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Intervention de Jean Leonetti

Réunion du 8 février 2011 à 15h00
Bioéthique — Discussion d'un projet de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Leonetti, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique :

À nouveau, je rends à César ce qui est à César : Olivier Jardé et Xavier Breton ont oeuvré dans le même sens.

Ainsi, grâce à un système pérenne de dérogation à une interdiction de principe constitutive du droit, j'ai acquis la conviction que la recherche médicale française ne sera pas freinée.

M. le ministre le rappelait, les questions bioéthiques ne sont pas des questions comme les autres. Il fallait donc renforcer le contrôle démocratique exercé sur l'Agence de la biomédecine ; nous l'avons fait en commission spéciale. Il fallait aussi que, chaque année, nous puissions nous retrouver dans l'hémicycle, à l'initiative de l'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, pour débattre des avancées de la recherche médicale et de leurs conséquences pour la préservation de la dignité de la personne. Il fallait, enfin, que nous puissions légiférer, au cas par cas, chaque fois que cela serait nécessaire, en ayant recours à un débat populaire afin que la population s'approprie des sujets parfois confisqués par les experts ou les responsables politiques. Tout cela est désormais prévu par le projet de loi.

Cependant, restons modestes. Qui parmi nous aurait pu croire, hier, que les cellules souches embryonnaires pouvaient être supplantées par la découverte des cellules souches induites ? Qui avait prévu les applications des neurosciences qui comportent, à mon sens, les plus grands dangers pour l'avenir ? Songez que l'on peut désormais détecter les mensonges à partir d'IRM dynamiques et ainsi déterminer la volonté de la personne !

Notre société est traversée par deux courants. L'un consiste à privilégier la liberté et l'autonomie de la personne ; il peut favoriser un aspect individualiste et égoïste de l'être humain. L'autre se fonde d'abord sur la vulnérabilité des personnes en considérant que le plus faible doit être aidé. Il repose sur une volonté collective et il nous impose des règles communes que nous devons tous respecter. Or il arrive que l'éthique de l'autonomie s'oppose à l'éthique de la vulnérabilité. Pour ma part, je serai toujours du côté de la vulnérabilité, car cette seconde éthique ne relève pas d'un projet prométhéen de toute puissance. Elle s'incarne plutôt dans le personnage d'Ulysse décrit par Homère comme divers, faible, mais aussi profondément humain.

Ainsi, refusant l'immortalité que lui propose Calypso, Ulysse oppose son humanité à la divinité. Cette « fidélité à nos limites », comme l'exprime Albert Camus, ne manque pas de grandeur.

Ainsi, Ulysse se fait-il attacher au mât de son bateau pour entendre le chant des sirènes sans céder à l'illusion, alors qu'il demande à ses compagnons de boucher leurs oreilles avec de la cire. Ulysse veut être lucide pour connaître, pour chercher et pour comprendre tout en acceptant ses propres limites : son humanité dans sa diversité et sa fragilité. « Un homme, ça s'empêche » disait Camus. Ulysse veut connaître le chant des sirènes, mais, conscient de sa fragilité, il s'empêche de sombrer dans l'illusion de la toute puissance.

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