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Intervention de Sandrine Mazetier

Réunion du 29 octobre 2009 à 21h00
Commission élargie des affaires économiques, de l’environnement et du territoire et des finances

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Mazetier :

Monsieur le ministre, chacun vous sait respectueux de la représentation nationale et de sa pleine information – vous le démontrez régulièrement. Nul ne doute non plus de la sincérité et de l'esprit de sérieux qui vous animent au service de causes successives. Chacun devrait donc éprouver la même compassion que moi à l'égard du secrétaire d'État chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques que vous fûtes s'il avait à porter aujourd'hui un regard sur le bilan et les perspectives du ministre que vous êtes devenu – un ministre quelque peu sous-informé, du reste, car la mission que nous examinons ce soir ne représente que 20 % des crédits de la politique d'immigration menée par ce Gouvernement.

Votre sous-information est telle qu'en juillet dernier, comme je vous interrogeais sur le nombre de régularisations intervenues en 2008, vous avez répondu que vous n'aviez pas les moyens de le connaître. J'espère que vous avez depuis remédié à cette fâcheuse ignorance, et nous souhaiterions donc savoir combien d'étrangers en situation irrégulière ont été régularisés, et à quel titre. M. Diard, qui vient d'évoquer l'annulation de la circulaire sur la régularisation par le travail, a omis de relever que, dans cette décision, le Conseil d'État a considéré que le ministère avait tendance à empiéter largement sur les pouvoirs du Parlement.

La compassion s'impose aussi parce que vous êtes, ou devriez être, le ministre de l'accueil et de l'intégration – c'est du moins la politique que vous affichez. Or les dépenses que notre pays consacre à l'immigration sont 150 fois plus importantes pour interpeller, placer en rétention et expulser que pour accueillir et intégrer des primo-arrivants entrés légalement en France. Le chiffre est énorme et la politique inefficace, car on note un effondrement du taux d'exécution des mesures d'éloignement, tombé de 62 % en 2002 à 20 % en 2008. Et pour cause : les juridictions ont jugé illégales nombre d'interpellations ou de procédures– une sur trois !

Vous devez également être très frustré par les résultats enregistrés dans un autre secteur essentiel de votre action : l'immigration choisie et le rééquilibrage en faveur de l'immigration professionnelle. Même si l'immigration familiale connaît la même évolution, vous devez certainement déplorer que le nombre de titres de séjour délivrés pour l'exercice d'une activité professionnelle ait baissé de 2 % cette année.

J'en viens aux accords de « gestion concertée », déjà évoqués par les rapporteurs. L'accord signé avec la Tunisie présente cette particularité qu'il permet aux ressortissants de ce pays de venir en France pour exercer des métiers dits « ouverts » alors qu'il y a sur notre territoire des Tunisiens demandant la régularisation de leur situation au titre du travail. M. Joyandet, qui représentait le gouvernement lors du vote de la loi autorisant la ratification de cet accord n'a pas pu nous fournir d'explications. Pouvez-vous nous les donner aujourd'hui ?

La politique du développement solidaire constitue probablement une autre source de frustration pour vous, car elle ne représente que 3 % de vos crédits en dépit des objectifs que vous affichez. J'observe, en outre, que l'objet des projets aidés est moins de favoriser le développement que de financer des mesures de sécurisation dont on voit mal ce qu'elles apportent à cette politique.

Connaissant votre rigueur et l'attention que vous portez à l'utilité de la dépense publique, on peut s'étonner que vous n'ayez pas corrigé les hypothèses manifestement erronées sur lesquelles ce budget est construit. Le projet annuel de performances prévoit notamment que le nombre des demandes d'asile devrait rester stable par rapport au niveau atteint en 2007. Or, le nombre de demandes a considérablement augmenté en 2008 et au premier semestre 2009. Le fort décalage qui existe entre ce budget et la réalité contraint les collectivités territoriales à se substituer à l'État bien qu'elles soient déjà étranglées financièrement. Que comptez-vous faire pour remédier à cette situation de sous-dotation chronique ?

Malgré les réformes que vous avez engagées en vue d'améliorer l'efficacité de vos services, vous avez révisé à la baisse les indicateurs de performances de cette mission. La durée moyenne d'instruction des demandes de naturalisation étant passée de moins de 400 à 470 jours entre 2007 et 2009, vous vous êtes fixé le résultat de 2009 comme objectif à atteindre en 2010. Vous avez donc intégré votre échec, ce qui est d'autant plus navrant que la délégation de l'instruction des dossiers aux préfectures, engagée à titre expérimental dans le cadre de la révision générale des politiques publiques avec l'idée de la généraliser en 2010, était censée accélérer le traitement des dossiers.

Je ne reviens pas sur la question des demandes d'asile, déjà évoquée par plusieurs collègues. En revanche, je serais heureuse que vous vous engagiez à pérenniser le financement du dispositif d'accueil des mineurs étrangers isolés. Je rappelle qu'on n'en compte pas moins de 850 à Paris, dont un quart d'origine afghane. Or ni vous, ni M. Apparu, dont le ministère co-finance le dispositif en vigueur, qui a fait la preuve de son efficacité, ne vous êtes prononcés sur ce sujet.

Le groupe SRC ne partage pas l'enthousiasme manifesté par les rapporteurs et par les présidents Warsmann et Poniatowski en ce qui concerne les résultats obtenus par votre politique de lutte contre l'immigration illégale.

J'observe que le déménagement de vos services a coûté cher et que les loyers ont augmenté au passage de 46 %. Votre ministère ne donne pas un bon exemple en matière de gestion à un moment où l'on demande des efforts considérables aux contribuables et aux collectivités locales. On peut également s'interroger sur votre très coûteuse politique de recrutement de cadres A +, qui n'a visiblement pas porté ses fruits compte tenu des résultats peu satisfaisants obtenus par votre ministère.

Vous n'êtes pas responsable du coût exorbitant – 16,6 millions d'euros – du sommet de l'Union pour la Méditerranée organisé sous la présidence française de l'Union européenne. Toutefois, vous pourrez peut-être nous expliquer pourquoi il n'a pas été question de l'immigration à cette occasion – c'est tout de même un sujet important en Méditerranée.

Enfin, puisque vous tirez fierté de l'adoption d'un pacte européen sur l'immigration et l'asile, pourquoi ne profitez-vous pas du Conseil européen qui a lieu aujourd'hui et demain pour proposer que l'on applique aux ressortissants afghans la directive européenne de 2001 sur la protection temporaire ?

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