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Intervention de Pierre Lasbordes

Réunion du 8 juin 2009 à 21h30
Loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lasbordes :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de programmation militaire, issu des recommandations du récent Livre blanc sur la défense et la sécurité, repose sur une volonté clairement affichée de s'adapter aux nouveaux défis que nous impose le XXIe siècle. En la matière, le secteur spatial doit jouer un rôle plein et entier. L'espace ne présente pas seulement un intérêt commercial, il est aussi et surtout un enjeu stratégique. En tant que président du groupe parlementaire sur l'espace, je tiens, monsieur le ministre, à attirer votre attention sur cet enjeu fondamental, que nos rapporteurs, Patrick Beaudouin et Yves Fromion, n'ont d'ailleurs pas manqué de souligner dans l'introduction de leur rapport.

Le Livre blanc a mis en exergue une nouvelle donne stratégique pour notre défense et notre sécurité : la connaissance et l'anticipation. L'espace constitue un des principaux éléments de mise en oeuvre de cette stratégie, tant au niveau de la collecte du renseignement que de la diffusion de l'information. Dans le discours sur la politique spatiale qu'il a prononcé à Kourou en février 2008, le Président de la République a, du reste, abondé dans ce sens, puisqu'il a déclaré souhaiter « conserver une autonomie stratégique dans la collecte et l'exploitation du renseignement » et demandé « une augmentation résolue et substantielle du budget spatial militaire de la France ».

La contribution des systèmes spatiaux au renseignement et à la conduite des opérations de nos forces armées n'est plus à démontrer. Ainsi, dans les opérations extérieures, les satellites aident les militaires à mener à bien leur mission. Or, le Livre blanc a souligné la faiblesse du budget alloué aux programmes spatiaux militaires, notamment au regard des enjeux stratégiques et opérationnels. Les recommandations ont donc été claires : doubler les « crédits consacrés aux programmes spatiaux militaires, en moyenne annuelle sur la période à venir ». Le projet de loi de programmation militaire doit traduire concrètement les orientations fixées par le Livre blanc concernant ces programmes pour les cinq prochaines années. Pourtant, force est de constater, si l'on s'en tient aux crédits votés par la loi de finances 2009, que cette orientation n'est pas traduite dans les faits.

Aussi paraît-il indispensable, pour que ce texte soit en phase avec les priorités définies pour les programmes spatiaux militaires, que les ressources budgétaires soient disponibles dès 2010, afin de ne pas retarder la mise en service de ces différents systèmes. Je pense notamment à la réalisation, dès 2010, de la composante spatiale optique MUSIS, qui devra prendre à temps la suite d'Hélios 2, c'est-à-dire vers 2015. La défense nationale ne peut pas se permettre une rupture capacitaire dans ce domaine.

Je pense également au programme CERES, qui permettra à la France de se doter d'une capacité opérationnelle de renseignement d'origine électromagnétique par satellites, capitalisant sur l'expérience acquise au moyen des démonstrateurs Essaim et Elisa. Ce système doit être mis en service en 2016. Pour cela, les financements correspondants aux lancements de ce programme doivent être prévus dans le projet de loi de programmation militaire, notamment pour ses phases de définition, de conception et de réalisation, qui semblent actuellement en recherche de financement. Pour être au rendez-vous, la conception de ce programme doit être lancée dès 2010.

Je pense, enfin, à la préparation du développement d'une capacité opérationnelle pour l'alerte avancée, qui fera suite au démonstrateur Spirale dont les satellites ont été lancés mi-février 2009, lancement qui, pour l'heure, est un franc succès. La première capacité opérationnelle de l'alerte spatiale semble avoir été repoussée à la fin de la prochaine décennie, vers 2019. Un budget spécifique devrait donc être prévu dès 2010, afin de commencer la préparation de ce programme, faute de quoi les compétences très pointues se disperseront après l'arrêt du démonstrateur Spirale.

Enfin, je terminerai en évoquant l'enjeu, pour le secteur spatial, de la privatisation de la Société nationale des poudres et explosifs, prévue à l'article 11 de ce projet de loi. Cet article ouvre la voie au rapprochement des activités de propulsion solide des groupes Safran et SNPE, rapprochement qui a du sens et que l'on ne peut que saluer. Dans le domaine de la propulsion des missiles balistiques stratégiques, il doit permettre non seulement la constitution d'un pôle de propulsion solide consolidé, mais aussi la simplification de l'organisation industrielle du programme M51, ce qui, nous l'espérons, permettra une optimisation de l'effort financier consenti par l'État.

La consolidation de la propulsion solide constitue un enjeu primordial pour les lanceurs spatiaux. Comme vous le savez, Ariane 5 permet aux pays européens de lancer de manière autonome et souveraine les plus gros satellites. Il peut s'agir de satellites scientifiques, météorologiques ou de défense, comme les satellites de télécommunication Syracuse III et le satellite d'observation spatiale Hélios 2B, qui sera lancé dans quelques mois.

À l'heure actuelle, la propulsion solide est présente sur les deux lanceurs de conception européenne : Ariane 5 et le petit lanceur Vega, dont le premier tir est attendu en 2010. La filière industrielle repose sur les Français Safran et SNPE et sur l'italien Avio. Comme pour le programme M51, la coexistence de ces différents groupes industriels a conduit à mettre en place une organisation complexe sur les programmes lanceurs, qui peut être optimisée.

Les pressions pour réduire le coût des lancements sont de plus en plus fortes dans un contexte de concurrence internationale accrue. Pour y parvenir, la question de la simplification de l'organisation industrielle devrait se poser à moyen terme. La première étape pourrait bien être la constitution d'un industriel européen unique de la propulsion solide. La France doit s'y préparer et constituer au préalable un pôle industriel national intégré, qui passera par un rapprochement des activités de Safran et de la SNPE dans ce domaine.

Monsieur le ministre, les nombreuses initiatives françaises ont permis d'insuffler une nouvelle dynamique en faveur de la politique spatiale, mais il importe que le Gouvernement poursuive avec constance ses efforts dans le domaine de la défense. La France peut se vanter, à juste titre, de jouer un rôle moteur, reconnu par tous, tant dans le domaine des lanceurs que dans celui de la fabrication des satellites.

La disparition récente de l'avion d'Air France nous a conduits à demander l'assistance des satellites américains pour tenter de localiser l'épave. Cet événement est une illustration supplémentaire de la nécessité de se doter d'une capacité d'observation conséquente.

Au vu des enjeux fondamentaux que représente l'espace pour notre sécurité et à un moment où la nouvelle équipe dirigeante des États-Unis fait de gros efforts dans le secteur spatial, nous ne pouvons faire l'économie d'une politique spatiale dotée d'un budget à la hauteur de ses ambitions. C'est le voeu que j'émets auprès de vous, monsieur le ministre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

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