Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Étienne Pinte

Réunion du 29 octobre 2009 à 21h00
Commission élargie des affaires économiques, de l’environnement et du territoire et des finances

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉtienne Pinte :

J'aborderai deux thèmes qui me tiennent particulièrement à coeur et entre lesquels j'établis un lien : d'une part, la question de l'hébergement et du logement – comme vous le savez, j'ai remis un rapport au Premier ministre sur l'hébergement d'urgence –et, d'autre part, l'asile – je suis membre du conseil d'administration de l'OFPRA, où je représente l'Assemblée nationale.

J'évoquerai les conditions d'hébergement et de logement des demandeurs d'asile mais aussi de ceux qui ont obtenu une protection. Je reconnais que des efforts ont été faits et que le nombre de places dans les CADA, les centres d'accueil pour demandeurs d'asile, est passé de 17 000 il y a quelques années à 24 000 aujourd'hui. Cependant, en 2008, 29 000 personnes étaient éligibles à une place en CADA. C'est dire qu'il manque au moins 9 000 places ! Ce ne sont donc pas les 1 000 supplémentaires prévues dans votre budget qui vont régler le problème – ces mille places avaient d'ailleurs été budgétées en 2008 et en 2009. Au-delà de l'aspect quantitatif, il y a aussi l'aspect qualitatif. En effet, les demandeurs d'asile accueillis en CADA bénéficient d'un accompagnement pour préparer leur requête en toute connaissance de cause et le mieux possible. Par ailleurs, je rappelle qu'une place en CADA coûte beaucoup moins cher à l'État qu'un hébergement en CHRS, en centre d'hébergement d'urgence ou à l'hôtel. Nous avons donc tout intérêt à augmenter très rapidement le nombre de places dans ces centres.

Aucun crédit supplémentaire n'est prévu en dépit de l'insuffisance du dispositif actuel d'hébergement d'urgence spécifique aux demandeurs d'asile. C'est le dispositif de droit commun, déjà engorgé, qui pallie cette carence. Or, il n'est pas approprié à la problématique spécifique de l'asile. Trente millions d'euros seulement sont inscrits au budget 2010, alors que d'ici à la fin de l'année, l'État aura dépensé 67 millions d'euros pour cet hébergement d'urgance ! Comme d'habitude, un collectif budgétaire comblera cet écart…

Par ailleurs, il n'y a pas assez de fluidité dans la chaîne de l'asile. En effet, une fois la protection accordée, les réfugiés ont toutes les peines du monde à se loger, ne fût-ce qu'en hébergement, et comme les demandes d'asile ont augmenté de 20 %; je crains qu'un grand nombre de ces personnes ne se retrouvent dans la rue cet hiver.

Avant d'en venir au problème des mineurs étrangers, je souhaite, monsieur le ministre, vous poser quatre questions ponctuelles. Je vous ai écrit le 1er octobre dernier au sujet du centre de rétention administrative de Bordeaux, lequel a été incendié au début de l'année. Les personnes retenues sont donc aujourd'hui conduites soit à Toulouse, à 230 km, soit à Bayonne, à 165 km. Quand un CRA sera-t-il reconstruit à Bordeaux ?

Pourquoi, au lieu d'accepter, de manière d'ailleurs généreuse, une centaine de demandeurs d'asile en provenance de Malte qui a fait appel à la solidarité des autres pays européens, n'avoir pas régularisé les Erythréens de Steenvorde ?

Pourriez-vous nous communiquer, préfecture par préfecture, les avis, positifs ou négatifs, rendus par les commissions départementales de titres de séjour ?

Enfin, vous avez indiqué, monsieur le ministre, avoir toujours respecté les procédures ainsi que les décisions de l'OFPRA. Je souhaiterais que vous alliez plus loin et qu'avant de donner votre aval à une expulsion, vous attendiez la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Je n'ignore pas que le dépôt d'un recours devant cette Cour, après un refus de l'OFPRA d'accorder le statut de réfugié, n'est pas suspensif. Il serait néanmoins opportun d'attendre la décision définitive de la CNDA, ce qui éviterait d'être parfois obligé de faire revenir des réfugiés déjà renvoyés chez eux si la CNDA infirme la décision de l'OFPRA.

J'en viens aux mineurs isolés étrangers. A la suite du démantèlement de la «  Jungle » de Calais le 22 septembre dernier, 120 à 130 mineurs ont été interpellés. Un très grand nombre d'entre eux ont été pris en charge, ce dont je me réjouis. Cela ne doit pas nous faire oublier la triste réalité vécue par ces jeunes, parfois des enfants, en particulier en Île-de-France et à Paris. Je salue la création, à votre initiative, d'un groupe de travail sur le sujet au printemps dernier. Celui-ci n'a, hélas, pas encore donné de résultats concrets. Je tiens ici à souligner le remarquable travail accompli par certaines associations, notamment Enfants du monde et France Terre d'asile, auprès des jeunes en errance à Paris et en Île-de-France, où, heureusement, elles se substituent à l'État.

Même s'il existe un dispositif de mise à l'abri et des structures spécifiques d'accueil à Bobigny ou au Kremlin-Bicêtre, il demeure que, faute de places, plusieurs dizaines de mineurs dorment aujourd'hui à la belle étoile à Paris. Or, rien n'est prévu ni dans la mission « Immigration » ni dans la mission « Ville et logement » pour le financement du dispositif dit Versini, dont les crédits s'élevaient l'an passé à 2,7 millions d'euros. Comment sera-t-il financé en 2010 ? Il faut impérativement, quel que soit le ministère qui en ait la responsabilité, que ces crédits soient fléchés. Certains témoignages font froid dans le dos. Ces jeunes adolescents constituent en effet des proies faciles pour les réseaux de prostitution et de pédophilie. La dilution des responsabilités entre ministères et l'absence de coordination ne peuvent perdurer. Il faut enfin organiser un véritable pilotage et clairement définir le partage des tâches entre l'État et les départements. Ce n'est pas moi qui le dis, mais la Cour des comptes, le Comité des droits de l'enfant des Nations unies, le Médiateur de la République et la Défenseure des enfants. Ne perdons pas de vue qu'avant d'être des étrangers, ce sont des enfants en grande détresse auxquels nous devons protection.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion