Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 8 février 2011 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Marie-Lou Marcel, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Lou Marcel

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, le service public de l'éducation est gravement menacé. Jeudi prochain, enseignants, personnels, familles et élus exprimeront leur colère dans la rue. Qu'on en juge : il y aura, cette année, 16 000 postes supprimés au niveau national pour 62 000 élèves supplémentaires.

Dans le département de l'Aveyron, dont je suis l'élue, vingt-quatre postes seront supprimés dans le primaire, vingt-trois dans le secondaire, soit un total de quarante-sept postes supprimés alors que l'on comptera deux cents élèves supplémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Lou Marcel

Voilà une curieuse adaptation des moyens aux besoins. Pour vous, l'équation est inversée : plus d'élèves équivalent à moins de moyens. Au décrochage scolaire et aux sorties du système éducatif sans qualification, vous répondez par la réduction des heures d'accompagnement spécialisé, par la réduction des heures de dédoublement de classe, par la réduction des heures dédiées aux langues vivantes, par celle des heures d'histoire et géographie, auxquelles il faut ajouter la sédentarisation des RASED, le sort des AVS et l'accueil des enfants en situation de handicap. Vous abandonnez le service public de l'éducation.

Non seulement vous n'assumez plus vos responsabilités, mais, dans cet hémicycle, vous avez dénigré l'action des régions qui investissent massivement dans les lycées. Pourtant, l'effort d'investissement de la région Midi-Pyrénées est huit fois supérieur à la dotation de l'État, soit 161 millions d'euros investis en moyenne annuelle pour seulement 20 millions de dotation d'État. Autrement dit, le plan de 766 millions d'euros est entièrement tenu par la région. Les chiffres sont là ; les chiffres sont têtus. À l'inefficacité, vous ajoutez la mauvaise foi.

Monsieur le ministre, reviendrez-vous, oui ou non, sur ces suppressions de postes ? Allez-vous, oui ou non, faire de l'Éducation nationale la priorité de ce Gouvernement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Madame la députée, regardons objectivement les choses : aujourd'hui, partout dans le monde, les grands pays développés, contraints par des problèmes budgétaires et économiques, réduisent massivement le nombre de leurs fonctionnaires. Ces pays les licencient (« C'est faux ! » sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR), et un certain nombre d'entre eux baissent la rémunération des professeurs.

Madame la députée, le gouvernement de François Fillon n'a pas choisi cette voie. Il a choisi, cette année, d'augmenter le budget de l'éducation nationale de 1,6 % ; il a choisi, cette année, de faire de l'éducation nationale le premier recruteur de France. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Ainsi, en 2011, dix-sept mille personnes seront recrutées ; il s'agit là d'un symbole extrêmement fort pour notre jeunesse.

Mieux encore, le Gouvernement de François Fillon a choisi d'augmenter de manière considérable le traitement de nos enseignants en début de carrière. Les néotitulaires certifiés et agrégés bénéficieront de 10 % d'augmentation, soit 157 euros par mois pour les certifiés et 257 euros pour les agrégés. Vous ne vous étiez pas autorisés cette marge de manoeuvre.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Madame la députée, nous avons choisi de rompre avec des années de pratiques consistant à vouloir faire toujours plus sans jamais s'attaquer à la qualité de l'enseignement et à la capacité de traiter les problèmes de terrain. Nous avons engagé ce combat, et l'éducation demeure, plus que jamais, une priorité de ce Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Philippe Houillon, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Houillon

Monsieur le ministre de la justice, le 18 janvier dernier, une jeune fille, Laëtitia, trouvait la mort, victime des actes de barbarie les plus atroces, présumés commis par un homme de trente et un ans, déjà condamné quinze fois et considéré comme très dangereux par son propre entourage.

L'extrême émotion et la douleur indélébile de sa famille, plutôt que de susciter de la part des acteurs politiques et judiciaires une réflexion respectueuse,…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Qui n'est pas respectueux ? Le Président de la République !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Houillon

…laissent place, aujourd'hui, à une simple grève, parce que le chef de l'État, arbitre des institutions, après avoir reçu la famille de Laëtitia et partagé sa douleur, a indiqué – sans d'ailleurs désigner spécifiquement les magistrats, et encore moins tous les magistrats, comme seul périmètre des responsabilités – qu'il pouvait y avoir faute et qu'elle serait alors sanctionnée.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Houillon

Il était dans son rôle. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) C'est la règle en toute matière et pour tout le monde ;on le constate tous les jours. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Il est vrai que la question de la responsabilité des magistrats fait débat depuis longtemps, sans être réellement tranchée, ce qui suscite l'incompréhension de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Houillon

Pour autant, les magistrats se sont manifestement sentis collectivement atteints et expriment même un sentiment d'injustice qu'il nous faut entendre, à la fois parce qu'ils assument avec beaucoup de conscience un rôle de plus en plus difficile, dont l'honnêteté impose de dire qu'ils n'en ont pas toujours les moyens,…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Houillon

…parce qu'il n'est pas sain que des incompréhensions, voire des divisions, s'installent entre les institutions de la République, ce que nos concitoyens ne peuvent comprendre, et enfin parce que la question de la grande récidive et des grands prédateurs se réglera plus sûrement par le dialogue des acteurs plutôt que par de nouvelles lois.

Ma question est double. Premièrement, les enquêtes diligentées ont-elles permis ou non d'apprécier si des fautes, d'où qu'elles viennent, ont été commises dans la gestion de la situation de Tony Meilhon ? Deuxièmement, quelles initiatives envisagez-vous de prendre pour rétablir l'indispensable dialogue avec l'institution judiciaire ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le député Houillon, ainsi que vous venez de le rappeler, le meurtre de Laëtitia, le 19 janvier dernier, impose à tous, élus – fonctionnaires et magistrats – de faire le point et de regarder loyalement où en sont les choses.

Le Président de la République est intervenu en tant que garant du fonctionnement régulier de nos institutions (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC), et il a eu raison de le faire. Il était porteur de l'émotion suscitée dans l'opinion publique par ce terrible meurtre (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR), et il a droit aussi à sa part d'humanité.

Si le ministre de l'intérieur et moi-même avons diligenté trois enquêtes, c'est parce qu'il y a eu des dysfonctionnements. Nous attendrons le résultat de ces enquêtes pour juger s'il y a lieu de saisir les instances disciplinaires. Si le dysfonctionnement a été collectif, nous devrons prendre les mesures nécessaires pour modifier le mode de fonctionnement, les méthodes de travail et pour faire en sorte, comme le Premier ministre l'a annoncé hier, que les moyens soient suffisants.

Dès la semaine prochaine, lorsque ces rapports m'auront été remis, j'inviterai les organisations professionnelles et syndicales à venir en discuter avec moi à la Chancellerie, afin de bâtir un nouveau climat de respect et de discussion, pour que le service public de la justice soit le meilleur possible pour les Français. C'est ce qu'ils attendent de nous. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Monsieur le Premier ministre, derrière vos discours sur la compétitivité, la fiscalité, la durée du travail, les retraites, vous cherchez à masquer les causes réelles de la crise, qui sont l'aveuglement et la cupidité des financiers, auxquels vous êtes totalement soumis.

Le véritable handicap de notre économie, ceux qui la mettent en danger, ce ne sont ni les infirmières, ni les enseignants, ni les policiers, ni ces six millions de salariés qui gagnent moins de 750 euros par mois, ce qui est scandaleux lorsque l'on voit que les revenus des plus riches explosent.

Ceux qui mettent en danger l'économie, ce sont ceux qui, en huit années, ont fait passer la part des dividendes et des intérêts versés aux banques de 25 % de la richesse créée par les entreprises à 36 % ; ce sont ceux qui, en trente ans, ont fait passer l'échelle des salaires, de un à quarante, à un à trois cents.

Ceux qui mettent l'économie en danger, ce sont ces cinq cents plus grosses fortunes françaises qui possèdent aujourd'hui 12 % de la richesse nationale, soit deux fois plus qu'il y a dix ans, avant la crise.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Ceux qui mettent l'économie en danger, ce sont ces entreprises du CAC 40 qui, en cinq ans, ont augmenté les salaires de seulement 8 %, et les dividendes de 111 %.

Nous sommes face à un véritable détournement de richesses.

Ce qui met en danger l'économie, c'est votre choix constant de favoriser la rente, le fric pour le fric, au détriment du travail,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

…de la protection sociale, de l'école et de la justice.

Ma question est très claire. Quand allez-vous suivre les conseils avisés du milliardaire américain Warren Buffet, qui a déclaré : « Notre situation est meilleure qu'elle n'a jamais été. Il n'y a qu'une solution, désormais, c'est d'augmenter fortement les impôts des grandes fortunes. » (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur le député, ceux qui mettent l'économie en danger, c'est vous-même (Rires et exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC) qui, avec vos amis socialistes, avez imposé les 35 heures à l'économie française. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Huées sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

Ceux qui mettent l'économie en danger, c'est vous-mêmes, qui avez refusé de sortir du carcan des 35 heures en 2008, lorsque nous avons entrepris de les réformer.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Ceux qui mettent l'économie en danger, ce sont vos amis qui, dans les collectivités locales, augmentent sans cesse les impôts. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Dans le département de l'Aisne, par exemple, que je connais bien, l'augmentation de la taxe foncière, qui touche aussi les entreprises, a atteint 61 %.

Ceux qui mettent l'économie en danger, ce sont ceux qui ont refusé de voter la suppression de la taxe professionnelle, qui rend cinq milliards d'euros aux entreprises.

Ceux qui mettent l'économie en danger, ce sont ceux qui, comme vous, ont toujours refusé de voter le crédit impôt-recherche, qui permet de localiser de la recherche en France et qui garantit l'avenir de nos entreprises.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Neuf ans !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Ceux qui mettent l'économie en danger sont ceux qui n'ont pas compris que nous étions au xxie siècle et que, pour pouvoir partager les richesses, il fallait d'abord les créer. C'est le travail des entrepreneurs ; nous, nous les défendons ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Ma question s'adresse à M. Maurice Leroy, ministre de la ville en charge du Grand Paris.

Monsieur le ministre, le projet du Grand Paris, ambition majeure de ce début de siècle, représente des réponses concrètes et immédiates, mais aussi un formidable espoir collectif pour bâtir une ville-monde de demain, comme il s'en bâtit dans d'autres pays. Il prévoit des investissements pour l'amélioration de la vie quotidienne des générations actuelles et futures, en Île-de-France et au-delà.

Initié par le Président de la République et mis sur les rails, si j'ose dire, par notre collègue Christian Blanc, ce projet d'intérêt national a été adopté par le Parlement avec la loi du 3 juin 2010. Aujourd'hui, les structures et institutions dédiées travaillent ensemble dans un dialogue constant avec les citoyens, acteurs majeurs de ce projet.

La Société du Grand Paris, dont notre collègue André Santini préside le conseil de surveillance, est chargée de réaliser le métro automatique autour de la capitale, qui doit se connecter avec le réseau organisé par le Syndicat des Transports d'Île-de-France.

Du 30 septembre 2010 au 31 janvier dernier, le débat public sur le « Grand Paris Express » a passionné plus de 20 000 Franciliens. Ce débat a donné lieu à 790 questions, 430 avis et 135 contributions du public, 255 cahiers d'acteurs et 170 000 connexions internet.

Un grand espoir est né, et pour permettre la réussite de ce qui représente un enjeu de taille, nos compatriotes ont su se mobiliser. Il faut à présent que tous les acteurs concernés se réunissent autour d'un projet partagé, comme vous en avez eu la volonté avec le président de la région Île-de-France.

Nous, élus, pouvons nous réjouir de cette vision partagée, historique, qui va permettre de réaménager l'Île-de-France, de développer l'emploi et de rapprocher les zones de logement et celles d'activité économique.

Monsieur le ministre, alors que le débat public vient de se terminer, pouvez-vous informer la représentation nationale des prochaines étapes de l'élaboration du réseau de transport du Grand Paris, qui doit désormais devenir une réalité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Maurice Leroy, ministre de la ville.

Debut de section - PermalienMaurice Leroy, ministre de la ville

Monsieur le député, grâce à la vision de Christian Blanc, à l'action du président de la Société du Grand Paris, André Santini, des architectes du Grand Paris, du président Jean-Paul Huchon et des élus de toutes les collectivités publiques d'Île-de-France, une page historique s'ouvre pour le Grand Paris.

Comme vous l'avez souligné, ce qui a constitué le plus grand débat public en Europe – en fait, deux débats publics ont été organisés – a été une vraie réussite, avec la participation de 20 000 Franciliens et plus de 600 cahiers d'acteurs. Ce succès est le fruit de la mobilisation exigeante des élus de toutes sensibilités, qui ont porté l'État et la région vers une vision partagée, rendue publique le 26 janvier dernier.

L'accord conclu va tout d'abord permettre de mobiliser et d'étendre le réseau de transports au service de tous les citoyens, conformément au souhait clairement exprimé lors des débats publics. Une urgence s'impose, l'amélioration des RER C et D, ainsi que la désaturation de la ligne 13 du métro par le prolongement de la ligne 14.

Dans le même temps, les études pour la mise en oeuvre du projet de métro en rocade vont débuter, avec pour objectif un premier coup de pioche en 2013. Il est maintenant indispensable d'accompagner le développement des territoires avec les contrats de développement territorial, qui définiront les objectifs et la stratégie de croissance et d'aménagement des pôles. Le début de l'enquête publique est prévu pour la fin de cette année. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Monsieur le Premier ministre, nous avons la République en partage, elle est notre héritage commun (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), elle est notre fierté et notre identité dans le monde entier. Lorsque la République est malmenée, c'est l'image de la France qui est abîmée, aux yeux du monde comme à nos propres yeux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Le Président de la République étant le garant de nos institutions, c'est à lui qu'il revient, au premier chef, d'assurer et d'assumer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics. Or, aujourd'hui, c'est précisément le chef de l'État qui, par ses propos, alimente les polémiques, la division et la paralysie de nos institutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Huées sur les bancs du groupe UMP.)

Toutes les fonctions régaliennes de l'État sont en crise. La façon dont est conduite la réforme des armées n'est plus acceptée par les militaires. (« Ce n'est pas vrai ! » sur les bancs du groupe UMP.) Les CRS se mettent en grève, les magistrats, les policiers, les gendarmes, les agents de probation, les personnels pénitentiaires, expriment leur colère, et les diplomates sortent de leur réserve pour signifier leur malaise.

Le Président de la République, élu pour assurer l'autorité de l'État, est en train de la détruire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Monsieur le Premier ministre, qui est excessif ? Le Président, ou ceux qui manifestent ? Nous connaissons déjà votre réponse, c'est toujours la faute des autres : les fonctionnaires, les magistrats, les journalistes, l'opposition !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Pourtant, force est de constater que l'exemplarité des comportements n'est plus de mise aujourd'hui à la tête de l'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le Premier ministre, la grandeur de votre fonction est d'assumer les pouvoirs que les Français vous ont confiés et pour lesquels vous devez leur rendre des comptes. Qu'allez-vous faire pour mettre un terme à la situation actuelle et remettre enfin la République à l'endroit ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Monsieur le président Ayrault…

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

…la République est notre bien commun et il nous appartient à tous de faire respecter l'autorité de l'État. Cela ne consiste pas à fuir les responsabilités, à refuser de regarder les réalités en face.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Le martyre de Laëtitia a ému toute la France, et je veux dire, avant toute chose, que c'était le devoir du Président de la République que de se faire l'écho de cette émotion, avec coeur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

On peut avoir des débats sur les responsabilités, sur la question des moyens de la justice, mais je ne comprends pas qu'au sujet de cette affaire, l'ensemble des acteurs ne fassent pas preuve d'une compassion unanime à l'égard de la victime ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Il suffit d'un mot pour exprimer sa compassion, mais je ne l'ai pas entendu ! (Les députés du groupe SRC se lèvent et continuent à protester.)

Pour ce qui est du fonctionnement de la justice, le présumé coupable, du moins le principal auteur présumé, qui a été mis en examen dans cette affaire, est bien connu de la justice et a passé de longues années en prison. Il était prévu qu'il soit suivi à sa sortie, ce qui n'a pas été le cas. C'est un dysfonctionnement, personne ne peut le nier. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Nous avons diligenté des enquêtes qui diront si les fautes commises sont des fautes personnelles ou des fautes liées à l'organisation de notre système judiciaire. Chacun doit assumer ses responsabilités. S'il y a eu des fautes personnelles, elles doivent être sanctionnées ; s'il y a des fautes dans l'organisation même de l'appareil judiciaire, alors c'est au Gouvernement, au garde des sceaux, au ministre de l'intérieur et à la justice de proposer les corrections pour y remédier.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

C'est d'ailleurs tout le sens du communiqué publié en commun, il y a quelques jours, par le ministre de la justice et le ministre de l'intérieur, qui donnait les premières pistes des mesures à prendre pour que cette situation ne se reproduise pas.

Je connais parfaitement la lourdeur de la tâche des magistrats (« Ils manquent de moyens ! » sur les bancs du groupe SRC) et je sais les difficultés auxquelles ils sont confrontés. Sur la question des moyens, je vous invite à faire preuve de modestie, car, lorsque vous étiez aux affaires, vous n'avez pas donné les moyens nécessaires à la justice. (« Qu'avez-vous fait en neuf ans ? » sur les bancs du groupe SRC.) Nous essayons de rattraper le retard, mais il y a beaucoup à faire. C'est une responsabilité collective !

La lourdeur de la mission des magistrats, leur responsabilité écrasante, ne doit pas conduire, comme c'est le cas aujourd'hui, à ce que l'ensemble de nos concitoyens soient victimes de leur mouvement de protestation. (Les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent longuement.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Jean-Claude Guibal, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Guibal

Ma question s'adresse à Mme la ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.

Ce qui se passe sur la rive sud de la Méditerranée, et plus particulièrement en Égypte, ne relève peut-être que d'un mouvement de révolte du peuple contre un pouvoir autoritaire et vieillissant. Si tel était le cas, comme dans Le Guépard de Lampedusa, tout changerait aujourd'hui pour que tout demain reste pareil.

Mais il se pourrait aussi que nous assistions, comme hier en Union soviétique, au commencement d'un phénomène profond qui transformera à terme la physionomie du monde arabo-musulman.

Depuis un siècle, les tentatives de celui-ci ont échoué. Ce fut le cas pour celles des années trente, comme plus tard pour le nationalisme, le nassérisme ou le libéralisme. Il en est résulté qu'une partie du monde arabe s'est repliée sur ses valeurs fondamentales qui sont celles de l'Islam.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Ce sont les peuples qui sont dans la rue ! Vous ne l'avez pas vu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Guibal

En Égypte, nous assistons aujourd'hui à un retour des forces modernistes, qui s'opposent à celles, politiques ou religieuses, des fondamentalistes. L'issue de leur affrontement est pour le moins incertaine, et probablement lointaine.

Pourtant, ses conséquences peuvent en être, à brève échéance, considérables pour la stabilité du Moyen-Orient et des équilibres internationaux.

L'Égypte, avec ses 86 millions d'habitants, exerce en effet un rôle central dans cet Orient, Proche ou Moyen, mais toujours compliqué. Puissance incontournable de la Méditerranée, premier partenaire du long processus de paix, seul pays arabe à avoir signé un traité de paix avec Israël, l'Égypte, clé de voûte de la Ligue arabe, est aussi un acteur souvent décisif de la politique africaine et maghrébine. Nous ne pouvons ni intervenir dans ses problèmes intérieurs ni nous désintéresser de leur évolution.

Dès lors, madame la ministre, quelle attitude la France vous semble-t-elle pouvoir adopter ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, ministre des affaires étrangères et européennes

Monsieur Guibal, oui, le processus de transition démocratique se met progressivement en place en Égypte, comme nous l'avions appelé de nos voeux.

Le vice-président Suleiman a convié les forces de l'opposition à un dialogue politique ; le président Moubarak a annoncé qu'il ne briguerait pas un nouveau mandat. Dans le même temps, les cadres dirigeants du Parti national démocratique ont été écartés.

Nous sommes donc dans un processus qui paraît se calmer par rapport aux premiers jours. Nous devons néanmoins rester totalement vigilants : un accord entre toutes les parties ne sera sans doute pas aisé. D'ailleurs, d'ores et déjà, de nouvelles manifestations se déroulent aujourd'hui.

De ce point de vue, il me paraît essentiel de rappeler ce que sont nos principes (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), les principes de notre politique étrangère, qui consistent à ne pas vouloir décider à la place des peuples, mais à les soutenir et à les encourager.

Les Égyptiens, notamment, doivent pouvoir manifester pour leurs idées et leurs aspirations en toute sécurité, et a fortiori sans risquer leur vie. Il est tragique qu'au XXIe siècle on risque sa vie ou son intégrité physique uniquement parce que l'on réclame des droits civiques, parce que l'on dit ses aspirations.

De la même façon, des journalistes doivent pouvoir exercer leur métier sans être inquiétés. Je regrette d'avoir dû, moi-même, intervenir au début du week-end pour sortir de prison des journalistes français ou pour les aider à revenir d'Égypte. Il en va de même, d'ailleurs, pour les défenseurs des droits de l'homme.

Comme je l'ai déjà fait, j'appelle les responsables égyptiens à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité et la liberté des manifestants et de la presse. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Yvan Lachaud, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Le 22 décembre dernier, vous répondiez à une question de Rudy Salles concernant les contrats aidés, confirmant que 340 000 contrats aidés seraient maintenus en 2011, ce qui représente une baisse de 10 à 15 %.

Pour autant, pour le premier semestre 2011, seuls 150 000 contrats aidés ont été proposés dans les départements, ce qui représente un manque de 20 000 contrats par rapport à la moitié de la dotation annuelle. Cela fait que, dans un certain nombre de départements, 30 % environ de la dotation font défaut aujourd'hui.

De plus, la participation de l'État est passée de 90 à 70 %. Cela ne pose pas de difficultés à un certain nombre d'associations ; toutefois, aujourd'hui, nous voudrions attirer votre attention sur le problème des associations qui oeuvrent dans le cadre du contrat urbain de cohésion sociale et qui se retrouvent en difficulté. Elles préféreraient éventuellement avoir moins de contrats, mais qu'ils soient financés à 90 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Alors, monsieur le ministre, nous vous faisons aujourd'hui deux propositions à budget constant. Premièrement, répartir sans délai les 20 000 contrats qui font défaut. Deuxièmement, comme nous l'avons fait avec les chantiers d'insertion, permettre à ces associations, dans le cadre du contrat urbain de cohésion sociale, de bénéficier d'une participation de 90 %.

Sur ces deux propositions permettant de rester à budget constant nous espérons, monsieur le ministre, une réponse positive de votre part et nous vous en remercions. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur Lachaud, vous l'avez dit vous-même : 340 000 contrats aidés sont prévus dans le domaine non marchand et 50 000 contrats initiative-emploi dans le domaine marchand,…

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

…ce qui fait 390 000, c'est-à-dire plus qu'il n'y en avait avant la crise. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Voilà la réalité des choses et cela ne sert à rien que certains s'énervent !

Le vrai sujet aujourd'hui, c'est de savoir comment obtenir le meilleur lissage possible sur l'année, car je ne veux pas revivre une situation dans laquelle, pour certaines opérations, on en vient à manquer en cours d'année de contrats aidés.

Voilà pourquoi je veux que les choses soient programmées sur l'ensemble de l'année. D'ailleurs, au mois de janvier, un peu plus de 24 000 contrats aidés ont été déclenchés dans notre pays, contre 25 000 l'an dernier, alors que nous étions au coeur de la crise.

Sur la question de la prise en charge, vous savez que cela dépend aussi des publics visés. J'ai souhaité travailler avec l'ensemble des acteurs de l'emploi. Cette semaine, par exemple, je réunirai l'ensemble des directeurs régionaux de Pôle Emploi, de façon que nous puissions voir quels sont les besoins exacts sur le terrain et comment nous pouvons être sûrs qu'une association désireuse de recruter ne soit pas empêchée de le faire. En effet, vous avez raison, dans de très nombreuses situations le financement par l'État se fait à hauteur de 70 %. Je voudrais rappeler que cela représente plus de 2 milliards d'euros par an, ce qui permet largement de pourvoir des postes.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Dans d'autres situations, en fonction des publics, nous savons pertinemment que cela peut être plus difficile.

Je souhaite également que les contrats aidés puissent être en priorité destinés à celles et ceux qui sont loin de l'emploi, c'est-à-dire aux personnes qui sont au chômage depuis un an ou un an et demi, voire plus, et que nous ne voulons pas voir tomber dans l'exclusion.

Cela fait partie aujourd'hui des priorités d'action – tout en sachant qu'il pourra y avoir des recentrages – dont je souhaite discuter avec les acteurs de terrain, y compris les présidents de conseils régionaux et généraux,…

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

…parce que je pense que si, sur ces sujets, on travaille ensemble, on pourra faire mieux pour que le chômage recule. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

Monsieur le Premier ministre, ce n'est pas à vous de juger de la compassion éprouvée par chaque Français à l'occasion de l'assassinat de la petite Laëtitia. Vos paroles à notre égard sont injustes et insultantes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Les propos récents du Président de la République n'ont pas seulement porté atteinte à l'organisation des institutions que garantit la Constitution ; ils ne tentaient pas seulement de dissimuler maladroitement ses échecs. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Les propos du Président de la République constituent, aux yeux de ceux qu'il vise mais aussi aux yeux de tous les Français attachés à notre démocratie, une véritable déstabilisation de l'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC ainsi que sur plusieurs bancs du groupe GDR. — Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Le président de la République est pourtant le gardien de nos institutions républicaines et démocratiques !

Dans un État de droit, peut-on concevoir que le chef de l'État manque à ce point d'estime envers ceux qui se voient confier le maintien de l'ordre public, l'application de la loi et l'exécution des décisions de justice ? (Mêmes mouvements.)

Nous courons le risque d'une perte de confiance de nos concitoyens envers les institutions, envers l'État, alors même qu'en cette période de crise, nous avons tous besoin de cette confiance. Peut-on imaginer que le Président de la République ne mesure pas cet enjeu, qui constitue pourtant la première des responsabilités que le suffrage universel lui a confiées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Notre pays ne peut se construire par l'affrontement permanent, par les divisions, par l'exaspération des contradictions d'intérêts inévitables dans tout corps social. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il en va de l'unité de la nation, de la paix sociale et du pacte républicain ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC ainsi que plusieurs bancs du groupe GDR.)

Monsieur le Premier ministre, ne pensez-vous pas que ce dont notre pays a besoin – pour lui-même, comme pour tous les autres qui le regardent aujourd'hui avec plus de désespoir que d'envie (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) – c'est que le Président de la République soit par ses actes, par ses paroles, par sa capacité à tendre la main, l'incarnation d'un État de droit ? (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent longuement. — Vives protestations et huées sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je veux d'abord vous demander d'excuser M. le Premier ministre, qui a dû quitter cet hémicycle pour se rendre à Annecy. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur Le Bouillonnec, comme vous l'avez dit, comme nous le pensons tous, le Président de la République est le garant du fonctionnement régulier des pouvoirs publics.

Le Président de la République est dans son rôle lorsqu'il intervient pour rappeler des principes, et notamment le principe de responsabilité qui doit guider l'ensemble des fonctionnaires, y compris les magistrats. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Le Président de la République est aussi dans son rôle lorsqu'il porte l'émotion du pays face à un meurtre affreux. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Nous devons tous, élus, responsables, fonctionnaires, magistrats, regarder loyalement ce qui s'est passé et en tirer tous les enseignements.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Cuvillier

Vous êtes en train de vous prendre les pieds dans le tapis !

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Nous devrons examiner les résultats des enquêtes que le ministre de l'intérieur et moi-même avons diligentées : nous avons tous à y gagner, la République a tout à y gagner.

C'est ainsi que nous pourrons, ensemble, retrouver le chemin de la sérénité (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) qui fait aujourd'hui défaut.

Je veux faire appel au devoir de responsabilité de chacun dans ses fonctions. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Adressez-vous au Président de la République !

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Le travail des magistrats est difficile, pénible, je le sais bien. Je veux dire simplement… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC, applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Paul Jeanneteau, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

Monsieur le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, la discussion sur le projet de loi relatif à la bioéthique va s'ouvrir aujourd'hui.

Le Parlement s'est emparé de ce sujet, conformément à la clause de révision à cinq ans inscrite dans la loi de 2004. Une mission d'information parlementaire a été créée au mois de juin 2008, sous la présidence de notre collègue Alain Claeys. Après avoir mené une centaine d'auditions, elle a présenté son rapport, rédigé par Jean Leonetti, réaffirmant le socle de principes définis en 2004.

Parallèlement à ce travail, le Conseil d'État, le Comité consultatif national d'éthique, l'Agence de biomédecine et l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ont apporté de précieuses contributions au débat.

Afin de permettre à nos concitoyens de participer à ce débat majeur, des états généraux de la bioéthique ont été organisés.

Ces travaux préparatoires ont donné naissance à un projet de loi somme toute assez court, dans la lignée des lois de 1994 et 2004, et apportant seulement quelques ajustements au droit actuel.

Si certains regrettent que la loi n'évolue pas vers moins de régulation, notamment au regard des pratiques autorisées par nos voisins étrangers, certains au contraire pensent que la France doit être fière de ses valeurs et de ses choix éthiques.

Ainsi, la philosophe Sylviane Agacinski déclarait devant la mission parlementaire : « La France n'est pas en retard. Elle me paraît même en avance dans la mesure où elle protège mieux la dignité des personnes. »

Monsieur le ministre, pourriez-vous indiquer à la représentation nationale quelle est votre opinion sur ce sujet ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Ce débat ne sera pas tout à fait comme les autres ; c'est un débat dans lequel les clivages partisans ont tendance à s'estomper, et où davantage de votes se font selon la liberté de conscience.

Les travaux de la mission l'ont d'ailleurs montré. Son président Alain Claeys, son rapporteur Jean Leonetti, vous-même, monsieur le député, qui y avez pris une part importante, vous êtes retrouvés sur certains points ; sur d'autres, vos positions divergent. Et, encore une fois, les lignes de partage ne sont pas traditionnelles.

L'enjeu de ce projet de loi, c'est notre avenir, et la conception de la condition humaine que nous voulons préserver. Il y a des valeurs qui, parfois, s'entrechoquent : certains plaident pour l'autonomie de la volonté, pour que chacun ait le droit de disposer de son corps ; d'autres pensent, sans nier ces principes, qu'il faut avant tout préserver le respect de la personne et empêcher la marchandisation du corps humain.

Chacun avec son regard propre, nous allons engager ce débat. Il montrera, j'en ai la conviction, que cinq ans après, la France n'a pris aucun retard en matière de recherches avec le cadre régulateur que nous avons mis en place.

La France continue à proposer et à promouvoir un mieux-disant éthique. Certains, je le sais bien, nous disent que des choses différentes se font dans d'autres pays : et alors ? Les histoires, les regards, les valeurs ne sont pas forcément les mêmes.

Nous devons, je crois, montrer que nous ne sommes pas fermés sur un certain nombre de questions, mais que nous restons fermes sur un certain nombre de principes et de valeurs.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Nous n'empêchons pas les avancées de la recherche, mais nous préservons notre vision propre de la condition humaine et les avancées nécessaires.

Voilà ce dont il s'agit dans ce débat qui, je le répète, n'est pas tout à fait comme les autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Ma question s'adressait initialement à M. le Premier ministre. Elle s'adresse désormais à M. le garde des sceaux.

Le sort horrible qu'a connu la jeune Laëtitia dans la nuit du 19 janvier à Pornic nous a serré le coeur à tous. Cependant, dès le 3 février, à Orléans, M. le Président de la République, sans attendre les rapports des trois inspections en cours, sans prendre les précautions oratoires qui ont été celles de M. le Premier ministre et qui ont été aujourd'hui les vôtres, monsieur le garde des sceaux, évoquait des « fautes » et des « sanctions ».

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

C'était oublier un peu vite que les effectifs policiers ont été victimes de la RGPP. C'était oublier un peu vite que les agents de probation ont chacun 135 dossiers à traiter. C'était oublier un peu vite qu'à Nantes le quatrième poste de juge d'application des peines n'était pas pourvu. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C'était oublier un peu vite que notre pays se classe au trente-septième rang parmi les pays européens pour la part de PIB consacrée à la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Ulcérés par cette situation, les magistrats, les greffiers, les agents de probation se sont lancés dans un mouvement de protestation. Ils ont reçu le soutien des policiers, le soutien des avocats, le soutien des agents de la pénitentiaire.

Ainsi, M. le Président de la République, qui se vantait, au printemps 2007, de régler la question des multirécidivistes dès l'été, voit à son encontre s'unir la totalité des agents de la chaîne pénale.

Trois questions, trois questions pour rendre aussi justice à cette pauvre petite victime.

Premièrement, monsieur le garde des sceaux, avez-vous l'intention de lancer un vaste plan de rattrapage pour notre justice pour la doter enfin des moyens dont elle a besoin, au-delà des ajustements budgétaires annuels ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Deuxièmement, avez-vous l'intention de lancer enfin le chantier de réflexion sur le crime et la récidive, sur les récidives et sur les délinquances, puisque l'empilement des lois sécuritaires n'a servi à rien ?

Enfin, avez-vous l'intention, le pouvoir, la possibilité, d'éviter les débordements de M. le Président de la République sur ce sujet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le député, le gouvernement que dirige François Fillon est un gouvernement qui a agi pour la justice.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Non !

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

De 2007 à 2011, 5 633 postes ont été créés au ministère de la justice, après les 988 postes de magistrats qui avaient été créés de 2002 à 2007.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Cela montre la conscience d'un retard historique des moyens du ministère de la justice.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

S'agissant du tribunal de Nantes dont vous nous avez parlé, il est doté de 48 postes. Tout au long des années 2009, 2010 et 2011, ce tribunal a eu, sauf aux mois d'août et de septembre 2009, 49 postes ou 50 postes, c'est-à-dire plus que sa dotation normale. S'il est vrai qu'il a manqué un poste de juge d'application des peines, le tribunal de Nantes a été correctement doté en postes de magistrats en 2009, en 2010 et en 2011.

Hier, M. le Premier ministre a dit très clairement qu'il demandait au ministre de l'intérieur et au ministre de la justice de lui faire rapidement des propositions pour combler les manques qui pouvaient apparaître en termes de fonctionnement et de postes. Il est évident que nous avons à faire des propositions qui porteront à la fois sur les greffiers, sur les agents de probation.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Les agents de probation ne sont pas assez nombreux, c'est vrai. Nous allons proposer de créer des postes dans les jours qui viennent, avec des mesures nouvelles que vous connaissez bien. Je veux dire que très naturellement…

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Jean-Paul Anciaux, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Anciaux

Ma question s'adresse à Mme Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Nous le savons tous dans cette enceinte, AREVA est l'entreprise leader mondial de l'énergie nucléaire et un acteur majeur des énergies renouvelables.

Dans un contexte de renouveau du nucléaire, AREVA a déployé ces dernières années des efforts importants en termes d'investissements et de recrutement. Une partie significative de ces actions a été effectuée en Bourgogne sur les sites AREVA de Chalon et du Creusot.

AREVA est aujourd'hui le premier employeur privé de Saône-et-Loire, avec 2 300 salariés. Au-delà, le groupe a un impact positif sur le tissu industriel local à travers la sous-traitance, avec plus de 600 fournisseurs. AREVA est par ailleurs un partenaire majeur du pôle nucléaire de Bourgogne qui réunit les grandes entreprises, les PME, les organismes de formation et les universités de la région.

Cette entreprise a anticipé le renouveau du nucléaire en développant un réseau flexible qui lui permet de répondre à la fois aux besoins de maintenance et surtout au marché mondial, en forte croissance, de nouvelles centrales.

Dans le cadre du programme de remplacement des générateurs de vapeur, EDF a lancé un appel d'offres pour quarante-quatre générateurs représentant un marché de plus d'un milliard d'euros.

AREVA est le fournisseur historique d'EDF, notamment de ses générateurs de vapeur, cette activité contribuant en grande partie à la charge de ses usines de Chalon et de Creusot Forge.

En ayant ouvert le marché au japonais Mitsubishi et en affichant aujourd'hui sa volonté d'élargir à nouveau à Westinghouse-Toshiba, EDF fait peser un risque sérieux sur l'activité d'AREVA en Saône-et-Loire. L'ensemble des efforts d'investissement et de recrutement consentis par AREVA s'inscrivait dans la perspective d'un partenariat avec EDF représentant plus de 500 emplois directs en Saône-et-Loire.

Madame la ministre, influer sur la décision d'EDF permettrait de soutenir l'activité économique et l'emploi dans notre pays, et contribuerait à l'émergence de cette fameuse « Équipe de France du nucléaire » souhaitée par le Président de la République ainsi que, j'en suis convaincu, par une large majorité de députés des deux côtés de l'hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Monsieur le député, vous venez de souligner le dynamisme, dans le cadre du renouveau nucléaire mondial, de l'énergie nucléaire française et de l'ensemble de ses champions.

Ce n'est pas moins de 6,5 milliards d'euros que le groupe AREVA va investir, en Saône-et-Loire notamment, d'ici à 2012, dans le cadre d'un financement qui est largement facilité par l'État – je vous rappelle l'augmentation de capital à laquelle ont souscrit KIA d'un côté et l'État français de l'autre, à concurrence de 900 millions d'euros.

Il est évident que dans le cadre de ces investissements, l'État français sera particulièrement soucieux de la localisation sur le territoire français d'activités manufacturières et d'emplois.

Vous évoquez les quarante-quatre générateurs de vapeur qui seront appelés par EDF dans le cadre de ses centrales à 1 300 mégawatts.

C'est un énorme appel d'offres qui est lancé, avec pour objectifs essentiels d'améliorer à la fois le service rendu par EDF à nos concitoyens dans la fourniture d'électricité et le coefficient de disponibilité de l'ensemble des centrales.

Cet appel d'offres extrêmement important va être effectué dans le cadre de la réglementation européenne. Dans ces conditions, il n'est pas question, vous imaginez bien, d'intervenir autrement que dans le respect de la réglementation qui est applicable en l'espèce.

Compte tenu du volume, il est évident qu'un certain nombre d'opérateurs seront retenus. Dans le souci de ce que j'évoquais tout à l'heure, c'est-à-dire le retour sur investissements sur territoire français, je ne doute pas que les constructeurs français, dont l'expertise est connue, pourront être retenus et considérés.

Ce mouvement s'inscrit dans le cadre de ce que vous avez évoqué, c'est-à-dire un partenariat étroit entre l'ensemble des acteurs de la filière qui nous fait champion du nucléaire dans le monde. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Monsieur le Premier ministre, le 17 décembre dernier, un jeune vendeur ambulant qui protestait contre la saisie de sa marchandise par la police s'immolait à Sidi Bouzid en Tunisie.

Les 19 et 20 décembre débutait le mouvement social contre le chômage et la vie chère, donnant naissance à de violents affrontements avec les forces de l'ordre, à des vagues d'arrestations, puis les jours suivants à plusieurs morts.

Quelques jours plus tard, c'est donc en toute connaissance de cette situation que Mme la ministre des affaires étrangères décide de maintenir ses vacances en Tunisie. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

La légèreté, c'est de partir en Tunisie pendant que des émeutes sociales se produisent alors que l'on est ministre des affaires étrangères.

L'erreur, pour un ministre de la République, c'est de prendre l'avion d'un homme d'affaires, ami de M. Ben Ali, pour son confort, et ainsi survoler les villes en révolte. Mais peut-être cette pratique de l'avion et du jet privé est-elle généralisée dans ce gouvernement !

L'incompréhension, c'est de voir que durant toute cette période la diplomatie française est restée sans voix.

La faute, c'est de proposer au retour de ce voyage et après plusieurs dizaines de nouveaux morts, ici, le 12 janvier, le concours des forces de l'ordre françaises pour mater les manifestants.

Monsieur le Premier ministre, comme le disait tout à l'heure Jean-Marc Ayrault, c'est la République qui est touchée par cette chronologie qui mixe erreurs d'appréciation politiques et personnelles, approximations et mensonges. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

C'est la parole de la France qui a perdu aujourd'hui toute crédibilité. (« C'est vous qui n'êtes pas crédible ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Face à cela, vous et le Président de la République devez agir. Demander aujourd'hui à Mme la ministre des affaires étrangères de démissionner n'a rien de personnel ; c'est le premier acte nécessaire pour faire à nouveau respecter la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, ministre des affaires étrangères et européennes

Monsieur Le Roux, les mensonges, les insinuations malveillantes (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), les contrevérités ne sont pas dignes du débat politique français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Je suis honnête et soucieuse d'éthique, toute ma vie politique en témoigne. Et c'est d'ailleurs par honnêteté et par éthique que j'ai voulu répondre à vos questions, à toutes celles qui m'ont été posées par des journalistes, et même à des questions qui ne m'étaient pas posées.

C'est par honnêteté et par éthique que j'ai admis que passer mes vacances en Tunisie, entre Noël et le 1er de l'An, et accompagner un ami dans son avion constituait, a posteriori, une maladresse au regard des événements qui se sont déroulés depuis.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, ministre des affaires étrangères et européennes

Mais je rappelle que pas un sou d'argent public, français ou tunisien, n'a été engagé. Je rappelle que ce voyage n'a en rien influencé mes positions, que le crédit de la France n'est en rien entamé. En témoignent la présence et les propos du ministre des affaires étrangères tunisien qui nous a réservé sa première visite.

Alors maintenant, monsieur Le Roux, la polémique ça suffit ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J'ai répondu avec franchise et honnêteté à tout ; je ne répondrai plus à rien ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Mais aurez-vous, vous, mesdames, messieurs, l'honnêteté de répondre aux questions que se posent les Français ?

Si M. Ben Ali était infréquentable, pourquoi avez-vous attendu son départ, et même trois jours après, pour l'exclure de l'Internationale socialiste ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Si M. Ben Ali et ses amis étaient infréquentables, pourquoi avez-vous invité, mi-novembre, deux membres de son parti à Paris, au conseil de l'Internationale ? (Mêmes mouvements.)

Et si vous êtes si attachés à la démocratie, pourquoi n'excluez-vous pas M. Gbagbo et son parti alors que M. Gbagbo bafoue la démocratie et refuse d'entendre son peuple ? (Mmes et MM. les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent vivement. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Marie-Louise Fort, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Louise Fort

Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Madame la ministre, vous avez présenté la semaine dernière aux exportateurs et aux banques les grandes lignes de la politique d'assurance-crédit pour 2011. Cette politique détermine les capacités d'engagement de la garantie de l'État destinée à couvrir les risques à l'exportation. Elle a ainsi une particulière utilité dans nos échanges avec les pays émergents et en développement.

Ces garanties jouent un rôle clef dans la politique publique de soutien aux exportations. Elles contribuent ainsi au développement de l'économie et de l'emploi en France. La COFACE, au cours de ces deux dernières années, a eu une activité soutenue, marquée par une politique volontariste destinée à lutter contre les effets de la crise. Les encours sont ainsi passés de 40 à 60 milliards d'euros pendant cette période et les risques ont été maîtrisés.

Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser de quelle manière la nouvelle politique d'assurance-crédit entend innover, afin d'apporter un appui efficace à notre économie ?

Par ailleurs, dans le cadre de notre politique de crédit 2011, pouvez-vous nous indiquer comment la France continuera à apporter son soutien à la Tunisie et à l'Égypte ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Madame la députée, la politique d'assurance-crédit pour la France est déterminante. Avec Pierre Lellouche, nous sommes totalement mobilisés pour la renforcer. Vous avez pu le noter, de septembre 2008 à aujourd'hui, les encours garantis par la COFACE ont augmenté de 50 %. Ils sont passés de 42 milliards d'euros à 60 milliards d'euros.

Avec Pierre Lellouche, nous souhaitons aller plus loin qu'une augmentation quantitative. Nous voulons que la politique d'assurance-crédit innove sur trois points.

Premièrement, nous souhaitons une politique des risques qui soit plus lisible, tout simplement sur le modèle des feux tricolores : un pays ouvert, feu vert ; un pays ouvert sous conditions, feu orange ; un pays fermé à l'assurance-crédit, feu rouge.

Deuxièmement, nous voulons également un pilotage plus fin en utilisant deux critères : d'abord, un critère géographique, par catégorie de pays ; ensuite, un critère assurantiel qui nous amènera notamment à distinguer entre les risques souverains et les risques non souverains, par exemple.

Enfin, troisièmement – je sais que la représentation nationale y sera sensible –, avec Pierre Lellouche nous souhaitons une transparence accrue pour que vous soyez mieux informés sur l'ensemble des risques et sur les catégories de risques qui sont couverts par la garantie export.

Vous m'avez interrogée sur les risques concernant l'Égypte et la Tunisie. Je tiens à vous indiquer que, avec Pierre Lellouche, nous maintenons dans l'intégralité l'ensemble des risques sur la Tunisie et l'Égypte. C'est aussi notre façon, au titre de l'assurance-crédit, d'aider ces deux pays dans leur développement économique alors qu'ils sont en transformation politique.

J'ajoute, pour la représentation nationale, que l'Égypte est le quatrième risque actuel au niveau des garanties export consenties par la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Bernard Roman, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Madame la ministre des affaires étrangères, quand on porte l'immense honneur d'être ministre de la république française et que l'on commet la faute, par vous-même reconnue, de voyager dans l'avion d'un milliardaire étranger, proche d'un régime qui n'est pas compatible avec les valeurs que nous défendons (Protestations sur les bancs du groupe UMP), on doit faire preuve d'humilité et de modestie et non de l'arrogance et de l'agressivité dont vous avez fait preuve ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

La France va mal. Mes collègues ont décrit avant moi l'ampleur du malaise et sa propagation. Mais vous rendez-vous compte, monsieur le Premier ministre – on peut en douter –, que les Français vont mal et sont inquiets ?

Ils souffrent du chômage. Les chiffres officiels sont inquiétants ; mais les chiffres réels sont accablants. La différence entre les deux va du simple au double. En effet, si l'on intègre les demandeurs d'emploi de toutes les catégories, les chômeurs dispensés de recherche d'emploi, nos compatriotes d'outre-mer, comptabilisés à part, et les personnes radiées de Pôle emploi, ce sont près de cinq millions de Français qui sont sans emploi. Avez-vous la moindre idée de l'angoisse de ces cinq millions de familles qui voient leurs indemnités réduites chaque année, et ont le RSA comme seul horizon ?

Mais les Français souffrent aussi lorsqu'ils sont salariés, surtout les salariés modestes, qui voient le coût de la vie s'élever inexorablement, les salaires stagner ou reculer, et leur pouvoir d'achat se rétrécir spectaculairement.

Vous me direz que c'est la faute de la crise, des trente-cinq heures, et pourquoi pas du Front populaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Non, c'est la faute de votre politique ! Allez-vous en changer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Vous êtes élu de la région de France où le taux de chômage est le plus élevé. Pour beaucoup, la situation n'y est pas facile, comme dans ma région, la Picardie, où le taux de chômage n'est guère meilleur.

Il y a donc deux manières de procéder. Soit l'on passe son temps à s'invectiver, soit l'on recherche activement des solutions. Vous avez parlé du RSA. Soit. Je vous fait une proposition : que les départements, sans verser un euro supplémentaire, prennent en charge une partie des contrats aidés au lieu de financer des allocations. Cela ne coûtera rien de plus mais cela créera de la valeur travail, seule valeur qui, à nos yeux, est porteuse d'avenir pour notre pays.

Notre taux de chômage est important ; il a augmenté de 33 % depuis le début de la crise : c'est vrai. Mais la moyenne européenne est à 43 %, et nous entendons mettre en oeuvre tous les outils dont nous disposons pour lutter contre le chômage.

La meilleure façon d'agir est de travailler en partenariat avec les acteurs de terrain. Si l'élection présidentielle est dans bien des esprits ici, elle n'est encore qu'un horizon lointain pour nos concitoyens. Faisons donc de 2011 une année utile pour faire reculer le chômage dans toutes les régions de France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Muriel Marland-Militello, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Marland-Militello

Ma question s'adresse à Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative ; j'y associe mon collègue et ami Jean-Pierre Decool.

La première des richesses du monde associatif est le bénévolat. En tant que présidente du groupe d'études parlementaire sur la vie associative, je le vois tous les jours sur le terrain.

Quatorze millions de nos compatriotes sont bénévoles dans des associations. Plus de deux cent mille d'entre eux sont engagés dans le volontariat. De plus en plus de jeunes s'engagent dans le service civique voulu par le Président de la République ; à terme, ils seront 70 000 par an.

Ces engagements altruistes sont les manifestations les plus concrètes de la fraternité, socle de notre République. Ils méritent d'être davantage reconnus et promus dans notre société. Ils doivent aussi être mieux valorisés dans la vie professionnelle, notamment par la validation des acquis de l'expérience.

2011 a été proclamée par le conseil des ministres et le parlement européens « année européenne du bénévolat et du volontariat ». Dans la ligne des nombreuses décisions extrêmement bénéfiques pour la vie associative prise par le Président de la République et le Premier ministre – je pense notamment au maintien des avantages fiscaux pour les associations –, la France doit être la figure de proue de cette année européenne du bénévolat et du volontariat.

Madame la secrétaire d'État, quelles seront les manifestations organisées tout au long de l'année dans nos territoires ? Quels types de projets peuvent être labellisés ? Enfin, comptez-vous prolonger cette dynamique en soutenant l'attribution du label « Grande cause nationale 2012 » au bénévolat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative.

Debut de section - PermalienJeannette Bougrab, secrétaire d'état chargée de la jeunesse et de la vie associative

Madame Marland-Militello, vous soulignez à juste titre que les Françaises et les Français sont généreux. Plus de quatorze millions de bénévoles, deux cent mille volontaires donnent de leur temps aux autres, constituant un véritable réservoir d'énergies et d'initiatives. C'est un atout considérable pour notre pays.

J'ai lancé hier l'année européenne du bénévolat à Bobigny, en Seine-Saint-Denis, en présence des représentants de la Commission européenne et du Parlement européen, de nombreux élus du département – comme Patrick Calméjane ou Gérard Gaudron, que je salue ici – et avec la participation formidable de plus de deux cents jeunes.

Partout en Europe, près de cent millions de bénévoles et volontaires seront mis à l'honneur. C'est une formidable occasion de valoriser l'action quotidienne, souvent trop discrète, de nos associations. Cela va également permettre d'entretenir la flamme de l'engagement et de la transmettre aux jeunes générations.

Le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative va faciliter et accompagner les initiatives. À travers une vaste campagne de labellisation, ce sont plus de trois mille projets locaux et deux cents projets nationaux qui seront soutenus tout au long de l'année. À travers la promotion du service civique, plus de quinze mille jeunes seront en mission cette année, avec l'objectif d'inclure en 2014 10 % d'une classe d'âge.

Cette année européenne se déroulera au rythme des centaines d'événements portés par les associations et les fondations d'entreprise. C'est donc une année riche pour la vie associative et l'engagement citoyen dans notre pays qui s'ouvre devant nous. Luc Chatel et moi-même y apporterons tout notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Année européenne du bénévolat

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La conférence des présidents, réunie ce matin, a arrêté, pour la semaine de contrôle du 1er mars, les propositions d'ordre du jour suivantes :

Mardi 1er mars, l'après midi, après les questions au Gouvernement et les votes solennels, débat sur le rapport annuel de la Cour des comptes.

Mercredi 2 mars :

– l'après midi, après les questions au Gouvernement, débat sur les rapports de la France avec le continent africain, puis débat sur le rapport de la MECSS sur le fonctionnement de l'hôpital ;

– le soir, débat sur l'actualité de l'espace Schengen.

Jeudi 3 mars, l'après midi, débat sur le rapport d'information sur les médicaments, puis débat sur les conclusions de la mission d'information Xynthia.

Il n'y a pas d'opposition ?

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. (3113)

La parole est à M. Éric Ciotti, rapporteur de la commission mixte paritaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chers collègues, avec cette ultime lecture, nous arrivons au terme de la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.

Voulu par le Président de la République, façonné avec bonheur par le ministre de l'intérieur et largement enrichi par nos travaux, ce texte est tout à la fois pragmatique et ambitieux. Pragmatique, parce que, dès sa mise en oeuvre, il offrira aux forces de l'ordre une boîte à outils moderne et efficace pour lutter contre toutes les formes de délinquance. Ambitieux, parce que la délinquance donne lieu en permanence à une guerre de mouvement : les délinquants s'adaptent, évoluent. Il nous faut faire de même afin de répondre aux nouveaux défis auxquels notre société est confrontée.

La LOPPSI s'articule autour de quatre orientations majeures : la modernisation des moyens ; l'amélioration de la réponse pénale ; la mise en oeuvre de réactions concrètes aux nouvelles formes de délinquance ; le développement des relations partenariales entre l'ensemble des acteurs de la sécurité publique.

Le Sénat a examiné ce texte en seconde lecture au début du mois de janvier et je ne peux que me féliciter du consensus global qui s'est dégagé entre les deux chambres. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Au cours de cette seconde lecture, les sénateurs ont adopté définitivement des dispositions majeures. Ainsi, ils ont largement approuvé la lutte contre la cybercriminalité et la nécessaire adaptation des forces de sécurité aux nouvelles technologies, qu'il s'agisse de la lutte contre la pédopornographie, de l'utilisation de fichiers d'antécédents et d'analyse sérielle ou de la modernisation du régime de la vidéoprotection.

Il en est de même pour les dispositions relatives aux partenariats avec, notamment, les polices municipales ou avec les sociétés de sécurité privées, et pour la création du conseil national des activités privées de sécurité.

Un certain nombre de désaccords demeuraient entre les deux chambres. La commission mixte paritaire réunie le 26 janvier dernier en a tranché et nous pouvons largement nous féliciter du texte qui en est issu.

Les dispositions qui restaient en discussion portaient essentiellement, d'une part, sur l'amélioration de la réponse pénale, d'autre part, sur les dispositions relatives à la police administrative.

S'agissant, en premier lieu, de la réponse pénale, trois dispositions majeures demeuraient en discussion.

L'article 23 bis prévoit l'extension du dispositif des peines plancher aux auteurs de violences aggravées, y compris aux primodélinquants, en raison de la gravité des faits. Sur ce sujet essentiel, le Président de la République a voulu apporter des réponses pragmatiques et concrètes. La CMP a maintenu la version adoptée par l'Assemblée tout en prenant partiellement en compte la position du Sénat. Elle a donc limité l'application de la mesure aux actes de violence les plus graves qui encourent une peine de sept ans de prison, quand le Sénat avait retenu dix ans.

L'article 23 ter introduit une peine incompressible pour les meurtriers ou les assassins de policiers, gendarmes, magistrats, membres de l'administration pénitentiaire ou de toute autre personne dépositaire de l'autorité publique.

Cette mesure doit permettre de condamner les délinquants qui s'en prennent aux forces de l'ordre dans l'exercice de leurs fonctions à la perpétuité assortie au minimum d'une période de sûreté de trente ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

La société se doit de protéger, par-dessus tout, ceux qui sont garants des libertés fondamentales, ceux qui prennent des risques au péril de leur vie pour la sécurité des autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

C'est la raison pour laquelle nous avons retenu ce dispositif applicable pour les assassinats mais aussi pour les meurtres commis en bande organisée.

Enfin, l'article 23 sexies permet au procureur de la République de poursuivre directement un mineur devant le tribunal pour enfants, évitant ainsi la phase préalable de mise en examen, dès lors que des investigations supplémentaires sur les faits et la personnalité du mineur ne sont pas nécessaires.

Cette disposition est essentielle, car plus que la fermeté de la sanction, face à un mineur délinquant, c'est son effectivité qui est importante. Un jugement qui intervient deux, voire trois ans après les faits est inutile. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe UMP.) La peine ou les mesures éducatives doivent être prononcées au plus tôt après des agissements délictueux, car passé un certain délai, la sanction n'a plus de sens.

À l'issue de la seconde lecture du Sénat, le principe était acquis, mais subsistaient des divergences concernant les conditions qui permettaient d'avoir recours à cette COPJ. La CMP a abouti à un compromis entre les deux versions, en retenant comme critère l'existence d'un jugement ou d'une enquête dans les six mois précédant les faits, quelle qu'en soit la nature.

Le second volet qui a fait l'objet des débats de la CMP portait sur les mesures relatives à la police administrative.

Là encore, trois dispositions majeures demeuraient en discussion : la nature du couvre-feu collectif, le rôle du président du conseil général en termes de prévention de la délinquance et le placement sous surveillance électronique mobile des étrangers faisant l'objet d'une mesure d'expulsion pour fait de terrorisme ne pouvant être mise en oeuvre.

S'agissant tout d'abord de l'article 24 bis du projet de loi, qui institue le couvre-feu, la position de compromis conduit à reconnaître au préfet le pouvoir de prononcer un couvre-feu général pour les mineurs. La mesure individuelle pourra être prononcée par un magistrat au titre de peine complémentaire.

S'agissant de l'article 24 ter, qui tend à renforcer l'efficacité du contrat de responsabilité parentale, vous connaissez mon engagement sur ce sujet. Il me semble qu'il est d'une importance majeure, dans la lutte pour la prévention de la délinquance, de faire en sorte que le contrat de responsabilité parentale soit une réponse globale, quasi-systématique, mise en place par les services d'aide sociale à l'enfance dans les conseils généraux, dans les cas de délinquance des mineurs. Afin d'améliorer son efficacité, il m'apparaissait nécessaire que le président du conseil général puisse recevoir systématiquement des informations sur les suites données aux infractions commises par des mineurs dans le ressort de son département.

Ce dispositif est essentiel pour exercer pleinement et efficacement la compétence d'aide sociale à l'enfance. Aussi, nous avons rétabli le texte qui avait été adopté par notre assemblée, et je ne peux que m'en réjouir.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà, très brièvement présentées, les conclusions de la commission mixte paritaire sur ce projet de loi.

La LOPPSI est un texte ambitieux, car il poursuit l'objectif majeur d'assurer la sécurité partout et pour tous : il répond aux attentes des Français, à celles des victimes et donne de nouveaux moyens d'action aux forces de l'ordre, placées sous l'autorité efficace du ministre de l'intérieur.

Pour ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à adopter le présent projet de loi tel qu'il résulte des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, l'hémicycle est un peu épars, mais certains se sont regroupés : M. Valls et M. Dray, M. Goujon et M. Courtial.

Avant le vote solennel sur ce texte, permettez-moi de remercier et de féliciter le rapporteur pour le travail particulièrement fructueux qu'il a mené, et surtout pour la manière dont il a résumé tous les aspects de ce texte.

Depuis 2002, neuf ans donc, un chemin important a été parcouru, puisque – et chacun devrait s'en réjouir – la délinquance globale a constamment diminué.

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Et ce n'est pas le fruit du hasard, madame Batho, vous le savez bien. C'est le résultat d'une politique, de mesures concrètes, d'initiatives, de textes.

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Eh oui, une baisse constante, qui est due à la modernisation de nos techniques, à l'adaptation de notre organisation et à l'ajustement de nos modes d'action aux évolutions de la délinquance.

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Cette LOPPSI, et le Gouvernement le revendique, c'est une boîte à outils qui est à la disposition de la protection et de la sécurité de nos concitoyens.

Il y a eu, au total, plus de quatre-vingt-cinq heures de débats – vous y avez été très assidus – qui ont permis d'améliorer ce texte.

Incontestablement, le Gouvernement et la majorité présidentielle, avec ce texte, réforment, une nouvelle fois,…

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

…efficacement, la politique de sécurité. Nous sommes nombreux à regretter que l'opposition n'en ait pas profité pour émettre des propositions claires et cohérentes en matière de sécurité.

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Nous avons eu droit à des amendements de suppression, à l'obstruction, et nous aurons sans doute droit au rejet en bloc de tout le texte.

C'est regrettable, parce que nous aurions dû, sur un certain nombre de points, avancer par consensus. Je regrette vraiment qu'aucune mesure ne trouve grâce aux yeux de l'opposition, même s'agissant des dispositions les plus techniques, les plus pragmatiques et les plus nécessaires. Nous avons intérêt à le faire savoir !

Le groupe socialiste est hostile, par exemple, si j'ai bien compris – mais peut-être y aura-t-il une évolution –,…

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Oui, à tout, c'est exact. Je vois que c'est une posture de départ clairement revendiquée, clairement affichée.

Le groupe socialiste, donc, est hostile, par exemple, au placement sous bracelet électronique des terroristes assignés à résidence avant leur expulsion. Il faut que les Français le sachent !

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Le groupe socialiste a considéré comme inutile l'aggravation des peines à l'encontre des auteurs de violences commises sur les personnes vulnérables, et tout particulièrement sur les personnes âgées. Il faut que les Français le sachent ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Le groupe socialiste, encore lui, est tout à fait hostile,…

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

…et je le dis très sérieusement, à ce que l'assassin d'un policier ou d'un gendarme soit condamné à une peine incompressible de trente ans.

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Pas d'exemplarité de peine, monsieur Le Bouillonnec, contre ceux qui s'attaquent aux piliers de notre République. Voilà la position du groupe socialiste !

Le groupe socialiste, enfin, et cela aussi il faut que les Français le sachent, s'oppose à l'idée de protéger les mineurs par une mesure de couvre-feu. Cela veut donc dire, non pas qu'il est favorable – ce serait inutilement caricatural de dire cela – mais en tout cas qu'il accepte que des enfants de huit ans, neuf ans, dix ans, puissent, embrigadés par des délinquants, par des trafiquants, se retrouver seuls, entre vingt-trois heures et six heures du matin, dans la rue !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

Vous n'avez plus d'arguments de fond. C'est n'importe quoi !

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Monsieur Le Bouillonnec, je souhaite que ce soit « n'importe quoi », et que vous votiez ces mesures ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Mes chers collègues, je vous en prie. Nous écoutons M. le ministre, qui seul a la parole.

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Comment ne pas s'indigner face à ceux qui se revendiquent comme protecteurs de la liberté de culte mais qui refusent, par exemple, qu'une église, qu'un temple, qu'une mosquée, et les personnes qui les fréquentent, puissent être protégés par des caméras de vidéoprotection installées aux abords des lieux de culte contre des agressions ? Et je vous le dis, nous avons reçu beaucoup de courrier sur ce sujet de la part des responsables des organisations cultuelles.

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Un peu de cohérence, un peu de réalisme, et, surtout, un peu de courage !

Vous réclamez des effectifs. Promettre des recrutements massifs, puisque j'ai cru comprendre que telle était votre position, c'est au mieux une promesse en l'air et au pire la certitude de nouveaux impôts ! Vous avancez, si j'ai bien compris – mais peut-être cela sera-t-il rectifié –, le nombre de 5 000 recrutements supplémentaires. Cela représente 250 millions d'euros par an de dépenses publiques en plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

Nous sommes laxistes et dépensiers ! Quelle caricature !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

C'est un argument juste bon pour les élections cantonales !

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

C'est 1,25 milliard sur un quinquennat. J'entends la proposition, je n'ai pas compris la réponse à la question : où trouvez-vous cet argent ? Mais vous allez certainement nous le dire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Une dépense de 250 millions, c'est environ huit Bettencourt, huit fois 30 millions.

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

II faut faire preuve de responsabilité face aux contraintes budgétaires. Il faut, naturellement, une vraie présence des forces de l'ordre sur le terrain, mais il faut encore penser et organiser leur action, leur permettre de se concentrer sur leur coeur de métier, mettre à leur disposition les moyens les plus modernes, des logiciels de rapprochements judiciaires aux bases de données directement opérationnelles, en passant par le blocage des téléphones portables volés.

C'est précisément ce que nous vous proposons de faire. Nous ne crions pas : « Toujours plus ! ». Nous disons : « Toujours mieux ». (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

C'est par cette méthode très responsable que nous obtenons des résultats concrets.

Ce texte nous engage, et il vous engage.

Vous avez fait, et c'est après tout votre droit, le choix du rejet systématique, sur tout. C'est céder, une nouvelle fois, à la tentation des clivages partisans, alors que je m'attendais, franchement, à un rassemblement des compétences et des bonnes volontés.

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Mesdames et messieurs les députés, nous devons, ensemble, tout faire pour renforcer la sécurité de nos concitoyens. C'est une attente des Français, et c'est, pour nous, un devoir collectif. Alors, donnons-nous les moyens, aujourd'hui, avec ce texte, d'aller plus loin au service de nos compatriotes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à Mme Delphine Batho.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce que nous venons d'entendre est le summum de la tartufferie. (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – « Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.) Le Gouvernement nous explique que cette dix-septième loi sur la sécurité est la panacée, alors que l'actualité témoigne, non plus simplement de l'échec de sa politique de sécurité, échec dont personne ne se réjouit, mais d'une crise majeure, sans précédent, et même historique si l'on considère que, pour la première fois, des magistrats, des policiers, des conseillers d'insertion et de probation s'associent ensemble dans une même colère contre le Gouvernement.

Non seulement cette politique ne marche pas, mais elle est aujourd'hui le premier facteur de désordre, le premier facteur de déstabilisation de la chaîne pénale.

C'est le summum de la tartufferie, oui, car le Gouvernement ne cesse de mentir sur la sécurité. Il énonce mensonge sur mensonge.

Oui, le meurtre barbare de Laëtitia Perrais est insupportable. Et oui, le parcours judiciaire du suspect est un échec dramatique pour notre système pénal. Mais expliquer que tout est parfait, que la politique du Gouvernement est formidable, que c'est la faute à l'opposition, que c'est la faute aux policiers, aux conseillers d'insertion et de probation qui auraient commis une faute personnelle, c'est honteux. Et j'ajoute, pour bien le souligner, que c'est volontaire de la part du chef de l'État.

Car il y a, dans les événements actuels, un choix cynique, une intention délibérée du Président de la République, qui manie délibérément la provocation pour jouer l'opinion contre la justice. Sans doute ne s'attendait-il pas à une telle réaction. Et surtout, il ne s'attendait pas à ce qu'elle s'étende au-delà de la magistrature.

Le sujet n'est pas de plaindre ou de soutenir les magistrats. Non, il s'agit, ici, à l'Assemblée nationale, de poser la question de la responsabilité du Gouvernement. Car c'est pour se soustraire à cette responsabilité que le Président de la République désigne des boucs émissaires, et que le ministre de l'intérieur, tout à l'heure, assénait des leçons à l'opposition.

Si ce n'est plus la faute aux lois qui sont mal faites, alors ce sera la faute à ceux qui sont chargés de les appliquer, ce sera la faute aux autres, évidemment. Les magistrats, bien sûr, mais aussi les policiers, puisque, dans un communiqué commun avec le garde des sceaux, le ministre de l'intérieur indiquait que « des sanctions s'imposent » au regard de leurs « fautes » et que les responsables seront « traduits devant les instances disciplinaires ».

Oui, vous, monsieur le ministre de l'intérieur, vous qui avez défendu l'indéfendable en apportant un soutien inapproprié à des fonctionnaires de police condamnés non seulement pour avoir commis une faute professionnelle, mais aussi pour avoir, pire, commis un délit inexcusable pour des représentants de la police, vous qui avez défendu l'indéfendable, donc, vous avez osé accuser injustement des policiers et des gendarmes qui ont seulement fait leur travail avec les moyens que vous mettez à leur disposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Je veux citer ici ce qu'a dit le secrétaire régional du syndicat Synergie Officiers : « Nous déplorons cette chasse aux sorcières. À chaque fois qu'il se passe quelque chose en France, il faudrait trouver un responsable. Dans un monde parfait, avec des moyens pour tout le monde, le dossier Meilhon aurait pu être traité différemment. Mais après avoir voté des lois, il faut donner les moyens de les appliquer, ce qui n'est pas le cas. »

Qui sera le prochain bouc émissaire ?

Au prochain crime, au prochain drame, on cherchera encore des responsables : les juges, les policiers ; et puis d'autres, des éducateurs, des enseignants peut-être, des fonctionnaires, sans oublier, bien sûr, nos compatriotes immigrés, qui ont le dos si large !

Tout le monde devra passer au tribunal, tout le monde devra rendre des comptes, tout le monde devra assumer ses responsabilités, sauf le Président de la République, sauf l'exécutif, sauf la majorité parlementaire.

Cette stratégie du bouc émissaire résulte de l'impasse dans laquelle vous vous trouvez après avoir fait voter seize lois sur la sécurité en neuf ans, dont cinq sur la récidive criminelle.

Alors que nous abordons cette CMP au terme de la procédure législative sur la LOPPSI, dix-septième loi sur la sécurité depuis 2002, qui comporte cent vingt-six articles alors que le projet de loi initial en comportait quarante-six ;…

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

…que cette LOPPSI est devenue un véhicule législatif à tout faire qui comporte bon nombre de dispositions issues du discours dit « de Grenoble » du Président de la République, introduites par amendement du Gouvernement, je ne peux m'empêcher de relever le cri du coeur qui s'est élevé ces derniers jours des rangs de la majorité.

C'est Christian Estrosi,…

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

…qui a déclaré : « Il ne faut pas une loi tout de suite, sous le coup de l'émotion ».

C'est Christian Jacob, président du groupe UMP, qui s'est dit opposé à toute « loi d'opportunité ».

C'est le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer,…

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

…qui a affirmé : « Nul n'a dit qu'il y avait besoin de nouvelles lois. » Et : « Il n'est pas question de légiférer à nouveau dans l'urgence ».

Jean Léonetti a dit : « L'indignation est unanime, mais nous ne devons pas avoir une réaction législative immédiate. »

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Il a plaidé pour « une position plus globale et plus apaisée que le fait d'essayer de réagir et de trouver un coupable même s'il y a eu une défaillance dans le système ». Il a souhaité qu'il n'y ait pas de « PPL Pornic ».

C'est enfin Hervé Mariton…

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

…qui s'interroge : « On fait des textes, mais si ça ne donne pas de résultats, faut-il faire de nouveaux textes ? ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Bacquet

Un homme qui n'a jamais fait l'inverse de ce qu'il a dit !

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

…qui affirme : « Ça n'est jamais bon de légiférer dans l'urgence. Il ne faut pas qu'à chaque situation qui suscite l'émotion dans notre pays, on ait une réponse législative, surtout si elle est ponctuelle et inadaptée ».

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Hélas ! La majorité s'est bien gardée de tirer les conséquences de cette lucidité nouvelle pour le texte qui nous est soumis aujourd'hui.

C'est pourquoi, en défendant cette motion de rejet préalable en application de l'article 91 de notre règlement, je veux demander à l'Assemblée nationale non seulement de rejeter ce texte, mais de mettre en cause la responsabilité du Gouvernement, car plus qu'une motion de rejet, c'est une motion de censure que celui-ci mériterait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

On retrouve dans la LOPPSI tous les défauts de la politique conduite depuis 2002. Ce texte, qui est venu si laborieusement devant nous, déposé sur le bureau de l'Assemblée le 27 mai 2009, dont l'examen a été maintes fois reporté, débattu pour la première fois en séance publique il y a un an, concentre tous les ingrédients de la crise actuelle : l'abandon du terrain, alors que les violences augmentent et se durcissent, particulièrement dans certains territoires ; une doctrine d'emploi des forces de l'ordre complètement inadaptée ; un manque criant de moyens ; la défiance envers les magistrats, les procureurs, les collectivités territoriales ; une fuite en avant dans le tout technologique dont l'efficacité est douteuse et le coût très élevé pour le contribuable ; une inflation de modifications incessantes du code pénal qui aggrave la crise du système judiciaire ; l'absence de politique de prévention.

La prévention de la délinquance est à tel point la dernière roue du carrosse que, près de neuf ans après son accession aux responsabilités, la droite en est encore à commander des rapports ! Le rapport Bockel, sur la « prévention de la délinquance juvénile » en novembre dernier ; la mission confiée en décembre à Yvan Lachaud sur « les nouvelles méthodes pour faire reculer durablement la délinquance juvénile » ; la mission confiée en juillet à Jacques Alain Bénisti sur l'application de la loi du 5 mars 2007 ; le rapport Reynès remis en décembre au Premier ministre, exactement sur le même thème ; la mission confiée en janvier à Jean-Marie Bockel – encore lui ! –…

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

…pour apporter « une impulsion nouvelle » à la prévention.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Un peu comme Servier, qui demandait des rapports et encore des rapports !

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

La prévention est tout juste bonne à recycler les ministres évincés !

Dernier ingrédient de votre politique, et non des moindres : un désengagement massif et sans précédent de l'État, et un transfert de ses missions vers d'autres opérateurs.

C'est sur ce point que je veux insister.

Pour pallier la pénurie de moyens, puisque la révision générale des politiques publiques a déjà supprimé 10 000 postes de policiers et gendarmes, la logique à l'oeuvre est celle de l'abandon par l'État de sa mission éminente concernant la sécurité des Français.

C'est la caractéristique principale de la LOPPSI : vous menez une politique libérale de sécurité dont les grandes gagnantes seront les entreprises privées de sécurité. Vous supprimez des postes, et donc vous cherchez tous les supplétifs possibles : ici les polices municipales, là les services de sécurité de la SNCF et de la RATP, et même au sein de la police nationale, la création d'une réserve civile aux contours imprécis, qui inquiète légitimement les policiers.

Et c'est avec stupéfaction que nous avons découvert les propos récents d'Éric Ciotti, selon qui « il faudrait bâtir un plan Marshall pour la justice et la police. » Tardive prise de conscience, alors que ce même Éric Ciotti, rapporteur de la LOPPSI, nous expliquait encore tout à l'heure qu'il n'y a pas de problèmes de moyens !

Vous avez même refusé le principe d'un rapport, pourtant adopté par deux fois au Sénat, qui aurait obligé le Gouvernement à rendre enfin des comptes sur la fracture territoriale existante dans la répartition des effectifs, afin d'examiner comment redéployer les forces prioritairement vers les territoires les plus exposés à la délinquance…

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

…et mettre fin à l'utilisation des personnels actifs dans des tâches administratives.

Au cours des débats, à l'occasion des deux lectures à l'Assemblée nationale, nous avons montré en quoi votre politique est un échec. Nous avons proposé une autre orientation axée principalement sur une nouvelle doctrine d'emploi et une nouvelle stratégie territoriale pour les forces de l'ordre, auxquelles nous rendons hommage, avec le déploiement d'une véritable police judiciaire de quartier. Nous avons proposé des mesures concrètes, utiles, comme celle avancée par notre collègue François Pupponi sur les halls d'immeubles, mesure de bon sens votée par deux fois par l'Assemblée et dont finalement vous n'avez pas voulu.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Au fur et à mesure des débats, pour masquer l'absence de vraies réponses à la montée de la violence, la LOPPSI est devenue un texte difforme, comptant de plus en plus de mesures perverses ou d'affichage, comme cet article 37 undecies, malheureusement symbolique, sur l'extension de l'interdiction du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Le ministre n'écoute pas, il est déjà partant !

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Ainsi, sur les trente articles qui restaient en discussion en CMP, les préventions constitutionnelles exprimées par le Sénat n'ont malheureusement pas été entendues.

Ce texte louvoie avec les règles constitutionnelles, au point que l'on se demande si, sur certains points, le Gouvernement ne cherche pas délibérément la censure du juge constitutionnel, pour en faire un bouc émissaire de plus ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Je pense par exemple à l'article 32 ter A qui prévoit l'évacuation par le préfet d'un terrain privé sans l'accord ni du propriétaire ni d'un juge.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Bacquet

M. Charasse va vous censurer, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

En défendant cette motion de rejet, je veux également faire reconnaître que plusieurs dispositions de la LOPPSI ne sont pas constitutionnelles.

D'abord, il ne s'agit pas d'une loi de programmation. Au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il manque les éléments d'une programmation des moyens financiers, d'autant que trois lois de finances ont déjà été votées pour couvrir la période d'exercice de la LOPPSI.

Ensuite, la vidéosurveillance sur la voie publique est confiée à des opérateurs privés, au mépris des règles des libertés publiques. Les peines plancher sont étendues aux primodélinquants, alors que vous les présentiez comme le nec plus ultra de la lutte contre la récidive. Ces peines plancher seront applicables à des violences qui n'ont entraîné aucune ITT. Ainsi, une bagarre entre des personnes en état d'ébriété dans une gare, c'est-à-dire un acte grave mais hélas courant, entraînera, par le jeu des circonstances aggravantes, une peine plancher de dix-huit mois de prison ferme, donc autant que la peine minimale prévue pour l'auteur d'un viol sur mineur accompagné d'actes de barbarie !

Le droit pénal des mineurs se rapproche de celui des majeurs, tandis que vous ne présentez toujours pas le projet de réforme de l'ordonnance de 1945 que vous annonciez.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Le procureur de la République devra faire connaître les décisions de justice aux préfets. De la même façon, les dispositions relatives aux contrôles d'identité par les agents des polices municipales ou celles relatives aux prérogatives des agents de la RATP et de la SNCF ne respectent pas les règles constitutionnelles.

Chers collègues, dans la crise actuelle, il est évident, pour une majorité de Français, que la politique de sécurité doit être refondée. La raison doit l'emporter, et c'est d'abord la responsabilité du Gouvernement et de la majorité parlementaire.

Par le vote de cette motion, nous vous offrons, d'un certain point de vue, une occasion de repartir sur de nouvelles bases. C'est pourquoi nous vous demandons d'adopter la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

C'était mieux construit que l'intervention de M. le ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Dans les explications de vote, la parole est à M. Michel Hunault.

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Vous ne saisissez pas cette offre d'ouverture, monsieur le ministre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Les députés du Nouveau Centre vont rejeter cette motion défendue par Mme Batho. (« Oh ! » sur de nombreux bancs du groupe SRC)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Bacquet

Plus l'on se rapproche des élections législatives, plus le Nouveau Centre devient autonome ! (Rires)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

J'ai écouté avec beaucoup d'attention Mme Batho.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Les élus partagent l'émotion autour de ce qui s'est passé à Pornic, et nous devrions éviter de nous adresser des mises en cause les uns aux autres. La justice et la police ont été à la hauteur des difficultés.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Monsieur le ministre, arrive un moment où la représentation nationale doit faire preuve de solidarité avec les forces de l'ordre et les magistrats.

Madame Batho, j'ai porté d'autant plus d'attention à votre appel en faveur de moyens supplémentaires que le groupe socialiste n'a pas apporté ses voix au vote des budgets du ministère de l'intérieur depuis bientôt dix ans. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Nous ne voulions pas cautionner cette politique !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Aujourd'hui, je vous entends dire qu'il faut des moyens supplémentaires. Je vous ai lu dans la presse, j'ai vu le projet du parti socialiste, et j'ai entendu le sénateur-maire de Dijon, votre « monsieur sécurité », dénoncer l'état de clochardisation d'un certain nombre de commissariats et de gendarmeries.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Il y a des moments où vous devriez apporter votre voix pour aider le ministre de l'intérieur à assurer les missions régaliennes de l'État, telles que la sécurité.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Je crois qu'au lieu d'en rajouter sur l'insécurité, vous devriez apporter votre soutien. Monsieur le ministre, je suis heureux, au nom du groupe Nouveau Centre, de vous apporter notre soutien et de rejeter cette motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Nous l'avons dit dès la première lecture de ce texte, nous le répétons : cette loi n'est ni une loi d'orientation ni une loi de programmation, et certainement pas une loi de performance pour la sécurité intérieure !

Orientation ? Delphine Batho le rappelait à l'instant : il n'y a nulle nouvelle doctrine en matière d'utilisation et de projection des forces de sécurité intérieure, aucune prise en compte de la réalité de l'évolution de la petite délinquance et de son basculement vers le grand banditisme, aucune prise en compte de la concentration territoriale de la criminalité. Rien dans ce texte ne vient sanctionner ces analyses que nous avons pourtant multipliées.

Pas de programmation, au sens constitutionnel, non plus, car rien n'est précisé en matière de moyens, d'évolution des effectifs, et vous taisez pudiquement la disparition de 8 000 postes de policiers et de 3 000 postes de gendarmes, qui font bien défaut à Grenoble, à Marseille et probablement à Dunkerque, où s'est encore produite une attaque de casino hier.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Pas de performance non plus : les résultats sont là, ils sont tragiques, et nos concitoyens en font le constat tous les soirs lors du journal de vingt heures.

Face à cela, il y a la boursouflure, celle des discours et des coups de menton, celle du texte même de la LOPPSI – quarante-six articles au départ, cent vingt-six à l'arrivée. C'est la dix-septième loi depuis 2002, mais les faits sont têtus, et le réel karchérise vos déclarations martiales !

Cette boursouflure est là pour masquer le coeur de la LOPPSI, qui est un grave désengagement de l'État, au profit de sociétés de sécurité privées, dont certains reportages ont montré qu'elles n'assuraient vraiment pas la sécurité des passagers dans les aéroports. Il en ira de même pour la sécurité quotidienne de nos concitoyens. Ce désengagement se fait également aux dépens de nos collectivités territoriales.

Tout cela se déroule dans un contexte de tension que vous avez volontairement organisé entre la justice et la police.

Nous vous annonçons que c'en est fini. La tentation de l'innocence qui vous saisit – ce n'est pas de votre faute, c'est la faute de l'opposition, des magistrats, des policiers, des individus –, tout cela est fini. La seule performance à laquelle vous soyez arrivés est de coaliser les services publics de la justice et de la police, qui seront ensemble jeudi pour réclamer enfin des moyens pour la justice et la sécurité dans ce pays. C'est pourquoi le groupe socialiste votera avec détermination la motion de censure de Delphine Batho ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Sur le vote de la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Monsieur le ministre, cette loi n'a pas pour vocation de régler les questions de délinquance. Nous attendons, au gré de la succession de lois concernant la sécurité que votre gouvernement a déposées, une loi d'orientation permettant de lutter contre les causes de la délinquance. Mais depuis des années, rien ou plutôt, au contraire, la réduction des budgets de l'éducation nationale, des politiques de la ville, alors que vous savez parfaitement que, sur bien des territoires, la politique de la ville a oeuvré pour limiter la délinquance.

La délinquance se développe sur le terreau favorable de la misère, sociale ou culturelle. Or les moyens de lutter contre cette misère ne sont pas mis à la disposition des territoires par votre politique.

Aujourd'hui, votre seule ressource est d'essayer de toujours réduire les libertés. Vous finirez par être mis au ban du Conseil de l'Europe, à réduire ainsi les droits de l'homme. Nous n'en sommes plus très loin avec la vidéosurveillance généralisée et tous les dispositifs que vous avez mis en place.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

La motion de rejet préalable défendue par Mme Delphine Batho démontre bien le sens de votre politique.

Voilà une loi de plus qui ne donne pas de moyens, peut-être même une loi de trop, à voir ce qui se passe aujourd'hui pour ceux qui sont chargés de l'application des lois. Trop de lois, je ne dis pas tue la loi, comme on le prétend pour l'impôt, mais la rend, à un moment donné, inefficace. Beaucoup d'élus siégeant sur les bancs de votre majorité n'ont cessé d'expliquer que l'arsenal législatif était suffisant et qu'il suffisait d'avoir les moyens de le mettre en oeuvre pour répondre à la problématique de sécurité et de délinquance.

Monsieur le ministre, vous nous proposez aujourd'hui une petite loi pour de grandes questions. Elle n'est pas à la hauteur et n'y répond pas. Telles sont les raisons pour lesquelles nous soutenons la motion de rejet présentée par Delphine Batho.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Jacques Alain Bénisti, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Alain Bénisti

Je pensais, naïvement sans doute, qu'après les faits graves qui se sont déroulés à Pornic, nous pourrions avoir un débat à la hauteur des défis que nous avons à relever en matière de délinquance et de responsabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Il faut effectivement prendre de la hauteur pour légiférer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Alain Bénisti

Vous avez critiqué, à cet égard, la responsabilité du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Alain Bénisti

Les termes de la motion marquent au contraire l'irresponsabilité des élus du parti socialiste (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et je trouve cela navrant.

J'ai naïvement pensé que l'on pourrait avoir un débat à la hauteur des enjeux. Ce texte, sur lequel les deux assemblées ont fini par trouver un consensus, nous permet d'apporter une réponse circonstanciée à l'évolution de cette délinquance qui, aujourd'hui – vous ne pouvez ni le nier ni critiquer mes propos –, ne recule devant rien. Les délinquants sont sans scrupules et ne connaissent aucune loi. Ils n'hésitent plus à commettre, comme à Villiers-Sur- Marne, comme à Pornic – la liste est longue –, les actes les plus immondes et les plus abjects jamais vus jusqu'à présent.

On pourrait adopter votre position d'inertie et répéter comme vous que c'est la faute au manque d'effectifs. Nous préférons notre attitude de responsabilité de législateur, qui consiste à trouver les meilleures réponses pour endiguer cette délinquance et surtout protéger nos concitoyens.

Vous choisissez l'inertie, la passivité, donc l'irresponsabilité devant votre engagement de législateur. Nous choisissons, quant à nous, l'action et la responsabilité devant nos concitoyens. À chacun son éthique ! C'est la raison pour laquelle nous rejetterons cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Vous êtes bien placé pour parler d'éthique !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur la motion de rejet préalable.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 152

Nombre de suffrages exprimés 152

Majorité absolue 77

Pour l'adoption 51

Contre 101

(La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Hunault.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Monsieur le président, monsieur le ministre, ainsi s'achève l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

Tout au long de la discussion, les parlementaires du groupe Nouveau Centre vous ont apporté leur soutien, monsieur le ministre. Nous avons proposé un certain nombre d'amendements. Certains ont été acceptés et votés, notamment ceux qui concernent l'encadrement des sociétés de sécurité privées ; d'autres ont été rejetés.

Notre collègue Mme Batho a défendu la motion de rejet préalable déposée par le groupe socialiste. Il y a, monsieur le ministre, des moments où la cohésion nationale et la solidarité devraient gagner sur nos divisions. La première des libertés, c'est la sécurité, je crois que nous partageons cette exigence sur tous les bancs de l'hémicycle. Nous discutons des conclusions de la commission mixte paritaire dans un climat sensible. Au nom de mes collègues du Nouveau Centre, je voudrais exprimer notre solidarité envers tous ceux et celles qui sont engagés pour assurer les missions de sécurité – les forces de police, les magistrats.

Les discours ont leurs limites. Il faut aujourd'hui prendre en compte les nouvelles formes de criminalité. Votre texte, monsieur le ministre, répond à ces nouveaux défis.

Il est facile d'ironiser, sur les bancs de l'opposition, sur le nombre de lois adoptées depuis une dizaine d'années. Mais, mes chers collègues, face aux nouvelles formes de criminalité, il est indispensable que l'État adapte le cadre réglementaire dans lequel exercent les forces de gendarmerie et de police. La cybercriminalité, l'économie souterraine, la violence qui fait l'actualité quotidienne, rendent insupportable à nos concitoyens cette insécurité à laquelle ce projet de loi vise à répondre.

Monsieur le ministre, votre texte a pour objet d'adapter le cadre légal et réglementaire à ces nouveaux défis de la délinquance. Vous pouvez compter sur la solidarité de votre majorité s'agissant des fondamentaux de ce texte. Je voudrais cependant appeler votre attention sur la nécessité de doter les forces de police et de gendarmerie des moyens humains, financiers et matériels nécessaires à ces nouveaux défis.

Monsieur le ministre, j'étais à vos côtés lorsque vous vous êtes déplacé à Nantes, la veille du nouvel an. Vous arriviez de Lyon et vous avez pu constater sur le terrain cette mobilisation générale. Le défi qui nous est adressé consiste à redéployer, à effectifs constants, les forces de police et de gendarmerie sur l'ensemble du territoire, afin qu'il n'y ait aucune zone de non-droit. Mais il faut aussi encourager de nouvelles formes de prévention de la délinquance. Grâce à l'utilisation de nouveaux outils, comme la vidéosurveillance, les magistrats, les maires, les services locaux agiront de façon plus efficace au regard de la multiplication des interventions.

Nous devons relever de nouveaux défis. Au cours de cette législature, de nouveaux textes ont été votés afin de garantir les libertés individuelles – je pense à la loi récente sur la garde à vue. Elle ne va pas sans interrogation pour tous les policiers et les gendarmes. Nous devons leur montrer notre solidarité et leur indiquer que ces nouveaux textes ne sont pas contre les forces de sécurité et que l'on peut être animé du souci de faire progresser les libertés individuelles tout en confortant les policiers et les gendarmes.

À un moment où l'opposition voudrait nous embarquer sur le terrain, sur lequel nous refusons d'aller, de l'affrontement entre l'exécutif et la majorité parlementaire et les corps chargés d'une mission de service public, il ne faut pas instrumentaliser certaines situations. Madame Batho, j'ai été choqué, tout à l'heure, lorsque vous vous êtes référée au drame de Pornic.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Nous avons intérêt à faire preuve de solidarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Et vous n'avez pas intérêt à attiser l'opposition entre l'opinion publique et les forces de sécurité.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Monsieur Valls, vous qui prétendez demain être candidat à l'élection suprême, vous devriez faire preuve de modestie ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Mes chers collègues, je vous en prie, seul M. Hunault a la parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Monsieur le ministre, le soutien que je vous apporte, au nom des députés du Nouveau Centre s'adresse non seulement au Gouvernement, mais à tous ceux et celles qui, sur le terrain,…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

…sont chargés de cette mission régalienne qu'est la sécurité. Ce n'est pas l'intérêt du parti socialiste d'opposer l'exigence de sécurité avec celle de fermeté.

Monsieur le ministre, sous les quolibets de l'opposition qui ne m'impressionnent pas le moins du monde, au regard de votre politique et de votre bilan en matière de sécurité, je vous apporte notre soutien avec confiance. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Cela fait neuf ans que vous votez toutes les lois !

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Au moins, lui, il est cohérent. Sarkozyste jusqu'au bout !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Alain Bénisti

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la CMP du 26 janvier dernier a abouti à une solution de compromis sur ce texte. Je salue les débats que nous avons eus avec nos collègues sénateurs, qui étaient de haut niveau. Elle résulte d'un travail important des deux chambres, en vue d'aboutir à un consensus sur des sujets fondamentaux qui concernent l'ensemble de nos concitoyens.

Pour autant, je regrette que, sur certaines mesures, la position adoptée soit en deçà de nos préconisations.

Concernant le dispositif des peines plancher pour les primodélinquants, la CMP a validé son extension, mais en la limitant aux délits de violences volontaires punis d'au moins sept ans d'emprisonnement et d'au moins dix ans en cas de violences aggravées. C'est ainsi que les personnes ayant commis un délit puni de sept ans d'emprisonnement se verront appliquer une peine minimale de dix-huit mois d'emprisonnement ; celles ayant commis un délit puni de dix ans d'emprisonnement seront passibles d'une peine d'au moins deux ans d'emprisonnement.

S'agissant de l'allongement de la période de sûreté pour les meurtres de personnes dépositaires de l'autorité publique, la CMP a décidé de le réserver à ceux commis en bande organisée.

De même, nous nous sommes mis d'accord sur la possibilité, désormais dévolue au procureur, de convoquer un mineur par un OPJ devant le tribunal pour enfants lorsque les faits sont avérés et que le parquet dispose d'éléments de personnalité récents sur celui-ci.

La CMP a également retenu la version du Sénat sur le conditionnement du versement de subventions par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance aux communes ayant mis en place un conseil local de sécurité et de la prévention de la délinquance. Malheureusement, nos collègues sénateurs ont mis le seuil pour disposer de cette mesure à 50 000 habitants pour la création d'un conseil des droits et des devoirs des familles. Je pense que c'est une erreur. Le texte de l'Assemblée nationale prévoyait un seuil de 10 000 habitants, ce qui était plus cohérent, car la délinquance existe aussi dans les villes de 10 000 habitants.

D'autres concessions ont été faites, notamment sur le placement sous surveillance électronique des étrangers frappés d'une mesure d'expulsion en raison d'activités à caractère terroriste, en la soumettant à un accord préalable de l'intéressé ; je le regrette, car cela limite considérablement sa portée.

À l'inverse, la CMP a tranché en faveur d'une amélioration des dispositions contre les squatters de domiciles vacants, en prévoyant leur expulsion dans les mêmes conditions que la violation de domicile. Cela est une bonne chose, surtout lorsque l'on est maire d'une ville importante.

Toutes ces mesures vont permettre d'adapter la loi à cette nouvelle délinquance qui ne cesse d'évoluer, qui est le fait d'individus de plus en plus jeunes, de nature de plus en plus violente et sans scrupule.

Ce texte répond aux attentes des victimes et correspond aux engagements du chef de l'État, car il met un terme au sentiment d'impunité de certains délinquants, notamment à l'égard des forces de sécurité, et réaffirme le soutien de toute la nation à ces hommes et ces femmes qui oeuvrent pour la tranquillité et la sécurité de tous, souvent au péril de leur vie.

En tout état de cause, monsieur le ministre, je peux vous assurer que les membres du groupe UMP soutiendront et voteront le modernisme et l'efficacité proposés dans ce texte. Il y va de notre responsabilité d'élus devant nos concitoyens. Il y va de l'autorité de l'État, mais aussi de la protection des valeurs et des principes fondateurs de notre république. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, dans les quelques minutes qui me sont imparties, je souhaite évoquer les dispositions de l'article 32 ter A relatives à l'évacuation forcée des campements illicites.

Vous êtes, monsieur le ministre, et à travers vous le Gouvernement, suspecté par l'ensemble des acteurs du logement associatif de commencer à introduire dans le dispositif législatif la possibilité d'évacuer par la force, sans autre forme de saisine des juridictions, toute occupation illégitime de lieux. Ce reproche vous est fait à l'aune du dispositif de l'article 32 ter A qui, je le rappelle, autorise le préfet à procéder à l'évacuation forcée d'installations illicites en réunion sur un terrain appartenant à une personne publique ou privée en vue d'y établir des habitations comportant de graves risques pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques. La mise en oeuvre de ce dispositif, en dehors de la volonté du propriétaire comme du préfet, fait l'objet d'un contrôle juridictionnel a posteriori dans les quarante-huit heures et dans des conditions qui le rendront totalement inapplicable.

Quel est le reproche qui vous est adressé et que je formule, une nouvelle fois, du haut de cette tribune, au nom du groupe socialiste ? Vous êtes en train de forcer la ligne des procédures qui garantissent actuellement, conformément à la Constitution et aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme, les droits individuels et les libertés d'aller et de venir.

Le problème est simple. Les acteurs réunis la semaine dernière, à l'occasion des rencontres organisées par la Fondation Abbé Pierre auxquelles assistaient plusieurs milliers de personnes, vous l'ont soumis. Tous dénoncent la crise actuelle du logement. Tous ont dépeint la situation dans laquelle se trouve un certain nombre de nos concitoyens : 41 000 personnes vivent actuellement dans des habitats de fortune – cabanes, constructions provisoires –, à l'hôtel ou dans des conditions qui, si elles ne s'améliorent pas, ne peuvent que conduire à cet habitat de fortune. Cette réalité humaine recouvre l'ensemble de notre territoire. Certains de nos concitoyens sont hébergés dans des conditions qu'ils subissent, d'autres choisissent des constructions informelles au nom de la liberté.

Vous voulez, monsieur le ministre, revenir sur le dispositif de la loi, qui est clair : en dehors des cas de flagrance, seul le juge peut ordonner l'évacuation d'un patrimoine privé. Il le fait, du reste, à la demande du propriétaire. Depuis la loi Besson concernant les gens du voyage, le préfet peut être autorisé à évacuer par la force, sans décision de justice, un terrain occupé illégalement lorsque la commune possède des aires d'accueil.

Le reproche qui vous est fait, je le crois fondé. Nous avons longuement, au cours des débats, argumenté en faveur de l'acceptation de cette réalité et du maintien des possibilités de faire valoir, en l'état de la loi, les droits du propriétaire ou du locataire en titre. Aujourd'hui, vous voulez ouvrir ce champ incertain.

Nous sommes nombreux à dire que votre dispositif visera les occupants d'habitats de fortune, les gens du voyage, notamment ceux qui sont en voie de sédentarisation, laquelle passe souvent par ce type d'habitats que vous voulez interdire. Il concernera également – quel symbole ! – les ménages occupant des locaux construits sans permis.

La semaine dernière, notre assemblée a, à l'unanimité, sur proposition de notre groupe, adopté un dispositif législatif qui a recueilli l'accord du Gouvernement et qui visait à régler le problème de l'habitat insalubre dans les DOM-TOM, à savoir un habitat informel qui perdure depuis quarante ans dans ces territoires, conséquence d'usages et de coutumes que la loi de la République n'arrivait pas résoudre de manière digne.

Il existe une autre manière de régler les problèmes. Vous devriez vous pencher sur le texte qui a été voté. Vous verriez comment, tout en respectant la Constitution et en tenant compte de la réalité humaine, il est possible de faire avancer les choses dans l'intérêt bien compris de l'ordre public et de la sécurité des personnes. Je regrette que vous n'ayez pas été présent dans l'hémicycle lorsque nous avons adopté ce texte. Vous auriez compris que vous prenez le mauvais chemin en introduisant dans la loi la procédure d'évacuation forcée, sans décision de justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2002, le candidat Sarkozy avait fait de la sécurité son fonds de commerce électoral. La ficelle est trop grosse pour ne pas y voir, aujourd'hui encore, le dévoiement électoraliste de la thématique sécuritaire. La démonstration en est encore faite cet après-midi.

Au gré des faits divers et des envolées belliqueuses du Président de la République, vous agitez le chiffon rouge de l'insécurité, de la menace des banlieues, de la guerre contre les voyous. Vous attisez la peur, la défiance et la suspicion, et dressez les populations les unes contre les autres.

Dans quel but si ce n'est celui de masquer vos résultats désastreux en matière de sécurité ? Comment osez-vous vous gargariser de vos chiffres en trompe-l'oeil alors que les atteintes aux personnes ne cessent de progresser ? Comment ne pas voir dans cette tendance inquiétante la conséquence de clivages sociétaux que vous creusez, et l'écho populaire de la violence économique qu'une poignée de nantis inflige au peuple tout entier ?

Face à cette réalité, vous déployez un arsenal législatif pour une guerre et contre des ennemis que vous fabriquez de toutes pièces. Si guerre il y a, c'est une guerre de classe, puisque vos ennemis sont les étrangers et les classes populaires. Si justice il y a, c'est une justice de classe, car ce sont toujours les mêmes que les gouvernements de droite préfèrent viser, épargnant soigneusement la délinquance en col blanc pour ne pas nuire à la classe économique dirigeante.

En une décennie, vous avez fait de la France l'un des pays les plus répressifs d'Europe et l'un des moins respectueux des droits et des libertés de nos concitoyens. La liste est longue : stigmatisation de pans entiers de la population ; début d'une justice automatique avec le recul du principe d'individualisation des peines ; vindicte présidentielle et gouvernementale contre les juges au mépris de la séparation des pouvoirs ; et bientôt les jurys populaires en correctionnelle et les milices urbaines. Vous faites consciencieusement le lit d'un populisme malsain !

Alors que, dans un formidable élan, des peuples se soulèvent contre les régimes qui les oppriment, la perspective idéologique qui guide votre politique en matière de sécurité et de justice ne cesse d'affaiblir la République et engage la France sur le chemin de l'autoritarisme.

Ce texte ne fait que renforcer le climat de tension dans lequel vous tenez la France en vue des prochaines échéances électorales. Son contenu s'ordonne autour de cinq axes majeurs.

Premièrement, la répression : aggravation systématique des peines et recul du principe de proportionnalité ; peines plancher pour les primodélinquants ; comparution immédiate des mineurs ; réapparition du délit d'occupation des halls d'immeubles ; répression de la vente à la sauvette.

Deuxièmement, l'exception : régime d'exception attentatoire aux libertés publiques pour les étrangers ; possibilité de comparution par visioconférence.

Troisièmement, l'exclusion et la stigmatisation : expulsions arbitraires des squats, des campements illégaux, des bidonvilles, des habitats considérés comme hors norme.

Quatrièmement, la réduction des libertés individuelles et l'atteinte à la vie privée : surveillance généralisée de l'espace public ; captation de données informatiques privées ; filtrage ciblé des réseaux de communication au public en ligne ; multiplication des fichiers de police ; couvre-feu pour les mineurs.

Cinquièmement, la privatisation de missions et prérogatives régaliennes avec l'extension sans précédent de la vidéosurveillance qui bénéficiera largement au privé, et l'encadrement, ou plutôt le blanc-seing donné aux officines de barbouzes, notamment pour les besoins de l'intelligence économique.

Sur les moyens, rien. Un comble !

Le hasard faisant bien les choses, ce vote arrive en même temps que s'amplifie la grogne sans précédent des magistrats et des policiers, après une énième provocation du chef de l'État à leur endroit.

Singulièrement, ces corps de métier, qui travaillent main dans la main au service de la République, vous adressent les mêmes revendications sur le fond : une politique de prévention et de répression de la délinquance nécessite des moyens, faute de quoi les missions de la police et de la justice ne peuvent être remplies. Rappelons que la France se classe derrière l'Azerbaïdjan en termes de moyens consacrés à la justice.

Votre rhétorique extrême-droitière libérale et vos solutions autoritaristes ne peuvent malheureusement masquer votre faillite sur le thème de la sécurité. L'échec de ce gouvernement et de cette majorité tient dans votre mépris de la démocratie, votre irrespect envers la République, votre défiance vis-à-vis de la justice et votre peur du peuple, qui vous désavoue chaque jour un peu plus.

Nous, communistes et parti de gauche, nous affirmons que le combat pour la sécurité ne saurait s'exonérer d'une approche économique et sociale, qui passe par la réduction de la précarité, du chômage et de l'exclusion, par la réhabilitation et la promotion du rôle social de l'école, et par l'égalité d'accès aux services publics, à l'emploi, au logement, à la culture, à la justice. Une telle politique suppose des moyens : c'est ce que vous crient les magistrats, les policiers, les enseignants, les services sociaux, le Pôle emploi, les fonctionnaires, les exécutifs des collectivités territoriales.

Contre les logiques libérales, populistes et électoralistes qui guident votre action, contre l'affaiblissement de l'institution judiciaire, nous réaffirmons notre attachement à une justice indépendante et à une république respectueuse des droits et libertés constitutionnellement reconnus. C'est le sens de notre vote contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de la longue procédure parlementaire qui doit nous conduire à adopter votre loi d'orientation sur la sécurité intérieure.

Je ne reviendrai pas sur toutes ses dispositions, mes collègues en ayant déjà signalé les points noirs ; mais je veux réagir à plusieurs remarques formulées au cours de la discussion.

Monsieur Hunault, je crois sincèrement que votre intervention était déplacée : à aucun moment nous n'avons utilisé le drame de Pornic. (Exclamations sur les bancs du groupe NC.) Celui qui porte la responsabilité de la situation actuelle, c'est le Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Que le Président de la République affirme la solidarité de la nation avec la famille de la victime, qu'il témoigne de la solidarité naturelle de tous les citoyens envers elle (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC), nul ne peut le lui reprocher.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Greff

Ce n'est pas ce que vous disiez tout à l'heure !

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Que le Président de la République réexamine tous les dispositifs en vigueur pour éviter qu'un tel drame ne se reproduise, c'est aussi son rôle.

Mais quand le Président de la République apporte son concours à ce qui est le plus dangereux dans ce genre de situation, c'est-à-dire aux tentatives de trouver immédiatement un coupable,…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Si, il a parlé de « présumé coupable » !

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

…et lorsqu'il désigne comme coupables les magistrats, voire – pourquoi pas ? – les gendarmes, il n'est plus dans son rôle. Je le répète, monsieur Hunault, votre remarque était donc déplacée.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Greff

On ne peut pas dire n'importe quoi à la tribune ! Il ne faut pas raconter des bobards !

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Permettez-moi, ensuite, monsieur Hortefeux, de vous faire part des souvenirs d'un ancien combattant. Vous êtes, en effet, dans une situation que je connais un peu : celle d'un ministre de l'intérieur qui va être confronté à une gigantesque contestation mêlant les magistrats, la police et l'ensemble des forces pénitentiaires.

Si je vous dis cela, c'est parce que cela nous est arrivé en 2001. Et nous avons alors reconnu – nous – que nous avions sous-estimé plusieurs problèmes, et que nous avions eu tort de présupposer que notre bon travail en matière de lutte contre le chômage permettrait de résoudre les problèmes de violence.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Greff

Le dire, c'est bien ; le faire, c'est mieux !

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

À l'époque, nous avons été confrontés à la fusion des contestations que j'évoquais, et qui sanctionnait certaines erreurs. Or vous êtes aujourd'hui dans la même situation.

Ainsi, huit ans après nous avoir succédé, et après avoir présenté votre action comme essentielle à force de nouvelles lois, de nouveaux dispositifs, le bilan est là : il est dans la rue, et la journée de jeudi en témoignera.

Je connais votre manière de procéder : vous brandissez des chiffres en tentant, à chaque étape, de braquer les projecteurs sur ce qui vous arrange et de faire oublier la réalité. Pourtant, la réalité, vous la connaissez, y compris par les drames que vit notre population : en témoigne le fait que vous êtes contraints en permanence de multiplier les dispositifs législatifs pour esquiver les problèmes.

D'où cette loi, qui, je vous le dis en toute honnêteté, n'a rien d'une loi d'orientation ni de programmation.

D'abord, est-elle animée d'une philosophie nouvelle de lutte contre la montée de la violence ? Vous n'allez pas prétendre que le durcissement de certaines peines en tient lieu ! La fuite dans le tout carcéral, nous la connaissons : elle n'aboutit à rien. Ne me dites pas qu'en durcissant les peines encourues par ceux qui portent atteinte aux représentants de l'ordre, vous allez les empêcher de le faire ! Croyez-vous sincèrement que ces gens-là vont réfléchir au fait qu'ils prendront cinq ou six ans de plus s'ils tuent un policier ? Nous savons bien que tout cela est dérisoire et inefficace.

Vous le savez aussi, l'automaticité des peines entraînera bien des drames. Car la force de la justice, c'est l'individualisation, c'est la capacité d'étudier la réponse judiciaire adaptée à chaque situation, celle qui mêle sanction et réparation. Au lieu de cela, les petits délinquants côtoieront désormais les gros. Je vous l'ai dit plusieurs fois : venez à Fleury-Mérogis, dans ma circonscription, et vous verrez les résultats de cette méthode. Et l'on pourrait continuer longtemps sur ce thème.

Nous aurions pu en discuter sérieusement : vous avez vous-même appelé à un consensus politique, comme chaque fois que vous êtes en difficulté.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Mais, je vous le dis honnêtement, nous ne pouvons plus participer à un tel consensus : cela reviendrait à avaliser votre échec politique, et nous ne pouvons pas servir de bouée de sauvetage à une politique qui a échoué.

Je vous rappelle simplement qu'en 2002, reconnaissant les problèmes auxquels nous étions confrontés, nous avons voté plusieurs dispositifs. Le ministre de l'intérieur de l'époque s'en souvient. Après d'importants débats, nous avons ainsi estimé qu'il fallait des moyens supplémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Ce n'est pas ce que vous faites aujourd'hui. Même en termes de moyens, et alors que cela a été votre force à un moment donné, vous tournez le dos à votre propre bilan, puisque vous supprimez de plus en plus de postes de policiers sur le terrain.

Nous nous retrouvons ainsi dans la situation ubuesque où les commissariats qui sont en première ligne de la lutte contre la violence ne disposent plus des effectifs nécessaires. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

À Gennevilliers, il manque trente-cinq policiers !

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Vous le savez très bien, dans mon département – où je vous invite à passer non pas une demi-heure, non pas une heure, mais une nuit entière –, lorsque des incidents surviennent aux Tarterêts ou à la Grande Borne, il faut plusieurs heures pour regrouper un éventail de forces de police qui puisse ne serait-ce que pénétrer dans ces cités. La réalité, la voilà !

Cette loi va connaître le sort de toutes celles que vous nous avez fait voter : elle sera inutile ; pire encore, elle va aggraver le désarroi qui s'est installé dans notre pays parce que l'on attend des solutions, parce qu'il y a urgence. Or personne ne peut jouer avec la demande de sécurité de nos concitoyens, en particulier les plus faibles.

Vous n'avez pas répondu à ces questions, préférant chaque fois recourir à des dispositifs inopérants, qui poseront dans la pratique plus de problèmes qu'ils n'en résoudront. Il sera donc temps, au cours des mois qui viennent, de préparer une autre politique de sécurité, car là est l'urgence pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, interdire et réprimer sont les deux piliers de la politique sécuritaire de votre gouvernement, que le discours de Grenoble avait mis en scène. La loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure en est l'une des illustrations les plus éclatantes.

Nous assistons, en effet, à un durcissement inapproprié du droit pénal et des pouvoirs policiers, qui bafoue les principes de l'État de droit et se dispense de respecter les libertés fondamentales.

La LOPPSI 2 – puisque c'est ainsi qu'on l'appelle – est un fourre-tout législatif, un projet exclusivement répressif, qui porte atteinte à nos libertés et à nos garanties judiciaires, qui aggrave les situations de précarité sociale.

Votre texte privilégie les réponses pénales spectaculaires et criminalise les jeunes, les pauvres et les étrangers, au détriment de propositions réfléchies et mesurées en faveur de la prévention.

Comme l'a très bien dit notre collègue Le Bouillonnec, le texte consacre l'expulsion des habitants de fortune. Cette population nombreuse et peu visible, que l'irrégularité ou la faiblesse de son revenu a exclu d'un habitat en dur, est ainsi devenue l'une des principales cibles de ce projet. Vous prônez, en effet, l'expulsion de tous les occupants d'habitats atypiques – tentes, cabanes, caravanes, yourtes, mobil homes –, que les terrains sur lesquels ils sont construits soient publics ou privés, et la destruction de ces habitats, au lieu de faire appliquer la loi de réquisition des logements vides ou de faire construire un nombre raisonnable de logements sociaux.

Vous vous en prenez aux familles les plus fragilisées et aux jeunes en difficulté, en stigmatisant leurs parents et en sanctionnant à tout va au lieu de leur donner les moyens d'affronter leurs difficultés sociales. Ces personnes – la plupart du temps des familles –, déjà expulsées de leur logement, avaient du moins trouvé une certaine stabilité de résidence. Les voilà maintenant ballottées de campement en campement, au rythme des procédures, sans qu'on leur propose le moindre relogement. La scolarisation des enfants devient impossible, de même qu'un travail régulier. Vous créez davantage de précarité. Vous condamnez ces familles à l'errance. Or priver des familles d'un logement stable, c'est les priver de toute perspective d'avenir.

Vous expulsez de manière expéditive, alors que rien n'est fait pour répondre aux besoins et pour honorer les obligations de l'État en matière de logement. Sous couvert de sécurité et de salubrité, vous visez au premier chef, sans les nommer, les Roms et les sans-papiers. Mais toutes les populations précaires, victimes de la crise du logement, feront les frais de votre politique.

Avec son lot d'expulsions de logements et de fichages, avec la généralisation de la vidéosurveillance et de l'espionnage de l'espace public, avec l'aggravation des peines, notamment des peines plancher, et la création de milices supplétives, la LOPPSI 2 préfigure un monde sécuritaire où plus personne ne se sent en sécurité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), un monde tel celui qu'Orwell avait imaginé. C'est un État policier qu'annonce le sarkozysme, où le pouvoir stigmatise et attise les conflits, où il malmène la justice et les juges, en s'affranchissant lui-même de toute règle et de toute décence. Il suffit pour s'en convaincre de voir les dernières incartades des membres de votre gouvernement.

Les associations n'ont de cesse de dénoncer ce projet de loi, qu'elles qualifient à juste titre de scélérat, et se mobilisent contre l'État policier que vous essayez de nous infliger, où les fonctions régaliennes de police sont abandonnées, où la notion de service public est bafouée.

Vous parsemez le texte de mesures répressives visant les étrangers en attente de leur admission au séjour, alors même que nous examinerons bientôt en deuxième lecture un autre texte sur l'immigration.

Dans votre soif de contrôle, vous avez également instauré le filtrage administratif d'internet, via le cheval de Troie de la protection de l'enfance. Un tel dispositif permettra de généraliser la censure des contenus en ligne, tout en laissant prospérer les pédophiles et la pédopornographie. Le rejet de la supervision par le juge illustre clairement la volonté de l'exécutif de contrôler internet. Faire la police sur le net au mépris des droits fondamentaux, voilà votre projet. Il s'agit d'une dérive d'autant plus inquiétante que le filtrage administratif pourra être étendu à d'autres domaines.

Votre soif sécuritaire est sans limites : interdiction de la vente à la sauvette, fichage, identification par empreintes génétiques, vidéosurveillance, que sais-je encore. Mais, derrière cet arsenal, on décèle la volonté de contourner le contrôle judiciaire, et cette idée folle selon laquelle tout individu est potentiellement délinquant.

Lors de la discussion du texte en première lecture, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine a dénoncé cette orientation sécuritaire, qui structure et nourrit désormais tous les textes gouvernementaux. Nous nous y opposons fermement ; voilà pourquoi nous voterons naturellement contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me limiterai à un sujet très précis, mais révélateur de la manière dont vous vous êtes montré incapable d'écouter les parlementaires au cours du débat, monsieur le ministre. Il s'agit des cages d'escalier.

Vue de loin, cette question peut paraître anecdotique. Mais je peux vous dire que, dans les quartiers populaires, ce que l'on appelle communément le squat des cages d'escalier constitue un problème crucial. Car c'est dans les cages d'escalier que se constituent aujourd'hui les bandes et que se développent les trafics et la grande délinquance de demain.

Plusieurs élus demandent depuis longtemps, comme les citoyens, que ces cages d'escalier soient protégées. Nous rencontrons couramment dans nos permanences des habitants qui ne peuvent pas rentrer chez eux en toute sécurité et qui n'osent plus laisser leurs enfants sortir la journée ou le soir, tant ils redoutent des agressions. En effet, les jeunes – car ce sont souvent des jeunes – qui occupent ces cages d'escalier, souvent pris de boisson ou dépendants de l'alcool ou des stupéfiants, peuvent se montrer extrêmement agressifs. Et les citoyens concernés ne supportent plus que des habitants du quartier puissent ainsi faire la loi en toute impunité.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Ils en appellent donc au maire et à la police ; mais les policiers nous ont longtemps répondu qu'aucun texte ne leur permettait d'intervenir.

Un premier texte a été voté, qui obligeait à prouver que les occupants illicites des cages d'escalier empêchaient délibérément les gens de circuler. Les policiers, comme les juges, nous ont alors dit qu'ils ne pouvaient administrer cette preuve, faute de plainte : personne n'allait témoigner du fait que les occupants de la cage d'escalier avaient délibérément empêché tel ou tel citoyen de rentrer dans l'immeuble.

Nous en étions ainsi tous arrivés à la conclusion que ce texte était inapplicable. Il fallait donc faire en sorte d'interdire tout simplement les réunions dans les cages d'escalier et sur ce point, Assemblée et Sénat sont parvenus à un vote conforme.

Quelle n'a donc pas été ma surprise quand j'ai constaté que la commission mixte paritaire avait supprimé cette disposition pour revenir au texte initial, c'est-à-dire à un texte inapplicable.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

On nous dit que les policiers et le préfet parviennent dans un certain département à vider les cages d'escalier. Pourquoi pas ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Mais pour un département où les choses se passent bien – et cela reste à démontrer ! –, combien d'autres où les policiers se sentent démunis : les maires leur demandent de vider les cages d'escalier mais ils ne disposent pas de textes adéquats pour le faire, les procédures ne leur permettant pas de mener ce genre d'opération jusqu'au bout. Les citoyens reprochent aux maires et aux commissaires concernés d'être impuissants et d'accepter l'inacceptable ; ils les considèrent comme incapables d'assurer sécurité et tranquillité.

Monsieur le ministre, j'ai été extrêmement surpris que la commission mixte paritaire ait, de manière un peu désinvolte, fait disparaître des dispositions consensuelles qui permettaient d'être plus efficaces dans la lutte contre cet important phénomène. Je ne sais plus quoi dire aux citoyens de ma circonscription qui, tous les jours, m'interpellent à ce sujet. Je pourrai désormais leur expliquer que le Gouvernement n'a pas souhaité faire évoluer la législation.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

La majorité, dirons-nous alors, mon cher collègue, puisque c'est elle qui a demandé la suppression de ces modifications. C'est une erreur et ce sont nos concitoyens concernés par ce phénomène qui vont payer la facture. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Conformément à l'article 13, alinéa 3, du règlement, je vais appeler l'Assemblée à statuer d'abord sur les amendements dont je suis saisi.

Auparavant, j'informe l'Assemblée que, sur le vote de l'ensemble du projet de loi, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 2 .

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Il s'agit d'un amendement de coordination entre l'article 17 bis et l'article 17.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Vraiment ?

(L'amendement n° 2 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 1 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Il s'agit également d'un amendement de coordination.

(L'amendement n° 1 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par les amendements qui viennent d'être adoptés.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 105

Nombre de suffrages exprimés 102

Majorité absolue 52

Pour l'adoption 73

Contre 29

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

Vote sur l'ensemble

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la bioéthique (nos 2911, 3111).

Je vous rappelle que la Conférence des présidents a décidé d'appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d'un temps attribué aux groupes de trente heures.

Chaque groupe dispose des temps de parole suivants : le groupe UMP, huit heures trente minutes ; le groupe SRC, onze heures vingt minutes; le groupe GDR, cinq heures cinquante minutes ; le groupe du Nouveau Centre, quatre heures vingt minutes.

Les députés non inscrits disposent d'un temps de cinquante minutes.

En conséquence, chacune des interventions des députés, en dehors de celles du rapporteur et du président de la commission spéciale, sera décomptée sur le temps du groupe de l'orateur.

Les temps qui figurent sur le « jaune » ne sont en tout état de cause qu'indicatifs.

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi bioéthique, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi relatif à la bioéthique, que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui avec Nora Berra, est un texte dont je n'ai pas besoin de souligner l'importance parce que chacun voit bien qu'il engage notre avenir commun et qu'il touche au coeur de notre condition humaine.

Vous le savez, nous devons chercher à concilier plusieurs impératifs : les progrès de la science et de la recherche médicale depuis la loi de 2004, les attentes individuelles qui naissent parfois de situations personnelles très douloureuses, mais aussi les valeurs qui fondent notre société, notre conception de la personne humaine.

Si notre pays a fait le choix d'élaborer des lois de bioéthique, c'est bien parce que sur ces sujets complexes qui ne peuvent se ramener à des formulations simplistes, les décisions doivent être prises par les représentants du peuple, et non par tel ou tel comité d'experts. Certes, les comités et les conseils sont importants, mais la responsabilité de la décision repose sur vos épaules, les choix définitifs sont entre vos mains.

C'est pourquoi nous avons voulu prendre le temps du débat. Ce texte est l'aboutissement d'une longue période de réflexion. Les états généraux de la bioéthique organisés en 2009 ont permis à nos concitoyens de s'exprimer. Ils ont montré l'adhésion des Français aux principes qui fondent les lois de bioéthique : le respect de la dignité humaine et le refus de toute forme de marchandisation et d'exploitation du corps humain. Ce sont ces principes qui doivent nous guider tout au long de l'examen de ce texte.

Nous voulons aussi saluer le travail de très grande qualité de votre commission et de votre rapporteur et l'état d'esprit dans lequel ce travail a été réalisé par tous ses membres, quel que soit le banc sur lequel ils siègent. Cela a permis de nous éclairer avec justesse et profondeur sur les grands enjeux de ce texte.

Vous le savez, ce projet de loi ne prévoit plus de clause de révision périodique et automatique des lois de bioéthique, même si un rapport fera, bien sûr, chaque année, le point sur les évolutions importantes.

Est-il indispensable d'avoir une révolution en matière de bioéthique ? Je n'en suis pas persuadé. En revanche, nous avons évidemment besoin de procéder aux ajustements suscités par l'évolution de la médecine et de la société. C'est ce que permet ce projet qui est équilibré.

Un équilibre, non pour rester statique, mais pour nous permettre d'avancer en tenant compte de ce qu'est notre histoire, de ce que sont nos valeurs et de ce qu'est l'évolution nécessaire.

Équilibré, parce que nous savons tenir compte à la fois de l'autonomie de l'individu et des valeurs du vivre ensemble. C'est en tenant ces deux exigences que nous pouvons défendre ce que certains d'entre vous appellent le « mieux-disant éthique ». Il ne s'agit pas d'être dans la modernité à tout prix, mais de préserver les fondements de notre société.

Je suis sûr que certains nous diront que nos voisins vont plus loin que nous sur tel ou tel sujet. Je ne me résous pas à l'idée que nos règles éthiques puissent nous être imposées de l'étranger. Au contraire, la France a tout intérêt à assurer la promotion de ses valeurs au-delà de ses frontières.

Notre responsabilité vis-à-vis des générations futures, c'est de nous demander si tout ce qui est techniquement possible est humainement souhaitable. C'est l'enjeu du débat que nous allons avoir ensemble. S'agissant de certaines valeurs comme la liberté d'autonomie ou le choix des individus à disposer de leur corps, pourra-t-on apporter les garanties nécessaires pour éviter, par exemple, la marchandisation ? Je suis persuadé que nous aurons ce débat à différents moments de la discussion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Pour une fois que l'on ne parle pas de la Bourse !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je souhaite revenir sur les principaux points de ce projet de loi tel qu'il est issu de l'examen en commission.

Je parlerai d'abord des recherches sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires. Sur ce sujet, nous avons entendu des positions assez fortement opposées. Les uns réclament d'autoriser plus largement les recherches et de changer le principe, d'autres demandent de restreindre les dérogations. Le Gouvernement considère que la position choisie en 2004 reste la bonne, c'est-à-dire celle qui consiste à maintenir l'interdiction de principe des recherches sur l'embryon, parce que cela montre l'importance que notre société accorde à la protection de l'embryon et que, dans ce domaine, les symboles ont toute leur importance, tout en permettant des dérogations très encadrées à ce principe. C'est une position équilibrée, parce qu'ainsi nous prenons en compte la dimension si particulière de l'embryon humain tout en permettant à la recherche de progresser pour le bien de tous.

Je pense que la recherche sur l'embryon n'est pas une recherche comme les autres parce qu'elle touche à l'origine de la vie. Je suis d'ailleurs favorable à l'amendement sur la liberté de conscience pour les chercheurs qui a été adopté en commission.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je tiens à rassurer aussi tous ceux qui s'inquiètent pour les recherches en cours. Nous avons eu l'occasion d'avoir ce débat, avec Nora Berra, lors de notre audition devant votre commission. Tous les programmes qui sont aujourd'hui engagés au titre des dérogations iront jusqu'au bout. Et comme je ne me trompe pas et que je n'oublie pas une partie du problème, j'indique que, pour tous les programmes nouveaux qui voudraient bénéficier d'une dérogation, j'ai demandé, avec Valérie Pécresse, à ce que l'on puisse les examiner tous dès maintenant pour ne pas perdre de temps une fois ce texte définitivement adopté et promulgué, de façon que la validation puisse intervenir aussitôt. Et, comme il faut respecter des délais pour étudier les dérogations, dès lors que nous commençons maintenant, il n'y aura pas de retard dans les programmes de recherche au titre des dérogations.

Je voudrais revenir aussi sur plusieurs points qui concernent l'assistance médicale à la procréation.

Le texte issu de la commission permet la mise en oeuvre de la vitrification d'ovocytes. Ce procédé de congélation ultrarapide permet de mieux conserver les ovocytes, et donc de réduire le nombre d'embryons congelés. Le Gouvernement y est favorable. Je sais que le fait de fixer à trois le nombre d'ovocytes fécondés interroge certains chercheurs...

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur Brard, nous reviendrons ultérieurement sur ce sujet sérieux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Il s'agissait de la réunion de l'UMP, ce matin !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

…et que certains pays étrangers sont en dessous de ce chiffre. Peut-être faudra-t-il trouver une rédaction qui permette de ne pas fermer les portes tout en montrant que nous sommes fermes sur les principes…

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

…et qui prenne en compte la remarque des médecins mais aussi l'approche des femmes directement concernées.

Le texte issu de la commission permet aussi la levée de l'interdiction de prélèvement d'ovocytes sur des femmes qui n'ont encore jamais eu d'enfants. J'entends bien que l'objectif visé est de favoriser le don d'ovocytes et d'obtenir des ovocytes de meilleure qualité, comme certains le disent, encore que le terme soit difficile à définir. Je m'interroge sur les risques que pourrait entraîner une telle pratique. La liberté d'autonomie sera-t-elle aussi importante et garantie ? Je veux que nos échanges permettent de répondre à cette question.

Certains disent que ce don pourrait être un don pour soi, pour plus tard. Dans ce cas, ne sommes-nous pas en rupture avec la philosophie même du don ? Peut-être un ministre n'a-t-il pas le droit de poser ces questions.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Si !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

En tout cas, je me les pose.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Concernant le transfert d'embryons congelés chez une femme après le décès du père, nous devons nous demander si l'on peut sciemment décider de faire naître un enfant sans père, parce que je pense que ce n'est pas la même chose de naître orphelin et d'être conçu orphelin.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Des accidents de la vie peuvent faire qu'on peut naître orphelin, et la dimension est différente encore lorsqu'il s'agit d'être conçu orphelin. Là aussi, je pense que les débats devraient nous éclairer sur ce point.

Concernant l'accès aux origines pour les personnes issues d'un don de gamètes, votre commission a souhaité revenir sur les dispositions figurant dans le projet de loi concernant la levée de l'anonymat. Comme je l'ai dit à différentes reprises, je soutiens cette position, parce qu'il y va de notre conception de la parentalité et de l'équilibre de la famille. Je pense que l'on ne peut pas mettre sur le même niveau la question du droit de connaître ses origines et la préservation de l'anonymat. Pour moi, l'élément déterminant reste l'affirmation du principe selon lequel l'anonymat préserve les dons. Et, s'agissant du don, les deux piliers que sont la gratuité et l'anonymat sont forcément intangibles. Toucher à ces deux principes fondateurs, c'est prendre de vrais risques quant à l'évolution à venir.

Le rapport de votre mission d'information a d'ailleurs bien montré les fondements de ce principe d'anonymat. Il vise à garantir le caractère altruiste et désintéressé du don, en évitant notamment tout paiement du donneur par le couple bénéficiaire, ainsi qu'à protéger le couple.

Je terminerai sur un autre sujet important de ce débat bioéthique, la question du dépistage prénatal, notamment de la trisomie 21. Il n'est pas possible, d'une façon ou d'une autre, que s'opère une sélection génétique des enfants à naître et nous devons veiller à ce que ce dépistage ne conduise pas à une décision automatique d'interruption médicale de grossesse, parce que le libre arbitre de la femme et du couple doivent pouvoir être respectés. Je suis donc favorable à ce qu'il y ait différents avis pour éclairer les couples, afin qu'ils puissent effectuer un vrai choix, en conscience. Se pose notamment la question du délai.

Sur ces sujets difficiles, notre rôle est de donner un cadre qui permette à chacun un libre choix. Cela signifie que nous devons faire évoluer notre regard sur la trisomie 21 et, plus largement, sur le handicap car nous savons bien à quel point notre société a du mal à accueillir les différences.

Encore une fois, en tout homme et en toute femme politique il y a un homme et une femme qui sait bien que sur ces sujets il ne saurait être question de consignes de vote. Ce débat important ne devrait pas ressembler aux autres puisqu'il traite d'un sujet à part.

Bien qu'elle ne repose pas forcément sur un fondement législatif, je souhaite évoquer la question du don d'organe. Reconnaissons qu'il est indispensable de favoriser la greffe et le don d'organe. S'il est bien un sujet sur lequel nous ne pouvons légiférer, c'est celui de savoir de quelle manière aborder, dans chaque famille française, la question du don d'organe. Nous y reviendrons au cours de la discussion.

Il n'est pas question de revenir sur la loi de 1976, l'une des plus belles, des plus importantes qui soient. Reste que ce texte est si fort – il prévoit que chacun est présumé donneur –, si évident qu'on n'en parle pas.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Bien souvent, quand survient un accident, ce n'est pas celui qui a donné qui a choisi mais c'est la famille qui, souvent consultée sous le choc, décidera.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Le principe qui sous-tend le texte est certes important, mais pas moins que son effectivité. Si nous pouvons faire en sorte que chaque famille française aborde cette question de façon dépassionnée, nous aurons progressé au-delà même de la présente discussion.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, nous avons conscience que les questions de bioéthique sont des questions radicales, parce qu'elles nous interrogent sur la finalité de la médecine et de la technique comme sur la valeur que nous donnons à la vie humaine. Avec Nora Berra, nous souhaitons qu'au-delà des prises de positions de chacun, la discussion nous permette d'approfondir l'ensemble des enjeux de ce texte, dans le respect à la fois de la liberté de l'individu, de la protection des plus fragiles – et même de tous – et de la dignité humaine.

Vous ne vous étonnerez pas qu'à différentes reprises le Gouvernement s'en remette à la sagesse de l'Assemblée : celui qui pense détenir la réponse définitive à tout est certainement plus proche de l'erreur que de la vérité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, ainsi que Xavier Bertrand vient de le souligner, ce projet de loi sur la bioéthique constitue une interrogation essentielle sur notre responsabilité et sur les valeurs qui fondent notre société.

La présente discussion repose sur le principe consistant à protéger et à préserver chaque Français, en particulier les plus vulnérables, contre des pratiques qui bafoueraient l'intégrité et l'inviolabilité du corps humain, et exploiteraient des éléments et des produits du corps.

Notre devoir est de préserver la dignité de la personne humaine. Le texte sur lequel vous avez mené un travail très dense, dont je salue la qualité et la profondeur, vise avant tout à informer, accompagner, responsabiliser les patients et leur entourage. Il s'agit également de tenir compte des avancées scientifiques et de l'évolution des moeurs, avec des enjeux énormes, non seulement pour ce qui concerne l'exercice des libertés individuelles, mais aussi parce que, plus de quinze ans après le vote des premières lois de bioéthique, nous devons nous adapter à une perspective qui a changé.

La demande sociale d'aménagement et d'assouplissement tournée vers la satisfaction des aspirations individuelles a progressé. Néanmoins, une demande d'encadrement continue de s'exprimer, notamment face aux progrès rapides de technologies médicales qui peuvent en effet multiplier les risques de dérive – d'où notre vigilance.

Cette vigilance doit aussi s'exercer sur les propos que l'on tient. Quand, en effet, j'entends, depuis ce matin, évoquer un « bébé médicament », je trouve l'expression pour le moins déplacée car ce bébé est avant tout le fruit d'un projet parental, même si, certes, il permet de guérir un membre de la fratrie parce qu'on a constaté dans sa famille une maladie génétique. J'approuve donc la prouesse médicale et scientifique mais ne puis consentir à l'instrumentalisation de la conception, conception qui doit avant tout reposer sur le désir d'être parents.

En ce qui concerne le don, il nous fallait remédier à une pénurie préoccupante en organes pouvant être greffés. Les techniques chirurgicales et les traitements anti-rejet ont fait la preuve de leur efficacité. La qualité de vie des patients qui ont bénéficié d'une greffe s'est incomparablement améliorée. Pourtant, depuis 2004, le nombre de greffes n'a que très faiblement augmenté, avec un nombre très réduit et stable de donneurs vivants.

Le texte présente une avancée significative que vous avez soutenue en commission car il prévoit la possibilité d'organiser la pratique de dons croisés entre donneurs vivants, en ne réservant donc plus ce type de greffe à la seule parentèle proche, mais en assurant un encadrement renforcé de ces prélèvements.

Tant l'Agence de biomédecine que le Conseil d'État dans son rapport d'avril 2009 avaient insisté sur le fait que cette pratique devait être rigoureusement encadrée en élargissant le cercle de donneurs. Il était impératif d'empêcher toute possibilité de pression sur le donneur – je pense aux dons en retour, au danger de marchandisation du corps humain.

Autant, pour le receveur, le contenu des formalités est inchangé, avec la nécessité d'être inscrit sur une liste nationale d'attente ; autant, pour le donneur vivant, la procédure de consentement a été maintenue pour s'assurer de l'absence de coercition sur le donneur. Il est informé par le comité d'experts des risques qu'il encourt et des conséquences éventuelles du prélèvement. Il exprime son consentement libre et éclairé, consentement qui est révocable à tout moment.

Enfin, sur le plan pratique, il est demandé que les prélèvements et les greffes soient réalisés de manière simultanée – procédure lourde mais qui apparaît indispensable au succès des interventions. Cette disposition est de nature à augmenter de 25 à 40 % le nombre de greffons de donneurs vivants, et nous ne pouvons que nous en réjouir.

Pour ce qui est des nouvelles techniques d'assistance médicale à la procréation, le premier point important est de conditionner l'accès à l'assistance médicale à la procréation au constat d'une infertilité médicalement constatée au sein d'un couple.

Il me paraît essentiel que, dans ce projet, l'accent soit mis sur l'information de la femme enceinte aux différentes étapes du diagnostic prénatal. Ce dernier comporte des examens de dépistage et, le cas échéant, des examens de diagnostic en cas de suspicion d'anomalie. Cependant, à tout moment, grâce au renforcement de l'information lors de ces différents examens, la mère doit rester libre de ses choix.

Par ailleurs, pour toute démarche d'assistance médicale à la procréation, il paraît important de s'assurer de l'existence d'une vie commune des deux futurs parents. Ce sujet fera l'objet, à n'en pas douter, d'échanges importants.

La recherche sur l'embryon et les cellules embryonnaires, pour sa part, reste très discutée et suscite des craintes légitimes. Le principe d'interdiction de toute recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires devrait être maintenu et placé, comme actuellement, sous le contrôle de l'autorisation de l'Agence de biomédecine.

Il était primordial d'affirmer l'importance que notre société accorde à la protection de l'embryon, qui est le point de départ du vivant.

Pour autoriser ces recherches, la notion de « progrès thérapeutique majeur » serait remplacée par celle de « progrès médical majeur ». Cette distinction de terminologie n'est pas anodine : il s'agit de dépasser la notion de finalité thérapeutique en précisant qu'il s'agit non seulement de soigner ou de traiter une maladie mais aussi de la prévoir ou de la diagnostiquer. L'aspect thérapeutique, en effet, ne doit venir qu'après une appréhension plus globale de la recherche.

Le Gouvernement vous propose par conséquent de maintenir le dispositif actuel, c'est-à-dire celui consistant à interdire toute recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, avec toutefois des dérogations autorisées par l'Agence de biomédecine. Cette dernière évalue les projets de recherche, sélectionne les plus pertinents sur le plan scientifique et respectueux en matière éthique. L'élan des chercheurs dans ce domaine ne devrait pas être pénalisé.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

C'est pourquoi il n'apparaît plus utile de réviser la loi tous les cinq ans.

Permettez-moi enfin d'aborder la question de la possibilité de transfert d'embryon post mortem, que la commission a souhaité autoriser si le père en a exprimé la volonté dans un délai de dix-huit mois avant sa mort. Vous savez que le Gouvernement n'y est pas favorable et entend déposer un amendement pour revenir sur cette disposition.

J'ai, pour ma part, vraiment du mal à admettre qu'à cause de ce dispositif on permette la naissance d'enfants orphelins et qu'on leur fasse ainsi subir un deuil dès la sortie du ventre de leur mère. C'est un fardeau que ces enfants auraient à vivre tout au long de leur existence et l'on imagine aisément le déséquilibre psychologique et émotionnel dans lequel on les placerait alors de façon volontaire.

Mesdames et messieurs les députés, ces quelques points importants du projet de loi, que je viens d'évoquer devant vous, illustrent bien un débat essentiel de société. Je rends hommage à l'important travail accompli par la commission sous la présidence d'Alain Claeys, ainsi que par le rapporteur, Jean Leonetti, mais aussi à leur souci constant d'apporter des réponses courageuses à des questions si sensibles, qui touchent à l'humain. Vous avez fait preuve de détermination, mais aussi de modestie – qualité dont il faut faire preuve quand on touche à l'intime mais aussi à la préoccupation collective.

En prenant en compte l'évolution de la société, vous vous êtes inscrits dans le droit fil des états généraux de la bioéthique et vous avez respecté la conviction qu'en matière d'éthique individuelle et collective, c'est la prise en compte d'une permanence de l'idée d'humanité qui doit être privilégiée.

Je vous en remercie et je crois, avec Xavier Bertrand, que c'est la bonne attitude et le meilleur état d'esprit pour faire progresser les questions cruciales de société. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Jean Leonetti, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous allons examiner le projet de loi relatif à la bioéthique qui a bénéficié d'une longue phase de réflexion préalable, alimentée par de nombreux rapports – celui de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, celui de l'Agence de la biomédecine, celui du Comité consultatif national d'éthique, celui de la mission parlementaire, celui du Conseil d'État, enfin celui de la commission spéciale. Il s'en est heureusement suivi une riche et dense réflexion.

Pour la première fois, enfin, le Président de la République a souhaité que les citoyens soient associés à la préparation de la loi, qu'ils s'approprient ces sujets qui font partie de notre avenir commun. Des états généraux de la bioéthique ont été mis en place en utilisant, en particulier, la méthode des conférences citoyennes qui ont permis une avancée primordiale dans le domaine de la démocratie participative.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

L'apport conceptuel du Président de la République reste à démontrer !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Quand il s'agit du Président de la République, c'est toujours modeste !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

En ce qui concerne la modestie, chacun, M. le ministre l'a très bien dit, garde à l'esprit la nécessité d'un doute collectif si utile, fertile et qui permet de parvenir non à des compromissions mais à des compromis d'équilibre et qui sont l'honneur de notre démocratie.

Il ne s'agit pas d'opposer une morale comme un obstacle à une science conçue comme un progrès, ni de définir le bien et le mal. Il s'agit d'aborder les conflits de valeurs dans une optique de moindre mal visant à trouver une solution équilibrée et efficace à des problèmes complexes.

Tout au long des débats, je vous ai fait part, en toute transparence, des hésitations qui étaient les miennes – je le sais, ce sont aussi les vôtres –, de mes contradictions, de mes ambiguïtés et même, à l'issue de nos travaux, de mes interrogations constantes.

Sur certains sujets, comme sur le transfert d'un embryon post mortem qui a été accepté par notre commission, je ne revendique aucune certitude absolue. En l'espèce, je vois bien la violence du double deuil que subit la femme qui perd en même temps son conjoint et la possibilité d'enfanter ; mais je vois aussi le risque évident qu'il y a à programmer des enfants à naître orphelins.

Comme nous tous, j'en suis certain, je considère ces sujets avec une grande gravité, car si nous devons, évidemment, définir le permis et l'interdit en prenant en compte les techniques scientifiques, il s'agit bien plus encore d'interroger nos valeurs communes et de les confronter à la réalité de leur application. À terme, il nous revient de définir notre notion de l'humanité et de l'homme en général, confronté à des réalités concrètes.

En effet, la bioéthique n'est pas un débat éthéré ou purement philosophique. Elle doit dire le permis et l'interdit ; dire ce qui est possible et ce qui ne l'est pas, et positionner le curseur en faisant référence à l'ensemble de nos valeurs dans des circonstances et une situation données. Plutôt que d'énoncer les valeurs qui justifient d'interdire ou de permettre, il serait donc préférable de considérer les découvertes scientifiques qui nous poussent à réactualiser et à moderniser les valeurs républicaines que nous avons en partage, pour faire en sorte qu'elles soient encore vivantes et modernes.

La commission spéciale qui s'est réunie les 25 et 26 janvier 2011 pour examiner le projet de loi a adopté cent dix-sept amendements sur les deux cent quarante-deux qui lui étaient présentés. Je veux souligner la qualité et la richesse de ses débats, et remercier publiquement M. Alain Claeys pour la qualité de sa présidence, et pour la façon dont il a su gérer notre diversité et nos contradictions en privilégiant toujours l'intérêt général.

L'homme est le résultat imparfait du hasard des rencontres humaines et des combinaisons génétiques. Cette imperfection implique la diversité. La recherche de l'enfant parfait constitue une tentation dangereuse de la science. Nous le savons, le diagnostic anténatal, qu'il soit préimplantatoire ou prénatal, comporte un risque de dérive eugénique souligné, notamment, par l'étude du Conseil d'État parue en mai 2009.

Nous devons donc renforcer la faculté pour la femme enceinte de disposer, de façon générale, d'une information claire, accessible, complète et équilibrée, afin que son consentement soit donné et que ses décisions soient prises en parfaite connaissance de cause. Dans notre société pluraliste et laïque, le choix et les conséquences de la décision appartiennent à la seule femme, en sa conscience personnelle.

Concernant la levée encadrée de l'anonymat du don de gamètes, proposée par le projet de loi initial, je voudrais vous transmettre ma conviction que l'homme est irréductible à sa seule composante génétique. Comme le disait Romain Gary : « Il ne suffit pas de venir au monde pour être né. » Un être ne saurait se résumer à ses gènes. Que serait un enfant livré à sa seule physiologie, sans éducation, sans amour, sans liens avec les autres humains ? L'homme est un produit des autres, des savoirs transmis et des amours donnés. Comme le soulignent les états généraux de la bioéthique, il faut privilégier l'histoire parentale par rapport à la généalogie biologique.

Il nous est ainsi apparu qu'il était de l'intérêt des familles, mais aussi des enfants eux-mêmes, de ne pas remettre en cause l'anonymat du don de gamètes. En effet, selon nous, la levée de l'anonymat serait susceptible de favoriser le secret dans les familles, de rendre les citoyens inégaux devant la loi et, surtout, de conforter l'idée trop répandue, et souvent erronée, du déterminisme des gènes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

C'est pourquoi, à une large majorité, la commission spéciale a choisi de maintenir le principe de l'anonymat du don de gamètes.

Pour ce qui concerne l'assistance médicale à la procréation, notre ligne de conduite a été inspirée par l'idée que les innovations médicales ont pour objet de remédier à une anomalie, de traiter une pathologie ou de corriger un handicap, et non de satisfaire toutes les demandes sociales ni de répondre à toutes les insatisfactions ou aux désirs individuels.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Les techniques d'assistance médicale à la procréation doivent être employées non pas pour satisfaire une demande d'enfant érigée en véritable droit, mais bien pour pallier une infertilité médicalement constatée. Lors du forum de Rennes, les états généraux de la bioéthique ont permis d'affirmer qu'il était essentiel que l'AMP reste réservée aux cas d'infertilité médicale, en soulignant qu'elle ne devait pas « être considérée comme une solution à tous les désirs individuels d'enfant ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

C'est la raison pour laquelle nous avons proposé à la commission, qui l'a accepté, de consacrer l'égalité des couples devant l'accès à l'AMP, que ces couples soient mariés, pacsés ou concubins. Le problème étant médical et non social, l'interrogatoire médical doit prouver l'infertilité médicale du couple en désir d'enfant, sans référence au choix effectué concernant la vie commune.

Selon la même démarche, nous avons refusé d'étendre le bénéfice de l'AMP aux femmes célibataires ou aux couples homosexuels dont l'orientation sexuelle aboutit à des infertilités qualifiées de « sociales », qui ne sont, en aucun cas, médicales. En outre, reconnaître aux couples homosexuels le droit à l'AMP soulèverait nécessairement la question de la gestation pour autrui.

Parce qu'Alain Claeys l'a voulu, la question de la gestation pour autrui a été abordée en commission spéciale bien qu'elle ne figure pas dans le projet de loi. Il est apparu à la majorité d'entre nous que cette pratique remettait en cause la plupart des grands principes de la bioéthique : l'indisponibilité du corps humain, la non-marchandisation du corps, la dignité de la personne et le principe selon lequel jamais un sujet ne peut être objet de contrat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Cette option n'a donc pas été retenue par la commission.

C'est également parce que nous récusons toute marchandisation du corps humain que nous avons voulu faciliter le don d'ovocytes. Nous avons ainsi permis aux femmes nullipares de donner leurs ovocytes, en contrepartie d'une autoconservation d'une partie de leurs gamètes.

Évidemment, il ne s'agit pas de préserver les gamètes pour la convenance de chaque personne. Nous voulons éviter qu'une femme n'ayant pas encore eu d'enfant et ayant fait un don de gamètes ne se retrouve en situation d'infertilité et ne regrette d'avoir participé à une naissance en dehors de sa propre famille alors qu'elle se trouve dans l'impossibilité de procréer. Ce « donnant-donnant » de générosité, d'anonymat et de gratuité permet d'éviter la rémunération, telle qu'elle se pratique en Espagne, tout en maintenant un lien fort.

Un amendement judicieux de M. Paul Jeanneteau tend à traiter les gamètes des hommes de la même façon que ceux des femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Monsieur Vialatte, je confonds les talents ; je vous prie de m'en excuser.

Les hommes n'ayant pas encore eu d'enfants pourront faire un don de sperme en se préservant d'une éventuelle stérilité.

Sur le point, particulièrement sensible sur tous les bancs de l'hémicycle, et peut-être plus encore à droite, parce qu'il touche aux origines de la vie, de la recherche sur l'embryon humain et sur les cellules souches embryonnaires qui en sont dérivées, il m'est apparu, en dernière analyse, après avoir vainement tenté de créer deux régimes, en séparant le cas de la cellule souche embryonnaire du cas de l'embryon, que le régime le plus lisible était celui du maintien de l'interdiction avec dérogation pérenne. La dérogation pérenne permet aux chercheurs de s'engager de manière sereine sur les chemins de la recherche.

Par ailleurs, à l'initiative de M. Xavier Breton et de certains de ses collègues, nous avons adopté des amendements visant à limiter le nombre d'amendements surnuméraires.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jardé

Vous pensez sans doute à mes amendements ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

À nouveau, je rends à César ce qui est à César : Olivier Jardé et Xavier Breton ont oeuvré dans le même sens.

Ainsi, grâce à un système pérenne de dérogation à une interdiction de principe constitutive du droit, j'ai acquis la conviction que la recherche médicale française ne sera pas freinée.

M. le ministre le rappelait, les questions bioéthiques ne sont pas des questions comme les autres. Il fallait donc renforcer le contrôle démocratique exercé sur l'Agence de la biomédecine ; nous l'avons fait en commission spéciale. Il fallait aussi que, chaque année, nous puissions nous retrouver dans l'hémicycle, à l'initiative de l'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, pour débattre des avancées de la recherche médicale et de leurs conséquences pour la préservation de la dignité de la personne. Il fallait, enfin, que nous puissions légiférer, au cas par cas, chaque fois que cela serait nécessaire, en ayant recours à un débat populaire afin que la population s'approprie des sujets parfois confisqués par les experts ou les responsables politiques. Tout cela est désormais prévu par le projet de loi.

Cependant, restons modestes. Qui parmi nous aurait pu croire, hier, que les cellules souches embryonnaires pouvaient être supplantées par la découverte des cellules souches induites ? Qui avait prévu les applications des neurosciences qui comportent, à mon sens, les plus grands dangers pour l'avenir ? Songez que l'on peut désormais détecter les mensonges à partir d'IRM dynamiques et ainsi déterminer la volonté de la personne !

Notre société est traversée par deux courants. L'un consiste à privilégier la liberté et l'autonomie de la personne ; il peut favoriser un aspect individualiste et égoïste de l'être humain. L'autre se fonde d'abord sur la vulnérabilité des personnes en considérant que le plus faible doit être aidé. Il repose sur une volonté collective et il nous impose des règles communes que nous devons tous respecter. Or il arrive que l'éthique de l'autonomie s'oppose à l'éthique de la vulnérabilité. Pour ma part, je serai toujours du côté de la vulnérabilité, car cette seconde éthique ne relève pas d'un projet prométhéen de toute puissance. Elle s'incarne plutôt dans le personnage d'Ulysse décrit par Homère comme divers, faible, mais aussi profondément humain.

Ainsi, refusant l'immortalité que lui propose Calypso, Ulysse oppose son humanité à la divinité. Cette « fidélité à nos limites », comme l'exprime Albert Camus, ne manque pas de grandeur.

Ainsi, Ulysse se fait-il attacher au mât de son bateau pour entendre le chant des sirènes sans céder à l'illusion, alors qu'il demande à ses compagnons de boucher leurs oreilles avec de la cire. Ulysse veut être lucide pour connaître, pour chercher et pour comprendre tout en acceptant ses propres limites : son humanité dans sa diversité et sa fragilité. « Un homme, ça s'empêche » disait Camus. Ulysse veut connaître le chant des sirènes, mais, conscient de sa fragilité, il s'empêche de sombrer dans l'illusion de la toute puissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

De cette quête de sens, imposée par le progrès de la science, doit émerger une pensée moderne, humaniste et spécifiquement française. Cette pensée affirme que la recherche médicale est indispensable et qu'elle ne doit pas être freinée, mais elle proclame aussi que la dignité de la personne doit être préservée en toutes circonstances.

Sur cette ligne de partage, complexe et ambiguë, nous devons avoir la capacité de trouver la mesure qui nous permettra de conforter une vision de l'homme assoiffé de savoir, de conquêtes et d'innovations, mais aussi fier de sa fragilité et de ses limites, constitutives de son humanité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Alain Claeys, président de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Claeys

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la révision de la loi relative à la bioéthique constitue, pour notre assemblée, un moment à la fois rare et particulier.

En tant que président de la mission d'information puis de la commission spéciale, je remercie très sincèrement et très chaleureusement mes collègues. La qualité de leurs débats a fait honneur au Parlement. Au sein de ces instances, nous avons pu tout nous dire. Certes, des oppositions sont apparues, mais nous avons pu débattre dans le respect des uns et des autres.

C'est la raison pour laquelle je me permettrai d'exprimer un seul regret, celui qu'une phrase d'un de nos collègues ait été mal utilisée, au service d'une propagande publiée aujourd'hui dans un grand journal du matin. En tant que président de la commission spéciale, non seulement je suis solidaire de ce député, mais je ne me retrouve absolument pas dans ses propos tels qu'ils ont été cités dans cette publicité, car son intervention était autrement plus complexe. Je le dis avec gravité, car ces sujets sont trop sérieux pour que l'on se prête, quelles que soient nos positions, à ce type de pratiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le ministre, nous avons pris la décision – qui doit être confirmée par le Parlement – de ne plus réviser les lois bioéthiques tous les cinq ans. Sur ce point, j'étais partagé, mais je suis arrivé à la conclusion que cette solution était la bonne, sous réserve que le texte que nous examinons soit effectivement une loi-cadre, qui fixe les principes que le législateur entend appliquer à la recherche sur le vivant. À ce propos, je veux rendre hommage à l'Agence de biomédecine, dont la création a été une avancée importante permise par la révision de 2004. Cette agence a en effet pour mission d'évaluer et d'encadrer les décisions du Parlement, et je crois pouvoir dire, en votre nom à tous, qu'elle a joué pleinement son rôle et qu'elle est une garantie essentielle des lois que nous votons.

Par ailleurs, nous sommes tous d'accord sur deux principes éthiques : le respect de la dignité de la personne humaine et la non-marchandisation. Ces deux principes, qui n'ont été contestés sur aucun banc, sont donc acquis et forment la colonne vertébrale de nos lois bioéthiques. Avec le rapporteur spécial, nous avons souhaité qu'au sein de la commission spéciale – dont les débats ont duré treize heures et qui a procédé à dix auditions –, soient traités les trois points suivants : la recherche – je vais y revenir –, l'anonymat et la gestation pour autrui. Cette dernière ne figurait pas dans le texte, mais il ne me semblait pas judicieux d'éviter ce sujet. Nous l'avons abordé utilement, et nous y reviendrons peut-être au cours de nos débats.

Je souhaiterais, pour que les choses soient claires, m'arrêter quelques instants sur la recherche. En 1994, celle-ci a été refusée par le législateur, lequel a encadré l'AMP et autorisé la création d'embryons surnuméraires puis la destruction de ceux-ci au bout de cinq ans. En 2004, à la question de savoir s'il fallait ou non autoriser la recherche sur les cellules souches embryonnaires, il a apporté une réponse assez complexe, qui, souvenez-vous, a été définitivement arrêtée au Sénat. Le législateur a en effet posé le principe de l'interdiction de toute recherche sur l'embryon, tout en établissant un moratoire de cinq ans et en prévoyant que des recherches pourraient néanmoins être autorisées, à condition que le protocole de recherche ne puisse pas être réalisé par d'autres moyens et qu'il ait une finalité réellement thérapeutique.

Reconnaissons qu'une telle décision ne facilite pas la vie de l'Agence de biomédecine, qui a pour tâche d'autoriser ces protocoles de recherche et de les évaluer. Six ans plus tard, l'Agence a interprété positivement l'intention du législateur et, aujourd'hui, les choses sont claires : les protocoles de recherche qui ont été acceptés l'ont été parce qu'ils portaient sur des embryons surnuméraires et respectaient des conditions précises : abandon du projet parental et non-implantation de l'embryon après les recherches. Ce cadre fonctionne bien ; il ne mérite pas d'être modifié.

Toutefois, on peut s'interroger sur la nécessité de maintenir une telle interdiction, dès lors que l'on prévoit des possibilités d'y déroger et que nous sommes d'accord pour autoriser des recherches sur les embryons surnuméraires, dans les conditions que j'ai rappelées. Je dois dire, monsieur le ministre, que les débats de la commission spéciale ont éclairé ma réflexion sur ce point. En effet, si une majorité s'est prononcée en faveur de ce principe d'une interdiction et de dérogations, je me suis aperçu – et je vous prends à témoin – qu'il ne revêtait pas la même signification pour tous ceux qui l'ont voté.

Ainsi, sans vouloir déformer la position de mes collègues, je crois pouvoir dire qu'il s'agit, pour certains d'entre eux, d'un moindre mal : au fond d'eux-mêmes, ils refusent la recherche sur les cellules souches embryonnaires, doutent de l'AMP et ne sont pas favorables au diagnostic pré-implantatoire, sans parler de l'avortement médical, que je n'évoquerai pas pour éviter toute polémique. D'autres, notamment le rapporteur, expriment une sensibilité différente et estiment qu'il s'agit d'un compromis acceptable. À ceux-là, je pose la question : l'interdit protège-t-il l'embryon ? En effet, si l'on y réfléchit bien, la transgression a lieu, non pas au moment de la recherche, mais au moment où l'on retient des cellules souches embryonnaires issus d'embryons surnuméraires destinés à la destruction au bout de cinq ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Claeys

J'ai réfléchi à cette question le plus honnêtement possible, et je ne sais pas si je parviendrai à convaincre. Mais si l'on en reste aux conditions que nous avons posées s'agissant des embryons surnuméraires, je ne vois pas pourquoi nous maintiendrions l'interdiction. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Claeys

Je ne veux pas faire de fixation. Puisque chacun a exposé ses arguments avec honnêteté, je veux également être honnête. Encore une fois, certains d'entre nous estiment que le principe d'une interdiction et de dérogations possibles est un moindre mal : leur préférence irait à une interdiction totale ; ils placent l'embryon au coeur du débat. En revanche, à ceux qui cherchent un compromis, en estimant que cette interdiction protège l'embryon, je réponds : non. La transgression a lieu au moment où l'on utilise des embryons surnuméraires voués à la destruction. En tout état de cause, je souhaite que nous puissions aller au bout de ce débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Claeys

Il y a un autre sujet que je ne comprends pas. Monsieur le ministre, vous avez indiqué que vous déposeriez un amendement sur la liberté de conscience. Or, un amendement similaire a déjà été déposé par un éminent membre de la commission. Sans vouloir déformer sa position, il me semble que son amendement s'inscrit dans la même logique que celle que j'ai exposée tout à l'heure. Vais-je déposer, avec mes amis, un amendement sur la liberté de conscience des chercheurs qui voudraient travailler sur les cellules souches embryonnaires ? Cela n'aurait pas de sens.

Par ailleurs, et Frydman et Jouannet l'ont bien expliqué, il faut pouvoir envisager des innovations thérapeutiques au profit de l'embryon.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Claeys

Pour quelle raison ce moment de la vie serait-il le seul pendant lequel on ne pourrait pas bénéficier de telles innovations ? Je souhaite que notre assemblée puisse en discuter. Des propositions ont été émises sur ce point, et je les soutiens, car c'est un sujet fondamental.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jardé

M. Vialatte et moi avons déposé un amendement à ce sujet !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Claeys

Un autre sujet a fait débat, et vous l'avez évoqué, monsieur le ministre. Il est vrai que, lorsque l'on parle de bioéthique, on ne parle pas uniquement de technique, mais aussi de femmes et d'hommes en souffrance, parce qu'ils sont en attente, soit d'un traitement contre une maladie incurable, soit d'un enfant. L'AMP n'est pas un parcours facile pour les femmes.

Lorsque la question de l'implantation d'un embryon post mortem s'est posée, je me souviens que le débat sur ce sujet a duré une nuit à l'Assemblée. Actuellement, qu'est-il proposé à une femme dont le compagnon meurt brutalement ? La loi ne lui offre que deux possibilités : soit détruire cet embryon, soit le donner à un tiers. C'est une situation impossible ! Le législateur a donc envisagé cette situation, avec beaucoup d'hésitations, car il lui fallait tenir compte de la période de deuil – la décision ne doit pas être prise dans un moment d'intense émotion – et définir un délai. Je me réjouis que nous ayons pu reprendre un amendement sur ce sujet en commission. Mais le débat n'est pas simple.

Enfin, en 2004, il y avait les cellules souches adultes et les cellules souches embryonnaires. Il a d'ailleurs été demandé au législateur d'évaluer ces recherches. Or, il ressort de ces évaluations qu'elles doivent continuer au même rythme.

La découverte faite par un chercheur japonais, et confirmée par des équipes américaines, des cellules souches adultes reprogrammées, dites cellules iPS, a semblé constituer une réponse pour ceux qui étaient hostiles aux recherches sur les cellules souches embryonnaires. Mais il faut avoir l'honnêteté de dire à nos concitoyens que sans les recherches sur les cellules souches embryonnaires, jamais on n'aurait pu faire cette découverte sur les cellules souches iPS !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Claeys

Tout est lié, et si l'on entend parfois dire que les cellules iPS ne posent plus de problèmes éthiques, en réalité, qui peut le savoir ? Si, demain, ces cellules iPS produisent des gamètes, ne pensez-vous pas que des problèmes éthiques essentiels se poseront ?

Je considère donc qu'il faut mener de front l'ensemble de ces recherches, pour deux raisons. Premièrement, parce que ces recherches pourraient éventuellement aboutir à des progrès thérapeutiques – ce que nous espérons tous, mais que les deux essais cliniques en cours dans le monde ne permettent pas d'affirmer pour le moment.

Deuxièmement, en matière de recherche fondamentale, on sait très bien que la différenciation cellulaire et l'étude de ses mécanismes peuvent permettre, demain, de comprendre un certain nombre de mécanismes liés à des maladies aujourd'hui incurables. Dans un pays comme le nôtre, va-t-on se priver de telles recherches au nom de je ne sais quel dogme ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Claeys

Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, chaque fois que nous avons eu à réviser les lois bioéthiques, nous avons pris soin d'auditionner tous les courants religieux et philosophiques, chacun de ces courants nous expliquant ce qu'étaient, selon lui, l'origine de la vie et la fin de la vie. J'ai toujours considéré que, dans un État laïque, il était de notre devoir d'écouter tout le monde. Cependant, en tant que parlementaires, nous n'avons pas à arbitrer entre telle et telle religion.

Pour moi, les lois bioéthiques sont des lois relatives aux droits de l'homme. Le législateur a concilié trois droits : le droit du malade de pouvoir espérer disposer, demain, d'un traitement pour une maladie aujourd'hui incurable ; le droit du chercheur de pouvoir chercher librement, dans un cadre légalement défini ; enfin, le respect de la personne humaine.

Lorsque le législateur s'apprête à prendre une décision, il doit concilier ces trois droits. C'est alors rarement blanc ou noir, mais le plus souvent gris, et c'est toute la difficulté des lois bioéthiques. (Applaudissements sur l'ensemble des bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

J'ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Noël Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, notre assemblée est appelée à débattre et à se prononcer sur l'évolution du cadre législatif qui encadre les questions bioéthiques. À ce jour, l'historique des lois liées à la bioéthique en France comporte deux dates importantes, 1994 et 2004. Mais il faut remonter à 1983 et à la mise en place du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé, pour dater la volonté des pouvoirs publics de mener une réflexion et d'offrir un cadre sur des questions qui ne relèvent pas seulement de la science, mais également et sans doute d'abord de notre conscience.

En 1988, dans son étude Sciences de la vie, de l'éthique au droit, le Conseil d'État avait appelé l'attention des pouvoirs publics sur la nécessité de légiférer, après avoir conduit un débat public préalable à l'engagement du travail législatif. Ce débat, largement alimenté par les avis du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé, a abouti au vote des trois lois dites « de bioéthique » : la loi du 1er juillet 1994 relative au traitement de données nominatives ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé ; les lois du 29 juillet 1994 relatives, d'une part, au respect du corps humain, d'autre part, au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal.

Si l'on y ajoute la loi du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales, on aboutit à un ensemble législatif très complet qui a défini un cadre au développement du progrès médical.

Ces lois que l'on a communément regroupées sous le qualificatif de « bioéthiques » recouvrent, en effet, à la fois l'affirmation des principes généraux de protection de la personne humaine, introduits notamment dans le code civil, les règles d'organisation de secteurs d'activités médicales en développement tels que l'assistance médicale à la procréation ou les greffes, ainsi que des dispositions relevant du domaine de la santé publique ou de la protection des personnes se prêtant à des recherches médicales.

Après un débat, le législateur a estimé que certaines des dispositions adoptées en 1994 devaient faire l'objet d'un réexamen pour tenir compte de l'évolution rapide des techniques et des enseignements qui pourraient être tirés de leurs premières années de mise en oeuvre. La loi du 29 juillet 1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, a donc fait l'objet d'une révision en 2004.

Ce choix du législateur s'est trouvé conforté par les évolutions qui ont caractérisé les sciences de la vie depuis 1994. En premier lieu, on peut constater que la question de savoir s'il faut légiférer en ces matières n'est plus réellement un sujet de débat, à quelques exceptions près. Nous le savons, il existe aujourd'hui une demande importante des professionnels et de l'opinion publique tendant à ce que des règles claires encadrent le développement des techniques nouvelles, notamment en matière de lutte contre la stérilité et de greffes d'éléments du corps humain. En montrant sa capacité à donner un cadre à la diffusion du progrès médical, le législateur a ainsi suscité une nouvelle demande de droit.

Ensuite, le droit de la bioéthique s'est largement diffusé sur le plan international, avec, d'une part, la Déclaration universelle sur le génome humain adoptée par l'UNESCO le 11 novembre 1997 et, d'autre part, la signature, le 4 avril 1997, de la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine, élaborée sous l'égide du Conseil de l'Europe et entrée en vigueur à la fin de l'année 1999. Par ailleurs, depuis la fin des années 1980, la plupart de nos voisins européens se sont dotés de lois dans le domaine des sciences de la vie. Par-delà les différences inhérentes à l'histoire et aux cultures de chaque pays, ces lois traduisent le souci de trouver un point d'équilibre entre le développement du progrès médical et scientifique et le respect de règles éthiques correspondant aux aspirations contemporaines de nos sociétés.

Depuis l'adoption des lois de 1994, les techniques médicales et de biologie, notamment de la reproduction, ont évolué à un rythme accéléré. À ce titre, l'exemple du clonage est révélateur de la nature des problèmes, voire des dilemmes, créés par les progrès des sciences de la vie. Le développement des techniques de clonage reproductif sur des mammifères est venu nous rappeler une réalité : l'imprévisibilité du rythme et de l'ampleur des avancées scientifiques. En 1994, la question du développement de cette technique était largement absente des débats parlementaires, tant elle paraissait éloignée du champ des possibles. Mais en 1997, le clonage de la brebis Dolly, très largement relayé par les médias du monde entier, a avivé l'angoisse des opinions publiques internationales face à une « révolution biologique » susceptible de conduire à des atteintes inacceptables à la dignité de la personne humaine et à sa descendance. C'est ce qu'en 1945 le philosophe Günther Anders appelait « la honte prométhéenne ».

Ces poussées d'inquiétude collective, concentrées sur la mise en oeuvre du clonage reproductif chez l'homme, ont obscurci la perception de l'intérêt thérapeutique de l'application de cette technique aux cellules humaines, notamment embryonnaires, ainsi que les problèmes éthiques spécifiques qu'elle pose. Les recherches actuellement conduites sur des cellules embryonnaires d'animaux tels que la souris ouvrent, en effet, des perspectives très prometteuses dans la lutte contre certaines maladies encore largement incurables, mais viennent poser, avec une acuité nouvelle, la question dite du « statut de l'embryon humain ».

La révision, en 2004, des lois de bioéthique de 1994 se fondait sur quelques principes connus : l'interdiction du clonage, qu'il soit reproductif ou thérapeutique ; le principe d'interdiction de la recherche sur l'embryon et les cellules embryonnaires, sauf dérogation – ces recherches pouvant être autorisées sur l'embryon et les cellules embryonnaires, pour une période limitée à cinq ans, si « elles sont susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs » – ; l'élargissement du cercle des personnes pouvant procéder à un don d'organe pour une greffe ; l'autorisation de la brevetabilité pour « une invention constituant l'application technique d'une fonction d'un élément du corps humain » ; enfin, la création d'une Agence de biomédecine.

Nous sommes donc aujourd'hui appelés à revoir le dispositif législatif que je viens d'évoquer. Avant d'entrer dans le coeur du sujet, donc du texte qui nous est soumis, permettez-moi de procéder à quelques remarques préliminaires. Nous savons tous, sur les bancs de cette assemblée, que les sujets en débat sont passionnels, qu'il s'agisse de l'assistance médicale à la procréation et de son éventuelle ouverture aux couples homosexuels, de la légalisation de la gestation pour autrui, de la levée de l'anonymat du don de gamètes, ou de l'autorisation de la recherche sur l'embryon et les cellules souches. Ces sujets divisent l'opinion, les partis, et aussi la représentation nationale. Ils relèvent à la fois de la politique au sens le plus classique du terme, mais aussi, et sans doute plus que d'autres sujets, de notre conception la plus intime de la vie et de l'organisation sociale. Je crois que pour mener un débat fructueux, il convient de ne pas disqualifier, au cours de notre discussion, les points de vue contraires, même s'il faut avoir en tête que les avancées législatives sur des questions liées à ces problématiques ont, la plupart du temps, eu lieu dans des contextes de grande polémique. Et les lignes de partage ne recoupent pas toujours les frontières partisanes.

Ainsi, le 26 novembre 1974, Simone Veil, alors ministre de la santé, présentait ici même le projet de loi sur l'interruption volontaire de grossesse, dans une atmosphère d'une grande violence, faisant face avec dignité aux attaques les plus outrancières. Trente ans plus tard, le droit à l'avortement n'est toujours pas un droit totalement acquis, il doit être sans cesse défendu ; trente ans plus tard, les femmes continuent à se heurter à de nombreux obstacles pour recourir à l'avortement, selon ce que constatent les associations de défense du droit à l'avortement et les professions de santé.

Deux IVG sur trois ayant lieu à l'hôpital public et les médecins acceptant de pratiquer les IVG étant peu nombreux, les délais d'attente sont souvent de trois à quatre semaines. Certains centres publics ou privés refusent, malgré la loi de 2001, de prendre en charge les mineurs sans autorisation parentale. De nombreuses structures privées ont fermé des lits réservés à l'IVG, l'acte étant considéré comme non rentable. Les femmes ont dû attendre trois ans pour recourir à l'IVG médicamenteuse, hors des structures hospitalières, après l'adoption de la loi Aubry. Des groupes parfois violents, opposés à ce droit des femmes, sont toujours au coin du bois, profitant du moindre événement pour repartir à l'attaque. Plus près de nous, le débat sur le PACS a été d'une violence blessante pour une grande partie de l'opinion. Les propos tenus au cours de la discussion parlementaire apparaissaient d'un autre âge, et j'espère qu'ils font aujourd'hui honte à leurs auteurs. Une bible a même servi d'argument !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Les avancées législatives sur ces questions ont donc rarement lieu dans le consensus. Où en serait le droit à l'avortement s'il avait fallu attendre l'unanimisme que certains réclament sur la bioéthique ? Certes, les questions traitées par le projet de loi font débat, mais faut-il, pour autant, choisir le statu quo et l'immobilisme, comme c'est le cas avec ce projet ? Le projet de loi présenté en conseil des ministres par l'ex-ministre de la santé, Roselyne Bachelot…

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Greff

Ce n'est pas avec vous que nous allons progresser, monsieur Mamère !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Si votre participation à ce débat se résume à de telles interruptions, vous pouvez vous en dispenser, madame Greff !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Greff

Quand j'entends ce que vous dites, je suis bien obligée de réagir !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Vous n'avez quasiment jamais pris part aux réunions ayant précédé cette séance !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Greff

J'ai le droit d'intervenir si j'en ai envie !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Allons, mes chers collègues !

Poursuivez votre intervention, monsieur Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Soyez aimable, pour une fois, madame, de faire preuve d'un peu de raison ! Tous les collègues qui sont ici, à droite comme à gauche, ont montré, avec Jean Leonetti et Alain Claeys, qu'il était possible de discuter de sujets sérieux sans pour autant se battre.

Ne vous transformez donc pas en virago ! Calmez-vous un peu, chère madame, et laissez-moi continuer sur ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Monsieur Mamère, veuillez ne pas prendre à partie vos collègues. Merci de poursuivre.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Le débat était d'un bon niveau ; s'il vous plaît, ne le rabaissez pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Greff

Avec vous, c'est sûr, il va être d'une haute qualité !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Faites-nous plaisir et taisez-vous quelques instants. Vous n'avez que vingt minutes à me supporter, madame. Ce n'est pas beaucoup, ni dans la vie d'autrui ni dans la vôtre !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Encore une fois, monsieur Mamère, je vous demande de ne pas prendre à partie vos collègues. Veuillez poursuivre.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Si cela ne vous plaît pas, madame, allez boire un coup à la buvette, cela vous fera du bien ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Le projet de loi présenté en conseil des ministres par l'ancienne ministre de la santé, Mme Bachelot, apportait certaines réponses gouvernementales à des questions très attendues.

Parmi elles, le régime de la recherche sur les embryons et les cellules embryonnaires, le choix entre le maintien ou la levée de l'anonymat sur les dons de gamètes ou d'embryon, les conditions d'accès à l'assistance médicale à la procréation ainsi que les techniques permises en ce domaine, c'est-à-dire pour l'essentiel l'éventuelle admission de la gestation pour autrui.

En matière de recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, le Gouvernement a fait le choix du principe d'interdiction, les recherches étant admises à titre d'exception. Le moratoire de cinq ans posé par la loi de 2004 n'est certes pas reconduit. La proclamation de ce principe peut paraître rassurante au regard de nos valeurs fondamentales, mais elle semble illogique du point de vue juridique.

Comme de nombreux observateurs l'ont noté, elle aboutit à la réaffirmation du maintien d'un principe, mais celui-ci est vidé de toute sa substance par la portée de l'exception dont il est assorti. Or il est de l'intérêt des citoyens que la loi soit lisible.

Ainsi, un régime d'autorisation, précisément encadré, serait davantage conforme à la réalité et en rendrait mieux compte qu'un régime d'interdiction dont le domaine d'application n'est guère plus large que celui de l'exception. Mais sur ce sujet, comme sur les autres, le Gouvernement a choisi le statu quo. Après avoir lancé le débat nécessaire au réexamen des lois bioéthiques, il semble, à l'approche des élections, avoir cédé aux composantes les plus conservatrices de sa majorité.

En effet, au fil du temps, les pistes de travail sont devenues des impasses. Sans doute le Gouvernement craignait-il de se trouver en contradiction, en porte-à-faux avec sa majorité et la partie la plus conservatrice et familialiste de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Permettez-moi de noter que, sur ce sujet comme sur d'autres, le Gouvernement, soumis à la pression des ultras, s'est rabattu sur des positions traditionnelles, pour ne pas dire traditionalistes.

Dans le domaine de l'aide médicale à la procréation, il a décidé d'ouvrir l'accès des techniques aux couples liés par un pacte civil de solidarité, mais pour mieux en écarter les couples de même sexe et les femmes célibataires.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

En effet, le projet se prononce contre, en réaffirmant que l'AMP ne peut être mise en oeuvre qu'une fois le caractère pathologique de l'infertilité médicalement diagnostiqué.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Le « M », dans AMP, est pour « médical » !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Sur ce point, le projet se trouve en décalage avec la société actuelle,…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Meunier

C'est vous qui êtes en décalage, monsieur Mamère !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

…qui n'est plus celle de 1994, notamment quant à la reconnaissance des couples de même sexe et au droit de fonder une famille.

Le choix du Gouvernement de rendre possible la levée de l'anonymat au sujet des dons de gamètes était une avancée. Cette disposition témoignait de la prise de conscience par le Gouvernement des difficultés rencontrées par certaines personnes nées d'un don.

La question de l'anonymat est cruciale. Nous sommes un certain nombre à y avoir réfléchi et même à nous être demandé s'il ne fallait pas maintenir l'anonymat.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Ce n'est pas la position que je défends aujourd'hui. J'ai lu un certain nombre de documents, j'ai rencontré des sociologues et j'ai compris que ce qui nous était proposé procédait à une confusion extrêmement dangereuse entre l'origine et la filiation. Il ne faut pas tomber dans ce panneau.

La question de l'anonymat est en effet cruciale. Elle est, parmi les questions abordées, la plus générale, celle qui précède et en quelque sorte commande toutes les autres, parce qu'elle pose directement le problème de ce que nous nommons le lien de filiation, autrement dit l'inscription des enfants nés d'AMP avec tiers donneur dans notre système commun de parenté.

Non, monsieur le rapporteur, je n'ai pas changé : au sein de la commission spéciale, j'ai bien dit que ma réflexion était en cours et je n'ai pas donné alors ma réponse, puisque je me suis abstenu lors du vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Mais non, je me suis abstenu. Vous pouvez le vérifier, même s'il était très difficile de voir qui votait pour et qui votait contre. On ne nous demandait pas non plus si l'on s'abstenait. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Est-il interdit de réfléchir, monsieur le rapporteur ?

Nous avons un peu de temps car nous sommes dans le cadre du temps programmé, ce qui nous permet de rester à la tribune aussi longtemps qu'on le veut. (Sourires.) Souvenez-vous : à la première réunion de notre commission sur la révision des lois de bioéthique, je vous avais suggéré que nous introduisions ce qui existe au Danemark depuis 1989, à savoir la conférence de citoyens, précisément pour que les gens formés à l'expertise puissent formuler un avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Vous avez récupéré une partie de cette proposition, mais je dis bien : une partie seulement. Lorsque le Conseil d'État a rendu son avis, on savait qu'il serait suivi et c'est exactement ce qui s'est passé.

Sur la question de l'anonymat, j'ai toujours eu une hésitation. J'avais le droit, en conscience et en tant que représentant du peuple porteur tout comme vous d'une part de la souveraineté nationale, de réfléchir sur un sujet qui ne doit pas être prisonnier de la biomédecine car il s'agit d'une question de société. Fallait-il rester dans une forme d'essentialisme, qui consiste à figer les choses, comme c'est un peu le cas de cette révision ? Celle-ci, en effet, se contente d'améliorer à la marge les lois de 1994 et de 2004. Elle ne tient pas compte des avancées médicales, qui doivent être encadrées, et de leurs conséquences sur la vie de famille, notamment en ce qui concerne ce que l'on appelle le droit à l'enfant, qui n'est pas simplement comme vous l'avez dit le désir d'enfant, le plaisir d'avoir un enfant lorsqu'on en est empêché par certaines conditions naturelles ou par l'orientation sexuelle.

Bref, il est vrai que cette question de l'anonymat était pour moi un sujet de réflexion…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

…et que, ma conviction étant faite, je la défends, parce que je pense qu'il faut que nous en débattions. De la même manière, j'ai été le seul à présenter, au sein de la commission spéciale, un amendement sur la gestation pour autrui. Je pense que ces sujets ne doivent pas être exclus de nos discussions. La représentation nationale fait son choix, délibère et vote, mais il est de notre devoir de ne pas escamoter le débat.

C'est la raison pour laquelle je reviens sur cette question. La filiation se trouve saisie, comme je viens de l'indiquer, par la biomédecine, au risque de créer une catégorie d'enfants à part de toutes les autres, la seule qui, par hypothèse, ne pourrait pas, et ce à jamais, obtenir de réponse – au moins sur une de ses lignes, paternelle ou maternelle – à la question qui, pour les autres, pour nous tous, est d'une importance évidente : « à qui dois-je d'être né ? » La question de l'origine et celle de la filiation ne sont pas les mêmes.

En effet, tout se passe comme si notre société moderne avait du mal à s'accorder avec elle-même. D'un côté, face à une stérilité que nombre de couples vivaient comme une tragédie, elle a inventé une nouvelle manière de faire des enfants en instituant un acte de don d'engendrement, qui implique différents acteurs aux rôles complémentaires et placés sous l'égide de l'autorité médicale. De l'autre, elle a décidé – au départ du moins car nombre de pays ont changé leur loi ces dernières années – de ne pas se rendre compte à elle-même de ce qu'elle faisait.

Au moment même où elle a permis à des enfants de naître autrement que comme le fruit de la rencontre d'un homme et d'une femme en organisant des dons de sperme, et à des receveurs-parents de valoriser au sein de leur propre couple aussi bien la dimension charnelle de la procréation que sa dimension intentionnelle, elle a décidé d'effacer les traces de ces actes en transformant les donneurs d'engendrement en fantômes anonymes, comme si ce qu'ils avaient fait, c'est-à-dire donner de leur capacité reproductive pour permettre à d'autres de devenir parents, ne trouvait pas de statut dicible, et pourquoi pas valorisable, dans notre culture. Comme si le don était ici couvert d'opprobre.

L'hypothèse d'une levée de l'anonymat des dons en AMP semble générer tout un ensemble de malentendus. Il existe désormais en France une véritable demande sociale de changement de la loi, issue en particulier des premiers concernés – une partie des enfants nés des premiers dons de sperme et devenus aujourd'hui de jeunes adultes – et prenant appui sur l'exemple de nombreux pays européens comme la Suède et la Grande-Bretagne. Ils réclament la levée de cet anonymat. Au droit français actuel, régi par la règle d'anonymisation de tous les dons – de sperme, d'ovocyte, d'embryon –, il est proposé de substituer un autre principe, celui de l'accès de l'enfant à ses origines personnelles.

Bien qu'elle soit clairement énoncée, cette revendication est rarement entendue pour ce qu'elle est, ce qui alimente de multiples faux débats et cette terrible confusion que j'évoquais il y a quelques instants entre l'origine et la filiation.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Ainsi, personne ne demande une loi qui changerait la règle pour les personnes ayant fait ou reçu un don antérieurement à une éventuelle réforme. Ce serait contraire au principe fondamental de non-rétroactivité des lois. Il n'est donc pas question de remettre en cause l'anonymat passé ou actuel. Il s'agit seulement de l'anonymat des dons futurs, à partir d'une échéance qui serait à fixer par la loi.

Il ne s'agit pas non plus d'établir un principe de transparence biologique, et encore moins d'imaginer une filiation fondée sur la biologie. Par hypothèse, en AMP, le parent – au sens de la filiation – n'est jamais celui qui fait le don d'engendrement, mais celui qui le reçoit et ce principe, loin d'être affaibli, a été conforté par tous les pays qui ont levé l'anonymat des dons.

Enfin, la revendication d'une levée de l'anonymat ne suppose pas que tous les enfants nés d'AMP avec tiers donneur aient les mêmes besoins psychologiques, ni même une perception identique de leur situation ; et elle ne prévoit même pas que tout enfant soit systématiquement informé des conditions de sa conception car ceci est de la responsabilité des parents.

Plus simplement, la revendication est que chacun puisse disposer des mêmes droits, autrement dit que la possibilité soit ouverte à chaque enfant concerné, lorsqu'il atteint un certain âge – sa majorité en l'occurrence – d'avoir accès à son dossier médical et aux informations qu'il contient d'ores et déjà sur l'identité du donneur ou de la donneuse de gamètes. Libre ensuite à chaque enfant de choisir s'il préfère connaître ou ignorer l'identité de son donneur, sans avoir à motiver ce choix qui lui appartient.

Pourquoi les malentendus semblent-ils s'accumuler en cascade pour obérer la discussion sur une éventuelle remise en cause de l'anonymat des dons en AMP ? C'en est au point qu'il est souvent nécessaire de rappeler que les enfants qui revendiquent l'accès à leurs origines ne cherchent pas des parents ; ils répètent au contraire à chaque instant qu'ils ont déjà des parents, qu'ils les aiment, qu'ils ne les remettent aucunement en question, et qu'il s'agit d'autre chose – de l'accès à leur histoire et des conditions de construction de leur identité personnelle.

Le refus par la commission spéciale de l'avancée gouvernementale qui permettait en effet, sur la base du volontariat, la levée de l'anonymat, est de ce point de vue caractéristique. Des arguments erronés ont parfois été évoqués, comme la baisse des dons en cas de levée de l'anonymat, qu'aucune étude sur les pays ayant fait ce choix ne confirme. J'ai d'ailleurs ici une étude sur la Suède parue dans la revue internationale Human Reproduction,qui montre à l'évidence que tout ce qui nous a été dit sur ce pays est de l'ordre de la contre-vérité, voire de la manipulation.

Au fond, la question qui est au coeur de ce débat et qui a été pour le moins évacuée, c'est est en réalité celle des fondements de la filiation. La levée de l'anonymat mettrait un terme, dans certains esprits, à cette fiction de filiation biologique que l'anonymat permet d'entretenir, comme si finalement la seule filiation qui vaille était l'engendrement naturel entre un homme et une femme.

Je ne suis pas insensible aux inquiétudes des parents, ces hommes et ces femmes qui ont fait le choix de l'AMP et redoutent parfois d'être menacés dans leur lien inconditionnel à leur enfant. Mais la levée de l'anonymat ne remet pas en cause le fait que la décision ultime revient toujours aux parents. Ce sont eux, dans tous les cas de figure, qui décident de dire ou non aux enfants la manière dont ils ont été conçus. Le rapport de la commission spéciale affirme même « qu'en cas de levée de l'anonymat, ils tairaient à leur enfant son mode de conception, de peur de voir un tiers faire irruption dans leur vie à sa majorité. »

La Suède, que je viens de citer, est le premier pays à avoir levé l'anonymat sur les dons de gamètes. C'était en 1985. La situation observée dans le pays, confirmée par l'étude que je citais, contredit les affirmations du rapport. Une écrasante majorité des participants à cette étude considère que les parents doivent parler du don de sperme ou d'ovocyte, être honnêtes avec les enfants. Peu nombreux sont ceux qui considèrent que le fait d'en parler fragiliserait les parents. L'intérêt de l'enfant est mis en avant par la moitié des personnes interrogées. La loi suédoise qui autorise les enfants nés d'un don de gamètes à leur majorité à connaître l'identité du donneur n'a pas encouragé les couples infertiles au secret.

Les défenseurs du statu quo en matière d'anonymat semblent indifférents à cette réalité internationale. Non seulement les jeunes issus d'un don et voulant avoir accès aux données identifiantes sont très loin d'être isolés – sept jeunes Américains concernés sur dix souhaitent accéder à l'identité de leur donneur –, mais le nombre des pays qui ont levé l'anonymat n'a cessé de croître depuis dix ans : Suède, Suisse, Autriche, Islande, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni, Finlande et Belgique.

Il en va de même pour la chute annoncée des dons : la levée de l'anonymat marquerait, paraît-il, la fin inéluctable des donneurs. Mais pour le croire, il faut oublier que chacun peut – d'un simple clic sur le site de la Haute autorité britannique pour la fertilité et l'embryologie – découvrir par lui-même une réalité exactement inverse : depuis que le Royaume-Uni a supprimé la règle d'anonymat en 2005, on constate chaque année une augmentation régulière et importante du nombre des donneurs de sperme comme des donneuses d'ovocytes.

On se rappelle avec quelle virulence l'aile de la majorité la plus traditionaliste en matière familiale et bioéthique s'est évertuée à disqualifier l'accès aux origines – on a parlé de la mort de la famille, de la défaite du symbolique, de la victoire du « tout génétique » …

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Nous avions donc observé avec satisfaction l'audace gouvernementale. Nous voilà aujourd'hui face à une grave déconvenue.

Il convient néanmoins de nuancer cette audace. En effet, tous les pays qui ont supprimé la règle d'anonymat ont refusé de se borner à un simple mouvement compassionnel et reconnu que l'AMP avec donneur anonyme pose un très sérieux problème de droits, et même de droits de l'homme.

Priver l'individu de l'accès aux informations le concernant, et en particulier à son propre dossier médical, est en soi une atteinte aux droits fondamentaux de la personne – ce n'est pas moi qui le dis, mais la Cour européenne des droits de l'homme.

Cette atteinte est encore bien plus grave quand elle sépare de tous les autres êtres humains une unique catégorie d'enfants, celle dont on a décidé que, par le seul effet de la loi, elle ne pourrait pas obtenir de réponse à la question qui pour tous les autres est si importante : à qui dois-je d'être né ?

Les pays qui ont abandonné le principe d'anonymat ont décidé d'en finir avec ce vieux modèle, ses dénis et ses mensonges, et de lui substituer une autre idée de l'AMP, considérant qu'il revient au droit de fixer la règle du jeu, pour que chacun puisse désormais assumer sa place et répondre de ses actes. C'est un modèle fondé sur la responsabilité. C'est le choix d'une société ouverte.

Le recours au don n'est plus traité par ces pays comme une façon plus ou moins honteuse de faire des enfants. Les donneurs et donneuses sont valorisés pour le sens de leur geste, au lieu de les réduire au rôle de fournisseurs anonymes de matériau pour laboratoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Vous êtes plus prudent avec les OGM ! Pour vous, avec le végétal, il faut se méfier, mais avec l'humain…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Domergue

M. Mamère n'en est pas à une contradiction près !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

On y revendique enfin d'avoir su répondre à la détresse des couples en inventant, entre la procréation et l'adoption, une troisième voie pour devenir parent : l'engendrement avec tiers donneur.

On passe d'une logique de la rivalité à une logique de la complémentarité, pour reprendre les termes employés par Mme Irène Théry. On comprend alors pourquoi ces mêmes pays ouvrent aussi très souvent l'AMP aux couples de même sexe : la demande de ceux-ci n'est jugée impossible qu'aussi longtemps qu'on maquille le recours au don en pseudo-procréation charnelle.

La commission a décidé de revenir en arrière et de supprimer l'avancée gouvernementale sur la levée de l'anonymat. La seule véritable avancée contenue dans cette loi a été balayée sans véritable débat.

Nous savons aussi qu'il existe un « tourisme procréatif » pour les couples de lesbiennes ; on parle même d'enfants-Thalys. Nous savons aussi qu'il est possible pour une célibataire d'adopter. Comment justifier dès lors le refus d'élargissement de l'AMP aux couples de lesbiennes et aux femmes seules ?

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Ces incohérences-là mettent en lumière une forme d'hypocrisie, et placent le législateur en porte-à-faux avec la société.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Quant à la gestation pour autrui, c'est l'interdiction, pure et simple. Elle ne faisait même pas partie de la loi. Il a fallu que j'introduise un amendement lors de la commission spéciale pour que la question soit balayée en trois minutes et trente-deux secondes !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Ni la proposition de loi du Sénat, ni la demande sociale, n'ont permis que cette technique soit autorisée en France. Les couples qui souhaitent recourir à cette technique continueront donc de se rendre à l'étranger afin d'en bénéficier, et les enfants nés d'une GPA continueront de venir grossir la masse des sans-papiers « juridiquement orphelins ». (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Ce n'est pas aux déviants, aux délinquants de fonder la loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

La loi encadre ; et la loi protège, surtout les plus faibles.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Sans loi, les maux ne cessent pas pour autant d'exister. Il est question parmi les opposants à la gestation pour autrui de dénoncer une forme de marchandisation du corps de la femme.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je ne nie pas que ces dérives existent, mais en l'absence de loi, cesseront-elles ? Le « marché des ventres » disparaîtra-t-il, le tourisme procréatif prendra-t-il fin par enchantement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Meunier

L'esprit de la résistance est loin, monsieur Mamère ; vous êtes dans la collaboration !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Nous devons confronter nos principes avec le réel : nous ne pouvons pas nous contenter de les énoncer sans nous préoccuper de leurs effets. Des propositions existent, notamment la proposition de loi d'origine sénatoriale, pour encadrer cette pratique et en écarter tout risque marchand.

Je crois que l'hostilité gouvernementale à la légalisation de la gestation pour autrui s'explique aussi par la crainte de voir cette technique ouvrir, potentiellement, la possibilité de procréer aux couples du même sexe.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je me souviens encore des débats sur le PACS, et de la peur de familles avec des parents de même sexe qui hantait cet hémicycle. Le monde change, et ce que d'aucuns considèrent encore comme une anomalie est une réalité acceptée, entrée dans les moeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Mais nous avons les mêmes citoyens, cher collègue. Et c'est précisément de ceux-là qu'il faut s'occuper.

Si vous les regardiez un petit peu plus, vous voteriez des lois plus progressistes et plus ouvertes sur la société.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Meunier

Eh bien justement, vous devriez les regarder un peu plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

La GPA, dit-on, ne pourrait déboucher que sur des dérives mercantiles et éthiques.

La rigidité sur cette question est telle que même l'intérêt supérieur de l'enfant est oublié. Or toute cette loi a paraît-il été articulée autour du droit de l'enfant !

Il eût été souhaitable, nécessaire même, de régler définitivement la question du statut juridique des enfants nés d'une GPA. Mais vous n'avez pas voulu aborder cette question ; cela aurait pourtant permis de protéger ces enfants.

La décision du mois de mars 2010 par laquelle la cour d'appel de Paris a confirmé la filiation avec un couple français de deux jumelles nées d'une mère porteuse américaine représentait une avancée de la jurisprudence ; mais la cour, rappelons-le, a refusé de rétablir la transcription à l'état-civil de leur acte de naissance, alors même que la GPA dont les jumelles étaient nées était parfaitement légale en Californie.

C'était une façon pour la justice de renvoyer le législateur à ses responsabilités. Celui-ci, au contraire, continue à les fuir.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Peut-on continuer à considérer que le fait de ne pas aborder une question la fait disparaître de la réalité ?

Il existe en France, dans la représentation nationale, un mouvement de repli.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Meunier

C'est toute la différence entre la collaboration et la résistance !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Ce mouvement voudrait nous couper de la réalité internationale, et des pays qui se sont dotés d'un droit bioéthique bien plus ouvert que le nôtre.

Ce repli révèle le désarroi que suscitent les évolutions contemporaines de l'engendrement et l'acceptation de l'homosexualité. Il provoque dans une grande partie de la représentation nationale un réflexe de protection et nourrit une rhétorique de la peur, qui va jusqu'à travestir les réalités les plus patentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Vous prenez ainsi le risque d'une véritable fracture entre la société et sa représentation, le risque, aussi, d'une fracture entre les générations.

Le projet de loi n'est pas à la hauteur de ces enjeux de société. Le législateur n'assume pas que le rôle du droit est d'abord d'énoncer la règle du jeu pour tous ; il préfère s'en laver les mains et laisser aux individus le soin de se débrouiller entre eux comme ils le pourront.

Il n'admet pas que le droit à l'identité personnelle est un droit fondamental de la personne, puisqu'il ne touche pas à la règle mais se contente d'en tempérer les effets. Il ne construit pas un nouveau modèle de responsabilité, mais conserve le vieux modèle, en choisissant le statu quo qui transforme cette loi en carcan.

L'absence même du principe de révision régulière est de ce point de vue inquiétant : nous n'aurons plus l'obligation de revoir tous les cinq ans la loi que nous allons voter. On sait bien, pourtant, combien la technique et le progrès scientifique vont plus vite que le droit : il est nécessaire d'encadrer ces avancées scientifiques.

Comme l'écrivait le philosophe Jacques Ellul dans La technique ou l'enjeu du siècle, livre prémonitoire paru en 1954, le progrès technique n'entraîne pas forcément le progrès humain ; lorsque l'on ne contrôle pas démocratiquement le progrès technique, il peut se retourner contre nous, et alors que nous croyons qu'il va nous libérer de nos contraintes et de notre nécessité, il nous avilit et peut nous rendre moins libres.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Ce que cela veut dire, c'est qu'il est nécessaire que le législateur fixe des règles et des cadres pour que le progrès scientifique ne se transforme pas en machine à avilir, à contraindre, et pour que la part d'humanité dans l'homme ne diminue pas.

Dans un autre contexte, cette absence de clause de révision régulière aurait pu signifier une volonté de revoir au fil des évolutions le cadre législatif. Dans le cas présent, il est malheureusement à craindre qu'il s'agisse bien plutôt d'une volonté de graver dans le marbre un cadre législatif désormais – hélas ! – imperméable aux évolutions sociales.

Pour toutes ces raisons, chers collègues, je vous invite à voter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR ainsi que du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Monsieur Mamère, je vous ai écouté avec beaucoup d'attention. J'ai bien compris que, pour vous, tout est possible, et que tout ce qui est possible doit être légal.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Quand quelque chose est légal quelque part, plutôt que de laisser se développer un tourisme procréatif, il faut le légaliser dans notre pays. Et au fond, puisqu'il faut le légaliser partout, pourquoi faudrait-il même le légaliser ? Pourquoi ne pas faire comme certains pays anglo-saxons ?

Je vais vous raconter une anecdote. Nous avons reçu le représentant de l'équivalent britannique de l'agence de biomédecine. Nous lui avons d'abord demandé si la Grande-Bretagne distinguait la gestation pour autrui médicale de celle qui est purement sociétale ; il nous a répondu que les Britanniques ne faisaient pas de distinction, car ils ne remboursaient rien.

Nous lui avons ensuite demandé si beaucoup de litiges se développaient à propos du contrat dont l'enfant est l'objet : eh bien, ces contrats sont privés, et les problèmes se règlent devant des juridictions privées.

Enfin, nous pensions que cette législation avait au moins l'avantage d'éviter le tourisme procréatif. Mais notre homologue britannique nous a répondu qu'il n'en était rien : l'utérus ukrainien reste de toute façon moins cher que l'utérus londonien…

Voilà où mène la marchandisation : la permissivité n'aboutit ni à la réglementation, ni à la sécurité.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

C'est la loi du marché que vous demandez, monsieur Mamère !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Greff

Monsieur Mamère, c'est vrai, vos positions ne sont pas cohérentes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Vous critiquez les filiations non génétiques ; mais vous défendez la filiation homosexuelle – à mon avis, ce n'est pas très génétique ! Vous étiez pour l'anonymat du don lors de la réunion de la commission spéciale ; vous avez changé d'avis et vous défendez aujourd'hui la levée de l'anonymat du don de gamètes : c'est votre droit. Vous aviez pourtant développé des arguments contraires.

Nous sommes tous attachés à la République et à ses valeurs ; nous produisons des lois républicaines qui s'appliquent sur le territoire français, et contrairement à ce que vous pensez, à l'étranger, ces lois sont regardées de près.

M. De Sola, chef du service de la bioéthique du Conseil de l'Europe, disait encore récemment dans une réunion à Strasbourg que la législation française est prise en considération par les pays étrangers. Si nous avons un rôle à jouer, c'est peut-être plutôt d'exporter l'idée selon laquelle le corps de la femme ne doit pas faire l'objet d'une marchandisation, qu'il ne doit pas être mis à la disposition de couples riches.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Vous n'avez pas lu la proposition de loi du Sénat !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Exportons plutôt notre modèle vers des pays jusqu'ici plus permissifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Le Gouvernement demande évidemment le rejet de cette motion.

Nous sommes particulièrement attentifs, je veux le dire, au respect du droit à l'interruption volontaire de grossesse. Je connais les rapports publiés ces derniers mois. J'ai entendu des propos alarmistes.

Je le réaffirme, nous voulons que ce droit puisse être exercé partout : c'est ma responsabilité, en tant que ministre de la santé, et c'est aussi celle de Nora Berra en tant que secrétaire d'État.

Sur un certain nombre de points, monsieur Mamère, je ne peux pas vous suivre – ce n'est d'ailleurs pas vraiment une surprise (Rires.) Mais votre questionnement, dont je ne sais pas jusqu'où il ira, est intéressant. Vous parliez d'origine et de filiation : ne nous trompons pas de débat ; ce n'est pas là, je crois, le coeur du sujet.

Vous dites que nous devrions aller regarder ailleurs – nous ferions, d'après vous, forcément une erreur d'analyse parce que nous ne regardons pas ailleurs. Pour ma part, je trouve parfois dommage que certaines questions, comme la santé, ne relèvent pas d'une compétence communautaire. Cela m'intéresserait qu'il y ait une véritable logique de mieux-disant éthique. Mais regarder ailleurs et s'engager dans une voie sans avoir forcément la même conception, pour moi, ce n'est pas du mieux-disant éthique, ça peut même être, parfois, du moins-disant. D'autres peuvent porter un autre regard. Mais moi, en tant que représentant du Gouvernement, je ne vous suivrai pas. Peut-être cela vous rassure-t-il, monsieur Mamère : si j'avais dit le contraire, cela vous aurait peut-être compromis.

Voilà pourquoi nous demandons le rejet de cette motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Dans les explications de vote, la parole est à M. Olivier Jardé, pour le groupe NC.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jardé

Nous touchons à un point important, celui du rapport entre la dignité de l'homme et la non-entrave à la recherche scientifique.

Dans le cadre du processus de révision des lois de 2004, se pose la question de la levée de l'anonymat dans les dons de gamètes. Pour ma part, je suis contre la levée de l'anonymat et même contre des caractères identifiants. Qu'apporteraient des caractères identifiants face à cette fécondation ?

La procréation médicalement assistée est-elle un traitement médical de la stérilité ou un traitement sociétal ? À titre personnel, je suis pour un traitement médical pris au titre de la solidarité nationale et donc remboursé par la sécurité sociale.

Les arguments à propos des mères porteuses ou de la gestation pour autrui ont un aspect mercantile. La grossesse n'est pas une période neutre.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Qu'est-ce que vous en savez ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jardé

Ce n'est pas un don d'amour, ce n'est pas un droit à l'enfant. Quand les femmes riches porteront-elles les enfants des femmes pauvres, avec un contrat pour un enfant parfait ?

Je regrette que M. Mamère n'ait pas parlé de la problématique des greffes. Je rappelle que, l'année dernière, 277 personnes sont décédées du fait du manque de greffes et que, cette année, plus de 10 000 personnes figurent encore sur les listes d'attente. Réfléchir sur le donneur, sur l'acceptabilité par les familles de ce don d'organe et sur la facilitation du don me semble très important.

S'agissant du choix entre l'autorisation avec encadrement et l'interdiction avec dérogation, vous connaissez mon sentiment : je suis plus pour une autorisation avec encadrement que pour une interdiction.

Je voterai contre cette motion de rejet préalable car je considère que tout ne doit pas être autorisé et je suis contre le libéralisme forcené de M. Mamère.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Paul Jeanneteau, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

Au départ, lorsque vous avez fait un rappel historique, je me suis dit que vous étiez assez bien parti, monsieur Mamère. Mais rapidement je me suis aperçu, après une partie assez hors sujet, que, sur tous les thèmes de ce texte de loi, vous vous opposiez systématiquement. C'est votre droit, nous respectons vos convictions, mais laissez-nous aussi avoir des convictions différentes des vôtres.

Vous avez parlé de statu quo pour qualifier ce projet de loi de révision des lois de bioéthique. Vous avez dit que le Gouvernement, finalement, avait cédé aux composantes « les plus conservatrices de sa majorité », à sa partie la plus « familialiste ».

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

Mais défendre la famille, est-ce passéiste ? Défendre la famille, est-ce dépassé ? Défendre la famille, est-ce ringard ? Très franchement, après les nombreuses auditions auxquelles j'ai assisté, je n'ai pas le sentiment que cette idée soit agréée par l'ensemble des députés, quelle que soit leur position sur les bancs de l'hémicycle.

Pourquoi changer une loi si elle est adaptée ? Pourquoi vouloir absolument réformer en profondeur une loi alors qu'aussi bien le Comité consultatif national d'éthique que le Conseil d'État, l'agence de biomédecine, la mission d'information ou l'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, tous concluent finalement à la nécessité d'ajustements, certes avec quelques opinions divergentes mais finalement dans un consensus relativement large. Pourquoi le statu quo serait-il, selon vos propos, « un vieux modèle » ? Est-ce être en retard que d'affirmer des valeurs qui fondent notre vivre ensemble ?

Vous avez longuement parlé de la levée de l'anonymat du don de gamètes. Je ne doute pas, monsieur Mamère, que vous soyez un éminent spécialiste de cette question, je ne doute pas que vous l'ayez énormément travaillée, mais je voudrais simplement attirer votre attention sur ce que les responsables des CECOS nous ont dit : à l'unanimité, ils nous demandent de maintenir l'anonymat. Ce sont des spécialistes, qui travaillent depuis quarante ans sur ces problèmes délicats.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

Dans les CECOS il y a aussi des psychologues, des sociologues, des psychiatres…

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

Les médias se font régulièrement l'écho de demandes d'associations pour la levée de l'anonymat du don de gamètes ; mais nous avons reçu, à la mission d'information ou à la commission spéciale, de nombreux témoignages, certes moins médiatiques mais tout aussi poignants, de parents d'enfants nés par don de gamètes, ou d'enfants nés de cette façon, qui nous demandent aussi de conserver cet anonymat. Les choses ne sont donc pas aussi tranchées que vous voulez bien le dire. Et j'ai beaucoup apprécié le propos du président Alain Claeys tout à l'heure, lorsqu'il a dit qu'en bioéthique les choses étaient rarement noires ou blanches, mais souvent grises.

Je trouve en outre un peu irritante, si vous me permettez ce mot, votre façon de vous ériger en censeur des convictions de chacun.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

Nous vous écoutons, nous respectons vos convictions. Respectez les convictions des autres, qui ne sont pas forcément passéistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

Partager vos convictions, ce n'est pas forcément être moderne. Vous pouvez hocher la tête, cela n'y changera rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

Vous dites que la levée de l'anonymat et la gestation pour autrui sont des sujets qui ont été balayés sans véritable débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

Peut-être n'avez-vous pas participé aux cent huit auditions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

Peut-être n'avez-vous pas entendu les médecins, les associations, les parents que nous avons reçus ?

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

Chacun a mené sa propre réflexion, comme vous, monsieur Mamère. Chacun a fait des allers et des retours sur ces sujets très délicats.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

Personnellement, j'ai un moment pensé qu'il fallait en effet aller vers cette levée de l'anonymat, et puis ma réflexion a évolué et maintenant, je pense qu'il est nécessaire de maintenir l'anonymat du don de gamètes.

Vous qui reprochiez tout à l'heure à Claude Greff de ne pas avoir suffisamment participé aux auditions…

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

…je crois que sur ce sujet vous n'avez pas manqué de toupet.

Sur ces sujets de bioéthique, il n'y a pas de vérité absolue, vous le savez bien.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Lecou

De l'humilité, du respect et une capacité d'écoute !

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

Chacun a le droit d'affirmer ses propres convictions. La France a le droit d'affirmer aussi, à travers sa législation, un certain nombre de valeurs, qui ne vont pas vers le moins-disant éthique. C'est pourquoi le groupe UMP votera contre cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Touraine

En écoutant M. Mamère, je n'ai pas tout à fait entendu la même chose que M. Leonetti. Pour ma part, j'ai plutôt trouvé qu'il faisait une présentation mesurée (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.), utilisant un ton assez modeste face aux différents questionnements que l'on peut avoir sur ce sujet important, respectueux de la diversité des opinions.

J'ai également apprécié le désir affiché de conjuguer progrès et respect de la personne humaine.

De la même façon, j'ai partagé avec lui la crainte que, pour éviter une révolution dans nos idées sur la bioéthique, en définitive, nous n'évitions une simple évolution, ce qui nous amènerait en définitive très près d'un immobilisme absolu, nous mettant alors en totale discordance avec l'évolution des connaissances qui, elles, progressent.

Si, comme M. le ministre et M. Leonetti l'ont répété, il n'est pas question de copier les pays voisins en quoi que ce soit, il serait, en revanche, coupable d'ignorer ce qui se passe autour de nous. Nous enfermer dans une position de repli absolu nous amènerait en définitive à être l'Albanie de la recherche médicale et de la bioéthique.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Oh, c'est grotesque ! On comprend pourquoi il a trouvé M. Mamère mesuré !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Touraine

Si, comme vous l'avez dit, monsieur Leonetti, nous sommes regardés par l'étranger, parfois nos voisins n'arrivent pas à comprendre notre humour ou notre hypocrisie quand, après avoir pendant six ans entretenu cette très particulière condition d'interdiction mais avec des dérogations pour le travail sur les cellules souches, nous considérons que nous n'avons pas eu assez de six ans d'expérience et nous voulons persévérer dans cette absence de décision pour l'autorisation ou pour l'interdiction. Il est donc vrai que, parfois, nous ne pouvons pas ne pas nous référer à nos voisins.

Je ne reprendrai pas tous les points évoqués, je parlerai simplement de quelques-uns sur lesquels nous avons des nuances avec le propos de M. Mamère.

Le premier, que M. Mamère a longuement développé, c'est la question de la levée de l'anonymat du don de gamètes.

C'est un sujet sur lequel nous sommes au départ, reconnaissons-le, partagés, chacun d'entre nous, et il serait déraisonnable d'aborder cette question avec passion et de prendre une décision immédiate. Il faut un peu de raison. Aprè réflexions, on peut mettre en avant le gain que représente la transparence, le mérite d'une réponse offerte aux enfants dans ces conditions ; mais d'autres préféreront considérer que les inconvénients sont plus importants et donc choisir de maintenir l'anonymat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Touraine

En effet, ces inconvénients ne sont pas minces. On pourrait évoquer l'injustice qui s'établirait entre plusieurs enfants nés d'un donneur anonyme : certains auraient le droit d'obtenir des informations tandis que d'autres n'auraient pas ce droit, puisque la liberté serait laissée au donneur d'offrir ou non l'accès à ces informations. Dans une même famille, les enfants sont parfois conçus avec des donneurs anonymes différents. Dans ce cas, certains des frères et soeurs auraient des informations sur leurs antécédents biologiques tandis que d'autres n'en auraient pas. C'est en contradiction avec nos désirs d'établir l'égalité dans notre législation.

Par ailleurs, il est vrai également que, dans les pays qui ont choisi la levée de l'anonymat, le nombre de familles qui dissimulaient à leurs enfants le fait qu'elles avaient eu recours à un donneur avait augmenté. En effet, si certaines familles sont tout à fait d'accord pour offrir cette part de vérité quant à l'existence du donneur, elles ne veulent pas que les enfants aillent rechercher dans le détail des informations précises sur ce donneur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Touraine

Elles sont alors conduites à dissimuler même la nature du mode de procréation qui a été utilisé.

Imaginons d'ailleurs les dangers d'une société où chacun d'entre nous voudrait absolument savoir toute la vérité scientifique sur la paternité biologique. Chacun voudrait faire des tests tous azimuts et nous découvririons alors que 5 à 10 % d'entre nous n'avons pas le père que nous croyons…

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jardé

Chez les troisièmes enfants, ce serait 15 % !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Touraine

Ce ne serait pas rendre service aux familles françaises que de nous lancer dans cette aventure.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Touraine

Bien sûr, dans le cas des dons de gamètes, les enfants qui naissent ainsi ont besoin d'un soutien psychologique approprié, mais les préoccupations de ces enfants ne seraient pas résolues par la levée de l'anonymat. En revanche, elles peuvent être en grande partie maîtrisées par un soutien psychologique qui devrait être renforcé.

Pour conclure, si nous partageons ce qu'a dit M. Mamère s'agissant notamment de l'équilibre qu'il a essayé d'établir, nous divergeons sur certains points. C'est pourquoi nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Je serai bref puisque je défendrai moi-même tout à l'heure une autre motion de procédure.

Je voudrais saluer la tonalité très argumentée de l'intervention de Noël Mamère, et ce quel que soit le jugement que l'on porte sur le fond. Bien sûr, je voterai cette motion. D'autres collègues de mon groupe ont d'autres points de vue qu'ils exprimeront dans la discussion générale. Nous ne sommes en effet pas enfermés dans des positions de parti, de groupe. C'est un sujet trop important et trop délicat pour que chacun n'agisse pas avant tout en vertu de sa conscience.

Je regrette que le rapporteur, le ministre et certains représentants de groupes aient cédé à la tentation de la caricature dans leur réponse à la motion de Noël Mamère.

J'ai lu attentivement l'interview que vous avez donnée ce matin à Libération, monsieur le ministre, dans laquelle vous dites que vous auriez été partisan que l'Europe puisse se saisir de cette question. Et ce soir, vous nous dites que vous ne souhaitez pas que ce soit une compétence européenne. Je ne comprends pas très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

S'agissant de ce qui se passe dans les autres pays, restons sereins, car tout est relatif en la matière. M. Mamère a donné des exemples : ce ne sont que des exemples. L'UMP n'est d'ailleurs pas en reste pour prôner l'alignement sur d'autres pays européens : un jour c'est pour la fiscalité, le lendemain pour la législation du travail, etc. On peut se renvoyer l'argument à l'infini, cela ne nous fera pas avancer. À une époque, M. Sarkozy, candidat à l'élection présidentielle, vantait l'alignement de la France sur les États-Unis,…

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

… mais là vous n'êtes peut-être pas d'accord pour que l'on fasse comme dans certains États américains. Il faut donc rester extrêmement modeste sur ces questions de comparaisons européennes. On doit pouvoir prendre un exemple sans être immédiatement accusé de prôner l'alignement. Quant à M. Leonetti, il a parlé d'exporter notre vision : c'est au contraire la vision impérialiste…

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

…du phare de la république française qui éclairerait le monde entier de son savoir et de sa supériorité ! C'est assez pénible.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Il est aussi un peu pénible, monsieur Leonetti, que la caricature ait été votre seule réaction. Peu m'importent les propos que vous a tenus un responsable anglais ! En quoi ce qu'il a dit fait avancer notre réflexion ?

Monsieur Jardé, vous avez dit que vous n'acceptiez pas l'ultralibéralisme de Noël Mamère. Moi je pourrais vous parler de votre ultralibéralisme dans le domaine du commerce mondial que vous refusez de réguler, dans le domaine de la finance, mais est-ce que cela va nous faire avancer ?

Monsieur Jeanneteau, vous avez dit que M. Mamère avait parlé de vision familialiste et qu'il fallait défendre la famille, mais avez-vous envisagé un seul instant que les arguments avancés par Noël Mamère s'agissant de la gestation pour autrui étaient une forme d'hommage rendu à la famille ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je le dis avec gravité : certains parents veulent faire une gestation pour autrui justement parce qu'ils ont une certaine vision de la famille que l'on devrait tous respecter quoi que l'on pense de cette technique.

Pour finir, je voudrais simplement inciter chacun d'entre nous à débattre sereinement sans s'envoyer des anathèmes à la figure, sans tenter de disqualifier nos positions respectives. Sans doute ne serons-nous pas toujours d'accord. Nos avis divergeront ou se rejoindront, selon les thèmes abordés par ce projet de loi, et aussi selon les thèmes qui n'y sont pas abordés. Noël Mamère l'a dit, nous voulons en effet introduire dans ce débat des thèmes dont tout le monde parle dans la société française. Pourquoi le Parlement n'en parlerait-il pas ? Pourquoi ne prendrions-nous pas le temps d'en parler maintenant dans le cadre d'une motion de procédure et plus tard au cours de la discussion des articles ? Noël Mamère a déposé des amendements dont je suis cosignataire, avec d'autres députés, pour que nous puissions avoir un débat sur ces sujets délicats mais qui intéressent beaucoup nos compatriotes.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Très bien !

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi relatif à la bioéthique.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma