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Intervention de Jean-Claude Viollet

Réunion du 8 juin 2009 à 21h30
Loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Viollet :

Madame la présidente, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la loi de programmation militaire est censée donner toute la visibilité nécessaire à

nos armées qui doivent pouvoir y lire l'ensemble des moyens dont elles disposeront, dans la durée pour remplir le contrat opérationnel qui leur a été fixé, à nos industries de défense qui doivent y trouver les éléments qui leur permettront d'orienter leur stratégie pour les prochaines années, tant en termes de production que de recherche, et à la nation tout entière qui doit savoir quels efforts lui seront demandés pour assurer sa défense et sa sécurité.

Cette nécessité est d'autant plus impérieuse, s'agissant du domaine industriel, sur lequel je concentrerai mon propos, que les politiques de défense s'inscrivent parfois dans le court terme, lorsqu'il s'agit de satisfaire le besoin immédiat, comme avec les « crash programmes » pour l'Afghanistan, mais davantage dans le moyen et le plus long terme. Cette particularité justifie la vigilance de la représentation nationale, eu égard à l'ensemble des enjeux inhérents à la problématique de défense et de sécurité, au rang desquels figure rien moins que l'autonomie stratégique de notre pays et, au-delà, de l'Union européenne, y compris au sein de l'Alliance Atlantique dans laquelle nous venons de renforcer notre intégration.

C'est au regard de cette nécessité, et au filtre des orientations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale que je me suis attaché à lire le présent projet de loi pour ce qu'il contient concernant nos industries de défense et les grands programmes d'équipements censés structurer leur développement.

Ce faisant, je suis au regret de dire qu'il m'est apparu poser plus de questions qu'il n'apportait de réponses, ce qui ne peut manquer d'inquiéter, eu égard au lourd héritage de la précédente loi de programmation militaire que chacun, ou presque, s'accorde aujourd'hui à reconnaître.

S'agissant de l'avenir de nos industries de défense, l'essentiel du sujet réside dans les articles 10 et 11 du projet de loi consacrés à DCNS et à la SNPE.

Pour DCNS, l'article 10 assouplit les dispositions de la loi du 30 décembre 2004, en permettant à ce groupe de créer des filiales ou d'entrer au capital de sociétés existantes, pour lui faciliter la création de sociétés communes avec d'autres acteurs nationaux ou européens, y compris dans le cas où sa participation n'y serait pas majoritaire.

Ce faisant, le texte qui nous est proposé supprime l'essentiel des garanties qu'avait introduit, tant pour le groupe que pour ses salariés, la loi de finances rectificative du 28 décembre 2001. Ayant, pour ma part, soutenu cette loi du 28 décembre 2001, je m'étais opposé, bien que convaincu de la nécessité de poursuivre les évolutions, à celle du 30 décembre 2004, d'ouverture du capital de DCN, en l'absence de perspectives clairement établies. De même, à l'occasion de l'entrée de Thales à son capital, je m'étais inquiété, en décembre 2005, de son unicité, de la pérennité de chacun de ses établissements, de leurs plans de charge et de leur niveau d'emplois.

En dépit des apports utiles de notre commission sur la condition des personnels, votre projet ne peut qu'accentuer nos inquiétudes quant à l'avenir de DCNS en tant qu'ensemblier intégrateur, au moment où Thales, susceptible de passer de 25 à 35 % du capital, vit lui-même une mutation d'importance dans sa structure capitalistique et son management, qui pourrait ne pas être sans conséquences quant à son positionnement futur sur les évolutions de DCNS.

Pour la Société nationale des poudres et explosifs, société dont l'État est aujourd'hui encore actionnaire à 99,972 %, l'article 11 vise tout simplement à l'ajouter à la liste des entreprises annexée à la loi de privatisation du 19 juillet 1993.

Votre projet évoque ainsi la perspective d'un transfert au secteur privé de la SNPE, de ses actifs et de sa filiale SNPE Matériaux Énergétiques, ainsi que des actifs de SNPE et SME nécessaires à la recherche dans le domaine des poudres, explosifs et propergols à usage civil ou militaire.

Le rapprochement évoqué de SNPE-SME et d'un fabricant de moteurs – SAFRAN, pour ne pas le nommer – peut créer une synergie. Mais l'avenir des autres secteurs de SNPE est aujourd'hui beaucoup plus flou. S'agissant de la partie munitions – EURENCO –, on parle d'un rapprochement possible avec Nexter, avant d'autres perspectives, plus européennes, mais sans plus de précisions. Quant au domaine de la chimie – Bergerac NC, ISOCHEM –, nul ne semble savoir aujourd'hui ce qu'ils pourraient devenir, surtout si le centre de recherches du Bouchet suivait SNPE et SME, privant ainsi l'ensemble des autres secteurs de capacités de développement de nouveaux produits.

C'est ce qui m'amène à vous dire que je ne peux me satisfaire de vos propositions en l'état, concernant DCNS et la SNPE, à moins que vous ne nous apportiez aujourd'hui des informations nouvelles et d'importance sur les engagements de l'État les concernant, susceptibles d'éclairer l'avenir. Elles seraient bienvenues, pour notre représentation nationale, autant que, j'en suis sûr, pour nos industriels et pour les salariés des entreprises concernées.

Si je suis inquiet des propositions faites pour nos groupes industriels, je m'interroge également sur les programmes d'équipement, notamment ceux concernant l'air et l'espace, deux secteurs, vous le savez, qui mobilisent tout particulièrement mon attention. S'agissant de la résorption du déficit capacitaire en transport aérien stratégique et tactique, que nous avions souligné, mes collègues Michel Sordi, Alain Marty et moi-même, dans un rapport d'information déposé en janvier 2008, on lit, dans le rapport annexé à la présente LPM, que les cadences d'acquisition seraient fixées d'ici à 2010 et qu'un partenariat public-privé serait envisagé pour les avions multirôle de ravitaillement en vol et de transport. Ces propos ont déjà été entendus et réentendus sans que jamais n'interviennent de décisions concrètes, notamment pour les MRTT, alors qu'il y a urgence pour remplir le contrat capacitaire de projection et de soutien de nos avions de combat et de la composante dissuasion.

Quant à l'A400M, je connais les difficultés rencontrées pour son développement, mais, au-delà de ces difficultés, dont il faudra tirer tous les enseignements, l'aboutissement de ce programme constitue aujourd'hui un enjeu industriel et politique majeur qui nous impose de gérer au mieux, en responsabilité, les dernières étapes avant le premier vol du prototype et l'engagement du programme d'essai, prélude aux livraisons de série. Dans ce sens, et compte tenu du retard prévisible dans la mise à disposition de nos forces des premiers appareils, il nous faut mettre en oeuvre dans les meilleurs délais les solutions intérimaires les plus pertinentes, tenant compte à la fois du parc d'appareils existant et des perspectives d'équipements futurs, avec le souci de l'efficience qui devrait caractériser toute politique publique.

J'ai, pour ma part, évoqué dans mon rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2009, la possible régénération du potentiel d'une partie de nos Cl60 Transall, l'acquisition de CN-235 CASA et, dans la perspective du renouvellement de nos ravitailleurs, l'achat d'un ou deux A330-200, en version cargo, dont la transformation en MRTT pourrait être engagée sitôt la livraison des premiers A400M effectuée, le cas échéant dans un partenariat entre l'industriel et le SIAé.

Certes, ces investissements n'étaient pas initialement prévus mais ils gagneraient à être intégrés à la présente LPM, leur financement pouvant être assuré par prélèvement sur la ligne de cash de l'A400M, pour une réalisation rapide, vu l'urgence, s'agissant tant de la satisfaction du besoin opérationnel que du maintien de la qualification de nos équipages.

Voilà pourquoi je souhaiterais vous entendre sur cette question, monsieur le ministre, au moment où nous allons avoir à nous prononcer, et devrions le faire non sur de vagues déclarations d'intention dans un rapport annexé, mais sur des engagements fermes.

Ce qui vaut pour le transport vaut aussi pour l'aviation de chasse, avec le Rafale, qui est toujours, et pour longtemps, je pense, le meilleur avion polyvalent au monde,…

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