La commission a auditionné M. Carlos Tavares, directeur général délégué aux opérations de Renault.
Monsieur le directeur général, permettez-moi tout d'abord de vous présenter mes meilleurs voeux, au nom des commissaires ici présents et en mon nom personnel, et de souhaiter que 2012 soit une bonne année pour Renault.
Nous sommes très heureux de vous accueillir aujourd'hui. Renault est un fleuron industriel français, dont l'histoire est riche de nombreux succès. Cette audition sera pour nous l'occasion de revenir sur l'actualité du marché automobile, que nous avons déjà abordée en recevant M. Philippe Varin le mois dernier, mais aussi sur votre stratégie pour assurer le développement de votre entreprise.
Notre Commission se préoccupe beaucoup de l'avenir de l'industrie française. Pouvez-vous nous décrire brièvement la géographie de votre production dans le monde ? Quelle est la part des automobiles vendues par Renault qui sont produites en France ? Les consommateurs français achètent-ils des voitures produites à l'étranger ? Les délocalisations auxquelles vous avez procédé ont-elles pour objectif de vous rapprocher des marchés que vous visez, ou bien de profiter des coûts de production plus bas ? Le succès de votre gamme low cost a-t-il bénéficié à l'emploi en France ?
Depuis quelques années désormais, vous avez parié sur le développement du véhicule électrique. Pouvez-vous revenir sur les raisons de ce choix ? Quels sont les objectifs que vous vous fixez sur ce marché ? Quelles solutions avez-vous retenu pour surmonter les obstacles importants auxquels cette filière est confrontée, parmi lesquels le coût et la fiabilité de la batterie, les réticences des consommateurs à changer leurs habitudes ou encore l'installation des infrastructures de recharge ?
Je vous remercie, Monsieur le président, de m'accueillir dans cette Commission, et vous adresse également, de la part de mon entreprise, tous mes voeux pour cette année 2012.
Je suis de retour chez Renault après sept ans d'expatriation avec le groupe Nissan, au Japon pendant cinq ans, puis aux Etats-Unis, durant vingt-huit mois. Je suis heureux de retrouver l'entreprise qui m'a embauché à la sortie de l'école, il y a de cela trente ans.
Renault est une entreprise d'une grande valeur et à fort potentiel dont la santé financière reste néanmoins très fragile. Je ne suis ni négatif, ni pessimiste quant à son futur, mais beaucoup reste à faire.
Mon intervention reprend très directement les questions que vous m'avez posées, Monsieur le président. J'ai choisi de la structurer autour des trois critiques qui nous sont fréquemment adressées : « Renault délocalise et force ses fournisseurs à la faire », « l'alliance avec Nissan n'aide pas Renault », et le « véhicule électrique est un pari risqué, l'impasse sur l'hybride suicidaire ».
Tout d'abord, nous sommes souvent accusés de délocaliser notre production et de forcer nos fournisseurs à le faire. Il s'agit d'un jugement très caricatural, comme je vais vous le montrer.
Parlons d'abord du haut de gamme. Renault ne quittera pas ce segment, qui génère la plus haute valeur ajoutée et restera en France. Je vous annonce, en exclusivité, que nous investirons quatre cent vingt millions d'euros dans l'usine de Douai, destinée à produire les véhicules « 15-40 », c'est-à-dire ceux dont le prix de vente est compris entre 15 000 et 40 000 euros. Nous y renouvellerons les véhicules du segment C et D. De plus, si la décision est prise de relancer la marque Alpine – il faut pour cela que les conditions économiques soient réunies –, le coeur de sa production se fera en France.
La France concentre également tous les produits à forte valeur ajoutée. Premièrement le véhicule utilitaire, dont nous sommes le leader européen depuis quatorze ans – leadership que nous comptons bien garder –, est le coeur de métier des usines de Batilly et Maubeuge. Pour illustrer à quel point nous produisons des utilitaires de qualité, nous avons signé un partenariat avec Daimler, pour qui nous produirons un utilitaire dès 2012. De plus, nous relocalisons à Sandouville la production de Trafic, aujourd'hui à Barcelone, ce qui représente un investissement de deux cent trente millions d'euros.
Deuxièmement, deux des quatre véhicules de notre gamme électrique seront produits en France : la Kangoo, déjà en production à Maubeuge, et la Zoé, à Flins.
Troisièmement, nous construisons en France, à Cléon, nos moteurs les plus performants, les moteurs diesels M9 et R9. Ces derniers sont leaders de la gamme en matière d'économies de carburants. L'usine de Cléon sera également chargée de la chaîne de traction électrique.
Je pourrais continuer l'énumération en vous parlant des batteries électriques, produites en collaboration avec le CEA. Je préfère vous livrer les résultats des calculs auxquels nous nous sommes livrés. Entre 2009 et 2010, la part de la valeur ajoutée produite en France sur l'ensemble de nos ventes a progressé de 29 %. L'entreprise est en croissance, et la France, qui en est le coeur, en profite. D'autres chiffres, je l'espère, emporteront votre conviction. Le nombre de véhicules assemblés en France est de 647 000, soit 94 % de nos volumes de vente dans notre pays. Mais ne parlons pas uniquement de l'assemblage, qui est symbolique mais ne représente que 15 % de la valeur ajoutée totale du véhicule. Pour les organes les plus significatifs, notre ratio production en France sur ventes en France est largement positif : il est de 137 % pour les moteurs, 115 % pour les boîtes de vitesse, 160 % pour les trains avant et 179 % pour les trains arrières. Ces chiffres montrent que nous tirons l'activité en France grâce à la croissance de notre groupe à l'international.
Nous investissons en France six milliards d'euros en huit ans, soit 40 % des investissements de notre entreprise d'ici 2013. Chaque site industriel a un avenir clair avec des produits à forte valeur ajoutée.
Flins bénéficiera du lancement de la Clio 4 et de la Zoé en 2012. Le projet d'usine de batterie est en cours pour des volumes en cours de définition.
Maubeuge produit déjà le Kangoo, et en 2012, sera chargée de la première réalisation d'un véhicule avec Daimler – comme je l'ai expliqué, il s'agira d'un utilitaire.
A Batilly, nous continuons, et pour de nombreuses années encore, la production du Master. Lancé en 2010, le Master est un véhicule qui nous offre beaucoup de potentialité, car il est disponible en plusieurs versions de différents volumes.
Douai sera le coeur de notre haut de gamme, avec les futurs remplaçants de l'Espace, de la Laguna et du Scenic. Nous entamons bel et bien une trajectoire de retour sur ce marché.
Sandouville, notre troisième champion de l'utilitaire, bénéficie du retour d'expérience de Batilly et Maubeuge. De nombreux travaux à chaque période d'arrêt permettent de progresser vers la production du remplaçant du Trafic. En parallèle, l'usine assure la production de la Laguna et de l'Espace.
Dieppe est notre site spécialisé dans les sportives, avec la Clio3 RS, commercialisée sous la griffe « Renault sport », dont nous proposons également une variante GPL.
Enfin, Cléon construit des moteurs de très haute technologie. Le R9M, lancé en 2011, a bénéficié de l'expertise des ingénieurs Renault-F1 de Viry-Châtillon. Je rappelle que nous avons conquis cette année un dixième titre de champion du monde des constructeurs avec Red Bull et que nous fournirons quatre équipes l'année prochaine, ce qui constitue une magnifique reconnaissance de nos performances. Toutes les trouvailles réalisées pour les écuries de Formule 1 sont progressivement intégrées dans nos moteurs.
Je rappelle également que 80 % de l'activité de notre usine de Cléon est tournée vers l'exportation ; Cléon prend le virage du véhicule électrique avec la réalisation de moteurs spécifiquement construits à cet effet, ce qui va entraîner une baisse des coûts. La Française de mécanique continue de produire le moteur D sur un site partagé avec PSA et nous allons y produire des éléments liés à la chaîne de traction des véhicules électriques. L'usine du Mans comporte un pôle d'expertise châssis : on y fabrique les trains et également les pièces de liaison sols. L'usine de Choisy est surtout axée sur le rendu de services à notre partenaire Nissan afin de la faire bénéficier des gains et de la croissance de Nissan. Enfin, je vous indique que la Fonderie de Bretagne réalise plus de 120 millions d'euros d'investissement entre 2008 et 2018 pour assurer la pérennité de ce site.
Sur la partie Recherche et développement (R & D), 80 % des activités en R & D en dépenses sont faites en France.
Je signale par ailleurs que Renault stricto sensu emploie 54 000 personnes en France, auxquelles il faut ajouter 47 000 personnes dans le réseau commercial et près de 70 000 personnes qui travaillent chez nos différents sous-traitants. Au total, Renault emploie donc environ 170 000 personnes dans notre pays.
Sur le programme Entry, qui couvre l'ensemble des activités notamment liées à Dacia, le bilan est positif sur la balance des paiements de la France grâce à Dacia, ce qui montre que la croissance de Dacia et des investissements afférents tire vers le haut l'activité dans notre pays.
Renault doit faire face à une vive concurrence mondiale, notamment les constructeurs coréens Kia et Hyundaï qui sont bien installés sur leur marché national et qui concurrencent très durement Renault Samsung Motors ; si l'on veut gagner en compétitivité et en parts de marché, il faut recourir aux fournisseurs et aux acteurs locaux ; la croissance à l'international passe par l'utilisation de la compétitivité des régions où l'on vend nos voitures. Ainsi, comme je l'ai signalé à l'instant, nous avons développé une branche coréenne spécifique en Corée qui s'appelle Renault Samsung Motors. C'est également l'optique choisie avec notre usine à Tanger. Sur le sujet délicat des délocalisations, je pense que ce qui importe avant tout c'est d'assurer la pérennité de l'entreprise au moyen d'une forte croissance et d'une réelle compétitivité. Notre seul bouclier, ne l'oublions pas, c'est la performance, basée sur un mouvement et une dynamique de progrès.
Deuxième axe de ma présentation, l'alliance Renault Nissan est une belle réussite : l'histoire récente de l'industrie automobile montre que c'est d'ailleurs la seule alliance qui a réussi sur la dernière période, les autres ayant bien souvent échoué. Même si tout n'est pas parfait, ce résultat mérite dès à présent d'être salué ! Elle a permis de réaliser un grand nombre de synergies dans le développement de technologies avec notamment une mutualisation des technologies et des dépenses en R & D, ce qui permet de disposer d'un fort levier d'innovation. Au total, ce sont finalement quatre milliards d'euros d'investissement qui ont été réalisés depuis cinq ans en faveur du véhicule électrique.
Nous avons, cette année, lancé une nouvelle génération des moteurs à essence, les moteurs H 4 et H 5, qui vont ainsi nous placer au niveau de la meilleure industrie automobile mondiale grâce à une réelle efficacité énergétique puisque le niveau d'émissions de nos moteurs sera inférieur à 100 grammes de CO2 par kilomètre. L'engagement contenu dans notre plan de moyen terme qui doit s'achever en 2016 va donc être plus que tenu grâce aux fortes dépenses de R & D que nous avons engagées et qui vont conduire à davantage d'efficacité. La « Génération H » de ces moteurs sera lancée en 2012.
La plateforme « A-Entry » est une bonne chose : on lance un projet de véhicules à très bas prix, à partir de notre base indienne, plateforme d'ailleurs commune avec Nissan. Cette nouvelle gamme devrait nous permettre de conquérir de nouveaux marchés, notamment dans les pays émergents.
Les effets d'échelle sont favorables à la compétitivité des coûts. En 2011, notre groupe a réussi un nouveau record de ventes (8 millions de véhicules vendus en 2011). Nous avons créé une structure spécifique, Renault – Nissan – Corporation – Organization qui bénéficie d'une organisation commune aux trois entreprises (Renault, Nissan et le fabricant automobile russe AvtoVAZ), de cadences de travail importantes et qui conduit à une plus grande efficacité.
Nous avons également une plateforme commune, « 15 – 40 », consacrée aux véhicules de moyen et haut de gamme qui bénéficie d'une cadence de production supérieure au million de véhicules par an. Cette synergie avec Nissan fonctionne bien et constituera la plateforme centrale de l'usine de Douai puisqu'elle servira de base à la construction de véhicules de segment C et de segment D.
L'usine de Cléon consacre plus de 50 % de son activité à Nissan qui est en forte croissance et tire de ce fait l'activité en France, notamment dans le secteur des transmissions et des moteurs.
Le troisième thème de la collaboration avec Nissan concerne la logistique et l'implantation internationale. Nous avons engagé des discussions approfondies avec le gouvernement chinois pour favoriser l'entrée industrielle de Renault en Chine – pays où nous n'avons vendu pour l'instant que 20 000 véhicules en 2011 mais qui devrait servir de base pour un développement dans les années à venir. Nous prévoyons d'ailleurs de travailler avec un partenaire industriel local, Dongfeng, déjà partenaire de Nissan. Nous avons bon espoir pour conclure un accord définitif avec les autorités compétentes en 2012.
Nous disposons d'une usine implantée à Chennai, en Inde, dans l'État du Tamil Nadu, que nous partageons avec Nissan. Nous y lancerons le véhicule Renault Duster qui connaît déjà un beau succès en Europe mais aussi au Brésil et en Russie. Nous discutons également avec Nissan pour implanter une base industrielle commune au Mexique. Par ailleurs, dans de nombreux pays, nous avons demandé à Nissan, notre partenaire, d'être notre importateur afin de mieux commercialiser nos véhicules dans des pays que nous ne connaissons pas forcément très bien ; c'est notamment le cas au Japon.
Quant aux accords après-vente, nous avons signé des accords avec Nissan sur la commercialisation des pièces de rechange, notamment en Chine et en Hongrie.
Dernier thème que je souhaite aborder, celui du véhicule électrique. Contrairement à ce qu'affirment certains, ce n'est pas un « pari » mais une démarche courageuse et stratégique vers laquelle il convient d'aller. Nous avons un défi environnemental devant nous qu'il convient d'affronter et de régler au mieux ; chacun doit prendre ses responsabilités. Renault souhaite répondre à ce défi qui est par ailleurs une attente sociale importante. Il existe également des raisons géopolitiques qui nous conduisent à insister sur ce programme : la probabilité que le prix du pétrole croisse est bien supérieure que la probabilité qu'il baisse, ce qui va poser de nouvelles difficultés et modifier nos habitudes de consommation. De plus, les études montrent que le véhicule électrique est plus économique et que son développement est inéluctable.
Nous avons développé quatre véhicules électriques chez Renault, sur des segments parfaitement différenciés : c'est une bonne chose. Pourquoi ne pas avoir opté pour le moteur hybride ? Nous pensons qu'il ne peut constituer qu'une solution transitoire, car il nécessite deux types de motorisation, thermique et électrique, ce qui ressent sur le coût total du véhicule, et in fine sur les prix. Deux motorisations, c'est une de trop.
En conclusion, je dirai que Renault est un très bon groupe qui bénéficie d'excellentes potentialités, qui est lancé dans des projets ambitieux et porteurs et dont la compétitivité est réelle et bénéfique pour notre pays.
Monsieur le directeur général, je perçois votre arrivée comme une véritable bouffée d'oxygène pour le groupe Renault. Je vous demande d'excuser par avance la brutalité de mes questions, qui n'entame en rien l'estime que je vous porte et la confiance que j'ai dans votre entreprise. Le management de Renault a, à une certaine époque, sauvé le groupe Nissan mais n'y a-t-il pas eu depuis, siphonage du savoir-faire de Renault par Nissan ? Le salon de Detroit a ouvert ses portes il y a deux jours. Les constructeurs américains étaient en très mauvaise posture en 2009, en situation de quasi faillite, mais ils se sont redressés en sortant de nouveaux modèles. La faiblesse actuelle de Renault ne tient-elle pas précisément à l'absence de nouveaux modèles, même si vous avez mentionné la Clio 4 et Zoé. Est-ce suffisant ? Votre groupe ne souffre-t-il pas de l'absence de modèles haut de gamme, par rapport aux autres grands groupes, tel Volkswagen, qui offrent un spectre plus large ? L'alliance Renault-Nissan devrait permettre des échanges de ce type, puisque Nissan commercialise à l'étranger des modèles de haut de gamme qui ne sont pas aujourd'hui proposés en France, et qui pourraient l'être en étant logotypés Renault… Sur le plan de la technologie et de l'image de marque, vous avez cité vos résultats exceptionnels en Formule 1. Renault Sport dépose un nombre important de brevets tous les ans. Cela étant, on voit qu'aux Etats-Unis, en matière de downsizing, General Motors vient de sortir un moteur 2l qui fait 270 chevaux. N'avez-vous pas une certaine faiblesse en ce domaine, de même qu'en ce qui concerne les boîtes de vitesse automatiques ? Volkswagen, BMW et Mercedes sont parvenus aussi à sortir des véhicules très performants. Pour le véhicule connecté, comment vous situez-vous par rapport à vos concurrents étrangers ? Pouvez-vous nous en dire davantage sur vos partenariats en matière de recherche et développement ? La gamme Premium DS chez Citroën est-elle pour vous un exemple à suivre ? La technologie des véhicules électriques évolue en permanence, du lithium ion au métal polymère. Envisagez-vous toujours de construire vos propres batteries ? Ne risquez-vous ce faisant de prendre du retard par rapport aux technologies développées par les spécialistes ? S'agissant de Sandouville, pouvez-vous nous dire si tout ce qui concerne les véhicules utilitaires et les chaînes de fabrication respecte le calendrier fixé initialement ? Que pensez-vous de la filière de déconstruction qui pourrait être développée par votre entreprise, notamment sur un site comme Sandouville caractérisé par des disponibilités foncières et immobilières importantes ?
Un rapport de la Documentation française paru l'an dernier analyse la situation de l'industrie automobile française comme étant à la croisée des chemins, après la crise de 2008, d'une intension sans précédent, qui doit entraîner des mutations fondamentales. Ce rapport dresse une analyse comparée des situations de Renault et PSA. Si j'en crois ce rapport, votre entreprise aurait tellement souhaité devenir un constructeur normal que son management aurait évolué vers une culture de la défiance par rapport aux usines françaises, en réduisant leur taille et en faisant en sorte qu'elles soient le moins possible en situation de monopole. Nous pouvons également faire ce constat sur le terrain. Vous avez notamment affaibli vos sous-traitants, en pesant fortement sur les coûts, jusqu'à l'insupportable, en exigeant par exemple que le coût d'un piston passe de 3 € à 1 €. De même, vous avez dit à un fabricant de volants que vous ne compreniez pas qu'il continue de baser sa production en France. Tout ceci conduit à une forte décrue des effectifs et à une forte externalisation. Renault a perdu 5 000 emplois entre 2007 et 2010 sur notre territoire. Tout ceci pèse également sur notre commerce extérieur puisque 80 % de la valeur des véhicules est désormais liée à des productions délocalisées. On peut toujours s'efforcer d' « acheter français » mais venant d'acheter une Scenic, je me pose la question : ai-je vraiment « acheté français » ? À l'inverse, les arguments donnés pour la gamme électrique à Flins soulignent que lorsqu'on est innovant, on a soin de fabriquer à proximité du coeur du dispositif de conception et d'ingénierie. Quelle part comptez-vous donc prendre à la réindustrialisation de la France ? Quelle est votre responsabilité à cet égard envers vos sous-traitants ?
Cela m'amène à évoquer le sort des Fonderies du Poitou, à Montupet dans la Vienne, et de ses 480 salariés. Je n'entrerai pas dans les détails de cette situation particulière, vous connaissez certainement le dossier et je suis déjà intervenue ici à plusieurs reprises à ce sujet. Je vais vous remettre la lettre du Président de la République que les salariés ont reçue, dans laquelle il confirme que M. Carlos Ghosn s'est engagé personnellement à maintenir les approvisionnements de ce constructeur et à annoncer un plan de charge suffisant pour les repreneurs potentiels. Je vous rappelle cependant que la première revendication des salariés est de retourner dans le giron de Renault. Vous nous avez parlé de relocalisations mais irez-vous jusqu'à réinternaliser ? Lors de son passage à Poitiers le 5 janvier dernier, M. Nicolas Sarkozy a reçu un courrier des salariés : au grand regret de tout le monde, M. Carlos Ghosn n'a pas tenu ses promesses, à tel point que le Président de la République a demandé à M. René Ricol de se saisir du dossier. À la mi-janvier, les commandes ne sont que de 11 000 pièces alors qu'il était question de 18 000 pièces par semaine et le site en redressement judiciaire connaît des périodes de chômage partiel. Le manque de réponses sur le plan de charge et l'insuffisance des commandes annoncées rendent difficile l'engagement d'un éventuel repreneur et risquent de faire de gros dégâts en matière d'emploi en cas de reprise. Le sous-traitant a appris la montée vertigineuse du moteur R9M et serait preneur d'éventuelles commandes des pièces de ce moteur. Je crois d'ailleurs qu'une réunion importante à ce sujet doit avoir lieu le 20 janvier. Allez-vous donc redonner du travail aux salariés de Montupet et, à défaut d'une reprise par Renault, leur redonner une visibilité stratégique ?
Je suis moins calé en automobile que mes collègues car bizarrement, le groupe Renault n'a aucune implantation au sud de la Loire… Comment expliquez-vous cela d'ailleurs ? J'aurai deux grandes questions à vous poser. D'une part, comment opérez-vous vos choix en matière de relocalisation ? Vous nous avez annoncé le rapatriement de la production du Trafic de Barcelone à Sandouville. C'est une opération lourde, je suppose que vous avez fait vos comptes préalablement mais qu'est-ce qui vous a décidé in fine, au-delà de la pression des salariés français du groupe ? Qu'attendez-vous dans ce domaine de l'action des pouvoirs publics, en vue d'accélérer le mouvement de relocalisation en France ? D'autre part, j'ai entendu un discours très fort sur le véhicule électrique. La question de l'usine de batterie est au coeur de cet axe stratégique. Comment seront fabriquées vos batteries, avec quelle technologie, quels brevets ? S'agissant encore des pouvoirs publics, qu'attendez-vous d'eux pour accompagner le développement de la voiture électrique ?
Votre arrivée à la direction générale du groupe Renault s'est effectuée dans des conditions un peu particulières. À cette occasion, les conditions du partenariat de 1999 avec Nissan avaient été rappelées dans la presse. Les deux groupes étaient alors d'une puissance équivalente mais lors de votre arrivée chez Renault en provenance de chez Nissan, vous y aviez probablement fait du bon travail car le groupe Nissan vend aujourd'hui près de deux fois plus de véhicules. Doit-on en conclure que le partenariat de 1999 a essentiellement servi Nissan ? Un rééquilibrage en direction de Renault serait donc souhaitable. Votre exposé de ce matin semble traduire cette volonté mais en avez-vous les moyens ? La stratégie du groupe au cours des dernières années a également privilégié Dacia, tandis que la production de Renault était fortement délocalisée. On a pu avoir l'impression que Renault était devenu le champion français de la délocalisation d'emplois ! Les autres groupes commencent seulement à en parler, ce qui n'est d'ailleurs pas non plus une bonne chose… Peut-être votre arrivée marque-t-elle le souhait d'une inversion de tendance. Notre collègue Jean Dionis du Séjour parlait de relocalisation, nous y sommes nous-mêmes très attentifs mais vous nous avez surtout parlé – et ça n'est déjà pas négligeable – du maintien de l'activité des sites industriels existants, du soutien à la production française, et du développement d'un véhicule et d'une stratégie nouvelle en matière de propulsion. Dans le cadre de la mise au point d'un projet, la localisation en France de la production du véhicule électrique est nécessaire mais j'ose espérer que cette localisation sera durable. En matière de délocalisations, doit-on par ailleurs comprendre que vous délocalisez toutes les gammes que vous avez renouvelées ? Vous avez commencé par le bas de gamme, avec la Clio et la Twingo. Nous avons souhaité que Sandouville continue de produire dans le secteur du haut de gamme car les salariés y ont fait la démonstration de leur compétence. Nous nous félicitons de votre décision concernant le Trafic mais la stratégie concernant ce site pourrait être encore approfondie. Il existe en Seine Maritime une usine et des compétences – notamment en matière de recherche appliquée – qui peuvent accompagner le développement du haut de gamme, nous ne désespérons pas de vous en convaincre. Vous nous avez exposé les principaux axes de la réorientation de la stratégie du groupe. Cela implique-t-il vraiment une montée en puissance à long terme de Renault en France même, au-delà de l'électrique ? Qu'en est-il de la possibilité de relocaliser les lieux de production à proximité des lieux de consommation, en particulier pour les petits modèles aujourd'hui produits en Europe de l'est ? Pouvez-vous également nous parler de votre usine du Maroc ? Mme Nadine Morano m'a expliqué il y a peu qu'il fallait parler dans le cas de l'implantation d'usines au Maroc, non pas de délocalisation, mais de « colocalisation ». Est-ce vous qui êtes à l'origine de ce concept curieux ? Pour ma part, j'ai l'impression que cette usine flambant neuve n'est pas spécialement faite pour fabriquer des véhicules à destination de l'Afrique… S'agissant de la question de la recherche, pouvez-vous nous rassurer devant l'impression d'un glissement de l'ingénierie de Guyancourt vers la Roumanie ? J'attends également des développements de votre part sur le nombre de véhicules produits à Sandouville, sur le PRV. Enfin, pour conclure, la dernière fois que j'ai rencontré votre prédécesseur avec mon collègue Daniel Paul, il nous avait expliqué que les deux conditions nécessaires à la réindustrialisation étaient la suppression de la taxe professionnelles – c'est fait – et la mise en place de la TVA sociale, ce qui est d'actualité même si nous sommes opposés à ce projet. La relocalisation d'une partie de l'industrie est-elle donc désormais envisageable ?
Monsieur le directeur général, je souhaite que votre confiance et votre optimisme soient confirmés au cours de l'année qui vient. Des bruits ont couru récemment dans la presse concernant la création de 400 ou 500 emplois en CDI dans l'usine de Cléon avant fin 2012. La direction normande n'a pas commenté. Pouvez-vous confirmer cette information ?
La suppression de la taxe professionnelle a été présentée comme une mesure permettant que les sites de production industrielle localisés en France, notamment dans l'automobile, soient mieux positionnés dans la concurrence internationale. Quel gain financier par véhicule a engendré la suppression de la taxe professionnelle sur un site comme Sandouville ? Se monte-t-il à quelques centaines d'euros – ce qui serait faible en comparaison du prix des Laguna fabriquées à Sandouville – ou à plus ? A-t-il été un élément de maintien des emplois industriels en France ? Pensez-vous que la TVA « sociale » permettrait de relocaliser des activités industrielles ? Je voudrais aussi évoquer la diversification des activités, non seulement dans la production comme évoqué pour le site de Sandouville, mais aussi dans la déconstruction. À l'heure du Grenelle, celle-ci revêt une importance primordiale. Renault possède de nombreux sites de production en France, localisés pour l'essentiel dans l'Ouest et le Nord-Ouest ; or il n'existe pas à l'heure actuelle un nombre suffisant de sites de déconstruction.
Une question sémantique pour commencer : vous avez parlé de fabrication des moteurs. Pouvez-vous confirmer que cette activité ne se limite pas au montage ? Les relations entre grands groupes et leurs sous-traitants soulèvent en France beaucoup de questions. On sait notamment que nos PME-PMI sont souvent moins résistantes qu'en Allemagne. Je souhaiterais que vous nous éclairiez sur la solidité de la filière, et la répartition de la valeur ajoutée. Qu'attendez-vous du relèvement du taux de TVA ? Concernant votre stratégie d'implantation, est-ce que la géopolitique y joue un rôle ? Enfin, vous avez déclaré que seule l'alliance Renault-Nissan est la seule qui ait été un succès. Sans médire de vos collègues, pourriez-vous nous dire ce qu'il en est des autres constructeurs, notamment Fiat aux États-Unis ?
Ma première question a déjà été évoquée par mes collègues Daniel Paul et Michel Piron et concerne l'assemblage : comment expliquer les délocalisations ? Vous êtes passé un peu rapidement sur la problématique du véhicule hybride : je viens d'un territoire rural il me semble que nous devrons continuer à effectuer des déplacements interurbains, pour lesquels les véhicules électriques ne sont pas adaptés ; cela signifie-t-il que les véhicules thermiques resteront nécessaires ? Pourriez-vous aussi nous apporter des précisions sur les perspectives concernant le coût des batteries, très élevé, et nous dire comment il est envisagé de le faire durablement baisser ? Enfin, les relations que vous avez avec vos fournisseurs leur permettent-ils d'anticiper la demande d'équipements ?
Pourriez-vous d'abord définir précisément votre stratégie concernant la commercialisation des véhicules électriques dans les territoires ultramarins ? Dans mon département de la Réunion, le groupe Renault a organisé des événements relatifs aux véhicules électriques et divers projets ont été évoqués. Qu'en est-il des engagements pris dans le cadre de la visite du Président de la République à la Réunion, qu'accompagnaient des responsables de Renault ?
Je ne vous interrogerai pas sur votre dernière chanson que ne semble pas connaître Mme Nadine Morano… Vous avez affirmé récemment dans un quotidien que même si la situation en 2012 apparaît difficile, Renault est mieux armé qu'en 2008. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi ? Vous mentionniez dans la même interview la nécessité de réaliser des économies. De quel ordre seront ces économies ? Quelles sont les mesures que vous allez mettre en oeuvre pour cela ? Y aura-t-il du chômage partiel ou des plans sociaux ? Concernant l'emploi, vous avez fait état de 100 000 emplois directs en France, hors équipementiers. J'aimerais savoir combien de personnes vous employez à l'étranger. Sur la TVA sociale, Mme la ministre Valérie Pécresse a affirmé récemment que les voitures Renault produites au Maroc seront vendues en France plus cher et que la taxation des importations permettra de rendre les voitures produites en France plus compétitives. Face à ces affirmations de la ministre, quelle est votre analyse ? Concernant le made in France, à propos duquel le Président de la République déclarait récemment qu'il n'était pas d'accord avec le fait qu'on fabrique des véhicules à l'étranger pour les vendre en France, quelle est la position de Renault ?
On peut se féliciter de la première place de Renault pour les ventes de véhicules en France, mais dans d'autres pays vous chutez énormément, comme en Pologne ou Renault a enregistré récemment une baisse de 12 %. Le chiffre que vous avez évoqué tout à l'heure de 94 % de véhicules fabriqués en France, me laisse un peu perplexe : j'aimerais savoir ce que recouvre ce chiffre car il conduit à se demander ce que font vos usines à l'étranger. Vous avez dit que Renault ne quitterait pas le haut de gamme : y a-t-il un problème sur ce segment de marché ? Quelles sont les difficultés que Renault a rencontrées pour s'implanter aux États-Unis ? Concernant les véhicules électriques, quels sont les investissements réalisés ou programmés par Renault, quelles sont les différences de prix avec les véhicules thermiques et avez-vous lancé des études sur ce que deviendront les composants de ces véhicules ?
En matière de compétitivité, vous nous avez expliqué qu'il n'y a pas d'autres solutions que de produire à l'étranger pour gagner des parts de marché à l'étranger, comme en Corée. La question se pose à l'inverse : comment arriver à concurrencer des fabrications à l'étranger vendues sur le territoire national ? Le haut de gamme reste vendu pour l'essentiel en France, grâce au pouvoir d'achat élevé des Français ; ce pouvoir d'achat a été revu à la baisse au cours des dernières années : comment concurrencer les entrées ? Par ailleurs, votre groupe a-t-il calculé le renchérissement par véhicule qu'impliquerait la hausse de la TVA de 3 ou 4 points envisagée par le Gouvernement ? Et quelles seraient les conséquences d'une diminution des charges patronales ?
Je souhaite vous interroger sur le choix d'implanter des usines à l'étranger à proximité de la France pour approvisionner le marché national, ce qui soulève des difficultés au regard de l'importance des aides apportées par l'État à l'industrie automobile. Le choix qu'a fait Renault de s'implanter à Tanger pour produire le monospace Logan, véhicule qui a vocation à être vendu en France, ne risque-il pas de faire concurrence au site de Douai, qui produit des Scenic deux fois plus chères. Ne serait-il pas préférable d'implanter en France les lignes de production qu'il est envisagé de localiser en Algérie ? Concernant la réglementation sur les pièces détachées, dont nous discutons actuellement dans le cadre de l'examen du projet de loi Lefebvre, une étude récente de Sécurité et réparations automobiles, qui regroupe les assureurs automobiles, montre que le prix des pièces a augmenté de plus de 30 % entre 2005 et 2011. Vous avez pris des engagements auprès du Gouvernement concernant l'évolution de ces prix : pourriez-vous nous apporter des précisions ? Quelles sont vos relations avec vos sous-traitants, dont vous nous avez peu parlé ? Les sous-traitants nous disent parfois qu'ils sont invités à aller fabriquer quelques pièces dans des pays à bas coûts. Enfin, je félicite Renault pour l'usine Sovab, premier employeur de Moselle.
Lorsque vous êtes entrés en fonction, vous avez déclaré prévoir une tempête pour 2012 et que, selon l'ampleur de la crise, vous pourriez être amené à rééchelonner certains investissements. Est-ce que les investissements que vous nous avez annoncés pour 2012, notamment à Douai, intègrent cette contrainte ? Nous vous savons attachés au développement de la voiture sans émissions et vous êtes en pourparlers avec Siemens, EDP et ERDF pour le développement d'un réseau d'alimentation. Où en êtes-vous ?
J'ai été chargé par M. le ministre Éric Besson d'un rapport sur la compétitivité de la filière automobile française. À vous entendre, je pourrais conclure mon rapport en quelques mots : tout va bien pour Renault. Il existe pourtant forcément, comme dans toutes les entreprises, des points de blocage qui entravent votre développement. J'aimerais savoir lesquels. Quelle est votre politique en ce qui concerne le haut de gamme ? Et quelles sont les règles que vous suivez dans vos rapports avec vos sous-traitants ?
Vous déclariez dans le Parisien à la fin du mois de décembre que « nous allons affronter une tempête en 2012, devoir faire des économies, prendre des mesures sur la première moitié de 2012 car les marchés seront orientés à la baisse ». J'y vois un contraste par rapport à votre présentation très globale sur les projets de Renault et sa stratégie conquérante et ambitieuse en 2012.
Par ailleurs, nous avons débattu du monopole sur les pièces détachées de carrosserie dans le cadre de l'examen récent du projet loi sur la protection et l'information des consommateurs. Ce monopole pénalise les consommateurs car ces pièces seraient 30 % plus chères que les pièces alternatives. Qu'en pensez-vous ?
« Fabriquer français », « vendre français » : il ne faudra pas de mollesse pour y parvenir. Vous indiquez que l'équivalent de 94 % des voitures achetées en France y sont fabriquées. Or j'ai lu sur Internet que seules 20 % des voitures Renault sont fabriquées en France. Pourriez-vous m'expliquer le rapport entre ces chiffres ?
Sur Internet, on lit également que Renault, tout comme Total et d'autres, ne paie pas d'impôts. Renault bénéficie donc certainement d'avantages intéressants. Qu'en est-il ?
Concernant les véhicules électriques, j'étais récemment à Solutrans-Lyon et je constate que l'émergence du petit et du gros utilitaire tout électrique est méconnue. Cette émergence m'a tout à fait réjoui. Le problème, c'est qu'y compris chez les concessions de Renault, on relève peu d'efforts de précommercialisation sur l'arrivée des véhicules électriques, notamment de la Zoé, qui tarde à venir. Or, cela suscite de grands espoirs et une petite dépression : cette dernière est telle que de petits pays producteurs constructeurs de véhicules électriques peuvent nous dépasser.
Je suis très favorable à la TVA « anti-délocalisations » ou « relocalisations ». Ce serait l'occasion de revenir à des emplois français plutôt qu'à des emplois permettant certes de fabriquer des voitures Renault, mais en Turquie ou ailleurs. Je comprends que les Turcs souhaitent travailler mais nous avons, pour notre part, besoin de récupérer les 5 000 postes ayant quitté la France.
Vous annoncez 420 millions d'euros d'investissement en faveur de l'usine de Douai. Dans votre exposé, vous citez très souvent la « performance ». Je souhaiterais pour ma part parler d'espérance : ces investissements seront-ils accompagnés d'un plan de recrutement ?
Vous avez évoqué la relance de la marque Alpine qui était un mythe, un symbole très fort de l'engagement sportif de Renault en rallye. Cela veut-il dire que vous souhaitez renforcer la politique de Renault sur le plan sportif ? En formule 1, comment mesurez-vous l'impact commercial de la présence de Renault comme fournisseur du moteur pour Redbull, champion du monde des constructeurs ? Si cet impact est positif, et dans la mesure où l'on parle du retour d'un grand prix en France, Renault ne pourrait-il l'accroître en reconstituant pleinement une écurie de F1, comme l'ont fait d'autres grandes marques comme BMW et Mercedes ?
Dans un grand quotidien de la presse régionale, l'économiste Patrick Artus indique que pendant que l'Allemagne crée des emplois dans le secteur automobile, le groupe Renault, lui, « fabrique maintenant 80 % de ses véhicules à l'étranger et ne crée pas d'emplois ». Il indique que l'explication de cette situation ne se trouve ni dans les coûts salariaux, qui sont pratiquement les mêmes en France qu'en Allemagne, ni dans le temps de travail, mais dans le niveau de gamme des véhicules. Il affirme qu'« en automobile, la France fabrique du milieu de gamme. Si vous voulez maintenir votre part de marché, le prix de la voiture doit rester acceptable pour le consommateur. Dès lors, pour réduire vos coûts, vous délocalisez à la recherche d'une main-d'oeuvre peu qualifiée et vous poussez vos sous-traitants à faire ainsi. » Que pensez-vous de cette position qui est aux antipodes de votre propos ?
Quel pourcentage du prix d'une voiture produite en France les coûts salariaux représentent-ils ? De même, lorsque Renault produit dans les pays low cost, que représentent les coûts de transport ?
Enfin, en matière de recherche-développement, dans quelle mesure participez-vous aux pôles de compétitivité tournés vers la recherche automobile et quel bilan pouvez-vous en tirer à ce jour ? Y a-t-il, dans ce cadre, une réflexion menée sur le véhicule électrique ? Ces pôles de compétitivité ont-ils permis de renforcer la coopération entre grands donneurs d'ordres et sous-traitants ou l'ont-elle au contraire affaiblie ?
Je vous remercie pour votre intervention très intéressante et vous encourage à poursuivre le renouveau d'Alpine, très attendu et porteur d'une image extrêmement forte et valorisante. Député du Nord, je suis très heureux de constater l'existence d'une véritable filière automobile dans le Nord à laquelle participent également vos concurrents. Les annonces se succèdent : une nouvelle voiture chez Toyota, un nouveau moteur, une nouvelle boîte de vitesse sur un autre site, etc. Combien de véhicules comptez-vous construire à Renault Douai d'ici 2014 ? Un véhicule haut de gamme aura-t-il sa place sur ce site ?
Vous avez utilisé le terme de « performance » une vingtaine de fois au moins dans votre propos. C'est un terme qui me plaît et qui est important car il s'agit d'un véritable défi. Vous utilisez une méthode de management qui porte le nom de monozukuri. Cette méthode est-elle de nature à relocaliser des productions en France ? Comment travaillez-vous sur ce sujet ?
Pourquoi les consommateurs achètent-ils le Duster de Dacia ? On fabrique dans notre pays des véhicules extrêmement sophistiqués dotés de gadgets dont on ne se sert jamais : est-ce vraiment utile pour vendre ? Il me semble au contraire que c'est parce que le Duster est vendu à un prix très compétitif et parce qu'il est simple et bien conçu qu'il se vend aussi bien.
La page est-elle tournée dans cette dramatique affaire d'espionnage industriel ?
Enfin, comment votre usine AvtoVAZ en Russie se porte-t-elle ?
Que pensez-vous du débat sur le « produire français » et le patriotisme économique ? Renault est beaucoup stigmatisé car l'entreprise produit de moins en moins en France : on a évoqué le chiffre de 20 %, contrairement aux constructeurs allemands qui produisent plus de 60 % en Allemagne. Aujourd'hui encore, Volkswagen a créé plusieurs milliers d'emplois sur son bassin industriel.
Vous n'avez pas évoqué le véhicule hybride mi-scooter mi-voiture Twizy : allez-vous lancer sa commercialisation ? Si oui, dans quelles conditions ? Allez-vous étudier la création d'un nouveau concept automobile dont le moteur est sur les roues ? Un tel dispositif conduirait à la révision de la conception des véhicules qui ne disposeraient dès lors plus d'un compartiment à moteur.
Certains considèrent que vous avez annoncé une tempête. Il me semble plus exactement que vous avez indiqué que l'année 2012 sera, au niveau européen, en légère décroissance par rapport à 2011. Il ne s'agit donc pas tout à fait d'une tempête. Cette vague va-t-elle malgré cela modifier votre calendrier ? Twizy sera-t-il commercialisé au printemps comme prévu ? La Zoé le sera-t-elle bien à l'automne ? Pourquoi n'y a-t-il pas d'offre hybride chez Renault, dans le contexte concurrentiel actuel ? Je suis le maire d'une ville qui a vu grandir les frères Chevrolet. La marque a récemment lancé la Volt dans ma ville.
Enfin, s'agissant des niches, il est dommage que lorsqu'une voiture Renault remporte un prix de formule 1, on ne parle que de Redbull et plus du tout de Renault, alors que la mécanique a aussi son importance. Qu'en est-il, non seulement du haut de gamme, mais également de la Renault Espace ? J'en suis à ma sixième Espace : c'est un véhicule pratique et intelligent. C'est un véhicule qui n'a pas été remplacé sur le marché et qui a été très inventif. Ne pensez-vous pas qu'il faille poursuivre dans la voie de l'excellence française en matière de véhicules à grande capacité ?
Quels types d'investissements seriez-vous amené à revoir, étant donné les propos que vous avez tenus dans le quotidien précité ? Par ailleurs, vous avez évoqué 70 000 sous-traitants. La sous-traitance automobile est très présente dans le département de l'Aveyron : comment comptez-vous concrètement travailler avec vos sous-traitants ?
Après l'effet d'aubaine dont ont bénéficié certains grands constructeurs grâce à la prime à la casse, en novembre, le nombre de commandes a été en net recul. Selon plusieurs experts, les professionnels refusant de rester avec des véhicules sur les bras vont devoir accepter de réduire leurs marges : quelle sera la politique de Renault en ce domaine ?
Enfin, l'usine Melusa au Maroc doit démarrer la semaine prochaine sa production de monospaces. La production du site a vocation à être exportée à 85 %. Ce modèle sera deux fois moins cher que le Renault Grand Scénic qui est assemblé à Douai. Comme l'indique le secrétaire général de la CFE-CGC de Douai, avec la crise, les consommateurs risquent de s'orienter davantage vers des modèles low cost. En délocalisant la production de ces véhicules entrée de gamme, n'êtes-vous pas en train de mettre en péril la production qui est installée en France ?
Il y a deux modèles de constructeurs automobiles en Europe : le modèle allemand, notamment avec le groupe Volkswagen, et le modèle Carlos Ghosn qui s'est imposé depuis quelques années. Or, force est de constater que ce dernier n'est pas le plus performant. Il s'est traduit par une politique low cost, une politique de pression permanente sur les sous-traitants qui leur est extrêmement dommageable. Lorsque l'on connaît un certain nombre de chefs d'entreprises sous-traitantes, notamment et surtout de Renault, on n'enregistre que des plaintes et des conflits permanents qui ont d'ailleurs fait l'objet de mouvements de grève dans ces entreprises. Le modèle allemand est complètement différent : Volkswagen devrait arriver à 500 000 emplois fin 2012, contre 449 000 aujourd'hui, tandis que Renault crée quelques centaines d'emplois. Pourtant, Renault dispose d'un statut particulier puisque l'État en reste actionnaire à 15 %, de même que la Basse Saxe est actionnaire du groupe Volkswagen. Cela induit des droits et des devoirs pour l'État-actionnaire vis-à-vis de l'entreprise. Le modèle ayant prévalu jusqu'ici doit être sérieusement réformé si l'on souhaite relancer la production industrielle en France. Le rôle de grands groupes tels que Renault, qui appartient pour partie à l'État, doit évidemment changer.
Henry Ford, grand fondateur de l'entreprise considérait que des salariés bien traités étaient de bons consommateurs : son modèle économique était fondé sur des salaires élevés. Lorsque l'on regarde ce qui se passe chez Renault, les conflits relatifs au salaire de Carlos Ghosn au Japon nous apprennent que ce salaire est huit fois plus élevé que celui du PDG de Toyota et du PDG de Honda. Carlos Ghosn est aujourd'hui le PDG le mieux payé de France : cela nous interroge, alors même que l'entreprise est largement aidée par des fonds publics. Il est de l'intérêt de Renault, qui perd des parts de marché en France et ailleurs, de réformer son modèle économique. C'est également l'intérêt de toute l'industrie dépendant de l'automobile. Le modèle développé par Carlos Ghosn n'est pas performant ni satisfaisant pour nous, représentants nationaux. Cette réforme nous est demandée par les sous-traitants automobiles sur tous les territoires français.
J'ai tout d'abord noté avec satisfaction votre volonté de continuer à investir dans les fonderies de Bretagne. Nous avions suivi ce dossier il y a quelques années.
Quant au développement d'une nouvelle usine au Maroc pour la production de véhicules low cost à destination de la France et de l'Europe, cela exerce inévitablement un effet de concurrence sur certains petits véhicules classiques produits sur notre territoire. On peut comprendre les inquiétudes des sites et des ouvriers concernés.
Les débats relatifs aux cotisations sociales, à la taxe professionnelle et à la fiscalité sont complètement en décalage avec la réalité des écarts de salaires ou de fiscalité, existant par exemple entre le Maroc et la France. Ce débat ne produit aucun effet de réimplantation industrielle sur notre territoire.
Vous n'avez pas évoqué la Twizy ni, plus généralement, le véhicule du XXIe siècle. Le modèle développé à partir des années 1950-60 va-t-il perdurer ? Ne faut-il pas investir beaucoup plus lourdement en faveur de l'innovation dans la conception de véhicules et de leur diversification en fonction des besoins (urbains, périphériques, ponctuels...) ? La réflexion ne devrait-elle pas porter sur l'usage futur du véhicule, sur l'attente des citoyens en la matière ? La France ne devrait-elle pas être à la pointe de l'invention de ces nouvelles formes, le leader dans l'invention du véhicule du XXIe siècle ? Il me semble que l'on s'en tient trop à l'adaptation technique et technologique d'un modèle qui a plus de cinquante ans. L'effort de recherche-développement en faveur de l'innovation doit être porté à la fois par les pouvoirs publics et par les grands constructeurs, de manière concertée et collective. Autrement, ces nouvelles formes de véhicules risquent de voir le jour en Asie du Sud Est, en Chine ou ailleurs. Le schéma selon lequel nous sommes les inventeurs, et les pays émergents, les usines, est complètement dépassé.
William Dumas. D'après les données publiées par des cabinets spécialisés, la baisse des immatriculations devrait atteindre entre 6 et 10 % en 2012. Votre groupe a annoncé prendre des mesures d'économies pour faire face à ces prévisions. Pouvez-vous indiquer quelles seront ces économies ? En outre, vous avez annoncé interrompre la commercialisation de cinq modèles en Grande- Bretagne et réduire d'un tiers le nombre de vos concessionnaires. Cela fait-il peser des risques supplémentaires sur l'emploi en France ? Vous avez placé beaucoup d'espoir dans la Clio 4. Pensez-vous que les résultats des ventes en 2012 suffiront à sauvegarder l'emploi ? Allez-vous, comme votre concurrent Volkswagen qui brade sa Polo en diminuant son prix de vente de 30 %, abaisser le prix de certains de vos modèles afin d'augmenter vos ventes ? Par ailleurs, combien de nouveaux brevets déposez-vous chaque année ? Enfin, vous prévoyez de lancer en 2012 neuf nouvelles voitures telles que la Clio 4, ou de relancer la marque Alpine dont vous dites qu'il s'agit d'un très bon produit. Pouvez-vous nous en dire plus sur ces nouveaux modèles ?
Carlos Tavares. Je ne suis pas surpris par la passion que suscite le sujet. Je vais devoir procéder à un choix dans les réponses aux questions que vous m'avez posées mais m'engage à répondre à toutes vos interrogations par écrit.
L'un de nos grands concurrents français connaît une période de crise, qui se traduit par des annonces douloureuses. Le groupe Renault, dont la marge opérationnelle pour le premier semestre 2011 est de 3 %, est dans une situation plus favorable, mais qui reste fragile. Aider l'emploi nécessite que des profits récurrents soient réalisés au niveau du groupe et à cet égard, je veux souligner que toute croissance de l'entreprise sur la planète est in fine positive pour la France. En effet, les bons résultats en Russie ou au Brésil se traduisent par des investissements dans la R&D ou dans des nouveaux partenariats avec des entreprises françaises. Il est essentiel de protéger la compétitivité car celle-ci est le meilleur garant du maintien de l'emploi.
Je vais répondre sur les thèmes qui ont suscité le plus de questions. S'agissant de l'usine de Tanger, nous considérons qu'il s'agit d'une extension industrielle de l'implantation que nous avons en Roumanie. Celle-ci fonctionne en effet très bien grâce au succès des modèles qui y sont produits. Nous avons donc décidé d'élargir la gamme Dacia, qui, je le précise à toutes fins utiles, appartient à 99 % au groupe Renault, et donc d'étendre l'implantation du site initial, afin de conquérir de nouveaux clients en Afrique et en Asie. Les conditions que nous avons trouvées au Maroc nous ayant paru intéressantes, nous avons choisi le site de Tanger. Il faut par ailleurs relativiser la concurrence entre Dacia et Renault. Les enquêtes marketing que nous avons commandées nous ont indiqué que seuls 5 % des acheteurs d'une voiture Dacia ont déclaré avoir hésité avec une voiture Renault. On peut donc exclure les risques de cannibalisation. La décision de s'implanter à Tanger me paraît donc être une décision raisonnable, qui représente un avantage et non une menace pour Renault. En 2011, les ventes se sont élevées à 2,72 millions de voitures, ce qui constitue un record. L'année précédente, ces ventes étaient de 2,6 millions. Dacia est un outil de conquête pour l'entreprise, qui nous permet de renforcer le groupe. Pour finir sur ce sujet, il faut ajouter qu'il s'agit de véhicules qui ne pourraient pas être produits en France à des niveaux de coûts compétitifs.
S'agissant maintenant de l'expression qui a été utilisée de « tempête en 2012 », je voudrais dire qu'il s'agit effectivement d'une année qui s'annonce difficile en Europe occidentale, avec des prévisions de baisses des ventes de 3 %, et même de 6 % en France. Nous restons encore trop sensibles à la situation économique de cette zone géographique. Il nous faut donc grandir afin de bénéficier d'économies d'échelles mais aussi renforcer nos positions sur d'autres marchés, afin de compenser les perturbations économiques que connaissent certaines régions du globe. Ainsi, en 1999, 11 % du volume des ventes de Renault se faisait à l'extérieur de l'Europe occidentale. Ce chiffre est passé à 35 % en 2011 et devrait atteindre 42 % en 2012. Réduire notre dépendance à la croissance européenne rend notre situation financière plus stable.
Les mesures d'économies sont variées et affectent notamment des domaines tels que les frais de consulting ou les frais de fonctionnement. Nous mettons un point d'honneur à protéger nos salariés. Nous essayons également, dans la mesure du possible, de protéger nos sous-traitants, sauf dans le cas où ces entreprises ont été mal gérées et n'ont pas réussi à attirer de nouveaux clients. Chaque entreprise doit assumer ses responsabilités et s'adapter à son environnement.
Je vais décrire succinctement nos nouveaux véhicules, qui disposent tous d'une identité très marquée et ne risquent donc pas de se cannibaliser. S'agissant du nouvel Espace, son design est dorénavant finalisé. Son concept est innovant, et il occupe une remarquable position premium, qui a d'ailleurs été renforcée à ma demande. Je suis convaincu qu'il opérera un retour dans le haut de gamme pour 2014. Si son développement prenait davantage de temps, ce qui ne semble pas devoir être le cas, je privilégierai toujours la qualité. La Twizy qui sera lancée à partir du printemps 2012 a un positionnement très intéressant en matière de mobilité urbaine. En raison de son prix intéressant, des parents pourront même l'offrir à leurs enfants. Je suis donc très confiant dans la mesure où je trouve son concept innovant et son prix attractif. La Zoé sortira, elle, à l'automne. Une question m'a été posée s'agissant de l'opportunité d'acheter un Duster. Le Duster est un véhicule qui dispose d'un excellent rapport qualité prix avec une ergonomie remarquable. Il sera commercialisé soit sous le badge Dacia, soit sous le badge Renault. Par exemple, il est vendu au Brésil, avec un certain nombre d'adaptations, sous la marque Renault.
S'agissant des questions concernant les affaires d'escroquerie, il va de soi que je n'évoquerai pas celles qui portent sur les enquêtes en cours. Il est certain que toutes ces affaires provoquent des souffrances chez les salariés. Je ne peux que souhaiter qu'il s'agisse d'une page douloureuse, qui se tournera progressivement. Je m'efforce d'accompagner les salariés autant que possible. Je passe a minima une semaine par mois sur le terrain, sur nos sites industriels et de développement, en France et à l'étranger. Toutes les entreprises de notre taille connaissent des moments difficiles.
La question de l'impact des économies sur l'investissement n'est pas encore arbitrée. Cela dépendra du premier semestre 2012. Je voudrais pouvoir éviter de reporter certains investissements mais ne peux rien promettre pour l'instant.
Je veux insister sur un point. Renault peut être critiqué lorsqu'elle perd des parts de marché, ne peut être tenu responsable de la taille de ceux-ci. Il ne serait pas juste d'accuser Renault pour les difficultés économiques d'ordre macroéconomique. Je vous rappelle que les marchés sont pilotés par l'indice de confiance des consommateurs et par leur pouvoir d'achat. Notre travail, à Renault, est d'apporter des réponses innovantes et des réponses économiques, en phase avec les attentes du marché. Et nous le faisons. Nous sommes innovants. Nous avons lancé les véhicules zéro émission ce qui est un choix stratégique décisif ; la Twizy offre des avancées remarquables en termes de propreté et de qualité. Une autre idée innovante a été présentée à la conférence Web il y a quelques semaines à Paris. Il s'agit d'ajouter une tablette intégrée dans les tableaux de bord, ce qui permettra de se connecter à Internet. Nous sommes donc parfaitement compétitifs dans le domaine de la connectivité.
L'Alpine est une des forces de l'histoire de Renault. Elle constitue un véritable héritage. Nous avons donc intérêt à utiliser cette marque. Si les conditions économiques sont réunies, nous la relancerons, avec l'optique d'avoir une marque sportive qui soit au service du groupe Renault. La décision n'est cependant pas encore prise, nous sommes encore dans une phase exploratoire.
Par ailleurs, nous avons créé, pour ce qui est de l'exploitation commerciale des résultats en Formule 1, un comité de communication spécifique qui réunit les équipes du marketing central de Renault et celles de Viry-Châtillon pour obtenir une exploitation optimale des résultats sportifs car ils sont de nature à renforcer la valeur de la marque et à limiter les efforts que nous sommes conduits à faire pour vendre nos véhicules. Nous soutenons le retour d'un Grand Prix en France. En tant que motoriste des meilleures équipes de F1, nous pouvons obtenir autant d'impact en matière de valorisation de la marque qu'en étant nous-même propriétaire d'une écurie de F1 et ceci pour un coût en moyenne trois fois inférieur.
S'agissant de la question posée sur le sujet du haut de gamme, je confirme que les véhicules segmentés par rationalisation des plateformes vont être produits à Douais. C'est la stratégie industrielle qui a été décidée.
Le monozukuri est une approche qui est porteuse d'efficacité puisqu'elle permet de déterminer le coût total du véhicule entre le début de sa fabrication et le moment de la livraison. Le monozukuri prend en compte l'ensemble des coûts induits par les différents éléments de la production – logistique, conception, manufacturing… On s'est aperçu qu'à l'interface de ces métiers se trouvaient des gisements de productivité et que la somme des optima locaux ne correspondait pas à un optimum global. Le monozukuri permet d'optimiser les interfaces pour que le coût optimum global soit le seul facteur de décision.
Je voudrais revenir sur le chiffre de 94 % que je vous ai cité tout à l'heure, et en quoi il n'est pas contradictoire avec les chiffres que vous m'avez cités. S'il est vrai qu'en 2010 seuls 24 % des véhicules vendus par Renault étaient produits en France, il faut bien considérer que le marché français ne représentait que 25,5 % des ventes de l'entreprise. Je ne dis pas que 94 % des voitures consommées en France sont produites en France, car ce ne sont pas nécessairement les mêmes, mais le taux de couverture est bien de 94 %. En volume, le nombre de véhicules produits en France est équivalent au nombre de véhicules qui y sont vendus.
Les Fonderies du Poitou sont un exemple douloureux qui montre que tous nos sous-traitants doivent s'attacher à diversifier leurs clients, et non reposer sur un nombre restreint de donneurs d'ordres – en l'occurrence, PSA est également concerné par Montupet. Sur cette affaire, l'ÉTAT a reconnu qu'il n'est pas de notre ressort de reprendre une entreprise indépendante. Nous avons tenu nos engagements, qui sont clairs, c'est-à-dire de maintenir la part de Montupet dans notre « mix » de fabrication. Si le total des commandes que nous adressons aux Fonderies du Poitou diminue, c'est que la demande se contracte.
Plus généralement, nos sous-traitants ne peuvent éviter la question de la performance, et doivent demander à leurs entreprises de faire des efforts pour améliorer leur compétitivité. Ces efforts sont destinés à éviter un mal plus grand, la faillite, et, si celle-ci venait à se réaliser, les repreneurs potentiels seraient, de toute façon, amenés à faire des choix douloureux.
La stratégie de montée en gamme que mène Citroën avec sa gamme premium DS est intéressante sur le plan du produit. Nous constatons en effet qu'elle réalise de bons résultats commerciaux. Ceci dit, pour être pleinement satisfaisants, de tels résultats doivent s'accompagner d'un accroissement de la rentabilité de Citroën, ce qui n'est, pour l'instant, pas encore prouvé.
Vous avez cité l'exemple des constructeurs américains, qui reviennent en force sur le marché grâce au lancement de nombreux nouveaux modèles. N'ayons pas la mémoire courte : un tel redressement s'est accompagné de drames sociaux et d'un effondrement de la capacité industrielle de fabrications de véhicules aux Etats-Unis. De mémoire, cette dernière a diminué de quatre à cinq millions de véhicules pendant la crise. J'ajouterai que le coût de cette période noire a été acquitté par le contribuable américain.
Nous-même avons bénéficié d'une aide très précieuse durant la crise, sous la forme d'emprunts d'ÉTAT, et nous sommes reconnaissant des efforts consentis en notre faveur. Néanmoins, ces emprunts ont été intégralement remboursés. Aujourd'hui, si la situation de notre entreprise est moins fragile, c'est parce que nous avons consenti des efforts considérables. Premièrement, nous avons accru la part de nos ventes hors d'Europe occidentale, qui est l'épicentre de la crise économique mondiale. Deuxièmement, nous nous sommes désendettés. Notre endettement net est de l'ordre du milliard d'euros, ce qui est très raisonnable compte tenu de notre chiffre d'affaires, qui s'élève à environ quarante milliards d'euros. Troisièmement, nous avons beaucoup de la crise en matière de gestion des stocks. Désormais, nous fonctionnons avec un besoin en fonds de roulement plus limité, afin de ne plus nous retrouver, comme ce fut le cas par le passé, avec des stocks importants que l'on ne peut écouler du fait d'un écroulement soudain de la demande. Ainsi, en décembre, nous avons procédé à des arrêts d'usine pour maintenir un niveau de stocks raisonnable. Quatrièmement, notre niveau de liquidités est très supérieur, pour se protéger de la hausse du coût de l'argent.
Enfin, Renault souhaite accompagner le développement du véhicule électrique à la Réunion. La configuration insulaire est particulièrement propice à la réalisation d'expériences de développement. Si vous souhaitez, Monsieur, faire de la Réunion un laboratoire pour la mobilité propre, vous aurez Renault à vos côtés. De manière générale, nous comptons beaucoup sur le soutien public au développement du véhicule électrique. Grâce à notre programme mettant l'accent sur le véhicule « zéro émissions », nous avons l'opportunité de prendre une longueur d'avance considérable sur nos concurrents. Il serait très dommageable que nous n'y parvenions pas, faute d'un ensemble cohérent de mesures en faveur de l'électrique. Les bonus versés aux consommateurs et les subventions aux collectivités territoriales pour le financement d'infrastructures sont une bonne chose. Je compte sur le soutien public pour lever l'inconvénient majeur du véhicule électrique, l'autonomie, en multipliant l'installation de points de chargement.
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Information relative à la commission
La commission a nommé M. Jean Dionis du Séjour rapporteur sur la proposition de loi tendant à prévenir le surendettement (n° 4087).
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mercredi 11 janvier 2012 à 10 heures
Présents. - M. Jean Auclair, M. Thierry Benoit, M. Christian Blanc, M. François Brottes, Mme Catherine Coutelle, M. Jean-Michel Couve, M. Jean Dionis du Séjour, M. William Dumas, Mme Corinne Erhel, M. Daniel Fasquelle, M. Yannick Favennec, Mme Geneviève Fioraso, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Claude Gatignol, M. Jean Gaubert, M. Bernard Gérard, M. François-Michel Gonnot, M. Pierre Gosnat, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Louis Guédon, M. Gérard Hamel, Mme Conchita Lacuey, Mme Laure de La Raudière, M. Pierre Lasbordes, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Michel Lefait, M. Jean-Marc Lefranc, M. Jacques Le Guen, M. Michel Lejeune, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Louis Léonard, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, M. Jean-René Marsac, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Daniel Paul, M. Germinal Peiro, M. Michel Piron, M. Serge Poignant, M. Jean Proriol, M. François Pupponi, M. Bernard Reynès, M. Franck Reynier, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Francis Saint-Léger, M. Alain Suguenot, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Alfred Trassy-Paillogues, M. René-Paul Victoria, M. Jean-Michel Villaumé
Excusés. - M. Alfred Almont, M. Jean-Pierre Grand, M. Henri Jibrayel, M. Serge Letchimy, M. Louis-Joseph Manscour, M. Kléber Mesquida, Mme Josette Pons, M. Michel Raison, Mme Catherine Vautrin
Assistaient également à la réunion. - M. Gérard Gaudron, M. Jean-Paul Lecoq, M. Gérard Voisin