Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Éric Besson

Réunion du 29 octobre 2009 à 21h00
Commission élargie des affaires économiques, de l’environnement et du territoire et des finances

Éric Besson :

ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Avant de répondre aux questions qui m'ont été posées, je voudrais vous présenter les axes prioritaires et les grandes lignes budgétaires de cette mission.

La hausse des crédits affectés à l'immigration traduit la volonté du gouvernement de mener dans ce domaine une politique tout à la fois ambitieuse et équilibrée, ferme et humaniste. Notre pays fait preuve de générosité en accueillant et en intégrant des étrangers en situation régulière, mais il mène également, dans l'intérêt même d'une bonne intégration, une lutte déterminée contre l'immigration clandestine et contre les filières mafieuses des passeurs.

Les moyens budgétaires s'élèvent à près de 600 millions, ce qui représente une augmentation de plus de 60 millions, et de 11,5 %, par rapport à l'année 2009. Les effets des changements de périmètre étant limités à 6,8 millions d'euros, l'évolution des crédits résulte, pour l'essentiel, d'une véritable augmentation des moyens alloués à la politique d'immigration et d'intégration.

Le premier axe de notre action est la politique d'asile, à laquelle 54 % des crédits – 318 millions d'euros – sont consacrés. Après avoir augmenté de 19,9 % en 2008, le nombre des demandes d'asile a continué de s'accroître plus rapidement que prévu – de 13,9 % – au cours des premiers mois de l'année 2009. Afin de prendre en compte cette évolution, nous disposerons de 29 millions d'euros de crédits supplémentaires en 2010, ce qui nous permettra de créer 1 000 places dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile, les CADA, et de pourvoir au financement de l'allocation temporaire d'attente, l'ATA. La multiplication par quatre des places disponibles dans les CADA depuis 2001 témoigne bien de l'importance et de la constance des efforts réalisés en matière d'immigration par le Gouvernement.

La lutte contre l'immigration irrégulière, qui bénéficiera de 104 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 94 millions en crédits de paiement, est le second axe de notre action. Dans un État de droit, la loi républicaine doit en effet s'appliquer avec humanité, mais aussi avec fermeté.

A compter de l'année prochaine, les crédits alloués à la construction et à la rénovation des CRA, les centres de rétention administrative, dont le montant s'élève à 24 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 14 millions en crédits de paiement, seront transférés au ministère de l'immigration. La reconstruction du CRA de Vincennes, détruit en 2008, et celle des CRA du Mesnil-Amelot se poursuivront en 2010. Nous avons également décidé de construire un nouveau centre à Mayotte, où les conditions actuelles de rétention ne sont pas acceptables.

Notre troisième domaine d'action est la politique d'intégration. Un montant de près de 80 millions d'euros y est affecté en 2010, ce qui représente 8,7 millions de plus que cette année. Il faut ajouter à ce montant les 75 millions d'euros mis à la disposition de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, l'OFII, qui est l'opérateur du ministère dans ce domaine.

L'intégration est un complément indispensable de notre politique de maîtrise des flux migratoires. Pays très accueillant, la France accorde chaque année deux millions de visas de court séjour et 180 000 visas de long séjour, et elle est l'État qui accueille le plus de réfugiés en Europe.

Pour offrir les meilleures conditions d'intégration possibles aux étrangers venus légalement sur notre territoire et désireux de s'y installer durablement, nous avons engagé un certain nombre d'actions innovantes, telles que le dispositif « Ouvrir l'école aux parents », le label « diversité » dans les entreprises et les collectivités territoriales ou encore le parcours de réussite professionnelle. Au cours des prochaines semaines, je proposerai des mesures complémentaires de formation linguistique dans le cadre des contrats d'accueil et d'intégration et des contrats d'accès à l'emploi.

Le développement solidaire, qui bénéficie des crédits du programme 301, constitue le dernier axe d'action du ministère.

Neuf accords avec des pays étrangers ont déjà été signés dans ce domaine. Pour atteindre l'objectif fixé par le Président de la République et par le Premier ministre, qui est de conclure une vingtaine d'accords d'ici à 2012, nos moyens seront accrus l'an prochain de 13 millions d'euros en autorisation d'engagement et de 9,5 millions en crédits de paiement, par rapport à ce que prévoyait la programmation triennale.

Pour l'année 2010, j'ai pour ambition de signer au moins trois nouveaux accords. Des négociations sont en cours avec les pays d'Afrique subsaharienne, les grands pays émergents, tels que le Brésil, la Chine et le Vietnam, et la zone des Balkans occidentaux.

J'ajoute que nous plaçons de grands espoirs en matière de développement solidaire dans le fonds fiduciaire qui a été créé en partenariat avec la Banque africaine de développement.

Comme vous pouvez le constater, ce budget nous permettra de réaliser les ambitions du gouvernement malgré les difficultés du contexte budgétaire actuel

J'en viens aux questions que vous avez bien voulu me poser.

Comme l'a rappelé le président Poniatowski, le rééquilibrage en faveur de l'immigration économique fait partie des objectifs fixés par le Président de la République. Nous partons de très bas, car elle ne représentait en 2006 que 10,4 % de l'immigration dite « durable », c'est-à-dire exception faite des étudiants et des saisonniers. Notre objectif est de porter le ratio à 50 % d'ici à 2012.

Toutes nationalités confondues, le nombre des titres de séjour délivrés pour motif professionnel s'est d'abord stabilisé en 2007, puis il s'est fortement accru en 2008, passant de 11 751 à 21 310, soit une augmentation de 81,3 %.

Je serai plus nuancé que le président Poniatowski en ce qui concerne la part des ressortissants marocains dans les évolutions de l'immigration économique. En effet, elles s'expliquent en grande partie par la délivrance de cartes de séjour aux travailleurs saisonniers depuis 2008 : près de 75 % d'entre eux sont d'origine marocaine dans le secteur agricole.

Au-delà des effets quantitatifs, l'évolution de l'immigration professionnelle a été influencée par la création, en 2008, d'une liste de métiers en tension ouverts aux ressortissants étrangers sans possibilité d'opposer la situation du marché de l'emploi.

J'en viens au déploiement de la biométrie : de 2005 à 2008, le nombre d'ambassades et de consulats équipés en la matière est passé de 5 à 57, et la part des visas biométriques délivrés de 3 à 29 %. En 2009, 63 nouveaux postes seront équipés, ce qui portera le taux de délivrance des visas biométriques à près de 50 %. D'ici à 2011, 32 consulats et ambassades resteront à équiper. Pour y parvenir, nous comptons externaliser le recueil des données biométriques, ce qui sera fait dès la fin de l'année 2010 dans les consulats d'Alger, d'Istanbul et de Londres, lesquels traitent chaque année environ 300 000 demandes de visas, soit 15 % des dossiers au niveau mondial.

A Alger, les problèmes immobiliers n'ont pas pu être résolus par le Quai d'Orsay. C'est pourquoi nous mettons en place le projet Visa Bio, qui a été validé par la CNIL, puis soumis au Conseil d'État. Si cette expérimentation est concluante, le dispositif sera déployé en Russie et en Chine, où sont déposées respectivement 350 000 et 160 000 demandes de visas par an.

Il est exact que tous les moyens humains et financiers mobilisés contre l'immigration illégale ne sont pas sous la responsabilité de mes services, conçus pour former un ministère d'« état-major ». Au plan budgétaire, seuls 104 millions d'euros en autorisations d'engagement et 94 millions en crédits de paiement sont affectés au ministère de l'immigration pour cette mission.

Le document de politique transversale annexé au projet de loi de finances a pour but de retracer la contribution des autres ministères à la politique d'immigration et d'intégration. Il s'agit notamment des programmes 176, « Police nationale », et 152, « Gendarmerie nationale », qui regroupent respectivement 613 et 70 millions d'euros. Toutefois, je reconnais que l'ensemble des données existantes ne permet pas d'appréhender parfaitement le coût des politiques que nous menons. C'est ce qui fait l'intérêt d'études telles que le rapport de l'Inspection général de l'administration sur le coût de la politique d'éloignement.

Monsieur Goasguen, les résultats obtenus sont en phase avec les objectifs fixés par le Président de la République et par le Premier ministre, à savoir 27 000 reconductions à la frontière en 2009. Après avoir été un peu deçà des prévisions au cours du premier trimestre, nous nous en rapprochons : 21 882 personnes ont en effet été reconduites au cours des neuf premiers mois de l'année.

En ce qui concerne la lutte contre les filières clandestines, nous avons déjà dépassé les résultats obtenus en 2008 : 107 filières ont été démantelées cette année, contre 101 l'an passé. C'est un beau résultat dont on peut légitimement se féliciter.

En outre, nous avons déjà procédé à 2 797 verbalisations pour travail illégal, soit presque autant qu'en 2008 alors que l'année n'est pas terminée. Vous voyez donc que les efforts ne se relâchent pas.

Je souhaite maintenant répondre aux questions de Béatrice Pavy sur l'asile, questions qui rejoignent certaines préoccupations du président Migaud.

Le budget consacré à l'asile tient compte de la progression des demandes, puisqu'il connaît une hausse de 10 % : 318 millions sont prévus en 2010, contre 289 millions en 2009. Quant aux crédits liés à l'allocation temporaire d'attente, ils passent de 30 à 53 millions d'euros. Par ailleurs, nous avons prévu le financement de mille places supplémentaires en centre d'accueil pour demandeur d'asile.

Je suis bien conscient de la difficulté de faire des prévisions en matière d'asile. Ainsi, le nombre de demandes était tombé de 65 614 en 2004 à 35 520 en 2007 avant de remonter à 42 599 en 2008. Cette progression s'est poursuivie au premier semestre de 2009 – plus 16,5 % –, puis est redescendue à 13,9 % pour les neuf premiers mois. Les prévisions pour le projet de loi de finances ont été établies sur la base des hypothèses du contrat d'objectifs et de moyens signé en décembre dernier avec l'OFPRA, c'est-à-dire une hausse de l'activité de 5 % et 45 500 demandes d'asile, dont 28 500 premières demandes.

Ces prévisions tiennent compte de l'objectif de réduction des délais d'examen des demandes d'asile par l'OFPRA et de recours par la CNDA. Il faut avoir conscience qu'une réduction des délais peut permettre de réduire significativement nos dépenses en matière d'asile. Ainsi, le gain d'un mois de délai peut permettre d'économiser environ 8 millions d'euros sur le budget de l'État. Sur ce plan, des progrès ont été réalisés depuis deux ans par l'OFPRA, même s'ils sont contrariés par la forte augmentation du nombre de demandes. Pour 2010, j'attends beaucoup de l'amélioration du fonctionnement de la Cour nationale du droit d'asile – la CNDA –, grâce à l'arrivée de dix magistrats professionnels cet automne. Il s'agit pour nous d'une excellente nouvelle. Si l'augmentation du nombre de demandes se poursuivait au même rythme, peut-être faudrait-il encore accroître les moyens de la CNDA.

Enfin, je veux vous rassurer, madame Mazetier : si les prévisions étaient dépassées, le Premier ministre m'a garanti que les besoins nécessaires seraient couverts en gestion en 2010. L'engagement figure dans la lettre plafond du projet de loi de finances pour 2010. L'État n'a de toute façon jamais manqué à ses devoirs en matière d'asile.

La non-utilisation de la salle d'audience de la ZAPI de Roissy est un sujet récurrent depuis 2001, malgré la réalisation de travaux à hauteur de 2,5 millions d'euros. Nous relançons ce dossier avec la Chancellerie, notamment dans le cadre des travaux de réaménagement du TGI de Bobigny. Les autres salles d'audience des CRA – c'est-à-dire Coquelles, Marseille et bientôt Le Mesnil-Amelot – sont, elles, utilisées.

Vous savez que le ministère a publié, à l'été 2008, un décret permettant de passer une convention avec une ou plusieurs personnes morales pour assister les étrangers placés en rétention et les aider à exercer leurs droits. Auparavant, une seule association, la CIMADE, était concernée. Les centres de rétention ont été répartis en huit lots dans le double souci d'assurer une cohérence d'ensemble et des équilibres géographiques. L'allotissement a également permis d'établir une égalité de traitement entre les CRA métropolitains et ceux d'outre-mer. Le décret ayant été définitivement validé par le Conseil d'État, il y aura donc à l'avenir un partage du marché de l'assistance aux étrangers en situation irrégulière. En revanche, pour l'appel d'offres, nous sommes encore dans l'attente du jugement du tribunal administratif de Paris et de celui du Conseil d'État. Ce dernier a examiné le dossier le 13 octobre, et devrait donc se prononcer dans les semaines à venir.

Vous m'avez interrogé sur l'éventuelle indemnisation due aux associations si le marché ne devait pas entrer en application. Nous sommes conscients que la question pourrait se poser, mais il est impossible, à ce stade, de déterminer si une telle indemnisation aura lieu, et le cas échéant quel serait son montant.

J'en viens à la question du coût des reconduites, abordée par plusieurs députés. Comme l'a rappelé le président Migaud, j'ai transmis aux commissions des finances de l'Assemblée et du Sénat le rapport sur le sujet que j'avais commandé à l'Inspection générale de l'administration. Ce rapport estime que le coût global de la politique d'éloignement peut être estimé à 232 millions d'euros, sans compter les coûts afférents aux différentes juridictions. En effet, les rapporteurs ont eu des difficultés à établir une comptabilité analytique fine du temps consacré à cette politique par les juges des libertés et de la détention et par les tribunaux administratifs, d'autant que nous leur avions laissé un délai relativement court pour réaliser ce travail, la question intéressant beaucoup du monde. Mais nous pourrions éventuellement aller plus loin.

Comme l'IGA le dit à juste titre, rapporter le coût global au nombre d'éloignements pour déterminer le coût moyen d'une reconduite présente l'inconvénient majeur de faire peser l'ensemble des coûts sur le maillon final de cette politique – on pourrait ici faire un parallèle avec un calcul aussi peu judicieux qui consisterait à rapporter les coûts de la chaîne judiciaire aux seules personnes condamnées. L'IGA propose donc deux autres méthodes de calcul qui nous paraissent plus pertinentes : soit établir le coût moyen des trois principales phases du dispositif – interpellation, placement en CRA et reconduite –, auquel cas le coût moyen global peut être estimé à 6 300 euros ; soit calculer un coût moyen de parcours type, qui s'élève alors à 5 130 euros pour une reconduite sans escorte et 11 150 euros pour une reconduite avec escorte. Pour le détail des coûts fixes, des coûts semi-variables et des coûts variables, vous le trouverez dans le rapport.

Nous allons tenir compte de ces résultats et réfléchir à l'organisation de notre dispositif de rétention et aux moyens d'en optimiser le fonctionnement. Chacun retiendra parmi les chiffres que je viens de citer celui qui sert le mieux sa propre démonstration. Mais pour réduire le coût des reconduites à la frontière, est-on prêt à réduire les procédures ? Je pense que personne ne fait une telle suggestion. Le dispositif français est en effet particulièrement soucieux du respect des libertés individuelles et des libertés publiques. Cette précaution nous honore, mais elle coûte cher. Quand bien même on estimerait que le coût de la reconduite à la frontière est trop élevé – ce que pour ma part je ne crois pas –, faut-il en tirer la conclusion qu'il convient d'abandonner cette politique ? Il faudrait alors évaluer le coût direct de l'immigration irrégulière, et on se rendrait alors vite compte du caractère faramineux des sommes en jeu. Et je ne parle pas des coûts indirects : squats, travail illégal, exploitation des êtres humains. Si on se livrait à une comparaison uniquement financière, certains seraient surpris du résultat.

Mme Pavy m'a également interrogé sur le dispositif d'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile. Celui-ci permet de mobiliser 11 100 places, dont 1 500 sont gérées par ADOMA. En 2009, ce sont 71 millions d'euros qui ont été consommés à ce titre, contre une estimation initiale de 30 millions d'euros. L'écart s'explique par l'augmentation des demandes d'asile.

Je répondrai en même temps aux questions de Philippe Cochet et d'Éric Diard sur la demande d'asile, car elles sont complémentaires. Je ne reviens pas sur les chiffres : la hausse du nombre de demandes a eu pour conséquence le rallongement des délais de traitement des dossiers, à l'OFPRA comme à la CNDA. Pour l'Office, nous étions passés de 105 jours en 2007 à 100 en 2008, et notre objectif était de descendre à 95 jours en 2009. Mais alors que le délai moyen était de 112 jours au premier trimestre, la tendance actuelle est à une remontée au-dessus de 120 jours. De tels indicateurs ne semblent pas vous satisfaire, madame Mazetier. Nous n'avions pas prévu, il est vrai, l'ampleur de la montée des demandes d'asile. Mais vous pouvez admettre que la situation s'impose à nous.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion