COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mercredi 28 septembre 2011
La séance est ouverte à onze heures cinq.
(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)
La Commission des affaires culturelles et de l'éducation examine, sur le rapport de M. Hervé Féron, la proposition de loi de MM. Hervé Féron, Pascal Deguilhem, Jean-Marc Ayrault et plusieurs de leurs collègues portant instauration d'une épreuve de « formation aux premiers secours » pour les candidats au diplôme du brevet national des collèges (n° 3691).
Cette proposition de loi a été inscrite à l'ordre du jour du jeudi 6 octobre après-midi par le groupe SRC.
Je vous précise que, pour répondre à certaines interrogations sur la recevabilité financière de ce texte, j'ai saisi le président de la commission des finances, qui a constaté que l'article 40 de la Constitution n'était pas opposable.
Ce texte vise à faire de la formation aux premiers secours une priorité à l'école. Des milliers de décès dus aux accidents domestiques ou de la route pourraient être évités chaque année pour peu que des soins de premiers secours soient prodigués à temps aux victimes. C'est pourquoi la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004 et la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004 ont instauré, dans les établissements d'enseignement public et privé sous contrat, une obligation de formation aux gestes qui peuvent sauver des vies. Il y a là un enjeu de santé publique et un enjeu éducatif.
Dans le primaire a été initié, dès 1997, par les ministères de l'éducation nationale et de la santé, un dispositif « Apprendre à porter secours » (APS). Intégré aux programmes scolaires, il comporte un apprentissage de quelques principes simples. Cela s'est traduit par un certain nombre de mesures concrètes. Les programmes de 2008 ont précisé qu'en fin de CM 2, l'élève doit pouvoir – au titre des compétences sociales et civiques du socle commun – faire quelques gestes de premier secours. Puis, le livret personnel de compétences de l'élève est entré en vigueur à la rentrée scolaire 2010 : il doit indiquer si l'attestation « Apprendre à porter secours » a été délivrée ou non. Depuis 2006, enfin, les candidats au concours de professeur des écoles doivent justifier, pour s'inscrire, d'une attestation certifiant une qualification en secourisme.
Dans le second degré, l'article L. 312-16 du code de l'éducation prévoit qu'un cours d'apprentissage sur les premiers gestes de secours doit être délivré aux élèves de collège et de lycée.
Au collège, l'élève bénéficie donc, en principe, de la formation appropriée jusqu'à l'obtention de l'unité d'enseignement « prévention et secours civiques de niveau 1er » (PSC 1), en tenant compte, notamment, de la formation APS dispensée à l'école primaire.
Selon le référentiel de compétences de sécurité civile, chaque élève doit donc devenir un « citoyen de sécurité civile à part entière ». Les compétences acquises dans ce domaine en font « le premier maillon de la chaîne de secours en France » en cas d'accident.
Si riche que soit le cadre législatif et réglementaire en la matière, il n'a pas encore permis de généraliser une formation essentielle à la construction d'une société plus solidaire et responsable. Les données disponibles montrent que les objectifs fixés par le législateur ne pourront être atteints rapidement. Seuls 480 525 écoliers ont été formés depuis 2007 – 3,8 % des élèves pour l'année 2007-2008, 4,3 % pour l'année 2008-2009 et 4,7 % pour l'année 2009-2010. Dans le second degré, le taux d'élèves formés s'élève respectivement à 2,7 %, 4,3 % et 16,3 % pour ces trois années.
La bonne volonté des enseignants ne suffira pas à assurer la diffusion d'une véritable culture de l'apprentissage aux gestes de premier secours au sein du système éducatif. Pour y parvenir, il faudrait que cette formation bénéficie de l'effet « levier » qu'ont les examens sur les connaissances et compétences acquises par les élèves en cours de scolarité.
C'est pourquoi il est proposé d'adosser cette formation au brevet. Cela permettra de toucher la quasi-totalité d'une classe d'âge, puisque le taux d'accès d'une génération d'élèves au brevet a atteint 80 % en 2009, contre 64,5 % pour la filière générale du baccalauréat. En outre, cet enseignement est censé avoir été dispensé, puisqu'une unité d'enseignement « prévention et secours civiques de niveau 1 » d'une durée d'environ dix heures a été instituée en 2007 sur le fondement des lois d'août 2004. Depuis la loi d'orientation du 23 avril 2005, enfin, le diplôme national du brevet atteste la maîtrise des connaissances et des compétences du socle commun, elle-même certifiée par le livret personnel de compétences entré en vigueur à la rentrée 2010, qui doit indiquer si la formation « prévention et secours civiques de niveau 1 » a été suivie par l'élève. Selon une circulaire du 18 juin 2010, cette attestation n'est cependant pas nécessaire pour la validation du socle commun, donc pour l'obtention du brevet. Il convient de donner désormais à cet enseignement la place qui lui revient.
À cette fin, l'article 1er de la proposition de loi complète les conditions d'obtention du brevet, définies à l'article L. 332-6 du code de l'éducation, pour y inclure le suivi d'une formation aux premiers secours de dix heures, dispensée en milieu scolaire par des volontaires du service civique. Aux termes de l'article 2, ceux-ci rempliraient cette mission dans le cadre des conventions conclues entre les départements et les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS).
Cette convention, qui a vocation à régler les relations entre la collectivité territoriale et les établissements publics les mieux placés pour organiser, localement, l'apprentissage des gestes de premiers secours, devrait offrir un cadre propre à dynamiser l'offre de formation. Le fait que cette formation soit assurée par des jeunes ayant choisi de s'engager au titre du service civique ne pourra que conforter sa dimension citoyenne.
Je formule donc le voeu que nous nous retrouvions tous autour de cette initiative de bon sens, dont la portée éducative est considérable. Je vous proposerai huit amendements : la plupart sont rédactionnels ou de coordination, mais l'un vise à permettre à la formation aux premiers secours d'être assurée par d'autres intervenants que les volontaires du service civique, et un autre à fixer une date d'entrée en vigueur réaliste.
Nous attachons tous une grande importance à la sécurité de nos concitoyens. À preuve, la formation aux premiers secours pour tous les élèves – de l'école maternelle au lycée – est en cours de déploiement. Rappelons que le suivi de ce processus est assuré par un comité de pilotage interministériel qui associe les ministères de l'éducation nationale, de la santé et de l'intérieur. L'objectif est que l'ensemble de la population française puisse un jour être formé aux gestes qui sauvent.
Rappelons aussi que la loi de 2004 prévoit une formation des élèves aux premiers secours. Pour pouvoir assurer cette formation aux élèves de troisième, il faut être détenteur d'un certificat de moniteur délivré par le ministère de l'intérieur. Le ministère de l'éducation nationale est habilité à organiser à ce titre des formations initiales et continues d'instructeurs. Un certain nombre de partenariats sont déjà engagés – par exemple avec la MAIF – ou en cours de négociation – notamment avec la Croix-Rouge. Tout cela va dans le bon sens.
L'attestation de formation aux premiers secours figure aujourd'hui dans le livret personnel de compétences du socle commun, au même titre que l'attestation de sécurité routière de niveau 1 ou de niveau 2. Vous nous proposez d'aller plus loin.
Je dois dire que le « véhicule » du brevet me gêne : pour moi, ce diplôme national a vocation à évaluer les acquisitions scolaires. Il comporte déjà, il est vrai, une note de vie scolaire ; mais je crains que le dispositif proposé n'alourdisse par trop le système, alors même que les objectifs actuels de l'article L. 312-16 sont remplis, puisque chaque élève bénéficie, dans le cadre de sa scolarité obligatoire, d'un apprentissage des gestes élémentaires de premier secours.
D'autre part, l'article 2 est équivoque. Il me semble qu'il y a confusion entre les engagés du service civique et les volontaires du service civique. Or, ce n'est pas la même chose : les uns ont entre 16 et 24 ans, les autres, 25 ans ou plus. Le texte charge les volontaires du service civique de dispenser la formation dans le cadre d'une convention avec les SDIS. Ces derniers disposent certes des compétences nécessaires, mais au regard du service civique, ils ne sont pas assimilables à des associations ou fondations reconnues d'utilité publique. Cela pose un problème, même si le rapporteur propose un amendement permettant à d'autres organismes de dispenser cette formation.
Enfin, il faut bien en venir au coût de la proposition de loi, qui est évalué à une trentaine de millions d'euros – sans tenir compte de l'organisation matérielle.
Même si nous partageons ses objectifs, il nous semble que ce texte alourdirait considérablement, en l'état, le diplôme national du brevet. Je vous propose donc de le repousser.
Cette proposition de loi ne fait que rappeler les grands principes consacrés par les textes précédents. La note de vie scolaire, instituée à la rentrée 2006 – parce que « l'apprentissage de la civilité et l'adoption de comportements civiques et responsables représentent des enjeux majeurs pour le système éducatif » – intègre l'obtention de l'attestation scolaire de sécurité routière de premier ou de second niveau et celle de l'attestation de formation aux premiers secours. Notre démarche n'induit donc aucune complexité nouvelle. Bien plus, elle permettrait de généraliser cette formation, dont une trop faible proportion d'élèves bénéficient aujourd'hui dans le cadre de leur établissement scolaire. Or, la quasi-totalité de nos jeunes ont besoin à un moment ou à un autre de leur parcours – par exemple pour accéder à une formation qualifiante ou à un diplôme – de fournir une attestation ou d'avoir suivi cette formation aux premiers secours. Ce texte permettra à tous de le faire, sans risque de discrimination.
En ce qui me concerne, je n'ai pas entendu évoquer le montant de 30 millions d'euros dont parle notre collègue.
Rien ne s'oppose donc à ce que nous adoptions ce texte.
Selon une enquête de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge publiée en septembre 2009, seuls 40 % des Français seraient formés aux premiers secours. Même si notre pays n'est pas en queue de peloton, nous peinons à soutenir la comparaison avec les 95 % de Norvégiens ou les 80 % d'Allemands et d'Autrichiens ayant bénéficié de cette formation.
Eu égard à l'importance de ces gestes pour limiter la gravité des blessures et sauver des vies, nous ne pouvons que saluer l'objectif de cette proposition de loi. Nous nous inquiétons néanmoins des modalités que vous proposez.
Les textes en vigueur n'étant pas suffisamment appliqués, il s'agit de conditionner l'obtention du diplôme national du brevet au suivi d'une formation aux premiers secours de dix heures dispensée dans le cadre scolaire. Mais est-il bien raisonnable de confier cette formation aux premiers secours à des volontaires du service civique ? Sans revenir sur les raisons qui ont motivé le vote de notre groupe contre la loi relative au service civique, je dois dire que cette perspective n'est pas pour nous rassurer.
L'article L. 312-13-1 du code de l'éducation précise d'ailleurs que « cette formation ne peut être assurée que par des organismes habilités ou des associations agréées ». Ces volontaires peuvent-ils être assimilés à ces organismes ? Comment nous assurer de la qualité de la formation dispensée ?
La Croix-Rouge plaide pour que les personnes portant secours soient protégées d'un point de vue légal : pouvons-nous l'envisager sérieusement si les élèves sont formés dans ces conditions ?
Vous proposez d'autre part que ces missions soient effectuées dans le cadre de conventions passées entre les SDIS et les conseils généraux. Que se passera-t-il si un conseil général refuse de passer une convention ? Notre jeunesse peut-elle être traitée différemment sur différents points du territoire ? Et qu'en sera-t-il pour l'obtention du brevet, nécessaire pour accéder à certains concours de la fonction publique, et déjà conditionnée, depuis 2008, à celle du « brevet informatique et internet » (B2I) et du niveau A2 du « cadre européen commun de référence pour les langues » dans une langue vivante ?
Il aurait été plus pertinent d'organiser directement des partenariats entre les organismes habilités et l'éducation nationale.
Enfin, ce texte n'est-il pas maladroit, à l'heure où les SDIS traversent un malaise dû à la dégradation des conditions d'exercice, à des problèmes dans l'organisation du travail, à la faible reconnaissance de la pénibilité de leur tâche et de leur souffrance au travail ? Nous déplorons que la RGPP conduise à s'orienter vers la constitution d'une élite de pompiers spécialisés dans la lutte contre les incendies, à côté d'un service public de secours à la personne principalement constitué de précaires. Ce dispositif est-il vraiment de nature à apaiser le malaise?
En l'absence de précisions sur tous ces points, notre groupe pourrait s'abstenir.
Au-delà de la forme, je m'interroge sur l'efficacité du dispositif proposé. Pour être parfaitement opérationnel dans ce domaine, il est en effet nécessaire de se soumettre à des « piqûres de rappel » régulières. Ce point essentiel n'est pas traité dans le texte.
En conditionnant l'obtention du brevet – premier diplôme national de l'éducation nationale – au suivi de cette formation, la proposition de loi réaffirme notre confiance en la jeunesse. Elle donne un nouveau sens à la responsabilité individuelle et collective de chaque élève. Dispensée par des volontaires du service civique, cette formation s'appuie sur le corps des sapeurs-pompiers et sur les SDIS. Peut-être fera t-elle naître chez certains l'envie de s'engager, tant elle porte une image de solidarité, de sécurité publique et de santé. Elle est aussi intéressante sur le plan social, puisqu'elle crée un lien. Évaluer une compétence non académique permet d'autre part de valoriser les enfants en-dehors du système scolaire. Du reste, cette formation étant un engagement citoyen, l'école républicaine forme le cadre idéal pour la mettre en oeuvre. Nous avons auditionné hier matin le ministère de l'éducation nationale, la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, le conseil général de Meurthe-et-Moselle et des professeurs des écoles. Tous en approuvent le principe. C'est pourquoi j'invite nos collègues à soutenir cette proposition de loi.
N'étant pas exigée pour la maîtrise du socle commun de connaissances et de compétences, cette épreuve n'est pas obligatoire pour le diplôme national du brevet. Comme l'a rappelé Frédéric Reiss, des formations aux premiers secours sont progressivement mises en place par l'éducation nationale – sur ce point, nos chiffres diffèrent d'ailleurs quelque peu des vôtres. Elles sont validées par une attestation. Le problème de ce texte est que la rédaction de l'article 1er dénature le diplôme national du brevet, qui a pour fonction essentielle de sanctionner l'acquisition du socle commun de connaissances et de compétences. Le brevet comporte déjà des épreuves de mathématiques, de français et d'histoire-géographie, la maîtrise du socle commun, une épreuve d'histoire des arts, la note de vie scolaire… Ajouter une nouvelle épreuve risque de le rendre encore plus « baroque ». Au-delà de cet aspect, ce texte modifie les objectifs et les missions prioritaires de l'enseignement scolaire. Mieux vaut nous en tenir à ceux de l'article L. 312-13-1 du code de l'éducation, qui prévoit que « tout élève bénéficie, dans le cadre de sa scolarité obligatoire, d'un apprentissage des gestes élémentaires de premier secours. »
Je partage bien sûr l'objectif de cette proposition de loi, qui tend à assurer la formation d'un plus grand nombre de nos concitoyens aux premiers secours. Développer cette formation dans nos écoles est une nécessité. Depuis la loi de 2004, celle-ci est assurée par des ressources internes à l'éducation nationale, lesquelles vont s'accroître puisque les professeurs des écoles doivent désormais justifier d'une qualification de secouriste pour être recrutés.
Ce texte n'en pose pas moins plusieurs questions. Dès lors que la formation est sanctionnée dans le cadre du brevet, il faut garantir la même qualité de formation à tous les élèves, sur l'ensemble du territoire. Comment, donc, garantir la dimension éducative de cette formation ? Ensuite, pourquoi faire appel au service civique plutôt qu'à un partenariat direct entre l'éducation nationale et les grandes organisations habilitées ? Enfin, créez-vous une nouvelle obligation pour les conseils généraux ?
Entre les bonnes intentions des lois de 2004 et leur concrétisation, il y a une marge… Il était donc nécessaire de renforcer l'efficacité de ces premiers textes.
S'il est vrai qu'on se remémore de moins en moins ce que l'on a appris à mesure que les années passent, il faut rappeler que cette proposition de loi a aussi un objectif de prévention. L'investissement a certes un coût, mais il permettra de vraies économies demain, lorsque cette formation mettra les jeunes à même de dispenser les premiers gestes de secours lors d'un accident. De plus, il donne une véritable dimension à la citoyenneté.
Nous sommes quelques-uns dans cette salle à avoir exercé en tant que professeur d'EPS. Notre formation intègre un apprentissage des premiers secours, puisque la plupart des accidents en milieu scolaire se produisent lors des cours d'EPS. Autant dire que les élèves ont aussi besoin de cet apprentissage. Nous leur donnons certes quelques rudiments, et le sport scolaire dans le cadre de l'Union nationale du sport scolaire est aussi un moyen de valoriser un certain nombre de jeunes, via l'arbitrage ou l'encadrement de quelques activités.
Il me semble cependant important de donner un signe fort en permettant à tous les jeunes, quel que soit l'endroit où ils vivent, d'accéder à cette formation. L'enseignement n'est malheureusement pas égalitaire, mais on peut trouver des solutions à un certain nombre de difficultés. Nous avons parlé du service civique ; mais les SDIS s'intéressent de plus en plus à la jeunesse, dans la perspective d'intégrer demain de jeunes sapeurs-pompiers. Du reste, un minimum de formation dans le domaine des premiers secours est désormais requis pour prendre des responsabilités dans la vie associative. Or, bien peu de nos bénévoles peuvent aujourd'hui en justifier. Autant donc s'assurer que nos jeunes seront au rendez-vous !
J'observe pour finir que la plupart de nos collectivités étant désormais dotées de défibrillateurs, il serait bon que les jeunes soient également formés à leur utilisation.
On propose ici de former les élèves pour les rendre capables d'intervenir dans des situations particulièrement critiques – une intervention de premiers secours n'est pas anodine. La formation dispensée aux élèves du collège suffira t-elle à garantir la pertinence de leur intervention, notamment dans les cas où le pronostic vital est engagé ? Si l'intention du texte est louable, il faut rappeler qu'être capable de porter secours implique une remise à niveau régulière. On entre ici en concurrence avec des formations qui existent déjà et s'adressent à un public plus âgé – auquel on devrait s'intéresser en priorité. Bref, le collège ne me semble pas le cadre le plus adapté pour dispenser cette formation aux premiers secours.
Permettez-moi de revenir sur la logique dans laquelle s'inscrit cette proposition de loi. Nous l'avons vu, on ne peut parler à ce jour de généralisation de la formation aux premiers secours. Or, plus de 80 % d'une classe d'âge accèdent aujourd'hui au brevet. Il importe qu'au-delà des savoirs fondamentaux, ces jeunes s'initient à un « vivre ensemble » indispensable à leur formation de citoyens. L'apprentissage des premiers secours est d'ailleurs intégré dans certains diplômes, notamment dans l'enseignement professionnel. Peut-être pourrait-on s'inspirer de celui dispensé en CAP.
Cette formation me semble essentielle pour tous les jeunes de notre pays. Mon expérience de soignante m'amène à dire qu'il ne s'agit pas tant de faire les gestes de premier secours – il existe des formations plus spécialisées pour cela – que d'éviter ceux qui peuvent provoquer des séquelles graves, comme déplacer un blessé étendu à terre. Certes, il y a un coût – vous nous parlez de 30 millions d'euros. Mais celui des accidents de la vie n'est-il pas infiniment supérieur ?
Le retard de la France en matière de formation aux premiers secours justifie que l'on s'attache à la généraliser. Il faudrait même aller plus loin : tout le monde devrait apprendre ces premiers gestes, voire – comme vient de le dire ma collègue – savoir que la première chose à faire est parfois de ne rien faire. Pourquoi donc ne pas étendre cette formation aux élèves des sections d'enseignement général et professionnel adapté, des unités localisées pour l'inclusion scolaire et de l'enseignement spécialisé en général, qui risquent d'être confrontés plus que d'autres à des situations critiques – je pense par exemple aux métiers du bâtiment ?
En ma qualité de représentant de l'Assemblée nationale au comité stratégique du service civique, je sais que si le seul élément de la formation civique et citoyenne que l'Agence du service civique a souhaité rendre obligatoire est le PSC 1, c'est parce que nous manquions de dispositions législatives mobilisant notre jeunesse sur ce point. Je me félicite donc de l'initiative de notre rapporteur.
La seconde raison pour laquelle il faut voter ce texte, c'est qu'il opère enfin l'articulation entre service civique et éducation à la citoyenneté. Il n'est évidemment pas question de confier la formation des adolescents aux premiers secours à des gens qui n'auraient pas reçu l'habilitation pour le faire – et ce n'est pas ce que prévoit le texte. Mais la loi doit poser ce lien entre éducation et citoyenneté, créer cette obligation de donner des éléments d'éducation à la citoyenneté à nos jeunes dans le cadre scolaire. La disposition prise par l'Agence du service civique deviendra inutile lorsque tous les collégiens recevront cette formation. Bien entendu, celle-ci devra être entretenue : nous devrons nous assurer qu'il y ait des « piqûres de rappel », car les gestes qui sauvent doivent être régulièrement réappris. Le service civique doit s'impliquer pleinement, aux côtés de l'éducation nationale, dans cette mission de formation de nos jeunes. C'est en tout cas l'esprit de ce texte.
S'agissant de la remarque qui a été faite sur l'expression « volontaires du service civique », il faudrait trouver à l'article 2 une expression du type « les volontaires engagés dans un service civique », afin que l'expression générique de « volontaires » couvre à la fois les jeunes engagés dans un service civique – de 18 à 25 ans – et les volontaires du service civique – adultes de plus de 25 ans.
Notre collègue Grosperrin a dit tout à l'heure que l'épreuve de formation aux premiers secours risquait de rendre le brevet des collèges encore plus « baroque ». Pour ma part, je n'y verrais rien de négatif, mais simplement l'image d'une composition artistique séduisante… Il en est ici comme de l'enseignement de l'histoire de l'art : nous ne prétendons pas former des spécialistes, mais donner quelques éléments qui pourront être approfondis. C'est l'occasion d'associer les connaissances scolaires avec des valeurs présentes dans les programmes de l'école, qui concourent à la formation des futurs citoyens. Il ne suffira évidemment pas de valider cette épreuve pour pouvoir porter secours, mais du moins les élèves sauront-ils ce qu'il ne faut pas faire – ce qui est déjà beaucoup.
Il reste que les adultes eux-mêmes ne sont pas formés. Nous avons tous entendu parler, pour prendre un exemple récent, de cette petite fille décédée dans une école suite au coup qui lui avait été porté par un autre élève. Sans prétendre tout résoudre, l'instauration de l'épreuve de « formation aux premiers secours » au brevet permettrait de sensibiliser assez tôt les élèves, ce qui n'enlève ni la nécessité de se former tout au long de la vie, ni celle de recourir aux spécialistes.
Le brevet permet de valoriser les épreuves académiques avec le socle commun. Ce texte permettrait de valoriser également, pour les élèves dont le parcours académique est difficile, des moments d'apprentissage qui leur permettent de révéler des qualités humaines.
Cette proposition de loi est tout à fait justifiée. Ce qui vient d'être dit sur le service civique le confirme. Je partage toutefois certaines des réserves du groupe GDR. D'une part, les programmes sont déjà très chargés au collège comme au lycée – et même, désormais, à l'école primaire. Ne risque-t-on pas de les alourdir encore ? D'autre part, nous savons, pour connaître le coût des interventions des sapeurs-pompiers dans nos communes, que l'association des SDIS au dispositif devra être financée. Ce coût a-t-il été évalué ?
Je m'interroge pour ma part sur la tendance, qui prévaut depuis plusieurs années, à demander à l'éducation nationale de résoudre tous les problèmes de société. Dès qu'un problème se pose, on crée un nouveau diplôme, une nouvelle formation : sur ce point, je partage l'inquiétude de M. Couanau. Maire de ma commune, je sais combien on sollicite le budget communal pour financer de nouveaux apprentissages à l'école primaire – brevet de sécurité routière, anglais, musique, etc. Pour obtenir le brevet, il faut déjà valider le brevet informatique et Internet (B2i) et maîtriser le niveau A2 du cadre commun de référence dans une langue vivante. Quelle place tout cela laisse-t-il aux enseignements fondamentaux ?
Même si la formation aux premiers secours est importante, même si les jeunes peuvent en tirer profit, je ne suis donc pas favorable à ce qu'elle soit sanctionnée par une épreuve obligatoire au brevet.
Certains diplômes impliquent déjà une formation aux premiers secours – le BAFA, le brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur ou d'éducateur sportif. Les intéressés sont un peu plus âgés que les candidats au brevet. Ils oublient néanmoins et il faut réactiver régulièrement ces apprentissages.
Dans mon département, on remet aux élèves qui entrent en sixième une carte magnétique où sont récapitulées les informations indispensables et les gestes à faire ou à ne pas faire. Cela me semble suffisant, et ne déborde pas sur le temps scolaire.
Chirurgien familier des urgences, je suis naturellement sensible à ces questions.
Je doute néanmoins de l'utilité de cette proposition de loi, alors que l'article L. 312-13-1 du code de l'éducation prévoit déjà une formation aux premiers secours. Il n'est pas appliqué, nous dit-on, faute de volonté politique ; mais ce n'est pas une raison pour voter un nouveau texte ! Appliquons plutôt les dispositions existantes.
D'autre part, un jeune de douze ou treize ans est-il apte à saisir et à reproduire les quelques gestes essentiels en cas d'urgence ? On a vu des catastrophes causées par des adolescents qui se prétendaient formés mais qui avaient mal assimilé l'enseignement reçu.
Monsieur Berdoati, c'est bien de l'école que relève une formation aussi importante. Car, à l'école, tous les jeunes reçoivent le même apprentissage. Il est donc bon qu'ils soient formés aux premiers secours au collège, voire à l'école primaire.
M. Reiss s'est déclaré favorable à notre démarche sur le principe. Tous ceux que nous avons entendus lors de nos auditions – des représentants de la direction générale de l'enseignement scolaire, de la fédération nationale des sapeurs-pompiers, une enseignante, un président de conseil général – tous nous ont dit la même chose.
M. Reiss a ensuite affirmé que la loi de 2004 était appliquée. Cela aussi, je l'ai beaucoup entendu. C'est pourtant faux : 4,7 % des élèves sont formés aux premiers secours à l'école primaire, 16,3 % au collège et au lycée.
À M. Grosperrin, qui a contesté nos chiffres, je signale qu'ils nous ont été fournis par la direction générale de l'enseignement scolaire.
Certains ont regretté que nous utilisions le brevet pour parvenir à nos fins, au risque d'alourdir les programmes. Nous n'ajoutons pourtant qu'une épreuve : aucun enseignement nouveau n'est prévu puisque la loi y pourvoit déjà. Le diplôme doit servir de levier : il s'agit d'inciter tous les élèves à se former aux premiers secours. Au demeurant, la loi de 2004 s'applique aussi aux SEGPA, aux UPI et aux ULIS. Mais le dispositif ne fonctionne manifestement pas.
Quant au recours aux volontaires du service civique, c'est un moyen supplémentaire d'assurer la formation aux premiers secours. Je signale à ce propos que, comme notre texte, le code du service national parle des volontaires du service civique de manière générique ; mais nous pourrons réfléchir à une meilleure formulation d'ici à la semaine prochaine.
Parce qu'il ne s'agit que d'un moyen parmi d'autres, nous proposerons par amendement d'ajouter à l'article premier l'adverbe « notamment » : même s'ils ne sont pas encore couronnés de succès, il faut aussi encourager les efforts de l'éducation nationale dans ce domaine, qu'il s'agisse des partenariats avec la MAIF, ou d'autres, ou de l'obligation faite aux candidats au concours de professeurs des écoles de fournir une attestation de formation aux premiers secours. Un autre de nos amendements tend à retarder l'application du dispositif pour laisser à l'éducation nationale le temps de s'y préparer.
Les volontaires mis à contribution sont employés par les SDIS mais aussi par les unions départementales de sapeurs-pompiers, qui en emploient quatre-vingts et, surtout, qui forment aux premiers secours tous les volontaires, quel que soit leur employeur.
On a évoqué un surcoût de 30 millions d'euros. En réalité, selon la direction générale de l'enseignement scolaire, la formation de tous les élèves de troisième – c'est-à-dire l'application de dispositions déjà prévues par la loi – coûterait quelque 27 millions. Mais puisque le recours aux volontaires du service civique évite toute création d'emploi, le coût sera inférieur – une goutte d'eau sur 60 milliards d'euros de budget pour l'enseignement scolaire !
La dimension éducative de la formation ne fait pas de doute puisqu'il s'agit d'acquérir des compétences dans le cadre scolaire, en présence d'enseignants.
À ceux qui s'inquiètent des risques du recours aux volontaires, et à leurs conséquences en termes d'assurance, je rappelle que les unions départementales de sapeurs-pompiers préparent les volontaires non seulement à dispenser les premiers secours, mais aussi à devenir eux-mêmes formateurs. C'est aussi le cas des quelque 5 000 moniteurs que compte l'éducation nationale.
Quant à l'égalité de traitement territoriale, aucun SDIS ne sera contraint de contribuer au dispositif. Cela ne pose pas de problème puisque le recours au SDIS n'est qu'un moyen parmi d'autres.
Nous sommes nombreux à nous préoccuper de la situation des SDIS. Sachez toutefois que cette proposition de loi, qui m'a été d'abord suggérée par le directeur d'un SDIS, a suscité l'intérêt du représentant de la fédération nationale des sapeurs-pompiers. En outre, selon le président de conseil général que nous avons auditionné, la démarche, tout à fait conforme à l'engagement des jeunes volontaires et aux exigences du métier de sapeur-pompier, pourrait remédier aux problèmes de recrutement des SDIS.
Enfin, il ressort de nos auditions que l'âge visé est le bon, car c'est celui auquel les adolescents sont le plus réceptifs. Cela étant, les chefs d'établissement, favorables à l'introduction de l'épreuve au brevet, conseillent de dispenser les dix heures de formation prévues en cycle central – cinquième et quatrième – plutôt qu'en classe de troisième, où l'on est déjà très occupé par les stages en entreprise.
La Commission en vient à l'examen des articles de la proposition de loi.
Article 1er : Intégration d'une formation aux premiers secours aux conditions d'obtention du brevet
La Commission examine l'amendement AC 4 du rapporteur.
Il s'agit de reporter à 2014 la date d'entrée en vigueur du dispositif, à la demande des représentants de l'éducation nationale que nous avons auditionnés.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AC 5 du rapporteur.
Dans sa rédaction actuelle, l'article confie aux seuls volontaires du service civique la formation aux premiers secours. L'amendement permet à l'éducation nationale de faire appel à d'autres formateurs, en particulier ceux de ses personnels qui sont formés au secourisme. On l'a dit, depuis 2006, les candidats au concours de professeur des écoles doivent fournir une attestation de formation au secourisme lors de leur inscription. Au total, l'éducation nationale compte 5 500 moniteurs – infirmières, médecins scolaires, CPE, enseignants ou personnels administratifs – dans les établissements publics et privés. Ne nous privons pas de ces ressources, ni des compétences des formateurs de la Croix-Rouge et de la MGEN.
La Commission rejette l'amendement.
Elle rejette ensuite l'amendement AC 6 du rapporteur, qui vise à corriger une erreur matérielle.
Puis elle en vient à l'amendement AC 1 de M. Decool.
Avis défavorable. De notre point de vue, c'est l'obtention du brevet qui sanctionne solennellement la fin de la formation. En outre, un texte réglementaire dispose qu'en fin de troisième, le livret personnel de compétences atteste que la formation « Prévention et secours civiques » de niveau 1 a été suivie. Enfin, la création d'un tel certificat dépend d'un arrêté du ministre de l'éducation nationale et non de la loi.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle rejette l'article 1er.
Après l'article 1er
La Commission rejette l'amendement de coordination AC 7 du rapporteur.
Article 2 : Recours aux conventions encadrant les relations entre les départements et les services d'incendie et de secours
La Commission rejette successivement les amendements rédactionnels AC 8 et AC 9 du rapporteur, puis son amendement AC 10 tendant à prévoir que les volontaires du service civique peuvent effectuer leur mission de formation avec le concours des unions départementales de sapeurs-pompiers.
Puis elle rejette l'article 2.
Article 3 : Décret d'application
La Commission examine l'amendement AC 2 de M. Decool.
Il s'agit de suivre les recommandations formulées en septembre 2009 par la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge dans son rapport Premiers secours : pour une Europe plus sûre. Le contenu de la formation doit être non seulement médical, mais psychologique ; l'attestation doit avoir une durée limitée ; enfin, comme dans toute formation, il faut vérifier les connaissances.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle rejette l'article 3.
Article 4 : Gage
La Commission rejette l'article 4.
Titre
La Commission rejette l'amendement rédactionnel AC 3 du rapporteur.
Puis elle rejette l'ensemble de la proposition de loi.
La séance est levée à douze heures quinze.