La séance est ouverte à 11 heures 45.
Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, président.
La Commission examine, sur le rapport de M. Jérôme Lambert, rapporteur pour avis, les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » pour 2011.
À la demande de notre collègue Jérôme Lambert, rapporteur pour avis des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », je vous propose que nous inversions les deux premiers points de notre ordre du jour et que nous commencions par le vote sur les crédits de cette mission, dont nous avons discuté hier.
La Commission examine, sur le rapport de M. Jérôme Lambert, rapporteur pour avis, les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » pour 2011.
Je regrette cette organisation de nos travaux, qui nous conduit à nous prononcer sur les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » alors que l'examen en commission élargie de cette mission et l'audition du ministre ont eu lieu hier. Il est dommage de procéder au vote alors que les collègues présents n'ont pas forcément participé au débat et entendu les positions du rapporteur spécial, M. Marc Le Fur, et du rapporteur pour avis. Je n'ai pas le souvenir d'un tel décalage entre l'examen et le vote des crédits.
Je donne un avis négatif. Cet avis n'est pas motivé par l'idée que tout irait mal. Un travail de réorganisation très important a été mis en route et il n'y a pas de situation dramatique. Mais je suis dubitatif sur l'évolution des crédits de la mission. Pour ne prendre qu'un exemple, plus de 700 ETPT sont supprimés cette année, pour la troisième année consécutive. Le ministre nous a promis que ce serait la dernière année où un tel effort serait demandé à la mission. Mais la limite au-delà de laquelle une réduction d'effectifs ne serait plus acceptable est atteinte. C'est pour cela que mon avis ne peut être un avis positif.
Je vous signale qu'il est déjà arrivé que le vote des crédits soit dissocié de leur examen. Dans certaines commissions, c'est même une pratique courante.
Contrairement aux conclusions de son rapporteur pour avis, la Commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » pour 2011.
La Commission procède ensuite à l'audition de M. Alain Marleix, secrétaire d'État chargé de l'intérieur et des collectivités territoriales sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Comme l'an dernier, je voudrais insister sur la particularité de l'examen des crédits et des articles rattachés à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (RCT). Cette mission ne retrace en effet qu'une toute petite partie de l'effort financier de l'État en faveur des collectivités territoriales, qui figure majoritairement dans la première partie de la loi de finances, examinée la semaine dernière par votre Assemblée. C'est aussi le cas d'une réforme importante, qui intervient cette année, celle des amendes de police.
La mission RCT « pèse » à peine 2,5 milliards d'euros, quand les seuls prélèvements sur les recettes de l'État au profit des collectivités territoriales, qui figurent à l'article 27 de la loi de finances, atteignent eux 55,3 milliards d'euros. L'effort global, incluant les dégrèvements législatifs d'impôts locaux et la fiscalité transférée, atteint quant à lui 99 milliards d'euros.
J'articulerai mon intervention autour de trois points : j'aborderai en premier lieu la « clause de rendez-vous » de la réforme de la taxe professionnelle (TP) sur les collectivités territoriales, puis la mise en oeuvre du gel des concours financiers et la poursuite de l'effort de péréquation et, enfin, l'examen des crédits de la mission proprement dits.
Mon premier point a trait à la clause de rendez-vous de la taxe professionnelle. Conformément à notre engagement, nous avons concrétisé cette clause qui était une attente forte des parlementaires et des élus locaux dans ce projet de loi de finances pour 2011. Comme l'an dernier, j'en profite pour réaffirmer que les collectivités territoriales bénéficieront de la garantie sur le niveau comme sur le dynamisme de leurs ressources financières. Au-delà de leurs nouvelles ressources fiscales, les collectivités territoriales verront leurs recettes complétées, le cas échéant, par la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et ajustées par un prélèvement ou un écrêtement au titre du fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR).
Je rappelle aussi que je me suis mobilisé, permettez-moi d'insister sur ce point, pour que soit réglée la question très délicate du transfert de la taxe d'habitation au niveau communal. En effet, l'existence d'abattements départementaux de taxe d'habitation venait compliquer ce transfert dans certains cas. En lien avec Brice Hortefeux, Christine Lagarde et François Baroin, nous déposerons un amendement qui neutralisera les effets de la réforme pour les ménages.
Cet ajustement complétera ceux qui sont prévus aux articles 59 et 60, dont certains amélioreront encore le lien entre activités économiques et territoires : en particulier, le tarif de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER) éolien passera de 2,913 euros à 5 euros le kilowatt de puissance installée, répondant à une attente forte des élus locaux concernés par le développement de cette nouvelle source d'énergie.
Ensuite, la péréquation horizontale sera considérablement développée ; c'était je crois, un voeu unanime. Le Gouvernement partage les conclusions du rapport des six parlementaires en mission sur la taxe professionnelle, parmi lesquels les députés Olivier Carré, Marc Laffineur et Michel Diefenbacher, en matière de péréquation sur la croissance de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). L'article 62 du projet de loi de finances introduit donc un mécanisme « sur flux cumulés » pour les régions et les départements, qui sera progressivement alimenté par la croissance de cette nouvelle ressource au fil des ans.
Nous proposons aussi de revoir le mécanisme sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), introduit l'an dernier par votre collègue Marc Laffineur. Je sais que ce mécanisme suscite beaucoup de questions : quel niveau de redistribution faut-il envisager pour une catégorie de collectivités en proie à une situation financière objectivement tendue ? Quel risque de volatilité faut-il accepter pour que le mécanisme ait à la fois un effet redistributif puissant en période de croissance, mais peut-être aussi un effet contra-cyclique en période de « basses eaux » ? Quel équilibre faut-il trouver, dans le calcul des contributions, entre la croissance des DMTO d'une part, et leur niveau par habitant, d'autre part ? Pour ma part, je suis favorable à un système offrant un minimum de stabilité et de prévisibilité des ressources redistribuées qui s'inscrive dans une certaine pérennité – c'est important pour la bonne gouvernance de nos collectivités –, ce qui milite en faveur d'une référence assise sur une moyenne de référence. C'est l'objet de l'article 61 du projet de loi de finances. Le débat sur ce sujet a vocation à se poursuivre devant votre assemblée et je ne doute pas que nous trouvions, ensemble, un dispositif équilibré sur la base des propositions des uns et des autres.
S'agissant de la péréquation au niveau communal, la loi de finances doit aussi permettre un débat sur l'instauration, dès 2012, d'un nouveau dispositif de péréquation des ressources communales et intercommunales, selon les modalités décrites à l'article 63.
Le Gouvernement souhaite que ce débat nous permette, collectivement, de disposer d'une « feuille de route » pour les travaux que nous aurons à conduire en 2011, en étroite concertation avec le comité des finances locales.
Enfin, compte tenu des évolutions des ressources des collectivités territoriales, nous avons dû adapter les instruments de mesure des écarts de richesse aux nouvelles ressources fiscales des collectivités territoriales. Cette mesure, qui fait l'objet de l'article 86, est indispensable pour la répartition des dotations de péréquation. À cet égard, il convenait de ne pas perturber trop gravement cette répartition au moment où nous devons à la fois mettre en place les nouvelles ressources fiscales des collectivités territoriales et mettre en oeuvre le gel des dotations de l'État. C'est pourquoi j'ai proposé de conserver en 2011, pour la part de potentiel financier assise sur la seule taxe professionnelle, les données utilisées pour le calcul du potentiel financier 2010, c'est-à-dire en fait les données de 2009. Naturellement, l'an prochain – et c'est un gros travail qui attend la Direction générale des collectivités locales (DGCL) - un nouveau potentiel financier prendra en compte les nouvelles ressources fiscales des collectivités territoriales.
Je vous précise enfin que le potentiel fiscal des intercommunalités sera à présent consolidé avec celui des communes. C'est une mesure pleinement cohérente avec l'objectif de couverture du territoire par des intercommunalités à fiscalité propre ; c'est aussi un moyen de mieux mesurer la richesse effective d'un territoire donné.
J'aborde maintenant mon deuxième thème : le maintien en valeur, pour la période du budget triennal 2011-2013, des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales.
Comme vous le savez, la décision de stabiliser les concours financiers de l'État aux collectivités a été prise lors de la deuxième conférence des déficits publics, s'inscrivant dans la suite des conclusions du rapport présenté par le président du comité des finances locales, votre collègue Gilles Carrez, et le préfet Michel Thénault. Cette évolution ne vise assurément pas à stigmatiser les collectivités territoriales qui se sont mobilisées aux côtés de l'État au plus fort de la crise. Je rappelle qu'avec le plan de relance, 19 500 collectivités ont accepté de maintenir leur niveau d'investissement l'an dernier, je veux les en remercier. Et près de 2 900 collectivités supplémentaires ont procédé de même cette année.
La raison d'être de cette décision est l'association des collectivités territoriales à l'effort de maîtrise des finances publiques que nous devons mener en cette période de sortie de crise et qui concerne la sphère publique dans son ensemble.
Il suffit de rappeler le montant de ce qu'il est convenu d'appeler « l'effort financier de l'État » en faveur des collectivités territoriales – soit 99 milliards d'euros ou, en mettant de côté la fiscalité transférée en compensation des transferts de compétences, 77 milliards d'euros –, pour s'en convaincre. Je souligne d'ailleurs que ce gel n'est ni plus ni moins que l'application de la règle que l'État impose à l'ensemble de ses dépenses : l'association des collectivités à la maîtrise des déficits n'en fait pas pour autant, comme on l'entend parfois dire, une « variable d'ajustement ».
Ce gel, qui porte sur une enveloppe de 50,4 milliards d'euros, appelle quelques observations :
— La stabilisation des concours financiers de l'État ne va pas concerner toutes les dotations. Tout d'abord, suivant la préconisation de MM. Carrez et Thénault, le Fonds de compensation de la TVA (FCTVA) n'est pas inclus dans le périmètre du gel. Les dotations aux collectivités territoriales ne seront donc pas pénalisées par la croissance des investissements que celles-ci pourraient mener. Les amendes de police, compte tenu de la réforme que j'ai évoquée au début de mon propos, « sortent » également du périmètre du gel.
— Les effets de la réforme de la taxe professionnelle, et notamment la création de la nouvelle dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP), ne pèseront pas sur les autres concours financiers de l'État.
— Pour que ce gel soit acceptable, nous avons veillé à ce qu'il puisse préserver le développement de la péréquation.
Ainsi, j'ai souhaité que, dans le texte même de la loi de finances – à l'article 81 –, figurent les augmentations allouées à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et à la dotation de solidarité rurale (DSR) : la première augmentera de 77 millions d'euros tandis que la seconde augmentera de 50 millions d'euros, soit une augmentation de 6,2% pour chacune de ces deux dotations.
Certains d'entre vous objecteront que ces augmentations sont gagées sur des diminutions d'autres dotations, comme le complément de garantie des communes ou la dotation de compensation de la part salaires de la TP. À cet égard, je vous signale que Gilles Carrez a fait adopter vendredi soir un amendement, avec l'accord du Gouvernement, qui modifie le périmètre de l'enveloppe soumise au gel, afin d'y intégrer la dotation de compensation des pertes de base de TP. C'est important, je voulais le souligner. Comme elle devait diminuer mécaniquement l'an prochain, cette intégration permettra de réallouer quelque 149 millions d'euros supplémentaires, qui viendront soulager la baisse initialement envisagée de certaines composantes de la Dotation globale de fonctionnement (DGF). Il y aura d'ailleurs certainement lieu de revoir les modalités d'indexation de la dotation forfaitaire prévue à l'article 80.
S'agissant du complément de garantie, j'ajoute que nous proposons de l'écrêter non pas de manière uniforme comme les années précédentes, mais en fonction du potentiel fiscal des communes. C'est une vraie mesure de justice et de redistribution, particulièrement protectrice des petites communes : ainsi, le complément de garantie des 19 000 communes de moins de 500 habitants ne baisserait en moyenne que de 0,27 %, et seulement 8 % d'entre elles seraient contributrices. Vous le voyez, de nombreuses mesures accompagnent la mise en oeuvre de ce gel.
J'en viens enfin à mon troisième point, l'examen proprement dit des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Cette mission représentera 2,559 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et 2,513 milliards d'euros de crédits de paiement en 2011. La plupart des crédits qui relèvent de cette mission sont concernés par le gel des concours financiers aux collectivités territoriales.
Je souhaiterais toutefois insister sur quelques évolutions :
— Tout d'abord, en étroite concertation avec le ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, j'ai lancé la fusion de la dotation globale d'équipement et de la dotation de développement rural, pour créer une nouvelle dotation d'équipement des territoires ruraux (c'est article 82 du PLF) qui sera dotée de 615 millions d'euros. Cela permettra d'améliorer et de simplifier la gestion de ces crédits déconcentrés au niveau des préfectures, et d'élargir le champ des projets éligibles.
— Par ailleurs, quelques dotations vont connaître un abondement destiné à répondre à des besoins spécifiques. C'est le cas de la dotation spéciale de construction et d'équipement des établissements scolaires de Mayotte (article 79) ou encore du fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial de nos armées (article 83), qui progressent respectivement de 5 et de 10 millions d'euros.
— Parallèlement, la dotation de développement urbain – je m'adresse particulièrement à M. Pupponi – est reconduite non seulement en 2011, mais sur l'ensemble de la période triennale 2011-2013. L'État continuera ainsi d'apporter son soutien aux projets d'investissement ou d'actions dans le domaine économique et social des communes les plus défavorisées.
Vous le voyez, cette loi de finances est le fruit d'un équilibre entre la nécessité d'assainir nos finances publiques et la poursuite des efforts en faveur des territoires défavorisés. Elle aussi le résultat d'un dialogue constant avec votre rapporteur général du budget, avec le comité des finances locales et avec votre rapporteur pour avis.
Merci, monsieur le ministre. Avant de donner la parole à notre rapporteur, je souhaiterais évoquer deux points. Je veux en premier lieu saluer l'orientation retenue en faveur de la péréquation entre les collectivités territoriales. Si je trouve légitime qu'une collectivité qui fait des efforts particuliers de développement en retire les bénéfices, il me semble crucial de maintenir un niveau élevé de péréquation. Je souhaite vous dire mon inquiétude sur la situation de nombreux conseils généraux confrontés à un redoutable effet de ciseaux – ce n'est d'ailleurs pas toujours les conseils généraux qui parlent le plus fort qui sont les plus concernés… – entre, d'une part, l'augmentation importante du montant de certaines prestations – je pense à l'allocation personnalisée d'autonomie, au revenu de solidarité active ou à l'allocation adulte handicapé – et, d'autre part, une modération, voire une baisse, des ressources fiscales. Je crois d'ailleurs savoir que le Gouvernement a déjà été saisi par un conseil général pour bénéficier du dispositif de solidarité annoncé par le Premier ministre. Je souhaiterais que vous puissiez nous éclairer sur ce point.
Ma deuxième question est plus technique. Vous avez évoqué le mécanisme dit « Laffineur » de péréquation des droits de mutation à titre onéreux. Un bruit a couru selon lequel certains conseils généraux, pour échapper à leur contribution de solidarité au titre de la péréquation, s'arrangeraient pour que la perception de ces droits au titre des derniers mois de l'année soit comptabilisée au titre de l'année 2011, minorant ainsi le niveau des perceptions pour 2010. Pouvez-vous lever nos inquiétudes en la matière ? Pouvez-vous nous confirmer qu'il n'en sera rien et que le montant perçu sera bien calculé sur les rentrées fiscales de toute l'année 2010 ?
Le déficit des finances publiques françaises devrait atteindre 7,7 % du produit intérieur brut ; face à cette situation, conséquence de la crise économique et sociale que connaît notre pays depuis deux ans, les collectivités territoriales sont appelées à un effort supplémentaire dans le redressement nécessaire des finances publiques, à travers des contributions stabilisées en valeur pendant les trois prochaines années, comme il est inscrit dans le projet de loi de programmation des finances publiques actuellement en cours d'examen.
Ainsi, en 2011, les dotations de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » seront gelées au niveau prévu par la loi de finances pour 2010, à un montant de 2,55 milliards d'euros. Les autres concours de l'État, comportant essentiellement des prélèvements sur recettes, progresseront de « seulement » 12 millions d'euros pour atteindre 49,15 milliards d'euros. D'une manière générale, le gel de l'enveloppe normée conduira l'effort financier de l'État en faveur des collectivités territoriales à baisser en valeur à due proportion de l'inflation prévue en 2011, soit 1,5 %.
Cependant, j'ai noté avec satisfaction que le périmètre retenu pour définir cette enveloppe normée est plutôt favorable aux collectivités locales : en effet, comme les élus locaux vous l'avaient demandé les années précédentes, sont exclus de cette enveloppe le fonds de compensation de la TVA, dont l'importance a augmenté ces deux dernières années dans le cadre du plan de relance de l'économie, comme le produit des amendes, ressource qui sera appelée à être plus dynamique, avec la mise en oeuvre du procès-verbal électronique et la revalorisation de certaines d'entre elles en particulier.
Dans le cadre de la stabilisation des différentes dotations budgétaires, je me félicite que le Gouvernement ait pris l'initiative de dégager des marges de manoeuvre au profit de la péréquation : péréquation verticale, en revalorisant la dotation de solidarité urbaine de 50 millions d'euros, la dotation de développement urbain (DSU) de 77 millions d'euros (soit une progression de 6 %), tout comme la dotation de solidarité rurale ; péréquation horizontale, en réformant les dispositifs de péréquation de la CVAE et des droits de mutation, en fixant un objectif chiffré de péréquation à l'horizon 2015, correspondant à 2 % des recettes fiscales des communes et des EPCI. Cependant, les mécanismes de mise en oeuvre restent à préciser. Aussi Monsieur le ministre, pourriez-vous nous détailler comment le Gouvernement compte mettre en oeuvre cette relance de la péréquation ?
2011 sera un tournant pour les finances locales : pour la première fois, les collectivités et leurs groupements vont percevoir directement le produit de la contribution économique territoriale. Des transferts et mécanismes de péréquation vont garantir le maintien des ressources pour chaque collectivité et intercommunalité la première année de la réforme. Cette réforme va s'accompagner d'une spécialisation accrue de la fiscalité directe locale, avec, notamment, une affectation exclusive de la taxe d'habitation, de la part foncière de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe foncière sur les propriétés non bâties aux communes et aux intercommunalités. Je me réjouis que l'impact de ces redistributions soit compensé, afin que les abattements existants soient conservés pour éviter une hausse injustifiée de ces contributions locales.
Un indicateur de surface va être introduit dans le cadre de la prise en compte de la valeur ajoutée des entreprises, concurremment aux effectifs, ce qui devrait donner une bouffée d'oxygène aux collectivités concernées. Par ailleurs, Mme la Ministre de l'Économie a annoncé devant le Sénat le 28 septembre dernier, des ajustements destinés à ce que l'IFER sur les éoliennes bénéficie plus largement aux communes et à leurs groupements. Pourriez-vous nous préciser le sens de ces deux mesures ?
De plus, même si ce chantier ne relève pas uniquement de vos attributions, mais aussi de celles du Budget et des Comptes publics, pourriez-vous nous préciser si l'expérimentation de la révision des valeurs locatives commencera bien en 2011, et selon quel calendrier ?
Cependant, la situation budgétaire des collectivités territoriales sera de plus en plus tendue avec la crise, qui oblige à développer les dépenses d'intervention alors que les rentrées fiscales marquent le pas et que la compensation financière des transferts de compétence fait l'objet de critiques, notamment de la Cour des comptes, qui peuvent apparaître comme légitimes. Mais la situation est très différente selon le niveau de collectivité. Dans le bloc communal, les dépenses des groupements continuent à progresser et les marges de manoeuvre semblent préservées. Les départements doivent faire face à une équation plus complexe et une situation de « crise des ciseaux », comme l'a expliqué M. le Président tout à l'heure, avec des dépenses sociales dynamiques face à des recettes qui le sont nettement moins. Les subventions d'équipement et charges à caractère général sont généralement votées en baisse. Je vous remercie donc, Monsieur le ministre, de nous préciser les mesures que le Gouvernement pourrait prendre en faveur des collectivités les plus en difficulté.
Dans ce cadre, la question de la maîtrise des dépenses locales sera plus que jamais d'actualité en 2011. Un groupe de travail coprésidé par MM. Gilles Carrez et Michel Thénault a rendu en mai 2010 un rapport sur la maîtrise des dépenses locales. Celles-ci ont fortement augmenté, et seuls 60 % de cette hausse sont directement imputables aux transferts de compétences. Par ailleurs, à l'occasion de la conférence des déficits publics du 20 mai 2010, le Gouvernement a ainsi annoncé l'étude d'un dispositif de modulation des dotations selon des critères de bonne gestion. La mise en place d'une telle norme de progression et d'un tel diagnostic de bonne gestion n'est pas sans poser des questions relatives à la libre administration des collectivités locales. La compensation des transferts ne prend en effet pas en compte la croissance quantificative et qualitative de l'offre et la nécessité de renforcer les services de gestion et de contrôle, ces deux dépenses devant être financées sur l'autonomie de financement des collectivités. Pourriez-vous nous détailler quelles sont les intentions du gouvernement sur ce sujet ?
Si l'investissement des collectivités territoriales, qui représente 70 % de l'investissement public, a été maintenu en niveau, notamment grâce au dispositif exceptionnel de remboursement anticipé du fonds de compensation pour la TVA mis en oeuvre dans le cadre du plan de relance, des critiques se sont élevées sur l'exacte portée de ce dispositif, rendant plus que jamais nécessaire une meilleure évaluation de l'action de l'État en faveur des collectivités territoriales. Le Gouvernement a-t-il des projets pour permettre au contribuable et à l'électeur de mieux pouvoir juger de l'action de l'État au service des collectivités territoriales, et notamment de la pertinence des investissements réalisés en cofinancement ?
En ce qui concerne le moratoire sur l'adoption de nouvelles normes réglementaires imposées aux collectivités territoriales, annoncé le 20 mai dernier par le Président de la République et mis en oeuvre par une circulaire du Premier ministre du 6 juillet 2010, reste la question de l'examen du « stock » afin d'engager une révision générale de ses normes par la Commission consultative d'évaluation des normes. Comment le Gouvernement souhaite-t-il associer le Parlement, et en particulier notre Commission des Lois, à ce chantier ?
Enfin, dans un contexte de redressement des finances publiques, le projet de budget qui nous est soumis permettra globalement, au prix d'un effort important des collectivités territoriales, de reconduire cette année encore les concours financiers accordés par l'État aux collectivités locales, qui se voient ainsi contraintes de participer au retour à l'équilibre budgétaire global, tout en ne négligeant la solidarité entre les collectivités. C'est pourquoi j'inviterai tout à l'heure la Commission des lois à adopter les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » pour 2011. Je vous remercie.
Je vais essayer de ne pas parler fort, Monsieur le Président, car vous avez déclaré, à propos des départements, que ceux qui parlent le plus fort n'étaient pas forcément les plus malheureux, et je suis l'élu d'un département où les difficultés sont immenses, donc je devrais parler à voix basse.
À chaque fois que le Gouvernement présente les crédits destinés aux collectivités locales, le vocabulaire utilisé semble montrer que ceux-ci sont l'expression d'une générosité de l'État, qui octroierait des moyens de manière libérale ; dans les faits, il suffirait de donner aux collectivités une capacité fiscale pour qu'elles aient une capacité plus forte pour subvenir à leurs besoins de recettes. Le système en place depuis plusieurs années, et aggravé par le Gouvernement, fait que les collectivités n'ont plus de capacité fiscale, ce qui les met sous la tutelle financière de l'État.
Parlant des départements, Monsieur le ministre, vous avez parlé d'un niveau de collectivités dans une situation financière tendue : il s'agit d'un euphémisme, car les départements sont actuellement dans une situation grave. Les 102 présidents de conseils généraux, réunis la semaine dernière en Avignon, ont unanimement souligné, dans une résolution finale, la situation difficile qui met en danger l'avenir des départements. Cette analyse est partagée par les présidents des assemblées départementales de droite comme de gauche, face à une dégradation des finances départementales qui est la conséquence du dynamisme des allocations universelles de solidarité versées pour le compte de l'État par les départements. Ils en appellent à une recherche de remèdes durables dans l'urgence : parmi leurs propositions à court terme pour 2010 figure la mise en place d'un fonds exceptionnel d'urgence par une loi de finances rectificative. Je vous demande, Monsieur le ministre, quelle réponse le Gouvernement compte apporter à cette demande des 102 présidents de conseils généraux.
Au-delà, ils en appellent à la mise en place d'une réelle péréquation entre les territoires. Mais comme le rappelle le rapport Carrez-Thénault, le fonds de péréquation alimenté par les seuls droits de mutation sera insuffisant pour face aux charges sociales contraintes qui pèsent sur les budgets des départements. C'est pourquoi les présidents de conseils généraux proposent l'institutionnalisation de la conférence nationale des exécutifs, afin qu'elle devienne un lieu de dialogue et de négociation. Je voudrais aussi connaître votre position face à cette demande.
Enfin, vous avez lancé l'idée de la création d'une mission d'appui permettant aux conseils généraux de bénéficier des compétences et de l'expertise de l'Inspection générale des Finances, de l'Inspection générale de l'Administration et de l'Inspection générale des affaires sociales. C'est une bonne idée, mais plus que de hauts fonctionnaires constatant la bonne tenue des comptes et le manque de recettes de compensation de l'État, c'est d'espèces sonnantes et trébuchantes que les départements ont besoin. J'aurai voulu avoir plus d'ouverture de votre part en matière financière.
Comme notre collègue Bernard Derosier et le ministre l'ont déjà fait remarquer, les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » représentent peu par rapport à la totalité des crédits qui concernent les relations entre l'État et les collectivités. Il est utile de sortir de ces seuls 2,5 milliards d'euros de crédits pour s'inscrire dans un débat plus large, qui s'est ouvert avec la réforme des collectivités mais aussi avec la conférence sur les déficits publics du 20 mai dernier, qui ont fait l'objet d'un certain nombre d'annonces avant et sans doute après l'examen de ce budget.
Ma première interrogation concerne la fusion entre la dotation globale d'équipement (DGE) des communes et de la dotation de développement rural (DDR). À la suite des assises des territoires ruraux, il avait été préconisé la création d'une dotation unique d'aide aux investissements ; cependant, des inquiétudes portent sur son montant et ses modalités d'attribution. Vous avez annoncé, Monsieur le ministre, que son montant serait de 615 millions d'euros en 2011 ; or, selon les chiffres mentionnés dans le bleu budgétaire du projet de loi de finances pour 2010, 492 millions d'euros étaient attribués à la part communale de la DGE et 131 millions d'euros à la DDR, soit un total de 623 millions d'euros, ce qui fait une baisse de 8 millions d'euros en 2011. Dans le même temps, la nouvelle dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) verrait son champ d'action et les projets éligibles élargis, ce qui conduira mécaniquement à rendre l'accès à ce financement plus difficile.
Dans un second temps, j'ai entendu et lu à de nombreuses reprises dans la présentation de ce budget que les dépenses des collectivités territoriales, et en particulier du bloc communal, auraient augmenté de 40 % entre 1985 et 2010, hors transfert de compétence. Si on admet ce chiffre, j'aurais voulu qu'on nous précise quelle part de cette hausse relève de l'inflation, qui a été au moins égale à 1,8 ou 2 % par an sur cette période. Je souhaiterais que l'on nous apporte des éclaircissements sur ce calcul lors de l'examen en séance publique.
En troisième lieu, j'ai lu et entendu que le gel des dotations sur les trois prochaines années ne serait qu'un moindre mal, car l'augmentation moyenne annuelle des dotations de l'État aux collectivités territoriales aurait été de 2,3 % sur les dix ou quinze dernières années. J'aurai voulu savoir quelle part de cette hausse moyenne relève de la compensation des dégrèvements de fiscalité locale décidés par l'État, au bénéfice notamment des entreprises, et qui ont réduit d'autant les recettes fiscales des collectivités territoriales ; cela remet en perspective le gel demandé aux collectivités pour les trois années à venir. Car en 2010, sur les 99 milliards d'euros de concours aux collectivités, 21 milliards correspondent à des compensations et à des exonérations.
Je voulais aussi aborder deux points qui ne relèvent pas directement de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », mais qui font partie des dispositifs du budget à destination des collectivités. Le premier concerne les collectivités situées en zone rurale : l'article 65 du présent projet de loi de finances vient réduire les avantages accordés aux entreprises et aux employeurs installés en zone de revitalisation rurale, ce qui pourra s'avérer dramatique pour les entreprises intervenant dans le domaine médico-social, pour l'aide aux personnes âgées ou l'aide à domicile, en employant énormément de personnel. Je voudrais savoir si le Gouvernement envisage de revenir sur cette mesure, déjà annoncée dans le cadre de budgets précédents, mais sur laquelle à chaque fois le Gouvernement était revenu lors de l'examen des crédits correspondants.
Ma dernière inquiétude concerne le fait que le gel des dotations aux collectivités territoriales, qui va se traduire par une baisse des dotations et notamment de la DGF pour beaucoup d'entre elles, s'accompagne d'un gel ou d'une baisse d'autres dotations ou crédits d'intervention. Les efforts annoncés sur les dotations de solidarité urbaine apparaissent contradictoires avec la circulaire adressée le 17 décembre par le directeur général de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances qui informe les préfets et les acteurs de la politique de ville d'une baisse de 12 % des crédits d'intervention de l'État dans le cadre des contrats urbains de cohésion sociale : je ne voudrais pas que les éléments rassurants concernant la DSU soient en réalité contrariés par une baisse des financements qui participent à la politique de la ville sur ces territoires.
En écho et en réponse aux propos du rapporteur pour avis, nous ne donnerons pas un avis favorable sur les crédits de la mission, et plus généralement sur l'évolution de l'ensemble des concours de l'État aux collectivités territoriales. Comme l'a rappelé Bernard Derosier, il y a un certain nombre d'éléments inquiétants, notamment de baisse de dotations alors que les dépenses correspondantes sont dynamiques.
Mais nous ne voulons pas non plus faire l'économie d'un lien avec le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, et notamment son article 35, qui va aussi encadrer les financements, limiter l'intervention des régions et des départements au profit des projets d'envergure régionale ou départementale et interdire le cumul des subventions pour les communes de plus de 3 500 habitants. Il y a là un véritable système qui se met en place pour étrangler les collectivités territoriales, qui fait suite à l'absence de compensation intégrale des transferts liés à l'acte II de la décentralisation. Les collectivités territoriales sont soumises à l'effort de redressement budgétaire, traitées comme les coresponsables de l'état des finances publiques, alors que la dette des collectivités territoriales représente 10 % du total de la dette publique et est gagée par des investissements. Tout cela ne justifie pas l'austérité et parfois la brutalité avec lesquelles elles sont traitées en matière budgétaire.
Avant la réforme de la taxe professionnelle, les territoires disposaient d'un outil pour orienter leurs zones d'activité. L'on avait beaucoup parlé au moment de la réforme de la clause de revoyure, sur laquelle je souhaite poser plusieurs questions.
Est-il prévu que cette clause de revoyure permette de mettre en place un mécanisme de distribution, et, si oui, ce mécanisme de redistribution sera-t-il pérenne ? Cette clause de revoyure permettra-t-elle de garantir une redistribution au titre non seulement de la solidarité entre les territoires, mais aussi du dynamisme de ces territoires ? Enfin, sachant que la France a besoin de développer son industrie, est-il prévu de mettre en place un mécanisme incitatif pour le développement de l'industrie ?
Je souhaite revenir sur les contraintes financières vécues par les collectivités territoriales en raison de la réduction des dotations, de la pression imposée par les transferts non compensés et de la baisse du dynamisme de la taxe professionnelle. Il est également nécessaire d'insister sur les inégalités prégnantes entre les départements. Je citerai trois chiffres pour illustrer ces inégalités : dans le département du Tarn, les transferts non compensés s'élèvent à 20 millions d'euros, soit 13 à 15 points de fiscalité ; la perte de dynamisme de la taxe professionnelle aboutit à 3 points de fiscalité perdus pour l'année à venir ; le poids du réseau routier est également un facteur d'inégalité, si l'on compare les 4 000 kilomètres de routes départementales du Tarn aux 185 kilomètres de routes départementales des Hauts-de-Seine.
Aujourd'hui, l'analyse politique qui est faite de la situation des collectivités territoriales est clanique et provocatrice. Elle constitue une triple erreur. Erreur économique tout d'abord, car la politique menée vis-à-vis des collectivités territoriales tue l'investissement public dans les territoires : demain, les départements ne pourront plus construire de collèges, plus mener de travaux routiers, plus verser d'aides aux communes, ce qui constitue une perte de ressources considérable pour les entreprises – Petites et moyennes entreprises (PME), Très petites entreprises (TPE), artisans – de nos territoires. Erreur sociale ensuite, car elle signe la mort du tissu associatif dans les domaines sportif, culturel et caritatif. Erreur sociologique enfin, car la politique menée signe la mort de la solidarité et de la générosité, en créant une désertification des territoires ruraux et en multipliant les effets pervers de l'urbanisation à outrance.
Le hasard fait bien les choses, qui me fait m'exprimer après Jacques Valax. Aujourd'hui, je me réjouis du cumul des mandats, qui nous permet d'exprimer des avis circonstanciés et pertinents.
Je souhaite compléter les propos de M. Bernard Derosier sur l'avis exprimé par l'Assemblée des départements de France – à laquelle n'ont d'ailleurs participé ni M. Marleix, ni M. Hortefeux. Au-delà du constat unanime des 102 présidents de conseils généraux sur la situation critique des départements, beaucoup de présidents de conseils généraux ont estimé qu'il était sans doute nécessaire de s'orienter vers un financement national des allocations de solidarité nationale. Les départements peuvent gérer et verser localement, au plus près des bénéficiaires, le Revenu de solidarité active (RSA), l'Allocation personnalisée d'autonomie (APA) et la Prestation de compensation du handicap (PCH). Mais le financement de ces allocations de solidarité nationale ne peut pas continuer à être financé par des départements plus ou moins riches ou favorisés : ce financement doit être national et donc provenir de la CSG.
Sur la réforme territoriale, je considère qu'elle aurait pu constituer une grande réforme – pourquoi pas consensuelle ? – du quinquennat de Nicolas Sarkozy, mais qu'elle est une occasion manquée. Non seulement elle ne simplifiera pas le fonctionnement des collectivités territoriales, mais en plus elle passe à côté du problème des ressources des collectivités territoriales, ce que je regrette profondément.
J'ai d'abord un sujet de satisfaction : sur la péréquation verticale, je pense que l'on va dans le bon sens. Le fait que la DSU soit fléchée à hauteur de 77 millions d'euros sur les 250 communes les plus pauvres, ce qui était une demande de l'ensemble des associations représentatives, et le maintien de la Dotation de développement urbain (DDU) sont des éléments positifs.
S'agissant de la péréquation horizontale, en particulier au niveau du bloc communal, le projet de loi de finances pour 2011 prévoit de créer un nouveau fonds national en 2012, dont on commence aujourd'hui à connaître le contour. Je souhaiterais avoir des précisions sur la base sur laquelle reposera le calcul de ce fonds. Par ailleurs, l'article 63 comporte une grande nouveauté, consistant à affecter la péréquation au sein du bloc communal aux intercommunalités. Quelle redistribution est prévue auprès du bloc communal ? En effet, si les communes les plus pauvres n'ont plus accès à cette péréquation, elles ne seront plus en capacité de fonctionner.
Enfin, une réflexion sur l'avenir du Fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France – de fait disparu mais maintenu en 2011 grâce à un financement de l'État – est prévue par l'article 63. Quel est donc l'avenir envisagé pour ce Fonds, indispensable pour la péréquation et qui faisait l'unanimité ?
On ne peut dissocier l'examen du PLF pour 2011 de la réforme des collectivités territoriales et de la fiscalité. Le gel des dotations aux collectivités a été annoncé ; pour certaines d'entre elles, il s'agit en réalité d'une diminution. L'Association des maires de France (AMF) dénonce d'ailleurs la baisse de la DGF pour 30 000 communes. La motion adoptée par l'Assemblée des départements de France (ADF), à l'unanimité des 102 présidents de conseils généraux, constate que la situation des départements, l'augmentation très importante des dépenses sociales et l'absence d'impôt dynamique placent les départements dans une situation extrêmement difficile. Comment pouvez-vous, Monsieur le ministre, rester sourd aux demandes des présidents de conseils généraux ? Comment comptez-vous aider ces collectivités, qui assument des missions de solidarité importante en faveur de nos concitoyens qui sont dans les situations les plus défavorisées ? Contrairement à ce qui était annoncé, l'APA, la PCH, le RSA n'ont pas donné lieu à des compensations financières à l'euro près.
L'ensemble des mesures contenues dans le PLF pour 2011 ne permet plus de garantir les solidarités et crée des déséquilibres entre zones rurales et zones urbaines. La fusion de la DGE et de la DSR, qui entraînera une baisse des ressources pour les zones rurales, en est une illustration. Les communes seront dans l'obligation d'accomplir les mêmes missions avec moins de ressources.
Ensuite, s'agissant de la réforme de la taxe d'habitation, comment l'État compte-t-il compenser les pertes de ressources pour les communes qui appliqueront un abattement plus important que celui prévu antérieurement par les départements ? En réalité, cette mesure démontre l'improvisation de cette réforme et donne le sentiment que personne ne sait réellement comment le système actuel fonctionne et comment fonctionnera le futur système, sur lequel l'on n'a aucune perspective.
L'ensemble de ces éléments place les collectivités territoriales dans une situation de complète imprévisibilité, rendant extrêmement difficile l'élaboration des budgets.
Enfin, M. le ministre a abordé le problème des IFER. Ceux-ci ont été créés pour permettre à certaines grandes entreprises de réseaux d'énergie, de télécommunications ou de transports de ne pas devenir les grandes gagnantes du système. Mais en réalité, avec la réforme, ces entreprises paient plus d'IFER que de TP : les départements et les régions qui auraient besoin de cette compensation n'en bénéficient pas, la traçabilité de la répartition effectuée n'existant pas. Pour prendre l'exemple de mon département et de la centrale nucléaire qui y est implantée, la réforme a fait disparaître le lien entre le territoire, les élus et les grandes entreprises.
Aujourd'hui, la collectivité départementale de Mayotte et ses communes bénéficient de la dotation globale de fonctionnement, mais celle-ci est calculée et attribuée selon des modalités différentes de celles mises en oeuvre pour les départements et communes de métropole. Mayotte deviendra un département en 2011. Est-il prévu d'aligner le mode de calcul de la DGF à Mayotte sur celui applicable en métropole ?
Je vous répondrai en premier, Monsieur le Président, sur les démarches que certains départements auraient menées pour décaler le versement des DMTO de novembre et décembre sur l'année suivante. Tout d'abord, je ne suis pas sûr de l'intérêt de cette opération pour eux car le mécanisme des péréquations repose sur la croissance des DMTO d'une année sur l'autre : cette opération ne ferait donc qu'augmenter le produit fiscal de l'année 2011. Par ailleurs, je vais me rapprocher du ministre chargé des comptes publics pour que la parfaite sincérité de la comptabilisation des DMTO soit assurée.
M. le Rapporteur, sur ce que vous avez appelé la relance de la péréquation au niveau communal, l'objectif du Gouvernement est de disposer, grâce à l'article 63, d'une feuille de route suffisamment claire pour établir un dispositif de péréquation horizontale à l'horizon 2012. D'ici là le calendrier est le suivant : en 2011 les FDPTP et le FSRIF sont reconduits et nous établissons les simulations nécessaires à la péréquation horizontale. En 2012, un potentiel fiscal entièrement rénové et le nouveau dispositif de péréquation seront établis. Progressivement, en plusieurs années, nous tendrons vers un objectif de redistribution des ressources.
Sur la répartition de la CVAE et de ses ressources liées aux IFER, l'objectif du critère de surface est de mieux répartir le produit de la CVAE sur nos territoires. Par ailleurs, sur les IFER, au-delà des revalorisations liées aux éoliennes, je laisserai ma collègue Christine Lagarde vous préciser ce qu'elle entend par ajustement. Pour ma part, je considère qu'une part prépondérante de l'IFER doit revenir au bloc communal.
Concernant la réforme des valeurs locatives cadastrales, je vous confirme que cette réforme sera introduite dans la loi de finances rectificative pour 2010. Dans cette perspective, le ministre du budget a engagé une concertation le 1er juillet dernier avec les commissions des finances des deux assemblées, les grandes associations d'élus et les fédérations représentant les entreprises. La révision commencera par les locaux commerciaux.
Sur la situation financière des départements, le Gouvernement est très attentif à cette question. J'ai écrit personnellement aux présidents de conseils généraux pour leur rappeler un certain nombre d'engagements et si je n'ai pas pu être présent à leur congrès annuel, c'est uniquement pour des raisons de santé ! Deux groupes de travail seront lancés pour étudier les pistes de mutualisations et d'économies, d'amélioration de l'organisation des conseils généraux, dans la suite du rapport Jamet, et le Gouvernement a proposé à l'ADF de coprésider ces groupes de travail.
En outre, une mission d'appui chargée d'aider les départements en situation d'urgence financière est mise en place : les départements qui s'estimeraient en situation de grande difficulté pourront ainsi s'engager dans un contrat de stabilité grâce auquel ils pourront recevoir une avance, voire une dotation, en échange d'un programme de stabilisation de leurs dépenses. Quatre départements se sont engagés dans cette voie, de droite comme de gauche, même si je ne peux pas encore les nommer, pour des raisons de confidentialité. Mais le contrôle a posteriori pourra s'exercer, notamment devant votre commission.
La réforme de la prise en charge de la dépendance sera lancée d'ici la fin de l'année, cela sera le grand chantier de l'année 2011.
Un effort particulier sera consacré à la péréquation, au moyen de la DGF et de nouveaux dispositifs assis sur les DMTO dès l'an prochain. Vous verrez que l'on arrivera à faire une véritable péréquation avec une incidence financière conséquente. Nous pourrons aussi effectuer une péréquation assise sur la croissance de la CVAE dès 2012. Au total, la péréquation va donc considérablement se développer et bénéficier aux départements les plus pauvres et les plus en difficulté.
Sur la question des normes, nous avons mis en place un moratoire applicable depuis le mois de juillet, qui a permis de ralentir le flux de textes soumis à la commission consultative d'évaluation des normes. En outre, nous avons demandé aux associations d'élus de nous faire des propositions de domaines dans lesquels les normes seraient jugées trop contraignantes ou trop coûteuses.
En ce qui concerne les critères de bonne gestion, la réflexion doit se poursuivre. L'idée de stabiliser en valeur les concours financiers de l'État est indirectement une réponse à cet objectif. Mais sur les critères permettant de juger l'opportunité de tel ou tel investissement, je me garderai bien de remettre en cause le principe de libre administration des collectivités territoriales.
À M. Derosier, je voudrai dire qu'in fine c'est toujours le même contribuable qui paye l'impôt et nous sommes collectivement responsables des prélèvements publics que nous décidons !
Sur l'autonomie fiscale des collectivités territoriales, il faut regarder la situation de nos voisins européens pour se rendre compte que la France est l'un des pays européens où l'autonomie fiscale est la plus importante. C'est un fait avéré !
Concernant la conférence nationale des exécutifs, que nous avons mise en place, après l'avoir critiquée, vous voulez l'institutionnaliser…
Je prends acte de cette demande qui a été également faite par l'AMF. Cette question devra être prochainement examinée par le Premier ministre.
M. Olivier Dussopt m'a interrogé sur une prétendue baisse de la DETR de 8 millions d'euros en 2011 par rapport à l'addition des crédits de la DDR et de la DGE des communes en 2010. En réalité, le chiffre inscrit dans la loi de finances pour 2010 était bien 615 millions d'euros, à la suite d'un amendement qui avait reconduit les dotations au niveau de 2009. C'est donc ce chiffre qui a été retenu pour la DETR. S'agissant des conditions d'éligibilité à cette dotation, les critères vont en être simplifiés, ils seront fondés sur la population et la richesse fiscale des communes et EPCI à fiscalité propre, déjà en vigueur dans l'un ou l'autre des deux dispositifs fusionnés. Au total, la fusion des deux dispositifs devrait se traduire par une légère augmentation du nombre de communes éligibles. D'après nos simulations, en 2011, 35 627 communes seront éligibles à la DETR contre 35 541 actuellement pour la DGE et 34 394 à la DDR. Pour les EPCI, les chiffres sont de 2309 pour la future DETR, contre 2305 éligibles à la DGE et 2339 à la DDR. Je vous annonce par ailleurs qu'Annonay sera éligible à la DETR.
S'agissant des projets éligibles, leur champ sera élargi, conformément aux besoins exprimés à l'occasion des assises des territoires ruraux : les projets intervenants dans les domaines économique, social, environnemental, touristique, ainsi que favorisant le développement ou le maintien des services publics en milieu rural seront donc éligibles. Un encadrement sera néanmoins prévu pour les dépenses de fonctionnement courant, selon des modalités précisées par un décret qui est en cours de préparation.
Vous avez raison, Mme Joissains-Masini, l'industrie est le grand bénéficiaire de la réforme de la TP. Les entreprises françaises ont économisé 5 milliards d'euros, ce qui est important pour leur compétitivité. Je suis d'accord avec vous pour qu'il y ait une incitation aux implantations d'activité, notamment industrielles. C'est pourquoi les communes et les EPCI doivent conserver un « panier » d'impôts économiques qui soient incitatifs, comme la cotisation foncière, la cotisation sur la valeur ajoutée, l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau, la taxe sur les surfaces commerciales… Or, cette fiscalité qui permet de maintenir un lien entre activité économique et développement de nos territoires n'est pas menacée.
M. Valax a fait un tableau très sombre de la situation de certains départements et a demandé un développement de la péréquation horizontale que nous mettons justement en place dans ce projet de loi de finances ! Quant à la capacité des départements de construire des collèges, j'ai entendu les dirigeants de certains départements, en Île-de-France notamment, fortement protester à propos de leur situation financière, tout en dégageant 700 millions d'euros d'investissement pour les collèges ! Ce qui a d'ailleurs fait hurler leurs alliés au sein de la majorité du Conseil général…
M. Pupponi, je prends acte de votre satisfaction sur le financement de l'État lié à la péréquation pour les communes les plus défavorisées et je vous en remercie. L'article 63 a pour objectif de créer un débat, auquel je me réjouis que vous vouliez participer. Je précise que les intercommunalités n'ont pas vocation à conserver les dotations attribuées, mais à les distribuer afin de constituer, à leur niveau, un espace de solidarité. Je suis d'ailleurs prêt à ce que nous précisions ensemble ces modalités de redistribution : mes services sont à votre disposition pour en parler concrètement.
Il n'est pas exact, Mme Pinel, de dire que 30 000 communes ont vu leur DGF baisser en 2010. En réalité, 15 000 communes sont concernées, principalement en raison de l'écrêtement du complément de garantie. J'ai d'ailleurs proposé que cet écrêtement soit modulé en fonction du potentiel fiscal, ce qui ne concernera alors plus que 7 000 communes. De plus, l'amendement Carrez, voté en première partie, va permettre de redéployer des crédits en faveur de la DGF. En tout état de cause, je serais ouvert à d'éventuels correctifs si vous nous signaliez des situations particulières n'entrant pas dans ce cadre.
M. Aly, compte tenu de la technicité de votre question, je préfère demander à mes services de vous adresser dans les plus brefs délais une réponse précise.
Suivant l'avis de son rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » pour 2011.
La séance est levée à 13 heures.