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Séance en hémicycle du 8 juin 2009 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense (nos 1216, 1615, 1558, 1720, 1552).

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Gérard Charasse, pour dix minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Charasse

Madame la présidente, monsieur le ministre de la défense, monsieur le rapporteur de la commission de la défense, mes chers collègues, parlementaire désormais ancien, j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer, à cette tribune, un projet de loi de programmation militaire. Je puis résumer en trois mots l'idée, qu'au fil du temps, je me suis fait de cet exercice : « Paroles, paroles, paroles !». En bon radical de gauche, attaché au moins autant aux actes qu'aux paroles, il me semblerait juste que notre assemblée planchât, en séance, comme nous savons presque le faire en matière budgétaire avec les collectifs, sur des lois de « déprogrammation militaire » qui nous permettraient d'évaluer les chemins que nous prenons réellement pour ne pas atteindre les horizons que nous avons dessinés, parfois dans le consensus – ce qui est d'ailleurs, en ces matières, souvent le premier signe d'une grossière erreur en train de se commettre. Plancher en séance, disais-je, car le bon travail réalisé par nos collègues Patricia Adam, Patrick Beaudouin et Yves Fromion dans leur rapport d'information sur l'exécution de la précédente LPM mériterait sans doute d'être lu ici, exposé à la nation.

J'attends toujours, monsieur le ministre de la défense, que les soldats de notre République, ceux qui servent les armes de la France, en partance pour les opérations extérieures n'aillent pas s'équiper au Vieux Campeur ou dans des surplus de banlieue…

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Oh ! Il ne faut pas dire ça, monsieur Charasse !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Charasse

J'attends toujours l'A400M — je lis dans le rapport d'information que la date du premier vol est désormais reportée, sans plus de précisions… J'attends le NH90, les SNA Barracuda ou les frégates Horizon ; nous attendons aussi d'autres taux de disponibilité technique des appareils : actuellement, c'est un sur trois pour les Leclerc, un sur deux pour les aéronefs, soit les plus bas jamais atteints ! Ces chiffres, couchés dans le rapport signé par nos trois collègues connus pour leur sérieux et siégeant sur des bancs différents, ne peuvent pas laisser indifférente la Représentation nationale, et certainement pas faire aborder ce nouveau texte comme si la dernière loi de programmation militaire, votée par la même majorité, avait été un succès. Cela a même été tout le contraire.

Je ne vais pas, monsieur le ministre, m'appesantir sur ce que je comprends comme une insoutenable légèreté du Gouvernement en matière de défense. Je n'ai pas dit « majorité parlementaire », mais bien « Gouvernement ». Du retour dans le commandement intégré de l'Otan, en réalité une fuite en avant, un « tous aux abris » – qui nous coûtera très cher à terme, j'en prends le pari –, aux discours officiels sur la mutation des menaces sans que l'ombre d'une analyse ne soit suivie d'effets, en passant par l'état de nos forces, il me semble que la fonction de défendre a simplement déserté le pouvoir régalien. Qui s'en occupera vraiment un jour ? C'est la question que je vous pose, comme avant moi beaucoup d'autres l'ont posée. Sans doute vous la poserez-vous lorsque la réalité nous aura finalement rattrapés, nous faisant comprendre ce qu'est l'ordre tangible des choses : même si l'histoire ne se répète jamais, lorsque la réalité émerge dans un océan d'apathie, il est, en général, trop tard. Si votre position ne change pas, il nous reste, résignés, à attendre ce moment.

C'est donc davantage pour prendre date que pour vous convaincre d'agir autrement que je vous redis, en un mot, la position des radicaux de gauche sur cette question.

Ce mot, c'est la défense européenne : un horizon qu'il ne faut plus ignorer. Nous avons posé une première pierre en 1998. Cela fait dix ans. Dix ans que, malgré toutes les discussions sur la forme du péril contre lequel nos armées devraient un jour lutter, nous ne sommes d'accord que sur une chose : la nécessité d'une unité de vue et d'une unité d'action issues d'une communauté d'intérêts qui ne peut être, par construction, qu'européenne. À cet égard, faire en France aujourd'hui, et même en Europe, la politique réclamée par le Pentagone il y a dix ans, et dont on sait qu'elle se délite à l'épreuve des faits, est parfaitement inutile. J'ajoute que, face à une puissance américaine qui, comme elle l'a toujours fait, mute et dans ces orientations, et dans ses moyens, à une allure impressionnante, notre suivisme, au surplus suranné dès le départ, frise parfois le ridicule – je n'exclus pas que ce soit aussi un objectif accessoire de certains de nos alliés.

Je veux terminer cette courte intervention en évoquant un sujet particulier : celui de la libération des emprises. En effet, nous allons fermer un certain nombre de bases. À ce propos, je veux rappeler trois choses.

Tout d'abord, les emprises ne sont pas uniquement militaires. Le gouvernement a fait le choix de se servir sur étagère pour beaucoup de ses produits. Lorsque les autres puissances militaires mondiales pratiquent la mise sous cloche, nous, nous fermons purement et simplement, sans répondre aux questions fondamentales sur l'indépendance de la chaîne d'approvisionnement, ni d'ailleurs à celle de la sécurité de nos soldats. Nous avons des emprises industrielles qui, pour des raisons historiques, représentent des superficies importantes. À Vichy, par exemple, une emprise de cent quarante hectares en bordure de ville, sera à court terme à l'abandon. L'abandon, c'est aussi une décision de l'État pour ces types d'emprise. Je ne souhaite pas que l'on réserve dans la loi de programmation des mesures spécifiques aux terrains militaires sans se préoccuper des parcelles qui dépendaient directement de cette activité au prétexte d'une distinction, convenez-en, purement sémantique.

Quant aux mesures sociales d'accompagnement des fermetures, je les ai bien lues. On y évoque l'onde de choc sur les employés et leurs familles, et sur les collectivités. Mais on en oublie une autre : en effet, si une garnison, des militaires, une industrie crée une activité, avec certes des sous-traitants directs, il y a aussi ce que les économistes appellent le « nuage », c'est-à-dire tous les services qui prennent en charge cette population et cette activité, et qui ne relèvent pas uniquement des salaires versés. Ce que l'on substitue aux salaires après les fermetures ne suffit pas à combler ce manque, que l'on évalue à 30 % ; c'est un chiffre que j'ai vérifié dans le bassin de Vichy. C'est un mauvais calcul que de s'en tenir à ces seules mesures, car le cercle vicieux dans lequel s'engage l'économie locale, sous pression après une fermeture, finit par générer une facture que l'on demande de régler à terme à la solidarité nationale. Autrement dit, vous mégotez pour un euro aujourd'hui en sachant que, demain, il en faudra peut-être quatre ou cinq pour réparer les dégâts générés par ce manque.

Troisième point : la dépollution. J'ai étudié le mécanisme de cession des emprises aux communes ou aux EPCI, mais je souligne que ces emprises doivent être exploitables. À Vichy, GIAT-Nexter a quitté la plus grande partie du site il y a cinq ans. Pourtant, celui-ci ne peut toujours pas être investi par une nouvelle activité, à cause d'une pollution en profondeur – on y aurait enterré, dit-on, des charges d'APILAS – qui n'a toujours pas été traitée. Après des années de discussions entre GIAT-Nexter, l'État et nous, je constate que la seule procédure qui vaille face à autant de mauvaise foi, c'est la procédure de péril qui permet d'effectuer les travaux et de les faire prendre en charge d'autorité par le propriétaire. Il faut que nous nous en inspirions. Monsieur le ministre, je serai très attentif sur ce dernier point, et tous les radicaux le seront sur l'ensemble du projet. Celui-ci devra évoluer si vous souhaitez nous voir soutenir cette nouvelle loi de programmation militaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour quinze minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Madame la présidente, monsieur le ministre, cher président Teissier,…

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Et moi, je n'ai pas droit à du « cher » ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Je vais vous dire pourquoi, monsieur le ministre : nous respectons notre président de commission. Certains respectent le Président de la République ; pour ma part, je respecte le président Teissier, et plus que le Président de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Ça démarrait ben, mais ça dérape vite…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Tout à l'heure, notre collègue Grouard proposait de donner le nom de Jeanne d'Arc à un deuxième porte-avions. Moi, spontanément, je l'appellerais volontiers le Guy Teissier… (Sourires.) Mais trêve de plaisanteries.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Vous avez déjà utilisé une minute de votre temps de parole, monsieur Candelier !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Chers collègues, ce projet de loi de programmation militaire, tant retardé, décline les principes de la politique de défense et les moyens qui lui seront consacrés jusqu'en 2014. Cette LPM aurait dû constituer la première étape de la mise en oeuvre de la nouvelle stratégie de sécurité nationale définie par le Livre blanc. Or ce ne sera pas le cas puisque le budget 2009, qui correspond au début de la programmation, a été voté avant même la LPM.

Cela dit, il me semble que le retard accumulé a été un motif de soulagement pour beaucoup. Contrairement à ce que l'on entend, ce projet n'est pas aussi attendu que cela, bien au contraire ! L'hostilité des personnels du ministère et des sociétés nationales de défense est réelle : on a pu la mesurer par diverses manifestations et mobilisations. Des pétitions circulent, et j'en ai apportées avec moi. Des milliers de salariés disent non à la casse de notre outil de défense et non à la privatisation des industries de défense ! Toutes les fédérations dénoncent la programmation de 54 000 suppressions de postes, chiffre qui s'élève à 210 000 avec les emplois induits. La composante civile est lourdement touchée alors que, en l'espace de douze ans, ses effectifs étaient déjà passés de 145 000 à 72 000. Les personnels refusent la logique comptable de cette LPM, le démantèlement progressif d'un ministère pourtant régalien, les évolutions technocratiques et autoritaires, la nouvelle carte militaire et le recours accru à la sous-traitance et aux externalisations.

Essentiel au ministère, le personnel civil devrait avoir droit à une perspective de carrière et de rémunération au sein de la fonction publique. Or c'est tout le contraire qui lui est proposé, avec l'individualisation des rémunérations, la casse du statut et la privatisation des missions de soutien. Ces dégraissages sont sans précédent. Mais, contrairement à ce que l'on veut nous faire croire, ils sont le résultat de la RGPP, et non celui de nouvelles données stratégiques. Mutualisation, rationalisation, réorganisation, meilleure gouvernance… Autant de prétextes faciles !

Avec de telles orientations, la préoccupation principale est de reconvertir les personnels. Les civils des sites transférés ou dissous vont connaître un véritable bouleversement. En cas de refus de mobilité, ils se heurteront aux pires difficultés pour retrouver du travail dans leur bassin d'emploi, la RGPP étant appliquée à toutes les fonctions publiques. Au-delà des mesures financières, il n'existe aucune mesure de reclassement cohérent. Le Gouvernement réussit donc le tour de force de se mettre à dos l'ensemble des personnels, et ce malgré des crédits en forte hausse : 377 milliards seront consacrés à la mission « Défense » sur douze ans ; 186 milliards sont prévus pour la LPM jusqu'en 2014. Alors que les caisses de l'État sont déclarées vides quand il s'agit de financer l'hôpital ou l'éducation nationale, les Français doivent savoir qu'ils auront à payer, sur six ans, la facture astronomique de 102 milliards pour l'équipement de nos forces.

Certes, la France gardera son rang, mais je m'interroge : à quel prix, et surtout pour quoi faire ? On peut douter du raisonnement selon lequel il faudrait absolument faire des économies sur le soutien et l'administration. Comme le prouve l'exemple britannique, le recours accru au privé risque bien de coûter plus cher qu'initialement.

En outre, on peut douter de la finalité de l'achat faramineux de matériels de guerre. Comme nous l'avions évoqué lors de l'examen du Livre blanc, se pose la question de la mission des armées. Si le but proclamé est d'assurer une meilleure sécurité des Français et de nos ressortissants, pourra-t-on réellement réussir avec des objectifs comme la dynamisation des exportations, le gonflement des programmes d'armement et la relance de la vente d'armes dans le monde ? Bien sûr que non ! Il résultera de ces orientations une dissémination des risques, au grand bonheur du lobby des armes.

Le plan de relance de l'économie va aggraver cette course folle à l'armement, à travers toute une panoplie dont l'essentiel va servir pour l'intervention de nos forces à l'étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

J'estime qu'un processus vraiment démocratique aurait associé nos concitoyens à trois décisions prises quasi unilatéralement, à savoir : la place de la dissuasion nucléaire, les missions de sécurité des armées et leur cadre international.

La dissuasion nucléaire, clef de voûte de notre stratégie de défense, représente un gouffre financier de plus de vingt milliards d'euros, soit un quart du budget d'équipement. L'arme nucléaire nous coûte environ onze millions d'euros par jour… Pourtant, on sait bien qu'elle n'est pas une assurance-vie. Le nucléaire est inadapté à la réalité actuelle des conflits. La diminution prévue d'un tiers des moyens de la force nucléaire aéroportée conforte d'ailleurs mon analyse.

Outre son coût financier, le nucléaire participe aussi de la dangerosité du monde à travers la prolifération. Nous sommes donc très mal placés pour faire la leçon à la Corée du Nord et à l'Iran !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

C'est pourquoi je veux réaffirmer sans détour la nécessité d'un désarmement nucléaire multilatéral. La France devrait oeuvrer à la dissolution des blocs militaires et à la dénucléarisation progressive, contrôlée et universelle, tout en mettant en place un système global de sécurité collective dans le cadre d'un règlement politique des conflits.

Quant au nouveau concept de sécurité globale, il s'agit d'une paranoïa soigneusement entretenue. Comme nous n'avons de cesse de le dénoncer, les changements institutionnels et de doctrine mélangent les concepts de défense et de sécurité nationale, installant un climat de guerre larvée. Il s'agit d'une vision purement militaire de la sécurité qui ouvre la voie à l'intervention de l'armée dans les missions d'ordre public. Cela est particulièrement dangereux pour les libertés publiques, tout comme le sont les réformes prévues du code de procédure pénale.

Le droit de chaque citoyen d'être informé s'accommode mal avec la réforme de la protection du secret défense. Celle-ci va dans le sens d'une restriction des marges de manoeuvres des magistrats instructeurs, surplombés dans leur action par la commission consultative du secret défense, dont les prérogatives seront renforcées.

Le code pénal élargirait le périmètre des atteintes au secret défense et les peines encourues seraient aggravées. La LPM contient aussi la création de l'appellation « lieux classifiés », échappant au droit commun. Ces changements sont inacceptables et largement dénoncés par les professionnels du droit. Même la commission des lois s'oppose au projet en l'état !

En revanche, le Président de la République s'arroge le droit de tout savoir. La création, en cas de crise, d'une fonction de coordination du renseignement auprès de lui, le conseil national du renseignement, dénote une dérive outrancière : même aux États-Unis, le Président n'a pas directement la main sur le renseignement ! En outre, la codification des attributions des membres du Gouvernement est réalisée dans l'obsession de la menace permanente de risques divers, réels ou supposés, et d'atteintes aux intérêts de la nation, à même de justifier une frénésie sécuritaire.

Pour couronner le tout, suite à la réintégration de la France dans le commandement intégré de l'OTAN, l'esprit guerrier atlantiste est érigé en doctrine officielle. On peut lire avec effroi que « le risque d'implication de notre pays et des pays européens ou alliés dans une guerre interétatique ne peut être exclu à l'horizon de quinze ans. » Attention, le gâchis humain n'a jamais été aussi proche !

Notre intégration dans l'OTAN va non seulement nuire à notre souveraineté, mais aussi augmenter « les sollicitations sur les théâtres extérieurs » – c'est écrit noir sur blanc, et on pense, en premier lieu, à l'Afghanistan. Actuellement, le président américain Obama déclare vouloir intensifier la guerre dans ce pays où massacres et les bavures se poursuivent à un rythme effréné. Le régime afghan a introduit la charia dans la Constitution et a légalisé le viol des femmes par leurs maris… Un grand bond en avant, décidément !

En fait, la République islamique d'Afghanistan, dont le sous-sol regorge de ressources naturelles, est devenue un eldorado prisé des investisseurs. Au-delà, le but réel de l'occupation est d'encercler la Russie et la Chine pour préparer un possible conflit, tout en contrôlant les routes du pétrole et du gaz de l'Asie centrale ex-soviétique. Voilà les vraies raisons de notre présence en Afghanistan, que la LPM entend conforter. Nous reprenons à bon compte les visées hégémoniques des États-Unis, au motif que la population serait exposée au terrorisme d'inspiration djihadiste.

Nicolas Sarkozy, pour sa part, aurait bien voulu participer à la guerre impérialiste en Irak. À présent, il enjoint aux entreprises françaises de venir investir dans ce pays comme des vautours !

La France a aussi franchi un cap stratégique en inaugurant la base militaire d'Abou Dhabi, face à l'Iran, souscrivant ainsi officiellement au rôle de sous-traitante des États-Unis dans la défense occidentale du golfe arabo-persique. Il s'agit de la première base française créée à l'étranger depuis la fin de l'ère coloniale, dans les années soixante.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Eh oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Il faut redouter que cette installation, dans un endroit stratégique car hautement pétrolifère, préfigure une participation à des frappes américaines ou israéliennes que la France soutiendrait. Ce positionnement est un recul historique qui confirme l'orientation hégémonique de la politique française au service des intérêts privés.

Conscients qu'il faut à la fois renforcer le lien défense-nation et faire face à un contexte budgétaire tendu, nous avançons plusieurs propositions.

Il nous faut d'abord réfléchir à la fermeture de nos bases militaires permanentes à l'étranger.

Ensuite, nous proposons de créer un pôle public national qui regrouperait les industries de défense qui, actuellement, s'occupent uniquement de rentabilité financière. Une maîtrise publique permettrait d'éviter que la course au profit ne conduise à la course à l'armement. Elle permettrait que la conception, la fabrication et la vente d'armes ne soient pas banalisées. Malheureusement, cette proposition va à l'exact opposé de ce que préconise cette loi qui s'inscrit pleinement dans la conception d'un marché européen toujours plus libéral. Du reste, un Livre vert publié en 2004 par la Commission européenne ne dessine-t-il pas l'ébauche d'un « marché européen pour les équipements de la défense, plus transparent et plus ouvert, à même de renforcer la position concurrentielle des industries de la défense européenne » ? Au nom de l'intégration dans l'Europe capitaliste, on abandonne des pans entiers de maîtrise publique sur les secteurs des missions de soutien, et sur le secteur de la production industrielle et du maintien en conditions opérationnelles, on prépare la privatisation de nos fleurons nationaux DCNS et SNPE, et on accroît le recours aux partenariats public-privé ! Ainsi, l'Europe, présentée par les hauts stratèges comme la solution à tous les problèmes, n'est en réalité bonne que pour nous absorber.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Toute sa philosophie consiste à désengager les États de leur propre outil de défense, ouvrant la porte à des alliances industrielles mondiales pour satisfaire l'appétit des actionnaires.

Avec cette LPM, la guerre se privatise. Les questions auxquelles nous devons répondre sont les suivantes : sommes-nous prêts à sacrifier notre souveraineté aux visées hégémoniques du capital ? Sommes-nous prêts à abandonner au privé l'organisation de pans entiers de nos armées ?

Pour leur part, les députés communistes, républicains et du Parti de Gauche estiment que l'organisation et les objectifs de notre défense nationale ne devraient pas relever du secteur privé. Au cours des discussions sur le Livre blanc, nous avons eu l'occasion d'exprimer notre vision d'une politique de sécurité alternative, basée sur la réponse aux besoins sociaux, sur des rapports internationaux de coopération et de dialogue, dans le cadre du droit international, et sur la maîtrise démocratique du recours à la force.

C'est aussi dans le cadre de la réappropriation par le peuple de son armée qu'il faudrait réfléchir à la reprise d'un service national de conscription…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

… tant il devient évident que les évolutions libérales et technocratiques actuelles éloignent de plus en plus nos concitoyens de leur armée.

En matière de défense, la rupture sarkozyste, c'est surtout la rupture de l'État avec son armée, la rupture entre la nation et sa défense, la rupture entre les personnels civils et leur ministère, la rupture avec les citoyens et avec la paix ! Bref, c'est la rupture ultralibérale, sur le modèle américain.

Par refus de ce cynisme, des logiques du profit et de guerre, les députés communistes, républicains et du Parti de Gauche, vous n'en serez pas étonnés, voteront contre ce projet de LPM. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

C'est vraiment de la solidarité !

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

C'est comme ça chez nous, monsieur le ministre : c'est comme le Nouveau Centre avec l'UMP !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État chargé de la défense et des anciens combattants, mes chers collègues, le projet de loi de programmation militaire 2009-2014 vient enfin en discussion dans notre hémicycle. Mieux vaut tard que jamais ! J'ai eu l'occasion de m'exprimer publiquement sur les conséquences de cet examen tardif que nous regrettons. Il n'est pas raisonnable, en effet, de casser la concordance entre la première année de la loi de programmation et la loi de finances – en l'occurrence celle de 2009 – qui aurait dû en traduire financièrement les orientations.

Nous avons aussi une responsabilité particulière vis-à-vis de nos armées qui ont besoin rapidement, un an après la sortie du Livre blanc, d'un cadre concret et de perspectives sur le long terme pour poursuivre la réforme positive déjà engagée.

Je tiens d'ailleurs à rendre ici un hommage sincère à tous nos militaires. Ils ont choisi un métier difficile, comparable à nul autre car, au bout de l'engagement, il y a le risque supérieur du don de la vie pour son pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Ils méritent tout notre respect et tout notre soutien, qu'ils soient envoyés sur des théâtres extérieurs ou présents sur notre territoire national.

Cette loi de programmation intervient dans un contexte inédit, caractérisé par un environnement toujours plus instable et complexe, et une menace toujours plus multiforme et insaisissable.

Jamais nous n'avons eu autant de forces françaises engagées en OPEX. Jamais le Parlement n'aura été aussi associé et impliqué dans notre politique de défense. C'est heureux ; il convient d'en tirer toutes les conséquences, et je me réjouis que notre commission de la défense puisse travailler sur une évaluation régulière du Livre blanc, avec une démarche de révision glissante de la programmation, ce qui devrait faciliter notre devoir de contrôle et de suivi.

Il est indispensable que tous les parlementaires que nous sommes aillent régulièrement sur le terrain, aux côtés des personnels, non seulement pour leur apporter le soutien moral de la représentation nationale, mais aussi pour faire remonter au ministère et dans les états-majors les nécessaires ajustements et améliorations de nos capacités opérationnelles.

J'ai moi-même eu la chance d'aller en Afghanistan, plus particulièrement auprès du prestigieux 8e RPIMA de Castres si douloureusement touché par la tragique embuscade du 18 août dernier en vallée d'Uzbeen. Je sais l'importance que revêtent ces missions tant pour l'élaboration de notre politique nationale que pour le soutien – même symbolique – de nos troupes, sans parler de leur utilité sur le plan du contrôle parlementaire.

La modernisation de notre défense passera, nous en sommes ici convaincus, par un Parlement toujours plus actif et engagé qui, dans sa diversité, deviendra la force de proposition entendue et respectée dont notre pays a tant besoin.

S'agissant du contenu du texte, nous ne pouvons que nous réjouir du caractère raisonnable, sincère et réaliste des ambitions et orientations retenues, ce qui nous laisse espérer qu'il n'y aura pas de décalage entre la réalité du terrain et les moyens budgétaires alloués. Les chiffres que vous nous avez annoncés, monsieur le ministre, sont en augmentation de près de quatre milliards d'euros – ce n'est pas rien ! Nous ne pouvons que nous réjouir du sort que cette loi de programmation réserve à notre défense.

Le temps me manque pour parler en détail des grandes avancées de ce texte et de la réforme dans sa globalité : la modification de la carte militaire, la longue liste des programmes d'équipements tant attendus, la meilleure prise en compte du maintien en condition opérationnelle, le financement assuré et réaliste des OPEX et de nos forces de souveraineté, la revalorisation de la situation des personnels, le dispositif de promotion sociale, la mutualisation des fonctions de soutien, etc. Le rôle et la place de la France dans le monde en matière de défense sont pris en compte au bon niveau : la France est une puissance internationale, son siège de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU donne des droits mais aussi des devoirs qu'il faut honorer. Nos armées doivent en être l'un des instruments.

Pour chacune des cinq fonctions stratégiques identifiées par le Livre blanc – « connaissance et anticipation », « dissuasion », « prévention », « protection », « intervention » –, le rapport annexé détaille les objectifs et les contrats opérationnels correspondants. Nous souscrivons tout particulièrement à la priorité donnée au renseignement, car celui-ci est indispensable pour mieux évaluer les menaces qui pèsent sur nous et s'en affranchir.

La gouvernance de notre système institutionnel de défense, avec la création d'un conseil de défense et de sécurité nationale, est aussi modernisée dans un souci d'efficacité et de réactivité, tout comme le regroupement des moyens au sein d'un Pentagone à la française établi à Balard. Les menaces qui pèsent sur la sécurité de la France au XXIe siècle sont bien cernées et appellent de nouvelles capacités de réponse de notre part.

Un autre élément très positif est la mise en oeuvre de l'« exception défense », qui consiste à financer les nouveaux équipements grâce aux économies liées à la réforme du ministère et particulièrement à la RGPP. C'est une posture très vertueuse. Toutefois, il faudra s'assurer que Bercy respectera les engagements pluriannuels que nous allons voter, même si le contexte économique et budgétaire national est difficile. Il y va de la cohérence de notre politique de défense, laquelle ne peut en aucune manière être une variable d'ajustement du budget de l'État, comme elle l'a trop souvent été dans le passé.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Cela est d'autant plus vrai que le financement du projet de loi de programmation militaire s'appuie sur certaines recettes exceptionnelles comme les ventes immobilières ou les cessions de fréquences, recettes qui, par définition, ne sont ni pérennes ni récurrentes. Vous nous avez rassurés en commission, monsieur le ministre, en vous appuyant vous-même sur les garanties de Bercy. Il serait bienvenu de les rappeler ici, devant la représentation nationale tout entière. On peut cependant s'interroger sur la valorisation de ces recettes et sur les risques que comporte le choix de les tirer, en ces temps de crise, de l'immobilier : sont-elles à la hauteur des biens concernés ?

Si ce texte est globalement très positif, il n'en est pas moins perfectible sur certains points. C'est pourquoi j'ai déposé au nom du groupe Nouveau Centre un certain nombre d'amendements qui, je l'espère, recevront votre assentiment comme celui de la représentation nationale.

Nous pensons tout d'abord que la dimension de l'Europe de la défense n'est pas assez soulignée, que ce soit en termes symboliques – d'où notre amendement à l'article 5 pour introduire la dimension incontournable de la politique européenne de sécurité et de défense dans notre code de la défense –, mais aussi, de manière plus opérationnelle et concrète, en inscrivant dans notre participation à l'OTAN la volonté de construire un véritable pilier européen. Cela faisait partie des engagements de la Présidence française de l'Union européenne et nous devons faire figurer cet objectif dans la partie intitulée : « La rénovation de la relation transatlantique. »

Nous vous proposons également, monsieur le ministre, de donner davantage de poids à l'outre-mer et à ses spécificités, ainsi qu'à la protection de nos zones économiques exclusives maritimes et océaniques. L'enjeu du contrôle des ressources maritimes va, bien au-delà des questions halieutiques, devenir central au cours du siècle à mesure que les ressources terrestres vont s'épuiser. Il faut donc préparer cet enjeu particulier qui se situe au croisement de la défense de notre souveraineté territoriale, de la protection de la biodiversité et de nos intérêts économiques.

Dans le domaine de la coopération civilo-militaire en OPEX, le projet de loi reste muet. Force est pourtant de reconnaître que cette dimension, qui a toujours été une spécificité des forces françaises, fait bien souvent la différence sur le terrain. Ainsi j'ai pu constater qu'en Afghanistan, l'engagement des forces françaises dans des opérations d'aide à la population civile non seulement donne une image très positive de notre présence, mais contribue aussi très directement à faciliter la mission de nos soldats, notamment dans le domaine du renseignement.

Enfin, dans le domaine de l'industrie de la défense, le projet de loi est très discret pour nos PME, qui, à côté de nos grands groupes nationaux, participent de l'excellence française en matière de technologie de défense, comme elles participent de notre indépendance nationale et agissent favorablement sur nos exportations et notre balance commerciale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Monsieur le ministre, je sais que vous avez lancé un plan en faveur de ce secteur essentiel de notre économie mais, en concertation avec leurs groupements, nous avons proposé une série de mesures concrètes. Là encore, un amendement vous permettra, je l'espère, de vous exprimer positivement sur la situation de ces PME qui ont besoin, comme nous le demandons au Nouveau Centre, d'un « Small business Act » à la française. S'il est besoin de vous en convaincre, sachez que, en 2006, la part des PME dans les marchés publics passés par l'État s'est élevée à 12 %, contre 23 % aux États-Unis.

D'autres amendements, plus techniques, vous seront proposés. Ils résultent de propositions recueillies dans le cadre d'auditions ou de déplacements sur le terrain que les rapporteurs budgétaires que nous sommes effectuent régulièrement.

« Les grands pays le sont pour l'avoir voulu.» « Dans le conflit présent comme dans ceux qui l'ont précédé, être inerte, c'est être battu.» Ainsi s'exprimait le général de Gaulle.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Ces phrases sont plus que jamais d'actualité ; c'est pourquoi nous devons poursuivre les réformes et continuer à adapter nos forces armées.

Le présent texte n'en reste pas moins un bon projet de loi de programmation, sincère et efficace. Nous tenons à vous féliciter, monsieur le ministre, pour tout le travail accompli, lequel a recueilli un vif succès sur le terrain auprès des premiers concernés, les militaires. Nous ne pouvons donc, à notre tour, que vous apporter notre soutien total, et c'est avec confiance que nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Deflesselles

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la programmation militaire est indissociable de la Ve République. Elle traduit la volonté de la France d'assurer sa défense et sa sécurité tout autant que son indépendance et son rang dans le concert des nations. Elle est enfin, avec le Livre blanc et les restructurations, au coeur du triptyque républicain qui définit et organise la stratégie de la France ainsi que les moyens qui lui sont dédiés.

Notre assemblée se prononce aujourd'hui sur le onzième projet de loi de programmation militaire, poursuivant ainsi avec constance la voie tracée par le général de Gaulle, cette voie qui fait de la France une nation influente et respectée, cette voie qui, depuis plus d'un demi-siècle, a permis aux Français de vivre dans la paix et la liberté. Je souhaite, mes chers collègues, rappeler dans cet hémicycle l'impérieux devoir de fidélité à ces principes de la République auxquels nous appelle l'examen du présent texte.

Je souhaite également mettre en garde tous ceux qui, par opportunisme, calcul ou amnésie, refuseraient à nos armées les ressources dont elles ont besoin. Au moment où la nation demande à ses soldats d'aller jusqu'au bout de leur engagement, il y va de l'honneur de notre assemblée de leur garantir les moyens d'accomplir leurs missions et de leur témoigner son active solidarité.

Pourquoi devons-nous approuver ce projet de loi ? Quelles sont nos attentes ? Ces deux questions sont à mon sens les seules qui vaillent. La France se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins. La disparition d'un monde bipolaire, dominé par deux superpuissances, appelle à l'émergence d'une multipolarité qui dissémine les arcs de crise tout comme les zones et les natures de tensions. Désormais, les menaces sur la sécurité des Français et la paix du monde sont diffuses, changeantes et imprévisibles.

C'est le défi que la France doit aujourd'hui relever, celui d'un XXIe siècle marqué par la chute du mur de Berlin, puis les attaques terroristes du 11 septembre. Cette période charnière de vingt années n'a pas eu de répercussions fondamentales sur l'organisation et les moyens consacrés à notre défense, sinon une réduction constante des ressources allouées aux armées, des choix capacitaires fondamentaux sans cesse repoussés et un modèle sécuritaire en inadéquation doctrinale avec les engagements internationaux du pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Deflesselles

Ce projet de loi de programmation pour 2009-2014 a pour ambition, comme le Livre blanc nous y appelle, de corriger cette triple dérive doctrinale, financière et capacitaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Deflesselles

La doctrine, tout d'abord. C'est la première fois sous la Ve République qu'un engagement doctrinal aussi intense est soumis à la nation. Même lors du choix de la dissuasion nucléaire – qui, je vous le rappelle, n'a été pleinement réalisé qu'à l'issue de trois lois de programmation entre 1960 et 1976 –, la mobilisation des énergies n'avait pas été aussi complète. Livre blanc, plan de restructuration, programmation et premier budget comportant lui-même la notion de triannualité des commandes sont en effet simultanément présentés et engagés.

C'était nécessaire, n'en déplaise à ceux qui, pour tout argument, nous opposent les quelques mois de retard sur un premier budget déjà en cours d'exécution. Ce nouvel élan, nous le devons à l'engagement personnel du Président de la République ; nous y adhérons, monsieur le ministre de la défense, car vous avez su le porter avec foi et conviction auprès de la représentation nationale : nul ni personne au sein de notre assemblée ne peut le contester.

Que nous est-il proposé aujourd'hui ? L'application du Livre blanc ; en d'autres termes une stratégie de défense et de sécurité nationale avec des moyens adaptés à nos ambitions. Là encore, c'est une première car jamais, dans l'histoire de la Ve République, les perspectives tracées par ces ouvrages de référence n'avaient été réalisées : celles de 1972 ont été remises en cause par la guerre du Kippour et le premier choc pétrolier qui a suivi ; celles de 1994 ont été différées puis abandonnées pour cause de suspension de la conscription et d'alternance politique.

Entre-temps, le monde a changé : de nouvelles menaces, régionales ou planétaires, sont apparues. Les zones de crise se sont multipliées : Géorgie, Kosovo, Afghanistan, Darfour, Somalie, Golfe d'Aden ou, encore et toujours, Liban et Irak. La palette des menaces s'est globalisée : nucléaire nord-coréen ou iranien, arsenal pakistanais, « hyperterrorisme », génocides au Rwanda ou au Darfour, pirateries, mafias ou encore trafics en tous genres.

Aujourd'hui, nous avons l'opportunité de réaliser la réforme doctrinale profonde et durable de notre système de sécurité nationale et de défense. Au cours de ces dernières années, les évaluations sur les besoins et les moyens – en d'autres termes sur les menaces et les ressources – ont conduit à proposer une nouvelle organisation pour que notre défense réponde aux critères d'universalité, de globalité et d'efficience de ce siècle.

En premier lieu, la programmation en fixe les objectifs par un engagement massif de nos moyens au profit de fonctions qualifiées de renseignement et d'anticipation. La maîtrise de celles-ci passe par l'utilisation de la quatrième dimension ; il est donc grand temps de traduire dans nos investissements une réalité désormais incontournable : la crédibilité de la défense est indissociable de la maîtrise de l'espace et des technologies qui s'y rapportent. Celles-ci garantissent l'efficience de notre dissuasion et l'indépendance de nos capacités d'intervention.

En second lieu, ce projet de loi met un terme à l'ambiguïté stratégique qui nous conduisait à être l'un des fondateurs, l'un des premiers contributeurs militaires et financiers, et l'un des seuls pays à disposer de la qualification de « nation cadre » au sein de l'Alliance atlantique sans pour autant participer à la planification de son action. Il est désormais impossible de revendiquer à la fois notre appartenance à une alliance autour de laquelle existe l'Europe de la défense, et de ne pas participer à la permanence de ses structures opérationnelles.

S'agissant des ressources, là encore, une hypocrisie bien franco-française nous conduisait à fixer des objectifs sans trop nous soucier de l'intendance, laquelle, par définition, est censée suivre ! Mais les définitions peuvent elles aussi être démenties par l'histoire. Sur les dix lois de programmation votées par la représentation nationale, une seule, la première, a tenu intégralement ses engagements. Une seconde, celle de 2003-2008, devrait s'en approcher car, dans le domaine des ouvertures de crédits, ces derniers, à 700 millions d'euros près – sur près de 92 milliards –, ont été votés par le Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Deflesselles

Quoi qu'il en soit, mesdames et messieurs de la gauche, les 12 milliards d'euros retirés aux armées par le gouvernement Jospin de 1997 à 2002 ont été récupérés au cours de la programmation pour 2003-2008. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Deflesselles

Cet effort, la nouvelle programmation va l'amplifier par un engagement qui réside dans le réalisme de sa construction financière – toujours en euros constants – mais aussi dans la pertinence de la révision réaliste des programmes.

Sur l'effort financier, le retour à la globalisation des ressources favorise la gestion des ressources humaines : recrutement, préparation et reconversion adaptés à des forces professionnalisées. Cela permettra de garantir les flux financiers nécessaires en termes d'effectifs mais aussi aux dépenses liées aux engagements opérationnels.

Un tel effort programmatique sanctuarisera l'enveloppe budgétaire indispensable à l'équipement des armées. Il se trouve déjà inscrit dans la loi de finances en cours d'exécution. Pour la seule année 2009, les crédits d'équipement progressent d'ailleurs de près de 11 %, passant de 15,4 milliards d'euros à 17 milliards, rythme qui doit être maintenu pendant la période de programmation. Au total, 186 milliards d'euros – valeur 2008 – seront consacrés à la mission défense d'ici à 2014. Nous prévoyons dès à présent de poursuivre cet effort jusqu'en 2020 avec la prochaine programmation. Sans cette continuité, il ne peut y avoir de pérennisation de la qualité de notre défense.

L'effort financier doit permettre aux armées de poursuivre leur rééquipement par l'introduction de nouveaux matériels, mais aussi par la mise à niveau du parc opérationnel. La méthode introduite dans le budget de 2009 bénéficiant du retour d'expérience de la pluriannualisation introduite lors des commandes de Rafale me semble tout à fait appropriée.

Assurer aux industriels une stabilité en volume sur trois ans des matériels commandés contribue à la maîtrise des coûts ainsi qu'au respect calendaire des programmes. Cette conception, qui garantie le pouvoir d'achat des armées, tout comme leurs objectifs capacitaires, doit être amplifiée.

Enfin, les choix capacitaires trop longtemps différés et les retards pris par les industriels dans la réalisation de programmes majeurs toujours plus complexes nous laissent penser que, au cours de l'exécution de cette loi, certaines de nos capacités stratégiques seront amoindries de façon préoccupante, notamment dans les domaines des transports aériens stratégiques – A400M – et opératifs – hélicoptères de manoeuvre –, ainsi que dans ceux dédiés à l'appui ou au soutien des forces.

Je sais toute l'énergie que vous consacrez, monsieur le ministre, à défendre les intérêts de nos armées et de l'industrie nationale dans la résolution de ces programmes sur lesquels vous pouvez, j'en suis convaincu, nous rassurer dès aujourd'hui. Je sais aussi que le sens du vocable « capacitaire » va bien au-delà des programmes emblématiques de nos armées, sans lesquels il ne peut y avoir de défense crédible. C'est pourquoi je souhaiterais exprimer ma préoccupation quant à l'équipement de l'armée de terre qui demeure l'élément ultime de nos forces, puisqu'elle représente de façon constante les trois quarts des forces engagées en OPEX, quels que soient les théâtres d'opérations.

Le plan de relance pour 2009 et la réserve interministérielle de précaution apportent déjà certaines réponses en termes de cohérence opérationnelle – hélicoptères Caracal, munitions, véhicules Aravis. Il faudra vraisemblablement faire plus, vous le savez.

Ce supplément devra nécessairement être orienté au profit de nos forces terrestres, en faveur de la mise à niveau des matériels déjà en service et surtout des nombreuses acquisitions simultanées de nouveaux systèmes d'armes, de nouvelles munitions et de la multitude de programmes de cohérence nécessaires à leur efficience opérationnelle. Je forme le souhait que ces efforts puissent être poursuivis.

Monsieur le ministre, vous avez, au nom de l'exécutif, préparé cette loi de programmation. Il nous appartient aujourd'hui, en tant que parlementaires, de prendre nos responsabilités. Pour ma part, cela se traduira à l'évidence par un soutien actif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Merci !

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Mais non, le pire n'est pas à craindre !

Monsieur Deflesselles, vous faites référence à l'histoire : je ne suis pas certaine que le général de Gaulle eût apprécié la décision prise par le Président de la République à propos de l'OTAN. Mais nous pourrions en discuter longtemps, et là n'est pas la question.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

C'est pourtant ce que vous venez de faire !

Vous ne serez pas surpris, monsieur le ministre, par le sujet que j'ai choisi d'aborder. Après quelques mois de retard, vous avez profité de ce décalage pour glisser dans cette loi quelques dispositions qui ne sont pas anodines. Il y a là, me semble-t-il, un exemple supplémentaire de cette attitude « anti-magistrats » qui se manifeste depuis quelques années, et peut-être même une tentative de restriction des libertés publiques.

Parmi ces dispositions figurent les articles 12 à 14 qui traitent du secret de la défense nationale. L'article 12 répond à un vide juridique constaté par le Conseil d'État qui, dans son avis du 5 avril 2007, en appelle au législateur pour régler le manque de cohérence des procédures de perquisition dans des lieux abritant des éléments susceptibles d'être couverts par le secret de la défense nationale.

Le Conseil d'État précise qu'un « juge d'instruction qui confierait par commission rogatoire le soin d'effectuer un acte qu'il est dans l'impossibilité d'exécuter lui-même ne peut conférer à l'intéressé plus de pouvoirs que ceux qu'il tient de ces dispositions ».

Dans notre monde globalisé où la menace est multilatérale et asymétrique, protéger les intérêts suprêmes de la nation est une priorité et une nécessité, nul ne le conteste. On peut cependant se demander si l'extension que vous proposez du secret de la défense répond bien à cette exigence. Sous couvert de bonnes intentions, vous allez trop loin. Le secret de la défense n'est plus une notion maîtrisée, claire et précise en droit. Il peut être invoqué pour tout.

Vos solutions ne sont pas bonnes, car elles créent un profond déséquilibre entre les intérêts de l'administration et le juge. Tout est fait pour empêcher le juge d'accéder à la vérité.

Ainsi, l'article 12 institue d'abord une liste de lieux connus pour abriter des éléments classifiés. Celle-ci est arrêtée par le Premier ministre, mais pas sous le contrôle de la Commission consultative du secret de la défense nationale. Elle demeure confidentielle, n'est pas susceptible de recours et peut être régulièrement actualisée. Cette brèche laisse la voie libre à des dérives interprétatives, à des ajouts de circonstance. Cette liste pourra fluctuer au gré des inspirations ou des peurs du pouvoir en place.

De même, si la loi était votée en l'état, les conditions d'intervention du juge d'instruction seraient telles que la perquisition perdrait toute efficacité : qu'en reste-t-il, en effet, si une perquisition doit s'arrêter dès que sont invoquées les mentions « secret défense » ou « confidentiel défense », et qu'aucun scellé n'est apposé.

Vous imposez une saisine préalable, par courrier, de la CCSDN, qui fait perdre tout son sens à la perquisition, dont l'efficacité repose en partie sur son caractère impromptu.

Je me réjouis que la commission des lois ait relevé cette dérive et que, dans sa sagesse, elle ait souhaité rétablir un équilibre entre la justice et l'administration, pour garantir l'efficacité des perquisitions. Je me réjouis aussi qu'elle ait adopté notre position en la matière, et j'invite tant M. le ministre que les membres de la commission de la défense à faire preuve de la même sagesse en rétablissant l'équilibre entre les deux intérêts et les deux parties. Sur ce premier point, nous devrions pouvoir, je l'espère, trouver un accord au cours de la discussion des articles.

Mais l'article 12 institue également un nouveau concept : celui de « lieu classifié ». Jusqu'à présent, seuls des fichiers, des données et des documents pouvaient faire l'objet d'une classification. Demain, des lieux divers pourront être classifiés et leur accès sera interdit au juge. La procédure que vous créez le prive de tout pouvoir, puisqu'il ne peut plus accéder aux lieux classifiés. Quand bien même il demanderait à y accéder, il faudrait qu'il sache et qu'il écrive ce qu'il y cherche. Or, comment pourrait-il le savoir, puisque aucune information ne peut lui parvenir sans qu'il se rende coupable de recel d'éléments couverts par le secret défense ? Cet article est donc une usine à gaz qui crée une zone de non-droit sans précédent dans notre histoire.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Vous n'avez pas tout compris !

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

On peut comprendre que certaines installations qui sont au coeur des intérêts stratégiques nécessitent quelques précautions. Mais il en existe déjà, et nous n'avons aucune garantie sur le caractère restrictif des lieux classifiés. Il ne saurait être question de soustraire le Palais de l'Élysée à toute perquisition sous prétexte qu'il abrite un centre opérationnel lié à notre dissuasion stratégique.

Dans les faits, ces lieux protégés seront soustraits au droit. On sait quelles dérives sont possibles dès lors que des lieux échappent à tout contrôle populaire ou juridictionnel. Je ne dis pas que vous le ferez, mais la dérive sera désormais possible, tout comme la tentation. Je n'oublie jamais que nous sommes tous des êtres humains, monsieur le ministre.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Dieu merci !

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Le travail des députés en commission a permis de réintroduire le contrôle du Conseil d'État sur l'établissement et la détermination des lieux classifiés. Nous souhaitons aller plus loin en remettant la CCSDN au coeur de la décision de déclassification temporaire de ces lieux. Les magistrats doivent pouvoir continuer à accéder à tout lieu, lorsque la vérité l'exige.

Je vous demande donc, monsieur le ministre – pour que votre réponse figure dans le compte rendu de la séance –, d'accepter la formulation de la commission des lois et que nous instaurions un rapport annuel de la Commission consultative sur les lieux classifiés, pour que ceux-ci demeurent l'exception. En choisissant de classifier un lieu, il ne faut prendre en compte que la protection des intérêts supérieurs de la nation, et non les intérêts personnels de tel ou tel personnage de l'État ou de l'administration.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Ce rapport annuel serait une source précieuse d'évaluation de la pertinence d'une telle disposition.

Monsieur le ministre, jusqu'ici, la coexistence de deux droits distincts ne permettait pas de définir clairement les cas où ils se confrontent et se recoupent. Notre réponse ne doit pas soumettre le droit général au droit spécifique de la défense. Nous devons collectivement veiller à maintenir un équilibre entre ces deux droits. Nos valeurs républicaines l'imposent.

On nous dira que nul ne sera tenté, étant prévenu d'une éventuelle perquisition, d'y soustraire un document. Mais qui, dans la société civile, accepterait que, dans le cours d'une enquête, un juge prévienne de sa venue trois ou quatre jours à l'avance ? Nous avons connu de nombreuses affaires, dont quelques-unes étaient liées à des questions de défense, et, si nous n'avons pas relevé de tentations répréhensibles de la part d'un ministre ou des fonctionnaire que vous avez l'honneur de diriger, nous savons tous que certaines enquêtes auraient pu aller beaucoup plus vite si le secret défense ne s'était pas opposé à la communication de certains documents. M. Deflesselles aime l'histoire : elle nous apprend que ces affaires ont touché non seulement des hommes et des femmes, mais l'honneur de l'armée, d'un gouvernement, de l'État. Plus nous serons clairs et transparents, plus nous saurons comment et pourquoi les choses se passent, plus les citoyens se diront que toutes les instructions ont la même valeur et la même efficacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Hillmeyer

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il serait vain et prétentieux, dans les cinq minutes qui me sont imparties, de vouloir examiner dans son ensemble un projet de loi qui tend à organiser notre défense jusqu'en 2014. Je me bornerai donc à aborder quelques points après un rapide survol de ce texte qui arrive enfin devant la représentation nationale, en reprenant plus généralement les préconisations du Livre blanc.

Je tiens à souligner l'excellence des débats menés en commission, sous la férule de notre président Guy Teissier, qui nous aura donné l'occasion d'aborder sans oeillères et sans restriction tous les aspects de la loi de programmation.

Relevons, monsieur le ministre, l'effort financier considérable qui est fait avec des dépenses d'équipement avoisinant 101 milliards d'euros pour un crédit total Défense de 185 milliards, hors pensions. Relevons aussi l'effort en faveur des entreprises de l'armement, avec le plan de relance dont l'objectif est double : donner du travail et équiper plus rapidement nos forces. Notons l'importance accordée aux outils de surveillance satellitaire et au financement de l'alerte spatiale avancée, qui, à l'horizon 2020, devrait enfin donner à notre pays l'indépendance des moyens de connaissance stratégique sur le terrain, preuve, s'il en était besoin, de la volonté de la France de maîtriser l'information et d'accroître notre autonomie de décision.

Notons aussi la pérennité et la progression du budget consacré exclusivement aux OPEX, avec 510 millions d'euros pour 2009, pour atteindre 630 millions d'euros en 2011.

Il est évident que l'amélioration de la condition militaire, l'achat d'équipements indispensables, le maintien en condition opérationnelle, nécessitent des financements qui, eux-mêmes, sont aujourd'hui quelque peu fragilisés par la crise que nous traversons.

En ce qui concerne les ventes d'actifs immobiliers, monsieur le ministre, vos propos nous ont rassurés. Je note les annonces faites par votre collègue du budget, concernant les 30 millions d'euros déjà encaissés et le report des ventes de fréquences pour de simples raisons techniques.

L'exercice financier et la réussite de la LPM dépendent étroitement du succès des ressources humaines, qui, en diminution, continueront à assurer la totalité des missions dévolues, mais avec un équipement plus performant.

Toutefois, cela ne doit pas se faire au détriment de celles et ceux qui quitteront le système par le jeu de la réduction des effectifs. Je vous ai entendu, monsieur le ministre, rassurer les personnels civils dans leurs perspectives d'avenir et leur reclassement. Je sais votre volonté d'aboutir à des solutions satisfaisantes pour tous, comme vous vous y êtes engagés, par exemple, avec les représentants de la base aérienne 132 à Meyenheim.

La réforme en cours doit permettre le maintien des objectifs tracés en cohérence avec les standards de l'OTAN. À ce propos, le chef d'état-major des armées, le général Jean-Louis Georgelin, a déclaré de cette réforme qu'elle « garantit le niveau de préparation des forces, ainsi que le moral et la cohésion des hommes ». « Telle qu'elle apparaît, cette LPM permet de remplir les objectifs qui ont été fixés », ajoutait-il.

Le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN est aussi sujet à débat dans le cadre de la LPM. Je rappelle la position claire du Nouveau Centre, qui a approuvé ce retour. Il n'est que la confirmation de l'importance de nos forces sur le plan européen. En effet, les nations européennes à qui nous demandons des efforts en matière de défense ne comprenaient pas la situation antérieure, et la construction d'une véritable Europe de la défense – que nous appelons de nos voeux au Nouveau Centre – ne pouvait évoluer qu'avec la réintégration pleine et entière de la France dans l'Alliance atlantique. Rien de notre indépendance militaire ou de nos choix stratégiques ne sera affecté. Nous ne pouvons que nous renforcer, en donnant une image positive de la France pour la défense de nos valeurs et des droits de l'homme.

Fondement essentiel de notre stratégie, l'arme de dissuasion est maintenue à un niveau d'efficacité suffisant, avec la mise en service d'un quatrième sous-marin lanceur d'engins et la livraison de missiles M-51 et air-sol moyenne portée.

Vous avez évoqué, monsieur le ministre, la volonté de votre ministère d'inscrire clairement nos armées dans le Grenelle de l'environnement. De nombreuses mesures ont déjà été prises en ce sens, qui auront révélé une certaine dispersion : nos ingénieurs militaires, de grande qualité, se trouvent dans leur arme respective, et une meilleure mutualisation, sous l'autorité d'un service – par exemple le SID – serait hautement souhaitable.

Je ne veux conclure mon propos sans évoquer la situation nouvelle que rencontre la gendarmerie, et particulièrement signifier mon attachement et celui de la plupart de mes collègues à lui conserver le statut militaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Hillmeyer

La gendarmerie est liée au monde de la défense, bien qu'elle oeuvre à des missions de police, d'ordre public et de police judiciaire – ces dernières occupant aujourd'hui 40 % de son activité.

De ce fait, il était indispensable de jeter des passerelles entre police et gendarmerie. Elles sont établies de longue date et leur rattachement au ministère de l'intérieur ne fait que les concrétiser. Néanmoins, les gendarmes sont des militaires, et ils doivent rester directement sous la responsabilité du ministre de la défense.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Hillmeyer

Cette dualité inquiète les gendarmes. Il nous appartiendra, chers collègues, à veiller à ce que rien ne vienne entraver ce statut militaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Hillmeyer

Enfin, l'audition des représentants des personnels civils nous rappelle votre engagement, monsieur le ministre, à publier un rapport sur les fonctions qui peuvent être confiées à ces personnels, mais aussi le souci de voir pérenniser les commandes d'équipements aux établissements étatiques.

Cette loi permettra à la France de se maintenir au niveau des puissances capables d'assurer la sécurité de leur territoire, mais aussi d'intervenir sur des théâtres d'opérations extérieurs, en alliance avec les pays qui partagent la même conception de la démocratie, de la liberté et de la protection de l'être humain.

En conclusion, je veux vous dire, monsieur le ministre, la charge qui vous incombe, mais aussi la confiance que nous plaçons, avec nos militaires, en vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Merci !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Je ne vous poserai qu'une seule question, monsieur le ministre : qu'avez-vous fait de la défense européenne ?

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Ah !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Je vous rappelle qu'au début de l'année 2008, le Président de la République déclarait que, « face à l'ampleur des menaces et des crises, le développement d'une Europe de la défense efficace est une nécessité stratégique ». La France avait d'ailleurs fait de la défense européenne l'une des priorités de sa présidence de l'Union.

Le bilan est fort décevant : il y a bien eu quelques opérations de sous-traitance pour le compte de l'OTAN, mais vous n'êtes pas parvenu à atteindre l'objectif essentiel – la création d'une cellule de commandement et de planification. Certes, mener de telles discussions avec nos partenaires n'est pas chose facile, mais de nombreux observateurs considèrent – à juste titre – que l'annonce du retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN nous a ôté beaucoup de notre capacité de conviction, tant auprès de nos partenaires qu'auprès de nos alliés américains.

Cette annonce, faite par étapes, s'appuyait sur un argument essentiel : progresser dans le renforcement de la défense européenne. En présentant le Livre blanc à cette même tribune, le 26 juin 2008, le Premier ministre déclarait que « l'Union européenne doit prendre ses responsabilités en matière de sécurité et de défense, faute de quoi elle n'exercera jamais l'influence politique qui lui revient ». « Au regard des avancées de l'Europe de la défense », ajoutait-il, « la France se montre ouverte, sous certaines conditions, à retrouver sa place dans le dispositif militaire de l'Alliance atlantique à l'exclusion des questions nucléaires ». Je vous pose donc la question, monsieur le ministre : où sont les avancées, et où sont les conditions concernant la défense européenne ?

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Dans l'Europe entière, cette décision a été jugée très positive, sauf en France !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Oui ; disons plutôt que ceux qui sont dans l'OTAN l'ont jugée positive.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Je rappelle également que, lors de l'engagement de responsabilité dans l'hémicycle, le 17 mars dernier, le Premier ministre a, une nouvelle fois, affirmé que la France prend toute sa place dans l'OTAN pour donner à l'Europe de la défense sa véritable dimension. Je vous demande donc quelles sont les avancées que vous avez obtenues à ce jour, en contrepartie du retour au sein du commandement intégré de l'OTAN, dans le domaine de la défense européenne ? Je serais heureux que vous nous fournissiez des éléments de réponse.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Je le ferai !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Enfin, nous attendons tous avec impatience la ratification complète du traité de Lisbonne.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Je vous rappelle que l'article 28 A, alinéa 2 introduit dans les traités européens par le traité de Lisbonne prévoit que « la politique de sécurité et de défense commune inclut la définition progressive d'une politique de défense commune de l'Union. Elle conduira à une défense commune dès lors que le Conseil européen, statuant à l'unanimité, en aura décidé ainsi ». Ainsi, le traité de Lisbonne prévoit lui aussi la constitution d'une défense européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Expliquez-moi donc, monsieur le ministre, pour quelle raison les mots « défense européenne » n'apparaissent jamais dans le projet de loi de programmation militaire ? Pour quelle raison avez-vous systématiquement refusé en commission les amendements qui tendaient à les y introduire ? Et – question annexe, mais tout de même intéressante – pour quelle raison ce débat, initialement prévu dans le courant du mois de mai, n'a-t-il lieu que ce soir, c'est-à-dire au lendemain des élections européennes ?

En matière de financement et d'équipements, ce projet de loi de programmation militaire contient beaucoup d'éléments. À ce titre, il reste dans la continuité des précédents. Vous n'avez pas encore cédé à la tentation que vous fustigiez il y a quelques mois, chez certains de nos partenaires, de réduire trop sensiblement les dépenses militaires.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

C'est le contraire qui se produit !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Ce sont ces mêmes partenaires, dont vous saluez aujourd'hui les applaudissements, et dont vous fustigiez il y a peu la trop grande passivité !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Compte tenu de la politique qui sous-tend ce projet de loi de programmation militaire, qui est hélas une politique de renoncement, je ne voterai pas ce texte !

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Guilloteau

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, je vous prie d'excuser mon collègue Michel Voisin, que je remplace au pied levé.

Nous voici donc réunis afin de débattre en séance de la nouvelle loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014. Je le dis sans polémique aucune : enfin !

Cette loi de programmation a été déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale le 29 octobre 2008 ; nous sommes déjà en juin 2009. Un tel projet réapparaît tous les cinq ans. Attendu par nos forces armées, il ne peut constituer la variable d'ajustement d'un ordre du jour dont, certes, je n'ignore pas qu'il est très chargé et difficile à mettre en oeuvre.

Depuis quelques années, et surtout depuis quelques mois, nous demandons beaucoup à nos forces. Depuis l'élection présidentielle de 2007, le secteur de la défense connaît une profonde réorganisation, qui se traduit en termes techniques et humains par la révision générale des politiques publiques – la fameuse RGPP, dont l'application par le ministère de la défense est unanimement saluée – et par l'annonce d'une refonte majeure de notre carte militaire qui entraînera d'ici cinq ans la suppression de plus de 50 000 postes civils et militaires. Je tiens à souligner ici qu'aucune autre administration française ne consentira un tel effort de réorganisation dans les années à venir.

Cette réorganisation se traduit aussi par la mise en oeuvre d'une nouvelle stratégie définie par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, publié en juillet 2008. Ce Livre blanc est ambitieux : il entend adapter la défense de notre pays au monde multipolaire, aux risques démultipliés, issus de la chute du bloc de l'Est et de la fin du système de la guerre froide. Le Livre blanc précédent prenait acte de la fin de cette guerre froide et envisageait un début de réorientation de notre politique de défense. Le Livre Blanc de 2008 est celui de l'après 11 septembre, de la guerre en Afghanistan, des risques de terrorisme et de la montée du nationalisme. Les événements s'enchaînent et s'accélèrent : il y a encore cinq ans, personne ne parlait de la piraterie aux larges des côtes somaliennes. Or, aujourd'hui, on sait que cette pratique se développe fortement et qu'elle nécessite des moyens particuliers d'intervention permanente et de surveillance.

Ce simple exemple démontre combien l'exercice de la rédaction d'un Livre Blanc est complexe. Comment, en dehors des grandes orientations stratégiques traditionnelles, préparer notre pays à affronter les grands défis auxquels il pourrait être confronté dans les décennies à venir ? À ce titre, je me félicite de la mise en place d'un dispositif de suivi des orientations du Livre blanc. J'insiste sur l'importance de ce travail et sur l'association des commissions compétentes du Parlement. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, comment les parlementaires seront associés à l'élaboration de la stratégie de notre sécurité nationale ?

L'objectif d'une loi de programmation militaire est de donner à notre pays les moyens de répondre à ces questions essentielles. J'ai la conviction, monsieur le ministre, que la loi de programmation que vous nous présentez aujourd'hui le permet.

Nous savons que certains choix ont été difficiles – le report à 2011, par exemple, de la décision concernant le second porte-avions – et que des incertitudes demeurent, mais j'ai la conviction que le Gouvernement a pris la pleine mesure des besoins de notre armée dans les années à venir.

Au-delà des nombreux aspects techniques de cette loi de programmation, que nos collègues rapporteurs Patrick Beaudouin et Yves Fromion ont fort bien développés, c'est sur cette question que je voudrais insister. Comme beaucoup d'entre vous ici, j'ai assisté aux débats et aux polémiques qui ont suivi la terrible embuscade de la vallée d'Uzbeen en Afghanistan en août dernier. À entendre certaines voix, nos soldats se trouvaient là-bas tels des va-nu-pieds sous-équipés, incapables d'anticiper les événements, d'acheminer des munitions, de maintenir le contact, totalement dépendants des frappes américaines. Comme beaucoup d'entre vous, si je n'ignore pas les difficultés réelles auxquelles sont confrontés nos soldats sur le terrain, je ne peux accepter cette vision que l'on donne de nos forces qui combattent courageusement dans des zones extrêmement dangereuses.

Je l'ai dit : le Gouvernement a, me semble-t-il, pris la mesure des efforts à faire pour maintenir notre défense à son niveau d'excellence. J'en veux pour preuve les efforts importants consentis en matière d'équipements. Ces dépenses sont aujourd'hui considérées comme stratégiques : de 15,36 milliards d'euros en 2009, cet effort passera à 18 milliards d'euros en 2014. Il sera engagé dès cette année avec le plan de relance, qui consacrera près de deux milliards d'euros à l'acquisition anticipée d'équipements. Voilà qui permettra par exemple de commander dès à présent le troisième bâtiment de projection et de commandement, dit BPC, alors qu'il était d'abord prévu en fin de loi de programmation.

Nous savons qu'un équipement adapté et performant sauve des vies françaises : c'est le sens des importantes commandes d'équipements FÉLIN, qui accroissent la protection et l'efficacité des fantassins, mais aussi de la livraison des véhicules blindés de combat, dont 80 % seront livrés pendant la période couverte par cette loi de programmation militaire. L'effort porte aussi sur la fameuse numérisation des forces, qui devra être complétée d'ici 2020, sachant que cinq brigades seront numérisées d'ici 2014.

Tous ces efforts d'équipement, et je veux le dire à nos forces armées, répondent à un objectif majeur : leur garantir qu'elles pourront mener à bien leur mission dans les meilleures conditions possibles.

Comme je l'ai rappelé au début de mon intervention, nous demandons beaucoup à nos forces, en termes de réformes comme en termes d'engagement. Près de 12 000 de nos soldats sont actuellement déployés hors de notre territoire, le plus souvent au service de la paix dans le cadre de missions internationales.

Ces hommes et ces femmes ont besoin de savoir que la nation les soutient dans leur mission. C'est aujourd'hui le sens de mon intervention : qu'ils sachent qu'ils sont soutenus, que nous nous engageons à poursuivre les efforts pour leur garantir les meilleurs matériels possibles. Malgré un contexte particulièrement contraint, le Gouvernement s'est engagé à maintenir ses efforts budgétaires. C'est en soi un acte de confiance majeur que nous adressons en ce jour à nos armées.

Mes chers collègues, parce que cette loi de programmation 2009-2014 répond concrètement aux nouveaux enjeux stratégiques définis par le Livre blanc et qu'elle garantit à notre défense les moyens de rester parmi les plus performantes et les plus efficaces du monde, je souhaite voir son adoption et j'y apporte tout mon soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Olivier-Coupeau

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en début de soirée, Bernard Cazeneuve a fort brillamment mis en évidence les limites du modèle défini par le Livre blanc de la défense et la révision générale des politiques publiques, et qui est la base de la loi de programmation militaire que nous examinons aujourd'hui. Ce modèle se traduit par la déflation de 54 000 emplois du ministère de la défense, auxquels on pourrait ajouter la perte de 16 000 emplois liée à l'externalisation.

Une déflation de 54 000 emplois, c'est le plus grand plan social que la France ait à connaître. Si l'on ajoute à cela les 100 000 gendarmes quittant votre ministère, vous êtes sans conteste, monsieur le ministre, le champion de France toutes catégories de la RGPP ! Ne prenez surtout pas cela pour un compliment de ma part ! (Sourires.)

Nous aurons l'occasion de développer, au cours de l'examen de cette loi de programmation militaire, le caractère irréaliste, voire dangereux, de la politique que vous comptez mettre en oeuvre. L'un des points qui nous inquiètent, c'est l'avenir de tous les personnels de la défense, qu'ils soient civils ou militaires.

Concernant la mise en oeuvre de la déflation des militaires, vous comptez sur des mesures d'incitation financière et sur un reclassement dans d'autres fonctions publiques. Pensez-vous vraiment qu'en ces temps de crise, où le chômage croît de mois en mois, le pécule soit suffisamment incitatif pour amener un militaire à quitter son emploi ?

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Je vous ai déjà répondu !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Olivier-Coupeau

Vous ne m'avez pas vraiment convaincue, monsieur le ministre…

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Nous enregistrons cinq fois plus de demandes de pécule que d'offres !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Olivier-Coupeau

Je serais ravie, monsieur le ministre, que vous puissiez nous apporter davantage d'éléments, car ce chiffre continue de m'étonner. Qui, aujourd'hui, laisserait la proie pour l'ombre ? D'autant que les militaires, bien que formés tout au long de leur carrière, n'en obtiennent pas pour autant un diplôme reconnu par l'éducation nationale. Il leur est encore plus difficile de se replacer.

Quant au reclassement dans d'autres fonctions publiques, il est illusoire, par-delà même les difficultés statutaires qui n'ont toujours pas été réglées. Quand on sait l'importance de la perte de postes de la fonction publique d'État, liée à la RGPP – qui frappe tous les ministères – et à quel point les finances des collectivités territoriales sont exsangues, car asséchées par les nouvelles compétences qui leur ont été attribuées sans compensation suffisante, on se demande si ce n'est pas se moquer des gens que de dire qu'ils pourront se reclasser dans d'autres fonctions publiques !

Cette mobilité fonctionne très mal pour les militaires comme pour les personnels civils, et nous avons tous, dans nos circonscriptions, des listes de personnels ou de conjoints à replacer pour lesquels nous n'avons pas l'ombre d'une solution.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

C'est exact ! Vous devriez l'écouter, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Olivier-Coupeau

Ainsi, je recevais récemment une dame dont le mari est muté à l'autre bout de la France pour cause de restructuration. Cette femme est personnel civil de la défense. Elle a le choix entre rester loin de son mari, à l'autre bout de la France, avec sa famille, ou essayer de trouver un emploi là où il est muté. Elle a donc postulé pour un emploi de catégorie C ouvert dans la gendarmerie la plus proche de la nouvelle affectation de son époux. On lui a répondu qu'on ne pouvait donner suite à sa candidature, car cette gendarmerie était tenue d'embaucher quelqu'un venant du ministère de l'intérieur… C'est dire si la mobilité est facile, même entre la défense et la gendarmerie !

Par ailleurs, alors que l'indemnité de départ volontaire des militaires et des ouvriers d'État n'est pas soumise à l'impôt sur le revenu, cette même indemnité est imposable pour les fonctionnaires et agents contractuels de droit public.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Comme pour tous les fonctionnaires d'État !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Olivier-Coupeau

Cette inégalité entre des personnels placés dans des conditions identiques est non seulement inacceptable en termes de morale, mais probablement contestable en termes de droit.

On peut espérer qu'un décret pris sur la base de la loi fonction publique remédiera à cette injustice, mais l'on peut aussi s'étonner que, alors que de longs mois ont été nécessaires à l'examen de cette loi de programmation militaire, on n'ait pas trouvé le temps de prévoir les dispositions au profit des personnels civils de la défense !

Monsieur le ministre, militaires et civils sont très inquiets : cela a été dit à plusieurs reprises en commission de la défense, la RGPP a été menée dans des conditions technocratiques et selon une logique purement comptable, et les restructurations annoncées font sans cesse l'objet de revirements. Ainsi, par exemple, le centre d'essai et de lancement des missiles transféré de Gâvres à Biscarosse, qui devait fermer en 2011, sera-t-il fermé en 2010 sans aucune explication complémentaire. En d'autres lieux, certains de mes collègues ont appris que la base de défense annoncée sur leur territoire risquait de ne pas voir le jour, car jugée trop petite…

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Olivier-Coupeau

Les élus, eux aussi, sont inquiets, monsieur le ministre. La concertation avec les collectivités sur les mesures d'accompagnement des sites touchés par la RGPP et la réorganisation des services est loin d'être parfaite. C'est trop souvent à la seule initiative des élus locaux que le dialogue est engagé et la différenciation entre zones urbaines et zones rurales n'est pas suffisamment prise en compte dans les stratégies de restructuration.

Au total, cette loi de programmation militaire relève du pilotage à vue. La RGPP a été menée sans consultation des armées. On essaie à présent de faire coller la réalité à des chiffres préétablis, et c'est à ceux-là mêmes qui n'ont pas été consultés de se débrouiller pour faire ce qui est infaisable… Et l'on fait payer au comptant une énorme casse sociale pour des gains virtuels dont on sait déjà qu'on ne les atteindra pas !

Monsieur le ministre, je crains que votre loi de programmation militaire n'ait aucune chance d'être tenue ; c'est une réforme pour un pays avec un taux de croissance de 3 % : c'est loin d'être le cas de la France aujourd'hui. Et malheureusement, ce sont les personnels et l'ensemble de notre défense nationale qui en paieront les lourdes conséquences. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Cornut-Gentille

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la loi de programmation militaire va constituer, dans sa mise en oeuvre, le moment de vérité pour la politique de défense de la France.

Quelles que soient les majorités qui se sont succédé, chacun s'accorde à considérer que la France se caractérise par l'ambition de peser fortement dans les débats internationaux avec des moyens militaires qui ne sont pas toujours à la hauteur de ses objectifs. Dans la durée, cette posture devient de moins en moins tenable. Aussi l'enjeu de cette loi de programmation militaire n'est-il pas tant le strict respect de la LPM que la réussite du reformatage en profondeur de notre outil de défense, qui conditionne la crédibilité de notre posture en la matière.

Un chiffre résume l'ambition affichée par le Président de la République : bien plus que la déflation des effectifs, l'enjeu majeur est d'arriver à faire passer en quelques années le titre V d'environ 15 milliards à 18 milliards.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

C'est exact !

Debut de section - PermalienPhoto de François Cornut-Gentille

C'est bien cet unique objectif qui doit nous mobiliser fortement.

Je passerai rapidement en revue, d'une part, les tensions et les risques pouvant peser sur cette loi de programmation militaire, d'autre part, les conditions de sa réussite.

En parlant de tensions et des risques, il ne s'agit pas de jouer les oiseaux de mauvais augure, mais d'identifier les points sensibles sur lesquels nous ne devons pas trébucher, c'est-à-dire les points à surveiller pour assurer la réussite de la réforme.

Divers points budgétaires ont déjà été évoqués. Le premier concerne le financement des OPEX. Je ne vous demande pas, monsieur le ministre, de nous expliquer encore une fois le nouveau système ; je l'ai parfaitement compris. Certes, il y a eu un effort considérable. Néanmoins, le dégagement de certaines opérations est tout de même plus lent que prévu ; en dépit du formidable système que nous avons mis en place, la note s'allonge et devient de plus en plus lourde. C'est là un élément qui pèsera dans la durée.

Autre point, un peu extérieur à la loi, qui pèsera dans le contexte : le financement des retraites. Le raisonnement qui sous-tend la LPM s'est fait hors retraites, comme cela a toujours été la règle. Reste que, dans une période budgétaire difficile, la nécessité de prendre en compte les retraites peut se faire jour. Il y a là à terme, sur la LPM et sur le raisonnement sur les quinze ou vingt années que nous avons eu, un risque qu'il faut mesurer dès aujourd'hui.

Il y a aussi des incertitudes sur les mesures exceptionnelles, mais je n'y reviendrai pas, Bernard Cazeneuve ayant longuement évoqué ce sujet cet après-midi. il s'agit de 3,4 milliards : ce n'est pas négligeable. Des solutions peuvent être trouvées, mais pour pouvoir réagir, il faudra sans doute exercer une assez forte pression. Or on sait ce qu'il en est aujourd'hui de l'immobilier, comme du problème des fréquences : tout cela exige un suivi très précis.

Par ailleurs, il y a les effets de la crise qui vont entraîner une tension sur le plan économique. Dans un premier temps, la crise est apparue comme une opportunité, avec le plan de relance. Nous nous réjouissons que la défense ait pu bénéficier de quelques milliards de plus dans ce cadre. En revanche, une loi de programmation militaire oblige à raisonner à une échéance de plusieurs années et l'on peut se demander si, après la relance, après la gestion de la crise, il n'y aura pas à nouveau une tentative de régulation budgétaire assez lourde, qui pèsera fortement sur les années à venir. On a évoqué tout à l'heure la nécessité d'augmenter le budget de 1 % à partir de 2011 ; dans un contexte d'après-crise ou de sortie de crise, tout cela peut devenir extrêmement compliqué.

J'évoquerai aussi la difficulté de la « manoeuvre RH ». Sur le plan quantitatif, je ne suis pas foncièrement inquiet. À croire les chiffres que vous avez indiqués, les départs, fussent-ils d'une certaine ampleur, vers la fonction publique, sont gérés de façon relativement satisfaisante. Sur le plan qualitatif en revanche, il faut s'assurer que ce sont bien les profils de postes que l'on souhaite voir partir qui partent effectivement, et l'affaire devient plus compliquée. On m'a présenté de nombreux schémas qui montrent qu'il s'agit bien du soutien. Mais il me semble nécessaire d'y regarder de plus près : le ratio soutien opérationnel que vous avez évoqué tout à l'heure pour les armées anglaises et françaises n'est pas tenable. C'est un élément très important.

L'autre élément intéressant, qui nécessite en tout cas un suivi attentif, c'est qu'une grande partie de la réforme ser fera sur la base d'expérimentations. Ce n'est pas un reproche, monsieur le ministre, mais cela veut dire que l'on ne sait pas encore très bien aujourd'hui ce que sont les bases de défense. Je pense pour ma part qu'on ne réforme qu'en avançant et je ne vous reprocherai pas d'avoir tout ficelé, mais il faudra sans doute procéder à des adaptations. Faudra-t-il aller plus loin ? La réforme n'est pas bouclée, elle va se faire en marchant. Tant mieux, car c'est pragmatique, mais cela laisse une très grande part d'inconnu.

On peut également s'interroger sur le maintien d'un échelon régional pour l'armée de terre. Dans ce cas, à quoi servent ces bases de défense ? Il faut poser la question. J'estime que la réforme n'est pas achevée : elle va se poursuivre. Mais la transparence est nécessaire dans cette démarche au fur et à mesure que l'on franchira les échelons. Je souhaite que, pour franchir ces échelons, le ministère de la défense se dote, comme l'a dit Bernard Cazeneuve, d'outils beaucoup plus « costauds » en matière de finances publiques et de ressources humaines.

La réussite de la réforme suppose à mon sens un suivi politique à tous les niveaux, et dans la durée. Pour réussir, une réforme ne doit pas être subie : il faut que les militaires y croient. Et pour qu'ils y croient, il faut montrer que la parole des politiques est tenue. On les sent en attente. Ils ont un espoir ; s'il est déçu, on peut s'attendre, et très rapidement, une très forte démobilisation de notre défense. Montrer que le politique tient parole est une condition essentielle de la réussite.

Pourquoi le suivi politique est-il nécessaire ? Il faut aller au-delà des RGPP, tout le monde l'a souligné. La réforme n'est pas achevée. De nombreux comités se mettent en place, au SGA et ailleurs. Concernant la RGPP et autres, tous ces gens vont nous suivre, et c'est très bien. Je suis toutefois convaincu que, si on veut tenir l'ambition de la réforme, il faudra alors dépasser les réformes de structures envisagées et aller plus loin dans les états-majors et dans les bases de défense : l'échelon régional pour l'armée de terre, par exemple, ne me paraît pas se justifier. Et ce « plus loin » ne doit pas se faire contre les militaires : ils doivent sentir un engagement politique, une pression politique pour accompagner la réforme dans toutes ses dimensions : un suivi politique ministériel, mais également, je vous le demande, un suivi parlementaire.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

C'est très important !

Debut de section - PermalienPhoto de François Cornut-Gentille

Il s'agit, là aussi, d'une révolution culturelle. Le suivi parlementaire n'est pas la volonté de coincer ou de mettre le ministre en difficulté, mais c'est simplement l'aider à réformer son administration. Si l'administration suit elle-même sa propre réforme, nous n'irons pas très loin. L'aiguillon et la pression du Parlement sont nécessaires. Nous sommes là pour vous aider, monsieur le ministre.

L'engagement politique doit également se faire à d'autres niveaux que je ne développerai pas, puisque j'arrive au terme de mon temps de parole. Il faut expliquer à l'opinion publique la nécessité de l'effort de défense dans la durée : dans un contexte de crise ou de sortie de crise, nous devrons faire comprendre à nos compatriotes pourquoi il est si important de consacrer de l'argent à la défense. Il nous revient, en conséquence, de réfléchir à la JAPD, à la présence de l'armée dans les provinces. De nombreuses actions peuvent être menées dans ce cadre.

Enfin, une implication politique est fondamentale. En effet, le niveau européen est absolument indispensable là aussi pour convaincre nos partenaires d'un effort dans la durée en matière de défense. Quand on compare l'effort américain et l'effort européen globalisé, on s'aperçoit qu'il reste encore du chemin à faire. Autant dire que la réforme n'est pas achevée. Sans mutualisation, on ne pourra pas agir significativement en France et en Europe dans le domaine de la défense.

Vous connaissez sa fameuse phrase de Péguy à propos de l'affaire Dreyfus : « la mystique s'est dégradée en politique ». Il en était très déçu. Cent ans après, nous sommes descendus de quelques grades : il n'y a plus de mystique… Le risque est simplement de voir la politique se transformer en bureaucratie. C'est ce que je ne voudrais pas pour cette réforme. Voyez ce qu'est devenue la LOLF, réforme admirable du Parlement, transformée sous les indicateurs en épouvantable bureaucratie !

Avec le Livre blanc et la LPM, le Président de la République a réaffirmé une haute ambition pour notre défense. Aujourd'hui, il ne suffit pas de bien voter et d'attendre ; il faut créer les conditions d'une mobilisation politique, gouvernementale et parlementaire afin de crédibiliser dans la durée notre effort de défense. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Viollet

Madame la présidente, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la loi de programmation militaire est censée donner toute la visibilité nécessaire à

nos armées qui doivent pouvoir y lire l'ensemble des moyens dont elles disposeront, dans la durée pour remplir le contrat opérationnel qui leur a été fixé, à nos industries de défense qui doivent y trouver les éléments qui leur permettront d'orienter leur stratégie pour les prochaines années, tant en termes de production que de recherche, et à la nation tout entière qui doit savoir quels efforts lui seront demandés pour assurer sa défense et sa sécurité.

Cette nécessité est d'autant plus impérieuse, s'agissant du domaine industriel, sur lequel je concentrerai mon propos, que les politiques de défense s'inscrivent parfois dans le court terme, lorsqu'il s'agit de satisfaire le besoin immédiat, comme avec les « crash programmes » pour l'Afghanistan, mais davantage dans le moyen et le plus long terme. Cette particularité justifie la vigilance de la représentation nationale, eu égard à l'ensemble des enjeux inhérents à la problématique de défense et de sécurité, au rang desquels figure rien moins que l'autonomie stratégique de notre pays et, au-delà, de l'Union européenne, y compris au sein de l'Alliance Atlantique dans laquelle nous venons de renforcer notre intégration.

C'est au regard de cette nécessité, et au filtre des orientations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale que je me suis attaché à lire le présent projet de loi pour ce qu'il contient concernant nos industries de défense et les grands programmes d'équipements censés structurer leur développement.

Ce faisant, je suis au regret de dire qu'il m'est apparu poser plus de questions qu'il n'apportait de réponses, ce qui ne peut manquer d'inquiéter, eu égard au lourd héritage de la précédente loi de programmation militaire que chacun, ou presque, s'accorde aujourd'hui à reconnaître.

S'agissant de l'avenir de nos industries de défense, l'essentiel du sujet réside dans les articles 10 et 11 du projet de loi consacrés à DCNS et à la SNPE.

Pour DCNS, l'article 10 assouplit les dispositions de la loi du 30 décembre 2004, en permettant à ce groupe de créer des filiales ou d'entrer au capital de sociétés existantes, pour lui faciliter la création de sociétés communes avec d'autres acteurs nationaux ou européens, y compris dans le cas où sa participation n'y serait pas majoritaire.

Ce faisant, le texte qui nous est proposé supprime l'essentiel des garanties qu'avait introduit, tant pour le groupe que pour ses salariés, la loi de finances rectificative du 28 décembre 2001. Ayant, pour ma part, soutenu cette loi du 28 décembre 2001, je m'étais opposé, bien que convaincu de la nécessité de poursuivre les évolutions, à celle du 30 décembre 2004, d'ouverture du capital de DCN, en l'absence de perspectives clairement établies. De même, à l'occasion de l'entrée de Thales à son capital, je m'étais inquiété, en décembre 2005, de son unicité, de la pérennité de chacun de ses établissements, de leurs plans de charge et de leur niveau d'emplois.

En dépit des apports utiles de notre commission sur la condition des personnels, votre projet ne peut qu'accentuer nos inquiétudes quant à l'avenir de DCNS en tant qu'ensemblier intégrateur, au moment où Thales, susceptible de passer de 25 à 35 % du capital, vit lui-même une mutation d'importance dans sa structure capitalistique et son management, qui pourrait ne pas être sans conséquences quant à son positionnement futur sur les évolutions de DCNS.

Pour la Société nationale des poudres et explosifs, société dont l'État est aujourd'hui encore actionnaire à 99,972 %, l'article 11 vise tout simplement à l'ajouter à la liste des entreprises annexée à la loi de privatisation du 19 juillet 1993.

Votre projet évoque ainsi la perspective d'un transfert au secteur privé de la SNPE, de ses actifs et de sa filiale SNPE Matériaux Énergétiques, ainsi que des actifs de SNPE et SME nécessaires à la recherche dans le domaine des poudres, explosifs et propergols à usage civil ou militaire.

Le rapprochement évoqué de SNPE-SME et d'un fabricant de moteurs – SAFRAN, pour ne pas le nommer – peut créer une synergie. Mais l'avenir des autres secteurs de SNPE est aujourd'hui beaucoup plus flou. S'agissant de la partie munitions – EURENCO –, on parle d'un rapprochement possible avec Nexter, avant d'autres perspectives, plus européennes, mais sans plus de précisions. Quant au domaine de la chimie – Bergerac NC, ISOCHEM –, nul ne semble savoir aujourd'hui ce qu'ils pourraient devenir, surtout si le centre de recherches du Bouchet suivait SNPE et SME, privant ainsi l'ensemble des autres secteurs de capacités de développement de nouveaux produits.

C'est ce qui m'amène à vous dire que je ne peux me satisfaire de vos propositions en l'état, concernant DCNS et la SNPE, à moins que vous ne nous apportiez aujourd'hui des informations nouvelles et d'importance sur les engagements de l'État les concernant, susceptibles d'éclairer l'avenir. Elles seraient bienvenues, pour notre représentation nationale, autant que, j'en suis sûr, pour nos industriels et pour les salariés des entreprises concernées.

Si je suis inquiet des propositions faites pour nos groupes industriels, je m'interroge également sur les programmes d'équipement, notamment ceux concernant l'air et l'espace, deux secteurs, vous le savez, qui mobilisent tout particulièrement mon attention. S'agissant de la résorption du déficit capacitaire en transport aérien stratégique et tactique, que nous avions souligné, mes collègues Michel Sordi, Alain Marty et moi-même, dans un rapport d'information déposé en janvier 2008, on lit, dans le rapport annexé à la présente LPM, que les cadences d'acquisition seraient fixées d'ici à 2010 et qu'un partenariat public-privé serait envisagé pour les avions multirôle de ravitaillement en vol et de transport. Ces propos ont déjà été entendus et réentendus sans que jamais n'interviennent de décisions concrètes, notamment pour les MRTT, alors qu'il y a urgence pour remplir le contrat capacitaire de projection et de soutien de nos avions de combat et de la composante dissuasion.

Quant à l'A400M, je connais les difficultés rencontrées pour son développement, mais, au-delà de ces difficultés, dont il faudra tirer tous les enseignements, l'aboutissement de ce programme constitue aujourd'hui un enjeu industriel et politique majeur qui nous impose de gérer au mieux, en responsabilité, les dernières étapes avant le premier vol du prototype et l'engagement du programme d'essai, prélude aux livraisons de série. Dans ce sens, et compte tenu du retard prévisible dans la mise à disposition de nos forces des premiers appareils, il nous faut mettre en oeuvre dans les meilleurs délais les solutions intérimaires les plus pertinentes, tenant compte à la fois du parc d'appareils existant et des perspectives d'équipements futurs, avec le souci de l'efficience qui devrait caractériser toute politique publique.

J'ai, pour ma part, évoqué dans mon rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2009, la possible régénération du potentiel d'une partie de nos Cl60 Transall, l'acquisition de CN-235 CASA et, dans la perspective du renouvellement de nos ravitailleurs, l'achat d'un ou deux A330-200, en version cargo, dont la transformation en MRTT pourrait être engagée sitôt la livraison des premiers A400M effectuée, le cas échéant dans un partenariat entre l'industriel et le SIAé.

Certes, ces investissements n'étaient pas initialement prévus mais ils gagneraient à être intégrés à la présente LPM, leur financement pouvant être assuré par prélèvement sur la ligne de cash de l'A400M, pour une réalisation rapide, vu l'urgence, s'agissant tant de la satisfaction du besoin opérationnel que du maintien de la qualification de nos équipages.

Voilà pourquoi je souhaiterais vous entendre sur cette question, monsieur le ministre, au moment où nous allons avoir à nous prononcer, et devrions le faire non sur de vagues déclarations d'intention dans un rapport annexé, mais sur des engagements fermes.

Ce qui vaut pour le transport vaut aussi pour l'aviation de chasse, avec le Rafale, qui est toujours, et pour longtemps, je pense, le meilleur avion polyvalent au monde,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Viollet

…les exercices internationaux auxquels il participe, comme le retour d'expérience en OPEX, en attestent désormais de façon irréfutable.

À son sujet, le rapport annexé évoque une livraison de l'ordre de cinquante appareils, les cibles et les cadences révisées devant être fixées en 2010. Là encore, il conviendrait d'avoir davantage de précisions, au regard de l'engagement du Livre blanc portant sur 300 avions polyvalents Rafale et Mirage 2000D, dont 270 en ligne. Quelle est la nouvelle cible Rafale et le rythme prévisible de commandes ? Ces informations sont essentielles pour nos forces en termes d'organisation, de montée en puissance, mais aussi pour le constructeur, du fait de leur incidence sur son dispositif de production industrielle et également sur ses bureaux d'études, qui doivent pouvoir oeuvrer aux évolutions du Rafale, y compris dans sa composante dissuasion et à la préparation de l'avenir.

De même, il nous faut savoir quand ce porteur polyvalent bénéficiera de la gamme d'armements la plus large possible pour lui permettre de répondre aux différents besoins et notamment du missile d'interception à domaine élargi Météor, qui, en complément du Mica, lui permettrait de faire face aux menaces aériennes de dernière génération et d'assurer sa supériorité sur ses concurrents potentiels, une décision là encore importante pour le missilier européen, fabricant du Météor, dans une concurrence qui s'exacerbe, mais également pour l'export du Rafale. Qu'en est-il, monsieur le ministre, de cette question, au moment où nous allons avoir à nous prononcer pour la LPM 2009-2014, déjà entamée, mais également sur les orientations d'une deuxième phase 2015-2020, évoquée dans le rapport annexé ?

Enfin, la priorité ayant été donnée par le Livre blancà la nouvelle fonction connaissance et anticipation, je me dois d'évoquer également les drones, au sujet desquels j'appelais, dans mon rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2008, à sortir de l'errance. Nous venons, mon collègue Yves Vandewalle et moi-même, d'être chargés d'une mission d'information sur ce sujet. Nous nous sommes immédiatement mis au travail avec la volonté partagée de recueillir le retour d'expérience le plus précis possible sur les drones existants, de recenser les besoins et d'étudier toutes les voies et moyens de doter nos forces des équipements qui leur permettraient de remplir au mieux le nouveau contrat opérationnel, tel qu'il ressort du Livre blanc, en mobilisant le plus intelligemment possible les meilleures expertises industrielles présentes dans notre pays dans les coopérations européennes ou internationales les plus performantes.

C'est pourquoi je ne peux manquer l'occasion de vous demander, monsieur le ministre, de préciser ce que vous entendez par l'effort, évoqué dans le rapport annexé sur le segment « moyenne altitude longue endurance » – MALE – et sur le segment tactique, pour des missions d'observation, de reconnaissance et de surveillance électronique, voire d'appui au sol. En un mot, pourriez-vous nous préciser le montant des ressources prévues à cette LPM 2009-2014 pour les locations de service et les développements et qui devraient être réparties au plus tard en 2010 ?

Je ne saurais conclure sur ce sujet de l'air et de l'espace de défense sans évoquer la question de la défense anti-missile balistique.

Le rapport annexé évoque la détection et l'alerte avancée pour indiquer une accélération des études amont et de l'exploitation des informations collectées par SPIRALE – système préparatoire infrarouge pour l'alerte – qui viennent d'être mis en orbite, pour le lancement, au plus tard en 2012, de la conception et de la réalisation des radars et satellites, l'entrée en service opérationnel de radars de longue portée étant prévue autour de 2015, celle du premier satellite d'ici à 2019.

Là encore, pourriez-vous indiquer quelles sont les ressources qu'il est prévu de consacrer à ce projet durant la présente loi de programmation militaire ?

Au-delà, il est patent que la non-présence de nos industriels sur le segment de la défense antimissile, à tout le moins en termes de recherche, qui pourrait à terme remettre en cause notre autonomie stratégique, est d'ores et déjà pénalisante, un certain nombre de pays acheteurs potentiels de missiles se tournant plutôt vers des fournisseurs susceptibles d'offrir toute la gamme de la courte portée à la défense anti-missile.

Tels étaient, monsieur le ministre, les points que je souhaitais évoquer avant que nous engagions le débat sur les articles, car je suis convaincu que l'avenir de nos industries de défense est étroitement lié aux programmes d'équipement, que notre autonomie stratégique dépend de l'existence d'une base industrielle et technologique de défense solide au niveau national comme au niveau européen, et que nos réponses à ces questions sont attendues par nos personnels de défense, militaires et civils, qui ont besoin de se sentir soutenus dans leur engagement au service de la République. Je vous remercie par avance de celles que vous serez susceptible de nous apporter. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marguerite Lamour

« Nous y voilà », ai-je envie de dire en ce 8 juin 2009 où nous débattons de la loi de programmation militaire 2009-2014, la onzième du nom.

Cette loi est cohérente et sincère, vous l'avez dit à maintes reprises, monsieur le ministre, notamment lors de sa présentation en conseil des ministres le 29 octobre 2008.

Elle s'inscrit dans le droit fil de la LPM 2003-2008, que nous avions votée fin 2002. Néanmoins, elle n'a pas tout à fait les mêmes caractéristiques. Non seulement la situation a changé, mais encore la précédente avait eu à rattraper, si je puis dire, le temps perdu dans les années passées.

La présente loi, quant à elle, intervient dans un contexte difficile. Elle répond, bien entendu, à des objectifs précis, mais elle s'apparente à un exercice d'équilibre entre les nécessités opérationnelles et les fortes contraintes budgétaires.

Elle décline également le Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale, voulu par le Président de la République, chef des armées, et je lui en suis, pour ma part, reconnaissante. Tout en se référant à la révision générale des politiques publiques, elle formate le plan de modernisation de nos armées.

Par le vote de cette loi, la représentation nationale va exprimer sa volonté de voir la France occuper une place essentielle en Europe et dans le monde de la défense, et permettre à notre pays de tenir son rang.

Cette loi de programmation militaire représente un effort de 185 milliards d'euros, et je m'en félicite. Le budget de la défense est, dans notre pays, le second en importance. Je n'entrerai pas dans le détail des chiffres, d'autres collègues l'ont fait avant moi ou le feront ensuite.

Je ciblerai mon intervention sur quelques points qui me tiennent particulièrement à coeur : la marine nationale, les ressources humaines, les industries de défense et la fin de vie des navires.

La marine, tout d'abord.

Rapporteure, dans le cadre de la loi de finances, de l'avis « Préparation et emploi des forces marines », j'y suis tout naturellement sensible. Députée de Brest, site consacré base de défense expérimentale, je le suis encore davantage.

Les principaux équipements retenus dans la présente LPM, comme les frégates multimissions, épine dorsale et fer de lance de toute marine de guerre, ou les sous-marins lanceurs d'engins, pilier de la dissuasion, sont d'une absolue nécessité. Et que dire du second porte-avions, dont la construction sera décidée en 2011 ou 2012 ? Aujourd'hui, du fait de l'indisponibilité du Charles de Gaulle pour avarie à la suite de son IPER – interruption pour entretien et réparation –, nous n'avons aucune disponibilité à la mer du groupe aéronaval. La décision de construire le second porte-avions est à mes yeux une priorité.

Deuxième point, les ressources humaines.

Nous avons un devoir absolu vis-à-vis de nos armées : leur procurer les moyens matériels nécessaires pour remplir leurs missions. Nous en avons un autre, tout aussi important car c'est de lui que dépend, si je puis dire, le moral des troupes. Il s'agit de donner aux hommes et aux femmes qui servent notre pays avec passion et abnégation des conditions de vie professionnelle et familiale dignes de ce XXIe siècle. Les temps ont changé, la cellule familiale évolue. Je pense aux conditions de logement des familles. J'ai bien noté les chiffres que vous avez annoncés. Je pense aussi aux modes de garde des enfants. Autant de points sur lesquels nous devons être vigilants si nous voulons fidéliser nos militaires.

Troisième point, les industries de défense.

J'évoquerai tout particulièrement DCNS, et donc l'article 10 du présent projet de loi, relatif à l'ouverture du capital de certaines entreprises.

J'en parle en connaissance de cause, puisque le site brestois de DCNS comporte 3 000 salariés. Cette entreprise a connu de grandes évolutions ces dernières années : le changement de statut décidé en 2001 et devenu effectif en juin 2003, l'ouverture du capital en décembre 2004. Chacune de ces étapes avait pour objectif de permettre à l'industriel d'être compétitif et de s'adapter aux marchés internationaux. C'est vital pour son avenir, n'en déplaise à certains.

Il n'en demeure pas moins que cet article 10 suscite de vives inquiétudes parmi les personnels, pour lesquels j'éprouve un grand respect, tout comme pour les personnels militaires d'ailleurs. Vous avez entendu le message que nous vous avons relayé, monsieur le ministre. Le texte est supposé garantir le statut des personnels puisque rien ne peut être fait sans leur accord. Dans ces conditions, je suis fondée à penser que les prérogatives des salariés sont intactes. J'aimerais néanmoins obtenir des précisions sur ce sujet.

Par ailleurs, je ne comprends toujours pas l'attitude de certains collègues qui ne vont sans doute pas voter le texte. Ils sont, je le pense, conscients et intimement convaincus de la nécessité des évolutions mais, pour adopter une posture purement politicienne, ils vont refuser d'accompagner l'industriel dans une nécessaire évolution.

Chacun le sait ici, DCNS possède des compétences reconnues. L'État a un devoir : assurer à l'entreprise un plan de charge lui permettant de conserver son savoir-faire et ses effectifs. Il y va, quel que soit le site, de l'économie de tout un bassin d'emploi et des milliers de postes qui en découlent.

Enfin, la fin de vie des navires de guerre.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

J'en ai parlé !

Debut de section - PermalienPhoto de Marguerite Lamour

Vous le savez, ce dossier me tient particulièrement à coeur. J'ai écrit un rapport sur le sujet, je vous en parle régulièrement. Frappez, frappez, et l'on vous ouvrira ! (Sourires.) Le 2 juin dernier, je vous ai une nouvelle fois posé la question afin de connaître votre opinion sur le sujet : déconstruction « classique », si je puis dire, ou océanisation ? Votre réponse a été claire, et je vous en suis reconnaissante : vous préconisez la déconstruction. Pour cela, les moyens financiers sont indispensables. Je note avec satisfaction qu'un crédit de 100 millions d'euros y est consacré pour les six années à venir. Mais ce ne doit être qu'un début. À l'heure du Grenelle de la mer et du Grenelle de l'environnement, il faut poursuivre dans cette voie.

J'aurais aimé, si j'en avais eu le temps, parler de l'exercice de l'autorité de l'État en mer, des opérations extérieures, de la réserve, de la gendarmerie, à laquelle nous sommes tous attachés, les maires ruraux notamment.

Pour tous les arguments développés ici, mais aussi et surtout parce que je suis heureuse d'être de ceux qui donnent à nos armées les moyens de leurs objectifs, je voterai, tout comme les membres du groupe auquel j'appartiens, la loi de programmation militaire 2009-2014. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Chambefort

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui la loi de programmation militaire pour les six années à venir. Je partage avec mes collègues du groupe SRC les observations générales qu'ils ont développées sur cette loi et sur le rapport annexé : une loi d'affichage, comme nous en avons l'habitude avec ce gouvernement, avec la volonté, elle aussi bien connue, du Président de la République de toujours étendre davantage ses prérogatives, quitte à mettre en danger l'équilibre des institutions. Elle prévoit également une réforme dangereuse du secret défense.

Le rapport annexé définit la mise en oeuvre de votre politique, en particulier les moyens prévus à cet effet. C'est sur ce second point que je voudrais concentrer mon analyse, car il me semble que vos prévisions dans ce domaine ne sont pas réalistes, et je doute sincèrement que les moyens puissent être mis en oeuvre comme vous l'annoncez.

Partant de réalités locales concrètes, je voudrais faire un certain nombre de réserves.

Élu d'un département, l'Allier, où sont implantés une base aérienne et un établissement de matériels, les rencontres fréquentes avec les personnels civils et militaires me permettent d'être à l'écoute de ceux qui seront, parmi d'autres, en charge de traduire dans les faits et sur le terrain les objectifs de cette loi.

Je suis persuadé que ces situations locales, qui, bien sûr, ne sont pas généralisables en tant que telles, sont représentatives de ce qui se passe sur l'ensemble du territoire quant à la perception des objectifs de cette loi de programmation militaire,

Je voudrais insister sur trois points : les suppressions d'emploi, les recettes attendues de la vente du patrimoine, le recours à l'externalisation.

Premier point, les suppressions et réductions d'emplois, inquiétude majeure des personnels civils et militaires, sont-elles réalisables dans les conditions annoncées ?

Vous prévoyez, monsieur le ministre, sur ces six années, une réduction des effectifs de plus de 50 000. Vous écrivez dans le rapport annexé que « la diminution des effectifs s'appuiera sur une régulation des flux d'entrée et de sortie ». Vous indiquez également que, pour les personnels militaires, « elle s'appuiera sur une incitation à la mobilité vers les autres fonctions publiques et sur une aide financière ciblée aux départs en suggérant une seconde carrière professionnelle par le biais d'un pécule ».

Nous sommes en droit de nous interroger sur une telle proposition, sachant que la logique purement comptable du Gouvernement conduit à des réformes fondées sur la suppression de services et non pas à une adaptation conjuguant qualité et efficacité. La RGPP continue à faire son oeuvre dans la fonction publique d'État.

Prenons l'exemple de l'agglomération de Moulins, ville préfecture. De nombreux postes sont supprimés dans les services de l'État. Le tribunal de grande instance va fermer. Le tribunal de commerce est parti. Des services de l'État sont recentrés vers la préfecture de région. Dans l'éducation nationale, des suppressions de sections, notamment au sein de l'enseignement technologique, entraînent de nombreuses disparitions de postes. Comment trouver, dans ce contexte, des emplois disponibles pour les personnels militaires ?

Dans les collectivités territoriales, les possibilités sont tout aussi réduites car leur situation financière est difficile. Les postes qui se libèrent sont rares et les sollicitations sont nombreuses : reclassements France Télécom, mutuelles regroupant leurs services au niveau régional ou cessant leurs activités, licenciements dans de nombreuses entreprises...

Il n'est pas raisonnable non plus de penser que, dans la situation actuelle de l'emploi, on puisse trouver des solutions de réemploi dans les entreprises.

Il ne sera donc pas simple de trouver un reclassement pour ceux dont le poste sera supprimé.

Deuxième point, les recettes attendues de la vente du patrimoine du ministère de la défense seront-elles au rendez-vous ?

Il est vrai que la majorité s'est lancée, comme pour les autoroutes, dans un vaste programme de cession du patrimoine pour se donner quelques disponibilités. Si, à court terme, de telles opérations sont financièrement attrayantes, le fait de dilapider son patrimoine peut être regardé d'un oeil critique. De plus, dans le contexte économique actuel, la dégradation du marché de l'immobilier oblige à la plus grande prudence. Est-ce le moment de se débarrasser de ses biens ? Le risque étant que le résultat obtenu ne soit pas celui espéré, le fait d'équilibrer ce budget avec des ventes hypothétiques apparaît comme une pratique comptable peu orthodoxe.

Simple remarque : peut-on imaginer un maire équilibrant son budget avec une ressource provenant d'une hypothétique cession de son patrimoine ? J'imagine d'ici la réaction du service chargé du contrôle de légalité : il s'offusquerait, à juste titre, d'une telle pratique.

Monsieur le ministre, vous nous avez indiqué que, si les ventes ne se réalisaient pas comme prévu, vous financeriez l'investissement avec l'argent du plan de relance. Alors que le déficit budgétaire de l'État et sa dette sont à des niveaux jamais atteints, vous y ajouterez donc une dette nouvelle !

Pour terminer sur ce point, si la vente du patrimoine collectif peut parfois se justifier pour financer des investissements, il faut que l'intérêt de la collectivité soit toujours présent. Est-ce bien le cas ?

Le troisième point découle des deux précédents.

La réduction des effectifs et les recettes inférieures aux prévisions ne feront qu'accélérer le programme d'externalisation.

Bien que lancé depuis plusieurs années, celui-ci n'est pas forcément une source d'économie. En effet, les externalisations se font souvent sans tenir vraiment compte de l'ensemble des paramètres techniques, économiques et sociaux. C'est ainsi que les prestations fournies ne sont pas forcément à la hauteur des besoins, tandis que les coûts sont souvent plus élevés que ceux constatés dans les structures.

Enfin, plus le volume des externalisations sera important, plus seront grands les risques de monopole et d'inflation des coûts de service. Confier la maintenance complète du matériel, sans précaution aucune, à un opérateur extérieur entraînera sans nul doute, pour les années à venir, une perte de technicité regrettable.

En conclusion, monsieur le ministre, nous avons souhaité amender votre projet afin de le rendre plus proche des réalités. Cela passe par la prise en compte des conséquences de la crise économique, qui rendent vos engagements pour 2009-2010 irréalistes et vous obligeront, pour les années suivantes, à de nécessaires ajustements.

Nous vous avons proposé de revenir sur les 54 000 suppressions d'emplois prévues sur ces années, car la montée du chômage fera obstacle à une reconversion aisée de ceux qui quitteront l'armée.

Nous souhaitons également plus de prudence dans l'inscription des recettes liées à la vente du patrimoine.

Voilà, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques éléments que je souhaitais apporter à ce débat sur la loi de programmation militaire 2009-2014. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, la loi de programmation militaire 2009-2014 est nécessaire ; pour autant, elle n'est pas nécessairement dans l'air du temps.

Nous sortons d'une campagne pour l'élection des députés européens. Le moins que l'on puisse dire, c'est que les questions de défense n'ont pas été au centre de cette campagne. Dans ces conditions, le texte que nous nous apprêtons à voter, et qui sera soutenu par le peuple français puisque nous l'aurons voté, est-il, politiquement parlant, suffisamment porté ? La dimension européenne qu'il doit revêtir a-t-elle été suffisamment partagée au cours du débat de ces dernières semaines ? Évidemment non.

Certes, le résultat des élections européennes donne au groupe UMP quelques éléments de satisfaction, mais parmi les courants qui ont connu quelque succès à cette occasion, il en est qui ne sont guère inspirés par l'esprit de défense, ni désireux que les enjeux de la défense, les enjeux de la coopération industrielle, militaire, jouent un rôle important dans la construction de l'Europe de demain. Ni le débat européen ni le résultat des élections n'auront donc grandement contribué à l'esprit de défense. Or je ne crois pas qu'il y ait de loi de programmation militaire qui vaille sans un esprit de défense en France et en Europe.

Comme l'a dit François Cornut-Gentille, tout cela sera encore aggravé par la crise. Celle-ci offre certes, grâce à la relance, des chances nouvelles ; vous avez su, monsieur le ministre, trouver les bons arguments et les bons programmes pour que la relance profite à la défense et pour que la défense prenne sa place dans la relance, et c'est tant mieux.

Toutefois, la crise, même si elle s'est installée dans la durée, sera suivie d'une sortie de crise. La préoccupation qui doit être la nôtre, c'est que les dépenses de défense, tout particulièrement les dépenses d'équipement, et donc la mise en oeuvre de la loi de programmation militaire, ne deviennent pas une variable d'ajustement budgétaire. Quand je parle de « variable d'ajustement budgétaire », c'est même une expression pudique ; en réalité, nous pouvons nous trouver engagés dans très peu de temps dans des débats politiques très vigoureux, où certains ne manqueront pas de questionner l'opportunité et la légitimité des dépenses d'équipement que nous allons voter dans quelques heures.

La loi de programmation apporte une protection puisque, crise ou pas, elle indique un chemin pour les années à venir, mais je pense que cela ne suffit pas. Il faut également que soit présente une dynamique essentielle : celle de la coopération européenne.

Monsieur le ministre, j'ai trouvé un peu courte la présentation, en annexe, des trois cercles de politique d'acquisition. La description des logiques de souveraineté nationale, du cercle européen, du cercle mondial est très ramassée. Je ne suis pas non plus certain que les termes employés correspondent le mieux à ce que pourrait être demain une dynamique de coopération industrielle. C'est un point essentiel, sur lequel il serait fort utile que nous revenions au cours du débat.

La dynamique annoncée par la loi de programmation militaire, dynamique qui peut être confirmée y compris dans les temps troublés de crise et de sortie de crise, se nourrira nécessairement des progrès de la coopération industrielle européenne.

Quels que soient le bilan du passé, les acquis historiques, les programmes que nous connaissons, cette coopération reste encore largement à construire. J'observe d'ailleurs que, si nous possédons des programmes industriels – avec leurs hauts et leurs bas –, les principes politiques de cette coopération méritent d'être davantage travaillés et exposés.

Le jour où l'on expliquera à nos concitoyens que l'effort que nous déployons dans le domaine de l'équipement militaire est intelligemment réparti aux plans industriel et budgétaire, avec des politiques publiques telles que le développement de l'Agence européenne de défense, par lesquelles nos pays et l'Europe assurent le meilleur usage de l'argent public, nous aurons fait progresser la compréhension et le soutien indispensables de leur part.

La loi de programmation militaire est nécessaire, et je crois qu'il faut constamment s'efforcer d'en renforcer la légitimité. Le débat et le vote parlementaire à venir sont à cet égard essentiels. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dupont

Ce n'est pas : « Nous y voilà », comme le disait Mme Marguerite Lamour tout à l'heure, mais : « Tout vient à point à qui sait attendre.» (Sourires.) Nous voici donc enfin saisis du projet de loi de programmation militaire qui doit fixer les engagements et les moyens de nos armées pour les cinq prochaines années.

Ce projet de loi met en effet en oeuvre la nouvelle stratégie de défense et de sécurité nationale adoptée par le Président de la République dans le Livre blanc et les décisions prises dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.

Il engage une réforme de grande ampleur de nos armées puisqu'il redéfinit leurs missions, leurs contrats opérationnels, leurs déploiements, leurs formats, en mettant un accent particulier sur la modernisation de leurs équipements. C'est donc d'un texte primordial que nous allons discuter.

Je souhaiterais néanmoins appeler votre attention sur deux points qui, s'ils étaient encore trop longtemps négligés, pourraient menacer à l'avenir l'efficacité de notre défense nationale.

Le sujet a déjà été évoqué par notre collègue Jean-Claude Viollet, mais j'aimerais revenir, en premier lieu, sur le retard, que l'on peut à présent qualifier de colossal – près de trois ans –, accusé par la construction et la livraison de notre nouvel avion européen de transport de troupes : l'A400M.

Priorité de l'armée de l'air en termes d'investissement en équipements, l'A400M est en effet prévu pour se substituer au Transall, et cette substitution aurait même dû débuter dès 1995. C'est un beau projet, à la fois technologique et symbolique. Il est en effet porté par un travail européen et constitue un signe fort de notre désir de construire une armée européenne.

Cependant, le retard du programme A400M, dû en partie à un péché de jeunesse, s'agissant d'un nouveau projet porté avec enthousiasme, pose aujourd'hui de réels problèmes en terme de renouvellement de la flotte militaire et a, me semble-t-il, une double incidence.

Ce retard ne peut être sans conséquence, tout d'abord, sur l'efficacité de l'aéromobilité de nos troupes, les missions d'entraînement se faisant sur une flotte réduite et vétuste. Ce manque de moyens d'entraînement compromet même la sécurité de nos hommes, obligés de se déplacer sur des Transall à bout de souffle, maintenus en relative condition de vol par la cannibalisation d'autres appareils.

La seconde incidence est la diminution évidente de nos capacités opérationnelles sur les opérations extérieures. Du fait de la réduction des capacités de transport de l'armée de l'air, nous nous retrouvons aujourd'hui dans la situation paradoxale de dépendre de flottes étrangères.

La modernisation des équipements de nos armées est au coeur de ce projet de loi. Vous semblez dire, monsieur le ministre, que le sauvetage de ce programme n'est pas totalement assuré, et vous envisagez d'avoir recours à des solutions transversales pour parer à la perte des capacités de transport. Qu'en est-il au juste ?

Le second point sur lequel j'insisterai est la nécessité de mieux prendre en considération la réserve opérationnelle dans notre schéma d'organisation des armées.

Les lois de 1999 et de 2006 portant organisation de la réserve militaire ont permis de passer d'une logique de réserve de mobilisation à une logique de réserve d'emploi, partie intégrante de l'armée professionnelle. Ce système radicalement nouveau de militaires « à part entière mais à temps partiel » a facilité la mutation de notre appareil de défense. Les armées ont plus que jamais besoin de militaires sous statut d'ESR – engagement à servir la réserve. Leurs compétences professionnelles et leur expérience militaire sont des atouts indispensables, tant pour la sécurité du territoire national que pour le succès de nos engagements extérieurs.

Par son enracinement dans la société civile et sa grande connaissance du monde de la défense, la réserve opérationnelle constitue une passerelle irremplaçable entre les armées et la société civile. C'est pourquoi il est indispensable qu'une armée professionnelle comme la nôtre prenne pleinement conscience du rôle décisif que peut jouer la réserve dans notre dispositif de défense, en dépassant les clichés et les immobilismes d'un autre âge.

Or, force est de constater que ce n'est pas encore le cas, alors même que l'objectif est d'atteindre le nombre de 100 000 réservistes à l'horizon 2015. Il me semble que les armées tardent à mettre en place un schéma moderne de la réserve opérationnelle comme l'ont fait depuis longtemps certaines armées ; je pense notamment au Royaume-Uni.

Il s'agit, pour l'armée et la société civile, de capitaliser et de mutualiser des savoir-faire. La réserve opérationnelle est un réservoir d'expertise de haut niveau au service des armées, dans des domaines essentiels tels que les affaires civilo-militaires ou la santé. Quelle organisation se priverait aujourd'hui de gens compétents et disponibles, même à temps partiel, offrant une force de travail supplémentaire et opérationnelle dans les moments de forte activité ?

Poser cette question, c'est souligner le fort intérêt que l'armée française aurait à mieux promouvoir et utiliser la réserve opérationnelle sur ses lieux d'engagement. Comment, dès lors, repenser notre réserve dans les prochaines années et prendre en considération son réel potentiel ?

L'augmentation de la dotation financière consacrée à la réserve opérationnelle pour l'année 2009 est un signe encourageant de la prise en considération du rôle essentiel joué par les réservistes. Néanmoins, elle demeure encore insuffisante au regard des objectifs fixés d'ici à 2015. Je ne peux donc que le regretter, en espérant que, d'ici là, un schéma moderne de la réserve opérationnelle sera adopté.

Tels sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les deux points sur lesquels je souhaitais appeler votre attention. J'ose espérer qu'ils ne resteront pas de simples constats, mais qu'ils seront suivis d'effets correctifs à la hauteur des ambitions de la France.

Pour conclure, je formule le voeu que notre défense nationale reste un acteur majeur de la politique internationale de sécurité et de défense. Puisse ce projet de loi y répondre ; je n'étonnerai personne en disant que je le voterai. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Le Bris

D'abord, le Livre blanc : c'est logique. Ce Livre blanc a défini une stratégie et c'est ce qui lui était demandé. On peut être d'accord ou non sur le fond – je me suis déjà exprimé sur ce sujet – mais, sur la forme, il fallait que ce processus précède la loi de programmation. C'est à celle-ci, à présent, de décliner les orientations en choix concrets.

Deux regrets. D'abord, il a fallu du temps pour que le Parlement discute de cette loi de programmation, qui aurait pourtant dû précéder toute loi de finances annuelle.

Ensuite, cette LPM se retrouve polluée, parasitée par des dispositions qui n'ont rien à y faire, comme celles de l'article 5 ou celles relatives à l'extension du secret défense.

Lors de la précédente loi de programmation, le 28 novembre 2002, je me suis abstenu, estimant, malgré le manque de novation, que l'engagement était suffisamment clair et conséquent. Dès le 7 novembre 2005, j'ai affiché ma déception en découvrant un sous-calibrage des crédits nécessaires au respect des volumes d'équipement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Le Bris

Nous traînons toujours, aujourd'hui, ce déficit d'équipement, et le Livre blanc sert d'alibi aux arbitrages financiers de cette loi – loi que je ne voterai pas tant elle m'apparaît peu sincère en raison du surcalibrage des recettes retenues.

Je porte en outre un regard critique sur la sous-estimation de l'importance de notre marine nationale. En effet, 90 % du commerce mondial et plus de 70 % des exportations françaises passent par la mer. La France possède le deuxième plus grand domaine océanique du monde. C'est en mer que l'homme trouvera les ressources nécessaires à une population mondiale de neuf milliards d'individus en 2050. C'est aussi de la mer que viendront les principales menaces, aussi fortes que diverses : terrorisme, sécurité énergétique, piraterie, immigration, pollution…

Les missions de sauvegarde maritime, concept regroupant les anciennes missions de service public de la marine, représentent déjà le tiers de ses activités. Or, au moment même où l'actualité navale montre le caractère toujours essentiel des flottes de combat dans le système stratégique contemporain, nous « battons en arrière » dans la LPM.

La ressource humaine de la marine, qui était de 170 000 personnes en 1996, passera à 44 000. Cette suppression de 850 postes par an est excessive pour la plus petite des trois armées, qui est également celle possédant le plus grand nombre de spécialités.

Mais c'est aussi en termes de matériel que l'on se prépare des déficits capacitaires. Alors que les frégates Horizon sont considérées comme la colonne vertébrale de la défense aérienne française à la mer, au lieu de quatre, il n'y en aura que deux. Et le nombre de frégates FREMM a lui-même été ramené de dix-sept à onze, nombre très insuffisant. On a le sentiment que vous faites de ces bâtiments la variable d'ajustement de l'effort financier disponible pour la marine, alors qu'ils sont la base d'une marine océanique et qu'ils assurent un ensemble de missions allant de la garde rapprochée à la diplomatie de défense, en passant par l'exercice de souveraineté.

Au fond, trois problèmes vont se poser. Le coût, tout d'abord, car en ne commandant que onze bâtiments et en étalant les livraisons, vous altérez l'effet de série.

Le « tuilage », ensuite, avec les deux F67 Tourville et les sept F70 Georges-Leygues qui seront bientôt en fin de vie et nécessiteront sans doute, pour l'une ou l'autre série, une refonte en vue de les prolonger, donc des coûts supplémentaires.

Enfin, l'inadaptation des choix pour assurer le nécessaire remplacement futur des avisos A69 qui ont eux aussi souvent été utilisés comme « bons à tout faire ». Les FREMM sont surdimensionnées pour pouvoir s'y substituer. Quel sera, dès lors, le futur bâtiment tous usages de la marine si, comme ce devrait être le cas, l'on cantonne les frégates à leurs missions purement militaires ?

On a parlé des corvettes Gowind, navires de 1 000 à 2 500 tonnes. En tout cas, une chose est sûre : la marine devra se doter de navires hauturiers robustes, polyvalents, rustiques et peu onéreux. Et, en tout état de cause, de tels bâtiments ne figurent pas dans le projet de loi de programmation militaire.

N'y figure pas non plus ce qui concerne le remplacement de la flotte de ravitaillement, remplacement qui pourtant s'imposera rapidement. Quant à notre parc de 90 hélicoptères de marine, dont l'âge moyen est de plus de vingt-cinq ans et le taux de disponibilité de 60 % environ, sa situation est préoccupante.

Par ailleurs, rien dans ce projet de loi de programmation ne montre la volonté de sortir les drones navals des bureaux d'études. Ils apporteraient pourtant une réponse flexible et économique, en moyens et en personnels, en matière de capacité de surveillance et d'élargissement du périmètre de connaissance de l'environnement.

Monsieur le ministre, je crains que ce projet de loi de programmation militaire ne nous éloigne de la marine moderne taillée aux dimensions nécessaires pour répondre aux lourds enjeux d'un monde porteur de dangers.

Il n'y aura pas d'Europe puissante comme réalité géopolitique sans ambition maritime européenne. J'aurai souhaité que la France montre l'exemple. Ce n'est pas le cas, hélas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Caillaud

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne cacherai pas ma satisfaction de nous voir enfin débattre du projet de loi de programmation militaire.

Ce texte est consécutif au Livre blanc, qui a manifesté les ambitions légitimes de notre pays pour une armée nécessaire à son influence dans le monde. Ce document a mis en évidence les besoins en équipements nécessaires pour contenir les nouvelles menaces. Le projet de loi de programmation tente d'associer au mieux ces attentes et nos capacités budgétaires.

Un volet important du projet de loi a trait aux conséquences de la réduction du format de nos forces. Les mesures que vous avez citées, monsieur le ministre – cessions immobilières, soutien aux territoires affectés et aux personnels concernés, regroupement de structures –, vont dans le bon sens. Vous avez notre entière confiance et notre soutien dans cette démarche d'amélioration de la gestion technique et administrative ; il s'agit aussi d'une démarche de solidarité nationale.

L'engagement renforcé dans le renseignement constitue un autre aspect du projet de loi de programmation. Il justifie les futurs partenariats européens dans le domaine spatial, MUS et CERES. Il relaie nos propres efforts d'équipement, aux qualités reconnues – je pense au programme Hélios. Ces partenariats sont sans doute un bon exemple d'une évolution nécessaire, qu'il faudrait reproduire dans d'autres domaines industriels.

Monsieur le ministre, si je suis toujours heureux d'entendre des chiffres importants en quantité d'équipements prévus et de crédits de programme sur cinq ans, je reste surtout sensible à la réalité des avancées structurelles et aux livraisons effectivement assurées chaque année. Comme le président Teissier, je souhaite que notre commission de la défense effectue des contrôles très précis en la matière.

Un petit coup d'oeil rétrospectif nous montre qu'il reste bien des progrès à accomplir. Trop de programmes, déjà évoqués par mes collègues, ont connu des réductions quantitatives importantes, ainsi que des retards impliquant des surcoûts et une incertitude trop fortes pour les industriels en termes d'investissement, de marchés export et de recherche. Ces retards engagent un cycle infernal de coûts de maintenance élevés, largement modérés toutefois grâce à la passion et à la compétence de nos personnels de tous grades. Ma crainte est que nous soyons engagés dans trop de programmes différents, au risque de perdre en efficacité.

Les évolutions technologiques et stratégiques nous amènent désormais à accomplir des missions complexes interarmes, exigeant simultanément des composantes multiples. La défense antimissile est un bon exemple de l'enchaînement de ces procédures d'alerte, de transmission, de projection, d'analyses et de réactions. Tout se déroule, qui plus est, sur des théâtres d'opérations pouvant être très étendus et très éloignés.

Attaché plus spécialement aux aspects maritimes et aéronavals, je prendrai deux exemples de difficultés liées à ces équipements manquants qui réduisent grandement nos capacités opérationnelles.

Depuis 1997, la disponibilité insuffisante en hélicoptères pour toutes les armes est constamment soulignée par de nombreux rapports parlementaires. D'année en année cette faiblesse s'aggrave alors même que l'évolution des missions civiles et militaires – je pense à la recrudescence de la piraterie – exige la présence de ces matériels. Or, ces hélicoptères ne sont plus que rarement embarqués sur les frégates. Ainsi, le Mistral, dont nous sommes légitimement fiers, et qui fut conçu pour accueillir seize hélicoptères, se trouve actuellement en mission sans un seul appareil à bord. Ce même Mistral attend les équipements électroniques et l'armement embarqué de protection aérienne, sans lesquels il a besoin, comme aujourd'hui, de la proximité d'une frégate anti-aérienne.

Un autre exemple illustre, si nécessaire, les besoins de crédits de cohérence opérationnelle. Ainsi, l'assistance à quai des navires à Toulon est rendue plus difficile par le vieillissement des infrastructures d'approvisionnement en eau ou en fioul.

Il est toujours difficile de choisir entre trop de programmes incomplets faute de crédits, et moins de programmes complètement financés. Nous avons encore des progrès à faire en ce domaine.

Pour conclure, j'appellerai votre attention sur un dernier point qui me paraît essentiel. Il s'agit des crédits de recherche et développement dans des technologies qui sont gages de notre indépendance nationale, comme la propulsion de missiles tactiques, les munitions, les radars à longue portée, ou encore les drones.

Faute de crédits, la défense antimissile évoquée trop globalement dans le Livre blanc et dans le projet de loi de programmation militaire est l'exemple même d'un programme qui aura besoin de développements industriels simultanés. La protection des théâtres d'opérations contre les missiles tactiques sera une exigence des prochaines années. S'il manque un seul des maillons dans la chaîne technique, l'ensemble du dispositif perdra son efficacité.

Nos crédits sont trop précieux pour que nous les dispersions dans des orientations sans suite opérationnelle concrète. Je m'interroge par exemple sur l'utilité des crédits affectés au programme Nostradamus ou au radar M3R. La croissance très rapide des coûts de recherche et de construction des armements à haute technologie impose des partenariats avec des états européens et des industriels, comme dans le domaine spatial.

Monsieur le ministre, les progrès obtenus dans l'optimisation des structures administratives et financières nous donnent confiance dans votre capacité à mieux orienter et de soutenir les politiques industrielles de défense, ainsi que notre recherche. Toutes ces ambitions qui nourrissent les espérances et le quotidien des femmes et des hommes qui servent la France dépendent de votre volonté et de notre soutien pour maintenir au niveau prévu chaque année les financements nécessaires.

Le projet de loi de programmation militaire a ouvert un vaste chantier. Monsieur le ministre, vous avez notre confiance. Nous voterons ce projet de loi afin que vous puissiez le mener à bien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dhuicq

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, c'est pour moi un grand honneur de disposer de quelques minutes pour m'exprimer sur un sujet fondamental : la défense nationale.

C'est l'honneur de la France que de se souvenir de ses aînés, et l'émotion m'étreint quand je prends ici la parole, quelques jours après les commémorations du 6 juin 1940, en pensant à ces jeunes gens de toutes les nations, qui sont venus mourir sur nos plages – n'oublions pas celles de Provence – pour notre liberté.

Permettez-moi encore de vous rappeler que les aigles qui ornent cette tribune, et auxquels la République a ajouté des crêtes, nous font nous souvenir que nous commémorerons en juillet prochain le bicentenaire de la bataille de Wagram, qui vit les armées de la France remporter une grande victoire. Je souhaite, monsieur le ministre, que nous ne reproduisions pas le péché commis lors de la commémoration de la bataille d'Austerlitz, et que cette date soit dignement fêtée cette année.

Je traiterai du projet de loi de programmation militaire en évoquant les différentes armes.

Notre armée de l'air – charité bien ordonnée commence par soi-même – fête ses soixante-quinze ans et court effectivement un risque. Elle assure la défense aérienne du territoire et elle ne doit pas devenir un simple supplétif de corps expéditionnaire. Lorsque nos pilotes sont en opérations extérieures, nos pilotes ne s'entraînent pas et ne passent pas de qualifications. Par ailleurs notre armée de l'air aura un problème de maintien de compétences opérationnelles pour les boomers des ravitailleurs en vol.

Je n'évoquerai pas l'A400M, dont Jean-Claude Viollet a bien dit qu'il était le point d'orgue de notre volonté européenne.

Notre pays a souvent oublié la nécessité de disposer d'une flotte. Pour maintenir nos compétences industrielles et navales, pour faire vivre nos chantiers, pour projeter nos forces et pour donner au chef de l'État les moyens nécessaires de « gesticulations » militaires et politiques, il me semble nécessaire de construire un deuxième porte-avions. Disant cela, je fais mien le souhait exprimé il y a quelques instants par mon camarade du « Chêne », gaulliste du renouveau, Serge Grouard.

En ce qui concerne l'armée de terre, je voudrais dire un mot particulier à propos d'un grand militaire auquel nous devons la nécessaire mutualisation des services, des parcs et des matériels. Dans un geste chevaleresque, le général Bruno Cuche a donné sa démission il y a quelques mois, après une tragédie. Je crois qu'il a su porter au plus haut degré les mots d'honneurs et de dévouement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dhuicq

Deux devoirs incombent aux politiques que nous sommes.

Nous devons d'abord rappeler à nos compatriotes que chaque euro dépensé pour la défense et chaque goutte de sueur qui perle au front de nos soldats sur le champ de manoeuvre représentent souvent des vies sauvées au combat.

Nous devons ensuite leur dire que chaque euro investi dans la défense représente un investissement durable sur le territoire. En effet, cet argent est souvent dépensé pour payer nos travailleurs et financer notre industrie de défense et notre recherche nationale. Il est des souverainetés qui ne se partagent pas : c'est le cas de la dissuasion nucléaire.

Comme certains de mes collègues, je crois indispensable que notre pays conserve la capacité, unique en Europe occidentale, de produire toute la panoplie d'armements, du fusil d'assaut au sous-marin nucléaire d'attaque ou lanceur d'engins.

Je voudrais aussi aborder la question de la capacité de résilience des nations, c'est-à-dire de leur capacité à supporter des pertes. Ces dernières sont sans doute inévitables lors d'opérations extérieures comme dans les montagnes d'Afghanistan, qui ont déjà échaudé les Britanniques et les Russes. Là-bas, au moment où je vous parle, des hommes et des femmes sont peut-être en train de risquer leur vie. Il est possible que nous ayons à subir des pertes. Or je ne suis pas persuadé que les sociétés occidentales qui ont banni la mort de leur vocabulaire aient suffisamment travaillé leur capacité de résilience.

Monsieur le ministre, dans ce cadre, le lien entre l'armée et la nation est essentiel, et vous voudrez bien transmettre au secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants l'impérieuse volonté de la représentation nationale de travailler avec le Gouvernement, main dans la main, sur ce qui fait l'essence et l'âme des grands pays.

Il s'agit en effet sans doute du grand défi auquel nous sommes confrontés : assumer pleinement notre volonté légitime de puissance tout en oeuvrant au respect des peuples et des nations. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nauche

Monsieur le ministre, mes chers collègues, dans quel cadre général sommes-nous amenés à nous prononcer sur ce projet de loi de programmation militaire ?

Depuis le début de la législature, nous avons d'abord connu l'élaboration du livre blanc de la défense et de la sécurité nationale. Ce document a entériné la vision élyséenne de la politique étrangère et de défense de la France ; il a entraîné une véritable remise en cause de la pérennité de la présence de nos armées sur l'ensemble du territoire.

Nous avons ensuite été confrontés à la mise en oeuvre de la RGPP et à ses conséquences sur l'organisation de notre défense et sur l'avenir des emplois dans l'armée. La nouvelle carte militaire implique, à terme, la suppression de 54 000 emplois.

Enfin, le transfert de la gendarmerie au ministère de l'intérieur doit faire l'objet d'un projet de loi : nous ne savons toujours pas quand il sera soumis à l'Assemblée nationale.

J'ajouterai que l'examen du projet de loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014, le onzième du genre, s'inscrit dans un contexte politique particulier. En effet, la première annuité de ce programme est en cours d'exécution depuis plusieurs mois et le Gouvernement vient à peine d'en saisir les députés. Je perçois dans cette attitude une conception assez particulière du respect dû à la représentation nationale et, de surcroît, un mauvais signe donné à nos armées et à nos industries de la défense.

Ces signes sont d'autant plus négatifs que la précédente loi de programmation, qui couvrait la période allant de 2003 à 2008, a créé, selon vos propres dires, monsieur le ministre, « une bosse financière » dont l'apurement doit être supporté aujourd'hui. Elle ampute les décisions qui doivent être prises pour préparer sereinement l'avenir de notre défense nationale.

C'est d'autant plus vrai que nous évoluons désormais dans un contexte de crise financière dont vous n'avez pas envisagé les conséquences de manière fiable.

Dans ces conditions, le texte dont nous débattons aujourd'hui relève plus d'une simple lettre d'intention que d'une véritable loi de programmation. J'en veux pour preuve une programmation des crédits tout à fait hasardeuse dans le contexte de récession que nous connaissons, ou encore des prévisions de recettes exceptionnelles qui ne tiennent absolument pas considération de l'état hélas dégradé du marché immobilier.

La sincérité et la cohérence de ce texte me semblent donc devoir être examinées au regard de l'aspect virtuel des recettes et de ses conséquences pratiques, notamment en ce qui concerne l'organisation des bases de défense dans notre pays.

L'équilibre financier du projet de loi de programmation militaire repose sur des piliers dont la solidité est, à mon sens, très aléatoire : tout d'abord, un plan social record, qui concerne plus de 7 000 emplois par an et requiert un système de reconversion et d'encouragement au départ, devenu, depuis le début de la crise actuelle, tout à fait irréalisable pour les personnels civils et militaires ; ensuite, la monétisation de fréquences radio, tout aussi aléatoire en raison des incertitudes de court terme qui pèsent sur le schéma des télécommunications ; enfin, les recettes censées provenir de cessions immobilières dont le moins que l'on puisse dire est qu'elles ne sont pas assurées.

Le caractère très aléatoire de la réalité et de la mise en oeuvre des recettes rend, hélas ! l'exercice de programmation des dépenses très virtuel et risque d'avoir des conséquences pratiques. Ainsi, la création de quelque quatre-vingt-dix bases de défenses a été annoncée ; cet outil de gestion et d'organisation doit permettre également la réduction de la dimension de notre armée et certaines mutualisations, lesquelles sont souhaitables et nécessaires. Compte tenu du traumatisme subi par les territoires qui ont perdu des implantations, je souhaiterais que vous puissiez confirmer, devant la représentation nationale, que toutes les bases dont la création a été envisagée – en particulier celles de premier niveau, souvent implantées dans des villes moyennes, comme Brive, dont je suis l'élu – ne serviront pas de variables d'ajustement financier et ne seront pas remises en cause. J'ajoute que la question des personnels civils, qui ont été ballottés, depuis des années, entre restructurations, mutations et changements de métiers, de vie, mérite d'être examinée.

Du déploiement, en particulier de l'infanterie, sur le territoire dépend la pérennisation du lien entre l'armée et la nation. Il s'agit, pour les parlementaires que nous sommes, d'une question essentielle, d'autant plus essentielle qu'elle est l'expression quotidienne du respect que le peuple français porte à ses militaires et de la solidarité qui l'unit à ceux qui s'engagent et risquent leur vie sur le terrain, au nom de la France.

Monsieur le ministre, malgré toute la bonne volonté dont vous faites preuve, je crains que ce projet de loi de programmation militaire ne soit qu'un catalogue de bonnes intentions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Vandewalle

Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi de programmation militaire pour les années 2009-2014 commence à concrétiser la refonte de notre politique de défense, dont les objectifs ont été fixés par le Livre blanc. Elle amorce une réforme profonde des armées tout en modernisant les forces, pour assurer notre sécurité et concourir à la sécurité internationale. Pour ce faire, 185,9 milliards d'euros sont prévus d'ici à 2014. La priorité budgétaire est réelle. C'est un effort, certes, considérable dans le contexte budgétaire que nous connaissons, mais nécessaire en raison des risques et des menaces qui pèsent sur notre pays : terrorisme, piraterie maritime, prolifération des armes de destruction massive.

La forte priorité donnée aux investissements – plus de 20 milliards d'euros pour l'industrie, soit l'effort le plus important depuis les « trente glorieuses » – s'impose ; elle est d'une urgence absolue, en raison de l'obsolescence de beaucoup d'équipements majeurs. Elle a pour contrepartie une réduction significative des effectifs, qui devra être menée avec beaucoup de discernement afin de conserver l'attractivité du métier des armes et d'entretenir un professionnalisme remarquable, que beaucoup nous envient. Les tensions observées sur le recrutement de certaines spécialités doivent ainsi nous faire réfléchir, car un matériel sophistiqué exige du personnel compétent.

Dans ce contexte, il nous faudra faire davantage appel à de nouveaux modes d'acquisition et de gestion des équipements, notamment pour la maintenance en condition opérationnelle. À cet égard, l'externalisation offre des perspectives intéressantes, comme le démontrent plusieurs contrats en cours, à condition d'aborder cette question avec pragmatisme et de doter le ministère de la défense des outils d'analyse économique indispensables. Il serait notamment intéressant, monsieur le ministre, que vous puissiez nous éclairer sur la cession de l'usufruit des satellites Syracuse III et sur l'évolution de la coopération franco-italienne Sicral 2.

En ce qui concerne la maintenance en condition opérationnelle, l'externalisation croissante devrait nous mettre à l'abri d'économies budgétaires aléatoires qui dégradent la disponibilité des matériels, ce qui pénalise les capacités de nos forces et nuit parfois à la réputation de nos matériels à l'exportation. En toute hypothèse, une industrie de défense compétitive et techniquement performante est une composante essentielle de la défense, même si l'idéal est de développer des champions européens.

À cet égard, la recherche amont doit faire l'objet d'une grande vigilance, au moment où beaucoup de programmes arrivent à maturité. Il est en effet vital d'entretenir et de développer la compétence et le savoir-faire des bureaux d'études : vital pour nos capacités industrielles, vital parfois pour notre indépendance nationale, même si le cadre européen est de plus en plus affirmé. En effet, le savoir-faire dans les domaines scientifiques et technologiques se perd très vite et il est ensuite très difficile de réinvestir le champ perdu. Aussi l'affirmation, dans la loi, du rôle stratégique de la recherche est-elle une bonne chose, et je sais que la Délégation générale pour l'armement y est attentive. Toutefois, les crédits doivent être à la hauteur des ambitions. En 2008, 676 millions d'euros ont été consacrés aux études amont. Il me paraît nécessaire, ainsi qu'à d'autres députés, de porter ce chiffre à un milliard environ – un montant somme toute modeste au regard de l'ensemble du budget.

Ces crédits sont vitaux pour les industriels. Jugez-en : une grande entreprise de défense qui disposait de 300 millions d'euros de crédits dans la précédente loi de programmation militaire n'en a plus que 200 millions, et les perspectives sont à la baisse. Cette diminution va nécessiter des adaptations en France et n'est supportable pour l'entreprise que grâce à d'autres sources de financement issues de la coopération bilatérale ou multilatérale.

S'agissant du CEA, il est important de préserver ses crédits de recherche pour garantir la crédibilité et la fiabilité de la dissuasion. Ces crédits doivent permettre d'acquérir les outils nécessaires, qu'il s'agisse des gros calculateurs, dont le seul champion européen est Bull, ou du laser mégajoule, dont il faut achever la construction le plus rapidement possible car les retards accumulés pendant la dernière LPM ne font qu'engendrer des coûts supplémentaires. Et encore est-ce sans compter les autres travaux de recherche amont, que je ne peux pas détailler ici mais dont certains seront, à terme, de réelles sources d'économies ou ouvriront la voie à de nouveaux développements, y compris civils, comme la propulsion nucléaire navale ou spatiale.

Il faut souligner la juste priorité donnée au spatial. Toutefois, en matière de missiles tactiques, l'arrivée à maturité de beaucoup de programmes ne doit pas affaiblir la recherche amont, afin que nous conservions la maîtrise de l'ensemble des technologies nécessaires. Le rapport annexé souligne à juste titre le risque lié au développement de missiles balistiques ; il convient d'entamer dès maintenant des recherches sur ce point. La question des drones et celle de l'A400M ont été abordées ; je n'y reviendrai pas.

Mais tout cela n'a de sens que si les Français comprennent la nécessité de la défense et soutiennent leurs forces armées. Après la professionnalisation, la raréfaction des sites militaires peut affaiblir le lien entre les armées et la nation. Elle doit donc être compensée par des actions de formation et d'information du citoyen. J'espère ardemment que la fusion de l'IHEDN et du CHEAR, notamment en renforçant les activités de recherche dans l'enseignement supérieur et l'éducation à la défense dans l'enseignement secondaire, y contribuera efficacement. À ce propos, il serait utile de mettre en place une évaluation standardisée des connaissances pendant les JAPD, afin de s'assurer de l'efficacité de l'éducation à la défense inscrite dans les programmes de l'enseignement secondaire.

Pour conclure, je tiens à saluer tous ceux qui concourent à la défense de notre pays et en premier lieu, bien évidemment, les militaires, qui font preuve au quotidien d'un courage et d'un professionnalisme exemplaires. Je soutiens l'action de réforme du Gouvernement ; je voterai donc la loi de programmation militaire qui nous est soumise. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lasbordes

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de programmation militaire, issu des recommandations du récent Livre blanc sur la défense et la sécurité, repose sur une volonté clairement affichée de s'adapter aux nouveaux défis que nous impose le XXIe siècle. En la matière, le secteur spatial doit jouer un rôle plein et entier. L'espace ne présente pas seulement un intérêt commercial, il est aussi et surtout un enjeu stratégique. En tant que président du groupe parlementaire sur l'espace, je tiens, monsieur le ministre, à attirer votre attention sur cet enjeu fondamental, que nos rapporteurs, Patrick Beaudouin et Yves Fromion, n'ont d'ailleurs pas manqué de souligner dans l'introduction de leur rapport.

Le Livre blanc a mis en exergue une nouvelle donne stratégique pour notre défense et notre sécurité : la connaissance et l'anticipation. L'espace constitue un des principaux éléments de mise en oeuvre de cette stratégie, tant au niveau de la collecte du renseignement que de la diffusion de l'information. Dans le discours sur la politique spatiale qu'il a prononcé à Kourou en février 2008, le Président de la République a, du reste, abondé dans ce sens, puisqu'il a déclaré souhaiter « conserver une autonomie stratégique dans la collecte et l'exploitation du renseignement » et demandé « une augmentation résolue et substantielle du budget spatial militaire de la France ».

La contribution des systèmes spatiaux au renseignement et à la conduite des opérations de nos forces armées n'est plus à démontrer. Ainsi, dans les opérations extérieures, les satellites aident les militaires à mener à bien leur mission. Or, le Livre blanc a souligné la faiblesse du budget alloué aux programmes spatiaux militaires, notamment au regard des enjeux stratégiques et opérationnels. Les recommandations ont donc été claires : doubler les « crédits consacrés aux programmes spatiaux militaires, en moyenne annuelle sur la période à venir ». Le projet de loi de programmation militaire doit traduire concrètement les orientations fixées par le Livre blanc concernant ces programmes pour les cinq prochaines années. Pourtant, force est de constater, si l'on s'en tient aux crédits votés par la loi de finances 2009, que cette orientation n'est pas traduite dans les faits.

Aussi paraît-il indispensable, pour que ce texte soit en phase avec les priorités définies pour les programmes spatiaux militaires, que les ressources budgétaires soient disponibles dès 2010, afin de ne pas retarder la mise en service de ces différents systèmes. Je pense notamment à la réalisation, dès 2010, de la composante spatiale optique MUSIS, qui devra prendre à temps la suite d'Hélios 2, c'est-à-dire vers 2015. La défense nationale ne peut pas se permettre une rupture capacitaire dans ce domaine.

Je pense également au programme CERES, qui permettra à la France de se doter d'une capacité opérationnelle de renseignement d'origine électromagnétique par satellites, capitalisant sur l'expérience acquise au moyen des démonstrateurs Essaim et Elisa. Ce système doit être mis en service en 2016. Pour cela, les financements correspondants aux lancements de ce programme doivent être prévus dans le projet de loi de programmation militaire, notamment pour ses phases de définition, de conception et de réalisation, qui semblent actuellement en recherche de financement. Pour être au rendez-vous, la conception de ce programme doit être lancée dès 2010.

Je pense, enfin, à la préparation du développement d'une capacité opérationnelle pour l'alerte avancée, qui fera suite au démonstrateur Spirale dont les satellites ont été lancés mi-février 2009, lancement qui, pour l'heure, est un franc succès. La première capacité opérationnelle de l'alerte spatiale semble avoir été repoussée à la fin de la prochaine décennie, vers 2019. Un budget spécifique devrait donc être prévu dès 2010, afin de commencer la préparation de ce programme, faute de quoi les compétences très pointues se disperseront après l'arrêt du démonstrateur Spirale.

Enfin, je terminerai en évoquant l'enjeu, pour le secteur spatial, de la privatisation de la Société nationale des poudres et explosifs, prévue à l'article 11 de ce projet de loi. Cet article ouvre la voie au rapprochement des activités de propulsion solide des groupes Safran et SNPE, rapprochement qui a du sens et que l'on ne peut que saluer. Dans le domaine de la propulsion des missiles balistiques stratégiques, il doit permettre non seulement la constitution d'un pôle de propulsion solide consolidé, mais aussi la simplification de l'organisation industrielle du programme M51, ce qui, nous l'espérons, permettra une optimisation de l'effort financier consenti par l'État.

La consolidation de la propulsion solide constitue un enjeu primordial pour les lanceurs spatiaux. Comme vous le savez, Ariane 5 permet aux pays européens de lancer de manière autonome et souveraine les plus gros satellites. Il peut s'agir de satellites scientifiques, météorologiques ou de défense, comme les satellites de télécommunication Syracuse III et le satellite d'observation spatiale Hélios 2B, qui sera lancé dans quelques mois.

À l'heure actuelle, la propulsion solide est présente sur les deux lanceurs de conception européenne : Ariane 5 et le petit lanceur Vega, dont le premier tir est attendu en 2010. La filière industrielle repose sur les Français Safran et SNPE et sur l'italien Avio. Comme pour le programme M51, la coexistence de ces différents groupes industriels a conduit à mettre en place une organisation complexe sur les programmes lanceurs, qui peut être optimisée.

Les pressions pour réduire le coût des lancements sont de plus en plus fortes dans un contexte de concurrence internationale accrue. Pour y parvenir, la question de la simplification de l'organisation industrielle devrait se poser à moyen terme. La première étape pourrait bien être la constitution d'un industriel européen unique de la propulsion solide. La France doit s'y préparer et constituer au préalable un pôle industriel national intégré, qui passera par un rapprochement des activités de Safran et de la SNPE dans ce domaine.

Monsieur le ministre, les nombreuses initiatives françaises ont permis d'insuffler une nouvelle dynamique en faveur de la politique spatiale, mais il importe que le Gouvernement poursuive avec constance ses efforts dans le domaine de la défense. La France peut se vanter, à juste titre, de jouer un rôle moteur, reconnu par tous, tant dans le domaine des lanceurs que dans celui de la fabrication des satellites.

La disparition récente de l'avion d'Air France nous a conduits à demander l'assistance des satellites américains pour tenter de localiser l'épave. Cet événement est une illustration supplémentaire de la nécessité de se doter d'une capacité d'observation conséquente.

Au vu des enjeux fondamentaux que représente l'espace pour notre sécurité et à un moment où la nouvelle équipe dirigeante des États-Unis fait de gros efforts dans le secteur spatial, nous ne pouvons faire l'économie d'une politique spatiale dotée d'un budget à la hauteur de ses ambitions. C'est le voeu que j'émets auprès de vous, monsieur le ministre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Odile Saugues

Livre blanc, RGPP, LPM : ces trois termes sonnent aux oreilles des personnels civils de la défense comme l'alerte rouge de leur avenir.

Les conséquences de la RGPP sont rudes : suppressions d'emplois et fermetures d'établissements dès 2009, sans véritables possibilités de reclassement. Les salariés civils voient, avec la LPM, leurs inquiétudes confirmées quant à la pérennisation de leur emploi. Sur les douze dernières années, les effectifs des personnels civils s'étaient déjà réduits considérablement, passant de 145 000 à 72 000. À cette suppression de 54 000 postes, inscrite dans le projet de loi, nous pouvons redouter que viennent s'ajouter en cours de programmation, dans les phases de mise en place et de rationalisation, d'autres milliers de suppressions d'emplois au titre de l'externalisation des activités.

Il est à noter qu'une partie du personnel civil risque d'être « poussée dehors » afin de permettre la reconversion future de militaires actuels. C'est ainsi que se posera la possibilité de la reconversion sur place des personnels de la direction interdépartementale des anciens combattants, peu de postes étant réservés aux civils. L'inquiétude est grande parmi ces personnels. Et la réponse de M. le président de la commission de la défense, qui a proposé, au cours d'une audition des organisations syndicales, que le relais soit pris par les communes, ne peut me satisfaire. Ce serait admettre comme allant de soi le désengagement de l'État aux dépens de collectivités territoriales étranglées par les transferts de compétences sans fin et qui, du fait de leurs budgets très insuffisants, se verraient dans l'obligation de tailler dans le vif de leurs compétences traditionnelles. Tous les moyens sont mis en oeuvre pour faire partir les ouvriers d'État, notamment un dispositif de départ volontaire d'un montant alléchant. La prévision de 28 millions d'euros pour 2009 vise à permettre le départ de 350 ouvriers d'État.

Les salariés du Service industriel de l'aéronautique ont très vite compris les conséquences des diverses externalisations mises en place ces dernières années. Elles seront très graves en termes d'emplois et de maintien d'une compétence indispensable au soutien d'un pôle aéronautique performant comme celui d'Aulnat, dans le Puy-de-Dôme, qui regroupe tout le savoir-faire civil et militaire dans le domaine aéronautique que compte Clermont-Ferrand.

Le conseil économique et social régional ne s'y est pas trompé. S'emparant du sujet, il a rendu le 12 décembre 2008 un avis s'inquiétant des retombées de la RGPP en Auvergne. L'atelier industriel de l'aéronautique de Clermont-Ferrand, qui paraît le mieux placé de ceux qui restent en France pour l'accueil des nouveaux A400M, est très affecté par le retard annoncé de celui-ci et par la fin de vie du Transall, annoncée pour l'année prochaine. Si elles étaient revues, les externalisations successives – le Cougar donné à Phalsbourg, le C130 cédé au Portugal et qui représente 100 000 heures, soit 12 % de la charge actuelle de l'atelier de Clermont-Ferrand –, pourraient, avec les pistes tracées par la mission du général Roche, enrayer cette hémorragie de compétences à l'atelier de Clermont-Ferrand.

Car ne nous y trompons pas, la perte de 25 % des personnels d'ouvriers d'État, le non-remplacement des départs à la retraite reviendraient, pour citer l'avis du conseil économique et social régional, à « négliger les compétences nécessaires au bon fonctionnement de l'entreprise. Ainsi, au-delà de la réduction du nombre de salariés, une gestion attentive des compétences est indispensable. »

Or, vous le savez, monsieur le ministre, la concurrence est forte dans ce domaine particulier de la maintenance aéronautique militaire. Elle est d'autant plus instable que l'État n'impose pas que ses propres matériels soient entretenus par le service industriel de l'aéronautique, alors même que ce serait plus rentable en terme de coûts comme de disponibilité opérationnelle des matériels, raison d'être de ces établissements.

Moins coûteux, très compétents, les personnels sont ballottés par les annonces contradictoires, mais les chiffres sont là. Et c'est la compétence de tout un pôle économique de l'Auvergne qui va en faire les frais, au mépris d'une véritable politique d'aménagement du territoire qui a choisi, décidément, d'ignorer cette partie de la France.

Monsieur le ministre, avec mon groupe, je voterai sans états d'âme contre cette loi et nous défendrons, outre un amendement de suppression de l'article 4 – qui fait porter l'ensemble de l'effort sur les personnels et sur les territoires –, des amendements visant à éviter les distorsions de traitement entre les personnels dans les conditions de départ, et ainsi à limiter les conséquences néfastes de ce texte de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Lamblin

Monsieur le ministre, vous avez deux bonnes raisons de vous réjouir de me voir monter à la tribune. La première est que je suis le dernier orateur inscrit, donc le dernier à solliciter votre patience et votre attention. (Sourires.) La deuxième est que la proposition que je vais vous faire afin de répondre à un problème majeur ne coûte rien.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

C'est rare ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Lamblin

Où en sommes-nous aujourd'hui du lien armée-nation ? Permettez-moi de vous signaler quelques symptômes inquiétants. Nous vivons en paix sur notre territoire depuis soixante ans. Les trois quarts de notre population n'ont jamais connu la guerre. Pour la quasi-totalité de nos jeunes contemporains, la paix n'est pas une préoccupation : elle est devenue un droit. Pour eux, il serait anormal, voire scandaleux, de ne pas vivre en paix. Beaucoup, poussant le raisonnement à l'extrême, se demandent pourquoi avoir une armée, puisque nous sommes en paix ! Le rapport entre puissance militaire et garantie de paix, évident pour la plupart d'entre nous, ne l'est pas pour eux. Certes, le risque terroriste est admis, mais là aussi, dans leur inconscient collectif, c'est davantage une affaire de police ou de services secrets que de militaires.

Il existe d'autres signes encore : ainsi, j'affirme que moins de 20 % des hommes âgés de moins de trente ans sont aujourd'hui capables de distinguer, par les galons, un capitaine d'un commandant. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe UMP.) Ce n'est pas grave en soi (Sourires), mais c'est un signe.

De même, quand l'armée recrute des engagés volontaires, le taux de sélection est parfois de 100 %, c'est-à-dire que l'on manque de candidats et que l'armée n'a pas l'attractivité qu'elle mérite. Elle est, de ce fait, confrontée à un risque d'isolement. Nos concitoyens la connaissent de moins en moins, vivant à côté d'elle dans une indifférence grandissante – sauf le jour du 14 juillet.

Conscients du problème, les rédacteurs du rapport, nos collègues Beaudouin et Fromion, estiment que des moyens sont nécessaires pour renforcer l'adhésion de la nation. Sans doute ont-ils raison, l'expérience engagée depuis un an dans ma ville, consistant en un partenariat puissant entre la garnison, les élus et les grands corps de l'éducation, montre que l'on peut obtenir beaucoup, sans aucun moyen particulier.

Dans quelques jours, le 17 juin, la garnison de Lunéville va recevoir le prix Armées-Jeunesse, ce qui est bien mérité. Les résultats ont été au rendez-vous grâce au soutien inconditionnel du général commandant la brigade. Notre partenariat a été exemplaire. Le travail a été orienté vers les enfants dès l'école primaire et le collège. Il a été non pas simplement ponctuel, mais suivi dans le temps avec un parcours citoyen, des échanges fréquents, des remises de diplômes. Ce travail a suscité positivement la curiosité des enfants et des adolescents. Il sera payant et laissera des traces indélébiles sur ces jeunes esprits. Il existe, évidemment, des initiatives identiques ailleurs en France. Ma proposition consiste tout simplement à ce que ces initiatives soient recensées, analysées, évaluées et, si l'évaluation le recommande, à ce que leur généralisation soit imposée sous votre autorité, monsieur le ministre.

Ma conviction est que le lien armée-nation sera davantage tissé par un partenariat constant et confiant que par des engagements financiers planifiés. J'espère que ces quelques considérations vous en auront convaincu et je vous assure, monsieur le ministre, de mon soutien sans faille à votre action de réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je serai bref, puisque j'ai déjà abordé, dans mon propos liminaire, l'essentiel des sujets que les orateurs ont évoqués lors de la discussion générale.

Je ne reviens pas sur les recettes exceptionnelles, sujet qu'ont évoqué Louis Giscard d'Estaing, François Cornut-Gentille et bien d'autres. Je rappellerai simplement que si nous avons un certain nombre de retards, notamment sur la vente des fréquences, nous allons disposer de recettes exceptionnelles qui nous permettront de traverser cette période de transition. Un arbitrage du Premier ministre va nous permettre de financer le budget 2009 comme il était prévu.

Plusieurs orateurs, notamment MM. Beaudouin, Grouard, Lasbordes et Fromion, ont abordé la question des programmes spatiaux. Il nous faut en effet une politique spatiale ambitieuse, ce qui nécessite un doublement des crédits d'ici à 2020. Les crédits consacrés à l'espace représentent 400 millions d'euros, auxquels il faut ajouter 165 millions d'euros au titre de la recherche duale, qui servent à financer le CNES. En y ajoutant le développement des programmes MUSIS et CERES, les satellites infrarouges d'alerte avancée et la surveillance de l'espace – des programmes inscrits plutôt en deuxième partie de loi de programmation militaire, car il nous faut mener des recherches sur ces sujets, nous parvenons à un doublement des crédits des programmes spatiaux à l'issue de la deuxième loi de programmation militaire.

MM. Vandewalle, Viollet et Garrigue ont évoqué la problématique de la recherche. Nous avons créé en 2004 l'Agence européenne de défense, mais, depuis ses débuts, elle n'a eu quasiment aucun grain à moudre. Les programmes de recherche européens lancés durant la présidence française de l'Union européenne – je pense notamment à la rénovation des hélicoptères des pays d'Europe centrale et orientale, au segment sol du programme MUSIS, à l'hélicoptère lourd que nous allons lancer avec les Allemands, ou encore à un certain nombre de programmes de recherche que nous avons lancés avec les Britanniques – rencontrent toujours la même difficulté : nous voulons tous l'Europe, mais quand il s'agit de transférer des points de recherche ou des pôles de compétences dans tel ou tel pays, chacun est disposé à mutualiser… à condition de conserver l'activité sur son territoire ! C'est un comportement qui s'apparente à de la schizophrénie, notre volonté de mutualiser notre effort de recherche – ce qui est indispensable, puisque les Américains consacrent six fois plus de crédits à la recherche que les Européens – se heurtant en permanence à la problématique des brevets et de la propriété industrielle et, plus globalement, au fait que chaque pays européen souhaite conserver pour sa propre industrie les programmes de recherche. Des efforts sont toutefois accomplis, et j'ajoute à l'attention de M. Vandewalle que 110 millions d'euros supplémentaires ont été accordés dans le cadre du plan de relance.

La discussion sur l'Europe de la défense a déjà largement eu lieu, monsieur Garrigue. Certes, nous n'avons pas obtenu le centre de commandement opérationnel, pour lequel tout le monde était d'accord, y compris ceux qui, comme l'Allemagne et la Pologne, y étaient restés longtemps hostiles ; de même, les Américains, dont on connaît l'influence, y étaient également favorables. Nous nous sommes heurtés à la résistance britannique, mais nous avons tout de même avancé, dans la mesure où nous disposons désormais d'un centre de planification. En matière de défense européenne, nous avons abordé les choses de manière pragmatique et concrète, à partir de besoins clairement identifiés. La flotte européenne de transport tactique, ce n'est pas rien ! Ce n'est pas rien non plus que le programme MUSIS, le développement d'un groupe aéronaval européen, le développement des programmes de recherche au titre de l'AED, ou encore la création d'un réseau de surveillance maritime des côtes européennes, que nous évoquions depuis dix ans.

Nous avons également prévu une planification pour mutualiser nos efforts de recherche en cas de crise. La présidence française a donc constitué une période importante de relance. Certes, on peut toujours souhaiter, vous comme moi, que cette Europe de la défense soit plus présente – c'est l'éternelle histoire de la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine. Mais, il y a moins de quinze ans, l'Europe de la défense n'existait pas. On a donc beaucoup progressé et, durant la présidence française, la défense européenne a connu un vrai élan, un vrai renouveau. Le fait a été reconnu dans tous les pays européens, et non pas simplement parce que nous avons réintégré le commandement de l'Alliance atlantique.

Madame Olivier-Coupeau, madame Saugues, vous avez été plutôt caricaturales dans votre façon d'aborder les choses. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) L'accompagnement personnalisé est bien réel. Sachez que le nombre de pécules demandé est cinq fois supérieur à ce que nous pouvons offrir. S'agissant du reclassement des militaires dans la fonction publique, je vais vous communiquer les chiffres de 2008 que vous pourrez vérifier : 298 dans la fonction publique d'État, 346 dans la fonction publique territoriale, 21 dans la fonction publique hospitalière, 483 au titre des emplois réservés, 101 par concours. Au total, nous avons dépassé l'objectif de 1 100 que nous nous étions fixé pour 2008 pour atteindre 1 249. Je précise que la compensation différentielle a été accordée. Cela a été le cas à Mondeville, monsieur Cazeneuve.

Monsieur Cornut-Gentille, la base de défense fait en effet l'objet d'une expérimentation. J'ai souhaité que cette révolution copernicienne de l'organisation de notre défense s'effectue à partir de cette expérimentation. Cela implique naturellement quelques tâtonnements. Les premiers retours de l'expérience sont prévus pour 2010. Nous généraliserons alors ces bases, qui devraient être 90 environ à couvrir l'ensemble du territoire en 2011. Nous en réduirons peut-être quelques-unes. Notre position évoluera en fonction des enseignements de l'expérimentation. Il est effet difficile de savoir précisément comment s'organiseront les différents échelons : l'échelon régional sera réduit de façon importante ; reste à savoir ce qui remontera dans les bases de défense et au niveau national.

C'est à partir de cette analyse globale, des résultats de l'expérimentation, de la mise en place de la tuyauterie budgétaire, de la montée en puissance du commandement interarmées, que nous pourrons préciser les compétences et les attributions des bases de défense. Je vous invite à exercer un suivi parlementaire sur tous ces points, car l'exécutif a besoin de cet aiguillon permanent pour mettre en oeuvre cette réforme.

Vous avez été nombreux à évoquer la marine : M. Le Bris, M. Dhuicq, Mme Lamour, M. Grouard. En effet, la cohérence et la logique voudraient que nous ayons un second porte-avions dès lors que la République française a décidé d'en construire un premier. Mais le lancement de ce projet impliquerait de prévoir des tranches de 500 à 600 millions d'euros par an, crédits que certains auraient voulu consacrer à l'industrie spatiale, les autres à la recherche, d'autres encore aux frégates ou aux sous-marins. Or cette programmation doit tenir compte d'une capacité militaire globale. Le Président de la République prendra sa décision en 2012, lorsque nous aurons absorbé une partie de l'effort budgétaire majeur actuellement consenti.

La question de la défense antimissile, monsieur Teissier, monsieur Viollet, est majeure et doit être abordée avec beaucoup de sérénité et de recul. Les options sont nombreuses et différentes. S'agit-il simplement d'une défense antimissile de théâtre ? Ajoute-t-elle une couche supplémentaire de moyenne altitude ? Ou est-ce une défense antimissile balistique ? Les enjeux financiers et technologiques sont évidemment très différents. En outre, qui aura la main sur l'ensemble du dispositif, que nous ne pourrons jamais financer à l'échelon national, ni européen d'ailleurs ? Compte tenu de l'effort budgétaire déjà consenti, on voit mal les Européens consacrer les dizaines de milliards d'euros nécessaires au lancement d'un programme aussi global.

Pour l'heure, nous souhaitons avancer, et ce que nous faisons à travers un certain nombre de programmes : le programme SAMP-T et l'Aster 30 « block 2 » pour la moyenne altitude. La question de la défense antimissile doit donc être abordée dans un cadre précis : la crédibilité du système, ses conditions de financement, le niveau d'ambition que les Européens se fixent, le type de menace à laquelle il s'agit de faire face. Je crois personnellement que, si nous nous engageons fortement dans la défense antimissile, les programmes conventionnels dont nous avons tant besoin seront encore un peu plus difficiles à financer.

Quelques mots sur l'A400M évoqué notamment par MM. Beaudouin, Dupont, Poniatowski et Grouard. J'aurai une réunion jeudi à l'OTAN avec mes collègues pour essayer d'avancer. J'ai proposé une dernière rencontre à Séville, à la fin du mois, à mon homologue espagnole. J'ai déjà décidé un certain nombre de mesures pour les quatre ou cinq ans qui nous séparent de l'arrivée des A400M. Nous allons ainsi rénover dix Transall, ce qui permettra de faire travailler l'AIA de Cuers, comme je l'ai dit il y a un mois devant l'ensemble des salariés de Clermont-Ferrand, et de prolonger la durée de vie de ces avions jusqu'en 2018. Dans le cadre du programme SALIS, nous allons passer un contrat pour bénéficier, au titre du transport stratégique, d'un complément d'heures de vol. Nous allons examiner comment nous pourrions nous inscrire dans le programme C-17 de l'OTAN.

Parallèlement, nous devons opter pour un type de complément. En patrimonial ? En leasing ? S'agira-t-il d'avions tankers du futur ? La version MRTT, c'est en effet un avion-cargo auquel on a ajouté un dispositif de ravitaillement. Nous anticiperions en quelque sorte le programme MRTT en achetant quelques avions qui seraient ensuite transformés en avions tankers. Mais nous pouvons aussi acheter des CASA ou des C-130J. Nous étudions toutes ces hypothèses qui sont conditionnées par l'évolution du programme A400M. À cet égard, un certain nombre de points restent à régler avec EADS. Nous devons le faire à sept, ce qui rend difficile la discussion. Il faut régler la problématique des pénalités financières, celle de la prise en compte du risque industriel, de l'évolution des prix… J'ai le sentiment que les choses avancent. Mais la démarche est difficile dans la mesure où les pays européens n'ont ni les mêmes besoins ni les mêmes exigences au même moment. Pour ma part, je fais tout pour que ce programme industriel européen majeur soit préservé.

J'ai noté, monsieur Hillmeyer, monsieur Folliot, votre souhait que la gendarmerie demeure militaire et conserve son statut militaire. Le projet de loi présenté par Mme Alliot-Marie ne remet en rien en cause le statut militaire de la gendarmerie : elle ne fait que transférer les crédits du ministère de la défense au ministère de l'intérieur dans le cadre d'une meilleure gestion de nos ressources.

S'agissant enfin du lien armée-nation, monsieur Dupont, j'ai presque cru que M. Bockel vous avait soufflé la question, car il présentera demain son plan pour les réserves, qui comporte une amélioration quant au nombre de jours et de personnes potentiellement concernées.

Nous avons, monsieur Dhuicq, monsieur Lamblin, à construire une nouvelle relation entre nos armées et la nation, entre nos armées et les Français. Je l'ai vécu très directement à l'occasion du drame du 18 août à Uzbeen, en Afghanistan. J'ai pu constater en effet que ce drame était perçu différemment par la communauté militaire et par la communauté nationale, et que le fossé était large. La première, tout en étant profondément affectée, considérait que la mission militaire peut effectivement conduire à la mort, tandis que la seconde ne comprenait pas l'engagement des militaires, cette prise d'un risque totalement assumé – même si, bien sûr, tout est mis en oeuvre pour le prévenir. Nous avons donc à construire une nouvelle relation entre nos militaires et la population française pour que ce lien formidable puisse perdurer dans les décennies à venir. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Discussion générale

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le mardi 9 juin 2009 à zéro heure quarante, est reprise à zéro heure cinquante-cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte de la commission.

La commission de la défense et des forces armées a demandé que soient réservés les articles 1 à 4 ainsi que le rapport annexé à l'article 2. Cette réserve est de droit.

Nous en venons donc à l'article 5.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Sur l'article 5, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à Mme Patricia Adam.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Adam

Nous commençons donc par l'article 5, qui définit le concept de sécurité nationale qui était le principal sujet de mon intervention de tout à l'heure ; le chapitre II est en effet consacré à la façon dont les services de l'État s'organiseront pour mettre en place ce processus de décision unilatérale en matière de sécurité nationale et de fonctionnement de l'État.

Comme je l'ai rappelé tout à l'heure, cet article 5 est une anomalie : il ne devrait pas figurer dans la loi de programmation militaire. Lorsque nous avons modifié la Constitution, l'Assemblée nationale a en effet refusé les propositions du comité Balladur qui visaient à étendre le rôle du Président de la République en matière de défense sans mettre en place de contre-pouvoirs – je pense notamment au rôle du Premier ministre. Or, on voit ici réapparaître ce qui avait été rejeté.

Ce concept de sécurité nationale englobe l'ensemble des questions de sécurité, qu'il élargit à l'ensemble des ministères : aujourd'hui, la défense devient l'un des éléments de la sécurité nationale, et non l'inverse. Les armées ne répondent plus à une logique – bien connue – de défense contre des agressions ; d'après la définition du concept de sécurité nationale, c'est la détermination des menaces possibles qui devra guider l'organisation de l'État et, dès lors, de la défense.

J'ai évoqué tout à l'heure les modifications qu'entraîne la rédaction de cet article 5, notamment en matière de sécurité intérieure et de gendarmerie nationale, même si elles ne sont pas explicitées. On peut d'ailleurs se poser la question de l'examen même de ces lois de programmation militaire : ainsi, la nouvelle organisation de la gendarmerie et le Conseil national de la défense et de la sécurité nationale sont déjà en place, mais l'Assemblée commence aujourd'hui seulement l'examen de la loi de programmation ! On peut dès lors se demander quel est aujourd'hui le rôle du Parlement en la matière.

Je voudrais faire une autre remarque en ce début d'examen des articles. Le texte nous est présenté aujourd'hui tel que modifié en commission. Nous sommes dans un exercice législatif quelque peu étonnant, puisque nous allons discuter d'amendements déposés, en grande partie, par l'opposition, et rejetés en commission, mais non des amendements acceptés par elle et, de ce fait, intégrés dans le texte. Je n'aimerais pas être à la place de la majorité actuelle (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), contrainte d'assister à la discussion de l'ensemble des points évoqués par l'opposition tandis que ses propres amendements, qui ont été votés pour l'essentiel puisqu'elle est la majorité, ne seront pas examinés.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

C'était ainsi sous la IVe République !

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Adam

Tous ceux, militaires ou civils, qui s'intéressent à ces questions, auront un peu de mal à se retrouver dans ce débat.

Sur l'article 5, plusieurs amendements ont été déposés par notre groupe. Je ne me fais guère d'illusion sur leur sort, mais j'espère que nous pourrons approfondir ce débat sur la sécurité nationale et sur le rôle du Premier ministre et du Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Dans le droit fil de ce que vient d'expliquer Patricia Adam, je pense qu'il est bon de rappeler que l'article 5 modifie le code de la défense en substituant au « conseil de défense » un « conseil de défense et de sécurité nationale ». L'ajout des mots « sécurité nationale » consacre, une fois de plus, la toute-puissance du ministère de l'intérieur dans le système que veut mettre en place le Président de la République, et qu'il avait d'ailleurs commencé à mettre en place dès 2002.

Après avoir tenu, c'est en tout cas l'impression que cela donnait, la plume du ministre de la justice lorsqu'il était ministre de l'intérieur, le Président de la République semble aujourd'hui tenir celle du ministre de la défense pour le soumettre au ministre de l'intérieur. Je me demande d'ailleurs si Mme Alliot-Marie apprécie de voir contredites ainsi toutes les déclarations qu'elle avait faites lorsqu'elle était ministre de la défense…

La loi de programmation militaire, couplée avec la loi sur la gendarmerie nationale, organise en effet la toute-puissance du ministère de l'intérieur sur celui de la défense. Tout est contenu dans l'alinéa 8 du présent article, qui fait intervenir le ministre de l'intérieur dans les décisions « en matière de direction générale de la défense et de direction politique et stratégique de la réponse aux crises majeures », et dans l'alinéa 41 qui lui donne potentiellement autorité sur les forces armées puisqu'il est écrit qu'il « assure la conduite opérationnelle des crises ».

L'absence de définition précise du mot « crise » crée une grande ambiguïté. S'agit-il simplement, monsieur le ministre, d'une catastrophe naturelle pour laquelle l'armée serait appelée en renfort – ce qui ne crée pas de difficulté – ou s'agit-il, comme nous le craignons, de revenir au concept de garde nationale, empruntée aux États-Unis ?

Deux actes fondateurs ont permis de théoriser l'emploi des forces armées sur le sol national : en premier lieu, les troubles de Mitrovica, dans le nord du Kosovo, où notre armée de terre a acquis une compétence en matière de maintien et de rétablissement de l'ordre en zone insurrectionnelle, puis les violences de 2005 dans les banlieues, qui ont conduit certains théoriciens, notamment dans votre famille politique, à envisager le recours à l'armée lors d'une éventuelle crise similaire.

L'article 5 y ouvre la voie. Mais les armées, notamment l'armée de terre, ne sont pas formées à réagir de façon graduée à des mouvements de foule : seule la gendarmerie mobile en détient la compétence. Ce concept d'emploi des forces est donc dangereux. Il ouvre la voie à des dérives. Il suffit, pour s'en convaincre, de prendre connaissance des témoignages des gendarmes expliquant comment ils forment leurs collègues de l'armée à traiter – pour faire court – l'arrière des manifestations, pour comprendre que gendarmerie et armée de terre n'ont pas le même métier, pas les mêmes formations. Nous y reviendrons sans doute lors de la discussion des amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Les changements institutionnels et de doctrine qu'il nous est proposé d'entériner reprennent l'optique présidentielle du Livre blanc, qui mélange les concepts de défense et de sécurité nationale.

Nous avons largement critiqué, de manière constructive, ce Livre blanc. En bonne logique, nous ne pouvons soutenir un texte qui reprend ses analyses et ses objectifs, en particulier l'article 5, qui procède d'une vision sécuritaire des politiques publiques.

La codification des attributions des membres du Gouvernement est réalisée dans l'obsession de la menace permanente de risques divers, réels ou supposés, et d'atteintes aux intérêts de la nation. Le risque est de cultiver la peur permanente et de créer un climat de guerre larvée. Tout cela n'est pas justifié, c'est même dangereux.

La refonte des institutions de défense est réalisée dans une optique présidentielle. Ainsi, la création d'une structure de coordination du renseignement auprès du Président de la République, le Conseil national du renseignement, qui reprend les prérogatives du Secrétariat général de la défense nationale et du Comité interministériel du renseignement, signifie clairement une présidentialisation à l'américaine. C'est même pire qu'aux États-Unis : là-bas, le Président n'a pas directement la haute main sur le renseignement, même si les attentats du 11 septembre ont renforcé sa position. Il y a là, manifestement, une hyperconcentration des pouvoirs qui n'est pas acceptable. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article 5.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Je voudrais apporter un témoignage. Nous inaugurons la nouvelle procédure de discussion des textes législatifs. Elle a donné lieu, en commission, à de longues discussions entre la majorité et l'opposition, en présence du ministre de la défense. Les rapporteurs pour avis de la commission des lois et de la commission des finances étaient présents. Nous avons ainsi eu un vrai débat au fond, et le texte qui vient devant l'Assemblée est celui adopté par la commission. Je crois que nous devrions tous nous réjouir, je le dis sincèrement, de cette nouvelle procédure, a fortiori sur un texte concernant la programmation militaire pour les prochaines années, qui a donné lieu à une discussion très franche, très loyale, toujours courtoise, entre la majorité et l'opposition. Il ne faut pas remettre en cause cette procédure qui a donné, pour une de ses premières applications, d'excellents résultats.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

S'agissant de cet infléchissement, source de relative confusion entre les notions de sécurité et de défense, j'avais appelé l'attention de la commission sur les notions nouvelles contenues dans la tribune commune signée en février dernier par le Président de la République et par Mme Angela Merkel. J'en cite quelques passages : « Nous devons accroître et mettre en commun nos capacités militaires et civiles, au service d'une politique d'avenir pour la sécurité de l'Europe. La synergie des deux est une marque de la politique de sécurité européenne.» Ou encore : « Face aux risques du XXIe siècle, il est nécessaire de renforcer le partenariat transatlantique de sécurité et de défense, et de l'adapter aux nouveaux défis. »

Une évolution se dessine, qui consiste à créer une zone sans véritable frontière entre ce qui relevait jusqu'à présent de la politique de défense et ce qui relève de la politique de sécurité intérieure. Sur un sujet d'une telle gravité, nous avons besoin d'un minimum d'explications et de précisions.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 5 et 68 , qui tendent à supprimer l'article 5.

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l'amendement n° 5 .

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

La parole est à M. Bernard Cazeneuve, pour soutenir l'amendement n° 68 .

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

J'aimerais poser quelques questions à M. le ministre concernant la notion de sécurité nationale.

Dans le dispositif existant, la défense nationale, qui relevait de votre ministère, était destinée à assurer la sécurité du pays contre d'éventuelles agressions extérieures. Les travaux du Livre blanc, la réflexion développée par le Président de la République à l'occasion de multiples interventions, ont abouti à l'idée que la menace est diffuse, idée que l'on peut comprendre et même admettre, et qu'il convient de créer les conditions de sa parfaite maîtrise.

La menace, laisse-t-on toutefois entendre, serait diffuse non seulement au plan international, mais également à l'intérieur du pays : il existerait un « ennemi de l'intérieur » justifiant que l'on organise différemment notre dispositif de sécurité en supprimant la frontière qui sépare la sécurité intérieure de la défense nationale pour faire naître ce concept de sécurité nationale.

Cette affaire pose deux problèmes de fond.

S'il existe un « ennemi de l'intérieur », s'il existe des menaces diffuses à l'intérieur même de notre pays qui justifient que l'on organise autrement notre dispositif pour nous protéger, il faut, monsieur le ministre, que vous nous disiez très concrètement quelles sont ces menaces et en quoi les réformes auxquelles il est procédé dans l'organisation de l'État pour y faire face garantissent que nous serons protégés de façon plus pertinente et que nous saurons maîtriser le risque.

Cela pose ensuite un problème d'organisation de nos équilibres démocratiques et républicains. Dans une lettre qu'elle avait adressée à M. Sarkozy lorsqu'il était ministre de l'intérieur, Mme Alliot-Marie avait parfaitement expliqué les raisons pour lesquelles il fallait résister à la pente dans laquelle on nous propose de nous engager et qui la conduira dans quelques semaines, peut-être, à défendre ici l'exact contraire de ce qu'elle avait écrit à M. Sarkozy il y a quelques années.

Le fait que deux autorités de sécurité soient sous l'autorité d'un même ministre alors qu'elles étaient sous l'autorité de deux ministres différents pose un problème de démocratie. Très peu de pays ont placé sous une seule et même autorité des forces militaires et de police pour faire face à des menaces intérieures : le seul exemple, à vrai dire, qui ait été cité en commission de la défense est l'Espagne, mais la garde civile espagnole est un héritage d'une période où l'Espagne était très loin d'être un pays démocratique. C'est bien la preuve qu'il y a un lien entre la manière dont on organise nos forces de sécurité et la défense des équilibres démocratiques.

Se pose également la question de l'efficacité de la nouvelle organisation. Je ne suis pas du tout sûr, et j'aimerais que vous puissiez nous donner des éléments précis d'information, que cette concentration soit de nature à nous protéger des risques terroristes. La meilleure protection réside en effet dans un effort accru en matière de renseignement.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

La parole est à M. Yves Fromion, rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 5 et 68 .

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

Mes chers collègues, au fond, ce qui fait la différence entre vous et nous, c'est que vous, vous avez contesté le Livre blanc et les analyses et les conséquences qui en sont tirées.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

Nous, en revanche, avons, ici même, approuvé le Livre blanc et l'ensemble des perspectives qu'il trace.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

Cela induit naturellement des divergences d'appréciation entre nous, divergences que nous retrouvons dans les analyses que vous portez sur l'article 5.

La stratégie de sécurité nationale se caractérise par la mise en oeuvre d'une réponse collective et adaptée aux répercussions sur notre territoire des évolutions d'un environnement géopolitique dont le caractère instable, imprévisible et brutal doit être souligné.

Il organise l'articulation entre la sécurité nationale et les différentes politiques publiques qui y concourent, dont la politique de défense. La stratégie de sécurité nationale requiert en effet la mobilisation à des degrés divers, en fonction des circonstances, des moyens militaires, civils, économiques, diplomatiques ou sanitaires.

Cette orientation ne fait que compléter les dispositions actuelles de l'ordonnance de 1959, aux termes desquels la défense militaire apparaît comme une déclinaison de la politique générale, aux côtés de la défense civile et de la défense économique. Elle ne la rabaisse nullement. Loin de correspondre, comme le prétend M. Candelier, à une logique du « tout-sécuritaire », l'article 5 organise au contraire la répartition des actions opérationnelles entre les départements ministériels. Au ministère de la défense échoit la politique de défense, à celui de l'intérieur la sécurité civile et intérieure pour les aspects relevant de la sécurité nationale, à celui des affaires étrangères l'action diplomatique, à celui de la justice la garantie des libertés individuelles.

Il favorise ainsi la complémentarité des actions, afin qu'une réponse cohérente et coordonnée soit apportée sous la responsabilité du Président de la République et du Premier ministre, dont il est rappelé qu'il dirige, en la matière, l'action du Gouvernement. Rien ne serait plus irresponsable que de nier les implications multiples d'un seul et même événement. Qu'il s'agisse d'une agression armée ou d'une catastrophe naturelle, il importe de globaliser les menaces.

Je rappelle également que l'article 5 a donné à la commission l'occasion de préciser les missions du Premier ministre. La responsabilité de l'intelligence économique, dont chacun souligne l'importance, lui revient désormais, alors qu'elle n'avait jamais été nommément confiée à un ministre. En dépit de l'existence d'échelons administratifs et techniques auprès du SGDN, aucun responsable politique n'en était chargé. C'est désormais chose faite.

Enfin, l'article attribue au ministre de la défense la responsabilité du suivi des exportations, dont M. Morin a souligné qu'il est nécessaire de les développer. Il faut en effet qu'elles bénéficient d'un soutien étatique, et non simplement d'une action industrielle et commerciale. Cette responsabilité doit incomber à un ministre, comme je l'avais moi-même souligné. Un affichage est nécessaire dans ce domaine vis-à-vis de l'extérieur. Si la France vend des armes, elle doit assurer le suivi politique, diplomatique et technique d'une telle décision. Aux termes de l'article 5, c'est le ministre de la défense qui en sera désormais chargé.

Pour toutes ces raisons, la commission a rejeté les amendements.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Le rapporteur ayant été très complet, je serai, pour ma part, très bref : j'invite M. Cazeneuve à relire le Livre blanc, où il trouvera toutes les réponses à ses questions. À des menaces globales, qui peuvent avoir un caractère extérieur, mais concerner aussi le coeur même de notre pays, il faut une réponse globale, associant des moyens propres à la défense et au ministère de l'intérieur. Ainsi, la menace terroriste sera traitée tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays.

L'existence du Conseil de défense et de sécurité nationale marque seulement que la coordination des moyens s'effectue autour du Président de la République, afin que tous les acteurs assurant la sécurité du pays et des Français puissent travailler ensemble. S'il est un sujet où une coordination de ce type s'impose, c'est bien le renseignement. Au sein du Conseil national du renseignement, tous ceux qui sont amenés à travailler sur ce sujet se retrouveront à la même table, sous l'arbitrage du Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Je rappelle que nous n'avons pas voté le Livre blanc et que bien des députés sont sortis, pour bien des raisons, avant la fin du débat que nous avons eu à son sujet.

Nous pourrions à la limite vous entendre, monsieur le ministre, s'il s'agissait seulement de réunir, par exemple, le ministre de la défense et celui de l'intérieur pour débattre de sujets bien déterminés, car le terrorisme n'est pas seul en cause. Mais, si nous vous reprochons de graver dans le marbre de la loi l'existence d'un Conseil de défense et de sécurité nationale, c'est que la notion même de sécurité nationale fait problème.

Je vais présenter ma question différemment. Dans une situation comparable à celle qu'ont connue certains quartiers en 2005, et dans laquelle la police et la gendarmerie étaient débordées, le ministre de l'intérieur pourrait-il appeler, au titre de la sécurité nationale, des militaires à la rescousse ? Ce serait grave, car ils ne sont pas formés à ce type d'intervention. En matière de défense, leurs réflexes sont ceux de l'infanterie, à telle enseigne qu'ils doivent, dans certains cas, effectuer des stages pour les abandonner.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

L'article 5 ne modifie pas les dispositifs qui mettent en oeuvre les forces armées.

À ce propos, était-ce bien sous votre Président, je veux dire sous la présidence de François Mitterrand, que l'on avait fait appel aux forces armées, pendant la grève des camionneurs ?

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Alors, vous connaissez la réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

François Mitterrand était le Président de la République de tous les Français, comme le Président actuel est aussi le mien !

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Étiez-vous ministre à cette époque ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Non. Je suis entrée très tard au Gouvernement, ayant eu le privilège inestimable de rester militante jusqu'à cinquante ans… (Sourires.)

Dans le cas qui nous intéresse, les forces appelées sont restées sous l'autorité unique du ministre de la défense. Une réunion s'est bien tenue à l'Élysée en sa présence et celle du ministre de l'intérieur, mais c'est lui qui a décidé des moyens mis en oeuvre, et les hommes utilisés sont restés sous sa responsabilité.

À présent, répondez-moi : au cours d'une crise sur le territoire intérieur, si les forces militaires sont appelées, seront-elles sous l'autorité directe et unique du ministre de la défense, ou sous celle du ministre de l'intérieur ?

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Je vous répète que le dispositif juridique reste inchangé à cet égard. La réquisition est faite par le préfet ou directement par Matignon.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Vous n'avez pas répondu !

(Les amendements identiques nos 5 et 68 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Je suis saisie d'un amendement n° 108 .

La parole est à M. Philippe Folliot.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

L'amendement vise à compléter la dernière phrase de l'alinéa 5 par les mots : « et participe, dans le cadre des traités européens en vigueur, à la politique européenne de sécurité et de défense commune. »

Il s'agit d'introduire dans les déclarations liminaires du code de la défense la dimension de la défense européenne.

Depuis 1972, la construction de l'Europe de la défense a connu des étapes importantes que nous ne pouvons pas ignorer dans le cadre d'une nouvelle programmation militaire. Si la dimension européenne n'affecte pas l'état militaire ni la compétence régalienne des nations dans le domaine militaire, elle introduit cependant de nouveaux devoirs qui figurent notamment dans les accords de la politique européenne de sécurité et de défense.

Il convient d'indiquer dans un cadre général la volonté de la France de participer avec son armée à la construction de la politique européenne de défense et de sécurité, et de concourir à la défense des valeurs et des intérêts de l'Union, notamment lorsqu'un État membre fait l'objet sur son territoire d'une agression armée ou d'une attaque terroriste.

L'adoption de l'amendement mettrait le code de la défense en conformité avec notre ambition de concrétiser une véritable défense européenne, à laquelle nous sommes nombreux à être attachés.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

Monsieur Folliot, cet amendement témoigne de votre volonté affirmée de construire une Europe de la défense opérationnelle et efficace, assurant la protection des ressortissants et l'intégrité des territoires de l'Union.

À vrai dire, la rédaction actuelle de l'article répond déjà à votre souci. L'un des objets de la politique de défense est en effet de pourvoir au respect des alliances, des traités, des accords internationaux auxquels la France a souscrit et qui relèvent de la défense européenne. Non seulement les missions de Petersberg nous donnent la possibilité d'intervenir dans un tel contexte, mais elles nous en font obligation.

La commission, se tenant à une position stricte, a rejeté l'amendement, considérant qu'il est satisfait. Mais je suis tenté de m'en remettre à la sagesse positive de l'Assemblée. Il est parfois bon de rappeler ce qui semble aller de soi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Nous sommes au lendemain d'une élection européenne ! (Exclamations et rires sur divers bancs.)

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Je m'en remets également à la « sagesse positive » de l'Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

Je comprends parfaitement la proposition de M. Folliot, mais je crains que son amendement n'atteigne un but inverse à celui qu'il recherche. Placée en fin de phrase, au terme du paragraphe et après une série d'attendus, la politique européenne de sécurité et de défense commune apparaît comme une donnée secondaire, sinon subalterne.

Je partage son point de vue quant au caractère essentiel d'une politique européenne en la matière, mais cet article n'est pas de même nature, et je crains que son amendement ne dévalue sensiblement la PESD s'il était adopté à cet endroit. Il conviendrait, pour lui accorder toute l'importance qu'il mérite, de le placer dans une autre partie du texte.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Pourquoi ?

(L'amendement n° 108 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Je suis saisie d'un amendement n° 69 .

La parole est à M. Philippe Nauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nauche

L'amendement vise à substituer, à l'alinéa 50, le mot : « conseille », au mot : « oriente » pour qualifier la mission attribuée au ministre en charge de l'économie. Il s'agit de maintenir les ministres responsables de la production, de l'approvisionnement et de l'utilisation des ressources dans leurs prérogatives. En effet, la rédaction du projet de loi les place, de fait, sous la tutelle du ministre chargé de l'économie, ce qui n'est guère acceptable.

De plus, une telle mesure est inutile, puisqu'en cas de divergence d'interprétation, le Premier ministre, voire le conseil de défense lui-même, ont tout loisir d'établir les priorités à respecter en matière de production ou d'approvisionnement.

La rédaction que nous proposons permet bien évidemment au ministre de l'économie de faire connaître son point de vue, mais elle évite la déresponsabilisation des autres ministres concernés. Elle permet aussi d'éviter de faire passer le ministère de la défense sous la coupe du ministère du budget.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Comme tous les ministères ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fromion

La rédaction de l'alinéa 49 correspond à celle de l'alinéa 1er de l'actuel article L. 1142-3 du code de la défense. Elle n'apporte donc aucun changement majeur par rapport à la situation législative présente.

Par ailleurs, je ne pense pas, monsieur Nauche, que votre amendement permettrait d'éviter le passage du ministère de la défense sous la coupe de celui du budget, car ce risque n'existe pas. En effet, l'article 5 prévoit le maintien d'un droit de priorité au profit du ministère de la défense, notamment pour la répartition générale des ressources, dès la procédure de mise en garde. Pour concrétiser ce droit de priorité, il importe que le ministère chargé de l'économie oriente l'action des autres ministères responsables. S'il ne pouvait que conseiller, il lui serait très difficile de satisfaire le droit de priorité au profit du ministère de la défense.

C'est pourquoi cet amendement a été rejeté en commission. L'avis est donc défavorable.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Même avis que la commission.

(L'amendement n° 69 n'est pas adopté.)

(L'article 5, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Prochaine séance, 9 juin 2009, à quinze heures :

Débat préalable au Conseil européen ;

Fixation de l'ordre du jour ;

Vote solennel sur la proposition de loi pour faciliter le maintien et la création d'emplois ;

Suite de la discussion du projet de loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 ;

Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, de programmation relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mardi 9 juin 2009, à une heure trente-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma