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Intervention de Alain Claeys

Réunion du 8 février 2011 à 15h00
Bioéthique — Discussion d'un projet de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Claeys, président de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la révision de la loi relative à la bioéthique constitue, pour notre assemblée, un moment à la fois rare et particulier.

En tant que président de la mission d'information puis de la commission spéciale, je remercie très sincèrement et très chaleureusement mes collègues. La qualité de leurs débats a fait honneur au Parlement. Au sein de ces instances, nous avons pu tout nous dire. Certes, des oppositions sont apparues, mais nous avons pu débattre dans le respect des uns et des autres.

C'est la raison pour laquelle je me permettrai d'exprimer un seul regret, celui qu'une phrase d'un de nos collègues ait été mal utilisée, au service d'une propagande publiée aujourd'hui dans un grand journal du matin. En tant que président de la commission spéciale, non seulement je suis solidaire de ce député, mais je ne me retrouve absolument pas dans ses propos tels qu'ils ont été cités dans cette publicité, car son intervention était autrement plus complexe. Je le dis avec gravité, car ces sujets sont trop sérieux pour que l'on se prête, quelles que soient nos positions, à ce type de pratiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le ministre, nous avons pris la décision – qui doit être confirmée par le Parlement – de ne plus réviser les lois bioéthiques tous les cinq ans. Sur ce point, j'étais partagé, mais je suis arrivé à la conclusion que cette solution était la bonne, sous réserve que le texte que nous examinons soit effectivement une loi-cadre, qui fixe les principes que le législateur entend appliquer à la recherche sur le vivant. À ce propos, je veux rendre hommage à l'Agence de biomédecine, dont la création a été une avancée importante permise par la révision de 2004. Cette agence a en effet pour mission d'évaluer et d'encadrer les décisions du Parlement, et je crois pouvoir dire, en votre nom à tous, qu'elle a joué pleinement son rôle et qu'elle est une garantie essentielle des lois que nous votons.

Par ailleurs, nous sommes tous d'accord sur deux principes éthiques : le respect de la dignité de la personne humaine et la non-marchandisation. Ces deux principes, qui n'ont été contestés sur aucun banc, sont donc acquis et forment la colonne vertébrale de nos lois bioéthiques. Avec le rapporteur spécial, nous avons souhaité qu'au sein de la commission spéciale – dont les débats ont duré treize heures et qui a procédé à dix auditions –, soient traités les trois points suivants : la recherche – je vais y revenir –, l'anonymat et la gestation pour autrui. Cette dernière ne figurait pas dans le texte, mais il ne me semblait pas judicieux d'éviter ce sujet. Nous l'avons abordé utilement, et nous y reviendrons peut-être au cours de nos débats.

Je souhaiterais, pour que les choses soient claires, m'arrêter quelques instants sur la recherche. En 1994, celle-ci a été refusée par le législateur, lequel a encadré l'AMP et autorisé la création d'embryons surnuméraires puis la destruction de ceux-ci au bout de cinq ans. En 2004, à la question de savoir s'il fallait ou non autoriser la recherche sur les cellules souches embryonnaires, il a apporté une réponse assez complexe, qui, souvenez-vous, a été définitivement arrêtée au Sénat. Le législateur a en effet posé le principe de l'interdiction de toute recherche sur l'embryon, tout en établissant un moratoire de cinq ans et en prévoyant que des recherches pourraient néanmoins être autorisées, à condition que le protocole de recherche ne puisse pas être réalisé par d'autres moyens et qu'il ait une finalité réellement thérapeutique.

Reconnaissons qu'une telle décision ne facilite pas la vie de l'Agence de biomédecine, qui a pour tâche d'autoriser ces protocoles de recherche et de les évaluer. Six ans plus tard, l'Agence a interprété positivement l'intention du législateur et, aujourd'hui, les choses sont claires : les protocoles de recherche qui ont été acceptés l'ont été parce qu'ils portaient sur des embryons surnuméraires et respectaient des conditions précises : abandon du projet parental et non-implantation de l'embryon après les recherches. Ce cadre fonctionne bien ; il ne mérite pas d'être modifié.

Toutefois, on peut s'interroger sur la nécessité de maintenir une telle interdiction, dès lors que l'on prévoit des possibilités d'y déroger et que nous sommes d'accord pour autoriser des recherches sur les embryons surnuméraires, dans les conditions que j'ai rappelées. Je dois dire, monsieur le ministre, que les débats de la commission spéciale ont éclairé ma réflexion sur ce point. En effet, si une majorité s'est prononcée en faveur de ce principe d'une interdiction et de dérogations, je me suis aperçu – et je vous prends à témoin – qu'il ne revêtait pas la même signification pour tous ceux qui l'ont voté.

Ainsi, sans vouloir déformer la position de mes collègues, je crois pouvoir dire qu'il s'agit, pour certains d'entre eux, d'un moindre mal : au fond d'eux-mêmes, ils refusent la recherche sur les cellules souches embryonnaires, doutent de l'AMP et ne sont pas favorables au diagnostic pré-implantatoire, sans parler de l'avortement médical, que je n'évoquerai pas pour éviter toute polémique. D'autres, notamment le rapporteur, expriment une sensibilité différente et estiment qu'il s'agit d'un compromis acceptable. À ceux-là, je pose la question : l'interdit protège-t-il l'embryon ? En effet, si l'on y réfléchit bien, la transgression a lieu, non pas au moment de la recherche, mais au moment où l'on retient des cellules souches embryonnaires issus d'embryons surnuméraires destinés à la destruction au bout de cinq ans.

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