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Intervention de Alain Marleix

Réunion du 27 octobre 2010 à 11h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Alain Marleix, secrétaire d'état chargé de l'intérieur et des collectivités territoriales :

Comme l'an dernier, je voudrais insister sur la particularité de l'examen des crédits et des articles rattachés à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (RCT). Cette mission ne retrace en effet qu'une toute petite partie de l'effort financier de l'État en faveur des collectivités territoriales, qui figure majoritairement dans la première partie de la loi de finances, examinée la semaine dernière par votre Assemblée. C'est aussi le cas d'une réforme importante, qui intervient cette année, celle des amendes de police.

La mission RCT « pèse » à peine 2,5 milliards d'euros, quand les seuls prélèvements sur les recettes de l'État au profit des collectivités territoriales, qui figurent à l'article 27 de la loi de finances, atteignent eux 55,3 milliards d'euros. L'effort global, incluant les dégrèvements législatifs d'impôts locaux et la fiscalité transférée, atteint quant à lui 99 milliards d'euros.

J'articulerai mon intervention autour de trois points : j'aborderai en premier lieu la « clause de rendez-vous » de la réforme de la taxe professionnelle (TP) sur les collectivités territoriales, puis la mise en oeuvre du gel des concours financiers et la poursuite de l'effort de péréquation et, enfin, l'examen des crédits de la mission proprement dits.

Mon premier point a trait à la clause de rendez-vous de la taxe professionnelle. Conformément à notre engagement, nous avons concrétisé cette clause qui était une attente forte des parlementaires et des élus locaux dans ce projet de loi de finances pour 2011. Comme l'an dernier, j'en profite pour réaffirmer que les collectivités territoriales bénéficieront de la garantie sur le niveau comme sur le dynamisme de leurs ressources financières. Au-delà de leurs nouvelles ressources fiscales, les collectivités territoriales verront leurs recettes complétées, le cas échéant, par la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et ajustées par un prélèvement ou un écrêtement au titre du fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR).

Je rappelle aussi que je me suis mobilisé, permettez-moi d'insister sur ce point, pour que soit réglée la question très délicate du transfert de la taxe d'habitation au niveau communal. En effet, l'existence d'abattements départementaux de taxe d'habitation venait compliquer ce transfert dans certains cas. En lien avec Brice Hortefeux, Christine Lagarde et François Baroin, nous déposerons un amendement qui neutralisera les effets de la réforme pour les ménages.

Cet ajustement complétera ceux qui sont prévus aux articles 59 et 60, dont certains amélioreront encore le lien entre activités économiques et territoires : en particulier, le tarif de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER) éolien passera de 2,913 euros à 5 euros le kilowatt de puissance installée, répondant à une attente forte des élus locaux concernés par le développement de cette nouvelle source d'énergie.

Ensuite, la péréquation horizontale sera considérablement développée ; c'était je crois, un voeu unanime. Le Gouvernement partage les conclusions du rapport des six parlementaires en mission sur la taxe professionnelle, parmi lesquels les députés Olivier Carré, Marc Laffineur et Michel Diefenbacher, en matière de péréquation sur la croissance de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). L'article 62 du projet de loi de finances introduit donc un mécanisme « sur flux cumulés » pour les régions et les départements, qui sera progressivement alimenté par la croissance de cette nouvelle ressource au fil des ans.

Nous proposons aussi de revoir le mécanisme sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), introduit l'an dernier par votre collègue Marc Laffineur. Je sais que ce mécanisme suscite beaucoup de questions : quel niveau de redistribution faut-il envisager pour une catégorie de collectivités en proie à une situation financière objectivement tendue ? Quel risque de volatilité faut-il accepter pour que le mécanisme ait à la fois un effet redistributif puissant en période de croissance, mais peut-être aussi un effet contra-cyclique en période de « basses eaux » ? Quel équilibre faut-il trouver, dans le calcul des contributions, entre la croissance des DMTO d'une part, et leur niveau par habitant, d'autre part ? Pour ma part, je suis favorable à un système offrant un minimum de stabilité et de prévisibilité des ressources redistribuées qui s'inscrive dans une certaine pérennité – c'est important pour la bonne gouvernance de nos collectivités –, ce qui milite en faveur d'une référence assise sur une moyenne de référence. C'est l'objet de l'article 61 du projet de loi de finances. Le débat sur ce sujet a vocation à se poursuivre devant votre assemblée et je ne doute pas que nous trouvions, ensemble, un dispositif équilibré sur la base des propositions des uns et des autres.

S'agissant de la péréquation au niveau communal, la loi de finances doit aussi permettre un débat sur l'instauration, dès 2012, d'un nouveau dispositif de péréquation des ressources communales et intercommunales, selon les modalités décrites à l'article 63.

Le Gouvernement souhaite que ce débat nous permette, collectivement, de disposer d'une « feuille de route » pour les travaux que nous aurons à conduire en 2011, en étroite concertation avec le comité des finances locales.

Enfin, compte tenu des évolutions des ressources des collectivités territoriales, nous avons dû adapter les instruments de mesure des écarts de richesse aux nouvelles ressources fiscales des collectivités territoriales. Cette mesure, qui fait l'objet de l'article 86, est indispensable pour la répartition des dotations de péréquation. À cet égard, il convenait de ne pas perturber trop gravement cette répartition au moment où nous devons à la fois mettre en place les nouvelles ressources fiscales des collectivités territoriales et mettre en oeuvre le gel des dotations de l'État. C'est pourquoi j'ai proposé de conserver en 2011, pour la part de potentiel financier assise sur la seule taxe professionnelle, les données utilisées pour le calcul du potentiel financier 2010, c'est-à-dire en fait les données de 2009. Naturellement, l'an prochain – et c'est un gros travail qui attend la Direction générale des collectivités locales (DGCL) - un nouveau potentiel financier prendra en compte les nouvelles ressources fiscales des collectivités territoriales.

Je vous précise enfin que le potentiel fiscal des intercommunalités sera à présent consolidé avec celui des communes. C'est une mesure pleinement cohérente avec l'objectif de couverture du territoire par des intercommunalités à fiscalité propre ; c'est aussi un moyen de mieux mesurer la richesse effective d'un territoire donné.

J'aborde maintenant mon deuxième thème : le maintien en valeur, pour la période du budget triennal 2011-2013, des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales.

Comme vous le savez, la décision de stabiliser les concours financiers de l'État aux collectivités a été prise lors de la deuxième conférence des déficits publics, s'inscrivant dans la suite des conclusions du rapport présenté par le président du comité des finances locales, votre collègue Gilles Carrez, et le préfet Michel Thénault. Cette évolution ne vise assurément pas à stigmatiser les collectivités territoriales qui se sont mobilisées aux côtés de l'État au plus fort de la crise. Je rappelle qu'avec le plan de relance, 19 500 collectivités ont accepté de maintenir leur niveau d'investissement l'an dernier, je veux les en remercier. Et près de 2 900 collectivités supplémentaires ont procédé de même cette année.

La raison d'être de cette décision est l'association des collectivités territoriales à l'effort de maîtrise des finances publiques que nous devons mener en cette période de sortie de crise et qui concerne la sphère publique dans son ensemble.

Il suffit de rappeler le montant de ce qu'il est convenu d'appeler « l'effort financier de l'État » en faveur des collectivités territoriales – soit 99 milliards d'euros ou, en mettant de côté la fiscalité transférée en compensation des transferts de compétences, 77 milliards d'euros –, pour s'en convaincre. Je souligne d'ailleurs que ce gel n'est ni plus ni moins que l'application de la règle que l'État impose à l'ensemble de ses dépenses : l'association des collectivités à la maîtrise des déficits n'en fait pas pour autant, comme on l'entend parfois dire, une « variable d'ajustement ».

Ce gel, qui porte sur une enveloppe de 50,4 milliards d'euros, appelle quelques observations :

— La stabilisation des concours financiers de l'État ne va pas concerner toutes les dotations. Tout d'abord, suivant la préconisation de MM. Carrez et Thénault, le Fonds de compensation de la TVA (FCTVA) n'est pas inclus dans le périmètre du gel. Les dotations aux collectivités territoriales ne seront donc pas pénalisées par la croissance des investissements que celles-ci pourraient mener. Les amendes de police, compte tenu de la réforme que j'ai évoquée au début de mon propos, « sortent » également du périmètre du gel.

— Les effets de la réforme de la taxe professionnelle, et notamment la création de la nouvelle dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP), ne pèseront pas sur les autres concours financiers de l'État.

— Pour que ce gel soit acceptable, nous avons veillé à ce qu'il puisse préserver le développement de la péréquation.

Ainsi, j'ai souhaité que, dans le texte même de la loi de finances – à l'article 81 –, figurent les augmentations allouées à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et à la dotation de solidarité rurale (DSR) : la première augmentera de 77 millions d'euros tandis que la seconde augmentera de 50 millions d'euros, soit une augmentation de 6,2% pour chacune de ces deux dotations.

Certains d'entre vous objecteront que ces augmentations sont gagées sur des diminutions d'autres dotations, comme le complément de garantie des communes ou la dotation de compensation de la part salaires de la TP. À cet égard, je vous signale que Gilles Carrez a fait adopter vendredi soir un amendement, avec l'accord du Gouvernement, qui modifie le périmètre de l'enveloppe soumise au gel, afin d'y intégrer la dotation de compensation des pertes de base de TP. C'est important, je voulais le souligner. Comme elle devait diminuer mécaniquement l'an prochain, cette intégration permettra de réallouer quelque 149 millions d'euros supplémentaires, qui viendront soulager la baisse initialement envisagée de certaines composantes de la Dotation globale de fonctionnement (DGF). Il y aura d'ailleurs certainement lieu de revoir les modalités d'indexation de la dotation forfaitaire prévue à l'article 80.

S'agissant du complément de garantie, j'ajoute que nous proposons de l'écrêter non pas de manière uniforme comme les années précédentes, mais en fonction du potentiel fiscal des communes. C'est une vraie mesure de justice et de redistribution, particulièrement protectrice des petites communes : ainsi, le complément de garantie des 19 000 communes de moins de 500 habitants ne baisserait en moyenne que de 0,27 %, et seulement 8 % d'entre elles seraient contributrices. Vous le voyez, de nombreuses mesures accompagnent la mise en oeuvre de ce gel.

J'en viens enfin à mon troisième point, l'examen proprement dit des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Cette mission représentera 2,559 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et 2,513 milliards d'euros de crédits de paiement en 2011. La plupart des crédits qui relèvent de cette mission sont concernés par le gel des concours financiers aux collectivités territoriales.

Je souhaiterais toutefois insister sur quelques évolutions :

— Tout d'abord, en étroite concertation avec le ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, j'ai lancé la fusion de la dotation globale d'équipement et de la dotation de développement rural, pour créer une nouvelle dotation d'équipement des territoires ruraux (c'est article 82 du PLF) qui sera dotée de 615 millions d'euros. Cela permettra d'améliorer et de simplifier la gestion de ces crédits déconcentrés au niveau des préfectures, et d'élargir le champ des projets éligibles.

— Par ailleurs, quelques dotations vont connaître un abondement destiné à répondre à des besoins spécifiques. C'est le cas de la dotation spéciale de construction et d'équipement des établissements scolaires de Mayotte (article 79) ou encore du fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial de nos armées (article 83), qui progressent respectivement de 5 et de 10 millions d'euros.

— Parallèlement, la dotation de développement urbain – je m'adresse particulièrement à M. Pupponi – est reconduite non seulement en 2011, mais sur l'ensemble de la période triennale 2011-2013. L'État continuera ainsi d'apporter son soutien aux projets d'investissement ou d'actions dans le domaine économique et social des communes les plus défavorisées.

Vous le voyez, cette loi de finances est le fruit d'un équilibre entre la nécessité d'assainir nos finances publiques et la poursuite des efforts en faveur des territoires défavorisés. Elle aussi le résultat d'un dialogue constant avec votre rapporteur général du budget, avec le comité des finances locales et avec votre rapporteur pour avis.

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