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Intervention de Gérard Bapt

Réunion du 13 septembre 2011 à 15h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Bapt :

Au cours des travaux de notre mission d'information sur le Mediator® et la pharmacovigilance, il a été contesté, notamment sur la base d'une étude du Pr Jean Acar qui eut un grand retentissement dans la presse médicale sponsorisée, que le Mediator® ait provoqué des dégâts. On a, en particulier, remis en cause l'étude cas-témoin de Brest, qui concluait que 70 % des insuffisances valvulaires restrictives avaient un rapport avec la prise antérieure d'un anorexigène. Or, depuis deux mois, nous disposons d'une autre étude, réalisée au sein du service du Pr Gilbert Habib du CHU de La Timone à Marseille, qui aboutit à la conclusion que, dans 75 % des cas, les insuffisances valvulaires inexpliquées peuvent être mises en rapport avec la prise d'un anorexigène.

Or Le Figaro.fr révèle à l'instant que M. Claude Griscelli, ancien président du conseil scientifique de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et membre du Conseil d'État, était intervenu dans la rédaction du rapport de la mission du Sénat sur le Mediator®, dont M. François Autain était président et Mme Marie-Thérèse Hermange rapporteure, afin de gommer tout ce qui pouvait être contraire aux intérêts du laboratoire Servier et d'accentuer la responsabilité de l'AFSSAPS. J'en suis indigné ! – d'autant plus qu'il y a une quinzaine de jours, Le Canard enchaîné avait déjà fait état d'échanges de courriels entre M. Jean Marimbert et Mme Madeleine Dubois, laquelle a fait des allées et venues entre le cabinet de M. Jacques Barrot et les laboratoires Servier. Je trouve ce délitement de l'éthique dans l'élite hospitalo-universitaire fort inquiétant. Tant qu'on n'y aura pas remédié, on aura beau changer les structures, la parole des autorités sanitaires continuera à souffrir d'un discrédit auprès de l'opinion publique.

Lors de votre audition par la mission d'information sur les conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments du Sénat, en avril 2006, vous vous étiez prononcé en faveur de la création d'un Haut Conseil de l'expertise. Bien que j'aie cru comprendre que vous n'étiez pas favorable à la multiplication des organismes, une telle création permettrait de disposer d'une structure transparente et contradictoire, qui pourrait trouver sa place au sein de la Haute Autorité de santé, et où siégeraient des personnalités respectueuses de l'éthique de l'expertise, dans tous les domaines.

S'agissant du renforcement de la formation continue et de la formation initiale dans le domaine de la pharmacologie, je vous engage à vous rapprocher du ministre de l'enseignement supérieur, car je viens d'être informé par le vice-président du collège de pharmacologie médicale qu'à Bordeaux, le nombre d'heures consacré à la pharmacologie générale a été réduit de 20 à 16. Si l'on veut vraiment améliorer la formation initiale, il faut s'en donner les moyens et défendre l'enseignement public de la pharmacologie !

Pour ce qui est de l'indépendance des experts et de la lutte contre les conflits d'intérêts, je signale que le Parlement européen a refusé la décharge à l'Agence européenne des médicaments et demandé une enquête de l'Office européen de lutte anti-fraude (OLAF) sur ces questions. Par ailleurs, la Commission d'enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1) avait proposé de réformer le Comité de lutte contre la grippe – qui, dans sa forme actuelle, ne prend pas en considération les liens d'intérêts –, et de l'intégrer dans le Haut Conseil de la santé publique ; mais rien n'a été encore fait, alors que l'on finit de détruire 30 millions de doses de vaccins qui auront coûté la bagatelle de 300 millions d'euros !

J'ai écrit au ministre de la justice – en vous envoyant un double de la lettre – pour savoir comment sont menées les expertises judiciaires ; je n'ai toujours pas obtenu de réponse. Entretemps, j'ai eu connaissance d'un élément nouveau : les représentants du laboratoire Servier demandent que les expertises judiciaires prévues pour avoir lieu à La Réunion soient dépaysées. C'est proprement scandaleux ! Les dépayser où ? On n'en est plus au trajet entre Brest et Rennes imposé pour une expertise judiciaire par le Laboratoire Servier à une femme qui a ensuite été victime d'un arrêt cardiaque dans le train du retour ! Pourriez-vous insister auprès du garde des sceaux pour que les victimes des DOM-TOM ne se trouvent pas confrontées à ce type de blocages ?

Le système national d'informations inter-régimes de l'assurance maladie (SNIIR-AM) et le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) permettent de donner un essor nouveau à la pharmaco-épidémiologie. Quels moyens seront mis en oeuvre pour favoriser une méthode qui n'est possible dans notre pays que depuis peu de temps et qui a permis de mettre en évidence l'incidence de la consommation de Médiator® sur l'apparition de valvulopathies et la survenance des décès? L'anonymisation des données est requise, de manière que l'on puisse, dans d'autres cas, évaluer les dégâts que peuvent faire certains médicaments. J'ai suggéré à l'Assurance maladie et au précédent directeur général de la santé du ministère de renouveler ce type d'étude pharmaco-épidémiologique pour des produits tels que l'Avandia®, qui a récemment été retiré du marché après avoir provoqué 85 000 infarctus aux États-Unis. Cela permettrait d'aider les victimes dans leur demande d'indemnisation.

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