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Intervention de Éric Besson

Réunion du 29 octobre 2009 à 21h00
Commission élargie des affaires économiques, de l’environnement et du territoire et des finances

Éric Besson :

ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Monsieur Pinte, je n'ai rien à ajouter à votre constat ; toutefois, je vous remercie d'avoir reconnu les efforts consentis pour l'hébergement d'urgence, puisque le nombre de places a été quadruplé en huit ans.

Je le répète, le nombre des demandes d'asile a augmenté de 20 % en 2008 et il continue de croître. Sur ce point, soyons clairs : les vraies demandes d'asile existent, mais il y a parfois détournement de la procédure – et cela ne concerne pas uniquement la France. Ainsi, dans le centre de rétention administrative de Samos, l'île grecque la plus proche de la Turquie, j'ai discuté avec des demandeurs d'asile. J'ai noté avec étonnement que certains étaient Marocains – j'ai passé les dix-sept premières années de ma vie au Maroc. S'ils demandent l'asile en Grèce, m'ont-ils expliqué, c'est pour entrer en Europe, mais leur but est de rejoindre l'Europe de l'ouest. Ne nous masquons pas la réalité ! Si nous voulons défendre le droit d'asile, pour les personnes qui sont persécutées en raison de leurs opinions politiques, de leur religion ou de la couleur de leur peau, nous devons lutter contre le détournement de la procédure. Nous ne pourrons pas augmenter nos moyens budgétaires de 20 à 30 % chaque année.

Néanmoins, nous faisons des efforts importants : 1 000 places supplémentaires en centres d'accueil pour demandeurs d'asile en 2010, c'est beaucoup. En raison du nombre élevé de demandes, l'hébergement en CADA est prioritairement destiné aux personnes vulnérables : familles avec enfants, femmes isolées, malades. Les personnes qui ne bénéficient pas de ces places sont prises en charge – conformément à l'obligation qui nous est rappelée par la juridiction administrative – dans le cadre du dispositif d'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile, également financé par mon ministère. Ce dispositif permet de mobiliser 11 100 places, dont 1 500 gérées par ADOMA. En 2009, 71 millions d'euros auront été consommés à ce titre, alors que l'estimation initiale était de 30 millions. Toutes les demandes de concours financier adressées à mon ministère par les préfectures au titre de l'hébergement d'urgence ont été honorées.

Il est vrai que les capacités de ces structures d'urgence sont elles aussi saturées. Le problème dépasse très largement la compétence de mon ministère : c'est l'ensemble du dispositif d'hébergement d'urgence, qui dépend de la mission « Ville et logement », qui est aujourd'hui engorgé. Avec mon collègue Apparu, nous allons essayer de dégager de nouvelles capacités, afin que l'hébergement des demandeurs d'asile soit pris en compte dans les besoins globaux de l'hébergement d'urgence.

En ce qui concerne le centre de rétention administrative de Bordeaux, il a été décidé de le reconstruire sur place. Comme il s'agit d'un hôtel de police, l'opération sera financée par le ministère de l'Intérieur. Elle est programmée pour 2010.

S'agissant des « Maltais », la différence avec le cas que vous évoquez est que ces personnes ont déjà obtenu le statut de réfugié ou la protection subsidiaire. Comme Malte ne pouvait tous les accueillir sur son territoire, elle a fait appel, sur la base du volontariat, à la solidarité européenne. La France a décidé de répondre à cet appel.

Quant aux personnes qui se trouvent sur la côte de la mer du Nord, elles peuvent demander l'asile. J'ai d'ailleurs ouvert, il y a quelques mois, un bureau à la sous-préfecture de Calais, précisément pour leur permettre d'exercer plus facilement leur droit. Le problème se pose pour ceux qui ont été déboutés, car ni l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ni la Cour nationale du droit d'asile, ni la Cour européenne des droits de l'homme ne leur accorde le statut de réfugiés.

S'agissant des commissions départementales du séjour, pour l'essentiel, leur saisine est facultative : nous n'avons donc aucun retour des préfets sur leur activité. Toutefois, nous pourrons examiner la question si vous le souhaitez.

Vous m'appelez à une plus grande générosité en matière de droit d'asile, bien que vous reconnaissiez que je respecte scrupuleusement les propositions de l'OFPRA. Mais quand on est, comme la France, soumis à une augmentation des demandes de 20 % par an – et que, je le répète, madame Mazetier, nous sommes, en volume, les plus généreux d'Europe –, on doit tenir compte des risques de détournement de ses procédures. Or le dépôt en rétention d'une demande d'asile, alors qu'il était possible de le faire avant l'interpellation, présente généralement un caractère dilatoire : il s'agit de faire obstacle à la mesure d'éloignement. Le caractère non suspensif du recours devant la CNDA permet de faire échec à ce genre de stratagème. Vu la situation actuelle, je me refuse à changer les choses.

S'agissant des mineurs étrangers isolés, je vous remercie d'avoir rappelé les efforts extrêmement importants – et très coûteux – que nous avons consentis en faveur de ceux qui ont été interpellés dans la « jungle » de Calais ; quatre-vingt-quinze d'entre eux, sur un total de cent trente-cinq, se trouvent toujours dans les centres d'hébergement.

Le groupe de travail que j'ai réuni sur cette question me remettra ses conclusions dans les prochains jours. Je vous en ferai part. Plusieurs améliorations du dispositif sont à l'étude ; certaines ont été mises en oeuvre immédiatement, comme l'octroi systématique du jour franc en zone d'attente ou l'achèvement des travaux du quartier des mineurs dans la zone d'attente de Roissy.

La contribution du ministère au dispositif « Versini », auquel participe, notamment, France Terre d'asile, s'élève à 280 000 euros, dont 150 000 au titre du Fonds européen pour les réfugiés – soit 10 % du budget total. Ces crédits sont versés à la DDASS de Paris, qui est l'interlocuteur des associations. L'essentiel du financement du dispositif provient, comme vous l'avez souligné, de la mission « Ville et logement », sur le budget de la direction générale de l'action sociale. L'enveloppe du ministère de l'immigration sera, quant à elle, reconduite en 2010. Ces crédits, qui relèvent de l'hébergement d'urgence, ne donnent pas lieu à une identification dans la nomenclature budgétaire : la subvention est fondue dans les crédits délégués par le ministère à la DDASS de Paris via le budget opérationnel de programme correspondant. Mais nous respecterons nos engagements.

Monsieur Roy, la force de mes convictions n'a d'égale que la subtilité de vos interventions lors des questions au Gouvernement.

En ce qui concerne la lutte contre l'immigration irrégulière, je répète que l'augmentation des crédits n'est pas de 30 %, mais de 15 %, ce qui est déjà significatif. D'ailleurs, je vous ferai remarquer que l'ONU considère désormais la traite des êtres humains comme le deuxième fléau mondial ; elle apparaissait auparavant en troisième position, derrière le trafic de la drogue et celui des armes. La lutte contre les filières d'immigration clandestine, en voie de professionnalisation et de criminalisation, n'est pas un problème français, ni même européen, c'est un problème mondial.

Quant à la lutte contre l'extrême-droite, si vous le voulez bien, nous engagerons ce débat dans un autre cadre.

Monsieur Goujon, la question des Roms ne relève pas directement de mon ministère, dans la mesure où il s'agit de ressortissants d'un pays membre de l'Union européenne. Beaucoup d'entre eux ne sont d'ailleurs pas en situation irrégulière. Le traité d'adhésion à l'Union européenne de la Roumanie et de la Bulgarie leur donne un statut particulier, puisqu'ils bénéficient d'une liberté de circulation pendant trois mois. Au-delà, ils doivent assurer leur subsistance. Ils sont alors reconductibles à la frontière, après obligation de quitter le territoire français. Toutefois, le plus souvent, ils optent pour le départ volontaire, aidés par l'OFII ; 6 000 Roumains sont ainsi partis en 2009.

Pour éviter la « noria » évoquée par certains observateurs, nous avons créé, avec l'accord de la CNIL, et en respectant scrupuleusement toutes ses observations, un fichier sur les bénéficiaires de l'aide au retour, OSCAR, qui permettra une surveillance dans la durée. Pour le reste, mon collègue Pierre Lellouche est en train d'étudier, avec le gouvernement roumain, les moyens d'améliorer la gestion de cette question extrêmement délicate.

Madame Pinville, mon ministère a maintenu toutes ses subventions aux associations intervenant en faveur des mineurs étrangers isolés. Certaines ont même été augmentées : ainsi la subvention à France Terre d'asile a été portée de 300 000 à 450 000 euros. Je ne peux m'engager au-delà de 2010, mais j'ai pris bonne note de votre préoccupation. Nous essaierons d'y répondre, dans la mesure de nos possibilités financières.

Monsieur Myard, s'agissant de la preuve de la sortie du territoire, ce dossier demande à être mûri. Je ne suis pas en mesure de répondre à votre question aujourd'hui.

S'agissant des reconduites à la frontière, les chiffres donnés ne concernent que la France métropolitaine – la situation étant très complexe à Mayotte.

S'agissant des tests ADN, il convient de resituer mes propos dans leur contexte. J'ai dit qu'il m'était impossible de signer le décret d'application dans le délai imparti, c'est-à-dire avant le 31 décembre 2009, compte tenu des précautions prises par l'Assemblée nationale, de celles ajoutées au Sénat et des réserves interprétatives du Conseil constitutionnel. Cette affirmation a été soumise à la sagacité des présidents des Commissions des lois des deux assemblées, qui sont en train de l'expertiser.

Madame Mazetier, nous veillerons, dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens, à ce que l'OFII dispose des moyens nécessaires si nous élevons le niveau requis en français.

Ce que vous dites à propos des Tunisiens est valable pour beaucoup de pays. D'abord, je suis tenu d'appliquer la loi ; or l'article 40 de la loi de 2007 relative à la maîtrise de l'immigration a fixé des objectifs et des critères extrêmement précis. Ensuite, la circulaire d'application de l'accord vient d'être contestée devant le Conseil d'État. Une nouvelle circulaire doit donc être prise. Dans ce cadre, je peux étudier ce qu'il est possible de faire pour le « stock » – car, théoriquement, il n'y a pas plus de flux, le Parlement ayant décidé qu'à partir de 2008, les employeurs devaient systématiquement vérifier les titres de séjour. Si la circulaire permet de régler un certain nombre de cas, nous le ferons, mais pour le reste, j'appliquerai la loi.

Les migrations sont un phénomène contemporain lié à la mondialisation, personne ne le conteste : je ne m'engagerai pas dans un débat avec vous sur ce point.

Enfin, je pense que vous avez mal interprété mes propos sur BFM TV. Sous une forme un peu différente, j'ai dit la même chose que tout à l'heure : à savoir, que je peux comprendre l'émotion suscitée par le retour d'Afghans dans leur pays mais que, la politique consistant à essayer de donner une cohérence à une somme d'actions individuelles, je m'inquiète des conséquences qu'aurait eu l'annonce que tout étranger en situation irrégulière appartenant à l'un des vingt ou vingt-cinq pays considérés comme étant en guerre, et dont la demande d'asile a été rejetée, a le droit de rester sur le territoire de la République française. C'eût été irresponsable !

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