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Intervention de Jean Leonetti

Réunion du 8 février 2011 à 15h00
Bioéthique — Discussion d'un projet de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Leonetti, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique :

En ce qui concerne la modestie, chacun, M. le ministre l'a très bien dit, garde à l'esprit la nécessité d'un doute collectif si utile, fertile et qui permet de parvenir non à des compromissions mais à des compromis d'équilibre et qui sont l'honneur de notre démocratie.

Il ne s'agit pas d'opposer une morale comme un obstacle à une science conçue comme un progrès, ni de définir le bien et le mal. Il s'agit d'aborder les conflits de valeurs dans une optique de moindre mal visant à trouver une solution équilibrée et efficace à des problèmes complexes.

Tout au long des débats, je vous ai fait part, en toute transparence, des hésitations qui étaient les miennes – je le sais, ce sont aussi les vôtres –, de mes contradictions, de mes ambiguïtés et même, à l'issue de nos travaux, de mes interrogations constantes.

Sur certains sujets, comme sur le transfert d'un embryon post mortem qui a été accepté par notre commission, je ne revendique aucune certitude absolue. En l'espèce, je vois bien la violence du double deuil que subit la femme qui perd en même temps son conjoint et la possibilité d'enfanter ; mais je vois aussi le risque évident qu'il y a à programmer des enfants à naître orphelins.

Comme nous tous, j'en suis certain, je considère ces sujets avec une grande gravité, car si nous devons, évidemment, définir le permis et l'interdit en prenant en compte les techniques scientifiques, il s'agit bien plus encore d'interroger nos valeurs communes et de les confronter à la réalité de leur application. À terme, il nous revient de définir notre notion de l'humanité et de l'homme en général, confronté à des réalités concrètes.

En effet, la bioéthique n'est pas un débat éthéré ou purement philosophique. Elle doit dire le permis et l'interdit ; dire ce qui est possible et ce qui ne l'est pas, et positionner le curseur en faisant référence à l'ensemble de nos valeurs dans des circonstances et une situation données. Plutôt que d'énoncer les valeurs qui justifient d'interdire ou de permettre, il serait donc préférable de considérer les découvertes scientifiques qui nous poussent à réactualiser et à moderniser les valeurs républicaines que nous avons en partage, pour faire en sorte qu'elles soient encore vivantes et modernes.

La commission spéciale qui s'est réunie les 25 et 26 janvier 2011 pour examiner le projet de loi a adopté cent dix-sept amendements sur les deux cent quarante-deux qui lui étaient présentés. Je veux souligner la qualité et la richesse de ses débats, et remercier publiquement M. Alain Claeys pour la qualité de sa présidence, et pour la façon dont il a su gérer notre diversité et nos contradictions en privilégiant toujours l'intérêt général.

L'homme est le résultat imparfait du hasard des rencontres humaines et des combinaisons génétiques. Cette imperfection implique la diversité. La recherche de l'enfant parfait constitue une tentation dangereuse de la science. Nous le savons, le diagnostic anténatal, qu'il soit préimplantatoire ou prénatal, comporte un risque de dérive eugénique souligné, notamment, par l'étude du Conseil d'État parue en mai 2009.

Nous devons donc renforcer la faculté pour la femme enceinte de disposer, de façon générale, d'une information claire, accessible, complète et équilibrée, afin que son consentement soit donné et que ses décisions soient prises en parfaite connaissance de cause. Dans notre société pluraliste et laïque, le choix et les conséquences de la décision appartiennent à la seule femme, en sa conscience personnelle.

Concernant la levée encadrée de l'anonymat du don de gamètes, proposée par le projet de loi initial, je voudrais vous transmettre ma conviction que l'homme est irréductible à sa seule composante génétique. Comme le disait Romain Gary : « Il ne suffit pas de venir au monde pour être né. » Un être ne saurait se résumer à ses gènes. Que serait un enfant livré à sa seule physiologie, sans éducation, sans amour, sans liens avec les autres humains ? L'homme est un produit des autres, des savoirs transmis et des amours donnés. Comme le soulignent les états généraux de la bioéthique, il faut privilégier l'histoire parentale par rapport à la généalogie biologique.

Il nous est ainsi apparu qu'il était de l'intérêt des familles, mais aussi des enfants eux-mêmes, de ne pas remettre en cause l'anonymat du don de gamètes. En effet, selon nous, la levée de l'anonymat serait susceptible de favoriser le secret dans les familles, de rendre les citoyens inégaux devant la loi et, surtout, de conforter l'idée trop répandue, et souvent erronée, du déterminisme des gènes.

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