Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Séance du 14 septembre 2010 à 11h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • PIB
  • trésorerie

La séance

Source

La Commission entend M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, sur un rapport demandé à la Cour des comptes, en application de l'article 58-2° de la LOLF, relatif au plan de relance.

PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Mes chers collègues, je vous informe que nous avons reçu, en application de l'article 12 de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, douze projets de décret portant transfert et annulation de crédits. Ces documents sont à votre disposition, dans cette salle et au secrétariat. Je me suis d'ailleurs permis de transmettre, pour information, un certain nombre de ces décrets à des collègues plus particulièrement concernés, comme Michel Bouvard, à propos des transferts de crédits très élevés liés aux difficultés d'application du système Chorus.

Nous allons entendre maintenant M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, à propos d'un rapport relatif à la mise en oeuvre du plan de relance de l'économie française, demandé par notre commission en application de l'article 58-2° de la LOLF et sur la suggestion de d'Arlette Grosskost, en sa qualité de rapporteure spéciale des crédits du plan de relance de l'économie française.

Le volet « recettes » de ce plan a été inscrit dans la deuxième loi de finances rectificative pour 2008 et son volet dépenses dans la première loi de finances rectificative pour 2009 du 4 février 2009, sous la forme d'une mission spécifique et temporaire « Plan de relance de l'économie », créée pour deux années, 2009 et 2010, un ministre ayant été nommé afin d'en assurer la mise en oeuvre.

Les dépenses du plan de relance sont censées correspondre à des mesures exceptionnelles pendant deux ans, ce qui a justifié leur non-prise en compte dans la norme de dépense. Mais, dans la réalité, il semble que certains de ces crédits aient remplacé des crédits qui auraient trouvé leur place dans le périmètre de la norme de dépense ; par ailleurs, d'autres crédits semblent avoir vocation à être reconduits au-delà de 2010 et n'auraient donc pas dû échapper non plus à cette norme. Quel serait l'impact d'une requalification de ces dépenses sur la norme de dépense 2009 et 2010 ? Cette question prend d'autant plus de relief que le coût du plan de relance, initialement chiffré à 26 milliards d'euros, s'est en réalité élevé à 35 milliards.

Les mesures fiscales du plan ne semblent pas avoir été correctement évaluées, car les prévisions ont été largement dépassées : en 2009, leur coût s'est établi à 16,7 milliards d'euros pour une prévision de 10,5 milliards, soit un dépassement de 59 %. S'il ne s'agit pas de dépenses fiscales au sens d'exonérations mais de remboursements anticipés, force est de constater, une nouvelle fois, combien il est difficile d'évaluer et impossible de maîtriser les effets de telles mesures de guichet, souvent préférées, malheureusement, aux crédits budgétaires.

Les entreprises publiques devaient consentir un effort de l'ordre de 4 milliards d'euros dans le cadre du plan de relance. Or, d'après votre rapport, un quart seulement de ce montant aurait été atteint. Les entreprises publiques, que vous avez certainement dû solliciter à ce sujet, vous ont-elles donné des informations satisfaisantes ?

PermalienPhoto de Didier Migaud

Pour présenter le rapport de la Cour des comptes relatif à la mise en oeuvre du plan de relance, je suis accompagné de M. Christian Babusiaux, président de la première chambre, ainsi que de magistrats qui ont participé à sa préparation.

Ce rapport, demandé par votre commission le 2 décembre 2009, lui a été remis le 21 juillet, dans le respect du délai de huit mois prévu à l'article 58-2° de la LOLF. Le résultat des investigations menées par les rapporteurs a été, selon nos procédures habituelles, largement soumis à la contradiction : le ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance et les ministères financiers, mais aussi l'ensemble des autres ministères, des organismes et des entreprises concernées ont pu présenter leurs observations. Le rapport remis est issu de ce travail, patient et exhaustif, pour lequel je remercie les rapporteurs.

La Cour a examiné de manière approfondie l'exécution du plan en matière budgétaire et fiscale, l'incidence du dispositif du Fonds de compensation de la TVA – le FCTVA –, ainsi que la contribution des grandes entreprises publiques ou encore le pilotage du plan. Elle s'est aussi servi des travaux réalisés dans d'autres cadres : Fonds stratégique d'investissement – FSI –, Caisse des dépôts et consignations – CDC –, Fonds d'épargne.

Le plan a été annoncé par le Président de la République, à Douai, le 4 décembre 2008, avant d'être repris et détaillé dans l'exposé général des motifs du projet de loi de finances rectificative daté du 19 décembre 2008. Trois objectifs lui étaient assignés quand il a été annoncé : intervenir rapidement et au bon moment pour soutenir l'activité et limiter les défaillances d'entreprises ; être temporaire ; être bien ciblé.

Sur le premier point, la rapidité, le plan a permis de limiter la baisse de l'activité en 2009 et son impact a été plus important que prévu en 2010.

Sur le deuxième point, le caractère temporaire, le plan est limité aux années 2009 et 2010, et, pour l'essentiel, son impact s'est ajouté à celui du budget courant, mais la Cour a mis en évidence quelques cas de pérennisation de mesures.

Sur le dernier point, la cible retenue, le plan français a été concentré davantage que dans les autres pays sur l'investissement et l'aide à la trésorerie des entreprises – centrage sur l'investissement pour son impact attendu sur l'activité ; aide à la trésorerie, via les mesures fiscales, pour limiter les disparitions d'entreprises dans une période d'effondrement de la demande.

Au total, 26 milliards d'euros ont été annoncés pour soutenir l'activité et l'emploi : 11,6 milliards de soutien à la trésorerie des entreprises, notamment par le biais de mesures fiscales prises dans le collectif budgétaire ; 10,5 milliards d'euros d'investissements publics, partagés entre l'État pour 4 milliards, les entreprises publiques pour 4 milliards et les collectivités locales, à travers le FCTVA, pour 2,5 milliards ; 2 milliards d'euros en faveur de secteurs particulièrement exposés aux effets de la crise économique, comme le logement et l'automobile ; enfin, 2 milliards d'euros pour les mesures de soutien à l'emploi et au revenu des ménages les plus modestes.

Ce périmètre de départ a ensuite été étendu par le pacte automobile de début 2009 et par les mesures décidées lors du sommet social de février. En outre, certaines mesures initialement prévues pour la seule année 2009 ont finalement été prolongées en 2010. L'effort global est en conséquence passé à 34 milliards d'euros pour 2009 et 2010. D'autres acteurs, en particulier la Caisse des dépôts et consignations, qui n'avaient pas été évoqués lors du discours de décembre, sont en outre intervenus pour des montants très substantiels.

Enfin, en dehors du plan de relance, d'autres mesures ont pu contribuer, à la marge, à soutenir la croissance, comme la suppression de l'imposition forfaitaire annuelle des sociétés ou encore le revenu de solidarité active. L'un des objectifs mis en avant pour la suppression de la baisse de la TVA sur la restauration a aussi été de contribuer à la relance.

L'approche privilégiée par la Cour a consisté à examiner l'ensemble des composantes budgétaires et fiscales du plan de relance, tel qu'annoncé à Douai puis complété au premier semestre 2009. Mais nous avons aussi pris en compte les leviers d'intervention qui sont venus compléter directement les moyens budgétaires et fiscaux dégagés par l'État. En revanche, les considérations liées au poids global des dépenses de crise et des stabilisateurs automatiques dans les finances publiques n'ont pas fait l'objet d'observations, la Cour ayant examiné ces questions dans le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, publié à la fin du mois de juin dernier.

L'éventail des moyens mobilisés par l'État est large. La nature différente des mesures choisies rend leur consolidation et leur chiffrage total sujets à précautions. On peut toutefois distinguer : des dépenses budgétaires, voulues exceptionnelles et temporaires, singularisées dans une mission budgétaire créée à cet effet pour les deux exercices d'application du plan de relance, dépenses ciblées sur des actions de soutien à l'investissement public, des mesures en faveur de l'activité économique et de l'emploi, et des aides en faveur du logement et de la solidarité ; des dispositions fiscales spécifiques, destinées à venir en aide aux entreprises et à certains ménages ; un effort budgétaire important en direction des collectivités locales, via le FCTVA, pour les inciter à contribuer à l'effort d'investissement public.

En raison de la situation déficitaire du budget de l'État, ces mesures fiscales et budgétaires ont été intégralement financées par un accroissement de la dette publique. Les mesures nouvelles comprennent aussi un appel aux contributions de plusieurs entreprises publiques – sous la forme d'une augmentation de leurs investissements sur les deux années du plan de relance – des mesures sectorielles de soutien, ainsi que des prêts et garanties d'emprunts.

La moitié environ de l'effort de relance passe donc par l'investissement, qu'il soit public ou privé ; c'est l'une des particularités du plan français.

Comparé à ceux mis en place dans les principaux pays développés, le montant du plan de relance français est dans la moyenne, mais avec quelques caractéristiques notables : les mesures de trésorerie ont été plus importantes qu'ailleurs ; une grande place a été faite à l'investissement ; il a été voulu très concentré sur 2009.

Une autre spécificité nationale a permis d'amortir le choc de la crise en France : l'importance des stabilisateurs automatiques, bien plus grande que dans d'autres pays. Le Fonds monétaire international – FMI – évalue la contribution positive de ces stabilisateurs à 0,6 point de PIB en 2008 et 1,9 point en 2009, contre une moyenne de respectivement 0,3 point et 1,2 point dans les pays du G20. L'effet combiné des stabilisateurs a conduit, sur deux ans, à un avantage d'environ 1 point de PIB en France, limitant la baisse du PIB à 2,5 % en 2009 alors qu'elle a été de 4,2 % pour l'ensemble de la zone euro et d'environ 5 % en Allemagne, en Italie et au Royaume-Uni.

Notre rapport examine aussi dans le détail l'exécution du plan de relance. L'analyse du coût du plan a été menée en tenant bien compte des évolutions du périmètre au gré des annonces faites en 2008 et 2009, ainsi que des réalisations correspondantes.

Le tableau de la page 60 est une synthèse exhaustive. Pour 2009, il présente le coût annoncé du plan dans le périmètre retenu par la Cour en le comparant au coût constaté, et, pour 2010, le coût encore estimé.

Pour 2009, nous constatons : 9,6 milliards d'euros de crédits de paiement ouverts et 7,3 milliards consommés, hors prise en compte des crédits attribués au FSI ; 16,3 milliards d'euros pour les mesures fiscales, contre 11,6 milliards de coût annoncé et même seulement 10,3 milliards dans le discours de Douai ; 3,9 milliards d'euros pour le FCTVA, contre une prévision de 2,5 milliards ; 1,1 milliard d'euros de contributions des entreprises publiques, alors que, fin 2008, 4,1 milliards étaient annoncés. Le coût du volet budgétaire et fiscal est donc de l'ordre de 29 milliards pour le seul exercice 2009.

Pour 2010, 4,1 milliards d'euros de crédits de paiement ont été ouverts et les mesures fiscales représenteraient encore 1,2 milliard, soit un coût budgétaire et fiscal attendu de 5,3 milliards.

Au total, pour 2009 et 2010, le coût budgétaire et fiscal du plan de relance est donc de l'ordre de 34 milliards d'euros.

Une caractéristique transparaît clairement de ces chiffres : le poids des mesures fiscales. Comme la Cour l'a déjà signalé dans son rapport de mai 2010 sur les résultats et la gestion budgétaire de l'État pour 2009 ainsi que dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2010, les mesures fiscales ont été la composante la plus coûteuse du plan : 56,7 % en 2009, 70 % en comptant le FCTVA.

Pour bien analyser les phases du plan, il convient de distinguer trois niveaux dans l'exécution.

Le premier est celui des ouvertures d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement – AE et CP. Au moment de la mise en place du plan de relance, l'effort budgétaire devait être massivement concentré sur l'année 2009, avec l'ouverture de 100 % des AE et de 87 % des CP prévus sur les deux exercices. En fait, plusieurs changements et ajouts, notamment le volet social concrétisé dans la loi de finances rectificative d'avril 2009 ou la prorogation de certaines mesures au-delà de 2009, ont conduit à un rééquilibrage des ouvertures de crédits entre 2009 et 2010, les CP ouverts en 2009 représentant in fine 75 % du total.

Ensuite, au niveau de l'exécution globale des dépenses 2009 de la mission, 95,8 % des AE ouvertes ont été utilisées et 92,2 % des CP ouverts ont été consommés. Ces chiffres d'exécution, au niveau de la mission elle-même, ne donnent cependant pas une information suffisante sur l'effectivité des dépenses : une grande partie des crédits ont ensuite transité par d'autres programmes ou par des opérateurs ; c'est au sein de ces programmes et chez ces opérateurs que le véritable taux d'exécution du plan peut s'apprécier. À ce propos, comme le rapport l'illustre abondamment, avec de nombreux encadrés et exemples, l'exécution des dépenses a été très variable selon les secteurs.

L'exécution globale des dépenses 2009 a été de l'ordre de 67 % en CP au niveau opérationnel des programmes ministériels et opérateurs destinataires de crédits en provenance de la mission « Plan de relance de l'économie». En enlevant le Fonds stratégique d'investissement de ces calculs, on obtient un taux d'exécution global en 2009 de 76 % des crédits ouverts en CP.

Dans le projet initial, l'année 2009 devait représenter, en CP, 75 % de l'effort global de relance. En pratique, l'utilisation de certains crédits ouverts en 2009 a été décalée en 2010 et des crédits supplémentaires ont été ouverts en 2010. En définitive, 50,7 % seulement des CP ouverts sur les deux années ont été consommés en 2009, soit 8,5 milliards d'euros.

L'exercice 2010, qui devait au départ correspondre à un quart du volet budgétaire du plan de relance, a de ce fait une place beaucoup plus importante que prévu, plus adaptée à l'évolution réelle de la conjoncture que la concentration massive sur 2009 envisagée au départ. Malgré tout, en incluant le volet fiscal, l'incidence budgétaire du plan aura porté très majoritairement sur l'année 2009.

Les conclusions de la Cour sur ce point sont donc claires : l'exécution des crédits ouverts en 2009 a été globalement correcte au niveau des programmes ministériels et des opérateurs destinataires, avec un taux de consommation de 75 %, hors crédits consacrés au FSI. Si nous avons retiré ces derniers de nos calculs, c'est parce que, à notre sens, ils ne relèvent pas directement de la logique conjoncturelle du plan de relance et n'auraient pas dû y être intégrés.

La Cour souligne aussi que les principes initiaux que sont les caractères exceptionnel, additionnel et non reconductible des dépenses ont subi quelques entorses. Des dépenses ont notamment été pérennisées, totalement ou partiellement.

S'agissant du caractère additionnel des dépenses de relance, la Cour a relevé des cas de substitution de dépenses ordinaires par des dépenses de relance, par exemple, au ministère de la justice, dans le financement des programmes immobiliers de l'administration pénitentiaire et des projets liés à la réforme de la carte judiciaire, pour un montant de 80 milliards d'euros en AE, ou encore au ministère de la culture, où les crédits destinés à la relance ont trouvé leur contrepartie dans une moindre consommation des crédits du Centre des monuments nationaux.

S'agissant du caractère non reconductible des dépenses, des dérogations ont été constatées, au bénéfice du ministère de l'écologie notamment, dont environ 50 % des crédits obtenus au titre de la relance, soit 460 milliards d'euros, ont de fait été pérennisés.

Enfin, pour l'essentiel, les dépenses d'investissement du programme 315 de la mission « Plan de relance de l'économie» ont consisté en une anticipation, sur 2009 et 2010, d'investissements prévus pour plus tard. Ce choix répond à un souci d'efficacité et de rapidité de mise en oeuvre, puisque les projets étaient prêts, mais il ne s'agit pas, à proprement parler, d'investissements nouveaux et additionnels.

Le mode de pilotage choisi est original : en plus de la direction du budget, un ministère ad hoc et temporaire a été créé. Selon la Cour, ce choix a pu se révéler globalement pertinent et a permis, malgré des outils de suivi budgétaire parfois insuffisamment précis et rigoureux, un bon suivi opérationnel de l'application du plan, du moins pour toute la partie budgétaire.

L'organisation retenue s'est montrée efficace. Elle a permis, pour un faible coût – 3 milliards d'euros –, de mettre en oeuvre rapidement les mesures décidées, de coordonner la plupart des acteurs impliqués, de suivre l'exécution des dépenses et les bonnes conditions de mise en oeuvre du plan. Le ministère, par ailleurs, a pu jouer un rôle utile de dialogue politique et de valorisation médiatique du plan de relance.

Autre nouveauté, la création d'une mission budgétaire spécifique a certes introduit un élément de complexité, mais, dans la pratique, cela s'est révélé utile : la gestion de la mission budgétaire « Plan de relance de l'économie» a bien rempli sa double fonction de ciblage des dépenses sur les priorités retenues ainsi que de centralisation et de diffusion rapide des crédits du plan de relance.

Le rapport pointe néanmoins plusieurs lacunes.

Premièrement, l'information budgétaire est parcellaire et sa fiabilité n'a pas été pleinement assurée.

Deuxièmement, le ministère a été actif au niveau gouvernemental mais beaucoup moins auprès des autres acteurs du plan de relance – le suivi des entreprises publiques a été trop faible et celui de la contribution de la CDC plus que ténu.

Enfin et surtout, aucun dispositif efficace de mesure de la performance et de l'impact du plan de relance n'a été mis sur pied. Les indicateurs retenus étaient partiels et peu instructifs en termes d'impact, voire inexistants pour certaines composantes importantes du plan de relance comme les mesures fiscales ou le pacte automobile. Les conclusions de la Cour, sur ce point, ont été partagées par le ministère : l'essentiel du suivi a porté sur le rythme d'exécution de la dépense et la rapidité, au détriment de considérations sur l'impact de cette dépense.

Pour être complet, je dirai un mot du rôle joué par les intervenants autres que l'État.

Pour les collectivités locales, un dispositif de remboursement anticipé du FCTVA, destiné à relancer l'investissement, était prévu. Il apparaît qu'elles s'en sont servies pour améliorer leur situation financière, dans un contexte difficile, plutôt que pour relancer l'investissement. Le dispositif a abondé la trésorerie de collectivités dont les dépenses d'investissement étaient sur une pente ascendante. Les autres, celles dont l'investissement de 2008 était inférieur à la moyenne de référence, ont été évincées du dispositif, qui, de fait, n'a pu avoir aucune influence sur leurs décisions. Le remboursement anticipé de FCTVA aura donc permis aux collectivités de réduire leur besoin de financement pour un montant d'investissement à peu près égal et ainsi de moins recourir à l'emprunt. Ainsi, ce mécanisme a été beaucoup plus coûteux que prévu – 3,85 milliards – sans avoir les effets escomptés, même si, selon l'Observatoire des finances locales, il a contribué à lisser le cycle d'investissement.

La contribution des entreprises publiques, annoncée fin 2008 à 4 milliards d'euros sur les 26 milliards, devait tenir une place très significative dans la mise en oeuvre du plan de relance. Elle a finalement été bien moindre, de l'ordre de 1 milliard. Certes, c'est un apport non négligeable dans la lutte contre les effets de la crise, mais les entreprises publiques, qui se trouvaient dans une situation financière délicate, n'ont pas réellement modifié les trajectoires d'investissements prévues avant décembre 2008.

Le Fonds d'épargne géré par la CDC a largement contribué au plan de relance de l'économie. Certes, les prêts octroyés sur fonds d'épargne n'ont pas un impact immédiat, mais les montants en jeu sont élevés. À ce jour, les financements versés et engagés sur fonds d'épargne au titre du plan de relance s'établissent à près de 23 milliards d'euros, ce qui est considérable. C'est le secteur financier qui a exercé l'effet multiplicateur le plus net.

Enfin, les mesures sectorielles de soutien ne sont pas de nature à produire un impact conjoncturel tangible dans la période d'application du plan de relance, qu'il s'agisse, par exemple, des prêts octroyés au secteur automobile, des garanties apportées aux partenariats public-privé ou des mesures négociées avec les sociétés concessionnaires d'autoroutes.

Il est difficile d'évaluer les effets de l'ensemble du plan de relance, pour deux raisons principales : plusieurs mesures, prolongées en 2010, sont encore actives ; le phasage initial n'a pas été entièrement respecté. J'ajoute que la Cour a fini ses travaux avant la fin du premier semestre de cette année et qu'elle ne disposait donc pas, à la remise de son rapport, des chiffres les plus récents. Par ailleurs, l'évaluation de l'impact de l'effort global consenti est rendue difficile par l'insuffisance quantitative, pour les dépenses fiscales, comme qualitative, pour les dépenses budgétaires, des indicateurs de performance retenus.

S'il ne faut avancer qu'un chiffre, le coût budgétaire total du plan de relance serait d'environ 34 milliards d'euros sur les exercices 2009 et 2010, dont plus de la moitié, 17,5 milliards d'euros, découle des mesures fiscales et 3,8 milliards du remboursement anticipé de TVA. En données de comptabilité nationale, l'incidence du plan de relance sur le solde des administrations publiques serait plus faible – environ 27 milliards d'euros sur les deux années, soit 1,4 % du PIB –, car certaines dépenses budgétaires correspondant à des prêts ou à des dotations en capital sont considérées comme des opérations financières.

Selon les estimations les plus récentes, l'impact macroéconomique du plan sur le PIB serait un peu supérieur à un demi-point en 2009, ce qui est en deçà de son coût pour les finances publiques, environ 1,4 point de PIB. Cet écart s'explique par le fait qu'une grande partie des dispositions du plan auront servi à soutenir la trésorerie des agents économiques sans agir immédiatement sur l'activité. Il a contribué à atténuer la baisse de l'investissement en 2009. Son impact sur la consommation est passé principalement par la prime à la casse, effet d'aubaine qui a provoqué d'importants achats anticipés d'automobiles et a favorisé le maintien d'une légère progression de la consommation totale en 2009.

En privilégiant les mesures en faveur de l'investissement par rapport aux mesures de soutien à la consommation, le Gouvernement a fait le choix d'un plan aux effets plus diffus et difficilement mesurables à court terme.

En définitive, la Cour considère qu'une telle expérience d'engagement massif de crédits budgétaires et de moyens extrabudgétaires doit rester exceptionnelle, comme le fut la crise que nous venons de traverser. Il convient de revenir le plus rapidement possible aux pratiques normales, sous peine de remettre en cause les exigences d'unité, de lisibilité et de transparence budgétaires. Banaliser cette démarche, ne pas la limiter aux crises graves, irait à rebours de la logique de la LOLF, qui prévoit le suivi dans le temps et la comparaison des politiques publiques. Si des précautions ont, en l'espèce, été prises, malgré des faiblesses et des limites que nous avons soulignées, la continuité budgétaire des objectifs, des indicateurs et des résultats ne doit pas souffrir de trop nombreuses exceptions.

Une autre communication qui vous sera remise, à votre demande, dans les prochains jours, conformément à l'article 58-2° de la LOLF, complète ces conclusions en fournissant une analyse sur l'ampleur et les évolutions récentes des interventions extrabudgétaires de l'État.

PermalienPhoto de Arlette Grosskost

Il ne m'a été donné de connaître ce rapport que ce matin ; j'aurais aimé en avoir communication un peu plus tôt afin de pouvoir l'examiner dans le détail. Pour autant, je vous en félicite car il est assez exhaustif et il répond à notre attente. Il confirme la continuité du suivi du plan de relance, pour lequel nous avons obtenu des données régulièrement, tous les deux ou trois mois.

Ce plan a été très réactif, avec des mesures ambitieuses en faveur de l'investissement, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

Mais quelle a finalement été l'ampleur de l'effort public consenti pour la relance ? Vous estimez que la mobilisation des crédits ouverts en faveur de l'investissement a été globalement satisfaisante, la direction du budget évaluant à 91 % le taux de consommation en CP du programme 315, soit un taux particulièrement élevé. Vous faites aussi observer que la consommation par les opérateurs destinataires des crédits transférés a atteint 80 % en CP. Mais l'un des principes de base du plan de relance consistait à ajouter des crédits à la programmation existante et non à s'y substituer. Ce principe a-t-il été globalement respecté ? Avez-vous des exemples de substitution de crédits ? Les montants concernés sont-ils élevés?

Les mesures fiscales d'aides aux entreprises ont consisté, pour l'essentiel, en des modifications apportées aux règles de recouvrement de l'impôt, notamment du crédit d'impôt recherche. Même si elles participent au soutien de l'activité, à l'instar du programme 316, elles n'ont pas été considérées par le ministère du budget comme des dépenses fiscales dédiées à la mission « Plan de relance de l'économie », alors que c'est une disposition exceptionnelle et temporaire. Dès lors, la seule présentation globale des dépenses fiscales annoncées dans le cadre du plan de relance ne garantit pas une lisibilité satisfaisante et conduit à une estimation trop approximative de l'impact de ce dispositif. Quel est le coût effectif global des dépenses fiscales constatées dans le cadre du plan de relance et quel impact ont-elles eu sur les finances publiques ? Comment mesurer l'efficacité de ces dépenses ?

La Cour des comptes conteste l'inclusion de l'action 6 finançant le FSI dans le périmètre du programme 316 et de la mission « Plan de relance de l'économie ». Dans son rapport, elle estime en effet que le FSI s'est vu assigner des objectifs de développement des PME et de protection des actifs économiques stratégiques français sans aucun lien avec la logique conjoncturelle et temporaire du plan de relance. Personnellement, je ne souscris pas à cette analyse, car il me semble que le FSI participe pleinement d'une stratégie de soutien aux PME innovantes, gage de croissance économique pour notre pays. Au-delà de ce désaccord mineur, pouvez-vous nous dresser un bilan de la contribution du FSI à l'effort de relance ?

Sur le plan de la technique budgétaire, vous jugez « partiels et peu instructifs » les indicateurs de performance retenus pour la mission « Plan de relance de l'économie ». La réponse apportée par les ministères du budget et de la relance à ces observations m'a interpellée : ils mettent en avant la difficulté à concilier les projets annuels de performances avec une politique publique nouvelle, particulière et limitée dans le temps, estimant que « la logique usuelle ne trouve donc pas à s'appliquer ». Nous connaissons votre attachement à la LOLF et à l'évaluation de la performance de la dépense publique. Le plan de relance est-il l'exception qui confirme la règle ou bien conviendra-t-il, à l'avenir, de se montrer beaucoup plus vigilants afin de ne pas multiplier les exceptions ?

Enfin, je vous remercie pour l'observation flatteuse que vous avez formulée à propos des fonds d'épargne.

PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Nous sommes heureux d'entendre ces informations économiques importantes, mais il est dommage que nous les découvrions en séance, alors que votre rapport, monsieur le Premier président, est daté de juillet.

Celui-ci montre très bien l'importance en France du niveau élevé de la protection sociale et de l'intervention publique lorsque nous sommes confrontés à une crise. Les stabilisateurs automatiques représentent 1,9 point de PIB dans notre pays, contre 1 ou 1,2 point dans les autres pays, soit près de 1 point d'écart. Leur importance est l'une des raisons pour lesquelles la France a moins souffert de la crise que les autres pays.

Le plan de relance proprement dit, au contraire, qui traduit une politique discrétionnaire, n'a rapporté qu'un demi-point de PIB. Le plus impressionnant est l'écart avec son coût : 34 milliards d'euros, soit 1,4 point de PIB. Aucun plan de relance, par le passé, n'a eu un effet multiplicateur aussi faible. En France, la relance la plus banale produit généralement un effet multiplicateur de 1 : les dépenses du plan de relance se retrouvent dans le PIB. Cet écart considérable s'explique par l'ampleur des mesures de trésorerie et les effets d'aubaine.

Ce plan de relance a été essentiellement axé sur l'investissement, à la différence d'autres plans européens. À l'époque, je l'avais qualifié d'« unijambiste », constatant qu'il oubliait l'emploi. Le taux de chômage, en Allemagne, à la veille de la récession, en juin 2008, était identique à celui de la France : 7,5 %. Aujourd'hui, il a baissé pour approcher 7 %, en dépit de la récession massive, l'Allemagne ayant connu une baisse du PIB de 5 points, supérieure à celle de la France. Cependant, notre taux de chômage a augmenté, s'établissant aujourd'hui aux alentours de 10 %. Il serait intéressant que des instituts de conjoncture et la Cour des comptes procèdent à des comparaisons internationales afin d'analyser la façon dont les différents pays ont réagi à la crise.

En tout cas, une composante emploi a très clairement manqué à votre plan de relance et il ressort de ce rapport qu'il s'est montré formidablement inefficace. Je retiens que le ministère de la relance a surtout été utile en termes de « valorisation médiatique ».

PermalienPhoto de Charles de Courson

Le mode de gestion du plan de relance était original.

La Cour des comptes, à ce jour, n'est pas en mesure d'évaluer l'exécution « au bout des tuyauteries », une partie des crédits ayant été versés à des opérateurs. Il sera intéressant de connaître le taux de consommation effective.

Le plan de relance devait éviter de reconduire des financements habituels. De ce point de vue, l'analyse de la Cour m'a un peu déçu : elle constate que des crédits sont reconduits ou se substituent à des crédits habituels mais ne cite que certains cas, sans fournir de synthèse. Quelle proportion du plan de relance est-elle concernée ?

L'efficacité est au centre de tout débat sur la dépense publique. Les indicateurs étaient faibles, comme souvent lorsqu'un plan de relance est conçu rapidement. Vous estimez que le nombre d'emplois créés s'établit dans une fourchette comprise entre 20 000 et 100 000. Cela fait cher l'emploi : au mieux, 340 000 euros par emploi. La Cour pense que cela s'explique probablement en partie par un effet de trésorerie dans les entreprises. Mais à combien celui-ci s'élève-t-il ? Faute de ce soutien en trésorerie, une partie des entreprises concernées auraient dû cesser leur activité et auraient licencié. À ma connaissance, nous ne disposons d'aucun élément d'information, provenant de l'INSEE ou d'ailleurs. L'outil utilisé, à savoir l'impôt, a permis de soutenir rapidement les entreprises, mais nous ignorons les incidences sur le tissu économique. Le nombre de dépôts de bilan a-t-il chuté immédiatement ?

Le résultat – 0,5 point de croissance pour 1,4 ou 1,7 point de dépenses, selon le mode de calcul – traduit la limite de l'outil budgétaire face à une crise économique. Mais ce résultat est similaire à ceux de n'importe quel plan de relance. Ceux qui croient encore au modèle keynésien, comme dans les années cinquante ou soixante, oublient que notre économie est peu compétitive. Le plan de relance français n'a-t-il pas pour beaucoup servi à financer la relance allemande ? Avez-vous une idée du taux de fuite ? Peut-on encore financer une économie à coups de plans de relance ?

PermalienPhoto de Didier Migaud

La Cour des comptes essaie d'être la plus objective possible, dans le respect de ses procédures, qui prévoient la contradiction avec les ministères concernés mais aussi la collégialité, certains sujets pouvant faire débat au départ.

Nous avons chiffré l'ampleur du plan de relance à 34 milliards d'euros. D'autres décisions, prises parallèlement, notamment par le secteur financier public – les fonds d'épargne et la CDC –, ont contribué de façon significative à éviter que la récession ne soit plus importante encore. Si elles ont pu contribuer à atténuer les effets de la crise, les interventions du FSI n'ont pas été intégrées dans le plan de relance car son objectif n'est pas forcément lié à la crise : le Gouvernement a décidé de se doter d'un outil dont l'existence peut se justifier même en dehors d'une crise.

Le rapport met en évidence quelque 300 millions d'euros de substitution de crédits. Ce montant n'est peut-être pas totalement exhaustif mais il recouvre l'essentiel et doit être resitué par rapport au volume du budget de l'État, qui se chiffre en centaines de milliards d'euros. Nous nous devions toutefois, pour un motif d'objectivité évidente, de citer quelques exemples.

S'agissant des crédits reconduits, nos remarques principales portent sur 460 millions d'euros non restitués par le ministère de l'écologie et sur 1,6 milliard de crédit d'impôt recherche.

Certaines dépenses d'investissement ont été anticipées par rapport au calendrier normal, pour 2,972 milliards en 2009 et 1,5 milliard en 2010. Ces 4,5 milliards ne figureront donc vraisemblablement dans le champ d'aucune norme.

Les mesures fiscales ont effectivement représenté un coût plus élevé que prévu, pour deux raisons. Elles ont été complétées, après le discours de Douai, notamment à l'issue du sommet de février 2009, par la baisse de l'impôt sur le revenu pour certaines catégories de contribuables, qui s'est concrétisée par une loi de finances rectificative, et par des droits ouverts en fonction de l'activité des entreprises – je pense au crédit d'impôt recherche –, difficiles à anticiper. Ces mesures n'ont pas été rattachées à la mission « Plan de relance de l'économie», hormis la baisse de l'impôt sur le revenu pour les ménages modestes, mais le Parlement a été informé par les rapports d'étapes trimestriels du ministère de la relance.

Dans le deuxième rapport que vous nous avez demandé et qui sera très prochainement transmis à votre Commission, nous reviendrons sur le développement des moyens extrabudgétaires pour le compte de l'État, qui peuvent nuire à la lisibilité et au suivi de la dépense.

À situation exceptionnelle, il est compréhensible que des mesures exceptionnelles soient prises. Il importe néanmoins que le Parlement puisse suivre la dépense et en apprécier la pertinence, même si les moyens engagés sont modiques au regard de la masse du budget de l'État consacrée au financement de l'économie. La mesure de l'impact d'un plan de relance sur le PIB est d'ailleurs délicate. Il faut que cela reste exceptionnel et que le Parlement trouve les moyens de mieux maîtriser tous ces crédits extrabudgétaires, non dépourvus d'effets sur la situation financière du pays.

Nous n'avons pas effectué de comparaison avec les autres plans de relance car il ne nous a été demandé que d'étudier le plan de relance français. Si vous nous interrogez sur les autres plans de relance, peut-être pourrons-nous y travailler. L'une des caractéristiques du plan de relance français est, je l'ai indiqué, l'importance accordée à l'investissement, le Gouvernement ayant jugé que le problème de la consommation se posait d'une façon spécifique en France, eu égard à l'importance de ses stabilisateurs automatiques.

Les mesures de trésorerie, en aidant des entreprises à tenir, semblent avoir permis de limiter l'augmentation du nombre de dépôts de bilan. La difficulté, pour ces entreprises, consiste à consolider leur situation ; c'est pourquoi il peut être intéressant de prolonger certains dispositifs.

Je vous propose que M. Christian Babusiaux apporte quelques précisions complémentaires.

PermalienChristian Babusiaux

En 2009, le FSI a investi dans vingt et une entreprises mais la Cour estime que cela ne saurait être comptabilisé dans le cadre du plan de relance, pour plusieurs raisons. D'abord, l'objectif du FSI n'est pas conjoncturel mais structurel ; le Gouvernement, lors de sa création, avait d'ailleurs indiqué qu'il s'agissait de défendre l'économie française mais aussi de relever le niveau de la croissance potentielle. Par ailleurs, le FSI a investi 1,4 milliard d'euros en 2009, mais seulement 800 millions en investissements directs, alors que la dotation du plan de relance s'élève à 2,94 milliards. De surcroît, sur ces 800 millions, 362 millions sont allés à de grandes entreprises, par des opérations de rachat de titres, destinées à renforcer la structure des groupes.

Le Gouvernement a pris le parti d'intervenir massivement par des mesures de trésorerie, des remboursements anticipés, en vue d'empêcher des dépôts de bilan ou de les décaler dans le temps, plutôt que de rechercher un effet macroéconomique. Mais cela a pu avoir un effet bénéfique sur le tissu des entreprises françaises, ce qui était l'un des objectifs. En outre, dans le total dont le Gouvernement a fait état, la dotation importante du FSI a eu un impact d'un autre type. L'analyse du plan de relance permet de mieux expliquer le décalage apparent entre l'ampleur des sommes mobilisées et le résultat en termes de taux de croissance, au-delà de l'incertitude quant au bien-fondé des modèles macroéconomiques.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Le plan de relance a eu des effets réels pour stimuler le secteur du bâtiment et des travaux publics, le BTP, en procurant, avec, en un an et demi, l'équivalent de trois ans de travail. Toutefois, au niveau microéconomique, à l'échelle d'un département, je constate maintenant un écroulement de l'activité et l'arrivée de grandes sociétés sur des chantiers minimes de 400 000 ou 500 000 euros, pour s'emparer de la totalité des parts de marché, comme si elles anticipaient un ressac après la stimulation. La Cour a travaillé sur la première partie de l'année 2010 mais la situation des PME durant la deuxième partie m'inquiète : je crains que nous ne revivions une période où tout le tissu des PME du BTP était détruit. L'avez-vous mesuré ou le ferez-vous ?

PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Toute politique publique de dépenses a pour objectif de démultiplier l'euro investi, ce qui, en l'occurrence, n'est pas le cas : suivant les estimations de l'INSEE et d'organismes privés, notamment bancaires, l'impact sur la croissance serait de 0,2 % à 0,4 % dans la meilleure des hypothèses. J'aimerais que vous nous donniez des informations plus précises à ce sujet. Même la prime à la casse, qui a eu un impact réel, disparaîtra en sifflet d'ici à la fin 2011.

Le plan de relance devait maintenir voire créer des emplois et le ministère de la relance annonce la création ou la sauvegarde de 400 000 emplois, alors que toutes les autres sources d'information, qu'il s'agisse de la Cour ou des organismes spécialisés comme l'INSEE, parlent plutôt de 25 000 emplois. Là encore, j'aurais souhaité obtenir des précisions, car cela fait cher l'emploi.

D'autres pays, contrairement à la France, ont privilégié la consommation. Chez nous, le taux d'épargne a atteint 0,8 % du PIB en 2009 et même 2,1 % en tenant compte de l'épargne financière : les Français se sont donc repliés sur l'épargne, alors que le Gouvernement vante son plan de relance.

Des dépenses ordinaires ont été intégrées au plan de relance et des investissements ont constitué des anticipations. Dans mon département, l'Ardèche, j'ai notamment pu le vérifier pour ce qui concerne la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire et les crédits destinés au secteur du bâtiment : la fongibilité a joué et les mesures du plan de relance, par un jeu comptable, se sont accompagnées d'annulations de CP.

Les remboursements anticipés du FCTVA ont été de bon augure pour les collectivités territoriales mais la mesure est maintenant terminée et le montant des investissements réalisés aura été à peu près stable par rapport aux années précédentes.

PermalienPhoto de Jean-Yves Cousin

Dans le chapitre du rapport sur le FCTVA, vous écrivez : « Les dépenses locales d'investissement ont, dans leur ensemble, stagné en 2009 par rapport à 2008 […]. L'effet de levier est absent. […] Au total, conçu pour inciter les collectivités locales à maintenir, sinon à accroître leur volume d'investissements, le dispositif de remboursement anticipé du FCTVA s'est avéré en réalité une mesure d'aisance de trésorerie […]. » Comme tous les maires, le dispositif m'a beaucoup intéressé et je trouve votre analyse pertinente. Dans les communes où, compte tenu du périmètre fixé, la mesure a été possible, l'investissement est resté à peu près stable. À l'inverse, dans les communes qui n'entraient pas dans le périmètre, on observe une chute significative de l'investissement. Le périmètre n'a-t-il pas été beaucoup trop restrictif ? S'il avait été plus large, l'effet sur les trésoreries aurait été plus fort et la chute de 18 % des investissements aurait pu être évitée dans les communes déclarées inéligibles.

PermalienPhoto de Didier Migaud

Monsieur Balligand, l'enjeu essentiel est effectivement de sortir du plan de relance et d'éviter le contrecoup de la fin des dispositifs. D'une certaine façon, un relais monétaire a été pris, avec des taux d'intérêt bas et des liquidités en grande quantité afin de répondre aux demandes exprimées. C'est inégalement vrai selon les secteurs mais cela se vérifie notamment dans l'immobilier, avec des conséquences sur le BTP. En tout cas, la situation n'est plus du tout la même que lorsque nous étions en crise : tant que les taux d'intérêt restent bas, le secteur financier peut répondre à des demandes dans des conditions favorables.

Monsieur Terrasse, la Cour n'est pas aussi pessimiste que vous quant à l'impact du plan de relance sur le PIB : nous ne parlons pas de 0,2 % mais de 0,5 % de PIB, voire légèrement plus.

La prime à la casse a incontestablement eu des conséquences heureuses sur le secteur automobile. En a-t-elle eu sur la consommation dans son ensemble ? Vraisemblablement pas puisque cela a créé un effet d'éviction sur l'achat d'autres biens, sans compter que le taux d'épargne a augmenté ; la consommation a certes augmenté mais l'épargne de précaution s'est développée. Il convient de ne pas raisonner secteur par secteur mais globalement.

S'agissant de l'impact sur l'emploi, je vous renvoie à la page 72 de notre rapport : l'estimation du ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance nous semble quelque peu maximaliste. Le modèle MESANGE, utilisé par l'INSEE et la direction générale du Trésor, retient une élasticité de l'emploi à la variation du PIB inférieure à 0,5, soit, durant la période du plan de relance, de 18 000 à 72 000 emplois créés selon les mesures prises en compte ; ce n'est pas rien, mais cela ne correspond pas aux chiffres avancés. La ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi a rendu publics des chiffres plus proches de la réalité.

Monsieur Cousin, le périmètre de la mesure relative au FCTVA a été assoupli au fil du temps : la période de référence a changé, le champ des dépenses prises en compte a été élargi et l'échéance de conclusion des conventions a été repoussée. Les effets ont évidemment été positifs pour les collectivités territoriales mais, d'après l'Observatoire des finances locales, leur besoin de financement s'est réduit de 3,1 milliards d'euros et l'investissement local a baissé de 1,4 milliard en 2009. La hausse des recettes de TVA s'est traduite par une diminution du besoin de financement. La mesure a permis aux collectivités de maintenir l'investissement local sans recourir à l'emprunt : 18 milliards d'emprunts nouveaux ont été engagés pour 12 milliards remboursés, ce qui a limité le besoin de financement à 6 milliards, mais c'est l'État qui a payé. D'une certaine façon, toutes ces mesures ont été financées par l'accroissement de la dette de l'État, avec des conséquences sur l'ensemble des comptes publics.

PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Je trouve dans ce rapport de la Cour des comptes une vraie réponse au scepticisme qui était le nôtre lors de la mise en place du plan de relance et aux questions de nos collègues, notamment en ce qui concerne le pilotage, que vous jugez « globalement bien assuré », l'évaluation, l'impact sur les revenus et la consommation, avec, page 71, l'analyse des écarts de consommation constatés entre la France, l'Espagne, l'Italie et le Royaume-Uni.

L'élargissement du périmètre du dispositif du FCTVA a conduit à faire passer de 2,5 milliards à 3,853 milliards d'euros, soit une augmentation de 54 %, l'enveloppe prévue pour 2009. Page 92, vous relevez que les collectivités ayant signé une convention ont davantage investi que les autres. Mais la difficulté consiste à imaginer ce qui se serait passé sans plan de relance ; les investissements de ces collectivités auraient probablement diminué.

Vous considérez que le soutien à Dexia ne relève pas du plan de relance. Mais que serait-il advenu si Dexia n'avait pas été sauvée et avait disparu ? Pour ne pas pénaliser les collectivités locales, il aurait fallu les relancer.

Vous constatez que les entreprises publiques – EDF, La Poste, la SNCF, etc. –, n'ont apporté que 1,145 milliard sur les 4 milliards d'euros prévus. Que pensez-vous de cet écart négatif ?

PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Vous n'avez pas évoqué le grand emprunt, qui, au départ, était pourtant présenté comme un instrument de relance. Est-il d'une autre nature ? Peut-il contribuer au lissage de la sortie du plan de relance ?

Il a beaucoup été dit que l'Europe aussi devait s'impliquer en matière de relance. Quelques milliards ont bien été dégagés dans le budget de l'Union européenne mais, au final, le seul outil mis en oeuvre a été la Banque européenne d'investissement, la BEI. Il n'entre pas dans vos fonctions de contrôler l'action de cette institution mais avez-vous une idée de l'effectivité et de l'impact de ses interventions ?

PermalienPhoto de Richard Mallié

Votre analyse relative au FCTVA est intéressante, notamment les tableaux de la page 92, qui montrent la différence entre les collectivités selon qu'elles ont signé ou non une convention. Mais, dans la mesure où c'était un « fusil à un coup », les collectivités qui en ont profité pour améliorer leur trésorerie plutôt que pour financer des investissements n'ont pas fait une bonne opération.

Vous estimez que le plan de relance a eu des conséquences positives sur le secteur automobile, dont je rappelle qu'il représente tout de même 10 % de l'emploi salarié en France. Les conséquences sur l'emploi ont donc forcément été positives. Mais il est toujours difficile de chiffrer les conséquences sur l'emploi d'une politique publique.

PermalienPhoto de Laurent Hénart

Au sein de cette commission, nous avons souvent constaté que la mise en oeuvre des programmes d'État, notamment des contrats de projets État-région, était un exercice difficile. J'ai cru comprendre qu'une partie du plan de relance devait servir à accélérer et régulariser des mesures programmées, notamment dans un secteur que je connais bien en tant que rapporteur spécial, celui de l'enseignement supérieur. À cet égard, avez-vous pu observer des effets vertueux ?

Une petite mesure du plan de relance constitue une sorte de droit de suite du rapport de la Cour sur les politiques de l'emploi : celle consistant à distribuer 300 millions de chèques emploi service universel, les CESU. Avez-vous jeté un oeil sur cette mesure, destinée à aider des publics fragiles comme les plus anciens, les familles avec enfant à charge ou les demandeurs d'emploi reprenant une activité ?

PermalienPhoto de Henri Nayrou

Malgré l'engagement budgétaire récent de l'État pour sauver les banques à un moment précis de leur histoire, elles refusent systématiquement d'aider les petites entreprises du monde rural : sur des opérations industrielles ou commerciales où le financement de deux banques suffisait, il faut maintenant en trouver cinq et, phénomène nouveau, les banques s'attendent mutuellement pour bouger. Dans mon département, les banques, pourtant invitées, ont même eu l'outrecuidance de ne pas se faire représenter lorsque M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, est venu apporter la caution de l'État pour un projet de reprise d'activité dans le secteur forestier.

PermalienPhoto de Didier Migaud

Monsieur Giscard d'Estaing, la situation de Dexia n'est certes évoquée qu'à la marge dans le rapport dont nous discutons aujourd'hui mais nous l'étudions surtout dans notre rapport relatif aux concours publics au secteur financier, en formulant une série d'observations.

S'agissant des entreprises publiques, le décalage de 3 milliards se comprend, certaines d'entre elles ayant anticipé sur des travaux déjà prévus. Celles dont la situation financière est difficile n'ont pas pu respecter les engagements pris en leur nom. De tels investissements font l'objet d'une programmation mais s'ajustent en fonction des circonstances. Des efforts complémentaires ont été consentis, mais à proportion des capacités de ces entreprises publiques. Dans le rapport, nous donnons quelques exemples, comme celui de La Poste.

Monsieur Garrigue, les investissements d'avenir supplémentaires financés par le grand emprunt représentent de 4 à 5 milliards d'euros par an sur la période 2010-2013, soit 19 à 20 milliards au total. Le plan de relance est certes d'un ordre de grandeur supérieur, mais le grand emprunt constitue un relais appréciable pour des secteurs considérés comme stratégiques.

Le financement des PME était l'une des priorités du plan de relance. Les 850 millions d'euros de crédits ont été consommés en 2009, principalement au profit d'OSEO. La médiation du crédit a aussi joué un rôle, en intervenant pour régler certaines situations.

Nous ne disposons effectivement pas de tous les éléments concernant la BEI. Dans notre rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, nous expliquions que beaucoup de mesures prises parallèlement aux plans de relance ont pu avoir un impact positif. Nous signalions les actions de la BEI et de la Banque centrale européenne, qui ont eu des effets massifs pour contenir au mieux la crise. L'essentiel des masses financières engagées ont été de nature monétaire et non budgétaire.

Monsieur Mallié, le secteur de l'automobile est important dans notre pays et les impacts directs du plan de relance ont été positifs, mais il faut les resituer dans un contexte plus général et sur une période plus longue, afin de tenir compte des « contre-effets ».

Monsieur Hénart, comme il est indiqué page 15 de notre rapport, les crédits de CESU ont été entièrement consommés. Le « retard à l'allumage » soulève toutefois un problème d'organisation des services car il importe qu'une mesure décidée par le Parlement produise pleinement ses effets. Quoi qu'il en soit, cette mesure a eu un effet immédiat sur la situation des personnes concernées.

Il est normal que les moyens ouverts aient permis d'anticiper la réalisation de programmes prévus, et cette logique vaut aussi pour les entreprises publiques.

Monsieur Nayrou, j'ai noté votre observation.

PermalienPhoto de Charles de Courson

Il serait très intéressant que la Cour nous dise si le plan de relance a entraîné un effet de substitution entre endettement public et endettement privé. Le gros des mesures en faveur des entreprises étaient des mesures de trésorerie et d'aucuns prétendent que les entreprises en ont profité pour se désendetter, ce qui a fait chuter le volume du crédit aux entreprises. De même, je pense qu'une partie seulement des milliards accordés aux collectivités territoriales ont servi à accroître leurs investissements, le reste ayant simplement contribué à leur désendettement. Les statistiques bancaires doivent faire apparaître une baisse de l'endettement privé et un accroissement de l'endettement public. Lorsque vous approfondirez votre analyse du plan de relance, pourrez-vous étudier cette question de la substitution d'endettement, côté collectivités locales et côté entreprises ? Du côté des ménages, à mon avis, il n'y a rien à voir.

PermalienPhoto de Didier Migaud

Des transferts se sont manifestement produits vers l'État car la dette des collectivités territoriales se serait creusée si elles avaient dû couvrir leurs investissements dans les conditions normales. Sans doute votre raisonnement est-il tout aussi juste pour les entreprises mais il reste à déterminer l'ampleur de cette substitution. Nous avions fourni des éléments dans nos rapports sur les concours publics aux établissements de crédit.

PermalienChristian Babusiaux

Les crédits aux entreprises ont chuté début 2009, c'est clair, nous l'avons repéré, mais le rapport de causalité n'est pas forcément celui que vous décrivez, monsieur de Courson. Début 2009, les entreprises avaient peu de commandes et nombre d'entre elles risquaient le dépôt de bilan à très court terme. Elles ont certes empoché le bénéfice des facilités de trésorerie mais pas systématiquement pour le substituer à de l'endettement. Dans notre rapport sur les concours publics aux établissements de crédit, nous avons bien décrit ce phénomène. D'ici à quelques mois, nous pourrons étudier l'évolution sur moyenne période de l'endettement des entreprises privées, mais je ne crois pas que l'on puisse conclure à une manoeuvre délibérée de leur part, la réalité est beaucoup plus complexe.

PermalienPhoto de Charles de Courson

Pourriez-vous effectuer une étude microéconomique sur un échantillon d'entreprises ? Il m'a été rapporté que, parmi les grandes entreprises, principales bénéficiaires des mesures de trésorerie, certaines ont procédé à une substitution en bonne et due forme.

PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Je consulte les membres de la Commission pour m'assurer qu'ils ne voient pas d'objection à ce que ce rapport soit publié… Il en est ainsi décidé.

Monsieur le Premier président, je vous remercie.

Informations relatives à la Commission