Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 18 janvier 2011 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • avocat
  • défenseur
  • procureur

Sommaire

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, je vous informe qu'après les questions au Gouvernement, je ne suspendrai pas la séance et prononcerai immédiatement l'éloge funèbre de notre regretté collègue Gabriel Biancheri.

Je vous indique également que l'élection d'un juge de la Cour de justice de la République débutera à seize heures quinze dans les salles voisines de la salle des séances.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Madame la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, au nom de mes collègues du Nouveau Centre, je voudrais vous interroger sur les événements qu'a connus la Tunisie ces derniers jours, étant précisé qu'il est hors de question pour nous de prétendre s'ériger en donneurs de leçons contre le Gouvernement, de s'approprier après coup des événements qu'aucun n'avait pu entrevoir.

Je voudrais d'abord avoir une pensée pour la communauté tunisienne de France et saluer le courage et la dignité de la jeunesse de Tunisie. S'il convient de saluer le processus démocratique engagé, les événements survenus sont aussi l'expression de l'exaspération de la population contre la corruption – cette corruption qui prive la population des moyens de son développement, cette corruption sur le terrain de laquelle prospèrent la pauvreté et les inégalités.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Madame la ministre, le gouvernement français peut-il assurer la représentation nationale d'avoir donné des instructions à TRACFIN pour bloquer les mouvements financiers suspects des proches de l'ancien président tunisien ?

Au-delà, le Gouvernement peut-il préciser, sur le plan européen – je pense en particulier aux relations Euro-Méditerranée – et, plus largement, sur le plan international – car notre pays préside le G20 –, les initiatives que la France entend promouvoir pour veiller à mieux lutter contre la corruption, assurer la transparence des mouvements financiers et rendre ainsi plus efficace la coopération avec la Tunisie mais aussi, au-delà, avec l'ensemble des pays du Maghreb, pour accompagner et favoriser leur développement, facteur de paix et de prospérité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Monsieur le député, chacun connaît votre engagement pour l'éthique et dans la lutte contre la corruption. À la demande du Président de la République et du Premier ministre, François Baroin et moi-même avons, dès samedi matin, saisi TRACFIN et demandé à cet organisme d'alerter l'ensemble des acteurs financiers et non financiers sous instance ordinale – je pense notamment aux notaires et aux avocats – afin qu'ils signalent tout mouvement suspect et exercent une vigilance absolue sur tous les actifs appartenant, de près ou de loin, à l'entourage et à la famille de l'ancien président Ben Ali.

Le cas échéant, nous disposons de deux jours ouvrables à compter de la déclaration d'un tel mouvement pour exercer immédiatement une action de blocage. Nous disposons ensuite de la faculté de saisir les autorités judiciaires. Je vous indique que le président du tribunal de grande instance a été alerté de cette potentialité afin d'être en mesure de prendre toute mesure nécessaire à cet effet.

Au-delà de cette action immédiate et forte que nous avons engagée, notre action s'oriente désormais dans trois directions. Premièrement, identifier tous les actifs mobiliers et immobiliers appartenant à la famille ou aux proches de l'ex-président Ben Ali. Deuxièmement, coopérer très étroitement avec les autorités tunisiennes – je pense en particulier aux autorités judiciaires. Troisièmement, enfin, nous rapprocher de l'ensemble des autorités, y compris l'homologue de TRACFIN, pour parvenir au blocage, au gel par les voies judiciaires et à la restitution des biens à ceux auxquels ils appartiennent.

Vous le voyez, la France est engagée de manière très ferme et très définitive sur ces questions…

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

…comme elle l'est en ce qui concerne la lutte contre la corruption et la récupération des actifs illicitement transférés à des bénéficiaires illégitimes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur le Premier ministre, vous avez dit que 2011 devait être une année utile, mais vous n'avez pas dit pour qui ! Est-ce pour les administrateurs des sociétés cotées en bourse et dont les revenus ont augmenté de 16 % en un an, ou bien est-ce pour ceux qui bénéficient du RSA et dont le nombre a augmenté de 120 000 en un an ? Est-ce pour les actionnaires que cette année sera utile, ou bien est-ce pour ceux qui veulent travailler, ou qui travaillent et qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts à la fin du mois ?

Les privilégiés que votre politique – qui est aussi celle du Président de la République – soutient ont des noms et des visages. Les noms, ce sont ceux d'Arnault, Lagardère et Bettencourt. En ce qui concerne les visages, en voici un nouveau, qui n'est pas très connu : c'est celui de M. Fayat, l'un des gros du BTP,…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Brard, je vous en prie, veuillez ranger cette photo !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…avec 1,2 milliard d'euros de fortune personnelle, soit mille siècles de SMIC.

Non, monsieur le président, vous n'êtes pas Ben Ali ! Ici, on a le droit de s'exprimer. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Et vous n'êtes pas non plus grossiste en muselières ! Vous ne bâillonnerez pas les députés. (Nouvelles exclamations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Monsieur le Premier ministre, allez-vous continuer de privilégier ceux-ci (L'orateur brandit de nouveau la photo) et d'augmenter le nombre de ceux-là (L'orateur brandit la photo d'un sans domicile fixe. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP),que l'on voit dans le métro ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ou est-ce que, enfin, vous allez répartir la fortune et les richesses autrement : moins pour les riches et plus pour ceux qui travaillent ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Monsieur Brard, à chacun selon son travail, à chacun selon son mérite et à chacun selon ses besoins. (Vives exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Il y a un point sur lequel nous serons l'un et l'autre d'accord : nous devons impérativement augmenter le travail et récompenser les mérites si l'on veut satisfaire les besoins. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Monsieur Brard, vous posez la question de la répartition. Je voudrais attirer votre attention sur une enquête qui a été faite sur l'année 2008 par l'OCDE, dont on peut difficilement contester les chiffres. Il apparaît que l'écart de revenus entre les plus modestes et les plus privilégiés avait beaucoup augmenté aux États-Unis, en Allemagne, au Canada, au Japon,…

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

…mais, curieusement, pas en France. (Nouvelles exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Lorsque vous regardez cette étude, notamment en ce qui concerne les revenus moyens, l'écart ne s'est pas creusé.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Par ailleurs, je vous rappelle que le Président de la République et le Premier ministre sont particulièrement sensibles à la question des revenus autres que ceux du travail, (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs)…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, écoutez la réponse, je vous prie !

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

…c'est-à-dire l'ensemble des biens publics qui sont fournis par les services publics et les administrations. Ils représentent à peu près 23 % du revenu disponible. Et, grâce à l'excellence des services fournis par les administrations françaises, l'écart s'est réduit.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Il était de un à cinq si l'on ne tient pas compte du revenu distribué par les administrations ; il est ramené de un à trois lorsque l'on prend en compte l'ensemble des biens fournis par les administrations au titre des services que l'on dit publics – je pense notamment à l'éducation ou encore aux services de santé, qui entrent grandement en ligne de compte dans le bien-être perçu par l'ensemble de nos concitoyens. Donc, vous le voyez, nous n'avons pas à rougir. (Exclamations et huées sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

En matière de répartition des revenus, les revenus distribués entrent aussi en ligne de compte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Renaud Muselier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Renaud Muselier

Ma question s'adresse à Mme la ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.

Nous sommes tous très attentifs à ce qui se passe en ce moment en Tunisie. Ce matin, madame la ministre, vous vous êtes exprimée devant la commission des affaires étrangères et nous avons eu le plaisir d'avoir une explication claire. (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

La parole de la France est, en effet, bâtie autour des notions fondamentales de notre diplomatie : pas d'ingérence, mais pas d'indifférence.

Debut de section - PermalienPhoto de Renaud Muselier

Ce message est clair, apaisé et permet de voir l'avenir.

Madame la ministre d'État, nous sommes bien sûr très attentifs à ce qui se passe là-bas, puisqu'il s'agit d'un peuple ami. Nous avons des relations très fortes avec ce pays, sachant que près de 25 000 de nos compatriotes y vivent et que 1 500 entreprises y sont installées.

De surcroît, le peuple tunisien a manifesté sa soif et son besoin de démocratie et de liberté. Nous avons pu constater, pendant ces vingt-trois jours, à quel point les jeunes ont manifesté avec courage leur détermination pour plus de liberté. Nous avons été tout aussi surpris de voir à quelle vitesse l'armée a lâché le gouvernement en place. Nous avons pu constater également dans la presse que, systématiquement, une référence est faite à la constitution tunisienne. Cette révolution, qui a lieu à nos portes, à nos frontières, a des conséquences fondamentales.

Les événements tunisiens peuvent-ils avoir des conséquences sur les pays voisins, qui souffrent parfois des mêmes maux, connaissent les mêmes travers, et avec lesquels nous avons souvent le même genre de relations diplomatiques ? Peut-il y avoir un effet domino ?

Parallèlement à cela, existe-t-il un risque islamiste ?

Enfin, l'Union pour la Méditerranée, voulue par le Président de la République, n'est-elle pas la meilleure réponse aux problèmes du bassin méditerranéen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, ministre des affaires étrangères et européennes

Monsieur Muselier, en ces moments décisifs pour la Tunisie, la France, bien sûr, se tient au côté du peuple tunisien. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, ministre des affaires étrangères et européennes

Sans interférer, elle entend apporter toute l'aide possible à un peuple ami. Cela doit se traduire par un certain nombre d'actions et de coopérations concrètes,…

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, ministre des affaires étrangères et européennes

…et il est vrai que l'Union pour la Méditerranée peut représenter aussi une réponse aux préoccupations tunisiennes, comme aux enjeux de l'ensemble des pays méditerranéens.

N'oublions pas que la Tunisie est effectivement un membre extrêmement actif de l'Union pour la Méditerranée. C'est donc une occasion pour nous de montrer ce que peut apporter l'Union pour la Méditerranée, notamment dans les domaines du développement et de l'enseignement supérieur, où il y a des besoins.

Cela peut également se faire dans le cadre du plan solaire méditerranéen où, d'ores et déjà, la Tunisie est un acteur majeur.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, ministre des affaires étrangères et européennes

D'autres projets concrets peuvent être développés pour la Tunisie dans ce cadre. Ce sera une façon de montrer aux populations quel est le plus de cette solidarité entre les deux rives de la Méditerranée, que ce soit dans le domaine du développement des PME et des PMI ou dans celui de la formation professionnelle.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, ministre des affaires étrangères et européennes

Mais, au-delà de l'Union pour la Méditerranée, nous allons également poursuivre afin d'inciter l'Union européenne à intervenir pour aider la Tunisie à accomplir, comme elle le souhaite, un pas décisif, avec notamment l'acquisition du statut avancé. Nous avons, nous Français, demandé à l'Union européenne de faire des avancées majeures dans ce domaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Situation en Tunisie

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Madame la ministre des affaires étrangères et européennes, la conduite des affaires étrangères de la France est un métier difficile ; la France dialogue, et cela même avec des nations qui ne sont pas gouvernées selon les principes de la démocratie.

Ce réalisme a été partagé par tous les gouvernements. Mais ce réalisme ne doit pas rendre aveugle aux violations répétées des droits de l'homme et des libertés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Il est ainsi incompréhensible que Nicolas Sarkozy ait cru bon de faire l'éloge, au mois d'avril 2008 à Tunis, d'un régime « engagé dans la promotion des droits universels et des libertés fondamentales », au moment même où Ben Ali renforçait le caractère policier de ce régime. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

De l'aveuglement à la faute, il n'y a souvent qu'un pas ; et c'est celui que vous avez franchi mardi dernier en répondant aux questions de plusieurs d'entre nous. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)

Face à un soulèvement majoritaire et populaire, le pouvoir tunisien a choisi la répression et fait tirer à balles réelles sur des manifestants pacifiques et désarmés. La France aurait dû, par votre voix, s'élever avec force pour condamner ces crimes sans appel ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC. — Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Au lieu de cela, vous avez suggéré de mettre au service d'une dictature notre savoir-faire en matière de sécurité.

Hier, après le décès d'un photographe de presse français, votre porte-parole s'est contenté d'un laconique : « Il s'agit d'un emploi disproportionné de la violence. »

Madame la ministre, les mots me manquent (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP) pour qualifier des prises de position qui disqualifient la France aux yeux du monde, et des Tunisiens.

Ma question est très précise. Par ces déclarations, engagiez-vous la parole de la France ? Représentiez-vous fidèlement la pensée du chef de l'État ? Et si tel n'était pas le cas, quelles conséquences comptez-vous en tirer sur le plan personnel ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Monsieur le président Ayrault, je voudrais d'abord assurer Mme Alliot-Marie de toute ma confiance et regretter l'exploitation peu honnête que vous faites de ses propos. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. — Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Ce n'est sûrement pas à vous de donner des leçons d'honnêteté !

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

L'histoire avance souvent plus vite que la diplomatie, et nous en avons fait collectivement l'expérience lors de la chute de l'Union soviétique comme lors de la réunification allemande. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) D'une certaine façon, la révolution tunisienne nous le rappelle encore.

J'entends les critiques que vous formulez. Je pourrais, pour y répondre, citer de larges extraits du très beau discours prononcé par Lionel Jospin au mois d'octobre 1997, lorsqu'il recevait à Matignon le président Ben Ali. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Je pourrais évoquer le satisfecit donné au Gouvernement de M. Ben Ali par Dominique Strauss-Kahn au mois d'octobre 2008, quelques minutes après avoir reçu du chef de l'État tunisien une haute décoration. (Applaudissements et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mais je ne le ferai pas, parce que ce ne serait pas à la hauteur du défi que doit relever le peuple tunisien.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Ce défi, c'est de réussir une transition démocratique à la hauteur des espoirs nés du mouvement populaire engagé par les Tunisiens, et qui les a conduits à faire preuve d'un grand courage et à braver tous les risques.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Le sort de la Tunisie est entre les mains des Tunisiens.

Le rôle de la France, c'est d'accompagner la Tunisie sur le chemin difficile de la démocratie.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Comme le Président de la République l'a rappelé dès samedi, la France est aux côtés du peuple tunisien.

La France souhaite l'organisation d'élections libres, qui sont la seule issue possible à la crise que traverse la Tunisie. Nous sommes d'ailleurs prêts à fournir au gouvernement tunisien, s'il le désire, l'assistance nécessaire à la préparation et à l'organisation de ces élections.

Nous voulons ensuite indiquer au gouvernement tunisien que nous sommes décidés à accroître notre effort de coopération économique et culturelle. Nous sommes déjà en Tunisie le premier bailleur de fonds d'aide au développement ; faire plus, ce sera montrer notre confiance dans le processus démocratique engagé.

En disant aux nombreux Français qui résident en Tunisie que nous les encourageons à y rester, nous montrons aussi notre confiance dans ce processus démocratique.

Nous nous engageons enfin, dans le cadre de l'Union européenne, à obtenir un accroissement de l'aide et surtout l'octroi de ce statut avancé déjà accordé au Maroc ; cela peut constituer un autre signe pour permettre aux Tunisiens de progresser sur la voie de la démocratie.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Mesdames et messieurs les députés, l'essentiel, c'est la très ancienne et très forte amitié qui lie la Tunisie à la France, le peuple tunisien au peuple français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

À ce peuple tunisien, fier, courageux, auquel nous lie un héritage millénaire, nous disons, ensemble, que cette amitié est plus forte que tous les régimes et que nous continuerons de l'aider.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Enfin, j'aimerais que l'opposition n'ait pas deux discours d'une région à l'autre de l'Afrique et n'oublie pas qu'il y a en ce moment, en Afrique, un chef d'État qui a volé les élections, et qui doit subir les mêmes critiques sur tous les bancs de l'Assemblée nationale ! (Mesdames et messieurs les députés des groupes UMP et NC se lèvent et applaudissent longuement. — Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

N'importe quoi ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Yves Durand, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Durand

Monsieur le Premier ministre, c'est à vous personnellement que je pose cette question. Nous étions hier à Linselles, autour des familles, pour rendre un dernier hommage à Antoine de Léocour et Vincent Delory. Chacun a vécu, pendant ces instants où le temps s'arrête, la dignité et le courage des familles mais aussi la solidarité de toute une commune et de toute une région.

Hier, nous sentions que c'était aussi la nation tout entière qui se révoltait contre « la bête immonde du terrorisme » pour reprendre les termes de Mgr Ulrich, archevêque de Lille, dans son homélie.

Mardi dernier, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche a, par la voix de François Loncle, exprimé sa volonté d'union face au terrorisme. Cette volonté, monsieur le Premier ministre, nous la réaffirmons aujourd'hui avec la même force.

Cette union sera d'autant plus solide qu'elle reposera sur la transparence. Monsieur le Premier ministre, dans une de vos réponses, la semaine dernière, ici même, vous avez déclaré que selon les indications qui vous avaient été données, les deux otages avaient été exécutés et deux ravisseurs capturés. Or, depuis, un certain nombre de déclarations, de témoignages, de documents, ont semé le doute sur les dernières heures de nos compatriotes et sur les conditions de leur mort.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Durand

Monsieur le Premier Ministre, par respect pour les familles, vous ne pouvez pas laisser subsister des zones d'ombre. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) La France ne peut pas laisser les terroristes dicter leur version des faits. Les Français veulent comprendre ce qui s'est réellement passé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre de la défense et des anciens combattants.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Ce qui s'est passé il y a quelques jours au Niger est une abomination. Je comprends la souffrance ; je comprends l'indignation des familles d'Antoine de Léocour et de Vincent Delory ; je comprends même la révolte de leurs amis, qui m'ont demandé de démissionner de mes fonctions.

La seule manière de répondre à cette émotion, c'est d'établir la vérité.

Je l'ai fait ce matin devant vos commissions des affaires étrangères et de la défense ; je serai plus bref cet après-midi.

Je ne reviens pas sur les conditions de l'enlèvement. Immédiatement, les forces nigériennes se sont mises à la poursuite des ravisseurs. La question s'est alors posée : allions-nous les aider ?

Le Président de la République a dû prendre cette décision dans la nuit du 7 au 8 janvier. Dire non, c'était courir le risque de laisser les ravisseurs emmener les otages dans un refuge au Sahel, avec les conséquences que l'on connaît. Dire non, c'était aussi envoyer un signal de non-intervention, donc courir le risque d'une contagion et de la répétition de tels enlèvements.

Le Président de la République, en plein accord avec le Premier ministre et avec moi-même, a donc donné l'ordre à nos forces d'intervenir pour arrêter les ravisseurs.

Dans la matinée du 8 janvier, une première embuscade a eu lieu, au cours de laquelle les ravisseurs ont fait prisonniers ou tué plusieurs gendarmes nigériens ; quelques kilomètres plus loin, au Mali – nous avions reçu l'accord des autorités maliennes pour exercer notre droit de suite –, le contact avec nos forces a été établi.

Immédiatement, les ravisseurs ont ouvert le feu. Ils ont endommagé deux hélicoptères et blessé un de nos soldats, qui se trouvait à l'intérieur d'un de ces appareils. Nos troupes ont débarqué à terre ; des combats intenses ont eu lieu, au terme desquels nous avons découvert les cadavres de nos deux otages, ainsi que trois morts et trois blessés du côté des ravisseurs et des gendarmes otages. L'un de ces blessés est décédé. Quatre corps ont donc été transmis aux autorités nigériennes, ainsi que deux blessés.

La querelle pour savoir s'il s'agit de gendarmes ou de ravisseurs n'a aucun sens. Ces hommes ne portaient pas de tenue officielle de gendarme, même s'ils portaient quelques éléments d'uniforme. Ce sont les autorités nigériennes qui, après coup, ont établi leur identité.

Quant à nos concitoyens, l'enquête judiciaire a établi que l'un d'entre eux avait été froidement exécuté à bout portant par une kalachnikov. Les causes exactes de la mort de l'autre ne sont pas totalement connues : plusieurs impacts de balles – qui n'étaient pas des balles françaises – ont été retrouvés dans son corps, ainsi que des traces de brûlures.

Quelque dramatique que soit cet événement, je voudrais saluer le courage de nos soldats, qui ont exécuté les ordres qui leur avaient été donnés. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC, ainsi que sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Le Président de la République a pris cette décision en accord avec le Premier ministre et avec moi-même. Quelle que soit la difficulté de la tâche, nous avons, je crois, fait notre devoir. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC, ainsi que sur quelques bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

Monsieur le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, l'inspection générale des affaires sociales, que vous aviez missionnée dès le lendemain de votre prise de fonction afin que toute la transparence soit faite sur l'affaire du Mediator, vient de vous remettre son rapport et une conférence de presse a eu lieu samedi après-midi en présence de mon collègue Gérard Bapt et de moi-même. Cela a permis d'avoir les premières réponses sur les événements.

Les inspecteurs font une analyse extrêmement sévère et accablante de ce drame humain et médical secondaire à la prise de ce médicament. Ils pointent du doigt un réel dysfonctionnement des agences en charge de la sécurité et de la police du médicament, agences qui ont été créées en 1993 pour l'Agence du médicament et en 1997 pour l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.

Les inspecteurs pointent également des anomalies dans le fonctionnement interne des diverses commissions, commission d'expertise, commission d'évaluation ou commission de pharmacovigilance pour les médicaments.

Enfin, la réglementation des conflits d'intérêts aurait été appliquée avec un certain laxisme.

Monsieur le ministre, quels enseignements tirez-vous de ce rapport dense ? Qu'envisagez-vous de faire pour qu'un nouveau drame sanitaire comme celui que nous vivons ne se reproduise plus à l'avenir et pour réagir le plus rapidement possible à la perte de confiance de la population dans nos médicaments comme dans les laboratoires de recherche pharmaceutiques ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur le député, vous avez prononcé le mot : « confiance ». Il nous faut retrouver de la confiance dans le système du médicament et restaurer la confiance dans notre système sanitaire.

Le Président de la République et le Premier ministre avaient demandé à moi-même ainsi qu'à Nora Berra que toute la lumière soit faite sur ce dossier.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Pour cela, une mission a été confiée à l'IGAS, dont le rapport d'étape a été rendu samedi. Il y aura également non pas une mission parlementaire mais des missions parlementaires, celle de l'Assemblée nationale, présidée par Gérard Bapt et dont vous êtes rapporteur, monsieur Door, et celle du Sénat, avec François Autain et Marie-Thérèse Hermange. Ensuite viendra l'action de la justice.

Le rapport de l'IGAS montre que c'est ce médicament fabriqué par le laboratoire Servier qui est en cause dans les pathologies des victimes.

Mais il pointe également des dysfonctionnements particulièrement graves : la police du médicament n'a pas été assumée pour protéger nos concitoyens. Sur ce sujet, le rôle, la structure, le fonctionnement de l'AFSSAPS doivent être revus en profondeur. Nous ne pouvons pas conserver l'AFSSAPS en l'état.

Vous l'avez dit, nous aurons des dispositions à prendre.

Tout d'abord, pour prendre en charge, encore et toujours, les patients et régler la question de leur indemnisation ; je l'ai évoqué la semaine dernière, je reverrai ce point dans deux heures avec les associations de patients.

Ensuite, pour renforcer notre pharmacovigilance et changer le système du médicament.

Enfin, pour assurer la plus totale transparence sur la question des déclarations d'intérêts. La transparence est la condition indispensable de la confiance.

Sur tous ces sujets, il nous faut prendre des décisions radicales, des décisions en profondeur et des décisions rapides. Je suis persuadé que, pour restaurer la confiance, nous saurons travailler ensemble, Gouvernement et parlementaires, dans la même direction. Je pense que si nous travaillons ensemble, il y aura davantage de confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Il y a également des responsabilités politiques !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Olivier Jardé, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jardé

Ma question, à laquelle j'associe le professeur Penneau, d'Angers, s'adresse à M. le garde des sceaux.

En 2003, j'ai remis un rapport sur la nécessité de réformer la médecine légale, qui concerne toute la maltraitance, y compris celle que subissent les femmes et les enfants battus. Ce rapport a été validé par une mission interministérielle en 2006, qui a montré le caractère tout à fait disparate de la prise en charge de la maltraitance sur le territoire français.

Des groupes de travail se sont constitués ensuite, qui ont relevé la nécessité de professionnaliser, de pérenniser et surtout d'harmoniser sur la totalité du territoire national l'action des médecins légistes.

La médecine légale, c'est la fixation des incapacités totales de travail, c'est elle qui fixe le niveau de juridiction concerné, le tribunal de police ou le tribunal correctionnel. C'est aussi, sujet d'actualité, la possibilité ou non de mettre quelqu'un en garde à vue. C'est enfin toutes les autopsies.

Monsieur le garde des sceaux, vous avez signé une circulaire il y a deux jours. Pourriez-vous exposer devant la représentation nationale les grands principes et les avantages de la réforme ? Elle s'applique en Picardie depuis hier : si, au niveau du personnel et des besoins, nous sommes tout à fait en corrélation, il faut noter que, dans certaines régions, il faudra peut-être refaire des réévaluations d'ici à six mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le député, vous êtes, comme vous l'avez rappelé, un spécialiste de la question de la médecine légale en tant que parlementaire mais également en tant qu'acteur local de cette médecine légale. Vous savez parfaitement qu'elle joue un rôle déterminant dans la recherche de la vérité et la prise en charge des victimes. En effet, aux missions traditionnelles se sont ajoutées celles qui ont pour objet toutes les constatations médicales utiles aux procès concernant aussi bien les auteurs d'infractions que leurs victimes.

Des dysfonctionnements importants ont été mis en exergue. Le Gouvernement a donc décidé, après la concertation à laquelle vous avez fait allusion, de faire de la médecine légale un véritable service public, avec la mise en place d'un maillage territorial cohérent et des financements pérennes. L'objectif est de donner un cadre institutionnel qui rationalise la pratique, améliore la qualité de la médecine légale et utilise de façon optimale les compétences des professionnels.

La médecine légale repose, au plan régional, sur trente centres de coordination de l'ensemble des activités médico-légales, au plan départemental, sur quarante-huit unités médico-judiciaires dédiées à la seule médecine légale du vivant. Un niveau de proximité sera coordonné aux précédents. Il aura la charge des actes qui nécessitent un traitement rapide, par exemple l'examen d'une personne placée en garde à vue.

La question du financement est essentielle pour le succès de cette réforme. Chacune de ces structures recevra une dotation budgétaire.

Comme vous l'avez constaté, monsieur le député, cette réforme se met en place. Il peut y avoir, ici ou là, quelques problèmes. Je suis prêt à examiner toutes les situations, en quelque endroit du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

« Incompréhensible tolérance », c'est par ces mots que l'inspection générale des affaires sociales a qualifié le comportement de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé à l'égard du Mediator et du laboratoire Servier.

Ce n'est pas la première fois que notre système de contrôle est défaillant à la fois quant aux autorisations de mise sur le marché et quant au retrait de médicaments – Distilben, Vioxx, Acomplia, Avandia, Diantalvic, et j'en passe !

Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, l'incompréhension du groupe socialiste, radical et citoyen devant le rejet systématique de ses propositions depuis près de trois ans, propositions tirées d'un rapport sur le médicament intitulé « Prescrire moins, consommer mieux », dont j'ai été l'auteure (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC), et qui a été voté à l'unanimité des membres de la commission des affaires sociales, le 30 avril 2008.

À titre d'exemple, depuis près de trois ans, nous demandons la déclaration publique des conflits d'intérêts de tout expert s'exprimant sur un sujet de santé (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC) : rejeté !

Nous demandons que les firmes pharmaceutiques procèdent à des essais cliniques systématiques sur leurs prétendus nouveaux médicaments en comparaison des produits déjà sur le marché : rejeté !

Nous demandons qu'il n'y ait aucun contact, même indirect, entre le malade et les firmes pharmaceutiques : rejeté !

Quand, en février 2008, j'interroge Mme Bachelot et M. Woerth sur le problème que pose le financement de l'Agence du médicament par les industries pharmaceutiques, la réponse est simple : circulez, il n'y a rien à voir, parce que, pour ces ministres il n'y a pas de problème ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Ma question sera simple : pourquoi votre Gouvernement nous a-t-il fait perdre trois ans ? Et s'il vous plaît, monsieur le ministre, évitez votre sempiternel : « Le parti socialiste ne propose rien », puisqu'en l'occurrence nous avons proposé et c'est votre Gouvernement qui a rejeté. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Madame la députée, depuis que j'ai pris mes fonctions, j'ai lu en détail le rapport que vous avez vous-même présenté et vous pouvez vous retrouver dans certaines des propositions que j'ai eu l'occasion de faire samedi dernier. Certaines de mes propositions vont même sans doute plus loin que les vôtres. (« Les nôtres ont été faites il y a trois ans ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) À vous de nous retrouver sur ce point.

Sur certains sujets, expliquons les choses telles qu'elles sont ! Jusqu'à l'affaire du sang contaminé, l'ensemble des sujets revenaient au ministère. Dans les années 90, le choix a été fait de transférer davantage de choses aux agences. En matière d'évaluation et de contrôle, ce sont les experts qui prennent les décisions et assument les responsabilités.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Ça nous laisse le temps de mourir à petit feu !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

L'information doit aujourd'hui être plus transparente et mieux circuler. Nous avons ainsi demandé que la liste des soixante-seize médicaments sous surveillance nous soit communiquée et soit rendue officielle.

Sur la question des déclarations d'intérêts, toutes les conventions passées par l'industrie pharmaceutique avec tous les médecins, tous les experts, toutes les sociétés savantes, devront être publiées, faute de quoi il y aura des sanctions. Nous savons aujourd'hui que ces sanctions ne sont pas suffisamment respectées, mais je souhaite aller plus loin, madame Lemorton.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je l'ai dit notamment pour mon cabinet ministériel, je souhaite qu'il y ait aussi des déclarations d'intérêts, parce que celui-ci est en première ligne pour porter cette réforme exigeante. Nous avons ainsi été confrontés la semaine dernière à une confusion quant à la question des professeurs d'université praticiens hospitaliers, les PUPH. J'ai commencé à demander les déclarations d'intérêts pour les membres de mon cabinet. Même si des décisions difficiles doivent être prises, nous les prendrons sans aucune hésitation.

Sur tous les sujets concernant l'AFSSAPS, vous voulez de l'étanchéité. Nous vous proposons donc, à vous parlementaires, que ce soit maintenant le budget de l'État qui finance l'AFSSAPS, pour qu'il y ait étanchéité. Sur toutes ces questions, le problème n'est pas une recherche de paternité ; il est de savoir si nous voulons, oui ou non, réussir une réforme exigeante. Nous le voulons, alors travaillons ensemble ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Cela fait trois ans que nous avons fait des propositions !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Huyghe

Monsieur le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, la jurisprudence de la Cour de cassation, de la Cour européenne des droits de l'homme et la décision du Conseil constitutionnel nous imposent de réformer notre procédure de garde à vue.

La réforme dont nous commencerons l'examen tout à l'heure doit trouver un étroit chemin entre divers intérêts souvent contradictoires. Elle doit tout d'abord donner les moyens de mener l'enquête sans entraves afin de permettre la manifestation de la vérité. Elle doit également admettre que le mis en cause puisse exercer ses droits légitimes à la défense. Elle doit en outre accorder à la victime les moyens d'être respectée et protégée, et veiller à ce que, dans les faits, celle-ci n'ait pas le sentiment que les rôles sont inversés.

Par ailleurs, notre marge de manoeuvre est très étroite entre deux risques majeurs. Le premier risque serait de mettre en oeuvre des règles de procédure de garde à vue si contraignantes qu'elles pourraient être une véritable entrave à l'enquête, nuire à l'efficacité de la police et, par conséquent, de la justice. Mes chers collègues, nous ne pouvons pas prendre le risque de donner un coup de frein à la lutte contre la délinquance. Ce serait un mauvais signal pour les Français qui nous disent tous les jours leur besoin de sécurité.

Le second écueil que nous devons éviter, c'est celui d'une réforme de la garde à vue pour rien. Je veux dire par là que nous ne pouvons pas nous permettre de mettre en place un dispositif qui pourrait encourir, dans les mois qui viennent, de nouvelles sanctions de la Cour européenne des droits de l'homme ou du Conseil constitutionnel.

La commission des lois a voulu supprimer le dispositif de l'audition libre. Elle a également instauré un délai de carence de deux heures avant le début des auditions, afin de permettre à l'avocat de se rendre sur place. Elle a, enfin, à une très courte majorité, substitué le juge des libertés et de la détention au procureur de la République dans le contrôle de la garde à vue. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer la position du Gouvernement sur ces trois points majeurs ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le député, comme vous venez de le rappeler, nous allons entrer, pour un peu plus d'une semaine, dans un débat qui vaut la peine d'être mené sur la réforme de la garde à vue. Il s'agit de construire un nouvel équilibre entre deux exigences de valeur constitutionnelle identique : celle de la sécurité et de la sûreté, qui est due aux personne et aux biens, et celle du respect des droits de la défense, des libertés constitutionnellement garanties. Bâtir ce nouvel équilibre est le but du projet de loi dont vous allez débattre à partir de cet après-midi.

Vous m'avez demandé d'apporter des précisions sur trois points essentiels, et je le fais bien volontiers.

S'agissant de l'audition libre, le Gouvernement a entendu les arguments exprimés par la commission des lois. Ces arguments lui ayant semblé pertinents et convaincants, le Gouvernement a décidé de ne pas déposer d'amendement visant à rétablir l'audition libre.

Ensuite, vous m'avez demandé quelle était ma position vis-à-vis du délai de carence. Il est évident qu'il faut laisser un délai entre le moment où l'avocat est averti et celui où il peut arriver auprès de son client qui fait l'objet d'une garde à vue. Vous avez voté un délai de carence de deux heures ; il faut que nous discutions des modalités et je fais confiance au débat pour que nous parvenions à un bon résultat.

Enfin, vous m'avez demandé ce que le Gouvernement souhaitait faire pour le contrôle de la garde à vue dans les quarante-huit premières heures. Nous souhaitons très clairement confier au procureur de la République la direction de la garde à vue pendant ces quarante-huit premières heures, conformément à la décision de la chambre criminelle du 15 décembre 2010. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean Glavany, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Monsieur le ministre de l'intérieur, je ne sais si vous avez vu le reportage sur les sociétés de sécurité privées, diffusé par France Télévisions il y a une dizaine de jours, dans l'émission Envoyé spécial ; si ce n'est pas le cas, je vous conseille vivement de le visionner.

Ce reportage met en évidence d'incroyables dysfonctionnements de ces sociétés, que ce soit dans les collectivités locales – mais il s'agit là de choix politiques que les élus doivent assumer –, les stades de football mais aussi et surtout dans les aéroports. Il montre notamment comment passer une arme en pièces détachées à travers les détecteurs, et on y apprend que le statut social des agents employés par ces sociétés privées est extrêmement précaire et qu'ils exercent leur activité après une formation d'à peine quatorze jours, sans aucun contrôle de la police nationale. Or il effectuent une mission de service public puisqu'ils sont censés assurer la sécurité des voyageurs et celle des personnels des compagnies aériennes.

Je ne vous demande pas de nationaliser ces sociétés de sécurité privées, encore que les Américains le fassent ; d'ailleurs, les personnels de ces sociétés en seraient certainement heureux. Je veux seulement vous poser trois questions. En premier lieu, quelles leçons pouvez-vous tirer d'une telle démonstration ? En second lieu ne pensez-vous pas qu'un contrôle accru de l'État sur ces sociétés de sécurité privées s'impose ? Enfin, nonobstant la révision générale des politiques publiques et l'austérité budgétaire ambiante, ne pensez-vous pas qu'il y a des missions que la police nationale ne peut abandonner totalement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Monsieur Glavany, les entreprises de sécurité privées se développent en effet dans notre pays depuis plusieurs années. La direction générale de l'aviation civile, placée sous l'autorité de Thierry Mariani, nous indique que 9 000 agents ayant le statut de salariés privés travaillent dans les aéroports. Par ailleurs, le gardiennage emploie 120 000 salariés, et leur syndicat nous indique que 120 000 agents supplémentaires vont être recrutés au cours des dix prochaines années.

Pour mieux encadrer et réglementer cette profession, j'ai désigné comme correspondant au mois de septembre le préfet Jean-Louis Blanchou, spécialiste des questions aéroportuaires, afin qu'il examine les besoins. Vous avez parfaitement raison cependant : il faut aller plus loin. C'est pourquoi j'ai proposé au Parlement, qui l'a approuvée, la création d'un Conseil national des entreprises de sécurité privées, autorité placée sous la tutelle de l'État – ce qui répond à votre préoccupation – qui aurait à décider de la réglementation et des agréments concernant ces agents. J'ajoute que la question a été évoquée dans la LOPPSI 2 et qu'elle a fait l'objet de débats consensuels.

Vous avez raison d'affirmer que cette mission de sécurité relève d'abord de l'État, et je rends ici hommage aux 245 000 policiers et gendarmes qui y contribuent, et plus particulièrement aux 5 000 d'entre eux qui travaillent dans les aéroports. Cette mission régalienne de l'État est aujourd'hui exercée en partenariat avec les maires, les polices municipales et les compagnies de sécurité privées, avec un seul objectif : mieux contribuer à la protection de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Christophe Baguet

Ma question s'adresse à M. Georges Tron, secrétaire d'État à la fonction publique.

Les agents contractuels représentent 16,5 % des effectifs de la fonction publique. Ils apportent une contribution essentielle et quotidienne à la mise en oeuvre de la diversité au sein des missions de service public. À Boulogne-Billancourt, nous comptons, à titre d'exemple, 10 % d'agents non titulaires.

Aujourd'hui, on constate une insuffisance du cadre juridique dont relèvent ces agents contractuels, aussi bien dans les hôpitaux que dans la fonction publique d'État ou territoriale. La situation mérite d'être clarifiée tant pour les employeurs que pour les contractuels, dont certains peinent à percevoir des indemnités de chômage en cas de perte d'emploi.

Le Président de la République avait dénoncé cette situation et a plaidé, le 25 janvier dernier, pour un plan en faveur de la réduction de la précarité des agents contractuels. Dans ce cadre, vous avez annoncé un plan d'action pour ces agents. Pourriez-vous nous préciser, monsieur le secrétaire d'État, l'agenda et le contenu de ce plan d'action ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Monsieur Pierre-Christophe Baguet, il y a environ 850 000 agents non titulaires dans la fonction publique, dont beaucoup sont dans des situations précaires ; c'est choquant et paradoxal. Nombre de ces agents ont des contrats à durée déterminée, renouvelés plusieurs fois, bien au-delà de la période de six ans au terme de laquelle ils devraient, selon la loi de 2005, être transformés en contrats à durée indéterminée.

Comme vous l'avez rappelé, le Président de la République s'est inquiété de cette situation. Éric Woerth et moi-même avions donc ouvert, en 2010, une concertation syndicale ; nous sommes entrés, avec François Baroin, dans une phase de négociations. Ces négociations suivent trois pistes. Nous souhaitons d'abord faire en sorte que les CDD qui dépassent une période de six ans soient transformés en CDI, dans le respect de la loi de 2005, qui concerne exclusivement les agents de catégorie A mais que nous souhaitons élargir aux agents des catégories B et C.

En second lieu, nous voulons permettre la titularisation sous certaines conditions d'agents en CDI, voire en CDD, grâce à des concours professionnalisés. Il ne s'agit pas, monsieur le député, d'un plan de titularisation, car les seize plans précédents n'ont jamais empêché, malgré leurs objectifs louables, que se multiplient les postes de contractuels. Par ailleurs, nous ne voulons pas créer des inégalités. Enfin, nous voulons modifier les conditions d'indemnisation pour les agents non titulaires au chômage. Actuellement, il faut quatre à cinq mois avant qu'ils puissent toucher leurs indemnités. Nous voulons modifier le dispositif afin que les délais soient raccourcis. Ces mesures vont dans la bonne direction. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Philippe Vuilque, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vuilque

Monsieur le Premier ministre, nous avons appris avec surprise, la semaine dernière, que le groupe American Standard, dont la filiale Ideal Standard possède les usines de Revin dans les Ardennes et de Dôle dans le Jura, avait décidé brutalement et sans préavis de procéder à la fermeture pure et simple de ces deux unités. 311 salariés sont concernés, dont 148 à Revin, ville dont je suis maire.

Tous, salariés, syndicats, élus, population et même le préfet, ressentent colère et indignation. Tous sont unanimes pour dénoncer l'attitude inadmissible de ce groupe américain dont une partie du capital est détenue par un fonds de pension. L'usine de Revin, l'ancienne usine Porcher, fabrique des sanitaires depuis 1886 et est mondialement connue.

Cette décision inique est une catastrophe pour les salariés et leurs familles mais aussi pour la ville et le bassin d'emploi qui subissent très durement la crise et les restructurations industrielles. Cette situation est d'autant plus difficile à supporter que nous ne bénéficions pas pleinement de la solidarité territoriale puisque l'on nous refuse depuis des années l'entrée dans l'intercommunalité Ardenne Rives de Meuse.

Les Ardennes et le bassin d'emploi de Revin n'en peuvent plus de ces suppressions d'emplois et de la désindustrialisation. Nous avons besoin de la solidarité nationale pour concrétiser de manière partenariale une véritable politique de réindustrialisation que le Président de la République appelait de ses voeux dans le discours sur la France qui souffre qu'il a prononcé dans les Ardennes en 2006,. Je lui ai d'ailleurs transmis une invitation à venir voir sur place l'ampleur des dégâts.

Monsieur le Premier ministre, les élus du territoire souhaitent être reçus rapidement – et non pas dans quatre ou cinq semaines – pour évoquer les différents volets de ce dossier et envisager les mesures exceptionnelles qui s'imposent pour le bassin d'emploi de Revin. Le ministre de l'industrie, avec qui j'ai évoqué ce dossier mercredi dernier, n'a pas encore concrètement répondu à ma demande.

Je vous demande donc d'organiser rapidement la réunion demandée et d'envisager les mesures qui s'imposent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Monsieur Vuilque, comme vous l'avez indiqué, le groupe Ideal Standard, qui produit des articles en céramique pour salles de bains, a annoncé il y a deux jours la fermeture de deux sites, l'un dans les Ardennes, l'autre dans le Jura. Il a également annoncé la fermeture d'un site en Angleterre. En revanche, les autres sites français, à Angoulême et à Roissy, ne sont pas touchés.

Vous connaissez comme moi les explications que donne le groupe Ideal Standard : un recul de 23 % en volume du marché de la céramique en Europe et une forte augmentation des coûts de production.

Vous savez aussi que, dès l'annonce de la fermeture, j'ai demandé aux préfets des Ardennes et du Jura de se mobiliser pleinement pour accompagner d'éventuels projets de réorganisation. Ils ont mis en place immédiatement des comités de pilotage associant l'ensemble des parties prenantes, notamment les représentants des salariés.

La direction d'Ideal Standard m'a également fait part de son intention de discuter d'un accord de méthode permettant d'établir un cadre de discussion formalisé et accepté par les salariés.

Je vous confirme, comme j'ai eu l'occasion de le dire aux élus qui m'ont saisi, comme vous, ces derniers jours, qu'une rencontre sera organisée à mon ministère avec les dirigeants d'Ideal Standard et les élus locaux, non pas dans quatre ou cinq semaines, mais début février, dès que les discussions au niveau local auront suffisamment avancé. Nous veillerons à ce que le groupe respecte scrupuleusement tous les engagements qu'on est en droit d'attendre d'un grand groupe international en matière de revitalisation, de dépollution et, bien évidemment en premier lieu, de reclassement des salariés.

La solidarité nationale s'exprime, elle s'exprimera. En assistant à cette réunion, vous aurez l'occasion de le constater. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Marguerite Lamour, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Marguerite Lamour

Ma question s'adresse à M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

Monsieur le ministre, l'agriculture française, quelle que soit la filière, est en difficulté. Malgré les initiatives que vous prenez régulièrement, le monde agricole est plongé dans le désarroi.

Députée de la circonscription de Brest rural, où l'agriculture représente, à côté de la défense nationale, un pan très important de l'économie, je suis constamment interpellée par les responsables de la profession.

Je voudrais évoquer plus précisément la situation de la filière porcine.

Les demandes de la profession sont claires, vous les connaissez. J'en cite quelques-unes : activer les outils de gestion des marchés ; lever les freins qui pèsent sur la compétitivité ; alléger les contraintes administratives ; mettre en place un plan de sauvegarde de la filière par des mesures de reconversion et de protection de la famille.

Certes, des mesures positives ont été prises, telles que l'accord sur l'étiquetage, en décembre dernier.

Mais l'heure est grave.

En Bretagne, si la situation n'évolue pas rapidement, ce sont 600 éleveurs qui vont disparaître avec tous les drames humains que cela entraîne. Les plus fragiles, tels les jeunes récemment installés, seront les plus touchés.

Je vous demande très solennellement, monsieur le ministre, de prendre des mesures exceptionnelles pour soutenir la filière porcine française. De telles mesures ont été prises pour d'autres secteurs de l'économie comme l'automobile, elles peuvent donc l'être aussi pour l'agriculture.

D'autre part, la crise de la contamination à la dioxine s'abat sur l'Allemagne. Les producteurs et les consommateurs sont très inquiets. En une semaine, le prix du porc a chuté d'un tiers outre-Rhin. Quelles répercussions cette crise aura-t-elle en France ? Des mesures vont-elles être prises au niveau européen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Monsieur le ministre, comment va votre ami Ben Ali ?

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Madame Lamour, je partage entièrement votre préoccupation à propos de la filière porcine. Je le répète, en 2011 les priorités en agriculture seront les filières porcine et bovine, les plus touchées par la crise.

Le Gouvernement a pris et continuera à prendre, avec le Président de la République des décisions concrètes et urgentes pour soutenir la filière.

En premier lieu, un accord a été conclu entre l'ensemble des professionnels sur le logo « viande de porc française ». Il en garantit la qualité, face aux risques alimentaires que l'on a connus dans un certain nombre de pays, notamment la crise de la dioxine en Allemagne.

Deuxièmement, le Président de la République a annoncé ce matin la publication, aujourd'hui même, du décret sur les installations classées, qui permet aux exploitations porcines de se regrouper plus facilement, dans le respect de l'environnement, comme nous y avons tenu avec Nathalie Kosciusko-Morizet. Il va permettre aux producteurs de porcs français de gagner en compétitivité.

Le décret sur la circulation des camions de 44 tonnes, que les exploitations porcines attendaient aussi avec impatience, a également été publié ce matin au Journal officiel.

En troisième lieu, nous allons accorder une aide de 60 millions d'euros aux producteurs de porcs pour qu'ils puissent mettre leurs exploitations aux normes.

En quatrième lieu, toujours pour favoriser une agriculture respectant l'environnement, nous examinons un relèvement des tarifs de rachat de biogaz pour développer la méthanisation. Il y a plus de 4000 installations de méthanisation en Allemagne, et à peine une poignée en France. Il faut que nous rattrapions notre retard.

Enfin, j'ai demandé à la Commission européenne que la filière porcine bénéficie non seulement de la solidarité nationale, mais aussi de celle de l'Europe. Comme nous avons créé un groupe de haut niveau sur le lait, nous demandons la création d'urgence d'un groupe de haut niveau sur la production porcine, pour manifester cette solidarité envers tous les producteurs de porcs, en France et en Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Christian Bataille, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bataille

Monsieur le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, vous avez annoncé votre intention de mettre en vente, au cours de l'exercice budgétaire 2011, une part notoire du patrimoine immobilier de l'État.

On peut s'interroger sur le revenu très faible que générera cette politique de vente de biens nationaux en comparaison de la dette publique gigantesque de la France.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Ce n'est pas le sujet !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bataille

En fait, ces opérations participeront surtout d'une démarche d'appauvrissement de l'État en obtenant, de plus, de très mauvais résultats financiers, ceci sous votre autorité.

Si l'on considère la vente de l'ancien siège de l'Imprimerie nationale, puis son rachat par l'État à un fonds spéculatif luxembourgeois environ quatre fois plus cher ; si l'on retient la vente de gré à gré d'une partie de la forêt de Compiègne à une société de courses pour un faible prix, la vente de notre patrimoine est placée par votre gouvernement sous le signe de mauvaises affaires, sous couvert des estimations de France Domaine dont, en réalité, vous avez la tutelle.

Concernant la vente du patrimoine forestier, le ministère du budget a délibérément ignoré la loi que le ministère de l'agriculture voulait respecter et qui précise clairement que la vente d'une forêt domaniale doit faire l'objet d'un vote du Parlement.

Monsieur le ministre, entendez-vous dans l'avenir avoir une pratique plus transparente ? Entendez vous rendre à notre représentation nationale son rôle d'arbitre et de législateur dont elle a été privée lors de la vente d'une partie significative de la forêt de Compiègne ? En résumé, quel rôle entendez vous donner à la représentation nationale dans la politique patrimoniale du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Monsieur Christian Bataille, je ne vous suivrai sur aucun terrain.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Ni sur un terrain à bâtir ou non, ni sur une parcelle,…

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

…ni sur un hippodrome, ni sur une forêt ou un hôtel (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR). Je ne vous suivrai pas plus en ce qui concerne un établissement en zone urbaine, ni, évidemment, sur le terrain des insinuations, ni sur celui des amalgames, ni, enfin, sur celui de l'addition de mensonges qui ne constitueront jamais des vérités.

En revanche, monsieur Bataille, je vous propose un terrain.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Puisque vous avez été aux affaires – même si ce n'est pas vous directement, mais vos amis –, je vous propose de mettre en lumière et en valeur le travail de fonctionnaires exemplaires qui sont la dignité de la direction générale des finances publiques, composées de hauts fonctionnaires agissant dans le cadre de l'activité la plus contrôlé de l'État... (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

La gestion de France domaine est l'activité la plus contrôlée de l'État : un conseil immobilier de l'État, présidé par l'un d'entre vous, est composé de professionnels et de parlementaires qui se réunissent tous les mois pour examiner les dossiers. (Mêmes mouvements.)

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Les deux rapporteurs spéciaux des commissions ad hoc ont accès à toutes les informations.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Votre commission des finances, dont le président est membre de l'opposition, a accès à tous les documents. Pour compléter ce dispositif, le Gouvernement a mis en place un comité composé des plus hauts magistrats issus des plus hauts corps de l'État, la Cour des comptes, le Conseil d'État et l'inspection générale des finances, pour valider le caractère juridique de la procédure de A à Z. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Permettez-moi de soumettre à votre réflexion ces éléments : si nous ne parlons pas des élus, considérons au moins les fonctionnaires qui servent l'État en déclinant sa politique immobilière. Elle répond aux critères juridiques et aux objectifs que nous avons définis. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Christian Ménard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Ménard

Monsieur le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, le Mondial de l'Automobile 2010 a été marqué par un fait majeur : l'arrivée très prochaine, en masse, du véhicule électrique sur le marché.

Au niveau mondial, la grande majorité des constructeurs a commencé à se positionner pour tenter de saisir cette opportunité qui s'annonce considérable. Certains constructeurs tablent sur 10 % du marché mondial d'ici 2020. C'est une chance exceptionnelle pour notre industrie, à la fois pour la construction des véhicules eux-mêmes, mais aussi pour tous les composants, notamment les batteries, qui représentent aujourd'hui 40 à 50 % du coût d'un véhicule électrique.

La bataille mondiale est féroce. Comme vous le savez, en dépit d'investissements nécessaires très lourds, nos industriels se mobilisent. C'est pour cette raison que vous étiez hier en déplacement dans le Finistère, chez l'un de nos plus grands acteurs industriels français.

Ma question sera simple : pouvez-vous nous dire comment le Gouvernement entend agir pour que notre industrie automobile puisse saisir cette opportunité unique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Monsieur Christian Ménard, comme vous, nous avons la conviction que le véhicule électrique et le véhicule hybride rechargeable seront deux des grandes révolutions de l'automobile au cours des dix prochaines années.

Cela nous permettra à la fois d'être moins dépendant du pétrole, de réduire la pollution sonore dans nos villes et de réduire nos émissions de CO2. Surtout, le véhicule électrique et le véhicule hybride rechargeable représentent un immense marché : rien qu'en Europe, il est estimé entre 20 et 50 milliards d'euros en 2020. Notre industrie doit donc saisir cette opportunité stratégique majeure.

Vous savez que la bataille est féroce : aux États-Unis et en Asie, 8 milliards d'euros ont déjà été investis rien que pour la batterie électrique.

Nous allons soutenir cette filière : nous prolongerons la prime pour ces véhicules au-delà de 2012, même si elle sera probablement réduite, mais nous voulons aussi qu'une filière industrielle émerge. Comme vous l'avez dit : utiliser des véhicules propres c'est bien, mais les fabriquer, et si possible en France, c'est bien mieux ! Pour rendre cela possible, nous avons prévu une enveloppe de 250 millions d'euros de prêts pour les véhicules décarbonés.

Monsieur Ménard, hier, nous étions ensemble en Bretagne, chez Bolloré, pour poser la première pierre d'une nouvelle usine de batteries pour véhicules électriques qui, à terme, permettra la création de trois cents emplois. Nous soutiendrons les industriels qui se lancent dans ces projets d'avenir en leur accordant un prêt consacré aux véhicules décarbonés de 50 millions d'euros.

Nos acteurs industriels sont très actifs. Comme vous, je suis fier de constater qu'une importante offre de véhicules propres fabriqués en France sera disponible, notamment grâce à Renault, à la Heuliez Mia et à Smart.

Plus que jamais, l'État reste mobilisé. Le véhicule électrique et le véhicule rechargeable sont des projets porteurs d'avenir tant pour notre environnement que pour notre industrie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Madame, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, dans la nuit du 28 au 29 décembre, Gabriel Biancheri nous a quittés.

C'est avec une grande tristesse que nous avons appris sa mort, au terme d'un dernier et très dur combat contre la maladie, un mal qu'il a affronté en toute lucidité, avec un courage qui a forcé l'admiration de tous. Ce même courage, il en a fait preuve, il est vrai, tout au long de sa vie.

À Hauterives, sa commune, dans son canton du Grand-Serre, dans la Drôme, son département, l'hommage unanime qui lui est rendu est éloquent. C'est à sa juste mesure qu'il était aimé et qu'il était estimé de tous.

Avec Gabriel Biancheri, l'Assemblée nationale et la nation ont perdu l'un de leurs fidèles serviteurs.

Il laisse l'empreinte d'un homme droit et juste, toujours au service de l'intérêt général, un homme de convictions, toujours prêt à défendre ce en quoi il croyait : une certaine idée de la France, une certaine idée de la politique aussi, faite d'attention et de souci pour les autres.

C'est par la volonté qu'il mettait en oeuvre en toute chose, par sa force, grande mais discrète, qu'il a construit son destin.

Gabriel Biancheri, c'étaient d'abord les terres de la Drôme des collines, auxquelles il était si profondément attaché. Élu municipal depuis trente-trois ans, maire de Hauterives depuis 1983, conseiller général du Grand-Serre depuis 1982, puis premier vice-président du conseil général jusqu'en 2002, conseiller régional de Rhône-Alpes de 1992 à 2001, Gabriel Biancheri avait l'engagement ancien : celui de l'idéal gaulliste avec lequel il n'a jamais transigé.

Au Palais Bourbon, il a su gagner l'estime de tous, bien au-delà de sa famille politique, par son assiduité, sa rigueur, sa cordialité simple et généreuse.

Élu député de la 4e circonscription de la Drôme en 2002, réélu en 2007, il a exercé son mandat de député de la nation comme il avait exercé cette belle et si exigeante profession de vétérinaire rural : de tout son être, avec sa modestie et sa droiture naturelles.

Son combat fut celui de « ce cher monde de la Terre », celui d'une ruralité qui puise, comme il le disait lui-même, le meilleur de ses atouts dans la vitalité de ses habitants, dans la qualité de leur travail, dans la richesse de son patrimoine naturel. L'immense succès populaire du Palais idéal du facteur Cheval témoigne de l'efficacité de son engagement visionnaire.

Les combats, il les multipliait. Aux côtés du conseil général, le scientifique et l'élu Gabriel Biancheri s'était investi pour la création d'un pôle d'écotoxicologie et de toxicologie environnementale de portée nationale à Rovaltain.

Le député, l'homme d'action, avait tout fait pour le développement d'une plateforme de reconversion pour contrer les conséquences sociales de la crise de la chaussure dans l'agglomération de Romans.

À l'Assemblée nationale, Gabriel Biancheri s'est consacré aux questions agricoles, à l'élevage, à la sécurité sanitaire, à la défense du commerce de proximité.

Mobilisé dans la lutte contre la Sharka, une maladie des végétaux particulièrement dévastatrice, il a su sensibiliser tous les ministres de l'agriculture successifs à ses effets ravageurs sur l'arboriculture fruitière française. Devenu une référence incontestée, il apporta son expertise d'élu de terrain à nos collègues de la commission des affaires économiques, que présidait alors Patrick Ollier, aujourd'hui ministre des relations avec le Parlement.

Présidant le groupe d'études sur les minéraux, Gabriel Biancheri s'est passionné, avec une rare implication, pour sa vice-présidence des groupes d'études sur le Tibet et sur l'Arctique.

Sensibilisé aux phénomènes du réchauffement climatique, au handicap, il avait récemment participé à une expédition polaire, au Groenland, accompagné de scientifiques et de handicapés : « une grande expérience d'humanité et d'humilité », selon ses propres mots. Cette aventure est à l'image de celui qui, tout au long de son existence, a placé la fraternité au coeur de la trilogie républicaine, au coeur de sa vie.

« Avec des amis à ses côtés, aucune route ne semble trop longue » : ce credo, il en avait fait sa devise. La route que nous avons eu le bonheur et l'honneur de partager avec lui fut trop brève.

Gabriel Biancheri a servi la République avec loyauté et constance. Il laisse, dans nos coeurs et nos mémoires, une trace qui a valeur d'exemple, celui du courage, de l'engagement, de la dignité. Nous nous en souviendrons.

À vous, madame, qui, avec ses enfants, Stéphane et Christophe, l'avez si bien entouré, à ses collègues du groupe UMP, j'adresse, au nom de l'Assemblée nationale et en mon nom personnel, mes condoléances attristées.

La parole est à M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement.

Debut de section - PermalienPatrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement

Madame, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le 28 décembre dernier, notre ami Gabriel Biancheri nous a quittés.

Nous le savions malade, mais sa dignité et sa pudeur dans cette terrible épreuve nous avaient habitués jusqu'au bout à le voir régulièrement à l'Assemblée, dans l'hémicycle, en commission, défendre ses idées avec conviction, courage et loyauté – un courage exceptionnel : Gabriel n'a jamais abdiqué.

Dans ces moments douloureux, je pense à son épouse Éliane, à ses côtés à chaque instant, à ses enfants, Christophe et Stéphane, à sa famille, à ses amis fidèles, à ses proches, à ses collaborateurs, au conseil municipal et aux habitants de Hauterives.

C'est dans cet hémicycle que j'ai eu l'honneur de le côtoyer lorsque nous siégions ensemble. J'ai découvert à cette occasion un homme clairvoyant, attachant, disponible, dont l'ouverture d'esprit servait une véritable intelligence de l'action. Cette réputation qu'il a acquise à Paris est confortée par ses attaches locales. Les témoignages de ses collaborateurs, de ses adjoints et des personnalités avec lesquelles il a fait vivre sa région sont unanimes. Gabriel était connu pour sa rigueur morale et sa droiture exemplaires, puisées dans ses origines familiales liées à la Résistance.

La bonne connaissance du terrain qu'il a acquise par son métier de vétérinaire l'a naturellement conduit à embrasser la vie politique. De sa commune jusqu'au Palais Bourbon, en passant par le conseil général et le conseil régional, Gabriel Biancheri a eu une vie d'élu de terrain bien remplie : près de trente ans au service de la Drôme et des Drômois. Il a largement contribué à faire de Hauterives un haut lieu du tourisme régional en bâtissant pierre par pierre, depuis 1977, un projet et un destin pour les terres dont il avait la charge. Laboureur infatigable de sa chère Drôme des collines qu'il aimait tant, quelle ne fut pas sa fierté lorsqu'il a reçu à deux reprises le Président de la République à Alixan et à Rovaltain en 2009.

En tant qu'ancien président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, je tiens également à saluer ici la mémoire du parlementaire chevronné qu'il était, investi jusqu'au bout dans ses projets au sein de cette commission à laquelle il a tant apporté.

Collègue assidu et passionné, il faisait preuve d'une détermination sans faille pour défendre et promouvoir la place de la ruralité, de l'agriculture et de l'élevage au sein de notre commission chaque fois que l'occasion lui en était donnée.

Nous avons perdu un ami, un ami intègre, sincère, honnête et dévoué dont l'engagement total a valeur d'exemple pour aujourd'hui et pour demain. Sa vie a servi une belle idée de l'homme, sa carrière politique a honoré la France.

Aux collègues de son groupe, aux collègues de sa commission, à vous, madame, et à votre famille, je veux en cet instant, au nom du Premier ministre et du Gouvernement, renouveler la compassion et le soutien que, avec tous les membres de l'Assemblée nationale, nous vous adressons.

(Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, observent une minute de silence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle l'élection, par scrutin dans les salles voisines de la salle des séances, d'un juge suppléant de la Cour de justice de la République.

Le nom du candidat a été affiché et publié.

Je rappelle que le scrutin est secret et que des bulletins imprimés sont à votre disposition.

Je rappelle également que, pour que le vote soit valable, le bulletin contenu dans l'urne ne doit comporter qu'un seul nom.

J'ouvre le scrutin qui est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Le scrutin sera clos à 18 heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente-cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Ce matin, la conférence des présidents a décidé d'inscrire à l'ordre du jour du mardi 1er février, le soir, la proposition de loi tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle et la proposition de loi de simplification du droit.

La discussion de la proposition de loi de simplification du droit se poursuivra les mardi 2 et mercredi 3 février après-midi et soir après les débats de contrôle.

Il n'y a pas d'opposition ?

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les explications de vote communes et les votes par scrutin public sur les projets de loi organique et ordinaire, adoptés par le Sénat, relatifs au Défenseur des droits (nos 2573, 2991, 2574, 2992).

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Dans les explications de vote communes, la parole est à M. Pascal Clément, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Clément

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, ce vote solennel porte particulièrement bien son nom. En votant deux lois, l'une organique et l'autre ordinaire, qui organisent la modification constitutionnelle votée par le Congrès en 2008, nous créons une autorité morale de la République.

Cette responsabilité obligera son titulaire. Impartialité scrupuleuse, convictions fortes fondées sur les valeurs de la République, attitude irréprochable, juriste sage et pédagogue, telles sont les qualités qui présideront au choix du Défenseur des droits par le Président de la République, choix qui sera ratifié par le Parlement.

Le Gouvernement, ayant décidé de créer une autorité constitutionnelle, était naturellement enclin à renforcer son rôle. Ainsi, le projet de loi prévoit que s'ajoutent aux pouvoirs du Médiateur ceux du Défenseur des enfants, qui, précise le projet, gardera son identité, ainsi que les pouvoirs de la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Le Sénat a considéré qu'il serait judicieux d'y ajouter les missions de la Haute autorité contre les discriminations et pour l'égalité, donnant ainsi au Défenseur des droits un rôle particulièrement renforcé.

L'Assemblée nationale, à son tour, a pris l'initiative d'ajouter à ces nouvelles responsabilités celles du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui viendront, de fait, compléter la CNDS, comme le souhaitent les auteurs du rapport sur les autorités administratives indépendantes. Cette compétence interviendra en 2014.

Au-delà des compétences complémentaires décidées par le législateur, le futur Défenseur des droits sera inévitablement attentif au débat qui s'est déroulé dans l'hémicycle. Ainsi, il ne pourra pas ne pas tenir compte, en utilisant les pouvoirs de délégation qui lui confère la loi, de la légitimité et de l'identité forte qu'ont déjà gagnées deux institutions aujourd'hui indépendantes – le Défenseur des enfants et la HALDE. Les adjoints du Défenseur des droits, nommés par le Premier ministre sur proposition du Défenseur des droits, seront, ne serait-ce que par ce mode de désignation, la preuve que les lois que nous allons voter permettent une identification forte du Défenseur des enfants et de la HALDE.

Compte tenu de la nature constitutionnelle de cette nouvelle autorité, le groupe UMP est convaincu que la pratique future du Défenseur des droits sera de nature à créer le consensus. Il votera donc ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Monsieur le garde des sceaux, je vais commencer mon intervention par des remarques agréables. (Sourires.) Je voudrais saluer la cordialité avec laquelle vous avez répondu, tout au long de ce débat, aux différentes questions des parlementaires, même si vos réponses n'ont pas toujours été à la hauteur de nos espérances. C'est suffisamment rare pour que je souligne qu'un ministre a tenu à répondre à l'ensemble des questions posées par la représentation nationale.

Je voudrais, dans le même esprit, saluer nos collègues Jean-Pierre Balligand, Marc Le Fur, Catherine Vautrin et Jean-Christophe Lagarde, qui ont présidé nos séances. Il est toujours difficile d'échafauder un raisonnement en deux minutes : ils ont su, à cet égard, se montrer très compréhensifs et faire preuve d'une grande mansuétude, ce qui nous a permis d'aller au fond des choses et de nous prononcer en toute connaissance de cause.

J'en viens, monsieur le garde des sceaux, aux remarques moins agréables : on ne peut pas toujours sombrer dans le consensus, d'autant que ces textes ne le méritent pas.

C'est parce que nous avons eu le temps d'aller au fond des questions, que le groupe SRC votera contre ces textes, loi organique et loi ordinaire, qui sont à l'image de votre politique. Vous faites une confiance aveugle à un homme – dans le cas d'espèce, ai-je compris, à une femme – et vous refusez tous les contre-pouvoirs. Votre Défenseur sera tout-puissant. Il pourra trier dans les saisines qu'il reçoit des citoyens. Il nommera les adjoints qu'il voudra. Il réunira les collèges quand il le souhaitera. Il décidera comme il lui plaira. Aucune obligation ne pèsera sur lui. Il ne subira aucune entrave. Il n'aura jamais à se justifier, nul compte à rendre, pas de bilan à présenter. Sur les décombres d'autorités administratives indépendantes, dont les décisions ont déplu au chef de l'État, vous allez élever un Défenseur qui sera son obligé.

Sûr de vous, vous avez refusé d'entendre la voix de toutes les associations, d'Amnesty international à l'UNICEF, qui vous demandaient expressément de modifier votre texte. Sourd à tous les conseils, vous avez oublié les engagements internationaux pris par notre pays quand il a ratifié la convention internationale des droits de l'enfant ou celle des Nations unies contre la torture. Enfermé dans vos certitudes, vous avez écarté tous les exemples étrangers qui vous démontraient que la force de ce genre d'institution vient des majorités qualifiées qui savent se construire dans les parlements. Votre Défenseur devra tout au Président de la République, ce qui ne conduit pas nécessairement à l'ingratitude.

Vous aviez une occasion rêvée de faire taire toutes les critiques, qui ne cessent de croître sur les libertés individuelles que votre politique abîme. Vous avez, au contraire, choisi de leur donner raison.

Le texte que vous nous proposez en l'état traduit un recul des garanties démocratiques offertes aux citoyens. Voilà pourquoi nous allons, avec enthousiasme, voter contre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, je fais d'ores et déjà annoncer le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Pour le groupe GDR, la parole est à M. Noël Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce n'est pas simplement en mon nom propre ou en celui des élus Europe Écologie-les Verts que je m'exprime, mais au nom de l'ensemble des députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, élus communiste, républicain et du parti de gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Nous avons – je le dis avec force – été extrêmement déçus par la teneur des débats, mais surtout par le recul que constitue la création du Défenseur des droits. Ce n'est pas seulement une occasion manquée, c'est une véritable faute politique.

Si l'intention de départ était louable – il s'agissait de réunir diverses autorités administratives indépendantes, telles que le Médiateur de la République ou la CNDS, sous la responsabilité du Défenseur des droits –, la majorité a finalement accouché d'un mastodonte administratif (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) qui ne contribuera pas à garantir les droits et les libertés des personnes les plus vulnérables de notre société, comme le disait si justement, il y a quelques semaines encore, Mme Bougrab, présidente de la HALDE, avant d'être nommée secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative.

Vous fragiliserez davantage encore tous ceux qui sont victimes de discrimination, de ségrégation, de la précarité ou privés de liberté dans les lieux de privation des libertés que nous connaissons.

Nous sommes effarés de constater que vous ignorez les bons exemples qui nous viennent de l'Union européenne. Nous avons été nombreux, à gauche, à rappeler, à expliciter, à détailler ce qui existe dans d'autres pays, je pense notamment au Défenseur du peuple en Espagne.

En rejoignant ce Gouvernement, vous avez, monsieur le ministre, cautionné une opération d'escamotage montée par le Président de la République, qui déclarait vouloir accorder davantage de pouvoirs au Défenseur des droits et mieux garantir les libertés et les droits. Or que fait-il ? Il décide de nommer lui-même le Défenseur des droits, selon son bon plaisir, ce qui nuira évidemment à son indépendance.

Ce malheureux Défenseur des droits devra, au minimum, traiter 100 000 dossiers par an, avec trois adjoints qui, en réalité, seront de simples chefs de service, ne bénéficiant d'aucune indépendance.

Monsieur le garde des sceaux, vous faites reculer le pouvoir d'investigation et l'indépendance de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, alors que vous deviez pouvoir vous appuyer sur elle. Ceux qui sont victimes de discriminations en raison de leur faciès ou de leur orientation sexuelle, ceux qui sont victimes de harcèlement et qui, jusqu'à présent, s'adressaient à la HALDE – qui a prouvé son indépendance et son efficacité –, ne le pourront plus et verront leurs droits reculer.

Nous déplorons que l'Assemblée ait manqué l'occasion de trouver un compromis – voire, un consensus – sur ce qu'aurait dû être le Défenseur des droits.

Je ne veux pas anticiper sur le débat suivant, consacré à la réforme de la garde à vue, dans la mesure où le Défenseur des droits est inspiré par un certain nombre de consignes émanant de l'Union européenne. Nous verrons alors que, malheureusement, vous transformez l'or en plomb. Chaque fois qu'il s'agit de garantir les libertés et de renforcer l'État de droit, vous manquez au rendez-vous. C'est la raison pour laquelle nous voterons, nous aussi avec enthousiasme, contre ces projets de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Pour le groupe du Nouveau Centre, la parole est à M. Michel Hunault.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Les députés du Nouveau Centre voteront la loi organique. L'opposition, qui y est opposée, regrette sans doute son vote de Versailles, où le Constituant a créé le Défenseur des droits. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Afin de délimiter les pouvoirs du Défenseur des droits, il était nécessaire de recourir à une loi organique. Tout au long de la discussion, les députés du Nouveau Centre ont essayé d'apporter des précisions sur la définition du Défenseur des droits, parfois en s'opposant à la position de la commission et du Gouvernement. Dans la mesure où vous nous avez donné des assurances, monsieur le garde des sceaux, notamment en ce qui concerne le défenseur des enfants, nous voterons le texte. Vous nous avez répondu sur la saisine directe par les enfants et l'identification de ce défenseur spécifique dans la loi organique, dans le respect des conventions internationales.

La difficulté du projet de loi organique concernait la définition des contours de la mission du Défenseur des droits, car les différentes autorités administratives qui vont être fondues au sein des missions du Défenseur des droits – Médiateur de la République, HALDE, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, mis en place par cette majorité – ont prouvé leur utilité et le Nouveau Centre a salué leur action.

Au cours d'une discussion exigeante, avec l'adoption de plusieurs amendements, nous avons apporté des réponses précises à des interrogations légitimes, qui n'ont pas fait disparaître ces autorités indépendantes, mais ont permis qu'elles soient identifiées au côté du Défenseur des droits. Les assurances que vous nous avez apportées nous permettent de voter avec confiance le projet de loi organique.

Ce vote vient compléter un certain nombre d'avancées sur les libertés (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) qui ont été adoptées ces dernières années ; je pense à la question prioritaire de constitutionnalité, au contrôle des lieux de privation de liberté, à la loi pénitentiaire, au Défenseur des droits, qui pourra être directement saisi par nos concitoyens. Dans quelques instants, nous allons légiférer sur la réforme de la garde à vue. Bref, il s'agit d'une nouvelle étape qui conforte les libertés individuelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, nous allons procéder successivement à deux scrutins publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons d'abord procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 519

Nombre de suffrages exprimés 514

Majorité absolue 258

Pour l'adoption 303

Contre 211

(Le projet de loi organique est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi relatif au Défenseur des droits.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 518

Nombre de suffrages exprimés 512

Majorité absolue 257

Pour l'adoption 304

Contre 208

(Le projet de loi est adopté.)

Vote sur l'ensemble du projet de loi

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinq, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la garde à vue (n°s 2855, 3040).

Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé d'appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d'un temps attribué aux groupes de trente heures.

Chaque groupe dispose des temps de parole suivants : le groupe UMP, huit heures trente minutes ; le groupe SRC, onze heures vingt minutes ; le groupe GDR, cinq heures cinquante minutes ; le groupe Nouveau Centre, quatre heures vingt minutes.

Les députés non inscrits disposent d'un temps de cinquante minutes.

En conséquence, chacune des interventions des députés, en dehors de celles du rapporteur et du président de la commission saisie au fond, sera décomptée sur le temps du groupe de l'orateur.

Les temps qui figurent sur le « jaune » ne sont en tout état de cause qu'indicatifs.

La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, avant d'en venir au coeur de mon intervention, je souhaite remercier le président, le rapporteur et tous les membres de la commission des lois de m'avoir accueilli à trois reprises. Je suis très sensible au fait que vous m'ayez invité à participer à vos travaux, qui ont été très fructueux et nous permettront d'asseoir ce débat important sur des fondements clairement définis entre nous.

La réforme de la garde à vue appartient d'abord à une suite logique. L'Assemblée nationale vient ainsi d'adopter les projets de loi organique et ordinaire relatifs au Défenseur des droits ; il y a évidemment une continuité de l'action du Gouvernement et du Parlement dans le domaine des libertés publiques.

Ainsi, c'est parce que la Constitution a été révisée que le contrôle de constitutionnalité par voie d'exception, avec les questions prioritaires de constitutionnalité, a été institué en 2008 et que nous avons aujourd'hui à délibérer sur la garde à vue.

Ce projet prend également la suite de plusieurs textes votés par le Parlement, par cette majorité. Je songe notamment à la loi pénitentiaire, à l'institution d'un Contrôleur général des lieux de détention et, bien entendu, à celle du Défenseur des droits.

Il s'agit là d'un engagement fort et constant, derrière le Président de la République, du Gouvernement et de sa majorité en faveur des libertés ; il faut le rappeler et le souligner. J'invite tous les membres de l'Assemblée nationale à entrer dans ce débat, non pas contraints et forcés, mais en ayant le sentiment de mener une réforme destinée aux temps que nous vivons. (Exclamation sur les bancs du groupe NC.)

Il s'agit de construire un nouvel équilibre, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 30 juillet 2010. Selon le Conseil, en effet, « il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ; […] au nombre de celles-ci figurent le respect des droits de la défense, qui découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789, et la liberté individuelle, que l'article 66 de la Constitution place sous la protection de l'autorité judiciaire ».

Ce nouvel équilibre, il appartient donc au Parlement de le construire en tenant compte à la fois des exigences conventionnelles – issues de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme – et, tout naturellement, de notre Constitution.

Cet équilibre doit reposer sur une redéfinition de la garde à vue, de son contenu comme de son caractère d'utilisation. Mais, je le répète, l'équilibre doit également être revu sur le fondement des droits conventionnellement et constitutionnellement garantis.

Avant d'en venir au texte lui-même, je veux dire à nouveau à l'Assemblée nationale que, lors du débat qui s'ouvre devant elle, le Gouvernement ne cherchera pas à rétablir l'audition libre. Aussi n'évoquerai-je pas cette dernière dans mon intervention ; je tenais à le préciser d'emblée.

Nous devons parvenir à l'équilibre nouveau que le Conseil constitutionnel nous invite à construire en ayant pleinement conscience du fait que la garde à vue, selon les termes du Conseil, « demeure une mesure de contrainte nécessaire à certaines opérations de police judiciaire ».

S'agissant tout d'abord de la redéfinition du contenu de la garde à vue, rappelons que celle-ci doit être une mesure de coercition, privative de liberté ; aussi convient-il d'en limiter précisément l'utilisation et d'en fixer strictement le régime.

Il s'agit d'abord de limiter le nombre de gardes à vue, premier motif de critique. En quelque dix ans, on est passé de 200 000 à près de 800 000 gardes à vue par an. Or on ne peut pas utiliser la garde à vue comme un moyen banal d'enquête. Il convient de la réserver à des cas strictement définis, les seuls où elle est absolument nécessaire : lors d'investigations portant sur des infractions punies d'une peine d'emprisonnement et lorsque l'enquêteur prouve que la garde à vue constitue le seul moyen de conduire l'enquête, ou s'il existe un risque avéré de destruction des preuves, de pression sur des témoins ou de concertation avec des complices.

S'il est particulièrement difficile de mesurer les effets précis des mesures contenues dans le texte sur le nombre de gardes à vue, on peut cependant noter qu'une partie importante de ces dernières, celles qui découlent de délits routiers – soit 175 000 d'entre elles –, ne devrait pas, pour l'essentiel, se retrouver dans le nouveau régime. Quant aux autres délits, l'encadrement strict des critères des gardes à vue devrait avoir d'importantes conséquences sur leur nombre. Une diminution d'environ 300 000 gardes à vue par an est attendue.

Outre la réduction du nombre de gardes à vue, première mesure importante, il faut définir le contenu de la garde à vue. De ce point de vue, le texte qui vous est soumis constitue une amélioration notable des droits de la personne gardée à vue.

Tout d'abord, il apporte les garanties d'un meilleur respect de la dignité des personnes. Rappelons simplement le droit de demander à être examiné par un médecin, les garanties que la dignité des personnes sera respectée lors des investigations corporelles et l'intervention d'un médecin pour procéder aux investigations corporelles internes.

En outre, les fouilles à corps intégrales devront être décidées par un officier de police judiciaire et effectuées par une personne du même sexe que la personne gardée à vue ; il est interdit d'y recourir pour des raisons de sécurité et elles ne peuvent être décidées qu'au nom des nécessités de l'enquête. Seul un OPJ peut, d'office ou sur instruction du procureur, décider du placement d'une personne en garde à vue lorsque les conditions légales sont réunies. Enfin, la personne placée en garde à vue est informée, d'une façon compréhensible par elle, du fait qu'elle peut se taire et s'abstenir de répondre aux questions qui ne concernent pas son identité.

Il est bien évident toutefois que l'une des innovations les plus importantes en matière de garantie de droits, notamment de ceux de la défense, réside dans le fait que la personne placée en garde à vue aura droit à l'assistance d'un avocat dès son placement en garde à vue.

En effet, la personne gardée à vue pourra tout au long de sa garde à vue être assistée par un avocat, lequel sera en mesure de jouer son rôle et de préparer la défense de son client. Il s'agit là d'une avancée majeure en matière de respect d'une liberté constitutionnellement garantie. L'avocat pourra préparer les auditions devant les services de police, poser des questions et présenter des observations. Il aura également accès aux procès-verbaux de notification et d'audition.

De plus, j'ai déposé un amendement au nom du Gouvernement qui reprend explicitement la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme liée à l'arrêt Salduz qui précise qu'aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement des déclarations faites sans avocat. Il s'agit d'une garantie supplémentaire qui, associée avec la reconnaissance du droit au silence, fait de l'assistance de l'avocat dès le début de la garde à vue un élément particulièrement fort du respect des droits de la défense, liberté publique garantie par la Constitution.

Restent certains cas pour lesquels des régimes dérogatoires doivent être maintenus, comme l'ont reconnu le Conseil constitutionnel dans la décision précitée et la Cour de cassation dans une série d'arrêts rendus par la chambre criminelle au mois d'octobre 2010. La nécessité de ces régimes dérogatoires réservés à la criminalité organisée, au trafic de stupéfiants et au terrorisme n'a du reste jamais été contestée, que ce soit par la Cour de Strasbourg, par la Cour de cassation ou par le Conseil constitutionnel. Je veux rendre hommage au ministre de la justice qui, en présentant les textes de loi qui les ont instaurés, a permis à notre pays de disposer de l'un des meilleurs arsenaux de lutte contre ces trois formes de criminalité : je veux bien entendu parler de Dominique Perben.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Le projet prend en compte les exigences issues du Conseil constitutionnel et de la plus récente jurisprudence de la Cour de cassation quant aux motivations in concreto qui doivent justifier les mesures dérogatoires, notamment pour ce qui concerne le report de l'assistance d'un avocat. Pour les premièresvingt-quatre heures, ce report sera conditionné à l'autorisation du procureur ; ensuite, seul le juge des libertés et de la détention pourra le maintenir jusqu'à la quarante-huitième heure, voire plus si cela s'impose.

Au-delà du contenu de la garde à vue, le débat s'est focalisé sur le contrôle de la mise en oeuvre de la garde à vue.

Les changements dans le contenu de la garde à vue tels que je viens de les présenter constituent une avancée notable en matière de respect des libertés et des droits fondamentaux. Néanmoins, eu égard tant à l'interprétation de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme par la Cour du Strasbourg qu'aux positions du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation, la question qu'il importe de traiter dans un tel projet de loi est celle du contrôle de la garde à vue. Le débat a surtout porté sur le rôle du procureur de la République en sa qualité de magistrat.

Je rappellerai la position de la Cour de Strasbourg et celle du Conseil constitutionnel avant d'expliquer pourquoi le Gouvernement s'est fondé sur l'une et sur l'autre. En ce qui concerne la Cour de Strasbourg, j'aimerais indiquer à votre assemblée que je me suis appuyé pour ma démonstration sur les très remarquables réquisitions que le procureur général Marc Robert a prononcées devant la chambre criminelle de la Cour de cassation le 15 décembre 2010. La Cour de Strasbourg applique la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et, comme toute cour, se livre à des interprétations. Pour ce qui concerne notre sujet, c'est l'article 5, paragraphe 3, de la convention et son interprétation jurisprudentielle qui nous intéressent.

La question essentielle est vite devenue la suivante : quel est le professionnel fondé à exercer le contrôle judiciaire de l'article 5, paragraphe 3 ? Les rédacteurs de la convention ont opéré une distinction entre le tribunal indépendant et impartial – qui relève des dispositions de l'article 6, paragraphe 1, relatif au droit à un procès équitable – et le « juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires », s'agissant du contrôle de la privation de la liberté visé à l'article 5, paragraphe 3, lequel n'a pas de caractère juridictionnel.

Sur une cinquantaine d'années, au fil d'une évolution constante de sa jurisprudence, la Cour en est venue à juger – je vous renvoie à l'arrêt Huber du 23 octobre 1999 – que la condition de l'impartialité était incompatible avec la qualité même d'autorité de poursuite et a estimé, par ailleurs, que la condition liée à l'indépendance devait être appréciée en fonction des liens de subordination statutaire.

« En résumé, la Cour a vidé de toute substance le concept de magistrat de l'article 5, paragraphe 3, pour l'assimiler purement et simplement au concept de juge, confondant dans le même temps l'“autorité judiciaire” des articles 5, paragraphes 1 et 3, avec le “tribunal indépendant et impartial” de l'article 6, paragraphe 1. » Je reprends les termes employés par l'avocat général Marc Robert devant la chambre criminelle de la Cour de cassation.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

À sa demande !

Aucun membre des ministères publics des États membres du Conseil de l'Europe, y compris ceux qui sont totalement indépendants, comme en Italie, ne peut donc exercer le contrôle juridictionnel visé dans l'article 5, paragraphe 3, puisqu'ils sont toujours autorités de poursuite.

La question qui se pose à nous est de savoir quand et comment ce contrôle doit intervenir. C'est la deuxième question qu'a résolue la Cour de Strasbourg à travers sa jurisprudence.

Nous sommes tous d'accord pour dire que le procureur de la République ne peut opérer ce contrôle. Il faut bien voir que nous partons de loin. La Convention des droits de l'homme comporte deux versions faisant toutes deux foi – l'une en anglais, l'autre en français – mais dont les termes ne sont malheureusement pas traduits de manière équivalente. La Cour le souligne dans son arrêt Brogan du 29 novembre 1988 : « La Cour doit interpréter les textes d'une manière qui les concilie et de façon à atteindre le but et à réaliser l'objet du traité ». C'est ainsi qu'a été mise au point la notion de promptitude, qui donne lieu à une appréciation in concreto des faits de chaque espèce.

Dans un arrêt Aquilina contre Malte, où est posée pour la première fois cette règle, il est indiqué que, si la comparution survient deux jours après l'incarcération, l'article 5, paragraphe 3 est respecté. Dans l'arrêt Varga du 1er avril 2008, trois jours permettent de satisfaire aux exigences de l'article 5, paragraphe 3 et, dans l'arrêt Ipek contre Turquie – il est rédigé en anglais mais je vous épargnerai sa lecture qui signifierait la fin de la langue de Shakespeare (Sourires) –, la Cour réitère la position qu'elle a souvent exprimée en indiquant que quatre jours permettent de se conformer à ces exigences.

Autrement dit, la Cour européenne ne se reconnaît pas le droit de s'immiscer dans la période inférieure à trois ou quatre jours, suivant les circonstances de l'espèce, dès lors qu'est satisfait le respect des droits suivants : la personne est à même de bénéficier d'un avocat dès son arrestation et elle est informée du droit de se taire. Le droit français, en réduisant à quarante-huit heures le délai maximal de privation de liberté avant la présentation à un juge, répond aux exigences posées dans la Convention de sauvegarde des droits de l'homme.

Pour la période qui précède, chaque État organise comme il l'entend sa procédure dans son droit interne. La majeure partie des États européens laisse la police libre d'agir. La France a fait un autre choix que le Gouvernement entend confirmer dans ce texte : elle a instauré un contrôle judiciaire confié au procureur de la République afin que la légalité comme l'opportunité de la garde à vue au-delà des vingt-quatre premières heures soient assurées par un magistrat. C'est ce qu'a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision de juillet 2010.

L'intervention du procureur de la République n'est pas contraire à la convention dès lors qu'elle intervient dans un délai inférieur à trois ou quatre jours. Elle trouve son fondement dans la Constitution. C'est ce qu'a rappelé avec force le Conseil constitutionnel dans l'une de ses décisions en visant expressément l'article 66 de la Constitution relatif au rôle de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle. Cette décision, nous le savons tous, est incontestable, eu égard à l'article 62 de la Constitution. De plus, le Conseil constitutionnel affirme clairement l'unité de l'autorité judiciaire qui « comprend à la fois des magistrats du siège et du parquet », selon les termes du considérant 30 de la décision en question.

Monsieur Houillon, vous pouvez toujours faire la moue, mais je vous rappelle que l'article 62 de la Constitution dispose que les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent aux pouvoirs publics. C'est donc le cas pour nous.

Nous n'avons pas à regretter cette position car, très honnêtement, du point de vue de la garantie des droits et du contrôle des droits, la France est en avance. Elle peut être fière du double contrôle qu'elle a mis en place : conventionnel, d'une part, …

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je regrette beaucoup, monsieur le député, mais le projet de loi se propose d'appliquer la jurisprudence de la Cour européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé de Charette

Pour autant, on ne peut pas être fiers de la situation existante !

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je n'ai rien dit de la sorte et j'accepte bien volontiers que vous m'interrompiez, dès lors que vous me laissez finir mes phrases. Cela vous permettra de mieux comprendre mon propos et de m'interrompre avec plus d'efficacité.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Il est bien évident que nous ne sommes pas fiers de la situation existante puisque nous voulons la changer.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je l'ai dit au tout début de mon intervention, monsieur le député !

En revanche, nous pouvons être fiers de la proposition que nous faisons car nous sommes le seul État à mettre en place à la fois une garantie conventionnelle, telle qu'elle résulte des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme – nous reprenons toute sa jurisprudence dans le texte du Gouvernement, qui a été amélioré par la commission des lois de votre assemblée – et un contrôle constitutionnel pour les quarante-huit premières heures qui n'existe pas dans la majorité des États européens.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Cet ensemble de garanties conventionnelles et constitutionnelles, propre à la France, nous pourrons en être fiers une fois que tous, vous aurez voté la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

C'est pour l'ensemble de ces raisons que le Gouvernement, avec la commission, souhaite que le procureur se voit confier le contrôle de la garde à vue et sa première prolongation. Le procureur est en effet indispensable à la mise en oeuvre de la politique pénale de notre pays, de telle façon que la loi pénale s'applique de la même manière sur l'ensemble du territoire national.

Je suis heureux de dire que le projet du Gouvernement est très proche du texte que la commission des lois a établi. Et je veux à nouveau remercier et son président, Jean-Luc Warsmann, et son rapporteur M. Gosselin, qui va présenter ce texte dans quelques instants.

Rechercher l'équilibre, porter la réforme sans regret, construire un nouvel équilibre qui tende vers plus de libertés fondamentales – parce que chaque fois qu'elle défend les libertés, la République est plus forte pour assurer la sécurité et la sûreté –, ce sont là les ambitions qui animent le Gouvernement à travers le projet qu'il soumet à votre délibération. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Philippe Gosselin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est un sujet important qui nous réunit aujourd'hui : la très attendue réforme de la garde à vue. L'Assemblée nationale est saisie en première lecture d'un projet de loi, déposé le 13 octobre 2010 pour tenir compte de jurisprudences récentes, et adopté par notre commission des lois le 15 décembre dernier.

Mesure policière d'enquête prévue par le code de procédure pénale, la garde à vue constitue une mesure privative de liberté, au cours de laquelle une personne soupçonnée d'avoir commis ou tenté de commettre une infraction est retenue par les enquêteurs. Je reviendrai sur cette définition qu'il est nécessaire de préciser. Pendant toute sa durée, les enquêteurs peuvent accomplir un certain nombre d'actes d'enquête, et notamment procéder à l'audition de la personne gardée à vue.

La garde à vue connaît aujourd'hui une crise double, liée, d'une part, à une explosion quantitative et, d'autre part, à un encadrement juridique devenu progressivement insuffisant et qu'il convient d'améliorer.

La garde à vue a connu un développement très important au cours des dix dernières années. Alors que le nombre de gardes à vue décidées était de moins de 340 000 en 2001 – s'il est convenu de prendre cette année comme référence, je citerai tout de même 1999 où il s'élevait à 436 000 –, il est indiscutablement passé à près de 800 000 en 2009, dont 175 000 environ motivées uniquement par des infractions au code de la route.

Les raisons de cette augmentation se conjuguent. J'en vois au moins trois principales. La première tient en grande partie à l'augmentation de certaines formes de délinquance quotidienne, mais aussi de criminalité organisée. Sans doute une deuxième explication peut-elle être trouvée dans l'introduction d'une culture du résultat dans le fonctionnement des services de police, ce qui a pu conduire, pendant quelques années, à retenir le nombre de gardes à vue comme indicateur d'activité. Mais une troisième raison majeure de cette hausse importante est juridique : depuis 2000, la jurisprudence constante de la Cour de cassation impose le placement en garde à vue de toute personne devant être entendue dès lors qu'elle a fait l'objet d'une interpellation sous contrainte. Voilà pour les éléments quantitatifs.

Quant aux éléments qualitatifs, certains ont parfois défrayé la chronique, notamment l'inadaptation de certains lieux. Oui, parfois les locaux sont indignes, mais de là à généraliser, il y a un pas que je ne franchirai pas. En tout cas, j'hésiterai à parler, comme d'aucuns, de barbarie, terme qui me semble totalement impropre et, pour tout dire, déplacé.

Deuxième facette de la crise de la garde à vue, son encadrement, qui est devenu insuffisant au regard de l'évolution des exigences constitutionnelles et conventionnelles.

L'encadrement de la garde à vue en France est relativement récent. Ce n'est qu'en 1958 que le législateur consacre la mesure en l'inscrivant dans le code de procédure pénale, tout en l'entourant d'un minimum de garanties. Aujourd'hui, le régime de la garde à vue résulte essentiellement de trois textes législatifs : les lois du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale et du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence, et la loi du 9 mars 2004. Les premières ont institué les droits dont dispose aujourd'hui la personne placée en garde à vue. La loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a instauré, en matière de criminalité organisée, un régime de garde à vue dérogatoire, tant sur le plan de la durée maximale que des droits de la personne gardée à vue.

Cet encadrement se révèle aujourd'hui insuffisant au regard de ce que sont devenus, en 2010, les standards constitutionnels et européens. Le régime français de la garde à vue a ainsi été déclaré contraire à la fois à la Constitution, par une décision rendue le 30 juillet 2010 par le Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité, et à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, par trois arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation, rendus le 19 octobre 2010. Le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation ont toutefois prévu que leurs décisions ne prendraient effet qu'à compter du 1er juillet 2011. Je n'évoquerai pas ici le détail de ces décisions, nous y reviendrons au cours du débat.

Je n'évoquerai pas davantage le contenu des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme. Ceux-ci nous imposent un cadre fort que nous devons certes respecter mais qui n'est pas incontournable pour autant. Il me semble ajustable sur certains points. Une question sur la place du droit dans notre société me semble très indirectement posée ici.

D'ici au 1er juillet, il appartient au législateur de faire la bonne réforme de la garde à vue, celle qui prendra acte des différentes contraintes juridiques, mais tiendra compte, aussi, des contraintes pratiques. Si l'effectivité de la réforme n'est pas assurée, celle-ci n'aura pas de sens. Un principe ne vaut que s'il peut être appliqué, et rien ne sert de se draper dans une dignité qui n'apporte rien.

Il est indispensable de concilier les trois objectifs majeurs de toute réforme de procédure pénale. D'abord, nous devons garantir les droits des personnes mises en cause, dans le respect du principe de présomption d'innocence. Ce respect des droits de la défense est sans doute le sens de l'histoire. Ensuite, parce qu'il n'y a pas de démocratie sans la sécurité qu'ils contribuent à assurer, nous devons préserver aux services enquêteurs leurs capacités d'investigation. Depuis quelques années, les taux d'élucidation se sont réellement améliorés, et il ne faudrait pas casser une machine qui fonctionne. Les forces de l'ordre doivent avoir confiance dans le système que nous leur proposons, et, de notre côté, nous devons faire confiance aux forces de l'ordre. Je profite d'ailleurs de l'occasion pour leur dire qu'elles ont toute la confiance de la représentation nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Nous savons que les forces de police et de gendarmerie de ce pays sont des forces républicaines et qu'elles ont à coeur de défendre la République et les lois qui la garantissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Notre troisième objectif est le respect des droits des victimes, car c'est à elles que nous devons penser en priorité. Tel est le triptyque auquel nous devons donner un équilibre, nécessairement fragile parce que difficile à trouver.

Le projet de loi initial a été sensiblement modifié par la commission des lois, parfois contre l'avis du rapporteur. Je présenterai les principales modifications de manière détaillée, puis j'évoquerai rapidement les autres précisions et ajouts figurant dans le texte adopté et qui nécessiteraient peut-être encore débat.

La principale évolution adoptée par la commission, à l'initiative conjointe de Philippe Houillon et de moi-même, est la suppression de l'audition libre. Cette difficulté étant évacuée, ce sujet n'en est plus vraiment un aujourd'hui. Ce n'est pas tant l'idée d'un dispositif adaptable qui était en cause que la difficulté juridique qui en découlait. Cette affaire est désormais réglée ; je m'en réjouis et je remercie le Gouvernement, le ministre en particulier, de sa sagesse ainsi que nos collègues Éric Ciotti et Jean-Paul Garraud qui ont retiré leur amendement, facilitant ainsi les choses.

La deuxième évolution importante, adoptée contre l'avis du rapporteur, est le contrôle de l'exécution de la garde à vue par un juge du siège – celui des libertés et de la détention – ou, à défaut, par le président du tribunal de grande instance plutôt que par le procureur. Je crois très important de revenir sur ce vote, qui me semble fondé sur une lecture ambiguë, voire mauvaise, des textes et de la jurisprudence. Il nous faudra revenir sur ce point majeur. Au-delà des aspects juridiques, sans doute plus ou moins discutables, il met en cause des aspects pratiques de la chaîne pénale française, qui a fait ses preuves et qu'il importe de ne pas désorganiser. Les procureurs ont fait la preuve de leur efficacité, leur compétence est aujourd'hui reconnue. Il ne faut pas casser ce système qui fonctionne.

La commission a par ailleurs précisé et complété des dispositions importantes relatives à l'assistance de la personne gardée à vue par un avocat. Un délai de carence de deux heures a été institué, avant l'expiration duquel la première audition du gardé à vue ne pourra pas débuter. C'est une exception qui peut paraître curieuse et qui a fait débat. Ce délai de carence a pour but de laisser à l'avocat le temps de se rendre dans les locaux où se déroule la garde à vue et d'agir de façon à rendre le droit effectif, concret.

Le projet prévoyait aussi la possibilité, dans les gardes à vue de droit commun, d'un report de douze heures, décidé par le procureur de la République, de la faculté pour l'avocat de consulter les procès-verbaux d'audition et d'assister aux auditions. La commission a adopté un amendement du Gouvernement prévoyant la possibilité, pour les infractions punies d'au moins cinq ans d'emprisonnement, d'un deuxième report de la présence de l'avocat, jusqu'à la vingt-quatrième heure. C'est une possibilité de travail supplémentaire, me semble-t-il.

Selon le texte, l'avocat assistant à l'audition d'une personne gardée à vue n'avait que la possibilité de présenter des observations écrites, toute intervention orale étant exclue. La commission a préféré adopter un amendement du rapporteur, qui accorde à l'avocat le droit de poser des questions à la fin de l'audition, de sorte qu'il pourra jouer un rôle effectif et ne pas se contenter de faire de la figuration.

En complément de cette disposition, nous avons proposé l'introduction de responsabilités supplémentaires pour l'avocat. Plus de droits impliquant plus de devoirs, certains éléments de déontologie sont élevés au rang législatif pour leur donner plus de force, même si la déontologie est aujourd'hui globalement respectée. Puisque les choses se passent bien, elles se passeront mieux encore en les disant. Il n'y a là aucun procès d'intention : c'est simplement la volonté d'appliquer un principe de responsabilité attaché aux droits et aux devoirs, et de mieux assurer un équilibre.

Autre modification importante, la définition de la garde à vue a été précisée, en rassemblant à l'article 1er tous les critères qui la justifient : une personne ne peut être placée en garde à vue que si elle est soupçonnée d'avoir commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement et si la mesure constitue l'unique moyen de parvenir à la réalisation d'un des six objectifs fixés par le projet de loi. Il s'agit notamment d'empêcher la modification des preuves, la concertation avec des complices ou d'éventuelles pressions sur les témoins. Cette définition plus stricte, encadrée, est de nature à faire diminuer très sensiblement le nombre des gardes à vue, ce qui est l'un de nos objectifs principaux.

À l'initiative de Mme Delphine Batho, et contre mon avis et celui du Gouvernement, la commission a adopté un amendement tendant à établir un procès-verbal unique de déroulement de la garde à vue. L'idée est séduisante, c'est vrai, en pratique, mais elle soulève quelques difficultés juridiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Nous en reparlerons. Quoi qu'il en soit, nous nous sommes efforcés d'écouter et de prendre en considération les amendements présentant quelque intérêt.

La commission a également retenu, à l'article 3, un amendement de M. Jean-Pierre Decool précisant que la « circonstance insurmontable » justifiant un report de l'appel à un proche et à l'employeur du gardé à vue par l'officier de police judiciaire devait être expressément mentionnée au procès-verbal de déroulement de la garde à vue.

J'ai évoqué tout à l'heure l'indispensable équilibre qui doit exister entre le respect des droits de la défense, le travail essentiel des forces de l'ordre et la victime. Pour respecter cet équilibre, un amendement, adopté à l'initiative du rapporteur, prévoit le droit pour la victime d'une infraction d'être assistée par un avocat si elle est confrontée avec une personne gardée à vue qui est elle-même assistée. C'est un élément important qui permettra de mieux travailler, en tout cas en confiance.

En matière de régimes dérogatoires de garde à vue, l'article 12 excluait l'application des nouvelles dispositions relatives au droit à l'assistance par un avocat. La commission a adopté un amendement du Gouvernement, précisé par le président Jean-Luc Warsmann et moi-même, prévoyant un certain nombre de dispositions pour les infractions relevant de la criminalité organisée, du trafic de stupéfiants et du terrorisme. Nous aurons l'occasion d'y revenir tout au long des débats.

L'article 14 bis est issu d'un amendement du Gouvernement adopté par la commission, modifiant le régime de la retenue douanière pour tirer les conséquences légitimes de la décision de QPC du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2010.

Nous aurons également l'occasion de revenir sur les dispositions qui tirent les conséquences du récent arrêt Moulin contre France.

En conclusion, je crois sincèrement que nous devons nous engager dans la réforme de la garde à vue avec enthousiasme, sans craintes infondées ou excessives sur l'entrée de l'avocat en garde à vue, mais aussi avec responsabilité, sans surenchère ni dans un sens ni dans l'autre, avec la préoccupation essentielle de préserver l'équilibre de notre procédure pénale.

Certes, cela nécessitera de nouveaux moyens et peut-être de nouvelles façons de procéder pour la police et les avocats. Tentons de dégager l'enquêteur de certaines tâches matérielles. L'informatisation en est un moyen, tout comme le développement de techniques nouvelles de communication qui devraient nous conduire à dématérialiser à terme la procédure pénale. Notons encore le recours à la visioconférence, à l'enregistrement qui devrait permettre de gagner du temps – disposition que j'avais proposée mais qui a été rejetée au titre de l'article 40 – ou l'équipement des gendarmeries et commissariats de bornes pour empreintes anthropomorphiques.

Toutes ces pistes, qui concernent peut-être moins la recherche de l'aveu que le développement de la police scientifique et la recherche de preuves constituent plus une évolution qu'une révolution, et n'entravent en rien ce travail important des forces de l'ordre.

Par ailleurs, il faudra s'interroger sur la réorganisation des systèmes de permanence des membres du barreau. En effet, le nombre de gardes à vue par avocat révèle de forces disparités – trois à Paris, 194 en Guyane par exemple. La moyenne est de treize gardes à vue, mais elle est dépassée de 50 % dans vingt et un départements, et même de 100 % dans douze départements, où un avocat doit chaque année assister à trente-six gardes à vue.

N'ayons pas peur de la réforme. Si nous sommes arrimés à cet équilibre entre le respect des droits de la défense, le travail nécessaire des forces de police et l'intérêt de la victime, alors nous pourrons chercher ensemble la voie de la réussite dans une discussion constructive.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

En réduisant le recours à la garde à vue tout en permettant que la sécurité soit assurée dans des conditions convenables, nous aurons fait oeuvre utile pour les libertés et réalisé un progrès important. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

J'ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Monsieur le président, avant de commencer mon intervention, je tiens à signaler que j'aurais préféré défendre la motion de renvoi en commission, mais elle a été prise par le groupe SRC. Nous ne rejetons pas a priori un projet de loi sur la réforme de la garde à vue, tant il y a à faire. La défense de cette motion de rejet sera donc un prétexte, je l'avoue, pour défendre divers arguments et évoquer ce qui manque à ce projet et ce qu'il serait nécessaire d'y introduire pour qu'il corresponde aux obligations que différentes instances nationales ou européennes nous ont demandé de respecter.

J'en viens maintenant au projet de loi lui-même. Monsieur le garde des sceaux, il faut bien convenir que, trop longtemps, le régime de la garde à vue a été considéré comme faisant partie des moeurs ordinaires. Il aura fallu ce chiffre hallucinant de 792 000 gardes à vue en 2009, dénoncé depuis un certain temps par de nombreuses associations et des professionnels des métiers de justice, pour que cette procédure se trouve dans l'oeil du cyclone.

Ces chiffres obligent à rompre avec la pratique qui, quoi qu'en dise le Gouvernement, fait du nombre de gardes à vue prononcées un indicateur de la performance d'un service de police ou de gendarmerie. Certains syndicats de policiers ne se sont-ils pas plaints de cette politique du chiffre sévissant au ministère de l'intérieur ?

Il aura ensuite fallu la condamnation claire de la Cour européenne des droits de l'homme, notamment dans l'arrêt du 27 novembre 2008 qui a condamné la France pour la violation de l'article 5 de la Convention en raison du régime de garde à vue, puis de la Cour de cassation, dans ses arrêts du 19 octobre dernier, qui a confirmé la non-conformité de la garde à vue à la française avec le droit européen et la Cour européenne des droits de l'homme, pour que le Gouvernement se décide enfin à proposer une réforme.

Autre signe d'un dysfonctionnement, la déclaration du Conseil constitutionnel du 30 juillet dernier a affirmé contraires à la Constitution les articles régissant la garde à vue de droit commun parce qu'ils n'instituent pas les garanties appropriées à l'utilisation de la garde à vue dans son acception actuelle et qu'ils ne concilient pas suffisamment l'équilibre entre les exigences de l'enquête et l'exercice des libertés constitutionnellement garanties. Dès lors, il était plus qu'urgent de remédier au fait que les dispositions actuelles concernant les gardes à vue de droit commun n'encadrent pas suffisamment les conditions du placement et de la prolongation, et qu'elles ne prévoient pas de garanties suffisantes pour l'exercice des droits de la défense et, notamment, du droit à l'assistance effective d'un avocat.

Certes, l'on peut se satisfaire de quelques-unes des dispositions de ce projet, comme le renforcement du droit à l'information de la personne gardée à vue, la notification de son droit de garder le silence et la possibilité de consulter un avocat dès le début de la garde à vue ainsi que de bénéficier de sa présence pendant toutes les auditions, sous réserve des restrictions concernant l'application de circonstances particulières et, pour les régimes dérogatoires, de raisons impérieuses. Toutefois, il faut dénoncer le caractère ambigu et lacunaire de certaines dispositions qui portent atteinte aux droits des personnes et regretter que le texte maintienne des règles encore plus restrictives s'appliquant aux personnes en garde à vue soupçonnées de crimes et délits liés au crime organisé, de trafic de stupéfiants ou d'infractions ayant trait au terrorisme.

Le Gouvernement, dans sa présentation du projet, revendique deux objectifs : accroître de façon significative les droits des personnes gardées à vue, notamment le droit à l'assistance d'un avocat ; maîtriser le nombre des gardes à vue, en constante augmentation depuis plusieurs années. Si l'on peut se réjouir de cet objectif, l'on ne peut que regretter que le Gouvernement ne dise rien quant à la limitation des gardes à vue.

Aujourd'hui, le code de procédure pénale ne fixe aucune condition de fond au placement en garde à vue, qui est laissé à la pure appréciation de l'officier de police judiciaire, pour les nécessités de l'enquête, comme le précise l'article 63 du code de procédure pénale, et qui n'est limité par aucune condition légale, ce qui agit comme un facteur important de l'accroissement du nombre des gardes à vue. À cela s'ajoutent les effets de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui impose à l'officier de police judiciaire de placer en garde à vue une personne qu'il souhaite entendre immédiatement lorsque celle-ci a fait l'objet préalablement d'une mesure de contrainte.

L'une des façons de contribuer à une limitation sensible du recours à la garde à vue serait d'instaurer une procédure de validation par le procureur de la République. L'enjeu est de taille, qui consisterait à remettre l'autorité judiciaire au centre de la garde à vue : on sait que la hiérarchie policière s'y oppose, à telle enseigne qu'à Clermont-Ferrand, Melun, Belfort, Montluçon mais aussi à Saint-Pierre de la Réunion, des juges d'instruction ont été obligés de donner des directives aux officiers de police judiciaire pour qu'ils respectent les droits des gardés à vue, ainsi que les y oblige la Convention européenne qui, je le rappelle, s'applique en droit interne et a une valeur supérieure à la loi nationale.

Permettez-moi de faire quelques remarques sur certains éléments constitutifs de la garde à vue, à commencer par l'avis de garde à vue. Tel qu'il se pratique actuellement, il procède d'une certaine hypocrisie. Il est le plus souvent réalisé par télécopie, le magistrat du parquet n'en prenant connaissance que plusieurs heures après sa réception, ce qui ne lui permet pas d'apprécier l'utilité de la mesure. Seules la nature de l'infraction et l'identité de la personne lui sont communiquées. Le projet entend ne rien changer à cette situation qui a pourtant largement montré ses limites.

La loi devrait, au contraire, instaurer une procédure de validation explicite de la mesure par le procureur de la République, dans les trois heures suivant l'interpellation. Cela permettrait de soumettre la question de l'opportunité du placement en garde à vue à l'autorité judiciaire elle-même, ce qui apparaît logique dans la mesure où la garde à vue sera désormais conditionnée à des modalités précisément définies.

Une autre façon de réduire le nombre des gardes à vue serait d'en limiter la durée. Pourtant, le projet de loi reste quasi muet sur les mesures qui permettraient de limiter efficacement la durée des gardes à vue, même s'il pose le principe suivant lequel la durée de la garde à vue ne peut excéder vingt-quatre heures. La prolongation demeure possible dès lors que les motifs initiaux du placement en garde à vue perdurent et que la peine encourue est supérieure ou égale à un an.

Ainsi, l'effet de seuil censé limiter le nombre de prolongations ne jouera qu'à la marge. Les infractions pour lesquelles la peine encourue est inférieure à un an sont rares. Il s'agit, pour l'essentiel, d'outrages à personnes dépositaires de l'autorité publique, de filouteries et de menaces de commettre un délit contre les personnes sans circonstances aggravantes. Or, dans sa décision du 30 juillet dernier, le Conseil constitutionnel a déclaré la garde à vue inconstitutionnelle, notamment parce qu'elle peut être prolongée « sans que cette faculté soit réservée à des infractions présentant une certaine gravité ». Il paraîtrait équilibré, si le placement en garde à vue était réservé, dans les conditions explicitées plus haut, aux infractions punies de trois années ou plus d'emprisonnement, de ne permettre la prolongation de la mesure que pour les infractions punies au moins de la même peine, sans aucune exception, cette fois.

Venons-en aux droits des gardés à vue. Si le projet de loi prévoit le maintien de l'entretien avec l'avocat pendant une demi-heure au début de la garde à vue de droit commun, il faut remarquer que sa durée, confrontée aux exigences d'une véritable défense posées par la Cour de Strasbourg, est insuffisante et pourrait être augmentée à une heure. Par ailleurs, manque aussi la possibilité pour l'avocat de s'entretenir avec son client entre deux auditions. Le projet de loi instaure la possibilité pour le gardé à vue de demander que l'avocat assiste à ses auditions, sans préciser cependant quel pourra être le délai d'attente imposé au conseil, délai pourtant évoqué dans l'étude d'impact à l'occasion de la mise à disposition pour les avocats de salles d'attente et de travail.

Toutefois, saisi par l'officier de police judiciaire qui souhaitera ne pas faire droit à cette demande, et lorsque cette mesure apparaît indispensable en considération des circonstances particulières de l'enquête, soit pour permettre le bon déroulement d'investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte imminente aux personnes, le procureur de la République pourra, par décision écrite et motivée, décider de différer pendant douze heures la présence de l'avocat aux auditions.

Plusieurs critiques peuvent être adressées au projet dans ce domaine. En premier lieu, le report de l'intervention de l'avocat ne paraît pouvoir se justifier que lorsqu'une audition ou une perquisition doit être réalisée dans une urgence telle que l'arrivée matérielle de l'avocat n'est pas possible dans ce délai. Toute autre dérogation doit être explicitement proscrite, à moins de vouloir jeter une suspicion inacceptable sur les avocats dont il n'est pas inutile de rappeler qu'ils sont responsables disciplinairement et pénalement. Comme il s'agit d'une décision portant directement atteinte aux droits de la défense, il importe qu'elle ne puisse être prise que par un magistrat du siège.

Deuxièmement, il est regrettable que le texte n'ait pas envisagé, dans cette hypothèse exceptionnelle où il aurait été décidé de reporter l'intervention de l'avocat, que les auditions fassent l'objet d'un enregistrement audiovisuel, y compris, en matière délictuelle, pour les majeurs. Cette précaution permettrait au moins un contrôle a posteriori de cette phase de l'enquête.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je me permets de vous interrompre un instant, mon cher collègue, car il est dix-huit heures. J'informe l'Assemblée que le scrutin pour l'élection d'un juge suppléant auprès de la Cour de justice de la République est clos.

Je fais donc annoncer cette clôture dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Poursuivez, monsieur Braouezec.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

En troisième lieu, le texte ne précise pas comment l'avocat doit être mis en mesure d'être effectivement présent lors des auditions de son client.

Quatrième point, le texte ne prévoit pas que l'avocat puisse poser des questions ni formuler des observations orales pendant les auditions de son client. Cette disposition se trouve à cet égard en retrait par rapport à l'avant-projet de réforme de la procédure pénale, rendu public le 1er mars 2010, lequel transposait aux auditions de gardes à vue les règles régissant aujourd'hui les interrogatoires du mis en examen par le juge d'instruction.

Il s'agit à nos yeux d'une régression importante qui vise à réduire les avocats au silence. Outre qu'elle n'est pas acceptable au regard de la nature du métier d'avocat – métier qui destine celui qui l'exerce à parler, autant que je sache – et des avantages qu'il y aurait au contraire à laisser l'avocat s'exprimer afin qu'il puisse contribuer activement à la défense de son client et ainsi à la manifestation de la vérité, elle ne semble pas conforme aux prescriptions des arrêts rendus le 19 octobre par la Cour de cassation, dont il résulte que l'avocat doit pouvoir « participer » à ces auditions.

Une simple présence ne saurait être considérée comme une réelle participation et ne répond pas davantage à plusieurs notions consacrées par la Cour européenne des droits de l'homme au titre du droit à « l'assistance effective » par un avocat, à « la discussion de l'affaire », à « l'organisation de la défense », à « la recherche des preuves favorables à l'accusé » ou encore au « soutien de l'accusé en détresse ».

Il conviendrait donc d'appliquer aux auditions du gardé à vue les règles prévues par l'article 120 du code de procédure pénale en ce qui concerne les interrogatoires et les confrontations pratiqués par le juge d'instruction, à savoir, pour l'avocat, la possibilité de poser des questions et de présenter de brèves observations.

Le texte limite l'assistance de l'avocat aux seules auditions de la personne gardée à vue, à l'exclusion de tout autre acte. Or il peut être retenu de la jurisprudence européenne, comme l'a fait Marc Robert, avocat général près la Cour de cassation, en se fondant sur de nombreux arrêts de la Cour de Strasbourg, que « le droit à l'assistance effective par un avocat concerne, outre les interrogatoires, l'ensemble des actes d'enquête auxquels participe activement le gardé à vue, notamment la confrontation et la reconstitution des faits ».

Il conviendrait donc à tout le moins que le texte prévoie la participation de l'avocat aux confrontations et reconstitutions auxquelles participe son client, dans les mêmes conditions que pour les auditions.

Notons également que le projet de loi ne propose aucune évolution de l'autorité chargée de contrôler la garde à vue. Il est pourtant difficilement contestable que le ministère public, actuellement chargé du contrôle de la garde à vue, a en partie failli dans cette mission : incapacité à endiguer le flot montant des gardes à vue et absence de volonté réelle d'en limiter la durée.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

La Cour européenne des droits de l'homme, dans son arrêt Medvedyev du 29 mars 2010, disqualifie le ministère public qui, selon elle, ne présente pas de « garanties d'indépendance à l'égard de l'exécutif et des parties, ce qui exclut notamment qu'elle puisse agir par la suite contre le requérant dans la procédure pénale, à l'instar du ministère public ».

Le procureur de la République est parfaitement qualifié pour décider du placement en garde à vue, pour être avisé de ce placement, pour être destinataire des comptes rendus d'audition et pour mettre fin à cette mesure lorsqu'il l'estime utile. En revanche, parce qu'il est la partie poursuivante, il n'est manifestement pas en mesure, avec l'impartialité et l'apparence d'impartialité nécessaires, de décider du report de l'avis à famille, du report de l'intervention de l'avocat ou de la prolongation de la garde à vue.

Il revient donc à un magistrat du siège, avec l'impartialité qui convient, de décider de ces mesures qui font directement grief aux personnes gardées à vue et qui constituent en vérité le coeur du contrôle judiciaire de la garde à vue.

Il faut du reste souligner que cette solution présenterait un important mérite, celui de soumettre ce type de décision à un contrôle juridictionnel a priori, ce qui vaudrait singulièrement mieux qu'un contrôle a posteriori qui aurait nécessairement pour conséquence l'annulation de la garde à vue. En tout état de cause, la situation actuelle, concernant le report de l'avis à famille, n'est manifestement pas satisfaisante : il s'agit d'un des seuls cas où le ministère public prend des décisions attentatoires aux libertés individuelles sans qu'elles puissent être soumises au contrôle juridictionnel du juge du siège.

Le présent texte aurait dû être l'occasion de faire évoluer les régimes d'exception qui sont en contradiction avec la jurisprudence. Ce n'est pas le cas ; mieux même, en août dernier, le ministère de la justice n'hésitait pas à affirmer, par incompétence ou par manque de courage politique, que le Conseil constitutionnel avait validé ces régimes dérogatoires, alors qu'il n'avait fait qu'estimer, sur ce point, sa saisine irrecevable ! Ce n'est pas précisément la même chose. Je dois reconnaître que la demande du syndicat de la magistrature est plus que raisonnable puisqu'elle vise à supprimer l'ensemble des régimes dérogatoires et à les confondre avec le régime général, tant du point de vue de leur durée que des droits qui y sont attachés.

Le principe doit donc devenir, en matière de régimes dérogatoires, une intervention de l'avocat dès la première heure de la garde à vue. C'est seulement à titre exceptionnel qu'une restriction à ce droit pourrait être fondée sur des raisons impérieuses tirées des circonstances de l'espèce, constatées et motivées par un juge.

Pour conclure, je reprendrai les propos du Premier ministre devant la commission nationale consultative des droits de l'homme. Il affirmait : « la garde à vue ne peut pas être un instrument banal de procédure. La privation de liberté est un acte grave qui doit rester exceptionnel ». Ce projet de loi ne rend pas la garde à vue plus exceptionnelle qu'auparavant et certaines de ses dispositions, comme je me suis efforcé de le montrer, peuvent même être entachées d'inconstitutionnalité.

Ces raisons justifient en partie la présente motion de rejet préalable. Reste que le groupe GDR sera attentif à la prise en considération de ses amendements qui visent à une amélioration substantielle de ce projet dans le respect des libertés individuelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur Braouezec, vous défendez, faute de mieux, une motion de rejet préalable du texte. Vous avancez qu'il ne faut plus attendre, qu'il faut aller vite et, dans le même temps, vous demandez le rejet du texte !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Si vous votez nos amendements, nous pourrons aller vite !

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Sauf que pour voter vos amendements il ne faut pas rejeter le texte ! Vous devez choisir…

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

…et je comprends bien que ce ne doit pas être facile pour vous. La plupart de vos exigences se trouvent en fait satisfaites par le texte.

En ce qui concerne l'avocat, il est présent dès le premier instant, un délai lui étant laissé à partir du moment où il est averti par son client ou désigné par le bâtonnier. Nous pourrons débattre de ce laps de temps : la commission a proposé qu'il soit de deux heures.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Ce délai devrait permettre à l'avocat de venir pour s'entretenir avec son client puis assister à l'interrogatoire. Il pourra faire des observations, poser des questions, avoir accès à tous les procès-verbaux. Il sera donc pleinement associé à toutes les auditions dans le cadre de la garde à vue. Il participera très naturellement à l'ensemble des confrontations, ainsi que vous le souhaitez – le texte le prévoit.

Je rappelle au passage que la reconstitution n'a pas lieu dans le cadre de la garde à vue mais dans celui de l'instruction.

Ensuite, je ne puis vous laisser affirmer que le parquet serait disqualifié. Comme l'a souligné le Conseil constitutionnel, comme l'a rappelé la chambre criminelle de la Cour de cassation dans son arrêt du 15 décembre 2010, les membres du parquet sont des magistrats qui appartiennent à l'autorité judiciaire.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Certes, au sens de l'article 5, paragraphe 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ils ne peuvent pas exercer de contrôle juridictionnel sur la garde à vue à partir d'un délai qui varie, suivant cette jurisprudence, entre trois et quatre jours.

Je rappelle que, selon le texte, le procureur de la République n'intervient que pour le déclenchement de la garde à vue, qu'il en assure le contrôle parce que les officiers de police judiciaire dépendent du procureur de la République et qu'à partir de la quarante-huitième heure c'est un juge du siège, le juge de la liberté et des détentions, qui est compétent pour décider de l'arrêt ou de la prolongation de la garde à vue.

Tout ce que vous nous avez demandé figure dans le texte. C'est bien la raison pour laquelle je ne puis que vous demander de renoncer à cette motion, cher monsieur Braouezec et, dans l'hypothèse où vous ne le pourriez pas, je demanderai à l'Assemblée de la repousser.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Dans les explications de vote, la parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Le groupe Nouveau Centre est défavorable à la motion de rejet préalable présentée par M. Braouezec que j'ai écouté avec une grande attention. Notre collègue a posé plusieurs questions qui justifient non pas le rejet préalable du texte mais bien sa discussion dans l'hémicycle.

Il existe une vraie différence entre vous et les membres de la majorité : à travers votre motion, vous plaidez pour faire évoluer les régimes d'exception. Je suis curieux de savoir quelle attitude vont adopter nos collègues socialistes sur cette motion. Il serait intéressant de demander un scrutin public.

Le présent projet est pourtant un texte d'équilibre. Je revendique, pour des questions d'une gravité exceptionnelle, rappelées par le ministre à la tribune – lutte contre le terrorisme, criminalité organisée… –, que soit prévu un régime dérogatoire. Il me semble qu'il s'agit-là d'une vraie rupture entre l'opposition et la majorité tant, j'y insiste, le texte proposé par le Gouvernement est un texte d'équilibre renforçant les libertés individuelles, confortant la présomption d'innocence, améliorant les droits des gardés à vue.

Seulement, il ne faut pas entraver l'enquête. En ce qui concerne les magistrats du siège, l'UMP, le Nouveau Centre et une partie de l'opposition étaient en commission d'un avis contraire à celui du Gouvernement. Cependant, sur l'essentiel de la motion qui consiste à revenir sur le régime dérogatoire, on ne peut pas vous suivre, monsieur Braouezec, car ce serait donner un mauvais signal à la police judiciaire. Il convient en effet d'assurer l'ordre public et de faire preuve de la plus grande fermeté à l'encontre d'une criminalité qui est une véritable injure à la paix et à la sécurité de nos concitoyens, criminalité à laquelle les moyens de défense de la démocratie doivent s'adapter.

J'invite donc nos collègues à repousser avec force cette motion de rejet préalable et, je le répète, je suis curieux de l'attitude qu'adopteront les députés socialistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Sur le vote de la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe Nouveau Centre d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Dans la suite des explications de vote, la parole est à M. Sébastien Huyghe, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Huyghe

J'ai moi aussi écouté avec beaucoup d'attention la motion défendue par notre collègue Braouezec. Son appréciation du texte me semble pour le moins partielle, et au minimum partiale, sinon complètement erronée.

Il commence par nous dire que le nombre annuel de gardes à vue est beaucoup trop important : de l'ordre de 792 000. Puisque l'un des objectifs essentiels du projet de loi vise précisément à le faire baisser, nous pouvons être d'accord sur ce thème. Cependant, notre collègue impute ce nombre important de gardes à vue uniquement à une « culture du chiffre » qui se serait instaurée au sein de nos forces de l'ordre. Mais s'il avait écouté avec beaucoup d'attention, comme je l'ai fait, le discours de notre rapporteur, il aurait pu noter que si le nombre de gardes à vue a augmenté de manière très importante au cours de ces dernières années, cela était également dû, en partie, à la jurisprudence de la Cour de cassation, dont un arrêt, rendu en 2000, impose que lorsqu'une personne est sous la contrainte, elle doit être placée en garde à vue. Il aurait pu aussi noter que cette augmentation est due au nombre des gardes à vue qui concernent des délits routiers : il y en a près de 200 000. Sur ce point aussi, le texte apporte un certain nombre de réponses.

Patrick Braouezec nous dit que les conditions de fond de la mise en garde à vue n'existeraient pas. J'ai pourtant trouvé dans le texte six critères qui permettent la garde à vue. Et ce sont des critères véritablement objectifs.

Il y a un point que je n'ai pas bien compris. D'un côté, notre collègue nous dit que le procureur devrait autoriser la garde à vue. À cet égard, je rappelle que le texte initial prévoyait que la garde à vue aurait lieu sous son contrôle. Des amendements du Gouvernement devraient nous permettre d'en revenir à cette disposition initiale. Mais d'un autre côté, M. Braouezec fustige le rôle du procureur de la République dans la garde à vue.

Il me semble que M. Braouezec fait une confusion entre le rôle du procureur de la République dans notre système juridique et celui qui est le sien dans les systèmes anglo-saxons. Chez nous, le procureur de la République intervient au nom de la République, au nom de la société. Il est le garant du respect des règles institutionnelles et des libertés individuelles. En aucun cas il n'est une partie, et notamment une partie poursuivante, puisqu'il doit mener ses investigations à charge et à décharge. Il est donc, à notre sens, tout à fait qualifié pour exercer son contrôle sur la garde à vue.

Je ne vais pas revenir sur l'ensemble de vos arguments, monsieur Braouezec. Je rappelle simplement qu'un certain nombre de dispositions peuvent encore être discutées. C'est justement l'objet de l'examen de ce projet de loi qui commence aujourd'hui. L'ensemble du groupe UMP pense qu'il y a urgence à commencer cet examen. C'est pourquoi nous rejetterons cette motion de rejet préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Le groupe socialiste approuvera la motion déposée par le groupe GDR.

Nous le ferons pour permettre au Gouvernement de revoir son texte. En effet, il propose une réforme qui ne nous semble pas financée. Il ne paraît pas non plus avoir été anticipé : on a le sentiment que vous êtes dans l'urgence. Et surtout, cette réforme n'est, pour le moment, pas équilibrée.

Nous sommes surpris de voir que vous n'avez pas saisi les signaux qui ont été lancés à partir de 2008. Le premier arrêt, Medvedyev contre France, date du 10 juillet 2008 : la CEDH y annonce ce que vous êtes aujourd'hui contraints de faire. À l'époque, il n'en a pas été tenu compte, pour des raisons qui nous échappent. Peut-être est-ce dû au fait que l'entourage policier du chef de l'État ne voulait pas avancer, considérant que la situation était parfaite. Toujours est-il que cela vous a placé, surtout après la décision du Conseil constitutionnel, dans une situation d'urgence, puisqu'une date butoir a été fixée : le 1er juillet 2011. Vous travaillez ainsi dans des conditions baroques, ce qui aboutit à un texte d'une instabilité étonnante, et qui, au total, n'est propice ni au bon déroulement des enquêtes ni à la protection des futurs gardés à vue.

Bref, vous avez fait preuve d'une absence d'anticipation phénoménale, sur un sujet qui n'est évidemment pas anodin, puisqu'il touche, comme l'a souligné Patrick Braouezec, aux libertés publiques.

Cette absence d'anticipation est d'autant plus surprenante que vous aviez toutes les cartes en main, au début du quinquennat, pour nous présenter une réforme globale, qui aurait pu aborder tous les aspects, dont nous concédons d'ailleurs qu'ils sont compliqués. Il n'est évidemment pas simple d'arriver au bon compromis entre les différentes tentations qui existent et que nous allons d'ailleurs probablement retrouver dans cet hémicycle.

Plutôt que d'anticiper, vous avez créé des commissions. Et vous n'avez pas été avares dans ce domaine. Vous avez installé une commission Varinard, qui devait travailler sur une réforme de la justice des mineurs, dont certains aspects vont venir percuter la garde à vue. Vous avez installé une commission Léger, qui devait travailler sur une réforme du code de procédure pénale. Vous avez installé une commission Coulon, qui devait travailler sur une dépénalisation du droit des affaires. Vous avez installé une commission Guinchard, qui devait réformer le contentieux.

Le résultat de tout cela, c'est un texte extrêmement médiocre – pardon de le dire comme cela, monsieur le ministre –, qui ne retient aucunement les aspects positifs qu'on avait pu relever, ici et là, dans les travaux des différentes commissions. Il était possible de concevoir une architecture d'ensemble pour un texte audacieux, en tout cas à la hauteur de ce que les tribunaux vous avaient demandé. Au lieu de cela, vous nous proposez une réforme minimale, déséquilibrée et, surtout, non financée.

À cet égard, j'ai été stupéfait à la lecture de votre étude d'impact. Je trouve d'ailleurs que nous ne consacrons pas suffisamment de temps aux études d'impact. À l'avenir, et je le dis en m'adressant au président de la commission des lois, il serait peut-être bon, quand nous serons saisis d'un projet de loi accompagné d'une étude d'impact – et ce sera le cas de tous les textes – de consacrer la première réunion de la commission à discuter de celle-ci. Parce qu'elle dit beaucoup de choses, l'étude d'impact.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

On pourrait commencer par évaluer l'impact des lois précédemment votées et déjà en vigueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Patrick Braouezec a raison.

L'étude d'impact que vous nous avez présentée, monsieur le ministre, est très approximative. J'ai pris la liberté de vous interroger sur la nature du financement, puisque vous chiffrez l'impact de cette réforme autour de 75 millions d'euros. J'ai demandé à votre ministère qui assumait le chiffrage car cette évaluation est très largement inférieure, me dit-on, à ce que va coûter l'application de ce texte, ne serait-ce que dans le domaine immobilier. Il sera applicable, en effet, dans toutes les communautés de brigade et dans l'ensemble des 436 commissariats de police, dont je ne vous ferai pas l'injure de vous dire dans quel état ils sont. La clochardisation abîme une grande partie d'entre eux. Les communautés de brigade sont elles aussi dans un état de vétusté parfois très avancé. En tout état de cause, ils ne sont manifestement pas en état de répondre à votre réforme. De ce que l'on me dit, je conclus donc que votre chiffre de 75 millions ne correspond pas à grand-chose.

J'ai donc demandé à votre ministère qui était responsable de l'étude d'impact et de ce chiffrage. On m'a expliqué que l'étude d'impact était assumée par le garde des sceaux, sauf le chiffrage, qui relevait de la DGPN. J'ai donc téléphoné à la direction générale de la police nationale pour lui demander si le chiffrage était assumée par elle. On m'a dit que non, que c'était le garde des sceaux. Quand personne n'assume un chiffre, j'ai tendance à douter de sa véracité.

Mais même si l'on écarte ce chiffre, ce qui est étonnant, dans votre étude d'impact, c'est qu'elle est lacunaire, voire indigente, sur de nombreux points. Certes, elle procède à une évaluation des efforts qui seront consentis en ce qui concerne le justiciable, c'est-à-dire le gardé à vue. Mais elle ne dit rien sur l'usager de la justice, c'est-à-dire sur la victime, celle qui demande justice, celle qui veut que justice lui soit rendue. Lisez l'étude d'impact, mes chers collègues, vous ne trouverez pas un mot sur les victimes. Vous nous dites, monsieur le ministre, que vous allez défendre les droits des victimes. Mais votre étude d'impact n'en dit pas un mot. Pas un seul. C'est pourquoi je dis qu'elle est lacunaire, parce que je ne vous accuse pas de mauvaise foi.

Elle fait aussi l'impasse sur les transformations inéluctables que la réforme va occasionner s'agissant des méthodes et des techniques du travail d'investigation. Pour les officiers de police judiciaire, avoir à conduire des gardes à vue en présence d'un avocat, c'est un autre métier. L'égalité des armes, si j'ose dire, devra être assurée. Pour les officiers de police judiciaire, cela nécessite de la formation, du temps, pour être à la hauteur du défi que la présence des avocats va poser.

En ce moment, au Sénat, le ministre de l'intérieur défend la LOPPSI. Cette loi d'orientation est d'ailleurs tellement peu d'orientation qu'il vient de commander un Livre blanc sur la sécurité publique au préfet de police de Paris et à Alain Bauer, deux personnalités dont l'indépendance est bien connue. Je ne sais pas à quoi servent les lois d'orientation si on est obligé de demander à des personnalités extérieures de préparer des textes d'anticipation. Bref, toujours est-il que, alors même que cette LOPPSI impacte la garde à vue, il n'a été procédé à aucun ajustement entre cette loi et celle que vous nous soumettez aujourd'hui.

Bref, votre texte est bâclé, il n'est pas financé, il est lacunaire : nous sommes contraints de demander son rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Monsieur le président, vous me permettrez une remarque préalable sur la démarche de M. Hunault consistant à demander un scrutin public. Je trouve cette initiative médiocre. Notre assemblée mérite mieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Vous voulez accréditer l'idée que nous rejetterions l'idée d'une réforme positive de la garde à vue. Nous risquons de vous surprendre ! Car notre état d'esprit, ce n'est pas forcément de voter contre, au terme de ce débat. Irons-nous jusqu'à aller plus loin qu'une abstention ? Nous le verrons, c'est le débat qui le dira. Mais laisser entendre que les propos de M. Braouezec veulent dire ce que vous voulez leur faire dire, dans le but d'une utilisation politicienne, c'est quelque chose que nous condamnons. Et nous trouvons ce procédé, je le répète, médiocre.

Cela dit, je ne vais pas revenir sur l'ensemble des arguments développés par mon ami Patrick Braouezec. Je n'en soulignerai qu'un seul, qui, s'il avait été entendu, aurait complètement modifié les termes et la physionomie de ce débat. Je veux parler de l'indépendance du parquet.

Hélas, ce chantier est l'un des rares que le chef de l'État n'envisage pas d'ouvrir. Et nous le regrettons profondément. Nous ne sommes pas les seuls. Je rappelle que le procureur général de la Cour de cassation affirmait, au début de ce mois, que le ministère public était proche d'un coma dépassé. Le procureur général près la cour d'appel de Paris a répondu en écho qu'il s'agissait d'un coma artificiel, parce que tout le monde savait comment on en était arrivé là.

Le Gouvernement est resté sourd à ces invitations à la réflexion sur le statut du magistrat du parquet, comme aux prises de position, sur ce point, des deux organisations syndicales représentatives de l'ensemble des magistrats, ainsi qu'à une majorité des parquetiers eux-mêmes.

Cette surdité donne tout leur sens aux déclarations des gardes des sceaux qui vous ont précédé, monsieur le ministre, et que vous reprenez aujourd'hui à votre compte, ou en tout cas que votre gouvernement reprend à son compte. Je rappelle ce que disait Mme Rachida Dati en 2007, il n'y a donc pas si longtemps : elle affirmait avec force qu'elle était le chef des procureurs, avec tout ce que vous pouvez en déduire quant à leur indépendance. M. Garraud nous dit, en commission, que ce sont des magistrats, et des magistrats indépendants ! Oui, ce sont des magistrats, mais leur indépendance est largement limitée.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, aussi longtemps que la majorité refusera de rompre avec l'ambiguïté qu'entraîne la confusion des rôles d'un homme assumant simultanément les missions d'autorité de poursuite, de juge de paix et de garant des libertés, tout en restant dépendant de l'exécutif – ce qui, convenez-en, met à mal l'indépendance du pouvoir judiciaire –, aussi longtemps que vous refuserez aux magistrats du parquet les mêmes garanties d'indépendance statutaire que celles accordées aux magistrats du siège, vous condamnerez la politique pénale de notre pays à ne pouvoir faire l'objet que d'aménagements à la marge, votre gouvernement ayant renoncé à mettre en oeuvre une réforme d'ampleur.

Je veux rappeler la position de la Cour européenne des droits de l'homme, car si les initiés savent ce que contiennent les deux arrêts qu'elle a rendus récemment, ce n'est pas le cas de tout le monde. L'arrêt Medvedyev, rendu contre la France, a été l'occasion pour la CEDH d'affirmer que « le magistrat doit présenter les garanties requises d'indépendance à l'égard de l'exécutif et des parties, ce qui exclut notamment qu'il puisse agir par la suite contre le requérant dans la procédure pénale, à l'instar du ministère public. » Selon la Cour européenne des droits de l'homme, l'autorité de poursuite ne peut donc pas être le juge devant lequel la personne privée de liberté est déférée pour juger de la légalité et de la nécessité de l'arrestation et de la privation de liberté. Or la garde à vue est une privation de liberté !

Dans un arrêt plus récent, condamnant la France pour violation de l'article 5, alinéa 3, la Cour considère que « du fait de leur statut ainsi rappelé, les membres du ministère public en France ne remplissent pas l'exigence d'indépendance à l'égard de l'exécutif qui, selon une jurisprudence constante, compte au même titre que l'impartialité parmi les garanties inhérentes à la notion autonome de magistrat au sens de l'article 5, alinéa 3 ». La Cour rappelle également que « les garanties d'indépendance à l'égard de l'exécutif et des parties excluent notamment qu'il puisse agir par la suite contre le requérant dans la procédure pénale ».

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Ce projet de loi est minimaliste : son ambition première était de contourner les obligations de la France en matière de protection des droits de l'homme par la création d'une forme de retenue sans droit, l'audition libre – que, fort heureusement, la commission des lois a rejetée, mais qui continue de rendre compte des intentions du Gouvernement, auxquelles il doit renoncer à contrecoeur : vous avancez à reculons !

Pour le reste, les dispositions du projet de loi restent timides, notamment pour ce qui est du rôle de l'avocat auprès de la personne gardée à vue durant ces auditions, ou encore des régimes dérogatoires de garde à vue, qui sont nombreux. Nous regrettons que le Gouvernement n'ait pas saisi l'occasion d'une réforme d'ampleur visant à assurer un meilleur respect des droits de l'homme dans la phase préparatoire du procès pénal.

Pour toutes ces raisons, notre groupe vous appelle à soutenir avec enthousiasme l'intervention de notre collègue Patrick Braouezec et à voter en ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur la motion de rejet préalable.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 128

Nombre de suffrages exprimés 128

Majorité absolue 65

Pour l'adoption 39

Contre 89

(La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Mes chers collègues, le scrutin pour l'élection d'un juge suppléant de la Cour de justice de la République a été clos à dix-huit heures.

Je vais maintenant vous communiquer le résultat du scrutin :

Nombre de votants 199

Nombre de suffrages exprimés 198

Majorité absolue …………100

M. Étienne Blanc ayant obtenu, avec 198 voix, la majorité absolue des suffrages exprimés, je le proclame juge suppléant de la Cour de justice de la République.

Il appartiendra à la conférence des présidents de fixer la date à laquelle aura lieu la prestation de serment du juge suppléant de la Cour de justice de la République.

(M. Jean-Pierre Balligand remplace M. Marc Le Fur au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la garde à vue (nos 2855, 3040).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Dominique Raimbourg.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, s'il est plus facile de défendre la motion de renvoi en commission que la motion d'inconstitutionnalité, dans leur esprit, les deux interventions sont similaires. L'obligation de statuer dans l'urgence nous place dans une situation difficile. Sans sombrer dans l'acrimonie en ressassant le passé, il nous faut cependant jeter un regard en arrière afin de comprendre les raisons pour lesquelles nous sommes amenés à statuer dans l'urgence.

Nous sommes en fait confrontés à une augmentation sans précédent des chiffres de la garde à vue. Vous avez dit, monsieur le ministre, que nous étions passés de 200 000 à 800 000 gardes à vue par an. Selon M. le rapporteur, nous sommes passés de 336 118 gardes à vue en 2001 à 792 193 en 2009 – ce qui, selon mes calculs, correspond à une multiplication par 2,35. Durant cette période, les services de police et de gendarmerie ont reçu des instructions très fermes visant à multiplier le nombre de gardes à vue, ce nombre étant d'ailleurs devenu un indicateur de l'activité et de l'efficacité des services de police.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Je ne méconnais pas ce qu'ont dit M. Huyghe et M. le rapporteur, qui ont expliqué que la jurisprudence de la Cour de cassation obligeait à placer en garde à vue dès lors qu'il existait un mécanisme de contrainte. Pour autant, faire du nombre de gardes à vue un indicateur de l'efficacité des services de police – une initiative du ministre de l'intérieur, devenu ensuite Président de la République – s'est obligatoirement traduit par une augmentation du nombre de gardes à vue. C'est la première des raisons pour lesquelles nous sommes obligés de statuer dans l'urgence.

La deuxième raison, que Jean-Jacques Urvoas a déjà évoquée dans son explication de vote, réside dans le fait que nous avons beaucoup tardé à comprendre que les conceptions respectives du droit européen et du droit français allaient entrer en conflit. Il aura fallu attendre l'arrêt Medvedyev, l'arrêt Salduz, rendu contre la Turquie en novembre 2008, l'arrêt Pishchalnikov, rendu contre la Russie en septembre 2009, l'arrêt Dayanan contre la Turquie, et finalement l'arrêt Brusco, rendu contre la France, pour comprendre que la garde à vue à la française n'allait pas résister à l'examen qu'allaient lui faire subir les juges inspirés par la législation européenne. Si l'on peut parfois penser que cette législation est un peu hésitante, un peu aléatoire, et d'une nature composite, puisqu'elle s'inspire de différentes législations et procédures, elle ne s'en applique pas moins à notre pays !

Les tribunaux français en ont tiré les conséquences qui s'imposent, j'en veux pour preuve la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 30 juillet 2010 et celle rendue par la Cour de cassation le 19 octobre 2010. Ces décisions nous obligent aujourd'hui à réformer dans l'urgence un élément très important de notre procédure pénale, à savoir la garde à vue. Au risque de paraître désagréable à certains, je me dois de souligner qu'il y a, sur ce point, un criant manque d'anticipation. Nous pouvions légitimement penser que le vieillissement de la procédure pénale allait être pris en compte et que, dès lors, les réformes s'imposant allaient être mises en oeuvre. Au lieu de quoi, le Président de la République qui avait instauré la religion des chiffres de la délinquance, régulièrement invoqués de façon incantatoire, nous lançait sur deux pistes.

Ainsi, en janvier 2009, lors de la rentrée solennelle de la Cour de cassation, il nous expliquait qu'il était nécessaire de supprimer le juge d'instruction. Branle-bas de combat, multiplication des commissions : tout cela pour que, deux ans plus tard, il ne soit plus question de cette hypothèse ! Aujourd'hui, nous sommes confrontés à une nouvelle injonction tout aussi pressante : instaurer des jurys populaires pour les tribunaux correctionnels.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Même si ce n'est pas le sujet qui nous occupe aujourd'hui, je dirai un mot sur cette idée : autant il est louable d'essayer d'associer les citoyens au fonctionnement de la justice, de faire en sorte que les décisions de justice soient comprises, admises et défendues par tous, autant l'idée d'instaurer, au sein des tribunaux correctionnels, des jurés populaires sur le modèle de la cour d'assises, est une chose infaisable.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

C'est infaisable techniquement : ayant déjà beaucoup de mal à réunir les jurés nécessaires aux 2 500 arrêts de cour d'assises rendus annuellement, nous ne trouverons jamais les jurés nécessaires pour rendre les 580 000 décisions des tribunaux correctionnels !

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

M. le ministre va mettre une commission en place !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

J'attends de voir comment les choses vont se passer, mais je pense que cela sera extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Je crains même que ce ne soit vrai, mon cher collègue ! C'est un fait : nous n'avons pas réagi suffisamment tôt pour trouver une solution à cette difficile question.

La deuxième observation préalable que je souhaite faire porte sur le statut du parquet. Comme M. Vaxès a commencé à l'expliquer tout à l'heure, il est absolument impossible d'aborder la question de la réforme de la garde à vue sans poser en préalable la question de la réforme du statut du parquet. Ce n'est pas là l'invention d'un juriste fou ou d'un chroniqueur judiciaire, mais l'avis que M. Jean-Louis Nadal, procureur général près la Cour de cassation, a exprimé lors de la rentrée solennelle de la Cour de cassation, le 7 janvier 2011. Ses mots sont extrêmement forts : selon lui, le parquet est aujourd'hui en situation de « coma dépassé », et il est nécessaire de supprimer le lien qui unit l'exécutif à la nomination des membres du parquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Je ne sais pas qui est visé, mais ce sont des propos très durs !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Il ne s'agit pas de fustiger tel ou tel corps. Nous qui observons au quotidien, depuis nos circonscriptions, le fonctionnement de la justice, savons que les procureurs sont des hommes et des femmes vertueux. Cependant, la vertu n'est pas suffisante : elle doit s'accompagner de l'apparence de la vertu. Or, le lien qui unit l'exécutif à la nomination des parquets fait que la moindre décision de justice – une décision par nature difficile, douloureuse, puisqu'elle tranche entre deux thèses – est entachée de suspicion. Il est nécessaire de mettre fin à cette suspicion, pour qu'à la vertu vienne s'ajouter l'apparence de la vertu.

Ce qui est nécessaire dans notre ordre juridique interne l'est tout autant dans l'ordre juridique international, car nous sommes également jugés à l'aune du droit européen, qui se construit avec les difficultés que l'on connaît, un droit européen qui veut que toute autorité judiciaire ne puisse avoir cette qualification qu'à la condition d'être indépendante par rapport au pouvoir exécutif – ce qui ne sera pas notre cas tant que nous n'aurons pas réformé le statut du parquet.

Monsieur le ministre, ce projet de loi qui ne tire pas les leçons de l'histoire et ne pose pas comme préalable une nécessaire révision du statut du parquet, fût-ce pour l'avenir, est évidemment insatisfaisant. C'est l'une des raisons pour lesquelles le groupe SRC demande un renvoi en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Mais ce n'est pas tout : comme cela a été dit précédemment, la question des moyens se pose également, avec une grande acuité.

Il n'est pas exact de dire qu'aujourd'hui, la garde à vue constitue uniquement un moyen d'enquête.

Elle remplit plusieurs fonctions.

Premièrement, elle est évidemment un temps de l'enquête, en particulier de l'enquête pénale.

Deuxièmement, elle est le cadre légal qui permet de retenir des gens qui ont été généralement appréhendés en flagrant délit. Ces personnes peuvent avoir troublé l'ordre public, par exemple en se battant à la sortie d'un bar, avoir été arrêtées par les équipes de police secours parce qu'elles commettaient des violences familiales, notamment en frappant leur conjoint – le plus souvent, d'ailleurs, il s'agit d'une conjointe –, ou pour tout autre motif, comme un flagrant délit de vol.

Le temps que les choses se calment un peu, la garde à vue est le cadre légal qui permet de garder un certain nombre de gens dans des cellules dont l'état laisse parfois à désirer, mais c'est là une autre question sur laquelle nous reviendrons éventuellement.

Troisièmement, la garde à vue permet un ajustement entre le flux des personnes amenées au commissariat par les services de police et les capacités de traitement de ce commissariat et de la justice.

En clair, les moyens sont calculés au plus juste ; l'organisation est pensée de telle façon que, la nuit, dans les commissariats, l'officier de police judiciaire de permanence n'a pas le temps de traiter les dossiers. Il se contente la plupart du temps de notifier la garde à vue aux personnes et de les informer de leurs droits. Il décide un placement en garde à vue jusqu'au lendemain matin, c'est-à-dire jusqu'au retour des services enquêteurs.

Dans le même temps, les deux mille procureurs qui sont chargés du contrôle ne sont pas en nombre suffisant pour assurer une permanence vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept en dehors de Paris et – peut-être – de la région parisienne. S'il y a un véritable contrôle jusqu'à vingt-trois heures, parce qu'une permanence est assurée par un magistrat d'astreinte, cela est difficile au-delà. Comme l'a expliqué tout à l'heure notre collègue M. Braouezec, on adresse un fax à un bureau vide ; l'activité judiciaire ne recommence que le lendemain matin.

Il n'y a pas dans mes propos la moindre critique : les moyens humains ne sont pas suffisants pour assurer de véritable contrôle.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Eh oui ! Il faut de l'argent, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Dans le projet, comme l'a indiqué Jean-Jacques Urvoas, ces difficultés véritables ne sont pas prises en compte. La question du traitement des affaires pendant la nuit n'est pas abordée, or elle doit l'être.

De la même façon, une manière un peu rapide de présenter le projet consiste à nous dire que l'on va passer d'une culture de l'aveu à une culture de la preuve.

La formule est bien faite et facile à comprendre, mais les policiers répondent, sans doute à juste titre, que nous ne sommes pas véritablement dans une culture de l'aveu. Il s'agit plutôt d'une culture de l'aveu circonstancié, c'est-à-dire que l'aveu est entouré de circonstances qui permettent de penser qu'il a une certaine crédibilité.

Quoi qu'il en soit, si l'on veut passer d'une culture de l'aveu à une culture de la preuve, cela veut dire que le travail policier risque d'être profondément modifié. Cela signifie que les moyens qui vont être affectés à la police doivent être à la mesure de cette modification.

Je lisais tout à l'heure un article écrit par l'un de nos collègues de l'UMP expliquant que, dans les Hauts-de-Seine, tous les commissariats ne disposent pas des bornes qui permettent les identifications anthropométriques et qu'il faudrait les en doter, de façon à pouvoir retrouver une certaine efficacité.

La perte d'efficacité que va forcément entraîner cette modification de la culture et du travail policiers n'a pas été pensée. Or il est selon moi nécessaire de le faire.

En ce qui concerne les moyens, la question de l'intervention des barreaux n'est pas, elle non plus, totalement pensée. M. le rapporteur s'est livré à des calculs très intéressants pour nous rappeler que près de la moitié – autour de 20 000 – des 52 000 avocats français est à Paris. Évidemment, chacun de ces 20 000 avocats exerçant à Paris intra muros doit prendre en charge un nombre de gardes à vue beaucoup moins important que ses confrères de province. Selon les calculs du rapporteur, on a trois gardes à vue par avocat et par an à Paris, contre cent quatre-vingt-quatorze en Guyane.

Certes, cela est un peu caricatural,…

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

…parce que la Guyane est très particulière, mais, dans certains départements, comme le Pas-de-Calais, on monte jusqu'à quatre-vingts gardes à vue par avocat et par an, parce que le nombre d'avocats est assez faible en comparaison de celui des gardes à vue. Nous sommes donc en présence d'une difficulté qui, elle non plus, n'est pas résolue.

Il y a aussi la question de la prise en charge financière de l'intervention des barreaux. Elle est aujourd'hui en cours de discussion, mais il est fort probable que, compte tenu du fait qu'il faudra assurer une réponse vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, il s'agira d'avocats de permanence, qu'il faudra forcément indemniser d'une façon ou d'une autre. Il est question que le budget passe de 15 millions d'euros à 80 millions, avec une indemnité qui comprendrait deux parties. Il y aurait une indemnité à l'acte et une indemnité de sujétion, mais tout cela est loin d'être bouclé et je ne vois pas quel accord pourrait se dessiner avec les barreaux. Nous sommes donc encore loin de l'application effective du texte.

Une fois faites ces objections portant sur le préalable que constitue le statut du parquet, sur l'absence de réflexion quant aux moyens et sur l'absence des moyens eux-mêmes, il reste aussi des questions d'ordre juridique.

La première concerne le traitement du contradictoire. Cette question est un peu complexe. La réforme de la garde à vue, telle qu'elle est envisagée, va viser et va avoir comme conséquence l'introduction du contradictoire, c'est-à-dire, selon le jargon des juristes, la discussion des preuves pendant la phase d'enquête. Or cette discussion a disparu petit à petit de notre procédure pénale.

En effet, elle était prévue devant les juges d'instruction, alors que ceux-ci ne traitent plus que 4 % environ des dossiers, soit 30 000.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

De leur côté, les tribunaux correctionnels prononcent 580 000 décisions par an. Cela veut donc dire, en clair, que dans 550 000 dossiers il n'y a pas de discussion contradictoire de l'enquête.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Cela signifie que ni l'auteur ni la victime n'ont accès au dossier avant l'audience devant le tribunal. Ils ne peuvent pas demander des investigations ou des expertises complémentaires ; ils ne peuvent ni discuter ni solliciter des éléments qui permettraient de rechercher une vérité nouvelle ou de comprendre les conditions dans lesquelles l'infraction a été constituée.

L'introduction de la garde à vue va changer cela, mais dans le temps très précis de la garde à vue. À cet égard, il nous manque des réponses sur deux sujets.

Premièrement, après la garde à vue, tout le monde n'est pas déféré, c'est-à-dire transporté au tribunal pour y comparaître immédiatement, soit devant un juge d'instruction, soit devant le tribunal correctionnel.

Ceux qui seront convoqués de nouveau et qui reviendront pour une audition qui se fera, cette fois, en dehors de la garde à vue – puisqu'ils seront revenus volontairement et qu'il n'y aura pas de contrainte exercée à leur encontre – seront privés de l'accès au dossier et du recours à un avocat. Ils auront été assistés par un avocat pendant un temps, celui de la garde à vue, mais ne le seront plus après.

Deuxièmement, vous avez rappelé à juste titre, monsieur le ministre, que, sur les 1,5 million de dossiers qui sont transmis au parquet avec un auteur identifié, il n'y a pas de garde à vue dans près de la moitié des cas.

Dès lors, ceux qui se seront présentés volontairement au commissariat, qui auront fait preuve en quelque sorte d'un esprit citoyen – ils auront tout simplement répondu à la convocation et seront venus s'expliquer –, ne bénéficieront pas de cette enquête contradictoire.

Nous sommes là au coeur d'une contradiction politique car il y aura deux régimes pour les personnes poursuivies : un pour ceux qui sont peut-être les plus récalcitrants, qui auront fait l'objet d'une mesure de garde à vue, et un autre pour ceux que j'appellerai les plus complaisants – ne voyez aucune critique de ma part dans l'usage de ce terme –, qui n'auront bénéficié d'aucun des droits attachés à la garde à vue.

Au-delà de la question du contradictoire, le texte pose celle du statut et du rôle du procureur. Pour que ce statut soit consolidé, la nomination doit être désormais indépendante du pouvoir exécutif, et cela quel qu'il soit, quelle que soit – pour dire les choses clairement – sa couleur politique.

Par ailleurs, le procureur est aussi l'autorité poursuivante. Si, aujourd'hui, la prolongation de la garde à vue peut être prononcée par le procureur sans trop de risques juridiques, il serait peut-être utile de la consolider en la transférant au juge des libertés et de la détention, le JLD.

Je mesure la difficulté car nous savons parfaitement que, si les deux mille procureurs n'arrivent déjà pas à contrôler effectivement la garde à vue, les cinq cents juges de la liberté et de la détention environ qui existent dans notre pays vont avoir encore plus de mal à le faire ; mais peut-être faut-il planifier la mesure dans le temps.

Il faudra également penser au statut des JLD. Il convient de le consolider pour que leur inamovibilité et leur grade soient suffisants.

Une autre difficulté, très importante, réside dans la décision de retarder la présence de l'avocat lors des auditions ou la possibilité pour l'avocat de prendre connaissance du dossier.

Si, comme nous l'explique la Cour européenne des droits de l'homme, le procureur est une autorité poursuivante, il est donc partie au procès. Or, dans l'esprit de la Cour de Strasbourg, aucune partie au procès, quand bien même elle aurait des prérogatives particulières – en l'occurrence, la charge de représenter l'intérêt général –, ne peut priver l'autre de ses droits.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

On peut trouver cela abusif et considérer que cela heurte nos traditions judiciaires, mais c'est la réalité et il faudra bien l'admettre, sans quoi nous encourrons à nouveau la censure de la Cour de Strasbourg.

Pour l'ensemble de ces raisons, nous avons affaire à un texte qui n'est pas complet, qui n'est pas totalement préparé. Vous ne vous donnez pas les moyens de l'appliquer. Par ailleurs, le texte ne tire pas toutes les conséquences des décisions condamnant certains pays, dont le nôtre, pour non-respect de la Convention européenne des droits de l'homme. En conséquence, nous sollicitons son renvoi en commission, de façon à le parfaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Cela va être dur de répondre, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Vous aurez le rapporteur à défaut du ministre, celui-ci ayant déjà répondu tout à l'heure !

Je voudrais répondre à notre collègue M. Raimbourg sur un certain nombre de points.

En ce qui concerne l'augmentation du nombre de gardes à vue, les chiffres sont connus de tous. Oui, il y a une vraie augmentation, comme je l'ai dit tout à l'heure, pour des raisons qui sont d'ailleurs diverses.

Elle tient d'abord à ce que j'appellerai l'indice de référence ; nous connaissons le débat qui existe sur ce sujet.

Elle tient ensuite, ne l'oublions pas, à des questions de sécurité juridique. La chambre criminelle de la Cour de cassation elle-même, en 2000 et en 2003, a réaffirmé avec force le caractère de protection de la garde à vue. Du coup, on a eu une sorte d'emballement.

Ces chiffres, personne ne les conteste donc, bien évidemment,…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

…et nous partageons votre sentiment sur ce point.

En revanche, dire que le Gouvernement a beaucoup tardé me semble vraiment abusif. La réforme de la procédure pénale est engagée depuis maintenant de longs mois, vous le savez pour avoir participé à des groupes de travail sur ce sujet à la Chancellerie.

Il y a donc eu une anticipation. Il est vrai aussi qu'il y a eu une accélération ces derniers temps, je n'ose parler d'une course de vitesse entre le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation.

Je n'oublie pas non plus le rôle qu'a pu jouer la réforme constitutionnelle de 2008, voulue par la majorité, qui a introduit les questions prioritaires de constitutionnalité. C'est aussi à l'occasion de leur examen que le Conseil constitutionnel a fait évoluer sa jurisprudence. Le reproche de ne pas avoir anticipé me paraît donc totalement infondé.

Vous demandez aussi que le statut du parquet soit réglé au préalable. Mais il ne faut pas mélanger les choses ! Sans doute, la question peut se poser. Elle découle de la jurisprudence de la CEDH, mais aussi de la Cour de Cassation. Peut-être le débat devra-t-il s'ouvrir, à un moment ou à un autre, de façon plus large qu'aujourd'hui, mais en ce qui concerne la garde à vue la question ne me semble pas se poser : la Cour de Cassation, dans son arrêt du 15 décembre 2010, a tranché.

Certes, elle a évoqué la difficulté que représente le statut du parquet – je veux bien entendre pour une part l'argument –, mais elle a réaffirmé qu'il était tout à fait possible que le parquet contrôle la garde à vue. Sur ce point, il me semble donc que la décision nous donne entière satisfaction.

La question des moyens se pose, sans doute. Je l'ai du reste évoquée, comme d'autres. Il s'agit d'abord des moyens de l'aide juridictionnelle, mais je crois que, là aussi, nous avons au moins pour une part répondu à cette question et aux attentes. La loi de finances initiale pour 2011 se traduit ainsi par une très nette augmentation de l'aide juridictionnelle.

Sans doute, là aussi, y aura-t-il quelques ajustements à opérer, mais à chaque jour suffit sa peine. La réforme entrera en vigueur le 1er juillet ; nous nous retrouverons dès le mois d'octobre pour débattre de la loi de finances pour 2012 : il sera alors temps de regarder si les budgets prévus cette année pour l'aide juridictionnelle sont, ou pas, suffisants. Mais, d'ores et déjà, l'augmentation est très importante.

Les barreaux, vous avez raison, devront se réorganiser, nous sommes nombreux à en convenir. Mais en l'état actuel du texte qui nous est soumis, rien ne les en empêche. Il nous revient d'organiser la garde à vue ; aux barreaux de s'organiser, librement, comme ils l'entendent. Il me semble qu'il n'y a pas non plus de manquement de la commission sur ces points.

Quant au contradictoire, nous voyons, c'est vrai, une évolution importante : sans doute le mode accusatoire s'efface-t-il un peu. Je suis pour ma part très attaché à notre droit continental ; mais qu'il soit mâtiné d'autres influences n'est pas nécessairement choquant.

C'est là un vrai débat, qui va au-delà de nos discussions sur ce projet de loi : quel type de droit voulons-nous ? Je défends pour ma part le droit continental. L'approche du droit anglo-saxon est autre ; son économie, sa façon de penser sont différentes. Et, ma foi, je ne vois pas pourquoi nous devrions nous y soumettre.

Ce projet de loi me semble équilibré. Certes, il apporte des modifications, et introduit du contradictoire dans l'enquête – la garde à vue, je le rappelle, fait partie de la phase d'enquête. Mais il ne s'agit pas de reproduire ce que l'on ne nous demande pas.

Pour toutes ces raisons, sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir, ce projet de loi me paraît équilibré. Il fait rentrer l'avocat, sans regret, je le dis à nouveau : celui-ci sera présent, et pas seulement pour faire joli dans le décor ; il sera présent pour intervenir, et nous avons prévu un délai de carence. Nous sommes ainsi respectueux des droits de la défense.

D'un autre côté, ce dispositif permet aux forces de l'ordre de travailler correctement ; l'officier de police judiciaire assurera toujours la police de l'audition, ce qui est bien la moindre des choses.

Enfin, en contrepartie de droits nouveaux, les responsabilités nouvelles des avocats sont affirmées.

La commission a travaillé dans le calme et la sérénité, souverainement, sans précipitation. Nous nous sommes réunis le 15 décembre ; les amendements déposés au titre de l'article 88 du règlement ont été examinés aujourd'hui. Il s'est donc écoulé un mois supplémentaire. Nous avons eu avec le Gouvernement de nombreux échanges.

L'audition libre, qui faisait débat, est aujourd'hui écartée, tant par la commission que par le Gouvernement et par un certain nombre de collègues qui auraient souhaité y revenir.

Il n'est donc absolument pas nécessaire de renvoyer ce texte en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Nous en arrivons aux explications de vote.

La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

J'emploierai un mot de M. Vaxès : j'ai trouvé, monsieur Raimbourg, votre intervention très intéressante, et j'estime que le débat n'est pas médiocre. Mais je n'en tire pas les mêmes conclusions que vous.

Vous avez posé de nombreuses questions, que nous allons poser nous aussi – comme nous l'avons déjà fait en commission des lois. Monsieur le ministre, ce projet de loi se veut une avancée pour les libertés : cela exigera des moyens. Si nous allons jusqu'au bout de la logique de notre collègue Raimbourg, je ne crois pas qu'il faille renvoyer le texte en commission : il faut au contraire que nous débattions dans cet hémicycle.

Le Gouvernement a choisi de ne pas retenir la procédure d'urgence. Il y aura donc deux lectures, ce qui est tout à l'honneur du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Mais le Conseil constitutionnel a fixé un délai : au mois de juillet prochain, la garde à vue doit avoir été réformée. Si l'on veut que ce texte fasse l'objet d'une discussion approfondie avec le Sénat, il y a urgence à engager tout de suite, dans l'hémicycle, la discussion sur le fond.

C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre appelle au rejet de cette motion de renvoi en commission. Mais je salue la qualité de l'intervention de M. Raimbourg, qui était pleine de bon sens. Il a posé des questions que nous serons nombreux, sur tous les bancs de cet hémicycle, à poser ; nous y reviendrons tout à l'heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Huyghe

J'irai dans le même sens que M. Hunault. J'ai, comme lui, écouté votre intervention avec beaucoup d'intérêt, monsieur Raimbourg. Mais, dans vos propos, rien ne justifie un renvoi en commission.

Certes, vous avez posé de nombreuses questions sur le calendrier et sur l'opportunité du vote de ce texte. Mais le renvoyer en commission ne changerait pas ces circonstances ! Vous dites, ainsi, que nous devons légiférer dans l'urgence ; vous en avez évoqué les raisons : c'est, notamment, l'augmentation du nombre de gardes à vue. Je vous renvoie à la réponse que j'ai faite tout à l'heure à M. Braouezec : retourner en commission n'influerait pas sur le nombre de gardes à vue qui ont eu lieu par le passé.

Nous avons, dites-vous, beaucoup tardé : il a fallu plusieurs décisions de la Cour européenne des droits de l'homme pour que nous en venions à faire cette réforme. Mais le Gouvernement avait, je vous le rappelle, prévu sous l'impulsion du Président de la République une réforme d'ensemble de la procédure pénale. Vous l'avez dit vous-même : des groupes de travail avaient été mis en place. Avec ceux-ci, le Gouvernement en était arrivé à un avant-projet comportant 700 articles, qui devaient réformer en profondeur notre procédure pénale.

Il aurait dû s'agir d'une réforme d'ensemble, cohérente ; elle incluait une réforme de la garde à vue. Mais un tel projet ne peut pas aboutir du jour au lendemain.

Le Président de la République avait d'ailleurs anticipé les grands principes de la garde à vue. Vous avez cité sa phrase : il a dit, il y a longtemps, vouloir substituer à la culture de l'aveu la culture de la preuve.

J'entends bien, par ailleurs, votre souhait de modifier le statut du parquet. Voilà encore une question dont il me semble qu'elle devrait être étudiée dans le cadre d'une réforme d'ensemble de notre procédure pénale. Vous l'avez d'ailleurs reconnu : ce ne doit pas être un préalable à la réforme de la garde à vue. La question de la réforme du statut du parquet ne justifie donc en rien le renvoi en commission.

Vous avez enfin prononcé un long plaidoyer sur la question des moyens. Je partage votre constat : cette réforme nécessitera effectivement une augmentation substantielle des moyens accordés à la justice, et je le dirai d'ailleurs tout à l'heure dans mon intervention. Mais, là encore, rien ne justifie le renvoi en commission : la question des moyens relève de la loi de finances, et non du texte soumis aujourd'hui à notre assemblée.

Quant au principe du contradictoire, nous en avons longuement débattu en commission ; nous nous sommes en particulier penchés sur le périmètre de l'intervention de l'avocat. Vous n'avez pas peut-être eu satisfaction, mais la commission a tranché.

Si nous passons immédiatement à la discussion de ce projet, nous pourrons à nouveau débattre de ces questions dans l'hémicycle.

Les points que vous avez soulevés ont donc tous été évoqués en commission. Sur un certain nombre de sujets, vous n'avez pas obtenu satisfaction ; c'est le jeu de la démocratie. Mais vous ne pouvez pas nier que la commission a joué pleinement son rôle, et apporté au texte du Gouvernement des modifications très substantielles : elle a supprimé l'audition libre, instauré un délai de carence de deux heures, précisé le rôle de l'avocat lors de la garde à vue.

Notre commission des lois a donc bien fait son travail ; il est temps de passer à la discussion de ce projet équilibré dans l'hémicycle. C'est pourquoi le groupe UMP votera contre cette motion de renvoi en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Depuis plusieurs années, cette majorité et les gouvernements qui se sont succédé ont pratiqué, sur la question de la garde à vue, la politique de l'autruche.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Vous avez ignoré les alertes successives ; à nos interrogations, vous avez systématiquement répondu qu'il n'y avait pas de problème, et que nos analyses juridiques n'étaient pas justes. Vous êtes allés jusqu'au bout de l'irresponsabilité…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

…ce qui nous amène aujourd'hui à légiférer dans une situation incroyable.

Il n'y a pas de précédent à cette situation où le Conseil constitutionnel a été obligé de constater que les textes n'étaient pas conformes à la Constitution, et que des décisions de juridictions européennes posaient aussi problème. La situation était si grave qu'il a dû non seulement la constater, mais aussi fixer au législateur – qui ne s'était pas préoccupé de la situation – un délai, jusqu'au mois de juillet 2011, pour régulariser la situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Il fallait le faire dans la loi du 15 juin 2000 !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Nous voilà donc dans une incroyable situation où s'appliquent des textes que le Conseil constitutionnel considère comme contraires à nos principes fondamentaux : il fallait y arriver !

Et ce n'est pas le résultat du hasard : au cours des quelques jours que vont durer nos débats, nous pourrons rappeler la teneur de quelques-unes de vos interventions. Aujourd'hui, la lecture en est parfois cruelle : nous avions, par exemple, déposé une proposition de loi visant à assurer la présence de l'avocat pendant toute la garde à vue ; et la lecture des journaux officiels nous rappelle les points de vue qui s'étaient exprimés, et certaines brillantes démonstrations juridiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Nous vous rappellerons aussi certains de vos propos !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Il est vrai qu'on ne disait pas la même chose sur tous vos bancs. Mais, monsieur Garraud, vous qui étiez porte-parole du groupe UMP, vous répondiez à André Vallini, il y a moins d'un an : « J'observe en outre qu'aucune cour d'appel ni la Cour de cassation n'ont eu à se prononcer sur la question de la présence de l'avocat. »

Quand on sait ce qu'il est advenu, on peut dire que votre position était visionnaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Et si vous n'avez pas agi, c'est que ceux parmi vous qui étaient attachés au débat juridique n'avaient pas droit à la parole ; nous avons d'ailleurs retrouvé ce clivage au sein de la commission, et nous allons le retrouver en séance publique.

En effet, le discours sécuritaire est évidemment en contradiction complète avec ces dispositions relatives à la garde à vue que nous sommes obligés, sous la contrainte, d'inscrire dans notre droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Il y a un paradoxe fondamental dans les statistiques : cette majorité aura réussi à nous vanter ses résultats en termes de diminution de la délinquance et de l'insécurité, tout en laissant exploser le nombre de gardes à vue. Cherchez l'erreur.

Peut-être sommes-nous alors les champions de l'erreur judiciaire, mais on ne peut pas expliquer, comme vous le faites, que le nombre de gardes à vue a augmenté de 70 % en quatre ans, tout en prétendant que la délinquance a baissé !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Il y avait bien une erreur quelque part, et cette erreur, c'est évidemment le recours abusif aux gardes à vue.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

À tel point que la question n'est pas un débat juridique de procédure pénale. L'explosion des gardes à vue est devenue un débat de liberté publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Et elle est ressentie ainsi par nos concitoyens.

La question n'est pas de savoir comment il faut faire pour attraper des délinquants, il n'y a pas de différence entre nous.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Simplement, le fait que des gens qui n'avaient jamais eu affaire ni à la police ni à la gendarmerie se soient retrouvés, pour des infractions routières, dans une situation qu'ils considèrent, eux, citoyens intégrés, citoyens responsables, comme une humiliation – ce que vous devez entendre – n'est pas acceptable. Une telle dérive n'est pas normale.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Le problème, c'est que vous ne mettez fin à cette dérive que sous la contrainte.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Les premières décisions remontent à 2008, après que le comité européen contre la torture eut dénoncé, en 2007, les conditions de garde à vue en France. Je n'invente pas, c'est la réalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Mais, lorsque nous vous interpellions, année après année, proposition de loi après proposition de loi, vous nous répondiez : « circulez, il n'y a rien à voir ». Et, aujourd'hui, vous nous dites qu'il n'y a pas d'autre solution que de voter le texte que vous proposez.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Mais quel texte ? Le texte d'origine ? Le texte issu de la commission des lois ou le texte qui tient compte des amendements du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Les désaccords portent sur des questions de principe.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

C'est pourquoi nous proposons que le texte soit renvoyé en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Les amendements du Gouvernement déposés au titre de l'article 88 du règlement, que nous n'avons donc pas discutés, reviennent sur des avancées importantes concernant le rôle du parquet dans le contrôle de la détention. C'est un débat de fond, et tout le monde, dans votre camp, monsieur Garraud, ne pense pas comme vous – j'ai lu la tribune du Figaro. C'est d'ailleurs ce qu'a dit la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Cela veut dire que nous allons voter un texte dans un climat d'insécurité juridique totale. En effet, vous nous faites prendre le risque, puisqu'il y a débat jusque dans vos rangs, d'une annulation des procédures qui seront en cours.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Quand on prétend défendre les victimes, valeur que nous pouvons partager, on doit admettre que cette sécurité juridique est un droit que nos concitoyens doivent pouvoir attendre de nos délibérations. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Il suffit de lire les amendements qui ont été déposés il y a quelques heures par le Gouvernement contre le texte de la commission des lois pour se rendre compte de cette insécurité juridique.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Quand le groupe socialiste vous demande, par la voix de Dominique Raimbourg, de renvoyer le texte en commission pour débattre de toutes ces questions, vous ne pouvez pas repousser cette demande d'un revers de manche, parce qu'il s'agit non seulement de liberté publique mais aussi de droit à la sécurité juridique.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Vous êtes contre l'avocat à la première heure ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Avec ce texte mal préparé, mal travaillé et voté dans l'urgence, vous prenez le risque de nouvelles annulations.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Dès lors, vous aurez abouti exactement à l'inverse de ce que vous cherchiez.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Soyons clairs, vous êtes contre l'avocat à la première heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Je sais que cela ne vous plaît pas, mais c'est la situation à laquelle votre incurie depuis des années nous amène aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Ce n'est pas obligatoire mais c'est nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Ce n'est pas forcément suffisant mais c'est une nécessité de participer à ce débat démocratique.

Il est difficile d'intervenir après la démonstration, très argumentée, très brillante, de notre collègue Dominique Raimbourg. Mais j'ai le sentiment que le Gouvernement navigue à vue pour une réforme de la garde à vue. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

En effet, vous agissez sous la contrainte des exigences. D'autres l'ont dit avant moi, notamment mon collègue Vidalies : vous proposez cette réforme parce que vous êtes contraints par une série d'arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme et parce que vous voyez bien que la culture de l'aveu, dont nous sommes les héritiers dans nos pays latins – souvenons-nous des traces de l'Inquisition – ne correspond absolument pas à la garantie de nos libertés. Plutôt qu'un débat de politique politicienne, la vraie question qui se pose ici, notre collègue Vidalies a eu raison de le dire, c'est celle de la garantie de nos libertés, comme tout à l'heure à propos du Défenseur des droits.

Le projet que vous nous proposez est en effet un texte flou, un texte qui n'est pas sécurisé. Le texte que vous proposiez, monsieur le garde des sceaux, après Mme Alliot-Marie, a été en partie détricoté par la commission des lois et vous vous êtes empressé de revenir à la charge, grâce à l'article 88 du règlement, pour abaisser la portée de cette réforme sur laquelle nous pourrions nous entendre si les amendements que nous allons présenter dans le cours du débat étaient acceptés.

Nous avons pu constater, et la discussion le prouvera, que tous les parlementaires de la majorité ne sont pas d'accord.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Un certain nombre d'entre eux, qui sont des juristes chevronnés, qui siègent depuis longtemps à la commission des lois, ont bien vu les aspérités ou les failles de votre projet. Je suis d'accord avec eux et avec les députés de gauche sur le fait qu'il n'y aura pas de réforme de la garde à vue qui corresponde à ce que nous souhaitons, c'est-à-dire à la mise en place d'une sorte d'habeas corpus à la française, tant que le procureur gardera son statut de dépendance hiérarchique vis-à-vis du garde des sceaux, donc tant qu'il n'y aura pas de découplement entre le procureur dépendant du garde des sceaux et le travail d'un magistrat. C'est pourquoi nous nous battrons, dans la discussion, sur le rôle que doit jouer le juge de la liberté et de la détention et sur la question du contrôle de la garde à vue par le procureur, qui dépend d'un pouvoir hiérarchique.

Notre collègue Raimbourg a eu raison de mettre l'accent sur ce qui nous paraît finalement le plus important mais qui n'apparaît pas le plus évident dans la discussion : il y a certes le problème du statut du procureur, ou cette hésitation qui a été la vôtre quant à la fameuse audition libre, mais le plus important, et ce qui constitue la plus grande pénalité pour cette réforme, c'est l'absence de moyens.

Vous allez nous faire débattre et demander à votre majorité de voter une réforme qui finalement n'est pas financée, qui remet en cause, à juste titre, le rôle du policier dans le processus d'interrogatoire et qui introduit ce que l'on appelle le contradictoire. C'est vrai qu'un policier ne va pas interroger de la même manière un témoin mis en garde à vue s'il est seul face à lui ou si un avocat est présent.

Vous nous proposez une réforme au rabais, une réforme sous la contrainte, qui n'a pas pris le temps d'un réel débat alors même qu'il s'agit de replacer la France à un niveau de défense des libertés qui soit équivalent à celui que l'on connaît dans nombre de pays de l'Union européenne.

Donc, une fois encore, vous êtes dans la logique qui était celle du Président de la République lorsqu'il était ministre de l'intérieur dès 2002, et qui est celle de son actuel ministre de l'intérieur, qui s'appuie sur la politique du chiffre. Cela vient d'être rappelé : on a subi une augmentation quasiment explosive des gardes à vue puisqu'on est passé de 300 000 en 2002 à plus de 800 000 en 2010 et encore, on n'y intègre pas forcément les mises en garde à vue pour délits routiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Cela en dit long sur la politique productiviste de la police et de la justice : la garde à vue est devenue en quelque sorte le PIB de la justice. Est-ce cela que nous devons faire ? Devons-nous être des parlementaires qui cautionnent une politique de petit épicier en termes de justice et de police ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Non, nous ne l'acceptons pas.

Nous ne sommes pas dans la posture de ceux qui refusent systématiquement toutes les réformes, nous espérons que le débat et les amendements qui ont été déposés par les députés de l'opposition ou par nos collègues de la majorité permettront de parvenir à une réforme qui soit non pas une réforme en trompe-l'oeil, vécue comme une obligation et une douleur pour le Gouvernement, mais une réforme qui arrive à ce que nous voulons, c'est-à-dire un habeas corpus à la française. À l'heure où nous parlons, nous sommes encore loin du compte et c'est la raison pour laquelle nous soutenons avec fermeté la demande de renvoi en commission qui a été défendue brillamment par notre collègue Raimbourg. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heure trente :

Suite de la discussion du projet de loi relatif à la garde à vue.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma