COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mardi 13 septembre 2011
La séance est ouverte à quinze heures.
(Présidence de M. Georges Colombier, secrétaire, puis de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission, puis de M. Pierre Morange, vice-président)
La Commission des affaires sociales entend M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé, sur le projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (n° 3714) en audition ouverte à la presse.
Nous accueillons M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé, venu nous présenter le projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé que la commission examinera mardi prochain, préalablement au débat en séance publique, fixé au 27 septembre.
Le projet de loi que j'ai présenté en Conseil des ministres le 1er août dernier avec Mme Nora Berra est l'aboutissement d'importants travaux d'évaluation et de débats avec les acteurs du secteur des produits de santé, en particulier dans le cadre des Assises du médicament. Je salue également les contributions de grande qualité des missions parlementaires de chacune des deux assemblées.
Que les choses soient clairement dites : ce texte fait suite au drame causé par le Mediator®. J'ai voulu une refonte du système de sécurité sanitaire des produits de santé propre à concilier la sécurité des patients et l'accès au progrès thérapeutique. Pour la bonne compréhension de l'ensemble de la réforme, j'évoquerai également les mesures qui relèvent du domaine réglementaire, ainsi que la dimension européenne de la question et aussi ce qui a trait au fonctionnement de la nouvelle Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), qui se substituera à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS). Je favoriserai la concertation la plus large avec vous à toutes les étapes de l'élaboration des mesures d'application.
La réforme tend à redonner confiance aux Français dans notre système du médicament. Son premier pilier, c'est la lutte contre les conflits d'intérêts et en faveur de la transparence des décisions. Cela passe par l'indépendance des experts et par l'organisation d'une procédure d'expertise transparente et collégiale.
La lutte contre les conflits d'intérêts est notre priorité partagée. Aussi, tous les acteurs du domaine de la santé – experts externes, experts internes, associations de patients – devront remplir un formulaire unique de déclaration publique d'intérêts (DPI). Pour que chaque institution assume ses responsabilités, chacune disposera d'une cellule de déontologie chargée de gérer et de contrôler les déclarations de ceux qu'elle sollicite. Toutes les déclarations pourront être consultées sur une base de données publique – et je souhaite qu'elles le soient. Ces mesures seront mises en oeuvre par voie réglementaire ; je suis prêt à détailler l'élaboration progressive de cette réglementation et aussi à en accélérer la rédaction afin que vous disposiez du plus grand nombre d'informations possible au moment du débat en séance publique.
Les règles de transparence devront être strictement appliquées. Si un expert présent lors d'une séance est concerné par un conflit d'intérêts, les décisions et les avis pris lors de cette séance devront être frappés de nullité ; cette obligation devra figurer au règlement intérieur des commissions. Ainsi dissipera-t-on toute ambiguïté : il sera impossible que des réunions puissent se dérouler alors qu'y siègent des personnes susceptibles d'être en situation de conflit d'intérêts.
La transparence totale, c'est aussi l'obligation, pour l'industrie pharmaceutique, de rendre publique l'existence de conventions conclues avec des parties intervenant dans le champ de la santé : médecins, experts, presse spécialisée, sociétés savantes et associations de patients. Cela concerne aussi les avantages en nature ou en espèces que l'industrie pharmaceutique leur procure, au-delà d'un seuil dont je suis prêt à débattre. Il s'agit de la transposition du Sunshine Act américain. Chaque industriel aura la responsabilité de publier sur son site Internet, en annexe de ses comptes, l'intégralité de ces informations. Le non-respect de cette obligation sera sanctionné pénalement.
J'en viens à la transparence des décisions et à la collégialité des travaux des commissions de la nouvelle agence. Le projet de loi oblige à rendre publics les ordres du jour ainsi que les comptes rendus des réunions, assortis des détails et explications de vote, opinions minoritaires comprises. Ces informations seront mises à la disposition du public dans le respect du secret médical et du secret industriel et commercial. La composition et le fonctionnement des commissions de la nouvelle agence seront définis par voie réglementaire dans le respect des principes suivants : ouverture à la pluridisciplinarité et limitation du nombre de membres et de mandats. M. Dominique Maraninchi, directeur général de ce qui est encore l'AFSSAPS, est par ailleurs en train d'en refonder l'organisation. La nouvelle agence verra ses moyens renforcés pour qu'elle puisse mieux répondre à ses missions.
La transparence des décisions, c'est aussi un système dans lequel chaque institution a sa place, avec des rôles et des missions clairement définis, donc compréhensibles par le public. Il est indispensable que l'institution chargée de notre police du médicament soit clairement identifiée ; c'est pourquoi l'AFSSAPS s'appellera désormais Agence nationale de sécurité du médicament. Le projet dote la nouvelle agence d'un arsenal de sanctions proportionnées et désormais réellement dissuasives, tel qu'un pouvoir de sanction pécuniaire administrative. Je serai attentif à la mise en oeuvre rapide de ce dispositif.
La transparence totale, c'est aussi que le financement de la nouvelle agence sera désormais assuré par les subventions de l'État, qui percevra les taxes et les redevances de l'industrie pharmaceutique au lieu que celle-ci les lui verse directement comme actuellement. Certains considéreront que cette mesure ne change rien sur le fond ; pour ma part, j'estime que l'on établit ainsi une frontière étanche indispensable. D'autres feront valoir que, dans les années qui viennent, les ministres de la santé successifs devront s'assurer que le budget de la nouvelle agence sera fixé à un niveau suffisant. Je ne l'ignore pas, mais je préfère que l'on soit conscient de cette nécessité plutôt que de laisser se perpétuer un système de financement qui conduit à des interrogations de fond. Cette mesure sera incluse dans le projet de loi de finances pour 2012.
Le deuxième pilier de la réforme, c'est que le doute doit systématiquement bénéficier au patient. J'ai été particulièrement marqué par la phrase du rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), selon laquelle le doute avait systématiquement bénéficié au laboratoire Servier. Il faut en finir avec ce système dès l'octroi de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) et tout au long de la vie de la molécule.
Le médicament ne doit pas être seulement « un peu mieux que rien » ; il doit procurer un réel bénéfice au patient. Je mène au niveau européen un combat visant à disposer, dès l'AMM, de données comparatives avec le médicament de référence, s'il existe. J'ai évoqué ce point avec le commissaire européen M. John Dalli, en février dernier, et aussi lors de la réunion informelle des ministres européens de la santé en avril. J'ai constaté que garantir la sécurité des patients est un sujet de préoccupation pour tous nos partenaires. Je pousserai les feux pour que cette évolution aboutisse, mais les processus de décision communautaires sont parfois lents ; c'est pourquoi je souhaite, au cas où les choses n'avanceraient pas assez vite à l'échelon européen, que nous prenions des initiatives nationales à ce sujet.
J'ai à nouveau saisi le commissaire John Dalli dès la présentation du projet de loi en Conseil des ministres, afin que la réflexion sur la prise en considération de la valeur ajoutée thérapeutique pour l'octroi d'une AMM s'engage au niveau européen. Dans l'intervalle, je propose que nous adoptions, par voie réglementaire, des critères plus rigoureux pour la prise en charge des traitements par la collectivité : pour qu'un médicament soit remboursé, il faudra avoir démontré qu'il est au moins aussi bon que ce qui est déjà sur le marché et remboursable ; ainsi appliquerons-nous par anticipation l'esprit de la réforme européenne à venir. Pour les médicaments présentant un service médical rendu insuffisant, de nouvelles règles seront applicables : il n'y aura pas de prise en charge par la collectivité, donc aucun remboursement, sauf avis contraire du ministre – mais cet avis devra être motivé.
Par ailleurs, l'AMM ne sera plus gravée dans le marbre : des études complémentaires d'efficacité et de sécurité pourront être exigées à tout moment, en cas de suspicion de modification du rapport bénéfice-risque par les autorités sanitaires. À cet égard, je rends hommage à la détermination de M. Maraninchi, grâce auquel de nombreux sujets ont déjà été traités avec la plus grande célérité. En cas de non-réalisation de ces études, l'AMM pourra être suspendue ou retirée, et son titulaire pourra faire l'objet d'une sanction financière infligée par la nouvelle agence.
Pour garantir efficacement la sécurité sanitaire, il faut pouvoir disposer de l'ensemble des informations relatives à la sécurité des produits. C'est pourquoi le projet de loi oblige les exploitants à informer la nouvelle agence de toute mesure d'interdiction, de restriction ou de modification du rapport bénéfice-risque d'un médicament commercialisé dans un pays tiers. Chacun se rappellera que le Mediator® avait été retiré de la vente en Italie et en Espagne, pour des raisons dites commerciales.
Les prescriptions hors AMM, bien qu'indispensables dans certains cas, les maladies orphelines par exemple, doivent rester exceptionnelles ; elles doivent être encadrées par la nouvelle agence et leurs risques associés doivent être maîtrisés. Le projet propose à cette fin des recommandations temporaires d'utilisation (ATU). Une prescription hors AMM pour perdre quelques kilos ne sera plus possible.
Les logiciels d'aide à la prescription aideront les professionnels de santé à distinguer les indications relevant de l'AMM et celles qui sont hors AMM. Ils pourront donc en informer leurs patients et le mentionner sur l'ordonnance.
En amont de l'AMM, l'évaluation des médicaments sera également mieux encadrée. Les patients bénéficieront de traitements mieux évalués, car nous favoriserons l'octroi d'autorisations temporaires d'utilisation (ATU) de cohorte. Ils seront mieux surveillés, et ce dispositif incitera à la réalisation d'essais cliniques sur le territoire national.
Contrairement à ce que certains organes de presse ont laissé entendre, le projet ne réduira en rien l'accès des patients concernés aux prescriptions hors AMM ; j'accepterai d'éventuels amendements tendant à préciser ce point. Les ATU nominatives continueront d'être accessibles en plus des ATU de cohorte ; il s'agit bien de sécuriser la chaîne des médicaments ne disposant pas d'AMM, et aussi de favoriser la recherche en France.
Un médicament doit être suivi tout au long de sa vie. La notification des effets indésirables a été élargie. Dorénavant, tout effet indésirable suspecté devra être notifié, et non plus seulement les effets indésirables graves ou inattendus. Chaque notification donnera lieu à un retour systématique de la suite donnée au signalement ; la confidentialité des données sera respectée. Ces mesures seront mises en oeuvre par voie réglementaire et je suis prêt à hâter la rédaction des décrets, afin que vous ayez connaissance au plus vite des précisions supplémentaires que vous jugerez utiles.
Les patients et les associations agréées de patients auront une place reconnue dans le processus de notification des effets indésirables. Ils pourront notifier directement tout effet indésirable suspecté d'être dû à un médicament.
Les alertes ne pourront plus rester lettre morte : un dispositif de médiation sera mis en place au sein de chaque institution pour permettre un recours en cas de non-traitement d'une demande ou d'un dossier. Cette disposition aurait été d'une grande utilité dans le cas du Mediator®.
En matière d'évaluation, un effort particulier doit porter sur le développement des études de pharmacovigilance et de pharmaco-épidémiologie. Aussi le projet de loi institue-t-il la réalisation d'études conjointement entre la nouvelle agence, la Haute Autorité de santé (HAS), l'Institut de veille sanitaire et l'Assurance maladie. L'accès aux données de l'Assurance maladie sera facilité, tout en restant encadré.
Il me semble par ailleurs important de renforcer l'obligation d'évaluation des données cliniques des dispositifs médicaux pour conditionner, à terme, leur prise en charge à une évaluation positive de leur intérêt thérapeutique. Il faudra également encadrer la publicité sur les dispositifs médicaux. Enfin, la matériovigilance, qui concerne ces dispositifs, doit être améliorée et mieux coordonnée.
Le troisième axe de la réforme consiste à améliorer l'information des patients, ainsi que l'information et la formation des professionnels de santé.
Une information publique, indépendante et de qualité passe par la création d'un portail public du médicament, qui regroupera les informations de la nouvelle agence de la Haute Autorité de santé et de l'Assurance maladie. L'ouverture de ce site Internet, qui ne demande pas une intervention du législateur, se fera dans les meilleurs délais. Il devra être visible et aisément compréhensible.
Pour être bien informé, le professionnel de santé doit avant tout être bien formé, et ce, tout au long de son exercice. Il faut donc renforcer la connaissance du médicament et de la pharmacovigilance dans les formations initiales, mais aussi au cours de la formation continue. Ces réformes seront réalisées au niveau réglementaire, mais je suis prêt à en débattre avec vous.
Plus de clarté est nécessaire sur les aides octroyées par les entreprises pharmaceutiques aux étudiants en médecine et en odontologie, qui sont les prescripteurs de demain. Il sera donc interdit aux entreprises de délivrer des avantages en nature ou en espèces aux étudiants. Néanmoins, la possibilité de subvention des thèses de recherche par les entreprises est maintenue.
Nous devons trouver dans le cadre de la formation continue cette même absence de liens directs, qui permettra d'éviter toute suspicion. C'est pourquoi je souhaite que la formation continue des médecins libéraux et hospitaliers soit, pour partie, financée par un prélèvement provenant de l'industrie pharmaceutique. Ce sera l'une des mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.
Avec ce nouveau cadre, les professionnels de santé disposeront d'une information publique, indépendante et de qualité.
L'information donnée aux prescripteurs par le biais de la publicité des entreprises pharmaceutiques doit être irréprochable, dès la première diffusion. Je souhaite donc que les modalités de contrôle de cette publicité soient revues.
La visite médicale dans sa forme actuelle doit évoluer : s'il s'agit d'information, ses modalités doivent être réexaminées ; s'il ne s'agit que de promotion commerciale, nous ne pouvons continuer dans cette voie. C'est pourquoi j'ai lancé une concertation avec les représentants du secteur, et c'est aussi pourquoi le projet instaure l'expérimentation de la visite médicale collective à l'hôpital. Si l'on commence par là, c'est parce que l'hôpital donne la tendance de la prescription, et aussi parce qu'à l'hôpital commencent beaucoup de traitements par la suite continués en ville. Je souhaite, par ailleurs, l'instauration d'un contrôle de la formation des visiteurs médicaux et d'un contrôle a priori du contenu des documents transmis par les laboratoires pharmaceutiques aux professionnels de santé.
S'agissant du pilotage de la politique du médicament, je souhaite la création d'un comité stratégique de la politique des produits de santé et de la sécurité sanitaire. Il se réunira chaque semaine en comité opérationnel, avec un représentant du ministre, et en comité stratégique, tous les trimestres, sous la présidence du ministre lui-même. Toutes les agences et les directions d'administration centrale concernées seront parties prenantes, et toutes les réunions devront faire l'objet de comptes rendus qui seront conservés.
De la sorte, plus rien n'échappera à la responsabilité politique. La création des diverses agences avait fait que le politique n'avait pas eu connaissance de nombre d'informations. Cette situation n'est plus acceptable par nos concitoyens ; de plus, la responsabilité politique ne se délègue ni ne se partage.
C'est donc une réforme d'ampleur qui vous est soumise. Elle doit s'accompagner de l'adoption de décrets et d'arrêtés relatifs à la gouvernance et au fonctionnement de la nouvelle agence, ou encore au système d'admission au remboursement des médicaments. Elle demande aussi des mesures d'organisation pour lesquelles des textes réglementaires ne sont pas nécessaires.
Mme Nora Berra et moi-même serons particulièrement attentifs à vos questions et à vos souhaits d'amélioration du texte. Je serai également attentif à la mise en oeuvre effective de cette réforme, dont je souhaite qu'elle soit évaluée d'ici à deux ou trois ans. Ce texte, qui fait suite au scandale du Mediator®, concerne potentiellement chacun de nos concitoyens ; si l'on veut réellement leur redonner confiance, il faut être certain que la loi est appliquée efficacement. Sous l'impulsion du Président de la République et du Premier ministre, nous avons voulu une réforme en profondeur, dont l'unique objectif est de protéger le patient.
Ce projet est à la hauteur de l'enjeu : que ne se répète pas la scandaleuse affaire du Mediator®. Mes questions porteront sur la transparence relative aux liens d'intérêts, sur la pharmacovigilance et sur les visiteurs médicaux.
Les dispositions relatives aux déclarations d'intérêts constituent un progrès réel. Une instance sera-t-elle créée et chargée du recueil, du contrôle et de la publication de ces déclarations, ou une cellule de veille déontologique sera-t-elle installée au sein de chaque instance ?
Les récentes révélations relatives au Protelos® rappellent la nécessité de renforcer notre système de pharmacovigilance. Pourquoi ne pas prévoir une réévaluation de la balance bénéfice-risque du stock de médicaments ? Pourquoi ne pas créer au sein de la future agence une commission plénière, composée pour moitié d'experts issus de la commission d'autorisation de mise sur le marché et pour l'autre moitié de spécialistes de la pharmacovigilance, qui serait chargée d'évaluer le rapport bénéfice-risque des médicaments ?
Par ailleurs, l'admission au remboursement et la fixation des prix des médicaments – sujet qui n'a pas trait directement à ce projet de loi – suscitent des interrogations. Le récent rapport de la Cour des comptes sur la maîtrise des dépenses de médicaments pointe certains dysfonctionnements. Les Assises du médicament avaient fait des propositions sur ce point. Même si le sujet est largement de nature réglementaire, quelles sont les mesures envisagées ? Peut-on imaginer de réformer la Commission de la transparence ?
Dans quelle mesure les nouvelles dispositions concernant la visite médicale s'appliqueront-elles aux dispositifs médicaux ? Pourquoi avoir choisi de réguler d'abord la visite médicale à l'hôpital, et ne convient-il pas d'associer la Haute Autorité de santé à cette expérimentation ? Selon quelles modalités pourrait-elle être étendue à la visite médicale en médecine de ville ?
Enfin, pourquoi le projet n'évoque-t-il comme mission du nouveau groupement d'intérêt public (GIP) que l'autorisation d'accès aux données du système national d'informations inter-régimes de l'assurance maladie (SNIIR-AM) ? Le groupement sera-t-il amené à se prononcer sur la pertinence scientifique des études proposées, voire à les mener lui-même ? Si oui, avec quels moyens, et si non, qui réalisera ces études ?
La collecte, le contrôle et la publication des déclarations d'intérêts seront du ressort de la cellule de déontologie créée au sein de chaque institution. Cette méthode est à la fois la plus facile et la plus rapide à mettre en oeuvre. Chaque institution pourra ainsi mieux assumer ses responsabilités. Je rappelle que toutes les déclarations pourront être consultées sur une base de données publique, et je souhaite qu'elles le soient.
Pour éviter de nouveaux drames, j'ai demandé à l'AFSSAPS de lancer une campagne de réévaluation systématique du rapport bénéfice-risque des médicaments dont l'AMM est antérieure à 2005, priorité étant donnée aux médicaments sous surveillance renforcée. Je souhaite qu'à terme toute notre pharmacopée soit revue.
Vous avez évoqué l'hypothèse de la création d'une commission plénière au sein de la future agence. Les commissions de celle-ci doivent être refondées. Aujourd'hui, l'AFSSAPS en compte douze, de quelque soixante membres chacune, ce qui entraîne une dilution des responsabilités. Nous avons trois objectifs. Le premier est de parvenir à un meilleur équilibre bénéfice-risque. Le deuxième est d'assurer une plus grande indépendance de la décision lors des révisions d'AMM, qui peuvent conduire au retrait de l'autorisation ou à la modification du résumé des caractéristiques du produit. Le troisième consiste à soumettre aux commissions d'experts externes les seuls dossiers qui demandent vraiment un tel avis, car l'AFSSAPS souffre d'engorgement. Il faudra d'ailleurs revoir les relations entre le niveau européen et le niveau français, car on ne peut méconnaître la charge de travail, pour bonne partie administrative, qui résulte de l'avalanche de décisions émanant des institutions européennes dont la nouvelle agence aura à connaître ; cela l'empêche de se consacrer pleinement à ce qui est essentiel.
Nous proposons donc un dispositif resserré : une seule commission nationale du bénéfice-risque secondée par trois sous-commissions spécialisées, l'une dans l'autorisation des produits de santé, l'autre dans le suivi des produits de santé, la troisième dans les stupéfiants et psychotropes. La commission nationale sera plus efficace si elle est composée d'une vingtaine de membres. Il est indispensable qu'y siègent à parité des spécialistes de l'efficacité thérapeutique et des spécialistes en sécurité des produits de santé. Il serait bon que soient aussi représentés les médecins généralistes, les pharmaciens et les associations de patients.
La modification des règles d'admission au remboursement est d'ordre réglementaire. Je puis vous indiquer que la Haute Autorité de santé a engagé une réflexion sur la composition de la Commission de la transparence, sur la définition des critères du service médical rendu (SMR) et sur l'amélioration de celui-ci. Le dispositif doit être plus compréhensible et plus efficace. Par ailleurs, la demande d'évaluations médico-économiques par la Haute Autorité de santé figurera dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.
L'IGAS a recommandé la suppression de la visite médicale, une mesure qui serait une exception française. Il faut déterminer si le délégué d'un laboratoire pharmaceutique a pour tâche d'informer les professionnels de santé ou s'il est chargé de faire la promotion d'un médicament donné, et savoir comment garantir l'étanchéité entre information et publicité. Nous enclencherons l'évolution des pratiques en l'imposant à l'hôpital, lieu d'exercice collectif de la médecine, tout en réfléchissant aux moyens de modifier les modalités des visites médicales dans les cabinets de ville où les praticiens exercent seuls. Je sais que ce choix, le seul qui garantisse l'application immédiate du texte, suscite des critiques, certains craignant que ce changement d'approche ne suscite des difficultés d'organisation à l'hôpital, mais je rappelle que des expérimentations ont déjà eu lieu dans les établissements hospitaliers. Je proposerai qu'avant le 1er janvier 2013 un rapport soit fait au Parlement, dressant le bilan de l'expérimentation et proposant des modalités d'adaptation du dispositif à la médecine de ville.
Par ailleurs, le Comité économique des produits de santé (CEPS) fixera des objectifs chiffrés et ciblés de réduction des visites médicales. Que l'on ne dise pas que la réforme serait la cause de la baisse des emplois du secteur : la réduction était amorcée depuis longtemps déjà, après que de nouvelles règles avaient été fixées, M. Philippe Douste-Blazy étant ministre de la santé et moi-même secrétaire d'État à l'assurance maladie. J'en appelle à la responsabilité de l'industrie pharmaceutique, qui doit jouer son rôle dans l'évolution de la profession et l'accompagnement des personnels. Ceux-ci, qui ne font qu'appliquer les consignes données par leurs employeurs, ne doivent pas être laissés dans l'incertitude sur ce que sera leur avenir professionnel. Il est nécessaire d'instaurer une régulation quantitative de la visite médicale, centrée sur les classes pharmaceutiques qui font l'objet d'une promotion démesurée. Il faudra aussi préciser à court terme la teneur des visites médicales concernant un médicament mis sous surveillance renforcée. Un décret en Conseil d'État définira les modalités de la sanction financière encourue par les laboratoires qui ne respecteront pas les décisions du CEPS ; elle pourra atteindre 10 % du chiffre d'affaires des produits concernés.
Enfin, il faudra évidemment associer la Haute Autorité de santé, dont les études portent également sur ce sujet, à l'expérimentation relative à la visite médicale dans les établissements de santé. Il serait contre-productif que chaque institution mène ses travaux séparément.
Votre présentation, monsieur le ministre, avait la même teneur que votre conférence de presse du 23 juin relative aux conclusions des Assises du médicament. Toutefois, si le projet de loi reste en l'état – mais je ne désespère pas de vous voir prendre en considération des amendements de l'opposition –, je crains qu'il n'empêchera pas la répétition de scandales tels que celui du Mediator®. Il suffit pour s'en convaincre de lire à l'article 7 que l'AMM pourra être suspendue, retirée ou modifiée si « le médicament est nocif » ou si « l'effet thérapeutique fait défaut ». Mais si la molécule était nocive ou sans effet thérapeutique, pourquoi était-elle sur le marché ?
Nous en sommes d'accord, il ne s'agit pas d'un sujet partisan. En témoigne le rapport d'information sur la prescription, la consommation et la fiscalité des médicaments que j'ai présenté le 30 avril 2008 et qui a été adopté à l'unanimité par la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS). Les propositions qu'il contient auraient-elles été suivies d'effet que nous n'aurions pas perdu trois ans et demi. De plus, nous ne devons pas oublier les victimes d'autres médicaments que le Mediator®.
Affirmer, comme vous l'avez fait le 23 juin et aujourd'hui encore que « le doute doit systématiquement bénéficier aux patients », c'est se payer de mots quand rien de précis n'est prévu à ce sujet dans le texte.
Nous nous attendions par ailleurs à ce qu'une Haute Autorité vérifie la validité des déclarations de liens d'intérêts.
Avoir demandé à l'AFSSAPS de publier sans commentaires la liste des médicaments sous surveillance renforcée a été contre-productif : au lieu de rassurer la population, vous l'avez affolée, et les praticiens ont dû beaucoup se démener pour expliquer que le fait que des médicaments soient sous surveillance est une chose normale et plutôt rassurante.
De la Charte de la visite médicale, dont vous avez été l'un des artisans, une majorité de médecins indiquent qu'elle n'a pas entraîné de changement de méthode. Quant aux représentants des syndicats de visiteurs médicaux, ils nous ont dit avoir été entraînés à en contourner les dispositions, tant pour la formation initiale que pour la formation continue des médecins. Plutôt que d'imputer aux délégués des laboratoires pharmaceutiques une responsabilité qui n'est pas la leur, puisqu'ils se sont limités à faire le travail pour lequel ils étaient rémunérés, il faut utiliser cette force de terrain pour améliorer la pharmacovigilance : que, désormais, les visiteurs médicaux fassent remonter les occurrences d'effets secondaires et indésirables, notoirement sous-déclarés en France, sans que les services marketing des laboratoires interviennent.
Vous entendez promouvoir la réalisation d'essais cliniques contre comparateurs actifs, lorsqu'ils existent, mais le texte ne dit rien des essais cliniques contre les stratégies thérapeutiques autres que médicamenteuses, pourtant hautement souhaitables. La Haute Autorité de santé a commencé une étude à ce sujet car, contrairement à ce qu'affirme l'organisation professionnelle des entreprises du médicament, le LEEM, nous continuons d'être de très gros consommateurs de médicaments.
En effet : les deuxièmes au monde, et les premiers en Europe.
Quel est l'état d'avancement de vos discussions avec le commissaire européen John Dalli sur les comparateurs ? On ne peut se contenter d'une règle ainsi définie qu'un médicament peut être mis sur le marché dès lors qu'il fait aussi bien que ce qui existe déjà. Il ne faut jamais oublier la balance bénéfice-risque ; or une nouvelle molécule peut faire aussi bien qu'une molécule existante, mais aggraver les risques liés aux interactions médicamenteuses.
Nous espérons vivement être associés à l'élaboration des textes d'ordre réglementaire prévus, fort nombreux ; nous ne voulons pas que la définition de leur contenu échappe à la représentation nationale.
Le tout récent rapport publié par la Cour des comptes sur la fixation du prix des médicaments tombe à point nommé pour nous permettre d'évoquer le Comité économique des produits de santé (CEPS). Le groupe SRC déposera, une nouvelle fois, un amendement tendant à imposer un droit de regard des parlementaires sur les travaux de ce comité ; la prise en considération des remarques de la Cour devrait vous conduire à nous donner raison. Il est incohérent de demander au Parlement de se prononcer sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale sans qu'il ne sache rien des obscures modalités de la fixation des prix du médicament. Vous prévoyez qu'un député et un sénateur siégeront au conseil d'administration de la nouvelle agence ; pourquoi, de même, des parlementaires ne siégeraient-ils pas au CEPS ?
Le projet est assez réducteur pour ce qui est des conventions passées entre les laboratoires pharmaceutiques et les étudiants : tous devraient être concernés par les mesures annoncées, et non les seuls étudiants en médecine et en odontologie.
À quoi bon, enfin, changer la dénomination de l'AFSSAPS ?
En conclusion, nous approuvons ce projet de loi mais de manière critique et nous déposerons de nombreux amendements. Nous espérons surtout que le texte ne connaîtra pas le même sort que le rapport d'information de la MECSS, dont bien peu des recommandations ont été appliquées. L'eussent-elles été que l'on aurait sans doute limité les dégâts causés par le Mediator®, ou en tout cas évité que d'autres Mediator® ne soient mis sur le marché.
(M. Pierre Méhaignerie, président, remplace M. Georges Colombier à la présidence de la séance.)
Monsieur le ministre, je me dois de rappeler les engagements que vous avez pris en janvier 2011 après la remise du premier rapport de l'IGAS, et qui, en l'état, ne semblent pas tenus dans ce projet de loi, étant entendu que nous ignorons ce que seront les textes d'application.
Je vous cite : « Sur la police du médicament, l'une des missions essentielles de l'AFSSAPS et pour laquelle le rapport de l'IGAS est sans équivoque, le fonctionnement actuel n'est plus possible. Il y a donc une évidence : nous ne pouvons pas conserver l'AFSSAPS en l'état ». Autant dire que le changement de nom de l'agence et les quelques missions supplémentaires proposées dans votre texte ne sauraient suffire.
Je vous cite encore : « Il nous faudra davantage de mobilité pour des postes de responsabilité au sein de l'Agence. » Le texte ne contient rien à ce sujet. Cela relève sans doute du domaine réglementaire, mais nous serons attentifs aux engagements que vous prendrez à ce sujet lors du débat en séance publique.
Je vous cite toujours : « Concernant les commissions de l'AFSSAPS : leur composition : je pense qu'il faut réduire le nombre de membres pour éviter une dilution des responsabilités : trop de membres, c'est moins de responsabilités. » Or le texte ne retient pas la proposition de la mission d'information du Sénat à ce sujet. Vous venez de suggérer qu'une vingtaine de membres suffirait ; nous serons attentifs à la formalisation de cette hypothèse.
Vous disiez aussi : « Il faut aussi l'implication de personnes qualifiées dans les commissions, telles que des patients, des représentants des usagers, ou encore des membres de revues indépendantes si elles le souhaitent ». Or le texte renforce incontestablement la présence des laboratoires pharmaceutiques, fournisseurs de produits de santé, au sein du conseil d'administration de la nouvelle agence.
Vous aviez encore expliqué qu'il fallait « revoir leur fonctionnement avec une transparence des avis, avec des débats enregistrés et la publication des avis minoritaires, tout cela devant être rendu public dans un délai de 15 jours au maximum. ». Mais l'article 1er du projet se limite à ouvrir cette possibilité sans la rendre impérative ; peut-être faudrait-il être plus précis.
Vous disiez des lanceurs d'alerte qu'il fallait « préciser leur statut, leur rôle et le suivi des alertes lancées. » Le texte ne dit mot de tout cela.
Vous ajoutiez : « Faut-il se contenter lorsqu'une autorisation de mise sur le marché est délivrée pour un médicament, que celui-ci soit simplement meilleur qu'un placebo ? Cela me paraît trop simple. Il faut au minimum qu'il soit équivalent aux produits de référence déjà présents sur le marché. Il ne faut pas que le médicament soit juste un peu mieux que rien, il faut un réel bénéfice pour le patient ». Mais, ce principe n'est pas repris dans votre texte.
Vous déclariez : « Pour garantir une évaluation indépendante et de qualité, ne faut-il pas moins se reposer sur l'expertise externe et renforcer au contraire notre expertise interne ? Cela peut demander des moyens supplémentaires, j'en ai bien conscience, cela voudra donc dire mobiliser les financements nécessaires. » Or, le texte est muet sur l'expertise publique et aucun engagement financier n'est pris. Qu'advient-il donc de la recommandation de la mission sénatoriale sur les corps d'experts de santé publique indépendants de l'industrie pharmaceutique ?
Sur le remboursement des médicaments, vous vous disiez favorable à de nouvelles règles, « en particulier pour ceux dont le service médical rendu est insuffisant. À l'avenir, il ne devrait y avoir aucune prise en charge par la collectivité, donc pas de remboursement, sauf s'il y a un avis contraire du ministre, mais cet avis devra alors être motivé. Cela veut dire que la Commission de la transparence prend sa décision, qui serait donc de nature à être exécutée, sauf si dans un délai qui reste à déterminer, le ministre s'y oppose sur la base d'un avis motivé. » Or, dans le projet, l'avis de la Commission de la transparence n'est pas rendu exécutoire et la possibilité de dérogation par le ministre est maintenue, contrairement à ce que recommandait l'IGAS.
Enfin, vous interrogiez-vous, « ne devons-nous pas progresser encore dans l'encadrement de la publicité et de la visite médicale ? » La seule disposition du texte à ce sujet concerne la visite médicale hospitalière, prévue pour être désormais collective, alors que l'IGAS recommandait la suppression pure et simple de la profession de visiteur médical et que la mission sénatoriale plaidait pour son extinction et son remplacement par des professionnels dépendants de la Haute Autorité de santé.
Ce texte était indispensable, car le médicament n'est pas un produit comme les autres et que toute molécule efficace a aussi des effets pervers. L'appréhension de la balance bénéfice-risque est donc essentielle. La confiance que nos concitoyens accordent au médicament a été mise à mal par le scandale du Mediator®, mais aussi par le vaccin contre le virus A(H1N1), et la publication de la liste des 77 médicaments mis sous surveillance renforcée par l'AFSSAPS a été traumatisante. Le texte, que sous-tend un principe de première importance, est globalement assez satisfaisant, mais nous serons amenés à en débattre sans connaître la teneur des décrets qui doivent le compléter.
Vous modifiez la dénomination de l'AFSSAPS – pourquoi pas ? – et vous renforcez aussi le rôle de son directeur général ; quelles seront ses nouvelles responsabilités ?
La transparence sur les liens d'intérêts est indispensable, mais à quel niveau les déclare-t-on, et qui contrôlera que les déclarations sont complètes et sincères ?
Vous avez évoqué le lien entre la procédure de délivrance des AMM en France et celle de l'Agence européenne du médicament. Je souhaite que le texte mentionne plus précisément que les AMM seront délivrées en fonction d'un comparateur efficace. Elles devraient aussi être systématiquement revues tous les trois ou quatre ans, et la publication des études postérieures à l'AMM devrait être obligatoire.
Le rapport de la mission sur le Mediator® et la pharmacovigilance a fait état des problèmes posés par les prescriptions hors AMM, qui sont mal encadrées. Comment le seront-elles à l'avenir ?
Est-il nécessaire de conserver deux commissions d'experts, l'une au sein de la Haute Autorité de santé, l'autre à la nouvelle agence ? Y a-t-il une différence réelle entre l'étude de la balance bénéfice-risque et celle de l'amélioration du service rendu ? Qu'adviendra-il si d'aventure les conclusions des deux collèges ne sont pas les mêmes ?
L'usage des logiciels d'aide à la prescription deviendra-t-il obligatoire ? Ces logiciels seront-ils certifiés par la Haute Autorité de santé ?
La pharmacovigilance est essentielle à la sécurité sanitaire, mais la complexité de la déclaration est dissuasive pour les médecins. Comment la simplifierez-vous ? Par ailleurs, les commissions régionales de pharmacovigilance manquent de moyens humains et financiers ; dans certaines régions, il s'agit en réalité d'un seul médecin, qui exerce en même temps des fonctions d'enseignement et de soin dans un centre hospitalier universitaire. Leur donnerez-vous des moyens supplémentaires ?
L'idée de visites médicales à l'hôpital devant plusieurs professionnels de santé qui, tous, manquent de temps, me laisse dubitatif. Comment s'organiseront-elles ?
Les étudiants en médecine sont à peine formés à la pharmacovigilance et à la thérapeutique ; que supprimer d'un cursus surchargé pour permettre un enseignement renforcé de ces disciplines ? La formation continue, enfin, doit être obligatoire, évaluée et financée.
Je me félicite que les engagements que vous avez pris après le scandale du Mediator® soient tenus. Les Français doivent en effet être rassurés sur la politique et la sécurité du médicament. Le projet de loi permettra une remise en ordre des responsabilités respectives qui, je l'espère, rendra impossible la répétition d'un tel scandale.
Aux États-Unis, le Sunshine Act concerne les prescripteurs et les chirurgiens, dont on cherchera par exemple à connaître les liens éventuels avec des fabricants de prothèses. De même, votre texte oblige à la déclaration des liens d'intérêts entre les praticiens et l'industrie pharmaceutique, mais il reviendra ensuite au malade de se livrer à une sorte de parcours du combattant pour en prendre connaissance. Ne serait-il pas plus simple de prévoir que les professionnels de santé sont tenus d'informer directement leurs patients ?
Comment les dispositions relatives au contrôle des règles de déontologie s'articuleront-elles avec les règles éthiques en gestation pour l'ensemble de la fonction publique ?
À la Commission de la transparence de la Haute Autorité de santé, les critères d'évaluation des médicaments seront-ils clarifiés pour moins prêter à polémique ? Une fois précisés les critères de l'utilité thérapeutique, le CEPS sera-t-il tenu de faire sienne l'évaluation définie ?
Quelle place sera faite au débat public dans la nouvelle agence ? Industriels, mais aussi patients, organismes de sécurité sociale et médecins pourront-ils s'exprimer sur les sujets d'importance ? Aux États-Unis, le débat public au sein de la Food and Drug Administration (FDA) a par exemple conclu à l'utilité de l'utilisation du thalidomide, dans des conditions très restrictives, pour le traitement de certains cancers.
J'en viens, pour finir, à une question sans lien direct avec le texte. Les ruptures de plus en plus fréquentes d'approvisionnement des pharmacies en médicaments s'expliquent pour beaucoup, semble-t-il, par la fixation de quotas pour le marché français, le reste de la production étant affecté par les industriels à des exportations parallèles. Nous ne pouvons favoriser une pratique qui s'exerce au détriment des patients. Comment fluidifier l'approvisionnement des officines ?
Enfin, le scandale du Mediator® a eu pour conséquence que toute l'industrie pharmaceutique a été vilipendée. Quelle doit être sa place dans notre pays ? A-t-elle encore une importance stratégique pour la France ?
Vous n'avez parlé ni des prescriptions en dénomination commune internationale (DCI), ni des autorisations temporaires d'utilisation (ATU). Or, dans sa rédaction actuelle, le projet de loi risque de créer des situations ingérables, notamment pour ce qui concerne les DCI de certains médicaments contre le sida ; en outre, le nom de marque ne dispose pas de la même autorisation de mise sur le marché (AMM) que l'ensemble des DCI associés, et il peut y avoir des indications totalement différentes en fonction du dosage – c'est le cas du Viagra®, qui peut être également utilisé pour traiter l'hypertension artérielle pulmonaire. Je vous donnerai d'autres exemples lors de l'examen du texte. Peut-être cela relève-t-il du domaine réglementaire, mais il conviendrait de préciser certains points, afin d'éviter que des problèmes de santé publique ne surviennent.
Par ailleurs, l'étude d'impact évoque longuement le rôle des logiciels d'aide à la prescription et conclut à la nécessité de mesures transitoires, dans la mesure où les nouvelles dispositions ne pourront pas être applicables immédiatement. Je proposerai quelques amendements sur ce point.
Même si l'étude d'impact juge sa suppression difficile, la visite médicale pose un problème. Toutefois, une visite médicale collective risque d'être difficile à organiser pour les petits centres hospitaliers qui ne disposent que d'un seul médecin dans des spécialités comme la pneumologie, la neurologie ou l'infectiologie, où il y a souvent de nouveaux médicaments. En l'état actuel du projet de loi, ces médecins seuls prescripteurs ne pourront plus avoir de visites médicales. On peut estimer que ce n'est pas grave, mais cela constitue une rupture d'égalité. Il faut donc trouver des solutions. En outre, l'extension de la disposition à la médecine de ville risque d'être délicate, de nombreux praticiens continuant à privilégier un exercice individuel.
Avez-vous prévu des sanctions en cas de non-respect de l'obligation de notifier les effets indésirables ? Je ne suis pas sûr que les visiteurs médicaux soient les mieux placés pour s'acquitter de cette tâche... Comment s'assurer que cette obligation sera respectée ?
Enfin, on évoque rarement le financement par l'industrie pharmaceutique de formations continues, notamment de diplômes universitaires, qui leur permettent de disposer de spécialistes captifs. Qu'avez-vous prévu en la matière ?
Nous sommes un peu déçus : vous aviez suscité beaucoup d'attente en annonçant qu'à l'occasion du scandale du Mediator®, vous alliez refondre totalement la politique du médicament en France. Or, ce n'est pas le cas – même si, je le reconnais, votre projet de loi comporte des avancées réelles.
Il y avait trois enjeux à ce texte : garantir la sécurité sanitaire des Français, rassurer les patients en leur donnant accès à certaines informations, et mieux organiser notre système du médicament, les Français étant parmi les plus gros consommateurs de médicaments au monde.
Dans cette optique, comment le rôle du Comité stratégique de la politique des produits de santé et de la sécurité sanitaire s'articulera-t-il avec celui des agences, et quelle sera la responsabilité de l'État par rapport à celles-ci ? Vous dites que l'État doit assumer ses responsabilités, notamment en matière de financement, en prélevant des taxes et des redevances, au lieu que les entreprises privées payent directement des services au destinataire. Or les agences étaient nées, elles aussi, d'un scandale, celui du sang contaminé, et l'on avait, à l'époque, suivi le raisonnement inverse : qu'il était nécessaire de disposer, à côté de l'État – qui pouvait donner le sentiment d'être partie prenante –, d'agences spécialisées indépendantes et autonomes. Le projet de loi a-t-il pour objectif de redéfinir ce lien entre l'État et les agences ? En d'autres termes, la nouvelle agence va-t-elle devenir un service du ministère de la santé ?
Dans les nouvelles structures, quelle place exacte accorderez-vous aux acteurs de santé, aux patients et aux mécanismes de démocratie sanitaire ? Quelles seront les relations entre les différents acteurs ?
Je suis déçue que vous n'ayez pas profité de ce texte pour engager une refonte complète de la politique du médicament, qui est un enjeu majeur pour notre pays – et pas seulement financier, même si la consommation excessive de médicaments est une source de dépenses inutiles.
À monsieur Bur, je veux répondre que oui, l'industrie pharmaceutique est toujours stratégique et qu'elle doit être l'un des piliers de notre industrie, à condition toutefois qu'elle soit encadrée et qu'elle respecte un certain nombre de règles, qu'elle investisse et qu'elle innove. .
Enfin, monsieur le ministre, pourquoi renvoyer tant de choses au domaine réglementaire ? Sachant que le diable se niche dans les détails, il serait regrettable de ne pas connaître avec précision les décisions que vous comptez prendre ; vous risquez de ne procéder qu'à des ajustements à la marge, sans refondre entièrement un système qui en a pourtant grand besoin.
Au cours des travaux de notre mission d'information sur le Mediator® et la pharmacovigilance, il a été contesté, notamment sur la base d'une étude du Pr Jean Acar qui eut un grand retentissement dans la presse médicale sponsorisée, que le Mediator® ait provoqué des dégâts. On a, en particulier, remis en cause l'étude cas-témoin de Brest, qui concluait que 70 % des insuffisances valvulaires restrictives avaient un rapport avec la prise antérieure d'un anorexigène. Or, depuis deux mois, nous disposons d'une autre étude, réalisée au sein du service du Pr Gilbert Habib du CHU de La Timone à Marseille, qui aboutit à la conclusion que, dans 75 % des cas, les insuffisances valvulaires inexpliquées peuvent être mises en rapport avec la prise d'un anorexigène.
Or Le Figaro.fr révèle à l'instant que M. Claude Griscelli, ancien président du conseil scientifique de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et membre du Conseil d'État, était intervenu dans la rédaction du rapport de la mission du Sénat sur le Mediator®, dont M. François Autain était président et Mme Marie-Thérèse Hermange rapporteure, afin de gommer tout ce qui pouvait être contraire aux intérêts du laboratoire Servier et d'accentuer la responsabilité de l'AFSSAPS. J'en suis indigné ! – d'autant plus qu'il y a une quinzaine de jours, Le Canard enchaîné avait déjà fait état d'échanges de courriels entre M. Jean Marimbert et Mme Madeleine Dubois, laquelle a fait des allées et venues entre le cabinet de M. Jacques Barrot et les laboratoires Servier. Je trouve ce délitement de l'éthique dans l'élite hospitalo-universitaire fort inquiétant. Tant qu'on n'y aura pas remédié, on aura beau changer les structures, la parole des autorités sanitaires continuera à souffrir d'un discrédit auprès de l'opinion publique.
Lors de votre audition par la mission d'information sur les conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments du Sénat, en avril 2006, vous vous étiez prononcé en faveur de la création d'un Haut Conseil de l'expertise. Bien que j'aie cru comprendre que vous n'étiez pas favorable à la multiplication des organismes, une telle création permettrait de disposer d'une structure transparente et contradictoire, qui pourrait trouver sa place au sein de la Haute Autorité de santé, et où siégeraient des personnalités respectueuses de l'éthique de l'expertise, dans tous les domaines.
S'agissant du renforcement de la formation continue et de la formation initiale dans le domaine de la pharmacologie, je vous engage à vous rapprocher du ministre de l'enseignement supérieur, car je viens d'être informé par le vice-président du collège de pharmacologie médicale qu'à Bordeaux, le nombre d'heures consacré à la pharmacologie générale a été réduit de 20 à 16. Si l'on veut vraiment améliorer la formation initiale, il faut s'en donner les moyens et défendre l'enseignement public de la pharmacologie !
Pour ce qui est de l'indépendance des experts et de la lutte contre les conflits d'intérêts, je signale que le Parlement européen a refusé la décharge à l'Agence européenne des médicaments et demandé une enquête de l'Office européen de lutte anti-fraude (OLAF) sur ces questions. Par ailleurs, la Commission d'enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1) avait proposé de réformer le Comité de lutte contre la grippe – qui, dans sa forme actuelle, ne prend pas en considération les liens d'intérêts –, et de l'intégrer dans le Haut Conseil de la santé publique ; mais rien n'a été encore fait, alors que l'on finit de détruire 30 millions de doses de vaccins qui auront coûté la bagatelle de 300 millions d'euros !
J'ai écrit au ministre de la justice – en vous envoyant un double de la lettre – pour savoir comment sont menées les expertises judiciaires ; je n'ai toujours pas obtenu de réponse. Entretemps, j'ai eu connaissance d'un élément nouveau : les représentants du laboratoire Servier demandent que les expertises judiciaires prévues pour avoir lieu à La Réunion soient dépaysées. C'est proprement scandaleux ! Les dépayser où ? On n'en est plus au trajet entre Brest et Rennes imposé pour une expertise judiciaire par le Laboratoire Servier à une femme qui a ensuite été victime d'un arrêt cardiaque dans le train du retour ! Pourriez-vous insister auprès du garde des sceaux pour que les victimes des DOM-TOM ne se trouvent pas confrontées à ce type de blocages ?
Le système national d'informations inter-régimes de l'assurance maladie (SNIIR-AM) et le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) permettent de donner un essor nouveau à la pharmaco-épidémiologie. Quels moyens seront mis en oeuvre pour favoriser une méthode qui n'est possible dans notre pays que depuis peu de temps et qui a permis de mettre en évidence l'incidence de la consommation de Médiator® sur l'apparition de valvulopathies et la survenance des décès? L'anonymisation des données est requise, de manière que l'on puisse, dans d'autres cas, évaluer les dégâts que peuvent faire certains médicaments. J'ai suggéré à l'Assurance maladie et au précédent directeur général de la santé du ministère de renouveler ce type d'étude pharmaco-épidémiologique pour des produits tels que l'Avandia®, qui a récemment été retiré du marché après avoir provoqué 85 000 infarctus aux États-Unis. Cela permettrait d'aider les victimes dans leur demande d'indemnisation.
L'un des objectifs de ce projet de loi est d'améliorer la formation médicale continue. Le texte de la loi sera probablement respecté, mais qu'en sera-t-il de l'esprit ? En effet, quelles que soient les modalités de la visite médicale, individuelle ou collective, dès lors qu'une part de la rémunération des délégués des laboratoires pharmaceutiques professionnels est directement liée au nombre de boîtes vendues, vouloir leur imposer une parfaite objectivité semble être un voeu pieux.
Il reste que le texte contient des avancées. En particulier, vous proposez qu'une taxe soit versée par l'industrie pharmaceutique afin de financer la formation médicale continue. Or celle-ci est en déshérence, et dans les hôpitaux publics, où les sommes consacrées à la formation des praticiens hospitaliers sont très faibles, l'industrie pharmaceutique s'est substituée à l'enseignement public. Avec cette taxe, ne risque-t-on pas de traiter le symptôme plutôt que la maladie ? Comment faire pour que la formation médicale continue soit parfaitement dégagée de toute considération mercantile, notamment au sein de l'hôpital public ?
Nous partageons bien entendu l'objectif de mettre fin aux scandales sanitaires mettant en cause des médicaments ou des produits de santé et de redonner confiance aux citoyens. Vous faites des propositions intéressantes, mais en privilégiant la voie réglementaire pour leur mise en oeuvre. Vous dites que vous allez avancer dans la rédaction des décrets, et que nous y serons associés, mais pouvez-vous nous proposer un calendrier qui soit compatible avec l'examen du projet de loi ?
Certains experts seront éloignés des agences en raison de conflits d'intérêts – mais comment seront rémunérés les experts indépendants ?
Envisagez-vous d'autoriser par la loi les actions collectives de patients se déclarant victimes de médicaments ou de produits de santé ?
Envisagez-vous de protéger par la loi les lanceurs d'alerte ?
Pour finir, je regrette que la proposition faite par l'IGAS de supprimer la visite médicale et de lui substituer une vraie formation continue des professionnels de santé n'ait pas été retenue.
Au coeur de ce projet de loi se trouve le patient, objet principal de notre attention. L'amélioration du système doit concerner chaque étape du processus, à commencer par la remontée des signalements. La loi de 2002 relative aux droits du malade et à la qualité du système de santé confère d'ailleurs au patient un rôle actif dans le fonctionnement du système de santé, et la loi « Hôpital, patients, santé, territoires » (HPST) encourage le signalement des effets indésirables par le patient. D'ailleurs, l'AFSSAPS s'est engagée, depuis 2002, dans une réflexion sur une éventuelle participation au système de pharmacovigilance et a mené une expérimentation de ce type lors de la pandémie grippale de 2009, en relation avec les centres régionaux de pharmacovigilance.
Parmi les professionnels de santé, le pharmacien d'officine est un acteur incontournable de la pharmacovigilance, en raison de sa proximité avec le patient et de sa connaissance du médicament. La présidente de l'association des centres régionaux de pharmacovigilance a d'ailleurs salué le travail réalisé par les officines – même s'il reste des progrès à faire.
De ce point de vue, le dossier pharmaceutique, support moderne et interactif, peut s'inscrire dans une démarche de pharmacovigilance et devenir un outil d'alerte ; il est d'ailleurs un relais d'information rapide de la direction générale de la santé en cas de signalement de lots de médicaments suspects, dans la mesure où la quasi-totalité des officines en sont désormais équipées. On pourrait envisager de rendre le système encore plus efficace en autorisant le partage des informations entre les pharmaciens d'officine et les pharmaciens hospitaliers, ce qui permettrait de couvrir un plus grand nombre de patients. Bref, en croisant les sources d'informations, qu'elles proviennent des patients, des centres régionaux de pharmacovigilance, des pharmaciens ou des médecins, on devrait favoriser une prise de décision adaptée et sans délai, surtout si la réforme induit une meilleure coordination de l'action des agences et révise leurs missions.
À l'opposition, je veux dire qu'elle ne peut pas me faire le reproche qu'il n'y ait pas tout dans la loi, parce que, quel que soit le ministre, il ne peut pas inscrire dans la loi ce qui relève du domaine réglementaire ou européen. Toutefois, je vous garantis que je mettrai toutes mes propositions en oeuvre ; si certains engagements n'ont pas été tenus, il sera aisé de le constater.
C'est volontairement que je vous ai dit ce que contiendraient les décrets, de manière à assurer un « service avant-vote » du texte. Je sais bien que je n'éviterai pas pour autant le reproche que tout n'est pas dans la loi. Il reste que certaines choses ne relèvent pas du domaine législatif : par exemple, on ne peut pas inscrire dans la loi le nombre de membres des commissions, monsieur Muzeau ! Je fais précisément en sorte de vous donner une vision globale du dispositif, afin que vous n'ayez pas à voter un texte sans avoir connaissance de l'étape suivante. Vous ne pouvez pas me reprocher de ne pas avoir tenu parole au prétexte qu'une mesure ne figure pas dans la loi, alors que je viens d'expliquer qu'elle sera prise par décret !
Lorsque j'avais présenté avec M. Philippe Douste-Blazy le texte sur l'assurance maladie, j'avais promis que 80 % des décrets seraient publiés avant la fin de l'année : 90 % l'ont été. Aujourd'hui, je vous propose de faire encore mieux, et de vous présenter les décrets quasiment en même temps que vous procéderez à l'examen du texte – et n'allez pas me reprocher de travailler sur les décrets avant que la loi ait été votée !
Après, s'il est juridiquement possible que certaines mesures puissent être prises par voie législative plutôt que par voie réglementaire, et que vous souhaitez le faire, je suis ouvert à vos propositions. S'agissant par exemple de la protection des lanceurs d'alerte, je vous avoue bien volontiers éprouver des difficultés pour l'inscrire dans la loi ; l'exigence n'est pas la même au niveau réglementaire, mais si vous trouvez une rédaction législative satisfaisante, je suis preneur !
Ma feuille de route, ce sont les dispositions que j'ai annoncées mi-janvier et lors des Assises du médicament. Si l'on veut réussir une réforme comme celle-ci, il ne faut pas de demi-mesures : on doit tenir tous les engagements qui ont été pris – et ils le seront, soit par la loi, soit par décrets. Vous verrez alors si j'ai tenu parole.
Madame Lemorton, vous estimez que la Charte de la visite médicale n'a servi à rien, mais le nombre de visiteurs médicaux est passé de 24 000 à 18 000 entre 2004 et aujourd'hui !
C'est pourtant ce que disent les laboratoires !
À l'époque, il avait fallu forcer pour obtenir ce résultat ; nous ne pouvions guère espérer plus. Certains, comme M. Yves Bur, voulaient aller plus loin, mais je me souviens que les discussions parlementaires n'avaient pas été si simples ! Ce serait peut-être plus facile aujourd'hui car, connaissant mieux ce milieu, j'ai peut-être plus de poids pour faire bouger les lignes.
La nocivité d'un produit ne peut pas forcément être mise en évidence au stade de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) ; on doit donc pouvoir réévaluer le rapport bénéfice-risque car, malgré tous les essais cliniques, seule l'utilisation par de nombreux patients est susceptible de mettre en évidence certains effets indésirables. Voilà pourquoi il convient de différencier la mise sur le marché et la durée de vie du produit.
On ne peut se contenter d'une présomption d'effets secondaires, car cela poserait le problème du traitement des maladies rares. Faudrait-il, dans ce cas, autoriser l'AMM de manière conditionnelle ? En revanche, si l'on dispose de données complémentaires et que l'on s'aperçoit que le produit n'est pas efficace, il convient de le retirer immédiatement. Voilà ce que nous apprend l'épreuve des faits.
Si vous voulez me faire dire que les conditions doivent être beaucoup plus strictes que par le passé – y compris en matière de remboursement –, cela me semble évident ! Je vous rappelle que pendant des années, et quel que soit le ministre, les médicaments « me too » ont bénéficié d'une grande tolérance, pour un bénéfice thérapeutique fort douteux…
De même, si vous voulez me faire dire qu'il faut attendre un drame pour décider de changer les choses, je vous accorde que c'est bien souvent le cas hélas – mais c'est vrai partout dans le monde, et pour toutes les situations de crise, quelle que soit leur nature.
Je vous accorde également que la publication de la liste de médicaments sous surveillance était anxiogène, mais on ne pouvait pas faire autrement. J'ai signalé au précédent directeur général de la santé et à l'AFSSAPS qu'il serait à l'avenir préférable d'associer en amont les professionnels de santé – médecins et pharmaciens – à cette démarche ; plus ils sont impliqués, mieux l'efficacité des décisions prises est reconnue. Mais, même si cela avait été fait, on aurait difficilement évité les réactions de l'opinion publique à la première publication de ce type. Un quotidien du matin s'est spécialisé dans les révélations sur les médicaments ; il n'empêche que beaucoup de médicaments font l'objet d'une surveillance. Je tiens à ce sujet à saluer la très grande réactivité de l'AFSSAPS ; M. Dominique Maraninchi n'hésite jamais à prendre les décisions qui s'imposent.
S'agissant de la visite médicale, nous sommes en concertation avec les professionnels du secteur, mais je ne transigerai pas sur le contrôle, ni sur le principe d'une réforme. J'entends bien, monsieur Lefrand, que la suppression du cadre individuel peut soulever des difficultés pour les petits hôpitaux locaux, mais on ne peut pas accepter le maintien du statu quo. La visite médicale, telle que nous l'avons connue, a vécu. En revanche, je souligne que peu d'acteurs, à part l'IGAS, ont proposé la suppression totale et définitive de la visite médicale. Même quand certains d'entre vous l'évoquent, je n'entends aucune proposition concernant les modalités pratiques et le calendrier : de fait, une telle décision ne serait pas aisée à prendre.
S'agissant des discussions avec le commissaire européen John Dalli, j'ai fait une saisine officielle et je ne lâcherai pas le sujet – du reste, le commissaire a conscience de la nécessité de bouger. L'administration de la Commission européenne doit comprendre qu'il ne s'agit pas d'un problème franco-français et que je ne souhaite pas, contrairement à ce qui l'on dit, mettre une entrave au principe de libre concurrence. Toutefois, ayant l'expérience des discussions au niveau européen, je sais qu'il faudra du temps avant que nos revendications aient une chance d'aboutir ; c'est pourquoi je veux protéger la position française et changer dès maintenant les règles de mise au remboursement au plan national. De surcroît, cela me permettra d'appliquer en tant que ministre français la réforme que j'appelle de mes voeux au niveau européen.
Pourquoi maintenir la possibilité de dérogation ministérielle, ce qui revient à accorder au ministre la décision in fine sur le remboursement ou non du médicament ? Par exemple, en 1999, la Haute Autorité de santé s'était déclarée défavorable au remboursement du Mediator®; or une décision ministérielle inverse a été prise.
Non : même en 1999, le sujet n'est pas remonté au niveau ministériel. Il est bien précisé dans le rapport de l'IGAS qu'il n'a pas été posé clairement à un ministre la question de savoir s'il fallait garder ce médicament au remboursement, et encore moins celle de la nocivité ou de la dangerosité du médicament.
S'agissant d'une éventuelle participation de parlementaires aux travaux du Comité économique des produits de santé (CEPS), il conviendrait de s'interroger sur ses modalités, car dans la nouvelle agence, les parlementaires siégeront au conseil d'administration, mais n'interviendront pas dans le fonctionnement quotidien. Par ailleurs, je rappelle que le CEPS transmet un rapport annuel au Parlement. Cela ne vous suffit-il pas ?
S'il a été transmis au Parlement, tous les parlementaires ont dû le recevoir !
Ne pourriez-vous prévoir une audition du CEPS ?
Toujours est-il que ce n'est pas au Gouvernement de se mêler de ces questions. J'ai souhaité qu'il y ait des représentants du Parlement dans chacune des agences, mais pour fixer leur nombre exact, je m'en remettrai à votre sagesse !
Quant aux étudiants, il ne s'agit pas de stigmatiser quiconque, mais de retenir les seuls prescripteurs. Il s'avère qu'il en existe d'autres et qu'Arnaud Robinet a l'intention de faire bouger les lignes sur ce point. Je suis ouvert à la discussion.
Je le répète, j'examinerai tous les amendements que vous présenterez ; il n'y a dans ce texte aucun esprit partisan, ni de volonté réductrice par rapport aux engagements pris. Je signalerai simplement à chaque fois ce qui ne me semblera pas relever du domaine législatif. Mon objectif est d'aboutir à l'application la plus rapide possible de ce texte. C'est pourquoi son examen est d'ores et déjà prévu au Sénat au mois d'octobre et que nous travaillons en parallèle à la rédaction des décrets.
Je retiens, madame Lemorton, que vous avez déclaré approuver ce projet de loi, même si c'est avec des critiques. Il me reste à réussir à les lever.
(M. Pierre Morange, vice-président, remplace M. Pierre Méhaignerie à la présidence de la séance.)
Monsieur Muzeau, je répète que je ne suis pas opposé à transférer certaines dispositions du domaine réglementaire au domaine législatif ; toutefois, je ne suis pas sûr que la composition et les effectifs des commissions de la nouvelle agence relèvent de ce dernier. Par ailleurs, contrairement à ce que vous dites, la présence de l'industrie n'a pas été renforcée ; mais si vous souhaitez que j'apporte cette garantie au cours du débat, je le ferai.
Quant aux séances, non seulement elles peuvent, mais elles doivent être enregistrées. Cet enregistrement est en effet très instructif ; ce fut notamment le cas pour un médicament à propos duquel M. Gérard Bapt nous avait saisis voilà quelque temps, la vidéo ayant permis de voir l'attitude de chacun – ou de certains. J'ai toujours pensé que c'était la transparence qui pouvait ramener la confiance. Arguer du secret industriel ou médical ne peut faire obstacle à l'enregistrement vidéo des séances, qui devra être systématique et permanent.
S'agissant de l'augmentation des moyens de la nouvelle agence, qui permettra de répondre à vos interrogations concernant la formation, le recrutement d'experts et les centres régionaux de pharmacovigilance, c'est l'industrie du médicament qui sera sollicitée – je ne peux pas encore vous dire à quelle hauteur, car nous sommes en train de procéder à un chiffrage précis avec les services de M. Dominique Maraninchi.
Je précise que l'industrie du médicament dépense déjà des sommes importantes pour la formation. Qu'on ne vienne donc pas me dire qu'une taxation mettrait en péril sa compétitivité : il ne s'agit pas d'augmenter les dépenses déjà faites mais d'oeuvrer dans un cadre modifié et réglementé ; les sommes seront versées à l'État, qui assurera le financement du système. Bien que je sois également ministre du travail et de l'emploi, j'estime que la santé est une priorité et qu'elle ne se négocie pas.
S'agissant de l'encadrement de la publicité et de la visite médicale, certains points relèvent de la loi, d'autres non.
Monsieur Préel, vous jugez le projet de loi globalement assez satisfaisant et voudriez savoir comment les parlementaires seront associés à la rédaction des décrets, mais c'est à vous de me dire comment vous souhaitez travailler. J'ai toujours pris soin d'associer les parlementaires à la rédaction des textes d'application et je le ferai sur ce texte plus que sur tout autre.
Le renforcement de l'expertise interne suppose de faire de la pharmacovigilance une filière réellement attractive, en développant les possibilités de promotion et assurant de meilleures rémunérations. Je ne laisse pas ces aspects-là de côté, même s'ils ne sont pas du ressort de la loi. Si vous le souhaitez, nous pourrons y revenir dans le courant du débat.
S'agissant des prescriptions hors AMM, la mise en place de recommandations temporaires d'utilisation sera utile, évitant que l'on se situe dans une sorte de no man's land ; je suis par ailleurs prêt à garantir qu'il n'y aura pas de recul sur l'accès aux autorisations temporaires d'utilisation (ATU).
On a beaucoup parlé d'une éventuelle fusion de la Commission d'AMM et de la Commission de la transparence, qui était l'une des propositions du rapport des professeurs Bernard Debré et Philippe Even. Il est évident qu'il serait nécessaire que les deux instances collaborent davantage, voire que l'on imagine un lien fonctionnel entre elles. Je crains toutefois qu'une fusion complète ne soit risquée tant qu'une réforme n'a pas abouti au niveau européen : comment ferait-on pour refuser le remboursement d'un médicament si une AMM européenne était octroyée après seulement des essais comparatifs contre placebo ? Nous n'aurions plus de marge de manoeuvre ! Si vous trouvez une autre argumentation à m'opposer, je suis prêt à lancer le débat, mais même les promoteurs de cette idée ont reconnu le bien-fondé de mes arguments.
La visite médicale collective peut également obéir à une logique pluridisciplinaire. Dans tous les cas, c'est à l'industrie d'adapter ses pratiques, non à l'hôpital ; cela vaut aussi pour les horaires de ces visites.
Monsieur Bur, je note que vous êtes également satisfait par ce projet de loi. Celui-ci s'adresse à l'ensemble des parties prenantes : les Assises du médicament nous ont permis de recueillir le point de vue de chacun. Je pense sincèrement que ce que vous prônez depuis des années trouve enfin sa concrétisation – même si vous pouvez juger que, sur certains aspects, on ne va pas assez loin ou que l'on pourrait faire autrement. En revanche, je reconnais que nous nous sommes focalisés sur l'agence en charge du médicament et qu'il reste à travailler sur l'ensemble des agences de santé, notamment en liaison avec le rapport que vous aviez présenté.
De même, il reste des choses à faire pour faciliter l'accès du grand public à l'information, notamment en ce qui concerne les liens avec le site de l'assurance maladie ou encore ce qui a trait au développement professionnel continu (DPC). D'autre part, j'ai tendance à penser qu'il faut prévoir une collaboration accrue entre le CEPS et la Haute Autorité de santé, le premier étant tenu de suivre la seconde.
S'agissant des ruptures d'approvisionnement des pharmacies, j'ai rencontré la semaine dernière l'ensemble des acteurs. Certains grossistes répartiteurs et le LEEM, soutenaient qu'il n'y avait pas de problème ; mais les représentants des pharmaciens, qu'ils exercent en officine ou à l'hôpital, disaient avoir connu des difficultés d'une ampleur inédite durant l'été. Cette concertation nous a permis de confronter les points de vue et d'aboutir à la conclusion que les problèmes évoqués dans les médias cet été avaient été bien réels. Afin que cela ne se reproduise plus, j'ai exigé des engagements précis, j'ai demandé que l'on identifie les problèmes rencontrés, et j'ai rappelé les obligations de transparence du LEEM sur les quotas et les chiffres internes – non pour les divulguer au grand public, mais pour que j'en sois informé.
D'autre part, certaines pratiques ne peuvent être tolérées. Si le marché français est jugé intéressant, on doit livrer ce qui était prévu ; dans le cas contraire, il faut nous en avertir et nous en tiendrons compte. Nous devons être informés en amont et en aval.
Certains laboratoires auraient indiqué qu'ils ne pouvaient répondre aux demandes des hôpitaux durant la période estivale. Je rappelle que la santé et les soins, c'est 365 jours sur 365 ! Je vais écrire aux laboratoires concernés pour obtenir des précisions sur cet échange, ainsi qu'au LEEM pour qu'il rappelle ses adhérents à leurs obligations.
Il reste, madame Lemorton, que le système français du médicament permet, et continuera de permettre, de concilier la sécurité – encore mieux qu'avant – et l'accès au progrès thérapeutique. Pouvez-vous me citer un autre pays où ces deux exigences soient aussi bien respectées ? Beaucoup nous envient notre système !
Madame Touraine, vous reconnaissez que ce projet de loi comporte des avancées réelles, mais vous dites être un peu déçue, parce qu'il n'y a pas tout dedans. Mais pensez-vous que tout soit à jeter dans le système actuel du médicament ?
Alors, nous ne devons pas donner le sentiment d'avoir voulu tout remettre à plat. Réformons la sécurité, mais, pour le reste, gardons ce qui marche et ne changeons que ce qui peut être amélioré. J'examinerai les amendements que vous présenterez, mais il ne faut pas donner le sentiment que rien ne va !
Le problème en France, c'est qu'il y a trop de médicaments et que l'on en consomme trop. Mais, ce n'est pas une loi qui changera les choses ! Il faut que nous réussissions à changer les comportements, tout en rassurant sur la sécurité.
La nouvelle convention médicale participe de cette ambition. Néanmoins, cela prendra du temps. Je me souviens que certains de mes proches n'hésitaient pas à quitter leur médecin s'il changeait leur médicament ou diminuait leurs doses. De ce point de vue, la déclaration de médecin traitant a changé les choses. Mais, la longueur des ordonnances en France par rapport aux prescriptions faites dans les autres pays montre que nous continuons à avoir trop souvent le réflexe du médicament. Il reste que, depuis le début de l'année, les dépenses de médicaments ne progressent plus comme avant – quoiqu'il faille, hélas !, tenir compte des effets du scandale du Mediator®.
J'en viens aux agences. Après le scandale du sang contaminé – où tout était remonté au ministre, voire au Premier ministre –, il a été décidé de mettre en place des agences ; tout en conservant la tutelle des ministères, cela permettait de confier à des experts la connaissance du sujet et l'aide à l'information et à la décision. Le lien avec le politique s'en est trouvé estompé. Pour schématiser : avant, tout était politique, après, tout a été confié aux agences. Je précise que cette évolution n'a pas été propre à la France, mais que ce fut une tendance de fond en Europe, voire au-delà.
C'est ce lien entre agences et ministère qui est à refonder. Il faut non seulement une tutelle, mais obtenir un avis transversal intégré sur l'ensemble des expertises. Voilà pourquoi je ne suis pas favorable à l'autonomie complète.
En matière de démocratie sanitaire, la loi Kouchner a représenté il y a dix ans une avancée considérable, mais il convient maintenant d'engager une nouvelle étape et de réévaluer la place des patients dans le système actuel. Ce qui était difficile à concevoir à l'époque semble aujourd'hui évident. Je plaide donc en faveur d'une nouvelle loi sur les droits des patients – même si je suis conscient que nous aurons aussi besoin d'une nouvelle loi sur la santé publique. L'enjeu n'est pas financier ; il est de veiller à ce que la santé garde sa dimension humaine malgré une technicité toujours plus grande et, sans remettre en cause la place du médecin, de mieux prendre en considération les patients et leurs droits. Nous allons étudier les calendriers parlementaires possibles.
Cela conduira à poser la question du droit à l'indemnisation et celle des actions de groupe.
Je vais y venir, monsieur Bapt.
S'agissant de la politique du médicament, je vous ai dit ce que j'en pensais ; à mon avis, les évolutions réglementaires vont permettre de dessiner une nouvelle politique du médicament. Par ailleurs, j'ai lu avec attention le rapport de la Cour des comptes.
Monsieur Lefrand, la prescription en dénomination commune internationale (DCI) est peut-être difficile, mais le moment est venu de l'inscrire dans la loi ; on en précisera dans un second temps les modalités. Je rappelle que Mme Lemorton militait depuis longtemps en ce sens, malgré les réticences de certains et, comme me l'a fait remarquer M. Gérard Bapt, si le Mediator® avait été prescrit en DCI, les choses se seraient vues plus facilement.
C'est d'ailleurs pourquoi le laboratoire Servier avait demandé que l'on change son appellation.
Cet exemple m'a définitivement convaincu.
S'agissant des logiciels, je pense qu'il y aurait besoin de mesures transitoires et je suis ouvert à toute suggestion sur le sujet. Ce sont des questions pratiques qu'il faudra examiner ultérieurement, notamment avec les éditeurs.
Je signale qu'une visite médicale collective peut également être pluridisciplinaire et multiprofessionnelle. Si quelqu'un doit s'adapter, c'est l'industrie, non l'hôpital. Il reste que j'ai pris bonne note de votre remarque ; il est évident que les choses ne pourront pas se passer de la même manière dans un CHU et dans un hôpital local. Des conventions pourront être passées avec certains établissements pour tenir compte de leurs spécificités.
Monsieur Bapt, je viens de prendre connaissance de l'article du Figaro.fr que vous avez signalé. Il est édifiant. Je ne veux pas me prononcer, car c'est une affaire qui intéresse également le Sénat et qui s'inscrit dans le cadre d'une procédure judiciaire en cours. Cela étant, il faut des explications, car ce qui est écrit est grave et troublant.
Oui, nous devons renforcer l'expertise interne, grâce aux moyens supplémentaires que nous solliciterons auprès de l'industrie.
En matière de pharmacovigilance, je confirme que la formation initiale sera renforcée, en veillant à ce que cette ambition soit clairement partagée par tout le monde.
J'examinerai la lettre que vous avez adressée au ministre de la justice, s'agissant du lieu des expertises dans le cadre de l'affaire du Mediator®.
La pharmaco-épidémiologie trouvera sa place dans les structures participantes qui seront financées avec l'augmentation des ressources attribuées à la nouvelle agence. J'ai demandé à M. Dominique Maraninchi d'évaluer quel budget permettrait non seulement de travailler dans de bonnes conditions mais de faire face à l'augmentation des moyens nécessaires. D'où l'intérêt de ce groupement d'intérêt public pour obtenir une efficacité maximale.
Monsieur Nauche, l'industrie finance déjà la formation médicale continue ; le texte prévoit qu'elle continue à participer au financement, mais sans avoir le choix de l'orientation ni du contenu. Nous sommes en train de mettre la dernière main au texte sur le développement professionnel continu (DPC), qui est assez compliqué, dans la mesure où des désaccords proviennent d'une opposition à la loi. Je dois donc veiller à ce que celle-ci soit respectée, tout en trouvant des modalités d'application concrètes et satisfaisantes.
Je vise une application de l'ensemble du projet de loi que je vous ai présenté au plus tard le 1er janvier 2012. Son examen au Sénat est prévu en octobre, mais il est certain que je travaillerai sur les décrets en parallèle, dans les semaines qui viennent.
Je suis ouvert aux propositions concernant la protection des lanceurs d'alerte. Nous n'avons pas encore trouvé de rédaction satisfaisante du point de vue juridique ; c'est pourquoi nous nous sommes accordé un délai en décidant d'inscrire cette mesure dans le décret.
Pour conclure, ce texte n'est pas d'origine partisane. C'est M. Gérard Bapt, qui, en tant que parlementaire, a soulevé le drame du Mediator® ; il s'avère que c'est un ministre d'une autre sensibilité politique qui a dû gérer ce dossier. Mais, plusieurs fois, nous avons montré qu'il n'existait pas de ligne de fracture entre nous sur ce sujet. Aucun des deux n'en a tiré avantage. Au contraire, comme nous sommes parvenus à présenter un visage uni, nos concitoyens ont pensé qu'ils pouvaient peut-être nous faire confiance sur le sujet.
Voilà pourquoi j'aurai à coeur de satisfaire autant que possible vos demandes d'amendements, de quelque banc qu'elles émanent ; et, si je ne peux pas le faire, je m'en justifierai. Voilà aussi pourquoi j'ai à coeur de vous dire ce qu'il y aura dans les décrets et ce qui se passera au niveau européen. Si je privilégie l'approche la plus large possible, c'est parce que je considère que je n'ai pas la science infuse et que je me pose des questions, et non pour me faire plaisir. D'ailleurs, quand la majorité et l'opposition sont d'accord sur un sujet, il disparaît des écrans radars médiatico-politiques. En revanche, pour les Français, ce n'est pas la même musique !
Je souhaite préciser que ce n'est pas la Charte de la visite médicale qui a contribué à la diminution de nombre de visiteurs médicaux : la tendance était déjà amorcée. En raison de l'arrivée des génériques sur le marché et de la panne d'innovations thérapeutiques, les laboratoires pharmaceutiques ont changé de stratégie, et le nombre de visiteurs médicaux était de toute façon appelé à diminuer.
Je vous remercie de venir ainsi à mon secours : tous les laboratoires disent que la Charte à elle seule explique pourquoi ces emplois sont en chute ! Or les causes sont multiples : il y a aussi la fusion de laboratoires, le passage dans le domaine public de blockbusters – et la Charte.
Dans le dossier du Mediator®, chacun reconnaît que les actions collectives n'auraient pas permis une réponse aussi rapide que la mise en place du fonds d'indemnisation par les parlementaires. Après, il y a un problème de fond, qui est de savoir si l'on est pour ou contre le principe des actions collectives. Dans certains pays, comme aux États-Unis, c'est une tradition. Mais il s'agit d'un débat de société.
Dans votre propos introductif, vous avez évoqué un financement de la formation médicale pour partie par l'État. Savez-vous à quelle hauteur ?
Pas encore : ce sera en fonction des besoins.
J'ai également oublié de répondre à la question de M. Guy Malherbe sur les pharmacies d'officine. Je pense que si l'on respecte la confidentialité des données individuelles, le dossier pharmaceutique peut être un outil très efficace. Nous sommes en train d'étudier la question dans le cadre des négociations que nous menons avec les pharmacies sur leurs nouvelles missions, et des expérimentations sont en cours à l'hôpital. La clé, c'est le croisement des sources de données et la coordination des professionnels.
Monsieur le ministre, nous vous remercions d'avoir répondu aussi exhaustivement à nos questions.
La séance est levée à dix-sept heures trente.