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Commission élargie des affaires économiques, de l’environnement et du territoire et des finances

Séance du 29 octobre 2009 à 21h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • asile
  • frontière
  • hébergement
  • immigration
  • intégration
  • reconduite

La séance

Source

(Application de l'article 120 du Règlement)

La réunion de la commission élargie commence à vingt-et-une heures.

PermalienPhoto de Didier Migaud

Monsieur le ministre, avec Axel Poniatowski, président de la Commission des affaires étrangères et Jean-Luc Warsmann, président de la Commission des lois, nous sommes heureux de vous accueillir pour cette réunion en commission élargie consacrée aux crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Vous connaissez, monsieur le ministre, cette procédure de la « commission élargie », qui est destinée à favoriser des échanges directs et interactifs entre les députés et les ministres.

Je signale que les projets de rapports sont à la disposition de tous, et saisis cette occasion de saluer, en mon nom comme en celui des autres présidents ici présents, le travail fourni, tout au long de l'année, par les rapporteurs spéciaux de la Commission des finances et par les rapporteurs pour avis des Commissions des lois et des affaires étrangères – travail qui ne doit pas être jugé seulement à la mesure de la concision avec laquelle ils voudront bien présenter ces crédits et formuler leurs questions.

Avant que nous n'entendions successivement Mme Béatrice Pavy, rapporteure spéciale de la Commission des finances, M. Philippe Cochet, rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères, et M. Éric Diard, rapporteur pour avis de la Commission des lois, puis, selon la tradition, les orateurs représentant chacun des groupes de notre Assemblée, les présidents Axel Poniatowski et Jean-Luc Warsmann prendront la parole.

Vous pourrez alors vous exprimer, monsieur le ministre, après quoi les députés qui voudront vous poser des questions pourront le faire.

La discussion de ce soir pourra être éclairée grâce à l'envoi tout récent par M. le ministre d'un rapport d'inspection très argumenté et précis concernant le coût des reconduites à la frontière. Cet envoi est conforme à un engagement pris par le Gouvernement.

Ce rapport évalue à un peu plus de 230 millions d'euros le coût global de la politique de reconduite à la frontière, compte tenu de choix de méthode qu'il explicite très clairement. À ce propos, monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer sur les raisons pour lesquelles la mission n'a pas inclus dans le champ de son étude les coûts afférents aux différentes juridictions concernées par cette politique ?

J'ai par ailleurs été frappé, comme sans doute beaucoup de nos collègues, de constater que les demandes d'asile ont, dans la période récente, très fortement augmenté : de l'ordre de 20 % en 2008 et de 16 % au premier semestre de cette année. On ne peut manquer de s'interroger sur les conséquences à court terme de cette accélération. En particulier, faut-il considérer que le contrat d'objectifs et de moyens de l'OFPRA – l'Office français de protection des réfugiés et apatrides – doit faire l'objet d'une révision ou d'un avenant ? De même, si le rythme enregistré au cours des derniers mois se maintient, les crédits du projet de loi de finances au titre de l'allocation temporaire d'attente seront-ils suffisants ?

Merci, monsieur le ministre, des précisions que vous pourrez nous apporter.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Monsieur le ministre, notre Commission se prononcera au cours de sa réunion du mercredi 4 novembre au matin sur les crédits de la mission que nous examinons ce soir.

Permettez-moi de vous poser quelques questions précises.

Tout d'abord, l'un des objectifs du Gouvernement en matière de flux migratoires est de parvenir à un rééquilibrage entre immigration professionnelle et immigration familiale. Le moins qu'on puisse dire est que ce rééquilibrage est en cours, et je m'en félicite. Alors que, dans les années 2004-2005, 14 000 étrangers environ intégraient notre pays pour des raisons professionnelles, on en comptait 28 000 en 2008, soit exactement le double. Dans le même temps, le nombre de titres de séjour délivrés pour des raisons familiales est passé de 95 000 à 100 000 dans les années 2004-2005 à 80 000 environ en 2008.

Les principaux pays d'origine des personnes arrivant en France pour raisons familiales sont toujours les mêmes : il s'agit des pays du Maghreb et de la Turquie. On observe par ailleurs, entre 2007 et 2008, un quintuplement du nombre de Marocains arrivant en France pour raisons professionnelles : alors qu'ils étaient moins de 1 000 en 2007, ils ont été plus de 5 000 en 2008. Il serait intéressant que vous puissiez nous expliquer les raisons de cette évolution.

Un autre objectif prioritaire de votre politique est le renforcement de la lutte contre l'immigration clandestine et le travail illégal. Les résultats obtenus au cours des dernières années sont aussi très encourageants. Les interpellations d'étrangers en situation irrégulière, les arrestations de trafiquants de migrants et les constatations d'emploi d'étrangers sans titre de travail ont été chaque année plus nombreuses. L'État exprime ainsi sa détermination à imposer le respect de la loi. Pouvez-vous préciser les résultats que vous avez obtenus dans ces différents domaines au cours des neuf premiers mois de l'année 2009 ?

D'autre part, en mai dernier, à l'occasion de l'examen en séance publique de quatre accords internationaux relatifs à la gestion des flux migratoires, j'avais souhaité vous interroger, après un séjour que j'avais effectué à Alger, sur l'expérimentation dans cette ville de l'externalisation de la délivrance des visas biométriques. Votre collègue Alain Joyandet m'avait répondu que les difficultés liées aux questions immobilières spécifiques à Alger étaient en cours de résolution. Ont-elles aujourd'hui été réglées et les services chargés de la délivrance des visas ont-ils pu s'installer dans un autre bâtiment appartenant à la France à Alger ?

Enfin, le lancement de cette expérimentation, qui doit aussi être menée à Londres et Istanbul, est subordonné à la publication d'un décret l'autorisant et à la réalisation de développements informatiques. À quelle échéance ces deux conditions seront-elles remplies ?

PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Monsieur le ministre, je vous souhaite tout d'abord la bienvenue dans cette commission élargie. La mission « Immigration, asile et intégration » recouvre bien évidemment plusieurs thèmes intéressant la Commission des lois et, à trois reprises au moins, nous avons eu l'occasion d'approfondir ces sujets au cours des dernières semaines.

Tout d'abord, à la faveur de la mission, associant majorité et opposition, sur les centres de rétention administrative et les zones d'attente, tous nos collègues ont pu noter le travail et les investissements importants réalisés en la matière.

En deuxième lieu, lors de la dernière mission d'optimisation de la dépense publique, nous avons demandé au Gouvernement d'expertiser, pour les étrangers frappés d'une interdiction du territoire, des modes de départ volontaire avec des procédures comportant la suspension des poursuites par les parquets ou l'ajournement de peine par le tribunal. Nous serions heureux que, dans les prochaines semaines, nous puissions expertiser ensemble ces nouvelles procédures et, le cas échéant, voter le dispositif pour le mettre en place.

En troisième lieu, pour ce qui est de la lutte contre les clandestins, je partage le point de vue du président Axel Poniatowski. Au titre de la simplification du droit, nous avons recommandé de supprimer l'obligation toute formelle faite aux entreprises de signer tous les six mois un engagement à respecter la législation sur le travail clandestin. Nous ne voyons là que paperasse inutile et formalité ridicule : demande-t-on aux citoyens de s'engager tous les six mois à respecter telle ou telle loi ?

D'autre part, la lutte contre le travail clandestin doit être plus efficace. Aujourd'hui, dans le cas des marchés publics, la sanction principale est l'annulation du marché. Or, lorsqu'une commune veut faire construire un équipement – un gymnase, par exemple –, elle n'est pas prête à arrêter le projet au motif que l'entreprise qui le met en oeuvre recourt au travail clandestin. Mieux vaudra donc s'en remettre à d'autres sanctions, notamment pécuniaires, plutôt qu'à l'arme atomique de l'annulation des marchés, qui pénalise plus le maître d'ouvrage que l'entreprise fautive.

Je me réjouis, monsieur le ministre, qu'en sus de présenter ce budget, vous puissiez ce soir exposer devant nos trois commissions réunies les grandes lignes de votre action au cours de la prochaine année.

PermalienPhoto de Béatrice Pavy

rapporteure spéciale de la Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire sur l'immigration, l'asile et l'intégration. Le projet de loi de finances propose de doter la mission « Immigration, asile et intégration » de 568,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et 560,4 millions d'euros en crédits de paiement, soit une croissance respective de 12 % et de 9,7 % par rapport aux crédits initiaux de 2009.

Une telle augmentation prend en compte l'augmentation du nombre des demandes d'asile – de 16,5 % au premier semestre de 2009, après avoir été de 19,7 % en 2008. Cette réévaluation devrait permettre d'éviter des mouvements en gestion trop importants, comme ce fut le cas dans les années précédentes.

Cette augmentation résulte également d'une clarification des compétences du ministère de l'immigration, s'agissant de la gestion immobilière des centres de rétention administrative.

J'en viens à mes questions.

Tout d'abord, j'observe que le dispositif d'hébergement d'urgence est structurellement sous-doté. Ne serait-il pas plus cohérent de revaloriser les crédits afférents dès le projet de loi de finances initial, plutôt que de les abonder systématiquement en cours d'année ? Une telle mesure, outre qu'elle sécuriserait cet hébergement, faciliterait l'analyse de ce budget ainsi que la bonne information du Parlement.

Ma deuxième question concerne la non-utilisation de la salle d'audience de la zone d'attente pour personnes en instance – la ZAPI – de Roissy. Il semble que le problème ne soit toujours pas réglé. Si cette salle demeure inutilisée en tant que salle d'audience, ne pourrait-on envisager de l'affecter à d'autres usages, comme l'accueil des mineurs isolés ?

Troisième question : pour ce qui concerne l'appel à projets pour l'assistance aux étrangers retenus en centre de rétention administrative, le Conseil d'État a-t-il rendu sa décision ? Le cas échéant, quelle en serait la traduction budgétaire, notamment quant à l'indemnisation des associations ayant engagé des frais avant la suspension du marché ?

Ma dernière question, enfin, fait malheureusement écho à une actualité récente : comment s'assurer que les sommes versées au titre de l' aide au retour volontaire ne profitent pas, in fine, aux passeurs et aux filières, les personnes reconduites n'ayant qu'un seul objectif : revenir en Europe ?

PermalienPhoto de Philippe Cochet

rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères sur l'immigration, l'asile et l'intégration. Permettez-moi tout d'abord, monsieur le ministre, de saluer un projet de budget marqué à la fois par une volonté de réformer les méthodes et par un souci de réalisme en ce qui concerne les moyens financiers nécessaires à la conduite des actions dont vous êtes chargé. Je tiens également à remercier vos services, qui ont permis de travailler en toute sérénité sur ce dossier.

J'aborderai trois points.

Tout d'abord, l'augmentation des demandes d'asile, qui atteint 14 % pour les neuf premiers mois de l'année, crée des difficultés pour l'OFPRA, allongeant la durée d'examen des dossiers. Comment envisagez-vous d'adapter le contrat d'objectifs et de moyens, qui reposait sur une hypothèse de croissance de la demande nettement inférieure ? Ne conviendrait-il pas de permettre à l'Office de recruter davantage d'officiers de protection ?

En deuxième lieu, les actions d'intégration de l'Office français de l'immigration et de l'intégration – l'OFII – sont principalement financées par des ressources propres mises en place par la loi de finances pour 2009. Pour l'exercice qui s'achève, ces ressources n'ont été effectivement perçues qu'à la fin du premier trimestre et l'OFII a engagé moins de dépenses que prévu, certains nouveaux dispositifs n'étant pas encore pleinement appliqués. L'établissement public devrait néanmoins utiliser une partie de son fonds de roulement pour équilibrer ses comptes en 2009. La réforme des ressources propres de l'établissement public reposait sur l'idée que des recettes issues de l'immigration devaient financer des actions liées à celle-ci et à l'insertion des nouveaux venus. Il semble cependant que les ressources actuelles ne soient pas à la hauteur des prévisions. Pensez-vous que la subvention pour charges de service, que le projet de budget propose de fixer à 15 millions d'euros, ait vocation à équilibrer les comptes de l'OFII, ou que d'autres ressources propres devraient être créées ? Si cette dernière option était retenue, d'où ces nouvelles recettes pourraient-elles être tirées ?

Enfin, pour ce qui est de la réinstallation des personnes ayant reçu une protection internationale à Malte, où j'ai eu l'occasion de me rendre, la France a consenti un effort particulier en prenant en charge la réintégration de 95 migrants. Quel en est le coût pour votre budget ? Avez-vous pu obtenir de nos partenaires européens des engagements similaires ? Malte est en effet l'un des pays les plus densément peuplés du monde et l'afflux de migrants représente pour lui un énorme problème. J'espère que votre force de conviction permettra d'entraîner d'autres États membres à nous imiter.

PermalienPhoto de Éric Diard

rapporteur pour avis de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République pour la mission « Immigration, asile et intégration ». Avant d'interroger M. le ministre, je souhaiterais donner rapidement mon appréciation globale de rapporteur pour avis sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2010, qui s'élèveront à environ 560 millions d'euros.

Voilà maintenant trois ans que la discussion budgétaire offre à notre Assemblée l'occasion d'un véritable débat sur notre politique d'immigration, d'asile et d'intégration des étrangers. L'enjeu est à la fois politique et pédagogique, car les Français ne sont pas toujours assez informés de tous les efforts consentis par la République en faveur d'une immigration à la fois maîtrisée, généreuse, utile et offrant des perspectives d'intégration.

À la différence des deux précédents exercices, le projet de loi de finances pour 2010 ne s'illustre pas par de profondes réformes administratives ou budgétaires en matière de droit d'asile, de maîtrise des flux migratoires ou de dispositifs d'intégration des étrangers en situation régulière sur notre sol.

Dans le prolongement de la revue générale des politiques publiques, il comporte toutefois quelques innovations notables : la déconcentration des décisions défavorables en matière de naturalisations et la reprise des compétences du ministère de l'intérieur relatives à la gestion immobilière des centres de rétention administrative, notamment.

À mes yeux, l'essentiel réside cependant dans le comblement de certaines lacunes que moi-même et mes collègues rapporteurs avions soulignées l'an passé. Cela est particulièrement vrai pour ce qui concerne l'abondement des moyens destinés à couvrir les obligations de la France en matière de garantie du droit d'asile, dont les crédits progressent de 10 %.

Monsieur le ministre, je souhaite vous poser quelques questions, afin d'éclairer nos débats sur certains points qui me semblent importants.

Tout d'abord, le traitement des demandes d'asile, qui mobilise plus de la moitié des crédits de la mission, est affecté depuis l'été 2008 par un retournement de conjoncture. L'an dernier, la demande a progressé de 20 %. L'OFPRA a pu absorber cette hausse par des gains de productivité interne mais il semblerait que l'on ait maintenant atteint un palier et j'aimerais savoir si le Gouvernement envisage de recourir à la clause de revoyure du contrat d'objectifs et de moyens du 9 décembre 2008, afin d'adapter, le cas échéant, les effectifs de l'Office.

De manière plus générale, alors que le projet de budget prévoit la création de 1 000 places en centres d'accueil de demandeurs d'asile, ne doit-on pas se demander si l'effort budgétaire ne devrait pas porter prioritairement sur le traitement des dossiers, afin d'accélérer celui-ci et d'économiser ainsi sur les frais d'hébergement, qui se montent à près de 260 millions d'euros, allocation temporaire d'attente incluse ?

J'observe également que les crédits de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile ont été reconduits à un niveau de 30 millions d'euros, alors que nous ne cessons de constater, année après année, l'insuffisance de cette dotation. Quelles sont les justifications de cette reconduction ?

Pour ce qui concerne les actions en faveur de la maîtrise de l'immigration, qui ne représentent en volume que 94,4 millions d'euros, je me réjouis que le Gouvernement ait repris à son compte les principales préconisations formulées en juin dernier par la mission d'information de la Commission des lois sur les centres de rétention administrative et les zones d'attente. Le passage des centres de rétention administrative – les CRA – sous gestion de la police aux frontières, par exemple, devrait conduire à des économies. Je souhaiterais néanmoins en savoir plus sur le financement du futur CRA de Mayotte, pour lequel une enveloppe de 20 millions d'euros d'investissement est évoquée.

Autre aspect essentiel de la maîtrise des flux migratoires, les accords de gestion concertée constituent un outil réellement intéressant. Neuf accords de ce type ont été conclus, complétés tout récemment par un arrangement administratif avec le Brésil. Cependant, quatre seulement ont été ratifiés le 14 mai dernier. Quand le Gouvernement entend-il donc saisir le Parlement des projets de loi de ratification en souffrance ?

Enfin, monsieur le ministre, je sais l'attachement du Gouvernement au travail d'intégration. De nombreuses initiatives ont été engagées en faveur de l'insertion professionnelle, avec par exemple la signature de plusieurs accords de branche pour l'emploi des immigrants légaux ou l'instauration du label « diversité » pour lutter contre les discriminations, par exemple, ainsi qu'en faveur de l'insertion sociale – rénovation en cours des foyers de travailleurs migrants et projet « Ouvrir l'école aux parents », notamment.

Un comité interministériel doit prochainement être consacré à ce sujet. Pouvez-vous nous indiquer quelles mesures vous entendez soumettre à cette occasion au Premier ministre pour renforcer l'action de notre pays en faveur de cette composante cruciale d'une politique d'immigration efficace ? Par ailleurs, comment comptez-vous remédier à l'annulation, la semaine passée, de la circulaire du 7 mai 2008 précisant les conditions de régularisation par le travail ?

PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Monsieur le ministre, chacun vous sait respectueux de la représentation nationale et de sa pleine information – vous le démontrez régulièrement. Nul ne doute non plus de la sincérité et de l'esprit de sérieux qui vous animent au service de causes successives. Chacun devrait donc éprouver la même compassion que moi à l'égard du secrétaire d'État chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques que vous fûtes s'il avait à porter aujourd'hui un regard sur le bilan et les perspectives du ministre que vous êtes devenu – un ministre quelque peu sous-informé, du reste, car la mission que nous examinons ce soir ne représente que 20 % des crédits de la politique d'immigration menée par ce Gouvernement.

Votre sous-information est telle qu'en juillet dernier, comme je vous interrogeais sur le nombre de régularisations intervenues en 2008, vous avez répondu que vous n'aviez pas les moyens de le connaître. J'espère que vous avez depuis remédié à cette fâcheuse ignorance, et nous souhaiterions donc savoir combien d'étrangers en situation irrégulière ont été régularisés, et à quel titre. M. Diard, qui vient d'évoquer l'annulation de la circulaire sur la régularisation par le travail, a omis de relever que, dans cette décision, le Conseil d'État a considéré que le ministère avait tendance à empiéter largement sur les pouvoirs du Parlement.

La compassion s'impose aussi parce que vous êtes, ou devriez être, le ministre de l'accueil et de l'intégration – c'est du moins la politique que vous affichez. Or les dépenses que notre pays consacre à l'immigration sont 150 fois plus importantes pour interpeller, placer en rétention et expulser que pour accueillir et intégrer des primo-arrivants entrés légalement en France. Le chiffre est énorme et la politique inefficace, car on note un effondrement du taux d'exécution des mesures d'éloignement, tombé de 62 % en 2002 à 20 % en 2008. Et pour cause : les juridictions ont jugé illégales nombre d'interpellations ou de procédures– une sur trois !

Vous devez également être très frustré par les résultats enregistrés dans un autre secteur essentiel de votre action : l'immigration choisie et le rééquilibrage en faveur de l'immigration professionnelle. Même si l'immigration familiale connaît la même évolution, vous devez certainement déplorer que le nombre de titres de séjour délivrés pour l'exercice d'une activité professionnelle ait baissé de 2 % cette année.

J'en viens aux accords de « gestion concertée », déjà évoqués par les rapporteurs. L'accord signé avec la Tunisie présente cette particularité qu'il permet aux ressortissants de ce pays de venir en France pour exercer des métiers dits « ouverts » alors qu'il y a sur notre territoire des Tunisiens demandant la régularisation de leur situation au titre du travail. M. Joyandet, qui représentait le gouvernement lors du vote de la loi autorisant la ratification de cet accord n'a pas pu nous fournir d'explications. Pouvez-vous nous les donner aujourd'hui ?

La politique du développement solidaire constitue probablement une autre source de frustration pour vous, car elle ne représente que 3 % de vos crédits en dépit des objectifs que vous affichez. J'observe, en outre, que l'objet des projets aidés est moins de favoriser le développement que de financer des mesures de sécurisation dont on voit mal ce qu'elles apportent à cette politique.

Connaissant votre rigueur et l'attention que vous portez à l'utilité de la dépense publique, on peut s'étonner que vous n'ayez pas corrigé les hypothèses manifestement erronées sur lesquelles ce budget est construit. Le projet annuel de performances prévoit notamment que le nombre des demandes d'asile devrait rester stable par rapport au niveau atteint en 2007. Or, le nombre de demandes a considérablement augmenté en 2008 et au premier semestre 2009. Le fort décalage qui existe entre ce budget et la réalité contraint les collectivités territoriales à se substituer à l'État bien qu'elles soient déjà étranglées financièrement. Que comptez-vous faire pour remédier à cette situation de sous-dotation chronique ?

Malgré les réformes que vous avez engagées en vue d'améliorer l'efficacité de vos services, vous avez révisé à la baisse les indicateurs de performances de cette mission. La durée moyenne d'instruction des demandes de naturalisation étant passée de moins de 400 à 470 jours entre 2007 et 2009, vous vous êtes fixé le résultat de 2009 comme objectif à atteindre en 2010. Vous avez donc intégré votre échec, ce qui est d'autant plus navrant que la délégation de l'instruction des dossiers aux préfectures, engagée à titre expérimental dans le cadre de la révision générale des politiques publiques avec l'idée de la généraliser en 2010, était censée accélérer le traitement des dossiers.

Je ne reviens pas sur la question des demandes d'asile, déjà évoquée par plusieurs collègues. En revanche, je serais heureuse que vous vous engagiez à pérenniser le financement du dispositif d'accueil des mineurs étrangers isolés. Je rappelle qu'on n'en compte pas moins de 850 à Paris, dont un quart d'origine afghane. Or ni vous, ni M. Apparu, dont le ministère co-finance le dispositif en vigueur, qui a fait la preuve de son efficacité, ne vous êtes prononcés sur ce sujet.

Le groupe SRC ne partage pas l'enthousiasme manifesté par les rapporteurs et par les présidents Warsmann et Poniatowski en ce qui concerne les résultats obtenus par votre politique de lutte contre l'immigration illégale.

J'observe que le déménagement de vos services a coûté cher et que les loyers ont augmenté au passage de 46 %. Votre ministère ne donne pas un bon exemple en matière de gestion à un moment où l'on demande des efforts considérables aux contribuables et aux collectivités locales. On peut également s'interroger sur votre très coûteuse politique de recrutement de cadres A +, qui n'a visiblement pas porté ses fruits compte tenu des résultats peu satisfaisants obtenus par votre ministère.

Vous n'êtes pas responsable du coût exorbitant – 16,6 millions d'euros – du sommet de l'Union pour la Méditerranée organisé sous la présidence française de l'Union européenne. Toutefois, vous pourrez peut-être nous expliquer pourquoi il n'a pas été question de l'immigration à cette occasion – c'est tout de même un sujet important en Méditerranée.

Enfin, puisque vous tirez fierté de l'adoption d'un pacte européen sur l'immigration et l'asile, pourquoi ne profitez-vous pas du Conseil européen qui a lieu aujourd'hui et demain pour proposer que l'on applique aux ressortissants afghans la directive européenne de 2001 sur la protection temporaire ?

PermalienPhoto de Claude Goasguen

Je me concentrerai sur le fondement même de la politique d'immigration, à savoir l'application de la loi.

Les renseignements dont nous disposons sur cette question essentielle ont été longtemps parcellaires. Il a fallu mener un long combat en compagnie de Philippe Goujon, deThierry Mariani et d'autres collègues encore, pour obtenir des chiffres, lesquels ne sont pas encore totalement satisfaisants. En effet, même si les divergences se sont atténuées, les éléments portés à notre connaissance par les différentes administrations compétentes ne concordent pas totalement. Il nous faudrait un véritable mode d'emploi pour nous y retrouver.

Pour notre part, nous souhaitons sans la moindre ambiguïté une application rigoureuse de la loi, faute de quoi il ne saurait y avoir de politique d'immigration. Je dois avouer que je ne suis pas très enthousiasmé par les opérations spectaculaires auxquelles nous avons récemment assisté, car la question de l'immigration ne saurait se réduire à une simple polémique sur le sort de trois Afghans. Je rappelle que le Royaume-Uni a expulsé 25 ressortissants de ce pays à bord du même vol sans que la presse britannique trouve nécessaire de se faire l'écho d'une telle opération, hormis pour déplorer son coût.

Vous êtes à la tête d'un ministère jeune et frais, c'est-à-dire immature. On peut notamment s'interroger sur la coordination entre vos services et ceux de l'intérieur, de la justice, du travail et des affaires étrangères. Comment se passent vos relations avec ces différents ministères ? Comment se fait-il que la loi soit moins bien appliquée que par le passé, au vu des chiffres dont nous disposons ?

Il est naturellement plus facile et plus plaisant d'évoquer les aspects positifs de la politique de l'immigration – l'intégration, par exemple, ou l'octroi du droit d'asile –, que l'application de la loi et les données statistiques, sujets sur lesquels je souhaiterais que vous nous apportiez des explications complémentaires en séance publique. Nos concitoyens n'accordent pas beaucoup de crédit aux chiffres de l'immigration et ils ont l'impression que la situation n'évolue dans le bon sens. C'est pourquoi nous avons besoin de précisions.

PermalienPhoto de Didier Migaud

Je rappelle que nous n'examinerons pas ces crédits en séance publique. Seul un vote aura lieu, précédé d'explications de vote.

PermalienPhoto de Claude Goasguen

Ce sera pour moi l'occasion de revenir sur ces questions.

PermalienÉric Besson

ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Avant de répondre aux questions qui m'ont été posées, je voudrais vous présenter les axes prioritaires et les grandes lignes budgétaires de cette mission.

La hausse des crédits affectés à l'immigration traduit la volonté du gouvernement de mener dans ce domaine une politique tout à la fois ambitieuse et équilibrée, ferme et humaniste. Notre pays fait preuve de générosité en accueillant et en intégrant des étrangers en situation régulière, mais il mène également, dans l'intérêt même d'une bonne intégration, une lutte déterminée contre l'immigration clandestine et contre les filières mafieuses des passeurs.

Les moyens budgétaires s'élèvent à près de 600 millions, ce qui représente une augmentation de plus de 60 millions, et de 11,5 %, par rapport à l'année 2009. Les effets des changements de périmètre étant limités à 6,8 millions d'euros, l'évolution des crédits résulte, pour l'essentiel, d'une véritable augmentation des moyens alloués à la politique d'immigration et d'intégration.

Le premier axe de notre action est la politique d'asile, à laquelle 54 % des crédits – 318 millions d'euros – sont consacrés. Après avoir augmenté de 19,9 % en 2008, le nombre des demandes d'asile a continué de s'accroître plus rapidement que prévu – de 13,9 % – au cours des premiers mois de l'année 2009. Afin de prendre en compte cette évolution, nous disposerons de 29 millions d'euros de crédits supplémentaires en 2010, ce qui nous permettra de créer 1 000 places dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile, les CADA, et de pourvoir au financement de l'allocation temporaire d'attente, l'ATA. La multiplication par quatre des places disponibles dans les CADA depuis 2001 témoigne bien de l'importance et de la constance des efforts réalisés en matière d'immigration par le Gouvernement.

La lutte contre l'immigration irrégulière, qui bénéficiera de 104 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 94 millions en crédits de paiement, est le second axe de notre action. Dans un État de droit, la loi républicaine doit en effet s'appliquer avec humanité, mais aussi avec fermeté.

A compter de l'année prochaine, les crédits alloués à la construction et à la rénovation des CRA, les centres de rétention administrative, dont le montant s'élève à 24 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 14 millions en crédits de paiement, seront transférés au ministère de l'immigration. La reconstruction du CRA de Vincennes, détruit en 2008, et celle des CRA du Mesnil-Amelot se poursuivront en 2010. Nous avons également décidé de construire un nouveau centre à Mayotte, où les conditions actuelles de rétention ne sont pas acceptables.

Notre troisième domaine d'action est la politique d'intégration. Un montant de près de 80 millions d'euros y est affecté en 2010, ce qui représente 8,7 millions de plus que cette année. Il faut ajouter à ce montant les 75 millions d'euros mis à la disposition de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, l'OFII, qui est l'opérateur du ministère dans ce domaine.

L'intégration est un complément indispensable de notre politique de maîtrise des flux migratoires. Pays très accueillant, la France accorde chaque année deux millions de visas de court séjour et 180 000 visas de long séjour, et elle est l'État qui accueille le plus de réfugiés en Europe.

Pour offrir les meilleures conditions d'intégration possibles aux étrangers venus légalement sur notre territoire et désireux de s'y installer durablement, nous avons engagé un certain nombre d'actions innovantes, telles que le dispositif « Ouvrir l'école aux parents », le label « diversité » dans les entreprises et les collectivités territoriales ou encore le parcours de réussite professionnelle. Au cours des prochaines semaines, je proposerai des mesures complémentaires de formation linguistique dans le cadre des contrats d'accueil et d'intégration et des contrats d'accès à l'emploi.

Le développement solidaire, qui bénéficie des crédits du programme 301, constitue le dernier axe d'action du ministère.

Neuf accords avec des pays étrangers ont déjà été signés dans ce domaine. Pour atteindre l'objectif fixé par le Président de la République et par le Premier ministre, qui est de conclure une vingtaine d'accords d'ici à 2012, nos moyens seront accrus l'an prochain de 13 millions d'euros en autorisation d'engagement et de 9,5 millions en crédits de paiement, par rapport à ce que prévoyait la programmation triennale.

Pour l'année 2010, j'ai pour ambition de signer au moins trois nouveaux accords. Des négociations sont en cours avec les pays d'Afrique subsaharienne, les grands pays émergents, tels que le Brésil, la Chine et le Vietnam, et la zone des Balkans occidentaux.

J'ajoute que nous plaçons de grands espoirs en matière de développement solidaire dans le fonds fiduciaire qui a été créé en partenariat avec la Banque africaine de développement.

Comme vous pouvez le constater, ce budget nous permettra de réaliser les ambitions du gouvernement malgré les difficultés du contexte budgétaire actuel

J'en viens aux questions que vous avez bien voulu me poser.

Comme l'a rappelé le président Poniatowski, le rééquilibrage en faveur de l'immigration économique fait partie des objectifs fixés par le Président de la République. Nous partons de très bas, car elle ne représentait en 2006 que 10,4 % de l'immigration dite « durable », c'est-à-dire exception faite des étudiants et des saisonniers. Notre objectif est de porter le ratio à 50 % d'ici à 2012.

Toutes nationalités confondues, le nombre des titres de séjour délivrés pour motif professionnel s'est d'abord stabilisé en 2007, puis il s'est fortement accru en 2008, passant de 11 751 à 21 310, soit une augmentation de 81,3 %.

Je serai plus nuancé que le président Poniatowski en ce qui concerne la part des ressortissants marocains dans les évolutions de l'immigration économique. En effet, elles s'expliquent en grande partie par la délivrance de cartes de séjour aux travailleurs saisonniers depuis 2008 : près de 75 % d'entre eux sont d'origine marocaine dans le secteur agricole.

Au-delà des effets quantitatifs, l'évolution de l'immigration professionnelle a été influencée par la création, en 2008, d'une liste de métiers en tension ouverts aux ressortissants étrangers sans possibilité d'opposer la situation du marché de l'emploi.

J'en viens au déploiement de la biométrie : de 2005 à 2008, le nombre d'ambassades et de consulats équipés en la matière est passé de 5 à 57, et la part des visas biométriques délivrés de 3 à 29 %. En 2009, 63 nouveaux postes seront équipés, ce qui portera le taux de délivrance des visas biométriques à près de 50 %. D'ici à 2011, 32 consulats et ambassades resteront à équiper. Pour y parvenir, nous comptons externaliser le recueil des données biométriques, ce qui sera fait dès la fin de l'année 2010 dans les consulats d'Alger, d'Istanbul et de Londres, lesquels traitent chaque année environ 300 000 demandes de visas, soit 15 % des dossiers au niveau mondial.

A Alger, les problèmes immobiliers n'ont pas pu être résolus par le Quai d'Orsay. C'est pourquoi nous mettons en place le projet Visa Bio, qui a été validé par la CNIL, puis soumis au Conseil d'État. Si cette expérimentation est concluante, le dispositif sera déployé en Russie et en Chine, où sont déposées respectivement 350 000 et 160 000 demandes de visas par an.

Il est exact que tous les moyens humains et financiers mobilisés contre l'immigration illégale ne sont pas sous la responsabilité de mes services, conçus pour former un ministère d'« état-major ». Au plan budgétaire, seuls 104 millions d'euros en autorisations d'engagement et 94 millions en crédits de paiement sont affectés au ministère de l'immigration pour cette mission.

Le document de politique transversale annexé au projet de loi de finances a pour but de retracer la contribution des autres ministères à la politique d'immigration et d'intégration. Il s'agit notamment des programmes 176, « Police nationale », et 152, « Gendarmerie nationale », qui regroupent respectivement 613 et 70 millions d'euros. Toutefois, je reconnais que l'ensemble des données existantes ne permet pas d'appréhender parfaitement le coût des politiques que nous menons. C'est ce qui fait l'intérêt d'études telles que le rapport de l'Inspection général de l'administration sur le coût de la politique d'éloignement.

Monsieur Goasguen, les résultats obtenus sont en phase avec les objectifs fixés par le Président de la République et par le Premier ministre, à savoir 27 000 reconductions à la frontière en 2009. Après avoir été un peu deçà des prévisions au cours du premier trimestre, nous nous en rapprochons : 21 882 personnes ont en effet été reconduites au cours des neuf premiers mois de l'année.

En ce qui concerne la lutte contre les filières clandestines, nous avons déjà dépassé les résultats obtenus en 2008 : 107 filières ont été démantelées cette année, contre 101 l'an passé. C'est un beau résultat dont on peut légitimement se féliciter.

En outre, nous avons déjà procédé à 2 797 verbalisations pour travail illégal, soit presque autant qu'en 2008 alors que l'année n'est pas terminée. Vous voyez donc que les efforts ne se relâchent pas.

Je souhaite maintenant répondre aux questions de Béatrice Pavy sur l'asile, questions qui rejoignent certaines préoccupations du président Migaud.

Le budget consacré à l'asile tient compte de la progression des demandes, puisqu'il connaît une hausse de 10 % : 318 millions sont prévus en 2010, contre 289 millions en 2009. Quant aux crédits liés à l'allocation temporaire d'attente, ils passent de 30 à 53 millions d'euros. Par ailleurs, nous avons prévu le financement de mille places supplémentaires en centre d'accueil pour demandeur d'asile.

Je suis bien conscient de la difficulté de faire des prévisions en matière d'asile. Ainsi, le nombre de demandes était tombé de 65 614 en 2004 à 35 520 en 2007 avant de remonter à 42 599 en 2008. Cette progression s'est poursuivie au premier semestre de 2009 – plus 16,5 % –, puis est redescendue à 13,9 % pour les neuf premiers mois. Les prévisions pour le projet de loi de finances ont été établies sur la base des hypothèses du contrat d'objectifs et de moyens signé en décembre dernier avec l'OFPRA, c'est-à-dire une hausse de l'activité de 5 % et 45 500 demandes d'asile, dont 28 500 premières demandes.

Ces prévisions tiennent compte de l'objectif de réduction des délais d'examen des demandes d'asile par l'OFPRA et de recours par la CNDA. Il faut avoir conscience qu'une réduction des délais peut permettre de réduire significativement nos dépenses en matière d'asile. Ainsi, le gain d'un mois de délai peut permettre d'économiser environ 8 millions d'euros sur le budget de l'État. Sur ce plan, des progrès ont été réalisés depuis deux ans par l'OFPRA, même s'ils sont contrariés par la forte augmentation du nombre de demandes. Pour 2010, j'attends beaucoup de l'amélioration du fonctionnement de la Cour nationale du droit d'asile – la CNDA –, grâce à l'arrivée de dix magistrats professionnels cet automne. Il s'agit pour nous d'une excellente nouvelle. Si l'augmentation du nombre de demandes se poursuivait au même rythme, peut-être faudrait-il encore accroître les moyens de la CNDA.

Enfin, je veux vous rassurer, madame Mazetier : si les prévisions étaient dépassées, le Premier ministre m'a garanti que les besoins nécessaires seraient couverts en gestion en 2010. L'engagement figure dans la lettre plafond du projet de loi de finances pour 2010. L'État n'a de toute façon jamais manqué à ses devoirs en matière d'asile.

La non-utilisation de la salle d'audience de la ZAPI de Roissy est un sujet récurrent depuis 2001, malgré la réalisation de travaux à hauteur de 2,5 millions d'euros. Nous relançons ce dossier avec la Chancellerie, notamment dans le cadre des travaux de réaménagement du TGI de Bobigny. Les autres salles d'audience des CRA – c'est-à-dire Coquelles, Marseille et bientôt Le Mesnil-Amelot – sont, elles, utilisées.

Vous savez que le ministère a publié, à l'été 2008, un décret permettant de passer une convention avec une ou plusieurs personnes morales pour assister les étrangers placés en rétention et les aider à exercer leurs droits. Auparavant, une seule association, la CIMADE, était concernée. Les centres de rétention ont été répartis en huit lots dans le double souci d'assurer une cohérence d'ensemble et des équilibres géographiques. L'allotissement a également permis d'établir une égalité de traitement entre les CRA métropolitains et ceux d'outre-mer. Le décret ayant été définitivement validé par le Conseil d'État, il y aura donc à l'avenir un partage du marché de l'assistance aux étrangers en situation irrégulière. En revanche, pour l'appel d'offres, nous sommes encore dans l'attente du jugement du tribunal administratif de Paris et de celui du Conseil d'État. Ce dernier a examiné le dossier le 13 octobre, et devrait donc se prononcer dans les semaines à venir.

Vous m'avez interrogé sur l'éventuelle indemnisation due aux associations si le marché ne devait pas entrer en application. Nous sommes conscients que la question pourrait se poser, mais il est impossible, à ce stade, de déterminer si une telle indemnisation aura lieu, et le cas échéant quel serait son montant.

J'en viens à la question du coût des reconduites, abordée par plusieurs députés. Comme l'a rappelé le président Migaud, j'ai transmis aux commissions des finances de l'Assemblée et du Sénat le rapport sur le sujet que j'avais commandé à l'Inspection générale de l'administration. Ce rapport estime que le coût global de la politique d'éloignement peut être estimé à 232 millions d'euros, sans compter les coûts afférents aux différentes juridictions. En effet, les rapporteurs ont eu des difficultés à établir une comptabilité analytique fine du temps consacré à cette politique par les juges des libertés et de la détention et par les tribunaux administratifs, d'autant que nous leur avions laissé un délai relativement court pour réaliser ce travail, la question intéressant beaucoup du monde. Mais nous pourrions éventuellement aller plus loin.

Comme l'IGA le dit à juste titre, rapporter le coût global au nombre d'éloignements pour déterminer le coût moyen d'une reconduite présente l'inconvénient majeur de faire peser l'ensemble des coûts sur le maillon final de cette politique – on pourrait ici faire un parallèle avec un calcul aussi peu judicieux qui consisterait à rapporter les coûts de la chaîne judiciaire aux seules personnes condamnées. L'IGA propose donc deux autres méthodes de calcul qui nous paraissent plus pertinentes : soit établir le coût moyen des trois principales phases du dispositif – interpellation, placement en CRA et reconduite –, auquel cas le coût moyen global peut être estimé à 6 300 euros ; soit calculer un coût moyen de parcours type, qui s'élève alors à 5 130 euros pour une reconduite sans escorte et 11 150 euros pour une reconduite avec escorte. Pour le détail des coûts fixes, des coûts semi-variables et des coûts variables, vous le trouverez dans le rapport.

Nous allons tenir compte de ces résultats et réfléchir à l'organisation de notre dispositif de rétention et aux moyens d'en optimiser le fonctionnement. Chacun retiendra parmi les chiffres que je viens de citer celui qui sert le mieux sa propre démonstration. Mais pour réduire le coût des reconduites à la frontière, est-on prêt à réduire les procédures ? Je pense que personne ne fait une telle suggestion. Le dispositif français est en effet particulièrement soucieux du respect des libertés individuelles et des libertés publiques. Cette précaution nous honore, mais elle coûte cher. Quand bien même on estimerait que le coût de la reconduite à la frontière est trop élevé – ce que pour ma part je ne crois pas –, faut-il en tirer la conclusion qu'il convient d'abandonner cette politique ? Il faudrait alors évaluer le coût direct de l'immigration irrégulière, et on se rendrait alors vite compte du caractère faramineux des sommes en jeu. Et je ne parle pas des coûts indirects : squats, travail illégal, exploitation des êtres humains. Si on se livrait à une comparaison uniquement financière, certains seraient surpris du résultat.

Mme Pavy m'a également interrogé sur le dispositif d'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile. Celui-ci permet de mobiliser 11 100 places, dont 1 500 sont gérées par ADOMA. En 2009, ce sont 71 millions d'euros qui ont été consommés à ce titre, contre une estimation initiale de 30 millions d'euros. L'écart s'explique par l'augmentation des demandes d'asile.

Je répondrai en même temps aux questions de Philippe Cochet et d'Éric Diard sur la demande d'asile, car elles sont complémentaires. Je ne reviens pas sur les chiffres : la hausse du nombre de demandes a eu pour conséquence le rallongement des délais de traitement des dossiers, à l'OFPRA comme à la CNDA. Pour l'Office, nous étions passés de 105 jours en 2007 à 100 en 2008, et notre objectif était de descendre à 95 jours en 2009. Mais alors que le délai moyen était de 112 jours au premier trimestre, la tendance actuelle est à une remontée au-dessus de 120 jours. De tels indicateurs ne semblent pas vous satisfaire, madame Mazetier. Nous n'avions pas prévu, il est vrai, l'ampleur de la montée des demandes d'asile. Mais vous pouvez admettre que la situation s'impose à nous.

PermalienÉric Besson

ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Même si nous constatons une augmentation des délais, je veux souligner que l'OFPRA a poursuivi en 2008 et en 2009 ses efforts pour améliorer son efficacité, ce qui a permis d'amortir une partie de la hausse de la demande. L'Office a fourni des efforts de productivité puisque le nombre de dossiers traités par agent instructeur et par jour travaillé est passé de 1,7 en 2007 à 1,80 en 2008 et à 1,81 dans les six premiers mois de 2009. Le contrat d'objectifs et de moyens prévoit que l'établissement doit être plus flexible dans son organisation pour pouvoir absorber des pics de demandes sans sureffectifs. Mais nous avons également prévu de solidifier l'assise financière de l'Office en faisant passer la subvention annuelle du ministère de 30,5 millions d'euros en 2009 à 32 millions en 2010 et à 33 millions en 2011.

Je suis parfaitement conscient des difficultés rencontrées actuellement par l'OFPRA. J'ai donc souhaité que nous fassions ensemble un point sur l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens, dans le cadre du comité de pilotage. La réunion devrait avoir lieu dans la première quinzaine de novembre. Nous verrons alors s'il faut augmenter le nombre d'agents de protection. Quant à la réduction des délais, elle passe aussi, nous semble-t-il, par une meilleure utilisation de la procédure prioritaire.

Enfin, nous voulons élargir la réflexion sur les délais globaux, c'est-à-dire correspondant à la procédure devant l'OFPRA et devant la CNDA. Alors qu'au premier semestre 2009, le délai moyen de traitement global était de dix-sept mois et demi, nous voulons essayer de le ramener à un an. C'est un objectif très ambitieux, mais l'atteindre pourrait avoir des effets extrêmement favorables non seulement pour le demandeur d'asile, lequel a hâte de connaître la réponse à sa demande, mais aussi pour les finances publiques, pour les raisons que j'ai déjà indiquées. Nous comptons beaucoup sur les magistrats permanents pour parvenir à ce résultat.

M. Cochet m'a interrogé sur la protection internationale que nous avons accordée à un certain nombre de ressortissants de pays africains – Somalie, Érythrée, Soudan – qui avaient été préalablement accueillis à Malte et avaient bénéficié du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire. Malte leur a accordé cette protection en coopération avec le Haut commissariat aux réfugiés. Pour répondre très précisément à votre question, monsieur Cochet, 90 % des 750 000 euros engagés par la France pour cette opération de réinstallation vont être couverts par le Fonds européen pour les réfugiés. Les personnes concernées suivent en ce moment un parcours d'intégration – logement, scolarité, formation, apprentissage du français – financé sur cette enveloppe.

Afin de prolonger cette action, la France a souhaité mobiliser ses partenaires européens en faveur de Malte et répondre ainsi à la demande adressée par les pays méditerranéens au Conseil européen des 18 et 19 juin 2009. Je précise que la France a été le premier pays à participer à cette opération pilote, ce qui est une réponse à ceux qui prétendent qu'elle n'est pas généreuse en matière d'asile. Au contraire, dans ce domaine, nous sommes le pays le plus généreux en Europe. Je pourrais même montrer que nous sommes le pays le plus généreux au monde, mais puisqu'il y a polémique sur les chiffres, disons que nous venons après les États-Unis.

Je me suis donc engagé à ce que nous répétions l'année prochaine l'opération de Malte. Malheureusement, pour l'heure, les autres États européens sont très peu nombreux à avoir répondu à la demande du Conseil européen. La Slovaquie s'est engagée pour dix personnes, le Portugal pour six et le Luxembourg pour cinq. Je suggère à ceux qui prennent des positions fortes sur la question de l'asile de méditer ces chiffres.

J'en viens aux ressources de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Contrairement à l'OFPRA, pour lequel la subvention représente l'essentiel des ressources, la subvention pour charges de service public n'est traditionnellement versée à l'OFII – ex-ANAEM – que si la situation financière de l'établissement le nécessite. Pour 2010, nous ne disposons pas de marges de manoeuvre sur le fonds de roulement de cet Office. Dans sa configuration actuelle, celui-ci n'a pas encore un an d'existence, et manque donc de recul pour apprécier le rendement de ses ressources propres et le coût des missions nouvelles prévues par la loi de 2007 ou provenant de l'ACSE. En tenant compte du versement de la totalité de la subvention du ministère – 15 millions d'euros prévus par le PLF pour 2010 –, l'OFII estime le besoin de financement complémentaire à environ 5 millions d'euros. J'ai demandé à mes services de procéder à une analyse détaillée des résultats de 2009 et de me dire s'il convient d'augmenter ses ressources propres. Je n'exclus pas de proposer des mesures sur ce sujet dans le cadre de la prochaine loi de finances rectificative. Bien évidemment, je vous en tiendrai informés.

L'OFII s'emploie par ailleurs à améliorer les conditions de recouvrement de ses recettes. Plusieurs mesures sont à l'étude, comme la dématérialisation du droit de timbre sur les titres de séjour accordés aux ressortissants étrangers.

Éric Diard m'a interrogé sur l'annulation de la circulaire de régularisation signée par mon prédécesseur le 7 janvier 2008 afin de mettre en oeuvre l'article 40 de la loi du 20 novembre 2007. Cette décision a été prise le 23 octobre par le Conseil d'État pour un motif de forme, une imperfection de rédaction pouvant laisser croire que les dossiers étaient soumis à une condition de recevabilité alors que ce n'était pas le cas – ils ont été examinés au fond. Cette annulation anticipée donne lieu à des discussions avec les syndicats en vue de diffuser une autre circulaire plus claire, tenant compte des exigences émises par le Conseil d'État. Soyez rassurés, cette annulation n'a strictement aucun impact sur les situations individuelles des 2 800 étrangers régularisés par le travail – et je réponds ainsi à la question de Mme Mazetier.

Concernant le centre de rétention de Mayotte, l'actuel bâtiment peut accueillir 60 personnes. Il avait d'abord été prévu de porter sa capacité à 90, puis à 140 places. Le coût de construction du CRA est estimé à 20 millions d'euros par le ministère de l'intérieur. Nous prévoyons le calendrier suivant : consultation des concepteurs réalisateurs en décembre 2009 ; lancement des travaux au premier semestre 2010 ; livraison à l'été 2011 si tout se passe bien.

En ce qui concerne les accords de gestion concertée, sur les neuf conclus, cinq ont été ratifiés : les accords avec le Gabon, le Sénégal, le Bénin, la Tunisie et le Congo. S'agissant de Maurice, le projet de loi de ratification a été déposé au Sénat le 10 juin 2009. Un de mes collaborateurs ayant été auditionné cette semaine par le rapporteur, j'espère que les choses vont avancer rapidement. Concernant le Cap Vert et le Burkina Faso, les textes ont été transmis au Conseil d'État début octobre. Pour l'accord passé avec le Cameroun, que je n'ai signé que très récemment, la procédure de consultation interministérielle doit être lancée par le ministère des affaires étrangères avant transmission au Conseil d'État. Enfin, l'arrangement administratif avec le Brésil n'a, lui, pas besoin d'être ratifié, et est d'ores et déjà opérationnel. Nous réunirons le groupe de travail début 2010.

Au sujet du conseil interministériel à l'intégration, il m'est difficile de vous répondre précisément, monsieur Diard, puisque les discussions sont encore en cours, en attendant l'arbitrage du Premier ministre. Je me limiterai à indiquer nos principaux objectifs, dont le premier est d'augmenter le niveau de langue exigé pour les primo-arrivants. Nous considérons en effet que la langue est le premier outil de l'intégration. Lorsque l'on arrive sur le sol français sans maîtriser la langue, on a très peu de chances – et c'est une litote – de pouvoir s'intégrer. Le deuxième objectif est de favoriser l'emploi des populations immigrées, ce qui passe, entre autres initiatives, par la mise en place du label « diversité ». Nous devons également faire un effort particulier en direction des femmes et des jeunes, ainsi qu'à l'égard des migrants les plus âgés. Enfin, nous devons améliorer notre connaissance des parcours d'intégration.

Je n'ai pas compris, madame Mazetier, vos propos introductifs faisant référence à mes précédentes fonctions de secrétaire d'État. C'était visiblement très subtil et vous en aviez l'air très satisfaite. Vous avez donc probablement atteint l'objectif que vous vous étiez fixé, et je n'ai pas besoin d'y revenir.

Au sujet des régularisations, nous devons effectuer un travail sémantique. Lorsqu'un préfet, après un premier refus de l'administration, réexamine un dossier et décide de faire droit à la demande, cette décision entre-t-elle dans la catégorie des régularisations ? Les avis sont partagés à ce sujet. C'est pourquoi le seul chiffre dont je dispose, et que je vous ai donné, est celui des régularisations par le travail. Nous avons par ailleurs conçu un système informatique dit AGDREF 2, mais pour le mettre en fonctionnement, nous avons besoin de l'accord de la CNIL. L'examen du dossier est en cours. Dès que cet accord sera donné, nous pourrons répondre précisément aux questions que vous avez posées.

Vous avez évoqué le Conseil européen qui se tient en ce moment même. À la demande de la France, les chefs d'État et de gouvernement vont parler de protection des frontières et d'harmonisation de la politique de l'asile. Selon nous, en effet, il n'est pas possible d'avoir à la fois un espace Schengen, ce merveilleux acquis de la construction européenne, …

PermalienÉric Besson

ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. C'est en partie vrai, notamment en Grèce – et en disant cela, mon intention n'est pas d'accuser ce pays, qui doit faire face à une situation extrêmement difficile. Il faut dire aussi que la Turquie ne joue pas le jeu en matière de protection de la frontière et de réadmissions. Quoi qu'il en soit, nous connaissons des difficultés sur certains points d'entrée. Le Président de la République s'est saisi du dossier, et j'ai déposé sur la table de mes collègues ministres européens, le 21 septembre, plusieurs propositions visant à renforcer les frontières européennes et à doter l'agence européenne Frontex non seulement de nouveaux moyens matériels mais surtout d'une doctrine d'utilisation de ces moyens totalement renouvelée. Outre le renforcement des frontières, nous recherchons l'harmonisation progressive de la politique d'asile, qui passe notamment par l'installation rapide du bureau d'asile prévu par le pacte européen négocié et signé par mon prédécesseur. C'est indispensable, sans quoi l'espace Schengen lui-même serait, à terme, menacé. Dans ce domaine, plusieurs pays méditerranéens – Malte, Chypre, Grèce, Italie – sont en première ligne.

Vous suggérez d'appliquer aux Afghans présents en Europe la directive de 2001 sur la protection temporaire. Mais ce texte ne s'applique qu'à l'occasion d'un afflux massif et immédiat de personnes fuyant des persécutions. Il vise des situations d'afflux de réfugiés telles que celles que nous avons connues lors des guerres de Yougoslavie. S'agissant des Afghans – seulement quelques milliers de personnes en Europe –, nous ne sommes pas dans ce cas de figure.

PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Vous confirmez donc que l'on ne peut pas parler d'afflux massif.

PermalienÉric Besson

ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Il s'agit d'un afflux régulier qui pose des difficultés – notamment à nous, Français – mais, en effet, pas d'un afflux massif au sens de la directive de 2001 que vous avez citée. De toute façon, les règles sont claires : lorsque l'on provient d'un pays en guerre, connaissant des troubles ou des attentats, on a droit au statut de réfugié ou à la protection subsidiaire. Mais pour cela, il faut se présenter devant des organismes indépendants. En France, l'OFPRA est totalement indépendant, et j'approuve toutes ses décisions. Lorsque l'Office décide que le demandeur n'a pas apporté les preuves des risques personnels qu'il encourait et n'est pas victime de persécutions, et à partir du moment où la Cour européenne des droits de l'homme valide cette décision, que devons-nous faire ? Si l'on estime qu'une personne dans cette situation doit pouvoir rester en Europe, il faut le dire haut et fort, cela permettra de faire avancer le débat. Mais je n'ai entendu aucune voix dans ce sens.

Concernant la naturalisation, la réforme que j'ai engagée supprimant la double procédure d'instruction, dans laquelle les préfectures se chargeaient de l'instruction proprement dite des dossiers et le ministère de l'homogénéisation des décisions, permettra de dégager des moyens financiers et humains. La première priorité en ce domaine est en effet de résorber les stocks. Un effort important a déjà été fait puisqu'au 30 juin 2009, ceux-ci avaient été réduits de 17,4% à la sous-direction de l'accès à la nationalité française et de 9,4% dans les préfectures, par rapport au 1er janvier de la même année. Quinze vacataires ont été recrutés, vraisemblablement jusqu'au début 2010, pour permettre de résorber totalement ces stocks. Les nouveaux visas long séjour valant titre de séjour permettront également de dégager des moyens puisque cette réforme évitera à 100 000 étrangers au moins par an une double instruction de leur dossier, réalisée tout d'abord au nom du ministère des affaires étrangères dans les consulats de leur pays d'origine puis à leur arrivée en France, au nom du ministère de l'intérieur dans les préfectures. C'est d'ailleurs l'un des intérêts de la création d'un ministère de l'immigration - quasiment tous les pays européens en mettent d'ailleurs un en place – regroupant des services des affaires étrangères, des affaires sociales et de l'intérieur. Tout en facilitant l'entrée des étrangers sur notre territoire, cette réforme fait économiser beaucoup d'argent public.

Vous avez dit, Madame Mazetier, que le coût de la reconduite à la frontière était 150 fois supérieur…. Je pense que votre langue a fourché.

PermalienÉric Besson

ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Pourriez-vous alors m'expliquer comment vous arrivez à ce chiffre ?

PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

On constate dans le programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française », qui regroupe les seules actions d'accueil des primo-arrivants – celles concernant les étrangers entrés légalement sur notre territoire depuis plus de cinq ans relevant du secrétariat d'État de Mme Amara – que le forfait d'accueil s'élève à 135 euros par personne. Je maintiens, en m'appuyant sur des données croisées, issues d'un rapport de la Cour des comptes et d'un rapport du Sénat, que le coût de la rétention des personnes puis de leur expulsion est bien 150 fois supérieur à ce forfait.

PermalienÉric Besson

ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Vous m'avez élégamment fait observer tout à l'heure que je n'étais pas doué pour la prospective. Il se trouve que j'étais aussi, dans mes précédentes fonctions, chargé de l'évaluation des politiques publiques. Je ne vous conseillerais pas de faire carrière dans ce secteur. Le montant de 232 millions d'euros avancé pour le coût des reconduites à la frontière – et dont l'IGA a elle-même reconnu qu'il était largement surestimé – est à mettre en regard des 150 millions d'euros du budget de l'Office français de l'immigration et de tous les crédits pour l'intégration. Prétendre que 232 millions, c'est 150 fois plus que 150 millions, même pour quelqu'un comme moi qui n'étais pas doué en mathématiques, cela dépasse les bornes !

PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Le coût moyen d'une expulsion s'élève à 21 000 euros, soit 150 fois plus que 135 euros. Et je ne suis pas particulièrement douée en mathématiques, monsieur le ministre !

PermalienÉric Besson

ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. J'ai déjà répondu s'agissant des accords bilatéraux et des naturalisations. Je pense également avoir répondu à M. Goasguen concernant les entrées irrégulières sur le territoire. Notre objectif est clair : la France ne peut pas être le seul pays d'Europe à ne pas reconduire à la frontière les étrangers entrés irrégulièrement sur son territoire. Tous les autres pays, victimes eux aussi de filières d'immigration clandestine, comme le Royaume-Uni, la Suède, la Norvège, les Pays-Bas, l'Allemagne et l'Italie, en renvoient beaucoup plus que nous. Dans le même temps, nous agirons dans le respect des traditions et des principes qui nous honorent. Nous ne reconduirons pas à la frontière les mineurs isolés - nous ne l'avons d'ailleurs jamais fait - , nous ne reconduirons pas non plus les personnes accueillies sur notre territoire pour des raisons humanitaires ou qui ont des problèmes de santé. Avant toute reconduite, nous vérifierons que les personnes ont refusé toutes les propositions qui leur ont été faites. A ce sujet, je signale que, sur 180 Afghans ayant bénéficié de l'aide au retour volontaire que nous avons proposée, 80 ont créé leur entreprise depuis le début de l'année à Kaboul et dans sa région. C'est une donnée importante que j'ai du mal à faire connaître plus largement : il me faudra faire preuve de plus de pédagogie !

Le renvoi de trois Afghans est en effet symbolique : il s'agit de signifier aux passeurs qu'ils auront de plus en plus de mal à effectuer leur sale travail à l'avenir ! Si nous montrons que la frontière entre la France et le Royaume-Uni est désormais beaucoup plus étanche, que nous avons démantelé les campements sordides dans lesquels étaient exploités ces malheureux étrangers et que la France n'est pas un sanctuaire où on ne pratique pas de reconduites à la frontière, nous avons toutes chances de tarir les trafics car les migrants n'accepteront plus de payer de 12 000 à 15 000 euros le « ticket d'entrée » jusqu'à Calais. Tous les chiffres, ceux de la police comme ceux des associations en attestent, la pression migratoire diminue dans le Calaisis.

Rapporté au nombre d'obligations de quitter le territoire français et d'arrêtés de reconduite à la frontière, le taux d'exécution baisse légèrement en effet, mais cette baisse est en partie optique. En effet, en 2007, il y a eu 97 000 OQTF et APRF contre 64 000 seulement en 2006, soit tout de même une augmentation d'un tiers. Le nombre de reconduites exécutées croît fortement : 7 611 en 2006 , 13 707 en 2007 et 19 000 en 2008. C'est également vrai des départs volontaires. Sous mon prédécesseur, il y en avait eu quelque 10 000 et si le chiffre chute, c'est en partie du fait de l'intégration en 2008 des Roms et des Bulgares.

L'échec dans l'exécution des décisions tient essentiellement à notre droit très exigeant. Dans 30% des cas, il tient à la décision d'un juge de la liberté et de la détention, dans 10% des cas, à celle d'un tribunal administratif, et dans 35% des cas, à la non-obtention d'un laissez-passer consulaire.

J'ai oublié, et je la prie de m'en excuser, de répondre à la question de Mme Mazetier concernant l'Union pour la Méditerranée. Vous savez souligné les acquis de la présidence française de l'Union européenne. Mon prédécesseur a en effet signé un pacte engageant les 27 pays…

PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

L'État français – vous n'y êtes certes pour rien, je le reconnais – a dépensé 16,6 millions d'euros pour un sommet d'une demi-journée, au cours duquel n'a même pas été évoquée la question des migrations en Méditerranée. Il ne me semble pas que la France ni la présidence française de l'Union puissent s'honorer de ce sommet.

PermalienÉric Besson

ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Je maintiens que le pacte signé par mon prédécesseur constitue un acquis important. Lorsque je rencontre les ministres étrangers chargés des questions migratoires, c'est toujours sur cette base que nous discutons.

Concernant le sommet de l'Union pour la Méditerrannée, je reconnais qu'il a coûté un peu plus qu'il n'aurait dû, probablement parce qu'il a été organisé dans l'urgence, mais il n'a rien eu du caractère somptuaire que l'on a dénoncé ça et là… Les questions migratoires n'y ont pas été abordées parce que les pays de la rive Sud ne l'avaient pas souhaité.

PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

C'est dommage ! C'est un sujet important en Méditerranée.

PermalienÉric Besson

ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Je réunirai de manière informelle tous les pays riverains de la Méditerranée le 14 décembre prochain pour traiter de ces questions. Votre préoccupation sera donc satisfaite.

PermalienPhoto de Didier Migaud

Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces réponses et donne la parole à d'autres de nos collègues qui souhaitent intervenir.

PermalienPhoto de Étienne Pinte

J'aborderai deux thèmes qui me tiennent particulièrement à coeur et entre lesquels j'établis un lien : d'une part, la question de l'hébergement et du logement – comme vous le savez, j'ai remis un rapport au Premier ministre sur l'hébergement d'urgence –et, d'autre part, l'asile – je suis membre du conseil d'administration de l'OFPRA, où je représente l'Assemblée nationale.

J'évoquerai les conditions d'hébergement et de logement des demandeurs d'asile mais aussi de ceux qui ont obtenu une protection. Je reconnais que des efforts ont été faits et que le nombre de places dans les CADA, les centres d'accueil pour demandeurs d'asile, est passé de 17 000 il y a quelques années à 24 000 aujourd'hui. Cependant, en 2008, 29 000 personnes étaient éligibles à une place en CADA. C'est dire qu'il manque au moins 9 000 places ! Ce ne sont donc pas les 1 000 supplémentaires prévues dans votre budget qui vont régler le problème – ces mille places avaient d'ailleurs été budgétées en 2008 et en 2009. Au-delà de l'aspect quantitatif, il y a aussi l'aspect qualitatif. En effet, les demandeurs d'asile accueillis en CADA bénéficient d'un accompagnement pour préparer leur requête en toute connaissance de cause et le mieux possible. Par ailleurs, je rappelle qu'une place en CADA coûte beaucoup moins cher à l'État qu'un hébergement en CHRS, en centre d'hébergement d'urgence ou à l'hôtel. Nous avons donc tout intérêt à augmenter très rapidement le nombre de places dans ces centres.

Aucun crédit supplémentaire n'est prévu en dépit de l'insuffisance du dispositif actuel d'hébergement d'urgence spécifique aux demandeurs d'asile. C'est le dispositif de droit commun, déjà engorgé, qui pallie cette carence. Or, il n'est pas approprié à la problématique spécifique de l'asile. Trente millions d'euros seulement sont inscrits au budget 2010, alors que d'ici à la fin de l'année, l'État aura dépensé 67 millions d'euros pour cet hébergement d'urgance ! Comme d'habitude, un collectif budgétaire comblera cet écart…

Par ailleurs, il n'y a pas assez de fluidité dans la chaîne de l'asile. En effet, une fois la protection accordée, les réfugiés ont toutes les peines du monde à se loger, ne fût-ce qu'en hébergement, et comme les demandes d'asile ont augmenté de 20 %; je crains qu'un grand nombre de ces personnes ne se retrouvent dans la rue cet hiver.

Avant d'en venir au problème des mineurs étrangers, je souhaite, monsieur le ministre, vous poser quatre questions ponctuelles. Je vous ai écrit le 1er octobre dernier au sujet du centre de rétention administrative de Bordeaux, lequel a été incendié au début de l'année. Les personnes retenues sont donc aujourd'hui conduites soit à Toulouse, à 230 km, soit à Bayonne, à 165 km. Quand un CRA sera-t-il reconstruit à Bordeaux ?

Pourquoi, au lieu d'accepter, de manière d'ailleurs généreuse, une centaine de demandeurs d'asile en provenance de Malte qui a fait appel à la solidarité des autres pays européens, n'avoir pas régularisé les Erythréens de Steenvorde ?

Pourriez-vous nous communiquer, préfecture par préfecture, les avis, positifs ou négatifs, rendus par les commissions départementales de titres de séjour ?

Enfin, vous avez indiqué, monsieur le ministre, avoir toujours respecté les procédures ainsi que les décisions de l'OFPRA. Je souhaiterais que vous alliez plus loin et qu'avant de donner votre aval à une expulsion, vous attendiez la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Je n'ignore pas que le dépôt d'un recours devant cette Cour, après un refus de l'OFPRA d'accorder le statut de réfugié, n'est pas suspensif. Il serait néanmoins opportun d'attendre la décision définitive de la CNDA, ce qui éviterait d'être parfois obligé de faire revenir des réfugiés déjà renvoyés chez eux si la CNDA infirme la décision de l'OFPRA.

J'en viens aux mineurs isolés étrangers. A la suite du démantèlement de la « Jungle » de Calais le 22 septembre dernier, 120 à 130 mineurs ont été interpellés. Un très grand nombre d'entre eux ont été pris en charge, ce dont je me réjouis. Cela ne doit pas nous faire oublier la triste réalité vécue par ces jeunes, parfois des enfants, en particulier en Île-de-France et à Paris. Je salue la création, à votre initiative, d'un groupe de travail sur le sujet au printemps dernier. Celui-ci n'a, hélas, pas encore donné de résultats concrets. Je tiens ici à souligner le remarquable travail accompli par certaines associations, notamment Enfants du monde et France Terre d'asile, auprès des jeunes en errance à Paris et en Île-de-France, où, heureusement, elles se substituent à l'État.

Même s'il existe un dispositif de mise à l'abri et des structures spécifiques d'accueil à Bobigny ou au Kremlin-Bicêtre, il demeure que, faute de places, plusieurs dizaines de mineurs dorment aujourd'hui à la belle étoile à Paris. Or, rien n'est prévu ni dans la mission « Immigration » ni dans la mission « Ville et logement » pour le financement du dispositif dit Versini, dont les crédits s'élevaient l'an passé à 2,7 millions d'euros. Comment sera-t-il financé en 2010 ? Il faut impérativement, quel que soit le ministère qui en ait la responsabilité, que ces crédits soient fléchés. Certains témoignages font froid dans le dos. Ces jeunes adolescents constituent en effet des proies faciles pour les réseaux de prostitution et de pédophilie. La dilution des responsabilités entre ministères et l'absence de coordination ne peuvent perdurer. Il faut enfin organiser un véritable pilotage et clairement définir le partage des tâches entre l'État et les départements. Ce n'est pas moi qui le dis, mais la Cour des comptes, le Comité des droits de l'enfant des Nations unies, le Médiateur de la République et la Défenseure des enfants. Ne perdons pas de vue qu'avant d'être des étrangers, ce sont des enfants en grande détresse auxquels nous devons protection.

PermalienPhoto de Patrick Roy

Je suis très honoré dans ce débat de me trouver face à un ministre dont la force des convictions est un modèle pour tous.

Dans sa longue histoire, la France s'est toujours montrée un grand pays chaque fois qu'elle s'est ouverte. Chaque fois en revanche qu'elle s'est refermée sur elle-même, elle s'est rabaissée. Or, l'image de notre pays terre d'asile est aujourd'hui pour le moins brouillée. Cette image ne s'est bien sûr pas améliorée avec l'épisode rocambolesque du démantèlement de la « Jungle » de Calais, que j'ai tout particulièrement suivi pour être un élu du Nord voisin. Quelques-uns des propos entendus ce soir sur la reconduite d'Afghans dans un pays en guerre m'ont à la fois choqué et alarmé. Certains collègues semblent penser que trois, ce n'est pas assez.

PermalienPhoto de Patrick Roy

Cette reconduite d'individus dans un pays en guerre est contraire aux valeurs de notre pays et il me choque que vous la défendiez.

Les crédits destinés à la lutte contre l'immigration irrégulière augmentent de 30%, alors que ceux de l'intégration sont plutôt en panne.

Je souhaite, monsieur le ministre, vous poser une question qui me tient à coeur car j'espère que notre pays restera longtemps une république, une grande démocratie et une terre d'accueil : n'avez-vous pas le sentiment de chasser sur les terres de l'extrême-droite ?

PermalienPhoto de Philippe Goujon

Ce Gouvernement mène, me semble-t-il, une politique d'immigration équilibrée, à la fois humaine et ferme, conforme à ce que souhaitent nos concitoyens. Il convient donc de continuer à l'appliquer résolument et votre budget, monsieur le ministre, le permettra en grande partie.

Je souhaite évoquer le cas des migrants étrangers qui, errant sans domicile fixe ou habitant des sortes de bidonvilles, se regroupent en bandes et « vivent », si l'on peut appeler cela vivre, en plein coeur de Paris, notamment dans le quartier des grands magasins, vers l'Opéra et la Madeleine, exploités par de sordides réseaux de trafiquants. Je pense en particulier à la communauté de Roms qui vit à Paris et en banlieue dans plusieurs dizaines, voire une centaine de campements, et qui s'étend maintenant vers le Sud de la France. Le directeur de la gendarmerie nationale, que nous auditionnions il y a peu, évoquait le déplacement massif de ces populations de l'Italie vers la France du fait de la politique très ferme menée par notre voisin.

Bien entendu, les associations, dont je salue à mon tour le travail, apportent à tous ces migrants une aide humanitaire. A Paris, la Ville et l'État doivent aussi faire un effort. Mais il faut que les étrangers en situation irrégulière soient plus systématiquement reconduits à la frontière. Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le permet lorsque ces étrangers constituent « une menace pour l'ordre public. » durant la période de validité de leur visa ou, s'ils ne sont pas soumis à obligation de visa, pendant la période de moins de trois mois durant laquelle ils peuvent séjourner chez nous.

Pour éviter les difficultés liées à la vérification de la date d'entrée en France des ressortissants d'un État membre de l'Union européenne, j'ai présenté un amendement – qui a été adopté – à la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, aux termes duquel l'étranger qui n'a pas satisfait à l'obligation d'enregistrement en mairie dans le délai de trois mois suivant son entrée en France est réputé être présent sur le territoire national depuis moins de trois mois. Un obstacle majeur aux reconduites à la frontière des ressortissants d'un État membre de l'Union européenne se trouve ainsi levé.

Cette disposition est-elle correctement appliquée ? Pourquoi les migrants que j'ai évoqués ne sont-ils pas reconduits à la frontière ? Est-ce en raison de difficultés juridiques, techniques ou budgétaires ?

PermalienPhoto de Martine Pinville

Monsieur le ministre, vous avez annoncé que l'État pérenniserait son aide aux associations agissant en faveur des mineurs étrangers isolés. Ces associations, comme Enfants du Monde-Droits de l'Homme ou France Terre d'asile, accueillent des enfants en errance, les aident en organisant des activités culturelles, éducatives ou sportives, et favorisent leur insertion. En ce vingtième anniversaire de la Convention internationale des droits de l'enfant, allez-vous maintenir, ou même augmenter les financements d'État en faveur de ces associations – et ce de façon pérenne ?

PermalienPhoto de Jacques Myard

S'agissant de l'immigration, nous sommes confrontés à un problème extrêmement complexe, dont la gestion doit associer fermeté et humanisme. Les derniers rapports de l'OCDE indiquent que l'on ne se trouve qu'au début d'un phénomène migratoire qui concernera, dans les prochaines années, des dizaines de millions de personnes, avec des flux du sud vers le nord, mais aussi du sud vers le sud. Il s'agit d'un véritable défi pour la stabilité du monde.

Il faut donc avoir une politique publique extrêmement ferme. On peut toujours critiquer le Gouvernement pour le retour de trois Afghans dans leur pays, mais il reste que l'Afghanistan a aussi besoin d'hommes pour combattre pour la liberté. Je ne peux donc que soutenir l'action du Gouvernement, car nous ne sommes pas au bout de nos peines. Tous les gouvernements de la République seront confrontés à ce défi – et le prochain également.

Il n'existe aucune muraille ni aucun rideau capable d'arrêter les flux migratoires., mais nous devons les maîtriser. Or, les certificats d'hébergement me semblent être une source d'immigration clandestine, même si leur attribution est contrôlée : il manque au système actuel une preuve de la sortie du territoire. Il faudrait réfléchir à un dispositif permettant de l'établir.

J'avais déposé une proposition de loi tendant à créer un mécanisme de plan d'épargne-retour, de manière que les étrangers titulaires d'un titre de séjour puissent financer par leur épargne en France, abondée par la coopération, des projets dans leur pays d'origine, afin de faciliter tant le retour au pays que la stabilisation des flux. Ce dispositif avait été repris dans la loi de 2007. Avez-vous des informations sur sa mise en oeuvre ?

Par ailleurs, le chiffre de 30 000 reconduites à la frontière intègre-t-il Mayotte et la Guyane ?

Pour revenir sur un sujet qui fâche, lorsqu'une loi est votée, il convient de signer les décrets d'application. Dans mon esprit, les tests ADN n'étaient qu'un moyen de preuve, non l'occasion de lancer une chasse à la filiation. Où en est-on sur ce dossier ?

Enfin, le rapport de Mme Pavy souligne que la salle d'audience aménagée dans la zone d'attente des personnes en instance de Roissy reste inutilisée. Monsieur le président de la Commission des lois, que comptez-vous faire pour que les juges obéissent aux lois de la République ? La lourdeur des procédures contrarie le traitement humain des entrées irrégulières sur le territoire nationale. Il faut faire cesser une situation préjudiciable à tous.

Je souhaitais faire quelques considérations sur les personnes de nationalité française qui votent à l'occasion d'élections étrangères sur le territoire national mais, faute de temps, j'aborderai cette question une autre fois.

PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Monsieur Myard, lors de l'adoption du rapport d'information sur les centres de rétention administrative et les zones d'attente, la Commission des lois, unanime, a interpellé le Gouvernement sur la non-mise en service de la salle d'audience de Roissy. J'ai écrit à la garde des Sceaux, qui m'a répondu que le dossier était suivi par le ministère de l'intérieur, qu'un appel d'offres avait été lancé, mais qu'il était suspendu. J'ai donc demandé au ministère de l'intérieur les raisons de cette suspension, mais je n'ai pas reçu de réponse à ce jour. Nous profiterons des discussions budgétaires de la semaine prochaine pour interroger de vive voix les ministres concernés.

PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Monsieur le ministre, vous avez coutume de dire que la France est le premier pays d'accueil pour les réfugiés, mais l'Allemagne satisfait davantage de demandes d'asile, avec 40 % d'admissions.

Par ailleurs, je signale que la contribution de la France au Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés est cinq à six fois inférieure à celle du Japon ; elle est également inférieure à celles d'autres pays européens.

Vous avez annoncé de nouvelles mesures visant à favoriser l'apprentissage de la langue française. Quelle en est la traduction budgétaire ?

Ces nouvelles actions seront probablement confiées à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Or vous avez expliqué que la subvention de l'État n'était accordée à cet établissement que si sa situation financière le nécessitait. Nous assistons ainsi à la débudgétisation progressive d'un certain nombre de missions, ce qui limite d'autant les possibilités de contrôle du Parlement. Comme l'OFII semble connaître un déficit structurel de plusieurs millions d'euros, je propose à la Commission des finances de demander un rapport de la Cour des comptes sur cet établissement.

En outre, vous n'avez pas répondu à ma question sur la situation des Tunisiens. La France a signé avec la Tunisie un accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires qui donne aux Tunisiens la possibilité d'entrer en France pour y exercer certains métiers, dont la liste est fournie en annexe de l'accord. Dans le même temps, les Tunisiens présents en France n'ont pas accès à la régularisation au titre du travail. Cela signifie qu'un Tunisien qui exerce en France, depuis des années, l'un des métiers cités par l'accord sera expulsé – ce qui coûtera de l'argent aux contribuables français –, mais que l'on autorisera la venue de son collègue qui est en Tunisie. C'est irrationnel !

Vous avez souligné le coût exorbitant, direct et indirect, de l'immigration irrégulière. Mais c'est vous qui, par vos lois et les modifications successives du CESEDA, avez fait basculer de plus en plus de monde dans l'irrégularité et la clandestinité. La plupart des personnes actuellement en situation irrégulière ne viennent pas du bout du monde. Elles entrent en France avec des visas de tourisme : elles ne sont pas entre les mains de filières mafieuses.

On reconduit les gens à la frontière ; mais quand c'est en Belgique, ils reviennent immédiatement ! La politique du chiffre coûte très cher et est inefficace, nous en convenons tous.

Vous n'avez pas compris pourquoi je faisais allusion à la prospective. Il se trouve que, pour répondre au phénomène migratoire, les organisations internationales essaient de concevoir des systèmes gagnant-gagnant : pour le pays d'accueil, pour le migrant, et pour le pays d'origine. Pourquoi ne pas changer de logique et inverser les investissements, afin que chacun y gagne ?

Enfin, je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir corrigé les propos que vous aviez tenus dans l'émission de Karl Zéro. Vous aviez alors évoqué le risque, si l'on n'expulsait pas les trois Afghans vers Kaboul, d'un afflux massif de leurs compatriotes. Vous avez reconnu ce soir qu'il n'en était rien ; c'est même en raison de l'absence de cet afflux massif que vous refusez d'appliquer une directive européenne, dont la force est pourtant supérieure à celle d'un pacte.

PermalienÉric Besson

ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Monsieur Pinte, je n'ai rien à ajouter à votre constat ; toutefois, je vous remercie d'avoir reconnu les efforts consentis pour l'hébergement d'urgence, puisque le nombre de places a été quadruplé en huit ans.

Je le répète, le nombre des demandes d'asile a augmenté de 20 % en 2008 et il continue de croître. Sur ce point, soyons clairs : les vraies demandes d'asile existent, mais il y a parfois détournement de la procédure – et cela ne concerne pas uniquement la France. Ainsi, dans le centre de rétention administrative de Samos, l'île grecque la plus proche de la Turquie, j'ai discuté avec des demandeurs d'asile. J'ai noté avec étonnement que certains étaient Marocains – j'ai passé les dix-sept premières années de ma vie au Maroc. S'ils demandent l'asile en Grèce, m'ont-ils expliqué, c'est pour entrer en Europe, mais leur but est de rejoindre l'Europe de l'ouest. Ne nous masquons pas la réalité ! Si nous voulons défendre le droit d'asile, pour les personnes qui sont persécutées en raison de leurs opinions politiques, de leur religion ou de la couleur de leur peau, nous devons lutter contre le détournement de la procédure. Nous ne pourrons pas augmenter nos moyens budgétaires de 20 à 30 % chaque année.

Néanmoins, nous faisons des efforts importants : 1 000 places supplémentaires en centres d'accueil pour demandeurs d'asile en 2010, c'est beaucoup. En raison du nombre élevé de demandes, l'hébergement en CADA est prioritairement destiné aux personnes vulnérables : familles avec enfants, femmes isolées, malades. Les personnes qui ne bénéficient pas de ces places sont prises en charge – conformément à l'obligation qui nous est rappelée par la juridiction administrative – dans le cadre du dispositif d'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile, également financé par mon ministère. Ce dispositif permet de mobiliser 11 100 places, dont 1 500 gérées par ADOMA. En 2009, 71 millions d'euros auront été consommés à ce titre, alors que l'estimation initiale était de 30 millions. Toutes les demandes de concours financier adressées à mon ministère par les préfectures au titre de l'hébergement d'urgence ont été honorées.

Il est vrai que les capacités de ces structures d'urgence sont elles aussi saturées. Le problème dépasse très largement la compétence de mon ministère : c'est l'ensemble du dispositif d'hébergement d'urgence, qui dépend de la mission « Ville et logement », qui est aujourd'hui engorgé. Avec mon collègue Apparu, nous allons essayer de dégager de nouvelles capacités, afin que l'hébergement des demandeurs d'asile soit pris en compte dans les besoins globaux de l'hébergement d'urgence.

En ce qui concerne le centre de rétention administrative de Bordeaux, il a été décidé de le reconstruire sur place. Comme il s'agit d'un hôtel de police, l'opération sera financée par le ministère de l'Intérieur. Elle est programmée pour 2010.

S'agissant des « Maltais », la différence avec le cas que vous évoquez est que ces personnes ont déjà obtenu le statut de réfugié ou la protection subsidiaire. Comme Malte ne pouvait tous les accueillir sur son territoire, elle a fait appel, sur la base du volontariat, à la solidarité européenne. La France a décidé de répondre à cet appel.

Quant aux personnes qui se trouvent sur la côte de la mer du Nord, elles peuvent demander l'asile. J'ai d'ailleurs ouvert, il y a quelques mois, un bureau à la sous-préfecture de Calais, précisément pour leur permettre d'exercer plus facilement leur droit. Le problème se pose pour ceux qui ont été déboutés, car ni l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ni la Cour nationale du droit d'asile, ni la Cour européenne des droits de l'homme ne leur accorde le statut de réfugiés.

S'agissant des commissions départementales du séjour, pour l'essentiel, leur saisine est facultative : nous n'avons donc aucun retour des préfets sur leur activité. Toutefois, nous pourrons examiner la question si vous le souhaitez.

Vous m'appelez à une plus grande générosité en matière de droit d'asile, bien que vous reconnaissiez que je respecte scrupuleusement les propositions de l'OFPRA. Mais quand on est, comme la France, soumis à une augmentation des demandes de 20 % par an – et que, je le répète, madame Mazetier, nous sommes, en volume, les plus généreux d'Europe –, on doit tenir compte des risques de détournement de ses procédures. Or le dépôt en rétention d'une demande d'asile, alors qu'il était possible de le faire avant l'interpellation, présente généralement un caractère dilatoire : il s'agit de faire obstacle à la mesure d'éloignement. Le caractère non suspensif du recours devant la CNDA permet de faire échec à ce genre de stratagème. Vu la situation actuelle, je me refuse à changer les choses.

S'agissant des mineurs étrangers isolés, je vous remercie d'avoir rappelé les efforts extrêmement importants – et très coûteux – que nous avons consentis en faveur de ceux qui ont été interpellés dans la « jungle » de Calais ; quatre-vingt-quinze d'entre eux, sur un total de cent trente-cinq, se trouvent toujours dans les centres d'hébergement.

Le groupe de travail que j'ai réuni sur cette question me remettra ses conclusions dans les prochains jours. Je vous en ferai part. Plusieurs améliorations du dispositif sont à l'étude ; certaines ont été mises en oeuvre immédiatement, comme l'octroi systématique du jour franc en zone d'attente ou l'achèvement des travaux du quartier des mineurs dans la zone d'attente de Roissy.

La contribution du ministère au dispositif « Versini », auquel participe, notamment, France Terre d'asile, s'élève à 280 000 euros, dont 150 000 au titre du Fonds européen pour les réfugiés – soit 10 % du budget total. Ces crédits sont versés à la DDASS de Paris, qui est l'interlocuteur des associations. L'essentiel du financement du dispositif provient, comme vous l'avez souligné, de la mission « Ville et logement », sur le budget de la direction générale de l'action sociale. L'enveloppe du ministère de l'immigration sera, quant à elle, reconduite en 2010. Ces crédits, qui relèvent de l'hébergement d'urgence, ne donnent pas lieu à une identification dans la nomenclature budgétaire : la subvention est fondue dans les crédits délégués par le ministère à la DDASS de Paris via le budget opérationnel de programme correspondant. Mais nous respecterons nos engagements.

Monsieur Roy, la force de mes convictions n'a d'égale que la subtilité de vos interventions lors des questions au Gouvernement.

En ce qui concerne la lutte contre l'immigration irrégulière, je répète que l'augmentation des crédits n'est pas de 30 %, mais de 15 %, ce qui est déjà significatif. D'ailleurs, je vous ferai remarquer que l'ONU considère désormais la traite des êtres humains comme le deuxième fléau mondial ; elle apparaissait auparavant en troisième position, derrière le trafic de la drogue et celui des armes. La lutte contre les filières d'immigration clandestine, en voie de professionnalisation et de criminalisation, n'est pas un problème français, ni même européen, c'est un problème mondial.

Quant à la lutte contre l'extrême-droite, si vous le voulez bien, nous engagerons ce débat dans un autre cadre.

Monsieur Goujon, la question des Roms ne relève pas directement de mon ministère, dans la mesure où il s'agit de ressortissants d'un pays membre de l'Union européenne. Beaucoup d'entre eux ne sont d'ailleurs pas en situation irrégulière. Le traité d'adhésion à l'Union européenne de la Roumanie et de la Bulgarie leur donne un statut particulier, puisqu'ils bénéficient d'une liberté de circulation pendant trois mois. Au-delà, ils doivent assurer leur subsistance. Ils sont alors reconductibles à la frontière, après obligation de quitter le territoire français. Toutefois, le plus souvent, ils optent pour le départ volontaire, aidés par l'OFII ; 6 000 Roumains sont ainsi partis en 2009.

Pour éviter la « noria » évoquée par certains observateurs, nous avons créé, avec l'accord de la CNIL, et en respectant scrupuleusement toutes ses observations, un fichier sur les bénéficiaires de l'aide au retour, OSCAR, qui permettra une surveillance dans la durée. Pour le reste, mon collègue Pierre Lellouche est en train d'étudier, avec le gouvernement roumain, les moyens d'améliorer la gestion de cette question extrêmement délicate.

Madame Pinville, mon ministère a maintenu toutes ses subventions aux associations intervenant en faveur des mineurs étrangers isolés. Certaines ont même été augmentées : ainsi la subvention à France Terre d'asile a été portée de 300 000 à 450 000 euros. Je ne peux m'engager au-delà de 2010, mais j'ai pris bonne note de votre préoccupation. Nous essaierons d'y répondre, dans la mesure de nos possibilités financières.

Monsieur Myard, s'agissant de la preuve de la sortie du territoire, ce dossier demande à être mûri. Je ne suis pas en mesure de répondre à votre question aujourd'hui.

S'agissant des reconduites à la frontière, les chiffres donnés ne concernent que la France métropolitaine – la situation étant très complexe à Mayotte.

S'agissant des tests ADN, il convient de resituer mes propos dans leur contexte. J'ai dit qu'il m'était impossible de signer le décret d'application dans le délai imparti, c'est-à-dire avant le 31 décembre 2009, compte tenu des précautions prises par l'Assemblée nationale, de celles ajoutées au Sénat et des réserves interprétatives du Conseil constitutionnel. Cette affirmation a été soumise à la sagacité des présidents des Commissions des lois des deux assemblées, qui sont en train de l'expertiser.

Madame Mazetier, nous veillerons, dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens, à ce que l'OFII dispose des moyens nécessaires si nous élevons le niveau requis en français.

Ce que vous dites à propos des Tunisiens est valable pour beaucoup de pays. D'abord, je suis tenu d'appliquer la loi ; or l'article 40 de la loi de 2007 relative à la maîtrise de l'immigration a fixé des objectifs et des critères extrêmement précis. Ensuite, la circulaire d'application de l'accord vient d'être contestée devant le Conseil d'État. Une nouvelle circulaire doit donc être prise. Dans ce cadre, je peux étudier ce qu'il est possible de faire pour le « stock » – car, théoriquement, il n'y a pas plus de flux, le Parlement ayant décidé qu'à partir de 2008, les employeurs devaient systématiquement vérifier les titres de séjour. Si la circulaire permet de régler un certain nombre de cas, nous le ferons, mais pour le reste, j'appliquerai la loi.

Les migrations sont un phénomène contemporain lié à la mondialisation, personne ne le conteste : je ne m'engagerai pas dans un débat avec vous sur ce point.

Enfin, je pense que vous avez mal interprété mes propos sur BFM TV. Sous une forme un peu différente, j'ai dit la même chose que tout à l'heure : à savoir, que je peux comprendre l'émotion suscitée par le retour d'Afghans dans leur pays mais que, la politique consistant à essayer de donner une cohérence à une somme d'actions individuelles, je m'inquiète des conséquences qu'aurait eu l'annonce que tout étranger en situation irrégulière appartenant à l'un des vingt ou vingt-cinq pays considérés comme étant en guerre, et dont la demande d'asile a été rejetée, a le droit de rester sur le territoire de la République française. C'eût été irresponsable !

La réunion de la commission élargie s'achève à vingt-trois heures trente-cinq.

Le Directeur du service des comptes rendus des commissions,

Michel Kerautret© Assemblée nationale