221

(Le projet de loi est adopté.)

Vote sur l'ensemble

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures cinquante, sous la présidence de M. Marc Laffineur.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés, à la simplification des transferts des produits liés à la défense dans l'Union européenne et aux marchés de défense et de sécurité (nos 3188, 3311).

La parole est à M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants.

Debut de section - PermalienGérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, nous avons à examiner un projet de loi dont l'objet est la transposition de deux directives portant sur un sujet particulièrement sensible, puisqu'il concerne le commerce de l'industrie de l'armement, en Europe et à l'extérieur de l'Europe.

Ce texte doit beaucoup aux directives, mais aussi aux travaux des parlementaires. Je voudrais tout particulièrement saluer le travail de votre rapporteur, M. Fromion, qui est, à bien des égards, le parrain de cette réflexion d'ensemble sur le marché intracommunautaire des armes, de l'armement, du matériel de sécurité et de défense, ainsi que d'une réflexion plus globale sur les règles de commerce et d'exportation de l'armement à l'extérieur des limites de l'Europe.

Ces deux directives, monsieur Vitel, je sais que la commission de la défense nationale et des forces armées les connaît bien, puisque nous avons eu l'occasion de travailler ensemble.

L'industrie de l'armement n'est pas une industrie comme les autres. Compte tenu des contraintes qui pèsent et sur ces équipements et sur leurs conditions d'usage, il est indispensable d'adopter des dispositions spécifiques et de faire en sorte que l'esprit du marché unique ne puisse être étendu aux biens de défense et de sécurité sans tenir compte de leur nature très particulière.

En France, l'industrie d'armement concerne directement et indirectement plus de 160 000 emplois, ce qui est considérable. Le chiffre d'affaires de cette industrie au plan international nous permet de peser. Alors que nous représentons 1 % de la population mondiale et 5 % de l'économie mondiale, nous fournissons 7,5 % des exportations mondiales d'armement – en moyenne, car ce n'était pas le cas en 2010. Pour un pays voisin comme le Royaume-Uni, d'une taille comparable à la nôtre, le chiffre est supérieur : 13,5 %. Israël représente 5 % des exportations mondiales d'armements, mais, étant donné la taille de ce pays, on peut considérer qu'elles revêtent pour lui un caractère tout à fait stratégique.

C'est donc une activité dans laquelle la France tient un rang honorable. Sans ces exportations, il serait souvent impossible d'organiser les économies d'échelle et le financement de la recherche et développement qui permettent à notre pays, dans bien des domaines, de disposer d'une autonomie, d'une indépendance qui contribue assurément à sa sécurité.

Pour autant, ce ne sont pas des biens comme les autres. Il était nécessaire – le rapport de M. Fromion l'a clairement établi – de faire comprendre, notamment à la Commission européenne, qui est à l'origine des deux directives de 2009, que chaque État devait garder un maximum de responsabilités pour pouvoir sécuriser ses approvisionnements, ne pas être dépendant de fournisseurs incertains et assurer, dans des domaines qu'il juge stratégiques, la protection de ses intérêts vitaux.

Ces deux textes doivent pouvoir concilier deux objectifs : s'il faut que le marché communautaire soit aussi ouvert que possible et ne soit pas segmenté en vingt-sept marchés nationaux qui constituent autant d'obstacles pour nos industriels – car nous sommes exportateurs –, nous devons nous mettre à l'abri d'une conception trop dogmatique de l'ouverture des marchés et de l'accès à la concurrence, qui pourrait fragiliser notre industrie en la plaçant sous la menace d'un dumping extérieur direct ou indirect, par le biais de ce qu'il est convenu d'appeler, dans ce secteur, des « faux nez » européens. Ceux-ci seraient européens pour la circonstance, mais représenteraient en réalité des activités industrielles extérieures à l'Union européenne, ne nous permettant pas de garantir dans le temps la sécurité de notre approvisionnement, même si, à court terme, par le jeu d'une concurrence superficielle et mal comprise, elles bénéficieraient d'un avantage prix.

En ce qui concerne les transferts intracommunautaires, le texte propose d'instaurer un principe de liberté encadrée du commerce et de l'industrie, de supprimer le dispositif des autorisations d'importation et de transit, mais de le remplacer par un contrôle à la fois a priori et a posteriori, par le biais de trois types de licences de transfert. Les premières sont des licences individuelles, concernant à la fois l'entreprise, le matériel et le destinataire. S'y ajouteraient des licences globales, qui offriraient à un exportateur européen établi en France la possibilité d'expédier pour une durée déterminée des matériels de guerre et matériels assimilés spécifiques. Nous définirions un troisième type de licence, dite générale, concernant des matériels moins sensibles.

Le bénéfice qu'en retireront les entreprises est évident : elles auront des règles prévisibles, certaines, qui leur permettront d'accéder à l'ensemble des États membres.

Au-delà des transferts intracommunautaires, nous avons souhaité que l'ensemble de nos exportations puisse bénéficier d'une simplification, et d'une rénovation d'un dispositif extrêmement ancien, puisqu'il remonte à 1939. Il reposait sur un principe général de prohibition des exportations d'armements, atténué par un système complexe de licences d'exportation se déclinant en plusieurs étapes. Chacune représentait parfois un processus administratif extraordinairement difficile à franchir, en particulier pour les industriels qui n'avaient pas une taille et des services administratifs et juridiques suffisants.

Le projet de loi propose donc de fusionner les deux étapes de l'agrément préalable, pour la négociation et la signature du contrat, et de l'autorisation d'exportation. Nous aurions ainsi une seule licence. Elle serait naturellement suivie d'une seconde licence pour le passage de frontière, permettant de contrôler la réalité physique de l'exportation pour vérifier la réalité des engagements. Les professionnels voient ce système comme une simplification.

J'évoquais le caractère spécifique de l'industrie de l'armement, de la sécurité et de la défense. C'est la raison pour laquelle, dans la directive concernant la concurrence et les appels d'offres en matière de défense et de sécurité, nous nous sommes efforcés de créer un dispositif juridique permettant d'introduire non pas une préférence communautaire ou un contrôle national, mais de tenir compte d'impératifs nationaux. Nous ne sommes pas dans le domaine du discrétionnaire et de l'aléatoire, le projet de loi que nous vous présentons a d'ailleurs été rudement négocié avec les services de la Commission européenne. Grâce aux divers dispositifs que je vais vous présenter, nous pensons pouvoir utilement concilier le principe de l'appel d'offres auquel nous invitait la directive avec un contrôle tenant compte du caractère spécifique des biens de défense et de sécurité.

Le texte a été modifié en ce sens au Sénat, par des amendements gouvernementaux discutés en commission et adoptés en séance. Ainsi, certains agents du ministère de la défense seront habilités à effectuer des contrôles au sein des entreprises, lesquelles seront obligées de donner aux agents habilités un libre accès à l'ensemble des informations nécessaires à l'accomplissement de leur mission. En adaptant un dispositif dont la rédaction initiale paraissait un peu maladroite, nous avons également prévu que, avant d'engager des poursuites, le procureur de la République saisi d'une infraction en matière de contrôle de l'importation, de l'exportation ou du transfert de matériels de guerre, devra demander l'avis du ministre de la défense.

Ce texte prévoit également la mise en place d'un mécanisme de certification des entreprises souhaitant recevoir des produits liés à la défense, afin de vérifier la fiabilité de leur organisation interne. Nous avons donc la certitude qu'un haut niveau de sécurité sera maintenu dans ce secteur d'activité difficile.

Par ailleurs – et c'est très important, comme nous le prouve l'actualité –, toute autorisation ou certification pourra être suspendue, modifiée, abrogée ou retirée, notamment dans le cas d'un brusque changement du contexte international.

Debut de section - PermalienGérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Je vois, monsieur Vitel, que vous souriez : c'est parce que vous avez le sens des réalités et de l'actualité !

Aujourd'hui, certains marchés de défense ou de sécurité obéissent déjà à une réglementation particulière dans le domaine de la défense.

Je voudrais revenir, s'agissant non pas de préférence nationale, mais de maîtrise nationale de situations extrêmes, sur l'application de l'article 346 du traité de fonctionnement de l'Union européenne. Permettez-moi d'ouvrir une parenthèse : nous sommes attachés, sur l'immense majorité de ces bancs, à soutenir notre industrie.

Debut de section - PermalienGérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Force est de reconnaître que, dans un monde qui n'est pas angélique, la place de l'industrie de défense reste, aujourd'hui encore, importante et stratégique pour une puissance industrielle comme la France.

Debut de section - PermalienGérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Il est nécessaire de ne pas la brader, en effet, et de permettre à l'intérêt national de s'exprimer. Or nous courions le risque que certains de nos vingt-six partenaires interprètent mal l'article 346 du TFUE, ce qui aurait permis d'écarter toute règle de mise en concurrence pour la protection du secret et des intérêts essentiels de sécurité nationale. Mal mis en oeuvre, cet article aurait évincé l'industrie française de l'accès naturel à des marchés, en l'occurrence européens.

L'article 346 protège les États qui ont une industrie de défense, ce qui est notre cas. L'encadrement prévu par l'article 346 n'est pas une atteinte à notre autonomie nationale : c'est au contraire la possibilité d'écarter des comportements excessivement protecteurs qui auraient fermé certains marchés européens à l'industrie française, et permis, pour des raisons locales, de rester ouverts à des industries de défense et de sécurité extra-européennes.

C'est la raison pour laquelle la transposition de la seconde directive, celle du 13 juillet 2009, me paraît pertinente, puisqu'elle encadre l'article 346 dans des conditions d'ouverture maîtrisée des marchés qui nous permet d'espérer travailler normalement dans les vingt-six autres États européens, même si, reconnaissons-le, cette directive nous oblige.

Mais, si cette directive nous oblige, c'est dans des conditions qui sont parfaitement acceptables pour les intérêts même de l'industrie française. D'une part, la directive conserve la possibilité d'exclure les marchés sensibles d'une ouverture à la concurrence, selon les modalités définies par l'article 346. Mais elle assure ensuite aux pays détenant une importante industrie de l'armement qu'ils ne seront pas confrontés, à l'intérieur de l'espace européen, à la concurrence déloyale de pays qui ne font pas le même effort de recherche et de développement dans le domaine scientifique, industriel et technologique. Le texte exclut donc toute ouverture à la concurrence des programmes de recherche cofinancés avec d'autres États européens. Enfin, le texte prévoit de larges possibilités de sélection des soumissionnaires, sur le fondement d'exigences relatives à la sécurité d'approvisionnement.

Cette exigence de sécurité d'approvisionnement est extrêmement pertinente puisque, en raison de la localisation même des activités de ceux qui concourent à un marché public, nous pouvons les écarter pour la raison qu'ils ne garantiraient pas d'être approvisionnés, notamment en cas de conflit, ou même simplement en cas de tensions, par exemple lorsque la circulation aérienne ou maritime deviendrait impossible. Cette contribution du président de la commission de la défense et des affaires étrangères du Sénat, M. de Rohan, me semble particulièrement bienvenue.

Ainsi, cette directive vient protéger notre base industrielle et technique de défense en permettant un juste équilibre entre la nécessaire mise en concurrence des industries de défense au sein de l'espace européen, et le souci d'éviter d'ouvrir ce marché à des opérateurs qui n'en respecteraient pas les règles.

Ce dispositif nous permet d'évacuer ce que, dans le jargon de l'industrie, nous appelons les « faux nez », qui sont européens de circonstance, de hasard ou de rencontre, mais qui ne permettraient pas d'assurer durablement l'approvisionnement ou la sécurité, ou qui ne participeraient pas à l'esprit de coopération et de réciprocité qui préside à la construction européenne, notamment en matière de défense.

La logique d'ouverture internationale des marchés qui guide le texte de loi qui vous est présenté s'applique également au marché de la connaissance, mais il s'agit là d'un point particulier que je vous proposerai sous forme d'amendement.

Je voudrais revenir, en guise de conclusion, sur les trois étapes définies par le texte pour l'ouverture maîtrisée des marchés. Au moment de la rédaction des appels d'offres pour chaque marché, l'autorité adjudicatrice pourra définir si ce marché est restreint à la concurrence communautaire, ou s'il est ouvert à une concurrence internationale. La directive nous fournit d'ailleurs certains critères sur lesquels cette analyse pourra s'appuyer : les impératifs de sécurité d'information et d'approvisionnement, la préservation des intérêts de la défense et de la sécurité de l'État, l'intérêt de développer la base industrielle et technologique de défense européenne, les exigences de réciprocité et les objectifs de développement durable, dont la présence peut surprendre s'agissant de défense, mais dont on ne peut pas ne pas tenir compte aujourd'hui. Nous avons donc suffisamment d'éléments, dans la transposition de la directive du 13 juillet 2009, pour soutenir une politique industrielle de défense qui soit en effet maîtrisée.

Dès la réception des candidatures, avant même la réception des offres, l'autorité adjudicatrice aura le pouvoir d'écarter les candidats implantés hors du territoire de l'Union européenne dont les capacités techniques ne seraient pas d'un niveau suffisant pour exécuter le marché, et qui apparaîtraient donc comme des « faux nez ».

Enfin, troisième et dernière étape, à la réception des offres, l'autorité adjudicatrice pourra avoir intérêt à écarter une offre, notamment au motif que les moyens utilisés pour exécuter tout ou partie du marché, pour maintenir ou moderniser les produits acquis, ne seraient pas localisés sur le territoire des États membres de l'Union européenne.

Nous avons donc les éléments d'une véritable maîtrise. L'article 346 du TFUE, qui aurait pu être ressenti comme une protection de l'industrie française, fonctionnait en réalité comme une menace de fermeture, pour notre industrie, des vingt-six autres marchés de l'Union européenne. Nous avons donc, au travers de cette transposition, négocié au plus juste entre deux écueils. Le premier était de donner à l'article 346 une interprétation trop large, qui aurait permis à certains de nos partenaires d'éliminer par principe les pays européens dotés d'une industrie d'armement – je pense principalement à l'Espagne, à l'Italie, à la Grande-Bretagne, à l'Allemagne et à la France – au profit de fournisseurs extérieurs, pour des raisons politiques ou financières. Inversement, il nous fallait garder, à travers une bonne maîtrise de l'article 346, la possibilité d'évincer nous-mêmes ceux que j'ai appelés les « faux nez » et qui sont en réalité des entreprises mondiales tout à fait respectables, mais qui se serviraient du marché européen sans apporter, en contrepartie, les efforts de partenariat que l'on est en droit d'attendre, dans une construction communautaire, de ceux avec lesquels on est en concurrence.

Les deux directives permettent donc de donner un statut pertinent, mesuré, à ce qui ne sera jamais, du point de vue du commerce et des échanges, un produit comme les autres, puisqu'il doit pouvoir continuer de répondre à des préoccupations d'intérêt national, même si, à terme, notre objectif est naturellement de construire cet espace européen.

Le dispositif des échanges intracommunautaires va familiariser vingt-sept pays à des règles communes d'échanges de ces produits. Le chemin est encore long à parcourir pour qu'il y ait une prise de conscience réelle de la possibilité de créer l'Europe industrielle de la défense, même si des exemples récents, en particulier l'accord franco-anglais de Lancaster House en novembre dernier, montrent que les plus grands pays ont clairement la conscience de la nécessité de travailler ensemble. Pour être franc, les plus grands pays souhaitent la transposition de ces deux directives sur les bases du texte que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Yves Fromion, rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

Monsieur le président, mes chers collègues, M. le ministre vient de le rappeler, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui revêt une importance déterminante pour nos armées et pour nos industries de défense.

La complexité et l'aridité technique de ce texte, que M. le ministre a tenté de rendre poétique, ne doivent pas masquer le caractère stratégique des décisions que nous allons prendre. Nos choix auront en effet un impact évident sur les industries de défense et surtout sur les sous-traitants. Ils orienteront également notre positionnement sur la scène internationale et auront donc un effet sur notre bilan commercial extérieur.

Je n'entrerai pas dans le détail du texte – M. le ministre vient de le faire – et, puisque nous sommes tous familiers des deux directives que nous transposons, je me contenterai de rappeler les points qui me paraissent les plus importants.

Je voudrais insister sur le poids des industries de défense dans l'économie nationale. Divers sites industriels sont implantés dans certaines de nos circonscriptions, et nous savons ce que ce secteur représente en termes d'emploi – plus de 160 000 emplois directs. Nous devons conserver ces objectifs en mémoire, tout au long de l'examen du texte et le débat technique ne doit pas nous les faire perdre de vue.

Je dois dire d'emblée que, tel qu'il a été adopté par le Sénat et complété par la commission de la défense, le texte me semble préserver et conforter les intérêts essentiels de la France, de ses forces armées et de ses industriels. L'ensemble des personnes que j'ai pu auditionner, notamment les industriels, se sont d'ailleurs déclarés, ainsi que l'a rappelé M. le ministre, particulièrement favorables aux grandes orientations et aux modifications opérées dans le texte du projet de loi.

Avant de détailler les grands axes du texte, je tiens à souligner que la France sera l'un des premiers, voire le premier pays, à transposer le nouveau dispositif communautaire, communément appelé « paquet défense ». Nous devons nous en réjouir, car c'est l'intérêt global de notre économie, de nos industriels et de nos forces armées, mais aussi mesurer le fait que nos choix seront examinés par nos partenaires, certains attendant notre transposition pour en reprendre l'économie générale.

J'en viens au chapitre Ier du projet de loi qui transpose la directive « transferts ». Ce qui fait l'originalité de la démarche française, c'est que, en même temps que cette transposition, le Gouvernement a souhaité moderniser notre dispositif de contrôle des importations et exportations hors de l'Union européenne. Il ne s'agissait pas d'une obligation, mais, pour avoir beaucoup travaillé sur ce sujet, je suis convaincu du bien-fondé de cette initiative. Notre système était devenu trop complexe et l'apparition d'un nouveau régime intracommunautaire risquait de rendre l'ensemble incompréhensible, avec des dispositions différentes, selon que l'on était en intracommunautaire ou en extracommunautaire. Ce travail fait d'ailleurs écho aux recommandations que j'avais faites dans le cadre de la mission que m'avait confiée le Premier ministre en juin dernier.

Les nouvelles modalités, je le répète, n'affaiblissent en aucun cas le contrôle de l'État sur le commerce des matériels de guerre, que ce soit hors ou au sein de l'Union. Il est important de le rappeler. Le projet de loi maintient et conforte le principe général d'interdiction du commerce des armes de guerre sans autorisation préalable. En améliorant la lisibilitédu système et en renforçant les contrôles a posteriori, il devrait même en améliorer l'efficacité, de même qu'il nous met en phase avec l'ensemble des pays qui sont de grands intervenants dans le domaine du marché des armements.

Le texte hiérarchise les contrôles en distinguant les opérations réalisées hors du territoire de l'Union européenne des opérations intracommunautaires, désormais appelées « transferts ». Pour les exportations et les transferts, il instaure par ailleurs un mécanisme de licences permettant un traitement différencié selon les matériels et les destinataires considérés. Les services de l'État, notamment la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre, placée auprès du Premier ministre, pourront ainsi se concentrer sur les enjeux essentiels. Tous les dossiers ne méritent pas d'être traités de la même manière. Il faut arrêter de soumettre à la même procédure l'exportation de missiles de croisière ou celle de gilets pare-balles – je ne caricature pas.

Dans tous les cas, sauf pour les matériels spatiaux, le système actuel d'autorisation en plusieurs étapes est supprimé et remplacé par une autorisation unique ; l'autorisation préalable ne disparaît donc pas. En contrepartie, le texte, s'inspirant des pratiques de plus en plus fréquentes, notamment chez certains de nos concurrents sur le marché mondial, renforce les obligations et les contrôles a posteriori, puisque c'est dans ce domaine des réexportations de matériels vendus à certains pays que des suspicions et des faiblesses peuvent se manifester.

Pour les transferts, le texte crée également une procédure de certification des opérateurs. Il appartient à chaque État de l'Union de délivrer cette certification et d'apporter ainsi des garanties quant à la fiabilité de l'opérateur. Cette mesure est indispensable pour créer une confiance réciproque. Il faut par exemple que les États puissent être certains que les clauses de non-réexportation seront bien respectées dans tous les États. Si nous voulons que ce système fonctionne, il faudra veiller à l'harmonisation des différentes procédures de certification. Il existe un risque que certains pays soient plus soucieux que d'autres de la qualité des certifications. Pour éviter de trop grandes disparités entre les États membres, nous souhaitions, monsieur le ministre, que l'on réfléchisse à l'idée de confier à l'Agence européenne de la défense un rôle de médiateur. L'Agence pourra avoir pour mission de procéder à une sorte d'audit des certifications réalisées en intracommunautaire, de façon à éviter les disparités dans la valeur de la certification entre tel et tel pays, qui empêcheraient que les règles de confiance s'établissent. Un arbitre est nécessaire. Il n'est pas prévu dans les directives. La commission de la défense a repris ma suggestion, afin que l'Agence européenne puisse être saisie de cette affaire. J'ai évoqué le principe avec les responsables de l'Agence. Il semble que la proposition soit recevable.

En définitive, le nouveau dispositif s'inscrit donc dans la continuité des procédures actuelles et les améliore. Il faut rappeler que la France est déjà exemplaire en matière de contrôle, même si cela se sait et se dit trop peu souvent. La plupart de nos partenaires communiquent beaucoup sur ces sujets. La France apparaît encore en retrait sur ce point. Sans tout rendre public, nous pourrions peut-être mieux expliquer et mieux valoriser nos méthodes. Chaque année, les services du ministère publient un rapport de grande qualité sur nos exportations. Il pourrait encore gagner en clarté et en lisibilité, même si des améliorations ont été apportées, année après année.

Le texte transpose également la directive de 2009 relative aux marchés de défense et de sécurité. L'essentiel de la transposition se fera par voie réglementaire et concernera le code des marchés publics. Il convenait cependant d'ajuster plusieurs dispositions législatives.

Le projet de loi ne devrait avoir qu'un impact limité pour le ministère de la défense dont l'essentiel des marchés relève de la procédure dérogatoire prévue par l'article 346 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Cet article existe depuis les origines de l'Union européenne, puisqu'il date du traité de Rome. C'est dire son importance. Cet article du traité de Lisbonne sort du champ des marchés publics les marchés qui ont trait à la production d'armes de guerre ou qui concernent les intérêts essentiels de la sécurité de l'État.

Cette partie du projet de loi a été significativement et opportunément complétée par le Sénat. Je tiens à rendre hommage à nos collègues sénateurs, car ils ont fait un excellent travail, sous la conduite du président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Josselin de Rohan. Ils ont apporté à ce texte européen difficilement applicable un certain nombre d'éléments forts, qui protègent nos industriels, sans pour autant transformer la France et l'Europe en une sorte de forteresse, puisque ce n'est absolument pas l'esprit du traité de l'Union européenne. Ils ont voulu que soit prise en considération, par exemple, l'exigence de réciprocité : on ne peut pas accepter que les industriels de certains pays viennent chasser sur nos terres, et que les mêmes pays se ferment à nos industriels, lorsque des marchés y sont ouverts. Ce principe de réciprocité a été inscrit dans le texte par les sénateurs, qui ont fait un excellent travail.

La commission de la défense a conforté ces avancées en intégrant notamment la référence aux considérations sociales, et donc à l'emploi. Dans les conditions actuelles, la défense de l'emploi est également une priorité pour le Parlement.

En conclusion, il me semble que le texte est bien équilibré : il transpose avec mesure et raison les stipulations communautaires. Les modifications apportées par le Sénat vont dans le bon sens et nous avons le devoir de les conforter. Les ajustements que la commission a adoptés s'inscrivent dans cet esprit. Je vous recommande donc de suivre l'avis de la commission de la défense en adoptant ce projet de loi.

Je ne peux terminer mon propos sans souligner que ce texte constitue, quoi qu'il en soit, une avancée notable dans la construction d'une Europe de la défense. En cette période où le pessimisme va bon train, il me paraît indispensable de saluer chaque progrès accompli, même si l'on est encore, dans certains domaines, loin du compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Philippe Vitel, vice-président de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vitel

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir excuser l'absence du président Teissier, actuellement en mission au sein des forces françaises déployées en Afghanistan.

Le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui est important, car. au-delà de l'aspect technique et de sa dimension juridique, il touche à un point essentiel de notre politique de défense. En effet, la politique de défense de la France repose sur son indépendance. Or, notre pays ne dispose de l'outil de défense qui est le sien que parce que son industrie est capable d'exporter fortement. L'industrie de défense française constitue un enjeu essentiel pour notre économie. Au-delà de sa capacité à concevoir et à produire les matériels militaires nécessaires à nos armées, elle figure parmi les principales contributrices aux excédents d'exportations françaises. Elle représente un des principaux employeurs du pays et les retombées de ses investissements irriguent de nombreux secteurs civils. Enfin, ne perdons pas de vue que notre industrie de défense est actuellement confrontée à la pression d'une concurrence croissante, notamment – c'est un fait nouveau – en provenance de pays émergents.

Le projet de loi que nous examinons comporte deux volets tout aussi importants l'un que l'autre : les exportations de matériels de guerre et les marchés.

Les exportations d'armement ne sont pas des exportations comme les autres, car elles engagent la France. Il importe donc de ne pas contrarier les engagements pris par notre diplomatie. C'est pourquoi existe en France, depuis 1939, un régime spécifique d'autorisation des exportations de matériels de guerre. Cependant, la complexité excessive de notre réglementation était un handicap pour nos entreprises, sans présenter pour autant toutes les garanties que l'on pouvait en attendre.

À la suite du remarquable rapport de notre excellent collègue Yves Fromion,…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vitel

…– rapport publié en 2006 –, le Gouvernement a eu la sagesse d'améliorer le dispositif. La construction européenne avance aussi dans le domaine de la défense, ce qui est à l'origine de la directive que nous allons transposer dans notre droit.

Ce projet de loi me semble bon. Il vise à faciliter l'application du principe d'interdiction d'exportation de la base de notre législation. Il hiérarchise les contrôles en fonction du matériel et des destinations ; cette approche par le risque me semble être une excellente politique. Il globalise le processus d'autorisation en incluant les opérations commerciales préalables, alors que, auparavant, les industriels devaient demander une autorisation à chaque stade du processus de vente, avec les risques d'incohérence et de contradictions que cela présentait. Enfin, il vise à responsabiliser les acteurs en renforçant les contrôles a posteriori, notamment par la création de registres et la désignation d'un responsable du respect de la réglementation au sein de l'entreprise, responsable qui doit être membre de ses instances de direction.

Le projet de loi prend en compte les progrès de la construction européenne, et cela me semble être un aspect essentiel. En effet, en matière de défense, la construction européenne s'est traduite par la multiplication des coopérations sur des programmes d'armement et par le développement d'entreprises multinationales européennes. Il nous faut donc impérativement faciliter les transferts de composants et sous-systèmes nécessaires à la fabrication des systèmes d'armes modernes.

Je suis convaincu que ce projet de loi renforcera à la fois la compétitivité de nos industriels et la capacité de l'État à s'assurer du respect de la législation par les différents acteurs concernés. Le projet de loi apporte des assouplissements aux règles applicables aux transferts de produits liés à la défense dans l'Union européenne chaque fois que cela est nécessaire par la création d'un système moderne de licence générale et de licence globale. Des assouplissements sont prévus, notamment lorsque les destinataires des équipements sont une force armée ou une institution publique, lorsque les équipements sont acquis par une organisation internationale, lorsqu'ils sont nécessaires à l'exécution d'un programme en coopération ou à une opération d'aide humanitaire. Enfin, un assouplissement a été apporté pour les exportations d'équipements nécessaires aux réparations et à l'entretien des matériels déjà vendus, ou pour être déployés dans des expositions internationales ou encore pour réaliser des démonstrations.

Les garanties ont été renforcées par les procédures d'évaluation de la fiabilité des entreprises.

Je constate que les sanctions sont suffisamment lourdes pour être dissuasives et que le régime d'autorisation préalable est maintenu dans le domaine spatial, extrêmement sensible, puisque les lanceurs spatiaux à capacité militaire sont un élément essentiel de la dissuasion.

J'en viens maintenant à la partie « marchés publics » du projet de loi. Comme nous le savons, la directive européenne de 2004 s'applique aux marchés publics passés en matière de défense, sous réserve de l'article 296 du traité, article visant à permettre aux États de protéger leurs intérêts essentiels de sécurité.

L'ouverture des marchés publics en matière de défense est certes une contrainte supplémentaire pour nos armées et pour nos industriels. Toutefois, il n'y a pas d'industrie compétitive sans concurrence. C'est pourquoi un refus d'ouverture de nos marchés de défense me semblerait incompatible avec nos engagements européens. Nos armées pourront acquérir leurs équipements à des prix plus compétitifs, ce qui, à une époque où il nous faut impérativement maîtriser les déficits publics, me semble particulièrement souhaitable. Par ailleurs, les défis technologiques liés à des besoins opérationnels de plus en plus complexes rendent plus que souhaitable une ouverture à la concurrence, laquelle est un véritable stimulant de l'innovation.

Nous sommes cependant d'accord, en Europe, pour que les États puissent limiter l'ouverture à la concurrence dès lors qu'il s'agit d'équipements de défense hautement sensibles par leur caractère stratégique. Je pense bien sûr à la dissuasion, mais aussi à la cryptologie. Naturellement, la question de savoir comment se définit un « équipement sensible » se posera et il me semble qu'un dialogue politique entre États européens et avec les institutions européennes doit être lancé le plus rapidement possible pour homogénéiser cette définition.

On estime que les deux tiers, voire les trois-quarts, de nos marchés de défense sont susceptibles d'être ouverts à la concurrence. Toutefois, il existe encore une part importante de nos marchés pour lesquels le ministère de la défense pourra refuser l'ouverture à la concurrence, ce qui devrait nous rassurer.

L'ouverture dans laquelle nous nous engageons comporte des garde-fous suffisamment sérieux. D'une part, les marchés dont la publicité conduirait à la publication d'informations intéressant la sécurité de l'État seront exclus de l'obligation de publication. D'autre part, les pouvoirs adjudicateurs pourront toujours écarter des candidats non membres de l'Union européenne. Cet enrichissement du projet de loi par nos collègues du Sénat me semble particulièrement bienvenu, en ce qu'il crée un embryon d'outil pour une préférence communautaire. En effet, si la préférence communautaire est souvent présente dans les discours politiques, il ne faut pas oublier qu'il n'existe actuellement aucune base juridique pouvant fonder une préférence communautaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vitel

Dès lors qu'elle est justifiée par des impératifs stratégiques ou opérationnels, la préférence communautaire me semble constituer une avancée particulièrement appréciable. En effet,…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vitel

…nos principaux concurrents, et surtout ceux de demain, ont bâti leur puissance sur des dispositifs de préférence nationale. Il ne me semblerait pas raisonnable d'envisager une ouverture systématique de nos marchés sans qu'il y ait de véritable réciprocité. Il s'agit là d'un enjeu essentiel pour l'avenir de notre industrie à l'heure de la mondialisation.

En conclusion, je ne peux que me réjouir de ce projet de loi qui me semble réussir à atteindre plusieurs objectifs en apparence contradictoires : la préservation de la souveraineté de l'État et de ses intérêts essentiels ; la modernisation des régimes applicables aux entreprises en matière de transferts d'armement ou d'achat public ; le besoin de nos armées de trouver des réponses compétitives au plan technique et financier à leurs besoins opérationnels, ainsi que la poursuite de la politique de la France en matière de construction européenne. Pour toutes ces raisons, la commission de la défense nationale et des forces armées a émis un avis positif à l'adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, ce projet de loi va profondément modifier notre politique d'exportation d'armes.

Outre la transposition de deux directives pour favoriser la compétitivité des industriels français, le Gouvernement propose un allégement des procédures de contrôle. La probabilité que du matériel militaire ou assimilé serve à la répression de peuples en quête de liberté risque d'augmenter.

L'image de la France, qui avait vendu des armes à Kadhafi, était déjà bien compromise. Ma préoccupation est de prévenir les risques d'usage d'armes qui seraient contraires au droit international et humanitaire, aux droits de l'homme et au développement durable.

Je souhaite également limiter les risques de détournement terroriste. Le Gouvernement a beau affirmer qu'un « haut niveau de sécurité sera maintenu », cela ne garantit pas qu'il sera effectif. Le respect de la position commune européenne pourrait nous prémunir du danger que les armes soient des marchandises comme les autres. On nous explique que cette position commune s'applique déjà. Cela demande vérification : pour le moment, aucun élu ne participe aux décisions d'exportations. Mais, surtout, la position commune n'est pas d'application directe et elle n'a pas fait l'objet de transposition dans l'ordre juridique français, contrairement à ce qui a été fait en Belgique, par exemple.

L'idée selon laquelle il serait inutile d'inscrire des règles dans la loi, au motif qu'elles sont déjà appliquées par l'administration, est infondée. Rien ne nous empêche de conforter la pratique.

En clair, si mon amendement, qui confère le statut de norme à la position commune, n'était pas adopté, cela signifierait que l'on souhaite conserver la latitude de ne pas être tenu par des principes aussi importants que l'absence de violation des droits de l'homme, du droit international et du droit humanitaire.

C'est une question sensible. Prenons l'exemple d'Israël. Ce pays a assassiné des humanitaires sur la flottille de la paix, dans les eaux internationales, et s'est rendu coupable de crimes de guerre, au cours de l'opération « Plomb durci ».

Il faut aussi souligner les incessants raids sur Gaza, le blocus illégal, la colonisation et les détentions arbitraires, comme celle de notre compatriote Salah Hamouri. Israël se moque du droit international et bafoue les résolutions de l'ONU.

Et que fait le Gouvernement français ? Il autorise la vente d'armes à ce pays, l'aidant ainsi à continuer ses crimes. En juillet dernier, j'ai posé une question écrite pour savoir si l'on comptait cesser de vendre des armes à cet État voyou. À ce jour, je n'ai pas eu de réponse.

Outre le respect de la position commune européenne, j'estime que l'implication, dans le système de contrôle, d'acteurs indépendants du pouvoir exécutif ou des producteurs est indispensable. C'est pourquoi j'ai proposé d'améliorer l'information sur les contrats d'exportation et que des parlementaires siègent dans la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre.

La loi peut parfaitement décider le principe de la participation d'élus à l'examen des demandes d'autorisation de fabrication et d'exportation des matériels de guerre. Inutile de se retrancher derrière la Constitution. La volonté ne relèverait pas du pouvoir constituant, ni même législatif, mais bien du pouvoir réglementaire, puisque c'est lui qui fixe les règles relatives à la composition de la commission interministérielle.

Pour sortir les armes de la logique de compétitivité et de rentabilité financière, on pourrait nationaliser toute l'industrie de défense française. On en est loin lorsqu'on voit que la SNPE a été absorbée par Safran ou que DCNS est promise à Thales.

Enfin, je précise que l'on ne peut faire l'impasse sur la mise sous contrôle de tous les intermédiaires intervenant dans le commerce des armes. À ce sujet, je ne comprends pas qu'un projet de loi relatif au régime d'autorisation des opérations d'intermédiation soit bloqué au Sénat depuis juin 2007.

En l'absence de prise en compte de leurs préoccupations, les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche voteront contre ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après le Sénat, c'est au tour de notre assemblée d'examiner la transposition du « paquet défense ». Au nom du groupe Nouveau Centre et apparentés, je tiens à saluer la qualité d'un texte d'envergure, résultat d'un certain compromis.

En effet, la concertation a été fructueuse en amont, tant au niveau de la préparation des directives que du texte que nous examinons aujourd'hui. Je me permets de saluer le travail de notre rapporteur, qui a disposé de délais très brefs, en raison de contraintes liées à la date limite de transposition des deux directives.

On ne peut examiner un texte relatif aux matériels de guerre et assimilés sans rappeler une évidence : les armes et les matériels de guerre ne sont pas des biens comme les autres. Par conséquent, ils ne sauraient obéir aux règles du marché. Le principe qui sous-tend le droit en vigueur pour les activités de fabrication et de commerce des matériels de guerre, armes et munitions, date de 1939. C'est un principe général de prohibition avec la possibilité d'y déroger sous forme d'autorisations.

En effet, les exportations et importations de matériels de guerre et assimilés s'inscrivent dans une dimension géopolitique complexe. L'actualité immédiate en Libye, en Côte d'Ivoire, entre autres, nous rappelle que le sujet du commerce des armes est au coeur d'un jeu stratégique. Selon le SIPRI – Stockholm International Peace Research Institute –, les dépenses mondiales en armement s'élèvent pour 2010 à 1 140 milliards d'euros.

Dans l'attente d'une paix généralisée, d'un monde que nous espérons tous sans conflits, il est important de veiller que notre pays puisse se doter de moyens visant à assurer sa défense dans de bonnes conditions. La France ne consacre que 2 % de son PIB à la défense. La moyenne des pays européens est encore plus basse, autour de 1 %. Les États-Unis consacrent plus de 5 % de leur PIB à la défense, l'Inde approche les 8 % et la Chine, près de 10 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Cela signifie que ces marchés d'exportation sont importants. Si notre pays représente 1 % de la population mondiale et 5 % du PIB mondial, ses exportations d'armement représentent 7,5 %, il faut le souligner.

Mes chers collègues, la transposition du « paquet défense » renvoie à un enjeu bien précis : la préservation et le développement de notre base industrielle et technologique de défense. Pour y parvenir, il est nécessaire d'établir un juste équilibre entre la mise en concurrence des industries de défense au sein de l'espace européen et la volonté d'éviter d'ouvrir ce marché à des opérateurs qui ne respecteraient pas les règles de l'Union européenne. Le projet de loi, après son passage au Sénat, respecte cet équilibre fondamental.

S'agissant de la transposition de la directive relative aux transferts intracommunautaires, il faut rappeler que la base industrielle et technologique de défense tant européenne que nationale concentre un nombre important d'emplois civils et militaires – 160 000 emplois directs en France. Préserver cette base permet donc de garantir à terme ces emplois.

Dans le même temps, il est nécessaire d'ouvrir des perspectives d'exportation, ne serait-ce que pour parvenir à des équilibres économiques où le coût de revient unitaire soit acceptable. C'est un élément important à prendre en considération, car, si nous n'agissons pas en ce domaine, les seules perspectives que nous aurons, au-delà du risque de brader des pans importants de notre industrie de défense et donc d'affecter notre indépendance nationale, seront les achats dits « sur étagère » de matériels auprès de fournisseurs étrangers.

Le principe qui sous-tend le droit en vigueur en matière de fabrication et de commerce de matériels de guerre, armes et munitions, remonte à 1939. C'est un principe général de prohibition qui prévoit des possibilités de dérogation sous forme d'autorisations. Et il faut souligner que la transposition de la directive à laquelle procède le texte en préserve l'esprit.

À cet égard, il est important de rappeler la nécessité d'établir des exceptions pour certains matériels devant faire l'objet d'interdictions d'exportation. Je pense plus particulièrement aux sous-marins nucléaires lanceurs d'engins qui font la fierté de la France : ce type d'équipement est l'un des plus compliqués à construire au monde et nous sommes l'un des rares pays à en maîtriser la technologie. C'est une véritable prouesse qui mérite d'être soulignée.

La transposition de la directive relative aux transferts intracommunautaires satisfait pour l'essentiel l'ensemble des acteurs du secteur de la défense. Les industriels de la défense regroupés au sein du GICAN, du GIFAS, du GICAT ont été étroitement associés aux concertations en amont et je tiens à saluer cet esprit de compromis, comme la nature des arbitrages préalables effectués avec la Commission européenne.

En outre, les activités d'importation et d'exportation des matériels de guerre et assimilés doivent être rigoureusement encadrées par des procédures garantissant la sécurité à tous les niveaux. Le texte issu de la commission répond à cet objectif de façon réaliste.

La deuxième partie du projet de loi est consacrée aux marchés de défense et de sécurité. L'essentiel de la transposition reviendra au pouvoir réglementaire à travers la modification du code des marchés publics. Le législateur est toutefois habilité à ajuster certaines dispositions, notamment celles contenues dans l'ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes non soumises au code des marchés publics.

Le « paquet défense » participe d'une stratégie communautaire amorcée par la Commission européenne en 2007. L'objectif est à terme une réduction des freins à la circulation des produits de défense sur le territoire de l'Union européenne, qu'il s'agisse des munitions, des véhicules ou des matériels électroniques.

Je tiens à me féliciter de l'inscription noir sur blanc dans le texte du principe de préférence communautaire que nous devons à une initiative du président de la commission des affaires étrangères du Sénat, Josselin de Rohan. C'est parce que la France est dotée d'une industrie de défense de qualité, innovante, au savoir-faire reconnu internationalement, que nous devons clairement privilégier les choix franco-français, je le dis sans aucun tabou. Je pense tout particulièrement à nos industries aéronautiques, navales ou terrestres, sans oublier la filière nucléaire dans laquelle nous excellons.

Jusqu'à présent, seule une certaine lecture de l'article 346 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne autorisait les États à déroger aux règles régissant le marché commun. La Commission a toutefois donné à plusieurs reprises une interprétation restrictive de la disposition de cet article qui prévoit que « tout État membre peut prendre les mesures qu'il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production ou au commerce d'armes, de munitions et de matériel de guerre ».

Sans contourner les règles communautaires, il était important d'inscrire dans notre droit interne le principe de préférence communautaire. J'aurais même tendance, vous l'aurez compris, à militer en faveur d'une préférence donnée aux industries nationales.

En conclusion, j'aimerais exprimer le souhait que, à l'avenir, la représentation nationale soit tenue informée suffisamment en amont de la préparation du prochain paquet de défense, nouvel ensemble de textes communautaires relatifs à la recherche et au développement, au contrôle des investissements, aux industries stratégiques ainsi qu'au traitement des informations classifiées.

Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour souligner que nos industries de défense ont consenti des efforts très significatifs afin d'être particulièrement vertueuses, notamment à la suite de la ratification par notre Parlement des conventions de l'OCDE relatives à la lutte contre la corruption. En certains domaines, nous avons tendance à laver plus blanc que blanc. C'est tout à notre honneur, mais cela peut constituer un handicap pour nos industriels, compte tenu de la concurrence à laquelle ils doivent faire face.

Pour finir, je précise que le groupe Nouveau Centre votera en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Vandewalle

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi transpose dans le droit français deux directives européennes, l'une relative aux transferts intracommunautaires, l'autre aux marchés publics de défense.

D'apparence très technique, ce texte est porteur d'enjeux politiques, économiques et militaires très importants, car ces deux directives visent à consolider la base industrielle et technologique de défense européenne. Il s'agit d'une exigence d'une brûlante actualité dans un contexte européen caractérisé par de fortes contraintes budgétaires dans la plupart des pays et par la nécessité de rationaliser l'outil industriel pour mieux affronter la concurrence internationale.

Monsieur le ministre, je ne reviendrai pas sur l'analyse détaillée que M. le rapporteur et vous-même avez faite du projet de loi, préférant attirer votre attention sur trois points particuliers.

Le premier renvoie à la question de la préférence communautaire. La directive n'impose pas de préférence communautaire, conformément à la jurisprudence constante de l'Union européenne, qui fait parfois preuve en la matière d'un certain angélisme libéral. Il faut pourtant bien constater que certains pays ne jouent pas le même jeu : je pense à l'un de nos grands partenaires, les États-Unis, qui, grâce au Buy American Act, protègent efficacement leurs intérêts.

Fort heureusement, la rédaction du texte a été considérablement améliorée, notamment grâce aux travaux du Sénat. Je pense en particulier à la nouvelle rédaction des articles 37-3 à 37-5 de l'ordonnance de 2005, qui permettent de protéger efficacement les intérêts de chaque pays en mettant en place une série de garde-fous.

J'en viens à mon deuxième point : la compétitivité de notre industrie de défense. Elle passe nécessairement par l'exportation pour parvenir à l'effet de série et à la masse critique nécessaires à l'amortissement des dépenses de recherche-développement dans un contexte national où les investissements de défense vont devoir être de plus en plus souvent rationalisés.

À cet égard, la directive relative aux transferts intracommunautaires devrait en toute logique favoriser l'optimisation de l'outil industriel européen, à condition que l'on surmonte les égoïsmes nationaux qui ont malheureusement plutôt tendance à s'accroître. Mais il ne faut désespérer de rien : le projet « One MBDA » s'inscrit dans une démarche de dépendance mutuelle et de spécialisation en application du traité récemment conclu entre la France et le Royaume-Uni qui institue de fait une gestion commune pour sauvegarder la souveraineté de chacun des deux États. Il y a donc des raisons d'espérer, même si on a pu constater que certaines grandes coopérations multilatérales, comme celle liée à l'A 400M, ont montré des limites.

Si nous voulons une industrie de défense réellement compétitive, il est souhaitable que la position de Bruxelles évolue et que la politique européenne de la concurrence fasse davantage de place à la politique européenne de coopération. C'est sans aucun doute l'un des grands chantiers des années à venir.

Cela dit, dans une économie mondialisée, on ne peut espérer renforcer la compétitivité de notre industrie de défense sans aller au-delà des frontières européennes. Fort heureusement, bon nombre de nos industriels ont développé des coopérations en ce sens.

À cet égard – et c'est mon troisième point – les pistes d'amélioration supposent de développer des exportations hors de l'Europe. Certes, nous avons besoin de développer les coopérations et les exportations à l'intérieur de l'Europe, mais il est bien évident que les marchés européens, du fait de leur échelle, ne permettent pas aujourd'hui d'atteindre la masse critique qui permet d'être compétitifs.

De ce point de vue, monsieur le ministre, il existe des avancées possibles. Récemment, le président du GICAT, qui est également le président de Panhard, s'étonnait lors de son audition devant la commission de la défense que son entreprise n'ait pu exporter que dix véhicules blindés légers vers la Russie, alors même que ce pays souhaitait en commander plusieurs milliers d'exemplaires. On peut en effet être surpris que de telles restrictions touchent un matériel, semble-t-il, banal. Il y a là pour le moins une piste de réflexion à explorer alors que nos industriels ont à affronter la concurrence redoutable de pays émergents comme le Brésil.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, l'industrie française de l'armement, il faut le répéter, emploie 160 000 personnes, souvent hautement qualifiées, et un tiers de sa production est vendu à l'exportation. Elle reste un poste important dans notre balance des paiements. Il s'agit aussi et surtout d'une industrie clef pour notre autonomie de décision et pour notre sécurité, comme pour celle de l'ensemble de l'Europe.

C'est dire l'importance du texte que vous nous soumettez aujourd'hui et je voudrais, pour terminer, saluer l'excellent travail effectué par vos services, par nos collègues du Sénat et par notre rapporteur.

Le groupe UMP votera ce texte qui, je l'espère, pourra recueillir un large consensus sur les bancs de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup de choses ont déjà été dites et je n'utiliserai pas les vingt minutes du temps de parole qui m'ont été imparties. J'essaierai plutôt d'aller à l'essentiel en apportant certains compléments.

À la suite des orateurs précédents, j'insisterai sur le fait que l'équilibre subtil qui a présidé à la rédaction de ce texte a permis à la fois de protéger les intérêts de notre industrie au sein de l'Union européenne et d'ouvrir le marché public de défense. L'abaissement des frontières à l'intérieur de l'Union est de nature à conforter notre base industrielle et technologique de défense. À cet égard, je précise d'ores et déjà que le groupe SRC votera ce texte, d'autant que son caractère équilibré a été renforcé par des amendements très intéressants votés par le Sénat.

Une première question me tient à coeur, celle des éléments contextuels qui doivent nous conduire à analyser ce texte sous de multiples aspects.

Il s'agit tout d'abord de l'évolution des dépenses consacrées à la défense dans les différents pays de l'Union européenne. Les orateurs précédents ont souligné la forte diminution qu'elles ont connue au cours des vingt dernières années : elles représentaient au début des années quatre-vingts environ 3,5 % du PIB et, aujourd'hui, 1,75 % en moyenne.

Cette diminution très sensible incite les entreprises européennes à se regrouper et à consentir un effort important pour accroître leur compétitivité. La Commission l'a du reste compris : dans un document publié en décembre 2007, elle définit une stratégie visant à rendre l'industrie européenne de la défense plus forte et plus compétitive, et invite les regroupements d'industries de défense à des coopérations renforcées qui doivent leur permettre, dans un marché plus contraint par l'amoindrissement de la dépense publique, de s'adapter au nouveau contexte compétitif.

À cela s'ajoutent les indéniables difficultés de l'Europe de la défense que nous avons évoquées au cours de la réunion conjointe des commissions de la défense et des affaires étrangères, réunion lors de laquelle vous êtes venu nous parler de la situation en Libye et en Côte d'Ivoire, monsieur le ministre. Je veux parler de la difficulté des pays de l'Union à mener des opérations ensemble et à planifier ensemble leur action sur les théâtres d'opérations où ils sont engagés.

On le voit en Libye et en Côte d'Ivoire où, malgré la pertinence des initiatives diplomatiques et militaires de votre gouvernement, nous sommes seuls à agir, sans grand concours de l'Union européenne. On le voit également lorsqu'il s'agit de construire une industrie de défense : ces dernières années, celle-ci s'est étiolée plus que consolidée. En voici quelques exemples.

En juillet 1998, six pays de l'Union européenne, dont le Royaume-Uni, la France, l'Italie, l'Allemagne et la Suède, ont publié une lettre d'intentions dans laquelle ils décidaient de renforcer leur coopération afin d'élaborer des programmes de défense conçus, construits et appliqués en commun. Cette lettre d'intentions devait aboutir, le 27 juillet 2000, à un accord-cadre définissant non seulement les programmes à propos desquels la coopération devait être renforcée, mais aussi le principe d'une licence globale de programmes, qui préfigurait le texte que la transposition des directives nous conduit à examiner aujourd'hui. Or, dix ans plus tard, en septembre dernier, à Gand, les ministres de la défense constataient que l'on avait peu progressé sur ces sujets et que les points de divergence l'emportaient aujourd'hui sur les points de convergence.

(M. Jean-Pierre Balligand remplace M. Marc Laffineur au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

C'est dire combien l'Europe de la défense, en particulier la construction d'une industrie européenne de la défense, s'est essoufflée au cours des dernières années ; c'est dire toute la difficulté que nous éprouvons à définir des orientations communes. C'est à la fois la chance et le danger de ce texte.

Sa chance, car la transposition en droit français de ces deux directives européennes peut contraindre l'industrie de défense à coopérer dans des domaines où elle a jusqu'à présent marqué le pas. Mais aussi son danger : en l'absence d'une politique industrielle de l'Europe, si notre politique se réduit à l'ouverture à tous les vents de tous les marchés, sans que nous prenions à aucun moment la précaution de protéger l'industrie française et l'industrie européenne, nous nous exposons à bien des difficultés.

De ce point de vue, le nombre important de programmes dans lesquels nous sommes engagés – quatre-vingt-neuf au sein de l'Union européenne, contre vingt-sept seulement aux États-Unis – montre la faiblesse des coopérations dont nous avons été capables, sur des sujets particulièrement stratégiques. C'est dire le chemin qu'il nous reste à parcourir.

Tel est le contexte global : des difficultés budgétaires, une Europe de la défense qui marque le pas et deux directives dont la transposition en droit français doit consolider notre base industrielle et technologique de défense dans un environnement plus concurrentiel.

La première de ces deux directives, celle du 6 mai 2009, qui concerne les transferts intercommunautaires de matériel de défense, constitue incontestablement un progrès. En effet, en la matière, nos dispositions législatives et réglementaires étaient extrêmement anciennes. Le premier texte datait, me semble-t-il, d'avril 1939 – je parle sous le contrôle du rapporteur – : il s'agissait d'un décret-loi qui définissait les dispositifs d'autorisation préalable et d'autorisation d'exportation permettant à nos industries d'exporter à l'étranger.

Ce sont les principes de ce vieux texte qui avaient été intégrés au code de la défense, dans ses articles L. 2331 et L. 2335. Le dispositif avait quelque peu progressé grâce à la création, en 1955, de la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre. Mais, depuis lors, il ne s'était pas passé grand-chose.

Dans une Europe plus concurrentielle, les dispositifs complexes d'autorisation risquaient de handicaper la compétitivité européenne, et plus particulièrement la compétitivité française. Yves Fromion l'a du reste souligné dans ses précédents rapports : le temps requis par les autorisations était incompatible avec le rythme des appels d'offres sur un marché très concurrentiel. Il fallait donc réformer les dispositifs existants.

De ce point de vue, monsieur le ministre, la simplification à laquelle la directive transposée nous invite est une bonne chose pour nos industries d'armement. Il faut simplement prendre des précautions sur deux ou trois points, sur lesquels je me permets d'appeler votre attention.

Premièrement, évitons de perdre par le règlement le temps que la loi a permis de gagner. L'application de la directive repose sur vingt textes réglementaires, dont, sauf erreur de ma part, quatorze décrets et six arrêtés. Ces textes ne doivent pas réintroduire des éléments de complexité là où la loi aura permis d'instaurer des procédures de simplification ; ce serait tout à fait nuisible à nos industries et à leurs relations avec l'industrie européenne.

Deuxièmement, tout cela ne fonctionnera qu'à condition que nous possédions un dispositif de suivi informatique performant. Je veux vous interroger sur ce point, monsieur le ministre : si je comprends bien, le dispositif de suivi informatique qui permettra d'appliquer efficacement ces dispositions législatives doit être instauré en 2014 ; or, si la directive entre en vigueur d'ici à cette date, je crains que nous ne soyons confrontés à quelques problèmes de gestion. Comment envisagez-vous de décliner ce nouveau système informatique dans les meilleurs délais, afin que nos industries ne soient pas handicapées ?

Troisièmement, nous sommes, en Europe, les champions de l'eurocompatibilité : nous y sommes quatre fois plus attentifs que nos partenaires, et nous avons tendance à faire infiniment mieux que les autres, qui en font infiniment moins pour préserver les intérêts de leur propre industrie.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

Comment allons-nous donc faire, tout en respectant l'esprit de la directive autant que sa lettre, pour ne pas être plus rigoureux envers nos propres entreprises que les autres pays de l'Union envers les leurs ? Car ce serait une manière, par excès de contrôle, de réintroduire les éléments d'une distorsion de concurrence que la directive s'emploie à supprimer.

Je me joins enfin à la préoccupation exprimée par Philippe Vitel, qui concerne les contrôles a posteriori. Nous devons impérativement veiller à ce que ces derniers, que la simplification rendra plus nombreux, soient les mêmes dans tous les pays de l'Union, afin que notre rigueur n'aille pas de pair avec le laxisme des autres.

Quant à la directive du 13 juillet 2009, qui crée le marché européen de la défense, elle représente incontestablement, comme la première, une opportunité, à condition, là aussi, que nous soyons vigilants sur deux ou trois points.

Le premier, que vous avez évoqué vous-même, monsieur le ministre, est la préférence communautaire. Je veux revenir au débat que nous avons eu en commission de la défense il y a quelques jours, afin d'apporter quelques précisions et de vous interroger.

La préférence communautaire résulte de l'introduction dans le texte de loi français d'un amendement déposé au Sénat et qui vise à protéger notre industrie d'une concurrence déloyale ou déséquilibrée. La préférence communautaire, visée à l'article 37-2 de l'ordonnance de 2005, est un dispositif souhaitable ; l'amendement est opportun et de nature à protéger notre industrie.

Cela étant, on ne peut manquer de s'interroger sur les fondements juridiques de ce dispositif. En effet, le seul alinéa de la directive qui le fonde ne figure pas dans le texte même, mais dans ses considérants : il s'agit du considérant 18. Il sera laissé à l'appréciation de la Cour de justice de l'Union européenne, qui s'exprimera dans la jurisprudence que celle-ci élaborera.

On a dit en commission – c'est vous qui l'avez dit, je crois, monsieur Fromion – que vous aviez demandé à la Commission européenne si elle acceptait ce principe de préférence communautaire tel qu'il figure dans le texte de loi français. Elle l'a accepté en effet ; mais, comme M. Gilles Briatta, secrétaire général aux affaires européennes, l'a lui-même indiqué, lorsque la Cour de justice de l'Union européenne examine des directives européennes dans le cadre d'un contentieux, elle en fait prévaloir le texte sur les considérants. Or, je le répète, le texte de loi français se fonde sur le considérant 18 et non sur la directive proprement dite, puisque nos partenaires de l'Union n'ont pas souhaité y introduire la préférence communautaire.

Je vous le demande donc à nouveau, monsieur le ministre : quel est le fondement juridique de la préférence communautaire ? Quelle est sa solidité ? Pensez-vous que nous serons en mesure de défendre nos intérêts devant le juge dans des conditions satisfaisantes ? Comme Jean-Pierre Chevènement, je suis enclin à croire, à la lumière des débats qui ont eu lieu au Sénat, que notre argumentation juridique est faible ; mais peut-être disposez-vous d'éléments que nous ignorons et qui rendent ce fondement juridique plus solide.

En deuxième lieu, j'en viens à l'article 346 du Traité de fonctionnement de l'Union européenne. Cet article dérogatoire aux préconisations de l'Union européenne en matière de marchés publics, élaborées en 2004, permet de protéger des secteurs stratégiques, qui requièrent le secret ou dans lesquels sont menés des projets de recherche et développement trop importants pour ne pas être soustraits à la logique du marché. Or votre prédécesseur, monsieur le ministre, a dit aux sénateurs que, sur tous les sujets qui nous semblent les plus importants, nous pourrions faire prévaloir nos intérêts en nous fondant sur cet article 346.

Toutefois, ces points font l'objet de deux questions préjudicielles devant la Cour de justice de l'Union européenne, qui est en train de définir très précisément, par la jurisprudence, le périmètre de l'article 346 ; et il y a relativement peu de chances que la Commission européenne continue de laisser la jurisprudence faire son oeuvre sans être tentée d'introduire dans une directive des préconisations plus précises.

Ces quelques incertitudes en droit ne sont rien d'autre que le résultat de l'absence de volonté politique de l'Union européenne de protéger véritablement son marché au moment où elle abat les frontières en son sein. Car, comme le disait M. Vandewalle, il y a une grande différence entre l'absence de volonté de l'Union d'instaurer la préférence communautaire et l'attitude de notre principal concurrent, les États-Unis : à l'heure où ceux-ci recourent au Buy American Act et aux proxy boards, qui définissent très précisément les conditions d'intervention des industriels venus vendre aux États-Unis, de production, d'emploi de cadres, nous sommes incapables d'inscrire la préférence communautaire dans nos directives, lui donnant ainsi une assise juridique très fragile. Face à tout cela, que faire ? N'y a-t-il pas d'autres textes en préparation ?

Tels sont les quelques points que je voulais évoquer, à propos d'un texte qui fait consensus, car il y est question de sujets essentiels : la construction de l'industrie de défense et le renforcement de notre base industrielle et technologique. Or, sur ces sujets hautement stratégiques, il est bon que nous cheminions de concert. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Bacquet

Bravo ! Très bonne intervention, comme d'habitude !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, à l'heure où nous examinons ce projet de loi, les armes parlent en Libye et en Côte d'Ivoire.

Nul besoin, donc, de rappeler la place qu'occupent l'industrie de l'armement et le commerce des armes de guerre dans les relations internationales. Du reste, c'est peut-être grâce à des armes vendues à la Libye par notre pays – à l'instar d'autres pays européens – que le colonel Kadhafi mène aujourd'hui une offensive criminelle contre son peuple et qu'il résiste à l'intervention de la coalition internationale sous mandat des Nations unies. C'était déjà le cas, rappelons-le, lorsque l'Irak envahit le Koweït au début des années 90.

L'industrie de l'armement et le commerce des armes joue également un rôle primordial dans nos économies, surtout dans un pays comme la France ; il faut reconnaître ce fait et le garder à l'esprit.

Enfin, cette industrie est extrêmement proche du pouvoir politique, au point que cela pose parfois problème. On l'a vu, récemment encore, avec les développements de l'affaire des sous-marins vendus au Pakistan : le moins que l'on puisse dire, c'est que cette imbrication politico-militaire peut parfois se révéler dangereuse. Bref, le commerce des armes ne peut pas être considéré comme un commerce comme les autres.

Ce projet de loi vise à transposer dans notre droit interne deux directives européennes, l'une traitant du contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre dans l'espace européen, la seconde visant à harmoniser les procédures des marchés publics dans le domaine de la défense.

Cette dernière est l'illustration parfaite d'un certain dogmatisme de la Commission européenne – un dogmatisme très libéral. Celle-ci a ainsi trouvé le moyen, avec l'accord des États membres, de rendre totalement inopérant l'article 346 du traité de fonctionnement de l'Union européenne – communément appelé traité de Lisbonne – qui, je le rappelle, permet à un État de préserver ses intérêts essentiels de sécurité lorsqu'il les estime menacés.

Sous prétexte de réduire le coût d'achat de nos armements et d'accroître la compétitivité de nos industries, il faudrait accepter une ouverture totale de nos marchés de défense, y compris hors de l'espace européen : se constituerait ainsi, en quelque sorte, un grand marché des armes.

Je n'insisterai pas sur les dangers que comporte la transposition de cette directive pour la construction de l'Europe de la défense, dont la perspective semble s'éloigner chaque jour davantage, malgré un certain nombre d'initiatives, restées malheureusement sans suite.

La concurrence débridée profitera essentiellement, on peut l'imaginer, à l'industrie de défense la plus puissante, celle des États-Unis qui poursuivront, eux, leur politique protectionniste, comme l'a montré le tout récent exemple des avions ravitailleurs. L'idée d'une préférence communautaire souple, sur ce sujet, ne devrait pas être écartée.

La première directive vise, quant à elle, à « fluidifier » le commerce des biens de défense dans l'espace européen, pour, dit-on, améliorer la compétitivité à l'exportation des entreprises d'armement. Elle propose pour cela d'harmoniser et, surtout, de simplifier les procédures.

En réalité, il s'agit d'alléger les contrôles sur les importations et les exportations de matériels de guerre en Europe puisque, sur les transferts intracommunautaires, le texte prévoit d'instaurer un principe de liberté encadrée du commerce et de l'industrie, et donc de supprimer le dispositif des autorisations d'importation et de transit.

Si cette démarche peut à la rigueur se comprendre dans l'espace de l'Union européenne – et cela serait encore discutable, au regard de la réalité des vingt-sept pays concernant les questions de contrôle notamment – tel n'est pas le cas pour les exportations hors de l'Union.

Pourtant, alors que rien dans la directive ne nous obligeait à le faire, le Gouvernement a choisi, à l'occasion de la transposition, de réformer également le régime d'autorisation et de contrôle des exportations vers les États qui ne sont pas membres de l'Union européenne.

Nous émettons de sérieuses réserves sur cette façon de procéder. En effet, le double niveau d'autorisation que constituaient l'agrément préalable et l'autorisation d'exportation est supprimé, pour être remplacé par un système de licence unique, tel qu'il existe dans d'autres pays européens. Concrètement, cela revient à remplacer un système de contrôle a priori, qui pouvait certes être lourd et lent, par un contrôle a posteriori. Les bienfaits du nouveau dispositif laissent sceptique.

Sur les armes, nous considérons au contraire que le système de contrôle doit être renforcé. En effet, à l'heure actuelle, les matériels de guerre exportés peuvent être assez facilement détournés d'un usage habituel et utilisés de façon incontrôlée. Ils peuvent aussi être réexportés vers des zones de conflits. Une telle situation est essentiellement due à un manque d'efficacité, résultat d'une absence de moyens de vérification fiables, des contrôles après l'exportation.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

La discussion de ce texte aurait pu être l'occasion d'inscrire dans la loi les grands principes que vous avez revendiqués, ceux que le Président de la République a défendus lors de la présidence française de l'Union européenne.

Mais votre texte n'intègre pas suffisamment dans notre législation les engagements que nous avons pris à l'échelle européenne en matière de contrôle des armes conventionnelles. C'est pourquoi nous n'y souscrivons pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Adam

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le vice-président de la commission de la défense, mes chers collègues, je voudrais moi aussi, après Bernard Cazeneuve, profiter de cette tribune pour aborder la question de la politique industrielle. Nous avons trop peu souvent l'occasion de le faire dans cet hémicycle.

Debut de section - PermalienGérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Profitons-en ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Adam

Aujourd'hui, nos forces armées sont présentes dans de nombreux territoires, en particulier sur le continent africain ; leur engagement a été salué tout à l'heure par l'ensemble de l'hémicycle. Il me paraît donc important d'évoquer les conséquences de cette situation pour notre base industrielle et technologique de défense.

Les deux directives, largement expliquées par les orateurs qui m'ont précédée, sont ambivalentes. La première demande que les mécanismes du marché libre et non faussé soient étendus à l'industrie de l'armement, alors que ce secteur bénéficiait jusqu'ici d'un régime d'exemption, sous la tutelle rassurante des États. La seconde cherche à préserver nos industries les plus stratégiques – et en particulier nos industries de souveraineté – des périls que représente l'application aveugle des règles du libre-échange. C'est donc un exercice complexe, difficile.

Face à une concurrence économique sans pitié dans le domaine de l'armement, sur lequel les États-Unis exercent une véritable hégémonie qui menace notre industrie, ces mesures seront-elles suffisantes pour garantir la sécurité de nos approvisionnements stratégiques ?

Je ne le pense pas : de telles mesures ne remplaceront jamais une politique industrielle. Or, aujourd'hui, c'est une telle politique qui nous manque. Elle manque alors que nos ressources budgétaires sont comptées et ne nous permettent plus de financer seuls nos efforts en matière de défense. Elle manque aussi alors que la pression des opérations extérieures est beaucoup plus forte que nous ne l'aurions imaginé il y a encore trois mois : cela représente un coût important et des besoins opérationnels et capacitaires accrus.

Le Livre blanc disait en 2008 – ce n'est vraiment pas vieux – à propos de notre politique industrielle : « les tentatives de repli sur des bases nationales et les obstacles à la mise en place d'un marché commun des industries de défense et de sécurité menacent de condamner, à terme, les capacités industrielles et de recherche des pays de l'Union européenne. »

Le présent projet de loi remplit cette seconde condition : il introduit en effet plus de compétition entre les grands groupes de défense européens. Mais cela ne fait pas une politique industrielle. Il est donc toujours possible, trois ans après la publication du Livre blanc, d'établir le même constat, voire un constat pire encore. Notre industrie nationale semble en effet s'être définitivement repliée sur elle-même, et le paysage industriel européen est aussi éclaté qu'un jeu de mikado.

Depuis 2007, notre politique industrielle sacrifie donc l'avenir, au profit d'une approche étroitement nationale et d'une vision à court terme, le tout reposant sur des montages financiers dont la logique nous échappe quelquefois.

Les recapitalisations qui se dessinent dans les secteurs naval et électronique ne permettent pas d'envisager de nouveaux projets industriels à l'échelle nationale, et encore moins à l'échelle européenne. Dans le secteur terrestre, notre industrie est dispersée et ne dispose pas de la taille critique nécessaire pour survivre à l'établissement d'un marché européen totalement libre. En l'absence de débouchés, elle ne survivra pas à la faiblesse des commandes hexagonales.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Adam

Ici encore, comme dans le domaine des poudres et explosifs, l'avenir ne peut s'envisager sereinement sans perspective de regroupement au niveau européen. Pourtant, les instruments existent et la méthode est connue. Ils pourraient servir une nouvelle ambition, si la France se donnait les moyens d'y croire.

L'Agence européenne de défense est chargée depuis 2006 d'identifier les besoins capacitaires communs de nos armées. Il est pourtant peu probable que ses efforts – d'ailleurs louables, avec un budget de 31 millions d'euros seulement – débouchent sur de nouveaux programmes et des acquisitions communes. Cela est d'autant moins probable que la France s'oppose à la montée en puissance de cette institution, préférant lui voir jouer un rôle de figurant. Or, celle-ci devrait occuper le coeur de notre stratégie industrielle. Par ailleurs, le mécanisme des coopérations structurées permanentes, prévu par le Traité de Lisbonne, permet à un petit nombre d'États européens d'accepter des interdépendances en matière de défense. L'Agence permettrait ainsi de développer des programmes industriels communs. Malheureusement, cet instrument demeure inexploité. Certes, nos partenaires européens ne se montrent guère enthousiastes, mais je n'ai pas non plus entendu la France exprimer la volonté de développer cette agence.

Nous prenons là un grand risque pour les décennies à venir. En l'absence de programmes industriels fédérateurs, nous continuons de privilégier le jeu du chacun pour soi, dans un environnement soumis désormais à l'unique loi de la concurrence. Nous délaissons le chemin pris à la fin des années 90, lorsque nous faisions émerger de grands maîtres d'oeuvre industriels européens. C'est pourtant ce modèle qui fonctionne aujourd'hui encore : il a créé de nombreux emplois qualifiés sur notre territoire et en Europe ; il a permis d'accroître notre compétitivité sur la scène internationale. Le chemin que nous prenons aujourd'hui, celui du patriotisme industriel, est étroit, risqué, dangereux. Il peut nous mener à l'impasse.

Mais il y a peut-être plus grave. Selon l'étude d'impact, les petites et moyennes entreprises pourraient bénéficier des dispositions du nouveau texte. Effectivement, nos clients européens n'exigeront plus de nos industriels de lourdes compensations que le bon sens économique réprouve. L'ouverture du marché des équipements de la défense pourrait donc profiter à nos PME. Cette possibilité serait rassurante.

Mais l'hypothèse ne résiste pas à l'épreuve des faits : en effet, compte tenu de la faiblesse de nos efforts budgétaires en matière de recherche technologique, c'est l'inverse qui est en train de se produire. Un certain nombre d'entreprises, notamment des PME-PMI, sont évincées de nombreux marchés européens. Nos PME ne sont plus assez compétitives, et ne le deviendront certainement pas dans les années qui viennent, si elles ne reçoivent pas le soutien de l'autorité publique à travers cette fonction de recherche.

Monsieur le ministre, permettez-moi de rappeler la réalité de nos efforts en la matière : les crédits que nous consacrons aux études amont, qui préparent l'avenir de notre base industrielle, ne s'élèvent aujourd'hui qu'à 700 millions d'euros pour l'année 2011 – ce qui a fait l'objet de nombreuses observations de la commission de la défense ; il faut multiplier ce chiffre par dix pour avoir une idée des efforts que les États-Unis consacrent à ce secteur.

Faute de financement, faute de réflexion stratégique en matière d'armement et de programmes du futur, nous délaissons des PME dotées de compétences technologiques uniques en France et en Europe ; et elles sont encore nombreuses ! On leur dit : « Arrêtez de produire, nos stocks sont suffisants » – le seront-ils d'ailleurs encore dans quelque temps, à la suite des engagements de nos forces à l'extérieur ? Je n'en suis pas sûre.

Mais on leur dit aussi : « Les recherches que vous menez ne nous intéressent plus » ! Or, l'heure venue, lorsque notre défense requerra de nouvelles capacités, à qui nous adresserons-nous ? Il sera, je crois, difficile de céder à la tentation des achats sur étagère. En cas d'urgence, tout le monde a les mêmes besoins au même moment. C'est ainsi que nous achetons aujourd'hui des munitions de petits calibres à l'étranger. Peut-être achèterons-nous demain, une fois nos stocks épuisés, des bombes d'avions de fabrication étrangère ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Adam

Naturellement, le projet de loi que nous examinons exprime une autre ambition, plus limitée. Cependant, les véritables enjeux se situent ailleurs : notre industrie est menacée de déclassement si nous abandonnons ce qui fait sa valeur ajoutée et son potentiel d'innovation. Notre politique industrielle se compromet si elle refuse de nouer avec nos partenaires européens de grands projets industriels ambitieux, générateurs d'emplois qualifiés et de compétences. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - PermalienGérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Je commencerai par répondre à Mme Adam, et par la féliciter pour la grande qualité de son intervention. Il faut néanmoins reconnaître que la France, avec un budget effectivement très inférieur à celui des États-Unis, représente 7,5 % du marché mondial de l'armement, contre 50 % pour les États-Unis : c'est sept fois plus, pour un effort dix fois supérieur. En termes de productivité, nous nous situons donc à un niveau tout à fait convenable. Sur les études amont, les chiffres que vous avez cités sont exacts, mais je peux vous dire que l'année 2011 sera parfaitement satisfaisante. Cet effort – qui n'est, c'est vrai, que de 700 millions – est toutefois supérieur de 100 millions à celui de la Grande-Bretagne, pays comparable, et représente près du double de celui de l'Allemagne fédérale, dont les moyens financiers sont très largement supérieurs aux nôtres. Certes, les sommes ne sont jamais suffisantes mais, à proportion de nos richesses, elles sont importantes et significatives.

Comme d'autres intervenants, vous souhaitez une coopération européenne renforcée. Dans un climat budgétaire difficile pour l'ensemble des pays européens, et alors que, pendant plus de dix ans, les dividendes de la chute du mur de Berlin ont conduit à la contraction des investissements de défense, force est de reconnaître que les conditions financières ne sont pas favorables aux coopérations, chacun se repliant sur ses propres installations. Pour autant, très récemment, la France a pris l'initiative de relancer une coopération avec la Grande-Bretagne, principal pays qui investit dans le domaine de la défense en Europe, avec les accords de Lancaster House. Nous sommes parfaitement déterminés à poursuivre, autant que cela est possible et réaliste, des coopérations et des regroupements européens.

J'indique à M. de Rugy que les grands pays principaux producteurs d'armement en Europe – la France, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, le Royaume-Uni et la Suède – sont engagés dans une coopération solide en matière de contrôle de certification. Ces pays ont décidé, par une lettre d'intention du 6 juillet 1998, de mettre en place des agents habilités à contrôler la certification et la mise en oeuvre a posteriori de la réglementation européenne, avec des sanctions particulièrement lourdes. Que M. de Rugy soit convaincu de la volonté de contrôle des grands pays exportateurs : c'est notre devoir autant que notre intérêt.

Bernard Cazeneuve, vous êtes intervenu dans un sens favorable au projet de loi, et je ne peux que vous en remercier. Vous avez posé une question que vous aviez d'ailleurs déjà soulevée en commission : sur quelle base pouvons-nous avoir la certitude que la Cour de justice de l'Union européenne ne remettra pas en cause non pas une préférence communautaire, mais la possibilité d'exclure des compétiteurs non communautaires dès lors qu'un certain nombre de restrictions pertinentes peuvent être mises en avant par un État à raison même de l'équipement qu'il souhaite acheter ?

Il y a, en effet, le considérant 18 de l'exposé des motifs. Or vous avez rappelé à juste raison que, entre les considérants et le dispositif d'une directive, la Cour de justice choisissait le deuxième. Cependant, les juristes éminents qui me conseillent m'ont indiqué que les articles 40 et suivants de la directive du 13 juillet 2009 ont fourni les restrictions permettant aux présidents des commissions des affaires étrangères et de la défense du Sénat d'élaborer l'amendement qui sert de charte à l'exclusion non communautaire en cas de besoin et non pas la préférence communautaire par principe. Il y a donc bien une base juridique, qui n'est pas simplement le considérant 18, mais les articles 40 et suivants de la directive.

Vous avez également formulé des voeux, que je partage totalement, monsieur Cazeneuve. D'abord, que le règlement ne vienne pas compliquer les choses : j'en prends l'engagement publiquement devant vous et devant les commissaires du Gouvernement qui auront à suivre ces sujets.

Le suivi informatique, ensuite, est un sujet que j'avais retenu en commission. Les performances de notre système spécifique, le SIEX, ont des limites dont nous avons conscience. Nous avions le choix entre retarder la mise en oeuvre de la directive en la subordonnant à celle d'un nouveau système informatique ou accepter, pour rendre service aux entreprises, le risque d'une coexistence entre un texte nouveau et un système informatique ancien qui, en tout état de cause, sera rénové pour 2014. Nous prenons ce risque. Soyons lucides : la loi sera opérationnelle en 2012 et la situation d'incongruité informatique durera dix-huit mois. La CIEEMG, qui vit sur les mêmes principes depuis 1955, devrait pouvoir supporter une année supplémentaire.

Oui, nous sommes les rois de l'eurocompatibilité. Ce perfectionnisme français, nous en souffrons, les uns et les autres, lorsque nous sommes usagers, mais nous sommes demandeurs de cette eurocompatibilité lorsqu'elle nous est favorable. Au fond, nous sommes à cheval sur deux cultures, celle de la construction européenne et celle des intérêts de base. Mme Adam serait partisane d'une préférence communautaire lorsqu'elle défend les intérêts de sa circonscription, mais partisane de la construction européenne lorsqu'elle défend des principes généraux. Il m'arrive aussi, comme nous tous, et c'est la raison pour laquelle je ne lui jetterai pas la pierre, d'être partagé de la même façon.

Debut de section - PermalienGérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Non, pas plus qu'un autre. J'écoute, je réfléchis.

Oui, monsieur Vandewalle, nous avons mis en place une sorte de préférence communautaire raisonnable – ce sont les articles 37-3 à 37-5 de l'ordonnance du 6 juin 2005. Je reconnais qu'elle est bien modeste. En matière de protectionnisme, on a cité les États-Unis, qui représentent 50 % du marché mondial des équipements de défense et de sécurité. Mais ils ne sont pas les seuls. Un autre grand pays, la Chine, est également protectionniste, ce qui n'est pas très surprenant compte tenu de sa tradition de centralisme héritée du communisme et de sa volonté de développement industriel à marche forcée. J'aimerais que les États-Unis ne soient pas toujours les seuls à être dénoncés et que l'on n'oublie pas que la Chine est également un pays protectionniste.

Pour notre part, nous ne le sommes pas dans ce dispositif. Simplement, nous permettons à un gouvernement de ne pas être traîné devant la Cour de justice de l'Union européenne s'il constatait que, dans un appel d'offres, il ne pouvait pas demander d'être équipé par des gens qui seraient incapables de fournir les équipements en cas de conflit, de tension, de difficultés d'approvisionnement ou de méconnaissance de règles de droit du travail. C'est une attitude mesurée qui ne tend pas à ériger une forteresse, ce que nous n'avons jamais voulu.

Je regrette le départ de Philippe Folliot, car il n'entendra pas le bien que je dirai de son intervention, notamment de son analyse économique de l'industrie de l'armement. Dans le chiffre d'affaires que vous avez cité, les uns et les autres, qui permet de faire vivre plus de 160 000 salariés, les exportations entrent pour un tiers, ce qui est considérable. Ce tiers est décisif pour permettre l'activité des deux autres tiers. Voilà pourquoi M. Folliot, et le groupe NC avec lui, a raison de soutenir ce projet de loi. Il n'est d'ailleurs pas le seul et je remercie M. Vandewalle, au nom de l'UMP, et M. Cazeneuve, au nom du groupe SRC, pour leur soutien.

M. Folliot a également évoqué le « paquet défense II ». Il viendra, mais on n'en est pas encore là.

Je ne partage pas l'analyse de M. Candelier, notamment sur un point sur lequel je me permets de le reprendre : Israël n'est pas un État voyou. On peut être en désaccord, et il m'arrive de l'être, avec sa politique, mais c'est une démocratie où il y a une liberté d'expression. Cette démocratie connaît un état de tension depuis sa création, dans des circonstances que je n'aurai pas la prétention de restituer dans leur totalité. Très honnêtement, je pense que ces termes d'« État voyou » vous ont échappé.

Debut de section - PermalienGérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Je remercie Philippe Vitel de son intervention. Je suis en accord total avec ses observations, en particulier celle qui rappelle que le ministre de la défense que je suis a intérêt à la concurrence. La concurrence n'est pas l'ennemi de l'acheteur, bien au contraire. Nous avons besoin de disposer sur le long terme d'une industrie de l'armement qui, sur les sujets stratégiques, ne soit pas dépendante de l'extérieur. Mais nous avons besoin aussi de partenariats et, sur certains équipements financièrement et quantitativement importants sans être toujours stratégiques, de liberté pour exercer une pression. Une situation de monopsone – un seul vendeur, un seul acheteur – aboutit à des perversions, on le voit bien dans le coût du maintien en conditions opérationnelles, un sujet majeur du budget de la défense. Philippe Vitel a raison de rappeler que les dispositions européennes, tout en encadrant la concurrence, permettent cette concurrence qui est, pour le pouvoir d'achat des armées, une nécessité absolue. Sans quoi, les armées deviendraient la vache à lait d'un petit nombre de fournisseurs, ce que nous ne pouvons accepter, car nous avons besoin d'équipements de défense de qualité mais à des prix raisonnables.

Yves Fromion a introduit deux valeurs ajoutées fortes, indépendamment du rapport qu'il a élaboré en qualité de parlementaire en mission – ce qui montre combien nous savons, dans nos institutions, exploiter les talents des uns et des autres, et combien l'exécutif peut se réjouir d'avoir des parlementaires impliqués et passionnés. Une première proposition porte sur la certification des entreprises et sur le moyen de s'assurer de son égale qualité dans les vingt-six États européens. Il suggère que l'Agence européenne de défense puisse être l'outil de vérification de la qualité de cette labellisation. Je réponds « oui » et je vais m'engager pour faire en sorte que cette labellisation s'adosse à une administration reconnue. Ce sera d'ailleurs l'occasion de donner à cette agence, dirigée par un diplomate français, une responsabilité qui dépasse les modestes 30 millions de budget dont elle dispose pour l'instant.

Vous avez également, cher Yves Fromion, demandé plus de précisions sur le rapport annuel en matière d'exportations de la France. Je comprends le sens de votre démarche et nous en parlerons lorsque vous présenterez vos amendements au cours de la discussion des articles. Il est un moment où l'information doit rester la propriété de ceux qui en ont la responsabilité. La France doit certes être exemplaire. Si vous nous démontrez que nous pouvons faire mieux que d'autres pays, nous y serons prêts, mais, pour une fois, nous ne voulons pas être trop exemplaires et risquer d'affaiblir, le cas échéant, nos entreprises en donnant des informations qui pourraient être utilisées stratégiquement contre leur intérêt.

J'observe, pour conclure, que nous sommes en présence d'une coproduction législative dont doit se féliciter l'ancien président du groupe UMP, puisqu'il en avait lancé la formule en son temps. En voici une illustration et je me réjouis d'en être un modeste artisan.

Sur l'Europe de la défense, il y a beaucoup à faire. Nous franchissons une étape toute petite mais indispensable, celle des transferts intracommunautaires apaisés, libérés, acceptés. Ce n'est ni une révolution ni un pas de géant ; c'est la certitude que les pays qui n'ont pas d'industrie de défense cesseront de prendre en otage les pays qui en ont en leur interdisant d'accéder à leur marché pour négocier d'autres avantages. Nous avons aujourd'hui la certitude qu'il y aura une liberté des transferts intracommunautaires et cela sans que soit remis en cause le vieux principe de 1939 qui reste parfaitement légitime concernant le commerce des armes qui n'est pas un commerce banal : le principe, c'est la prohibition ; l'exception importante, c'est l'autorisation contrôlée. Ce texte ne déroge en rien à un principe fondateur de notre industrie de l'armement et de la diplomatie française réunis. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l'amendement n° 4 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Dans le droit-fil de la charte des Nations unies, qui reconnaît à chaque pays le droit d'acquérir de l'armement afin, notamment, d'assurer sa sécurité et de participer aux opérations de maintien de la paix, nous militons non pas pour la fin totale du commerce des armes, mais pour un meilleur encadrement juridique de celui-ci.

Cet amendement vise à inscrire dans la loi les conditions de contrôle des exportations fixées dans la « Position commune » européenne. Il s'agit de mieux encadrer l'octroi des licences d'exportation de matériels de guerre vers des États non membres de l'Union européenne pour prévenir les risques d'usage de ces matériels dans un sens contraire au droit international, notamment humanitaire, et aux droits de l'homme.

Récemment, les parlementaires britanniques ont admis que leur gouvernement avait mal évalué les risques que des armes exportées vers des pays comme la Libye ou le Bahreïn puissent être utilisées dans la répression des populations civiles.

Pour éviter que nos engagements internationaux restent une pétition de principe, il est essentiel que la France adopte une législation conséquente. Même si la Position commune était appliquée par l'administration, il faudrait sanctuariser ses principes dans la loi. Nous avons une occasion unique de donner toute sa force à la Position commune européenne !

Je précise qu'il s'agit d'un combat que mènent l'Observatoire des armements et de nombreuses ONG comme le CCFD Terre solidaire, Amnesty International ou Oxfam France, que je salue.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

Nous avons eu ce débat en commission. Vous cherchez à préciser les critères de délivrance d'une licence d'exportation sur la base de la liste du code de bonne conduite établi en 1998 et qui a été validé en 2008 sous le nom de « Position commune » lors de la présidence française de l'Union européenne. Cependant, le considérant 13 de la directive de 2009 indique que « les États n'ont pas besoin de maintenir d'autres contrôles que ceux prévus par la directive s'ils veulent respecter les objectifs de sauvegarde des droits de l'homme, de la paix, de la sécurité et de la stabilité. » Très clairement, la Commission recommande ainsi aux États de ne pas surcharger les dispositifs nationaux. Votre amendement me semble donc totalement satisfait. C'est pourquoi la commission l'a repoussé.

Debut de section - PermalienGérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Pour les excellentes raisons présentées par le rapporteur, le Gouvernement est hostile à cet amendement.

(L'amendement n° 4 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi de deux amendements, nos 5 et 6 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

L'amendement n° 5 vise à inscrire dans la loi certaines des conditions qui figurent dans la Position commune pour prévenir la réexportation de ces matériels vers un État qui les détournerait de leur usage normal. Renforcer le contrôle après exportation est particulièrement nécessaire.

L'amendement n° 6 a le même objet.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

Comme je viens de l'indiquer, la Position commune est, en fait, intégrée dans le texte. Mais j'insiste, car j'ai le sentiment que l'on montre du doigt notre pays en laissant entendre que les dispositions qu'il applique en matière de contrôle des exportations et de la destination des matériels exportés ne seraient pas suffisantes.

Ayant eu à m'occuper de ces questions d'exportation, j'affirme que la France dispose des procédures parmi les plus rigoureuses d'Europe. Je ne suis pas sûr qu'il y ait un autre pays où les questions d'exportation, même pour des matériels mineurs, remontent jusqu'au niveau du chef de gouvernement. Dans la plupart des pays européens – en Allemagne par exemple –, le contrôle des exportations est délégué à tel ou tel ministère. La France a probablement le dispositif le plus rigoureux en matière de contrôle de ces exportations.

Rien n'est parfait, je le concède et sans doute peut-on toujours essayer d'améliorer les choses. Mais très franchement, faire une sorte de procès en laissant entendre que nous sommes un peu désinvoltes, qu'on n'y regarde pas de très près et que l'acte de vente l'emporte sur les considérations de sécurité ou de précaution, je ne peux pas l'accepter.

Je tenais à le répéter pour ceux qui, ici, ne sont peut-être pas familiers avec ces questions : la France a un des dispositifs de contrôle des exportations d'armement les plus efficaces et les plus responsables en Europe – je ne me prononce pas sur ce qui se passe ailleurs. La commission de la défense a donc rejeté ces deux amendements et je propose à l'Assemblée de faire de même.

Debut de section - PermalienGérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Même avis. Je précise que la réexportation d'un matériel fait partie de son usage final et que de ce fait, tout matériel exporté contre les principes de la CIEEMG entraîne ipso facto la déqualification par celle-ci à titre de sanction des industriels ou des négociants concernés.

(Les amendements n° 5 et n° 6 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Alain Moyne-Bressand, pour soutenir l'amendement n° 2 .

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Moyne-Bressand

Cet amendement a pour objectif de mieux assurer la préservation du patrimoine et du devoir de mémoire, en facilitant la participation des collectionneurs d'armes et de matériels de guerre anciens aux différentes manifestations culturelles qui ont lieu chaque année en Europe. Il vise ainsi à insérer, après l'alinéa 74, l'alinéa suivant :

« 6° Le transfert d'armes et de matériels, conservés à titre de collection, est effectué à l'occasion d'une manifestation culturelle au sein de l'Union européenne, telle une commémoration, un tournage cinématographique ou une convention internationale. ».

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

Cette proposition est tout à fait intéressante et parfaitement fondée. Il serait en effet souhaitable de faciliter le transfert, pour diverses raisons, de ces matériels anciens et de collection dans l'espace européen.

Toutefois, le projet qui nous est soumis n'est pas le véhicule adapté pour ce faire. Nous avons abordé cette question en commission à propos d'amendements présentés par M. Marlin. Mais le ministre va sans doute vous communiquer les éléments que vous attendez.

Debut de section - PermalienGérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

J'attrape volontiers ce ballon et je m'engage à marquer l'essai, mais nous ne pourrons pas le faire ce soir.

L'amendement de M. Moyne-Bressand est parfaitement justifié. Les collectionneurs enrichissent la vie culturelle et associative et rehaussent les commémorations historiques. Il faut, sans conteste, les soutenir.

Une dérogation à cette directive est possible. Mais il faut la demander, on ne peut pas la voter. Je m'engage donc à demander au nom du Gouvernement, dans le cadre de l'article 4 de la directive, une dérogation qui s'ajoute à celles prévues aux articles 70 à 74. j'obtiendrai gain de cause, je n'ai aucun doute à ce sujet. Mais c'est à moi de le demander et il faut que la Commission me donne cette autorisation. C'est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur le député, de retirer cet amendement.

Pour ma part, je m'engage à conduire à bien cette procédure et à vous en rendre compte par tout moyen de contrôle à disposition de l'Assemblée, une question orale par exemple si, d'aventure, nous perdions du temps. Je suis très attaché, comme vous, à ce que les collections de véhicules historiques ou d'armes neutralisées puissent circuler pour participer à des expositions, des commémorations, ou enrichir des musées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

Nous sommes tous d'accord pour mieux encadrer les exportations et importations des matériels de guerre, ce qui est l'objet de ce texte.

S'agissant de l'amendement que vient de défendre M. Moyne-Bressand, monsieur le ministre, je crois en votre engagement. Néanmoins, je vous demande de laisser la représentation nationale exprimer aujourd'hui sa volonté de ne plus pénaliser les collectionneurs. Ne pas le faire serait leur envoyer un signal de défiance. Par ailleurs, nous n'avons aucun engagement sur le temps que prendra la démarche que vous allez entreprendre. Je vous demande donc de vous en remettre à la sagesse de l'Assemblée, de sorte que les députés puissent remplir leur mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Moyne-Bressand

Les collectionneurs se plaignent depuis très longtemps du fait qu'on attrape bien leur ballon, mais sans jamais marquer l'essai. Je souhaite donc que, ce soir, nous montrions notre volonté d'avancer. Il est tout à fait anormal que des collectionneurs étrangers viennent exposer et vendre en France et que les Français ne puissent aller le faire dans l'espace européen. Depuis bien longtemps, on leur dit qu'on va régler le problème et il ne l'est toujours pas. Je maintiens donc l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

Je comprends parfaitement nos deux collègues. Mais voter cet amendement, au demeurant excellent, dans le cadre de ce projet n'est pas envisageable car son contenu est hors du champ de la directive qu'il s'agit de transposer. La validité juridique d'une telle disposition me paraît très contestable. Donc cet amendement, s'il est voté, risque de ne guère prospérer. En revanche, il me semblerait plus opérationnel de le proposer dans le cadre de la proposition de loi de notre collègue Warsmann relative au contrôle des armes.

Debut de section - PermalienGérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Je comprends très bien la démarche de M. Moyne-Bressand et de M. Roubaud. Mais si le Parlement adoptait la dérogation par cet amendement, la Commission européenne considèrerait que la directive n'a pas été transposée. Vous me direz que, de toute façon, la directive va être modifiée. Nous sommes très favorables à la libre circulation des objets de collection, mais comme le suggère le rapporteur, la proposition de loi présentée par le président de la commission des lois, M. Warsmann, est un excellent support juridique pour définir ce qu'est l'objet de collection dans le domaine du matériel de guerre déclassé. Nous pourrions régler le problème dans ce cadre.

Naturellement, l'Assemblée est majeure et souveraine, mais elle me mettrait, en votant cet amendement, dans une situation un peu difficile : nous aurions une directive pour rien. Comme nous sommes tous d'accord sur l'intérêt de cette dernière, je préfère que nous votions sa transposition.

Mes relations avec Jean-Luc Warsmann, dont le département est voisin du mien, sont excellentes : vous pouvez avoir la certitude que les dispositions que vous appelez de vos voeux seront introduites dans sa proposition de loi. Elle est actuellement examinée par le Sénat, et nous pourrions d'ores et déjà lui demander d'adopter des amendements en ce sens, avant même le retour du texte devant votre assemblée.

Quoi qu'il en soit, vous me rendriez un fier service en évitant que la transposition de la directive ne soit bancale. En effet, dans ce cas, elle ne serait pas retenue par l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Moyne-Bressand

Depuis des années, les collectionneurs se plaignent de ne jamais avoir satisfaction, alors que chaque ministre qui passe leur répète qu'ils ont raison, qu'il va régler le problème et qu'il est en parfait accord avec eux. Or, malgré ces discours, rien n'est jamais décidé.

Monsieur le ministre, je vous fais, bien entendu, une entière confiance, mais je maintiens l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Monsieur Moyne-Bressand, j'avoue que nous avons déjà vu des cavaliers législatifs plus grossiers que cet amendement ; je crains toutefois que nous ne puissions suivre le grand supporter de l'équipe de Bourgoin-Jallieu que vous êtes…

Vous tentez de marquer un essai, mais, comme le rapporteur et le ministre l'ont dit, nous aurons très prochainement l'occasion de le transformer tous ensemble. Le groupe Nouveau Centre ne pourra malheureusement pas s'associer à l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

J'appelle l'attention de mes collègues sur le risque, au cas où nous adopterions l'amendement, que le vote du Sénat ne soit pas identique et que la navette se poursuive. Nous ne serions alors plus dans les délais.

J'ai bien conscience que cet argument peut vous donner l'impression que l'Assemblée a, en quelque sorte, un pistolet sur la tempe et qu'elle ne dispose plus que d'une liberté réduite. Il reste qu'il m'appartient, comme rapporteur, de vous indiquer les conséquences de votre vote éventuel.

Je comprends très bien le point de vue des partisans de l'amendement. Il me semble toutefois que les engagements du ministre et le fait que la proposition de loi de M. Warsmann, actuellement en navette, puisse servir de support à une disposition similaire, devraient suffire à satisfaire les uns et les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je mets aux voix l'amendement n° 2 .

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'Assemblée est consultée par assis et levé.)

(L'amendement n° 2 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Remiller

Monsieur le président, quels sont les résultats du scrutin ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Monsieur Remiller, je n'ai pas à vous les communiquer. Sachez que l'amendement a été rejeté à une voix de majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Remiller

Pourquoi ne pas donner le résultat, monsieur le président ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

En dehors du cas des scrutins publics, il n'est pas d'usage que le nombre de voix pour et contre soit communiqué. Vous devez faire confiance au président de séance. Mais ne vous inquiétez pas, monsieur le député : j'ai fait un décompte scrupuleux des votes.

La parole est à M. Alain Moyne-Bressand, pour soutenir l'amendement n° 3 .

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Moyne-Bressand

À l'instar de l'amendement précédent, il a pour objectif de mieux assurer la préservation du patrimoine et du devoir de mémoire, en facilitant la participation des collectionneurs d'armes et de matériels de guerre anciens aux différentes manifestations culturelles qui ont lieu chaque année en Europe.

Pour ce faire, nous souhaitons compléter l'alinéa 93 par les mots : « notamment en faveur des collectionneurs d'armes et de matériels anciens ».

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

Je suis désolé de constater que l'hémicycle se divise sur cette question, mais l'avis de la commission ne peut qu'être identique à celui qu'elle a exprimé sur l'amendement précédent, c'est-à-dire défavorable.

Debut de section - PermalienGérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Même avis que la commission.

Je me demande d'ailleurs si voter l'amendement n° 3 aurait un sens, dès lors que l'amendement n° 2 ne l'a pas été.

J'ai une immense sympathie pour les collectionneurs – j'en suis d'ailleurs un moi-même – mais la question soulevée n'est vraiment pas au coeur de ce projet de loi.

La proposition de loi de M. Warsmann peut permettre de régler le problème et je prends l'engagement que ce sera fait ; je crois, en conséquence, que nous devrions en rester là.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Remiller

Si nous ne votons pas cet amendement, les collectionneurs, eux, voteront dans un an !

Debut de section - PermalienGérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

D'ici là, nous aurons adopté la proposition de loi de M. Warsmann !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Moyne-Bressand

Aujourd'hui, rien ne nous garantit que des amendements similaires seront adoptés lors de l'examen de la proposition de M. Warsmann. On peut craindre, comme cela s'est déjà produit, que nos amendements soient rejetés.

Je comprends la position du rapporteur et du Gouvernement, mais ils doivent aussi comprendre la nôtre. Nous sommes l'Assemblée nationale et notre rôle est de faire avancer ce dossier. Nous voulons que le message soit entendu par l'administration : il faut qu'elle arrête de tergiverser et qu'elle traite le problème une fois pour toutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. le vice-président de la commission de la défense.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vitel

Je veux rassurer mon ami et collègue Moyne-Bressand.

J'étais l'un des signataires de l'amendement de Franck Marlin, mais la discussion en commission a démontré que nous n'avions pas choisi le bon véhicule.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Gorges

C'est pourtant un véhicule militaire ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vitel

Immédiatement après la réunion de la commission de la défense, nous nous sommes rapprochés de M. Warsmann pour voir comment cet amendement pourrait être introduit dans sa proposition de loi relative au contrôle des armes : cela ne pose absolument aucun problème. Mes chers collègues, il faudra tout simplement que vous soyez présents dans l'hémicycle pour voter cette mesure lorsqu'elle sera présentée. Ce jour-là, monsieur Moyne-Bressand, je m'associerai personnellement à la disposition que vous défendez aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Moyne-Bressand

Oui, monsieur le président !

(L'amendement n° 3 n'est pas adopté.)

(L'article 1er est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l'amendement n° 7 après l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Le rapport annuel sur les exportations d'armement de la France manque de précision.

Il faut plus de transparence, ce qui passe par la traduction, en droit, de l'engagement pris au titre de l'article 8, alinéa 3, de la Position commune européenne. Il faut connaître le type exact des matériels, leurs quantités précises, les utilisations finales et les motifs de refus des licences.

Il faut également mettre sous contrôle tous les intermédiaires intervenant dans le commerce des armes : courtiers, organismes financiers et de transport…

Monsieur le rapporteur, selon vous, le rapport annuel du Gouvernement a été amélioré. Pour ma part, je pense que l'on peut encore faire mieux.

Cessons nos cocoricos ! Plusieurs pays européens, dont des exportateurs majeurs ayant une importante base industrielle et technologique de défense, sont en mesure, depuis des années, de publier in extenso, au moins à un rythme trimestriel, l'ensemble des autorisations et des refus. Pourquoi pas la France ?

Concernant enfin le secret des affaires, pourquoi la France ne pourrait-elle pas publier les mêmes types de données que les États-Unis ou le Royaume-Uni ?

Notre pays est mal classé en ce qui concerne le critère de l'information au Parlement et aux citoyens. S'agissant des matériels, les gouvernements britanniques, suédois et néerlandais vont plus loin que la liste militaire de l'Union européenne. Arrêtons l'autosatisfaction béate et regardons sincèrement ce qui peut et doit être amélioré !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

Monsieur Candelier, j'ai moi-même demandé au ministre d'améliorer la situation actuelle. Pour autant, aller aussi loin que ce que vous proposez me paraît déraisonnable.

Aujourd'hui, ce n'est pas tant la quantité d'informations qui pose problème – même si l'on peut certainement améliorer un peu les choses – que le fait que l'on ne « vende » pas bien ce rapport. En fait, ce document est bien fait et s'est même amélioré au fil du temps, mais il n'est pas suffisamment connu, de sorte que certains peuvent, comme vous venez de le faire, reprocher à la France de faire beaucoup moins bien que les Britanniques.

Je ne veux pas froisser les Britanniques, mais je ne crois pas que le Royaume-Uni soit le modèle qui doit nous inspirer en la matière. Je n'en dirai pas plus mais, quitte à donner des exemples, autant aller en chercher qui soient plus cohérents avec le propos que vous tenez…

La commission de la défense a émis un avis défavorable.

Debut de section - PermalienGérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Même avis que le rapporteur.

J'ajoute qu'aller au-delà de ce que nous faisons déjà en termes d'information pourrait nuire gravement à la santé de nos entreprises d'exportation en divulguant des éléments qui, utilisés par des concurrents, risqueraient d'affaiblir dangereusement ces sociétés.

(L'amendement n° 7 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l'amendement n° 8 à l'article 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Il est défendu.

(L'amendement n° 8 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 2 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Avant l'article 7, je suis saisi d'un amendement n° 1 déposé par M. Yves Fromion, M. Michel Grall, Mme Marguerite Lamour et M. Michel Voisin.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

J'ai effectivement déposé cet amendement, que j'ai ensuite retiré en commission.

Il rejoint les préoccupations dont j'ai déjà fait part quant à l'aptitude de notre système de contrôle à s'adapter aux modifications que provoquera la transposition des directives. Pour éviter un blocage du système, l'amendement propose l'instauration, pour une période déterminée, d'un système de by-pass ou de délestage, qui fonctionnerait de la façon suivante.

Le ministre de la défense, constatant la difficulté de traiter l'ensemble des dossiers qui arrivent chaque mois devant la CIEEMG, demanderait au Premier ministre, sous la responsabilité de qui est placée cette commission, qu'une procédure de délégation permette à certains services de traiter, pendant un laps de temps et sous le contrôle de la CIEEMG elle-même, les dossiers qui ne présentent pas de problèmes majeurs, notamment ceux qui concernent des sous-équipements ou des pièces détachées.

Le nombre de ces dossiers est en soi un problème. Il est en effet déjà difficile, en temps normal, pour la CIEEMG, de traiter les quelque 700 dossiers qu'elle doit examiner chaque mois ; si, en plus, l'entrée en vigueur du nouveau dispositif accroît les difficultés de fonctionnement du système informatique, la situation risque d'empirer.

Il serait donc raisonnable de prévoir un dispositif de gestion déléguée, lequel, du reste, existe déjà, d'une certaine façon, dans les services chargés du contrôle, puisque ce que l'on appelle le « contrôle continu » permet de traiter les dossiers qui ne présentent pas une importance majeure. Néanmoins, ce dispositif n'est pas reconnu par la loi. C'est pourquoi je propose d'instituer ce by-pass, qui serait, je le répète, placé sous le contrôle de la CIEEMG. Il s'agit, encore une fois, d'alléger le dispositif de contrôle.

Monsieur le ministre, j'ai retiré cet amendement en commission parce que vous étiez absent et qu'il me semblait désobligeant de faire une telle proposition sans que vous puissiez nous donner les explications nécessaires. Je souhaite donc que vous puissiez nous apporter une réponse en séance publique.

Debut de section - PermalienGérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Monsieur le rapporteur, votre préoccupation est si pertinente que le Gouvernement s'est efforcé d'y répondre dès avant notre débat, et j'espère vous convaincre que cette réponse est suffisante.

Je comprends en effet votre souci de raccourcir le délai de traitement des demandes d'agrément. C'est pourquoi nous avons mis en place un comité de sélection interne au ministère de la défense, qui trie les demandes les plus simples et les moins sensibles, lesquelles sont traitées dans le cadre d'un examen interministériel dématérialisé, c'est-à-dire par voie informatique. Ainsi, je tiens à vous indiquer que, grâce également au développement des autorisations globales, le nombre moyen de dossiers examinés chaque mois par la CIEEMG – il est important de le préciser, car on croit que cette commission ne se réunit que de temps en temps, par exemple au sujet de la vente d'un porte-avions –, qui était de 620 en 2009, a été diminué de près de moitié, puisqu'il n'est plus aujourd'hui que de 380. Je crois, sans aucune susceptibilité d'auteur, que nous avons donc répondu à votre préoccupation et amélioré singulièrement la productivité de la CIEEMG.

En outre, il est également envisagé, dès que l'application informatique le permettra – hélas, plutôt en 2012 qu'en 2011 –, de traiter des demandes via la procédure dite regroupée, qui permet de traiter simultanément la demande d'agrément préalable et la demande d'autorisation d'exportation.

Enfin, le recours aux licences générales de transfert et d'exportation aura pour effet de réduire d'un quart le nombre de demandes déposées par les entreprises, allégeant par-là même le travail de la CIEEMG.

Nous devrions ainsi passer de 600 dossiers par mois – chiffre que vous avez pu constater dans le cadre de votre mission – à 250 ou 300 au maximum. Or, la commission est capable de traiter ce nombre de dossiers. C'est la raison pour laquelle, tout en comprenant votre préoccupation, je vous suggère de retirer votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

Monsieur le ministre, vos propos sont rassurants. Néanmoins, pour connaître le dispositif de contrôle, je ne suis pas absolument convaincu que les difficultés disparaîtront. Cela dit, je ne veux pas m'immiscer davantage dans un domaine qui relève de votre responsabilité. Je retire donc cet amendement, tout en souhaitant que nous soyons tenus informés de la situation, afin que, si les tensions décrites par les industriels et reconnues par vos services persistent, nous trouvions le moyen d'améliorer la gestion des dossiers de sorte que celle-ci ne pénalise pas nos entreprises, car c'est bien là le fond du problème.

(L'amendement n° 1 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l'amendement n° 9 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Actuellement, la représentation nationale n'est informée des ventes d'armes dans le monde que par un rapport, que chacun juge insuffisant et souhaite améliorer. Pourtant, ces ventes revêtent des dimensions politiques qui ne sauraient être appréhendées par la seule administration, quand bien même s'agirait-il de la haute administration. Au moment où l'on parle de revaloriser le rôle du Parlement, les parlementaires ne doivent plus être exclus des décisions d'autorisation.

Par ailleurs, on ne peut comprendre que les élus ne soient pas associés à une politique qui concerne la fabrication de matériels de guerre pour l'étranger. Des parlementaires peuvent être membres de la CNIL ou de la Caisse des dépôts – je ne citerai pas la liste de tous les organismes ou instances où nous sommes représentés de par la loi. Arrêtons donc d'invoquer la Constitution ou le principe de la séparation des pouvoirs pour dissimuler un manque de volonté politique. Une simple modification du décret définissant la composition de la Commission interministérielle pour l'étude des exportations des matériels de guerre suffit. C'est cette modification que nous proposons dans cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

Mon cher collègue, je comprends et partage votre souci d'améliorer l'information du Parlement. Néanmoins, votre amendement a été jugé irrecevable par la commission, sur un fondement incontestable. L'exportation d'armements relève en effet du pouvoir exécutif, et j'imagine mal que des parlementaires puissent empiéter sur ce pouvoir. Ce type d'exportation est en effet directement lié à nos accords de défense. Or, dois-je rappeler, en matière de politique étrangère et de défense, le Président de la République exerce un pouvoir régalien. On ne peut donc défendre un tel mélange des genres. Autant je suis sensible à la nécessité d'améliorer l'information du Parlement – mais c'est un autre débat –, autant votre proposition me paraît inacceptable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. le vice-président de la commission de la défense.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vitel

J'abonde dans le sens du rapporteur. La mission d'évaluation et de contrôle qui oeuvre depuis quelques années au sein de la commission de la défense nous permet d'avoir une vision claire et transparente de toutes les activités de nos armées, qu'elles soient budgétaires ou liées aux livraisons de matériels.

Pour répondre à votre préoccupation, monsieur Candelier, et, surtout, à celle de M. Fromion – je pense à l'amendement n° 1 , qu'il vient de retirer –, je propose que cette mission d'évaluation et de contrôle dispose d'un indicateur supplémentaire de nature à nous informer du nombre et de la qualité des dossiers étudiés par la CIEEMG.

(L'amendement n° 9 rectifié , repoussé par le Gouvernement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l'amendement n° 10 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Monsieur le rapporteur, suite à la mission que vous a confiée M. le Premier ministre, vous avez proposé, dans votre rapport de juin 2010, que les contrats ayant fait l'objet de la garantie des finances publiques soient plus transparents pour le Parlement. Je partage entièrement votre ambition. C'est pourquoi j'ai repris par amendement le dispositif équilibré de votre intéressant projet de proposition de loi. Celle-ci, qui a trait au contrôle des exportations, est le véhicule législatif idéal pour renforcer la transparence, laquelle est une obligation liée au contrôle budgétaire et une nécessité de la vie publique.

Monsieur le rapporteur, cet amendement rend hommage à la qualité de votre travail et de vos propositions. Il ne tient qu'à vous de saisir cette occasion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

C'est diabolique, monsieur le rapporteur… (Sourires.)

Quel est l'avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

Je remercie mon excellent collègue de l'hommage qu'il me rend, gratuitement. (Sourires.) Toutefois, je lui rappelle que j'ai proposé cette mesure sous la forme, non pas d'une proposition de loi, mais d'un amendement au projet de loi de finances.

S'il avait amélioré mon texte, j'aurais soutenu et voté son amendement, car je considère que celui que j'avais déposé, tout en étant excellent, nécessitait d'être amélioré. C'est, du reste, ce à quoi je m'emploie, car je n'ai pas l'intention de capituler : je crois que nous pouvons renforcer l'information du Parlement. En effet, dès lors que des exportations sont garanties par les finances publiques, il est normal que le Parlement ait un droit de regard sur ces opérations ; c'est son droit.

Toutefois, il s'agit d'une question délicate et je reconnais humblement, en dépit des compliments que vous m'avez adressés, et que j'accepte volontiers, que mon amendement n'était pas parfait. Aujourd'hui, même si je vous remercie de l'hommage – en forme de piège, du reste – que vous m'avez rendu, je ne puis soutenir votre amendement. La commission a émis un avis défavorable, auquel je me rallie par nécessité. Mais nous aurons sans doute l'occasion d'en reparler, mon cher collègue.

(L'amendement n° 10 rectifié , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement n° 11 , du Gouvernement, portant article additionnel après l'article 9.

Debut de section - PermalienGérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Il s'agit là d'un excellent amendement (Sourires), que je vais pourtant retirer.

Il est excellent parce qu'il a pour objet de donner à la vieille École Polytechnique un statut moderne. Cet établissement, engagé dans un processus de rénovation permanente, est actuellement au coeur d'un projet de campus scientifique sur le plateau de Saclay.

L'École Polytechnique est aujourd'hui régie par une loi de 1970, aux termes de laquelle son administration est assurée par un conseil d'administration dont le président n'a pas de fonction exécutive, cette fonction étant confiée à un officier général.

Dans le contexte de la montée en puissance du campus de Saclay, où l'École Polytechnique doit avoir un rôle fédérateur, il a été unanimement considéré – par le conseil d'administration, par les anciens de Polytechnique et, d'une manière générale, par toutes les personnes concernées – qu'il était nécessaire de modifier la gouvernance de l'École Polytechnique en faisant du président du conseil d'administration un président exécutif, ayant pour mission de représenter l'École, de négocier des accords de partenariat avec les universités et les établissements d'enseignement supérieur de la région parisienne, mais aussi au plan national et international. Bref, il convient que le président soit un patron exécutif à temps plein – étant précisé que le directeur général restera, lui, un officier général, afin de tenir compte de la spécificité militaire de Polytechnique.

Pourquoi, me demanderez-vous, ai-je fait part de mon intention de retirer cet amendement ? Tout simplement parce qu'il s'agit d'un cavalier législatif et qu'il serait malvenu de ma part de recourir à une pratique que j'ai combattue naguère lorsque j'étais président de groupe au Sénat, et à laquelle ma longue expérience de parlementaire – j'ai été élu député pour la première fois en 1978 – m'incite, en tout état de cause, à renoncer.

En revanche, nous devrons trouver, dès que possible, un rendez-vous législatif susceptible de nous permettre de revenir sur la disposition constituant l'objet de cet amendement. Dans l'immédiat, je ne voudrais pas faire ce que j'ai reproché tout à l'heure à Alain Moyne-Bressand – un ami de longue date –, lorsqu'il a refusé de retirer son amendement relatif aux collectionneurs d'armes et de matériels de guerre anciens, aussi ai-je décidé de retirer l'amendement n° 11 .

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Guilloteau

Je veux remercier M. le ministre de retirer son amendement, qui constituait effectivement un cavalier. On m'a expliqué, lorsque je suis arrivé à la commission de la défense, qu'il s'agissait d'une commission noble, ayant vocation à ne traiter que de sujets nobles. Pour intéressante qu'elle soit, la disposition proposée par cet amendement me semble avoir plutôt vocation à être examinée par une commission chargée de traiter des sujets relatifs à l'enseignement supérieur.

Debut de section - PermalienGérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

L'École Polytechnique est aussi un établissement à caractère militaire !

(L'amendement n° 11 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Personne n'ayant demandé la parole pour une explication de vote, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Proposition de loi modifiant la loi n° 2009-79 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma